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CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 24 janvier 2024, n° 21/21679

PARIS

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CA Paris n° 21/21679

24 janvier 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRÊT DU 24 JANVIER 2024

(n° , 48 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/21679 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CE2AK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Novembre 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BOBIGNY - RG n° 18/00547

APPELANTES

Mme [PG] [WC] épouse [B]

née le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 29]

[Adresse 21]

[Localité 23]

Mme [A] [B]

née le [Date naissance 5] 1984 à [Localité 29]

[Adresse 21]

[Localité 23]

Représentées par Me Nicolas LECOQ VALLON de la SCP LECOQ VALLON & FERON-POLONI, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187, avocat postulant et plaidant

ayant également pour avocat plaidant Me Emmanuelle-Marie GUERRY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0187

INTIMÉE

S.A. ORANGE BANK

[Adresse 22]

[Localité 24]

N° SIRET : 572 043 800

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

Représentée par Me Bernard VATIER de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280 avocat postulant et plaidant

ayant également pour avocat plaidant Me Ludovic GAYRAL de l'AARPI VATIER, avocat au barreau de PARIS, toque : R280

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Vincent BRAUD, Président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

MME Laurence CHAINTRON, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Vincent BRAUD, Président, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Vincent BRAUD, Président, et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

Monsieur et Madame [WC] étaient titulaires d'un compte-titres dans les livres de la BFDT devenue la BPGF, filiale de Paribas. Lors de la privatisation de cette dernière, BPGF a été cédée à la banque Pallas Stern France.

Le 8 janvier 1988 les époux [WC] ont transféré leur portefeuille de la banque Pallas Stern France à la Banque pour l'industrie française (BIF).

Monsieur [I] [WC] est décédé le [Date naissance 19] 1995 en léguant à son épouse [F] [PP] l'usufruit de tous ses biens et à sa petite-fille [A], fille de [PG], son unique enfant, la moitié en nue-propriété de tous ses biens.

Madame [F] [PP] a fait donation au profit de [PG] [B] et d'[A] [B], chacune pour moitié indivise, de ses droits en usufruit recueillis dans la succession de son époux.

En 1999, la banque BIF, qui était la banque du groupe Gan, lequel avait été acquis par le groupe d'assurances mutuelles Groupama en 1998, à la suite de sa privatisation, a intégré le groupe Goupama, a fusionné avec la Banque financière Groupama et a changé de dénomination pour s'appeler Banque Finama.

Mi-décembre 1999, la Banque Finama a informé mesdames [B] qu'elle n'assurerait plus la tenue de leurs comptes à compter du 1er janvier 2000.

Le 28 janvier 2000, la Banque Finama a adressé un relevé de leur compte-titres à mesdames [B] récapitulant les titres inscrits en compte au 31 décembre 1999, pour un montant de 83 588 266,95 euros pour [PG] [B] et 26 854 326,70 euros pour [A] [B].

Madame [F] [PP] épouse [WC] est décédée le [Date décès 7] 2005, laissant pour lui succéder sa fille [PG] [B].

Madame [PG] [WC] épouse [B] et [A] [B] ont donc hérité de l'ensemble des avoirs de leurs parents et grands-parents, au nombre desquels figurent des titres inscrits dans les livres de la société BLMIS ([V] [TN] Investments Securities).

Le 12 décembre 2008, mesdames [B] ont appris que [V] [TN] avait été incarcéré, qu'il s'était rendu coupable d'une gigantesque escroquerie, et qu'ainsi leurs avoirs évalués par la société BLMIS en novembre 2008 à 303 053 154 euros (82 419 483 euros pour [A] [B] et 220 633 671 euros pour [PG] [B]) selon les montants déclarés à l'administration fiscale, étaient en réalité inexistants.

Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte le 23 décembre 2008 à l'égard de la société BLMIS et maître [AI] [GD] a été désigné comme mandataire judiciaire.

Le 17 janvier 2009, mesdames [B] ont déclaré leurs créances (335 075 000 dollars américains pour [PG] [B] et 123 175 000 dollars américains pour [A] [B]) correspondant selon elles à des bons du Trésor américain acquis le 31 octobre 2008 et figurant sur le relevé de novembre 2008, entre les mains du liquidateur judiciaire qui les a rejetées le 17 septembre 2010, en précisant qu'aucun titre n'avait été acquis pour leur compte et que les relevés étaient fictifs.

Le 21 septembre 2010, maître [GD] a rejeté pour les mêmes raisons une déclaration de créance de [PG] [B] effectuée au nom de la succession [F] [WC].

Par acte extrajudiciaire en date du 21 décembre 2010, madame [PG] [WC] épouse [B] et madame [A] [B] ont assigné la société Groupama Banque, qui était venue aux droits de la Banque Finama à compter du 30 novembre 2009, aux droits de laquelle vient la société Orange Bank, à compter du 16 janvier 2017, devant le tribunal de grande instance de Bobigny et ont demandé à cette juridiction, essentiellement, de « dire et juger que Groupama Banque a engagé sa responsabilité faute d'avoir respecté son obligation quant à la vérification de la détention effective et valeurs par la BMIS [en réalité BLMIS], que Groupama Banque a violé ses obligations en qualité de teneur de compte-conservateur faute d'avoir exigé de la BMIS [BLMIS] la fourniture de son agrément par l'Autorité de Contrôle, que Groupama Banque a engagé sa responsabilité en qualité de prestataire de services d'investissement, faute d'avoir évalué la compétence des clients et vérifié que les opérations réalisées étaient adaptées, de dire et juger que Groupama Banque a engagé sa responsabilité faute d'avoir transmis aux requérantes les informations dont elle avait connaissance à propose de la gestion de la BMIS [BLMIS], en conséquence, de condamner Groupama Banque à payer, à [PG] [B] la somme de 220.633.671€, à Madame [A] [B] la somme de 82.419.483€, de condamner Groupama Banque à payer les intérêts légaux sur cette somme à compter du 11 décembre 2018 (avec capitalisation), subsidiairement de condamner (sic) tel expert qu'il conviendra au tribunal afin de déterminer la progression de l'épargne des requérants entre le mois de décembre 1999 et le mois de décembre 2008 si elles avaient adopté des véhicules d'investissement offrant les mêmes performances et la même volatilité que la gestion apparente de la BMIS [BLMIS], de condamner Groupama Banque à payer aux requérantes la somme de 5 millions d'euros au titre de leur préjudice moral, de condamner Groupama Banque à payer aux requérantes la somme de 50.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Par acte du 12 novembre 2010, reçu le 8 mars 2011, le liquidateur judiciaire de la société BLMIS aux États-Unis a engagé une procédure dite de « clawback » devant la juridiction new-yorkaise à l'encontre de mesdames [B] afin qu'elles soient condamnées à lui restituer, à titre principal, les retraits (nets de dépôts) effectués à leur profit au cours des 6 années ayant précédé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société BLMIS, soit au total une somme de 152 114 085 dollars, à titre subsidiaire, les retraits (nets de dépôts) effectués à leur profit au cours des 2 années précédant l'ouverture de la liquidation judiciaire, soit au total 25 104 399 dollars.

Devant le tribunal de Bobigny, mesdames [B] ont soulevé un incident de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure engagée aux États-Unis contre elles.

Par ordonnance en date du 17 décembre 2013, le juge de la mise en état a dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer.

Par arrêt en date du 19 juin 2014, la cour d'appel de Paris a infirmé cette décision et dit qu'il sera sursis à statuer sur l'action engagée par mesdames [B] devant le tribunal de grande instance de Bobigny jusqu'à l'issue de la procédure engagée par le liquidateur judiciaire de la société BLMIS à l'encontre de mesdames [B] aux États-Unis.

Le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté par la Cour de cassation le 24 septembre 2016.

Le 6 juin 2017, un accord est intervenu avec les autorités américaines dont il ressort pour l'essentiel que :

' Mesdames [B] ont reçu des virements annulables à hauteur d'un montant de 25 104 399 dollars provenant des comptes BLMIS pendant la période de deux ans précédant la découverte de la fraude.

' Mesdames [B] s'engagent à payer au mandataire judiciaire la somme de 7 500 000 dollars (72,5 % de cette somme devant être acquittée par [PG] [B] et 27,5 % par [A] [B]) ainsi que, le cas échéant, 35 % de la somme recouvrée par elles dans le cadre de l'action engagée contre Groupama Banque, et 35 % de la somme qu'elles recouvreraient le cas échéant à l'issue des recours fiscaux exercés pour obtenir le remboursement de l'impôt sur la fortune qu'elles ont acquitté, étant précisé que leur recours a été rejeté par la cour d'appel de Paris le 27 février 2017, le recouvrement de la totalité des sommes perçues intervenant dans la limite de 25 104 399 dollars.

Cet accord a été homologué par le tribunal des faillites de New-York par jugement en date du 23 juin 2017, lequel a fait l'objet d'un jugement d'exequatur rendu le 14 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris.

Le 29 décembre 2017, mesdames [B] ont signifié des conclusions de rétablissement aux termes desquelles elles ont demandé la condamnation de Groupama Banque à payer, à [PG] [B] la somme de 220 633 671 euros, à madame [A] [B] la somme de 82 419 483 euros, ainsi que celle de 128 818 365 euros au titre des conséquences fiscales de la fraude [TN] et de 7 034 985 euros, montant de la somme qu'elles devaient verser au liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 19 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

' déclaré les consorts [B] recevables mais mal fondés en toutes leurs prétentions et les en a déboutés ;

' déclaré Orange Bank recevable mais mal fondée en sa demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et l'en a déboutée ;

' condamné les consorts [B] in solidum à payer à Orange Bank la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' débouté les consorts [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la décision ;

' condamné les consorts [B] in solidum aux entiers dépens.

Pour statuer comme il l'a fait le tribunal a tout d'abord :

' rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil dont il résulte que le point de départ de la prescription quinquennale régissant les actions en responsabilité ne court qu'à compter de la manifestation du dommage. Il a noté qu'il résultait du rappel des faits figurant dans le protocole d'accord conclu avec le liquidateur judiciaire de BLMIS qu'il n'était pas prouvé que mesdames [B] « avaient reçu les virements avec un manque de bonne foi et connaissaient la fraude de BLMIS avant sa chute ». Il a dit qu'il convenait de juger que mesdames [B] avaient découvert leur préjudice directement consécutif à l'effondrement de la pyramide de Ponzi le 12 décembre 2008 et plus encore les 17 et 21 septembre 2010, date auxquelles le liquidateur judiciaire a rejeté leurs déclarations de créances et qu'ainsi en assignant la banque par exploit d'huissier en date du 21 décembre 2010, elles avaient agi dans le délai de 5 ans de sorte que leurs demandes sont recevables ;

' dit que la prescription était interrompue s'agissant de demandes additionnelles à la même date que la demande initiale si elles se rattachent à cette demande par un lien de connexité suffisant, que tel était le cas pour la somme de 128 818 365 euros qui correspondait au montant des impôts que mesdames [B] ont finalement acquittés et pour celle de 7 034 985 euros qui correspondait à la conversion de la somme en euros qu'elles s'étaient engagées à verser au liquidateur judiciaire, ces demandes représentant un préjudice en lien avec les griefs reprochés à Orange Bank ;

' sur le fond, le tribunal a jugé que BIF/Orange Bank ne s'était vu confier ni un mandat de gestion, même tacite, ni un mandat de conservation des titres, mais seulement un mandat d'administration dans le cadre de ses attributions de teneur de compte et qu'à ce titre mesdames [B] ne faisaient la démonstration d'aucun manquement fautif imputable à la BIF/Orange Bank en lien de causalité directe avec les préjudices dont elles demandent l'indemnisation. Il a ajouté qu'elles ne rapportaient pas non plus la preuve que la banque ait connu l'existence du montage frauduleux mis en œuvre par la BLMIS et qu'elle aurait retenu cette information dans son seul intérêt manquant à leur égard à son devoir d'information, de mise en garde et de conseil et manquant aux règles de bonne conduite.

Il a également dit que mesdames [B] ne faisaient pas la démonstration qu'elles auraient subi un quelconque préjudice, qu'elles ne sauraient prétendre avoir subi un préjudice financier né de la perte de leurs avoirs dans le cadre de la fraude [TN] dès lors que leurs prétendues créances ne reposent que sur des titres fictifs et qu'elles ont perçu des fonds supérieurs aux montants pouvant correspondre à des dépôts effectifs, prélevés sur des comptes de tiers, ainsi que le démontrent les écrits du liquidateur judiciaire, qu'ensuite elles ont été imposées sur des sommes effectivement transférées sur leurs comptes ouverts en France, impôts normalement dus en leur qualité de contribuable, étant précisé que les pénalités ont été remboursées par le Trésor public, de sorte qu'elles ne peuvent justifier d'aucun préjudice de nature fiscale, enfin que la somme versée au liquidateur judiciaire est la contrepartie des concessions qui leur ont été accordées, qu'elles ont librement négociées et acceptées et notamment l'abandon des poursuites engagées contre elles ;

' sur la procédure abusive, le tribunal a dit qu'Orange Bank ne démontrait pas que mesdames [B], au moyen de la procédure engagée à son encontre, auraient cherché à lui nuire et lui auraient causé un préjudice distinct de celui qui est suceptible d'être réparé sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations régularisées le 10 décembre 2021 et le 3 mars 2022 au greffe de la cour, madame [PG] [WC] épouse [B] et madame [A] [B] (ci-après mesdames [B]) ont interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance en date du 24 mai 2022 le magistrat chargé de la mise en état a joint les deux procédures nées des appels.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel avocat le 3 novembre 2023, [PG] [B] née [WC] et [A] [B] demandent à la cour, vu les articles 1231-1 et 1994 du code civil, vu l'article 220 du règlement général de la Compagnie des agents de change, vu les articles 3-3-4, 3-3-5, 3-3-7, 6-3-5 du règlement du Conseil des marchés financiers, vu les articles 2-1-7 et 2-4-14 du règlement général du Conseil des marchés financiers, vu l'article 322-6 du règlement général de l'AMF, vu les articles 58 et 59 de la loi du 2 juillet 1996, vu les articles L. 321-1 et suivants, L. 533-4, L. 533-5, L. 533-11 et suivants du code monétaire et financier, de les juger recevables et bien fondées en leur appel, de rejeter toutes les demandes, fins, conclusions et exceptions formulées par BIF / Orange Bank, ainsi que son appel incident, sur le recours d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bobigny le 19 novembre 2021 en toutes ses dispositions qui leur sont défavorables y compris en ce qui concerne la condamnation prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il :

' les a déclarées mal fondées en toutes leurs prétentions et les en a déboutées,

' a déclaré Orange Bank recevable en sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts,

' les a condamnées in solidum à payer à Orange Bank la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' les a déboutées de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' les a condamnées in solidum aux entiers dépens ;

statuant à nouveau, de juger non prescrite la totalité de leurs demandes, de juger qu'Orange Bank s'est délibérément opposée à la manifestation de la vérité en se refusant à communiquer ses propres conditions générales annexées aux deux conventions de compte-titres du 2 mai 1995 et qu'elle a ainsi implicitement reconnu que lesdites conditions générales confirment l'existence d'un mandat de gestion conclu entre les parties, de juger que maître [GD], mandataire liquidateur de la société BLMIS, a reconnu leur bonne foi aux termes de l'accord du 2 juin 2017, de juger qu'Orange Bank était chargée de la gestion des avoirs de la famille [B] et que la banque a délégué cette gestion à la société BLMIS en 1988, de juger qu'Orange Bank devra les indemniser de la totalité des conséquences de la fraude [TN] par application des dispositions de l'article 1994 du code civil prévoyant que le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué, de juger que leur préjudice est certain du fait de la dévolution successorale d'[I] [WC], subsidiairement, de prendre acte de la reconnaissance par Orange Bank de l'existence d'un mandat de teneur conservateur de compte qu'elle reconnaît avoir délégué à BLMIS, de juger qu'Orange Bank n'a pas évalué leur compétence, de juger qu'Orange Bank n'a notamment pas vérifié ni la réalité des opérations, ni la délivrance des titres en cause, de juger qu'Orange Bank devra les indemniser de la totalité des conséquences de la fraude [TN] pour avoir violé ses obligations en sa qualité de teneur-conservateur de compte, de juger qu'Orange Bank devra les indemniser de la totalité des conséquences de la fraude [TN], en sa qualité de teneur de compte, ducroire et garante de la livraison et du paiement des titres conformément à l'article 2-4-14 du règlement général du Conseil des marchés financiers, subsidiairement de juger qu'Orange Bank devra être condamnée pour ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 58 de la loi de 1996 et qu'elle devra les indemniser de la totalité des conséquences de la fraude [TN], faute d'avoir respecté les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investissements et la régularité des opérations, faute de s'être comportée avec loyauté et d'avoir agi avec équité ou au mieux des intérêts de ses clientes et faute également de leur avoir communiqué de manière appropriée toutes les informations utiles, notamment quant à un conflit d'intérêts dissimulé résultant des relations privilégiées que cette banque entretenait avec [V] [TN] et BLMIS, en conséquence de tout ce qui précède de condamner Orange Bank à payer une somme globale de 303 053 154 euros, selon la répartition suivante :

' à madame [PG] [B] une somme de 220 633 671 euros correspondant à son capital disparu le 11 décembre 2008 à la suite de la révélation de la fraude [TN],

' et à mademoiselle [A] [B] une somme de 82 419 483 euros correspondant à son capital disparu le 11 décembre 2008 à la suite de la révélation de la fraude [TN], de condamner Orange Bank à leur payer les intérêts légaux sur ces sommes à compter du 11 décembre 2008, plus subsidiairement de juger qu'Orange Bank est responsable de ne pas les avoir informées de sa propre situation chez BLMIS, de ne pas les avoir mises en garde, ni leur avoir conseillé de retirer leurs fonds au moment du retrait massif de ses propres avoirs intervenu au mois de mai 1999 et entériner ainsi les conclusions du rapport de l'expert judiciaire [R] sur le préjudice qu'elles ont subi dans cette hypothèse au 31 décembre 2018, en conséquence de condamner Orange Bank à payer la somme globale de 283 910 666 euros, selon la répartition suivante, à madame [PG] [B] la somme de 205 835 232 euros, et à madame [A] [B] la somme de 78 075 434 euros au 31 décembre 2018, de juger que ces sommes devront être actualisées au jour de la décision à intervenir à dire d'expert en fonction des critères de calcul retenus par l'expert judiciaire [R], plus subsidiairement encore de juger qu'Orange Bank est responsable du préjudice fiscal au titre des impôts qu'elles ont indûment versés et qui ne leur ont pas été restitués, en conséquence de condamner Orange Bank à leur payer la somme globale de 128 818 365 euros en couverture de leur préjudice au titre des conséquences fiscales de la gestion [TN], selon la répartition suivante : 93 393 315 euros au profit de madame [PG] [B] et 35 425 050 euros au profit de madame [A] [B], de condamner Orange Bank à payer les intérêts légaux sur ces sommes à compter du 11 décembre 2008, en tout état de cause de condamner Orange Bank à leur payer la somme globale de 7 034 985 euros en couverture de leur préjudice au titre de la somme acquittée dans le cadre de l'accord transactionnel signé avec maître [GD] en sa qualité de liquidateur de BLMIS, le 2 juin 2017, selon la répartition suivante : 5 100 364 euros au profit de madame [PG] [B] et 1 934 621 euros au profit de madame [A] [B], de condamner Orange Bank à payer les intérêts légaux sur ces sommes à compter du 2 juin 2017, plus subsidiairement encore, de désigner tel expert qu'il conviendra à la cour afin de déterminer leurs préjudices et la progression de leur épargne entre le mois de décembre 1999 et le jour de l'arrêt à intervenir si elles avaient adopté une gestion offrant les mêmes performances que BLMIS, plus subsidiairement enfin de juger qu'elles ont subi un préjudice correspondant à une perte de chance et condamner Orange Bank à leur payer la totalité des sommes précitées au titre de la perte de chance, en tout état de cause, de débouter de toutes ses demandes, fins, exceptions, conclusions la société Orange Bank, de condamner Orange Bank à leur payer la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Orange Bank aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions déposées au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel avocat le 3 novembre 2023, la société Orange Bank demande à la cour, vu les articles 32-1, 122, 559, 699 et 700 du code de procédure civile, 1240 et 2224 du code civil, 189 bis du code de commerce, d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 17 novembre 2019 en ce qu'il a jugé recevables les demandes des consorts [B] et, statuant à nouveau, déclarer irrecevables car prescrites les demandes des consorts [B], d'infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 17 novembre 2019 en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de condamnation pour procédure abusive et, statuant à nouveau, condamner solidairement madame [PG] [B] et mademoiselle [A] [B] à lui verser la somme de 500 000 euros à titre de dommages et intérêts, de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 17 novembre 2019 en ce qu'il a débouté madame [PG] [B] et mademoiselle [A] [B] de l'ensemble de leurs demandes et condamné solidairement madame [PG] [B] et mademoiselle [A] [B] à lui verser la somme de 150 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, de débouter madame [PG] [B] et mademoiselle [A] [B] de l'ensemble de leurs demandes, de condamner solidairement madame [PG] [B] et mademoiselle [A] [B] à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner solidairement madame [PG] [B] et mademoiselle [A] [B] aux entiers dépens d'appel.

SUR CE,

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Orange Bank :

La banque, qui a formé un appel incident sur ce point, conteste, tout d'abord, la recevabilité des demandes contenues dans l'assignation du 21 décembre 2010, reprises dans les conclusions de rétablissement, dans les dernières conclusions devant le tribunal ainsi que dans les dernières conclusions devant la cour (condamnation de la banque à payer à madame [PG] [B] la somme de 220 633 671 euros et à madame [A] [B] la somme de 82 419 483 euros). Elle critique ensuite la recevabilité des demande formées au titre d'un préjudice fiscal de 128 818 365 euros et au titre du remboursement de la somme de 7 034 985 euros, formulées pour la première fois dans les conclusions du 29 décembre 2017 devant le tribunal judiciaire de Bobigny.

Orange Bank expose que la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, entrée en vigueur le 19 juin 2008, a modifié les dispositions de l'article L. 110-4 du code de commerce et qu'elle a réduit la prescription de 10 ans à 5 ans.

Elle indique qu'à la fin de l'année 1999, la Banque Finama, anciennement dénommée la BIF, a informé les consorts [WC] [B] qu'elle n'assurerait plus la tenue de leurs comptes à compter du 1er janvier 2000, que [PG] et [A] [B] ont poursuivi leurs relations contractuelles directes avec BLMIS, ce que BLMIS, qui était déjà investie d'un mandat de gestion et de conservation par les consorts [WC] [B], a confirmé par lettre du 14 décembre 1999. Elle en déduit qu'il est constant que les relations contractuelles entre la banque et les consorts [B] ont cessé en février 2000 et que plus de dix ans s'étant écoulés entre le mois de février 2000 et le 21 décembre 2010, date à laquelle une assignation a été délivrée à Groupama Banque, les demandes contenues dans l'assignation en première instance et reprises en appel sont prescrites. Elle ajoute que selon une jurisprudence constance, le point de départ de la prescription d'une action en restitution d'un solde débiteur ou créditeur d'un compte bancaire est la date de clôture du compte qui en l'espèce est le 1er février 2000 et affirme que le tribunal a retenu un point de départ de la prescription qui ne vaut que dans les rapports entre les consorts [B] et BLMIS à laquelle les consorts [B] avaient confié un mandat de gestion et de conservation.

Sur les demandes formulées en 2017, Orange Bank rappelle qu'aux termes de l'article 2224 du code civil, le point de départ de la prescription est le jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action, qu'en l'espèce, la liquidation judiciaire de BLMIS a été prononcée le 15 décembre 2008 et qu'à cette date les consorts [B] ont été informés de la fraude mise en place par BLMIS, que plus de cinq ans se sont écoulés entre le 15 décembre 2008 et le 29 décembre 2017, date à laquelle les consorts [B] ont formulé pour la première fois une demande au titre d'un préjudice fiscal, la demande est donc prescrite.

En réplique aux affirmations des consorts [B], elle conteste que le point de départ de la prescription corresponde aux différentes dates des décisions rendues par les juridictions françaises à leur égard dans le cadre des contentieux les opposant à l'administration fiscale, puisqu'elles ont été informées de la pyramide de Ponzi et du paiement d'impôts sur des titres fictifs dès le 15 décembre 2008 et soutient que, quand bien même retiendrait-on comme point de départ de la prescription la date de rejet des déclarations de créance des consorts [B] au passif de BLMIS (les 17 et 21 septembre 2010), comme l'a fait le tribunal de Bobigny, la demande au titre d'un prétendu préjudice fiscal formulée pour la première fois le 29 décembre 2017 est incontestablement prescrite.

S'agissant de la demande relative au paiement de la somme de 7 500 000 dollars, soit 7 034 985 euros, correspondant à l'indemnité versée au liquidateur de BLMIS, maître [GD], dans le cadre de l'accord intervenu pour mettre fin à la procédure engagée par celui-ci à leur encontre par citation du 12 novembre 2010 qui leur a été signifiée en France le 8 mars 2011, la banque soutient que les consorts [B] connaissaient les demandes du liquidateur de BLMIS à compter du 12 novembre 2010 et en tout état de cause à compter du 8 mars 2011, et retient que plus de cinq ans s'étant écoulés entre le 8 mars 2011 et le 29 décembre 2017, la demande nouvelle tendant au remboursement de l'indemnité versée à maître [GD] est, elle aussi, incontestablement prescrite.

Elle ajoute, à titre surabondant, que selon une jurisprudence constante, l'effet interruptif de prescription attaché à une demande en justice ne s'étend pas à une seconde demande différente de la première par son objet et que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les demandes de dommages et intérêts au titre d'un prétendu préjudice fiscal et au titre de l'indemnité payée par les consorts [B] au liquidateur de BLMIS sont des demandes nouvelles qui ont été formulées plus de huit ans après leurs demandes de dommages et intérêts figurant dans l'assignation du 21 décembre 2010 au titre « des sommes capitalisées le 11 décembre 2008 dans le cadre de la révélation de la fraude [TN] » et qui n'ont pas le même objet.

Mesdames [B] soutiennent que leurs demandes initiales formulées à peine plus de deux ans après la découverte de la fraude [TN] ne sauraient être prescrites et que la demande de dommages-intérêts pour le préjudice fiscal est une demande additionnelle, le préjudice fiscal étant supplémentaire, et qu'elle bénéficie de l'interruption de la prescription intervenue au jour de l'assignation.

Elles expliquent que les demandes initiales visaient à obtenir la réparation des préjudices subis du fait de l'escroquerie mise en œuvre par [V] [TN] par la condamnation de la banque, et que dans leurs conclusions de rétablissement du 29 décembre 2017, elles ont formulé deux demandes additionnelles, qui étaient formulées dans le prolongement

de celles de l'assignation visant globlement la fraude [TN], dont la cause relevait directement des demandes civiles initialement formulées dans leur assignation, à savoir les multiples manquements d'Orange Bank à ses obligations de prestataire de services d'investissement, et qui sont incluses dans leurs prétentions originaires, donc rattachées à leurs prétentions originaires par un lien suffisant de connexité et constituant un complément ou un accessoire de celles-ci. Elles insistent sur le fait que leurs demandes ont un seul et même but, une seule et même cause, de sorte que les demandes additionnelles de dommages et intérêts pour le préjudice fiscal sont virtuellement comprises dans les demandes originelles tendant à engager la responsabilité d'Orange Bank.

Subsidiairement, si la cour considérait que les demandes de dommages et intérêts pour le préjudice fiscal ne sont pas de simples demandes additionnelles, elles soutiennent que le point de départ de la prescription des demandes à l'encontre d'un tiers de l'action en responsabilité court à compter du jour où les recours contentieux fiscaux sont devenus définitifs ou à défaut à compter de la date d'expiration du délai prévu pour former les recours.

En l'espèce, elles déclarent qu'elles ont perdu la totalité de leur fortune du fait de la fraude [TN], ce qu'elles auraient pu éviter si la BIF / Orange Bank leur avait dispensé les conseils dont elle était débitrice, qu'elles ont été contraintes d'acquitter des impôts et des charges, tant aux États-Unis qu'en France, entre 2000 et 2008, déduction faite des dégrèvements obtenus, qu'elles ont engagé de nombreux recours administratifs contre l'administration qui sont toujours pendants devant les juridictions françaises au titre de l'ISF 2004 à 2008, de l'ISF 2001 à 2003, de l'impôt sur le revenu et des contribution sociales 2000 à 2002 puis pour la période 2004 à 2007, des boucliers fiscaux 2008 et 2009, de l'ISF suite à la médiation avec le trustee pour les années 2003 à 2012, et qu'une seule décision a été rendue par la Cour de cassation le 15 septembre 2015 qui est définitive au titre des droits de succession 2005. Elles ajoutent que la Cour de cassation a rendu quatre arrêts le 19 juin 2019 en ce qui concerne l'impôt sur la fortune (rejet des pourvois contre des arrêts de débouté), mais que leurs recours ne sont pas définitivement clos puisque deux ordonnances de sursis à statuer ont été rendues, le 11 avril 2019, dans les recours relatifs à la prise en compte de l'indemnité de 7,5 millions de dollars versée à maître [GD]. Par conclusions signifiées le 27 juin 2019, il a été sollicité la révocation du sursis à statuer compte tenu des quatre arrêts rendus le 19 juin 2019.

Elles indiquent qu'elles ont également engagé un nouveau recours contentieux le 11 avril 2018 devant le tribunal de grande instance de Paris fondé sur l'évènement nouveau constitué par l'accord conclu avec le trustee le 6 juin 2017. Concernant l'impôt sur le revenu et les contributions sociales de 2004 à 2007, un accord transactionnel est intervenu en novembre 2010 entre l'administration et les époux [B]. Un accord concernant les boucliers fiscaux de 2008 et 2009 a été trouvé entre les époux [B] et l'administration en novembre 2016.

Elles en déduisent que le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité à l'égard de la société BIF / Orange Bank est fixé au mois de novembre 2010 et qu'aucune prescription n'était acquise, compte tenu de l'assignation du 21 décembre 2010.

La recevabilité de l'action n'est pas subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé.

Contrairement à ce que soutient la banque, mesdames [B] n'exercent pas l'action en restitution d'un compte bancaire, dont le point de départ se situe à la date de clôture dudit compte, mais prétendent que la banque, qui a commis divers manquements à ses obligations, a engagé sa responsabilité envers elles et qu'elle doit les « indemniser de la totalité des conséquences de la fraude [TN] ».

Selon les dispositions de l'article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Il est certain que mesdames [B] n'ont pu avoir connaissance du préjudice qu'elles allèguent au titre de la « perte de leur capital » qu'à la date du 12 décembre 2008, jour où l'escroquerie commise par [V] [TN] a été révélée, et plus précisément encore, à compter de la date à laquelle le mandataire judiciaire de la société BLMIS a rejeté leurs créances, c'est-à-dire les 17 et 21 septembre 2010.

Il se déduit de ce qui précède qu'en assignant Orange Bank par acte extrajudiciaire en date du 21 décembre 2010, mesdames [B] ont agi dans le délai de la prescription quinquennale et que dès lors les demandes contenues dans l'assignation sont recevables.

Par principe, l'interruption de la prescription ne s'étend pas d'une action à une autre. Il en est autrement lorsque les deux actions procèdent d'une même cause ou encore lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première, ou encore lorsque les deux actions procèdent du même fait dommageable.

En l'espèce, tout d'abord, les demandes contenues dans les conclusions du 29 décembre 2017, qui ont été maintenues devant le tribunal, puis devant la cour, sont des demandes additionnelles, en ce qu'elles modifient, par ajout, les demandes contenues dans l'assignation initiale, qui présentent un lien étroit avec les demandes initiales, en ce qu'elles tendent à la même fin d'indemnisation du préjudice né de la fraude [TN].

Ces demandes d'indemnisation des conséquences fiscales de la fraude, mesdames [B] soutenant qu'elles ont acquitté indûment des impôts sur des avoirs inexistants à hauteur de 128 818 365 euros, et d'indemnisation du préjudice résultant de la somme acquittée de 7 034 985 euros dans le cadre de l'accord transactionnel conclu avec le mandataire judiciaire de la société BLMIS, ces deux préjudices ayant été objectivés en 2017, bénéficient de l'interruption initale de l'action engagée par mesdames [B] à l'encontre d'Orange Bank à la date de l'assignation, en ce qu'elles procèdent du même fait dommageable et représentent deux postes de préjudices supplémentaires à celui initialement réclamé.

Il s'ensuit que toutes les demandes de mesdames [B] sont recevables et que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a refusé d'accueillir la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Orange Bank.

Sur le fond :

Mesdames [B] exposent que les compétences de monsieur [I] [WC], industriel et banquier, lui ont permis de bâtir une fortune considérable grâce à son « génie des affaires », que la gestion de son patrimoine et de celui de son épouse [F] [WC] a été confiée à la BPGF puis à la Banque Pallas Stern, puis en 1988 à la BIF/Orange Bank, laquelle a délégué la gestion de son patrimoine à [V] [TN] avec qui elle avait noué des liens très étroits.

Elles précisent que la banque a, donc, d'abord, ouvert un compte-titres pour la gestion des avoirs de monsieur et madame [WC] le 11 janvier 1988 (compte [XXXXXXXXXX08] ) intitulé « BIF » auprès de la société BLMIS pour permettre à [V] [TN] de gérer le patrimoine du couple par l'intermédiaire de sa société, que les opérations d'achat, de vente de titres et bons du Trésor réalisés par [V] [TN] sur ce compte apparaissent sur les relevés libellés à l'ordre de la BIF adressés à cette dernière par BLMIS, que chacune de ces opérations, qui résultaient d'instructions données par la BIF à BLMIS, était reprise sur les relevés du compte-titres ouvert au nom de monsieur et madame [WC] à la BIF sous le numéro [XXXXXXXXXX02]. Elles précisent que la banque a ouvert le même jour, le 11 janvier 1988, le compte [F] [WC] ([XXXXXXXXXX08]) et deux comptes relatifs à ses propres avoirs ([XXXXXXXXXX012] et [XXXXXXXXXX09]) et affirment que « la banque française gérait l'argent des consorts [B] avec la même liberté dans les deux cas et elle jouissait pour ces derniers d'une autonomie totale comme s'il s'agissait de ses propres deniers » et qu'elle a fourni « les formules mathématiques qui vont être utilisées par [V] [TN] pour masquer la fraude ».

Elles continuent en expliquant qu'au décès de monsieur [I] [WC], la BIF/Orange Bank a ouvert deux autres comptes-titres dans les livres de la société dirigée par [V] [TN], sous l'intitulé BIF, que le 2 mai 1995 des conventions de gestion ont été signées entre la BIF, d'une part, madame [PG] [B] et madame [A] [B], d'autre part, que le 9 mai, elle a ouvert deux comptes-titres à son nom chez BLMIS sous numéro [XXXXXXXXXX011] et [XXXXXXXXXX016] dans l'intérêt de [PG] et [A] [B], que de 1988 à 2000 la banque a continué à gérer leur patrimoine par l'intermédiaire de [V] [TN] et de sa société BLMIS qui lui rendra compte comme elle l'avait fait pour monsieur et madame [WC], qu'elle a supervisé la gestion de leur patrimoine chez [V] [TN] en transmettant des ordres d'achat et de vente à ce dernier, en recevant les relevés de titres y afférents avant de les reprendre sous sa signature, en faisant transiter en ses livres les fonds nécessaires au paiement des impôts, etc.

Elles indiquent qu'au mois de décembre 1999 la banque n'a pas « souhaité poursuivre sa délégation de gestion à [V] [TN], qu'elle a alors demandé à [V] [TN] de retirer son nom des comptes-titres et de les gérer directement en ses lieu et place ». Elles affirment que la banque disposait d'informations privilégiées sur [V] [TN], ce qui explique qu'elle ait retiré ses propres avoirs à la même époque. Elles précisent qu'à compter de l'année 2000 leur patrimoine a été géré directement par [V] [TN] et qu'elles ont appris qu'elles étaient ruinées le 12 décembre 2008, alors que selon les montants déclarés à l'administration fiscale, leurs avoirs étaient évalués à la somme de 220 633 671 euros pour [PG] [B] et 82 419 483 euros pour [A] [B] et qu'en 2007, elles avaient déclaré et payé un impôt sur la fortune pour des patrimoines en valeurs mobilières de 211 119 538 euros et 79 732 059 euros.

Elles soutiennent que la banque est responsable de leur préjudice car elle a été plus qu'impliquée dans la gestion de [V] [TN], qu'il existait une véritable association entre la banque française et le courtier américain « au titre de laquelle sera élaborée la méthode de gestion censée [leur] être appliquée ainsi qu'à d'autres clients dont la BIF/Orange Bank sous le contrôle de cette dernière », que le 31 décembre 1997, la banque a signé avec [V] [TN] un contrat de mandat pour la gestion tant de ses avoirs que pour ceux de ses clients et que cette convention est un véritable contrat de sous-mandat de gestion concédé et rédigé par la banque française. Elles prétendent que la banque a agi « dans un contexte de gestion globale [de leur] patrimoine lorsqu'elle a délégué sa gestion à [V] [TN] et à sa société BLMIS », que les consorts [B] ont mandaté la banque afin de procéder à la gestion de leur patrimoine et qu'elle a indéniablement rempli cette mission. Elles soulignent que les fiches administratives d'ouverture de compte mentionnent la banque comme cliente BLMIS et donc comme leur mandataire, ayant procédé à ces ouvertures chez le courtier américain dans le cadre de la délégation d'un sous-mandat de gestion, ces comptes ayant fonctionné grâce aux arbitrages de la banque qui a émis les relevés sur papier à son en-tête de toutes les opérations effectuées en réalité par [V] [TN].

Elles soutiennent que les conventions de comptes-titres du 2 mai 1995 sont des mandats de gestion, dont la banque a reconnu l'existence dans ses écritures, que la banque se comportait comme un prestataire de services d'investissement chargé des avoirs de la famille qu'elle gérait par délégation d'un sous-mandat à BLMIS. Elles précisent que la banque a refusé de communiquer les conditions générales annexées aux deux conventions et qu'elle a ainsi implicitement reconnu que cette pièce confirmait l'existence d'un mandat de gestion entre elles.

Selon elles, le courrier du 14 décembre 1999 atteste que BLMIS gérait leurs comptes par délégation de la banque et que la résiliation du mandat à l'initiative de la banque entraînerait la prise en charge directe de leurs intérêts par [V] [TN].

Elles allèguent qu'à défaut de délégation d'un sous-mandat général par la banque, la cour devrait retenir l'existence d'un mandat tacite et insistent sur les relations cordiales entretenues par la banque et [V] [TN] et le fait que tous les retraits qu'elles ont effectués l'ont été auprès de la banque.

Elles tirent la conclusion que ce mandat a pour effet de rendre Orange Bank responsable de toute la fraude [TN] sur leur patrimoine par application de l'article 1994 du code civil (le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué quand il n'a pas reçu le pouvoir de se substituer quelqu'un) et demandent à la cour, subsidiairement, de prendre acte que la banque reconnaît l'existence d'un mandat de teneur conservateur de compte qu'elle a délégué à BLMIS.

Elles ajoutent que la responsabilité de la banque est entière, en raison des sous-mandats de gestion qu'elle a confiés à [V] [TN], mais également pour avoir dissimulé les informations essentielles qu'elle détenait sur ce dernier, le directeur général de la banque ayant reconnu être informé de l'escroquerie [TN], et qui lui ont permis de retirer 98 millions de dollars au mois de mai 1999 de ses comptes-titres ouverts chez [V] [TN], et avoir failli à son devoir d'information, de conseil et de mise en garde, et à son devoir général de loyauté. Elles affirment que si elles avaient été informées, elles n'auraient pas manqué de retirer la totalité de leurs avoirs pour les investir auprès d'établissements offrant la même absence de volatilité et la même performance apparente que la gestion de fonds [TN].

Elles listent tous les manquements dont la banque s'est rendue coupable au regard des textes qui régissent son action, et critiquent les premiers juges qui n'ont pas répondu sur la violation de ses obligations en sa qualité de ducroire au regard de l'article 2-1-7 du réglement général du CMF.

Elles insistent sur le fait qu'elles ne peuvent être considérées comme averties, madame [PG] [B] étant psychologue, et [A] [B] étant libraire, après avoir été lycéenne, puis étudiante en histoire de l'art.

Elles soutiennent qu'elles n'ont tiré aucun profit de la fraude [TN], que les retraits opérés chez BLMIS à compter de 2000 ont servi à payer les différents impôts, qu'elles sont de bonne foi comme l'a reconnu maître [GD] dans le protocole, qu'[I] [WC] est devenu milliardaire en anciens francs en 1995, qu'elles réclament la restitution de leur fortune détruite par la fraude [TN], leur patrimoine valorisé en 1995 à 167 millions d'euros ayant totalement disparu. Elles indiquent que leur préjudice est triple, qu'elles ont perdu tous leurs avoirs, ont payé des impôts indus et ont dû régler une indemnité transactionnelle au trustee.

Elles indiquent qu'elles ont pu récupérer 39 943 362 euros auprès du Trésor public, de sorte que leur préjudice fiscal s'élève à 128 818 365 euros (168 761 727 € - 39 943 362 €) et que leur préjudice principal correspond à la totalité des sommes capitalisées auprès de BLMIS soit 303 053 154 euros au 11 décembre 2008.

Elles demandent à la cour, si elle ne devait pas retenir ces chiffres, d'entériner les conclusions du rapport de l'expert, [JK] [R], qu'elles ont mandaté et qui a chiffré leur préjudice à hauteur de 283 910 666 euros.

La banque expose que dès la fin des années 1970 [I] [WC], banquier et chef d'entreprise, est devenu un ami très proche de [V] [TN] avec lequel il a noué des relations personnelles et professionnelles très étroites, qu'il a été le promoteur en France des activités de BLMIS et a mis personnellement en contact BLMIS avec la BPGF et son directeur général [YR] [D], qu'il a participé à des montages fiscaux occultes avec [V] [TN]. Elle indique qu'au début des années 1980, les époux [WC] ont confié à BLMIS un mandat de gestion et de conservation de leurs avoirs, que les opérations enregistrées par BLMIS ont été retranscrites en France dans les livres de la BPGF puis de la Banque Pallas qui ont agi en qualité de teneurs de compte, que le 11 janvier 1988, les époux [WC] ont ouvert dans les livres de BLMIS un nouveau compte [XXXXXXXXXX08] crédité par un transfert de titres (fictifs) en provenance d'un compte 105101 ouvert dans les livres de BLMIS au nom de la Banque Pallas, que concomitamment les époux [WC] ont ouvert un compte dans les livres de la BIF dont le nouveau directeur général était [YR] [D] qui venait de quitter la Banque Pallas. Elle déclare que toujours au mois de janvier 1988, la BIF a investi pour compte propre une somme de 13 390 000 dollars qui a été remise à la société de [V] [TN] et que la convention qui les liait a été actualisée le 31 décembre 1997. Elle précise qu'à compter du 18 janvier 1988, la BIF, qui n'a reçu aucun dépôt effectué par les époux [WC], a retranscrit sur ce compte toutes les opérations sur titres enregistrées par BLMIS, qu'au décès d'[I] [WC], les relations de sa veuve, sa fille, sa petite-fille se sont poursuivies avec BLMIS et celles-ci ont directement et personnellement conclu des conventions de gestion et conservation avec la BLMIS le 12 juin 1995, que toutes les trois ont chacune ouvert un compte de dépôt à vue et un compte-titres dans ses livres. Elle affirme que son rôle a toujours été limité à la retranscription en France des opérations enregistrées aux États-Unis chez BLMIS, qu'elle n'a reçu aucun dépôt, et que ces comptes leur permettaient de recevoir en France, leur pays de résidence, des transferts d'argent provenant de leur compte ouvert chez BLMIS.

Elle indique avoir, par lettre du 18 mai 1999, résilié la convention du 31 décembre 1997 à effet du 17 juin 1999 en respectant un préavis contractuel de 30 jours, et à la fin de l'année 1999, informé les consorts [B] qu'elle n'assurerait plus la tenue de leur compte à compter du 1er janvier 2000, compte tenu de la fermeture de son service international, et avoir, le 28 janvier 2000, adressé des relevés des comptes-titres au 31 décembre 1999, qui s'élevaient à 83 588 266,95 euros et 26 854 326,70 euros.

Elle insiste sur le fait qu'à compter du mois de février 2000, la Banque Finama n'a plus entretenu la moindre relation avec mesdames [B].

Elle fait valoir qu'il résulte des investigations menées qu'entre le 1er janvier 2000 et le 30 novembre 2008 [PG] [B] a retiré au minimum 114 257 275,54 dollars du compte [XXXXXXXXXX016] et de 2005 à 2008 50 907 639,45 dollars du compte [XXXXXXXXXX017] (compte [F] [WC]) et qu'[A] [B] a retiré 16 019 643,79 dollars, et qu'il résulte des décisions de rejet des déclarations de créances et de la procédure suivie aux États-Unis que les titres inscrits en compte au nom d'[A] et [PG] [B] ont toujours été fictifs, étant précisé qu'un seul dépôt a été effectué en 2005 par [A] [B], soit cinq ans après la cessation des relations contractuelles.

La banque soutient qu'elle n'est jamais convenue de mandat de gestion et de conservation de sorte qu'elle n'a pas pu en déléguer, que ceux qui ont été conclus le 12 juin 1995 l'ont été directement avec BLMIS, ce qui exclut qu'il y ait eu un mandat de gestion tacite, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée, et que le 2 mai 1995, seuls des comptes de dépôts et de titres ont été ouverts. Elle ajoute que la réception des avis d'opérés et des relevés de situation fait présumer en l'absence de mandat écrit que les opérations ont été effectuées sur ordre du client et non de la banque et que toutes les correspondances BIF/[B] s'expliquent parce qu'en sa qualité de teneur de compte, la banque devait comptabiliser les titres et coupons et communiquer chaque année aux époux [WC] les revenus à déclarer à l'administration fiscale, précision étant apportée qu'elle n'a jamais été leur conseiller fiscal. Elle conclut donc qu'elle n'a eu qu'une activité de teneur de compte, dans le cadre de laquelle elle n'a commis aucune faute et qui a cessé en 2000, ce qui n'a pas affecté la relation directe que mesdames [B] avaient avec BLMIS qui a duré jusqu'à la faillite.

Elle conteste fermement avoir été complice de la fraude, accuse mesdames [B] de pratiquer une tentative d'extorsion de fonds en manipulant la vérité.

Elle fait valoir qu'en toute hypothèse, il n'existe aucun lien de causalité directe entre le préjudice invoqué par mesdames [B] et les fautes qui lui sont imputées, puisqu'elle n'a pas eu de mandat de gestion et qu'à partir de 2000 elles ont été libres de continuer ou non leurs relations avec BLMIS.

Elle conteste le préjudice au titre du capital réclamé, en affirmant que non seulement elles n'ont pas subi de préjudice mais qu'au surplus elles se sont enrichies et qu'en outre ce préjudice s'analyse seulement en une perte de chance, et en soulignant qu'en réalité elles demandent non pas la restitution de leurs avoirs qui auraient été distraits mais le bénéfice de la fraude dont elles sont privées alors qu'elles en ont profité et qu'elles n'ont pas contesté le rejet de leurs déclarations de créance.

Elle dénie toute valeur probante au rapport de madame [R] qui est partial et est entaché de nombreuses contrevérités puisqu'il repose sur le postulat que la banque a retiré ses fonds car elle avait connaissance de la fraude, et ignore la pyramide de Ponzi.

Elle affirme qu'elle ne peut en aucun cas être tenue du paiement des impôts de mesdames [B] entre 2000 et 2008 alors qu'elle n'avait à cette époque aucun lien avec elles, note qu'aucune des juridictions saisies sur le litige fiscal n'a retenu sa responsabilité, relève que si une partie des retraits a permis de payer les impôts, le reste a été utilisé à des fins personnelles, notamment à l'acquisition d'un bien immobilier et qu'en outre elles ont obtenu restitution de la somme de 45 719 064,47 euros du Trésor public, soit la somme de 39 943 362 euros qu'elles indiquent dans leurs écritures, et celle de 5 775 702,47 euros qu'elles omettent.

Selon la banque, leur demande consiste à obtenir d'elle le versement une deuxième fois de sommes qu'elles ont déja retirées une première fois, qui ne leur ont jamais appartenu et qu'elles ne restitueront jamais, à l'exception de celle de 7 500 000 dollars fixée dans le protocole qui est très largement couverte par leurs retraits.

Elle prétend enfin que la demande de paiement de la somme de 7 500 000 dollars ne repose sur aucun fondement, rappelle qu'elle est totalement étrangère à la procédure suivie aux États-Unis ainsi qu'aux retraits effectués entre 2006 et 2008.

Les parties s'opposant sur la chronologie des faits, leur consistance et leur qualification juridique, il y a lieu d'examiner, chronologiquement, les pièces versées aux débats relatives aux faits pertinents de l'espèce pour les confronter aux déclarations des parties et tout d'abord de rappeler ce qu'est « la fraude [TN] » mise au jour en décembre 2008.

Maître [GD] a devant le tribunal des faillites de New-York (pièce no 74 de la banque) expliqué comme suit l'escroquerie réalisée par l'intermédiaire de la société BLMIS :

« BLMIS a été constitué en 1959 par [TN] qui est son fondateur, son dirigeant,son propriétaire. Elle a été inscrite auprès de la SEC à titre de courtier en valeurs mobilières et est donc membre de la SIPC ...

BLMIS comptait trois unités opérationnelles : le conseil en placement (l'activité IA), la tenue de marché et la négociation pour propre compte... [[TN]] attribuait le succès constant de l'activité d'IA à sa stratégie dite « SSC », c'est-à-dire qu'il prétendait investir les fonds des clients de BLMIS dans un panier d'actions ordinaires de l'indice S&P 100 qui regroupe les 100 plus grandes sociétés cotées en bourse et alléguait que son panier d'actions suivait l'évolution de l'indice S&P 100. Il affirmait également qu'il planifiait soigneusement les achats et les ventes afin d'en maximiser la valeur et que par conséquent les fonds des clients devaient ponctuellement être hors du marché boursier. Là les fonds étaient soi-disant investis dans des bons du Trésor américain ou des fonds communs de placement détenant des bons du Trésor ...

La deuxième partie de la stratégie SSC consistait à couvrir ces achats par des contrats d'options. Ces contrats d'options fonctionnaient comme un tunnel limitant tant les gains que les pertes potentiels. [TN] prétendait affecter le produit de la vente d'un contrat d'option (le droit d'un tiers d'acheter des actions de BLMIS) au financement de l'achat d'un autre (une option de vente = le droit pour BLMIS de vendre des actions à un tiers). [TN] disait aux clients de BLMIS que lorsqu'il quittait le marché, il liquidait toutes les positions en actions et en options et investissait l'intégralité des liquidités ainsi obtenues en bons du Trésor americain. [TN] affirmait également aux clients de l'activité d'IA que ces allers-retour sur le marché devaient intervenir de 4 à 10 fois par an ...

Les clients de l'activité IA de BLMIS recevaient généralement des relevés mensuels ou trimestriels montés de toutes pièces et montrant que des titres étaient détenus sur leurs comptes ou avaient été négociés par le biais de leurs comptes. Les achats et ventes de titres indiqués sur les relevés de comptes n'ont pratiquement jamais eu lieu et les profits mentionnés étaient totalement fictifs ... En fait il n'existe aucun registre indiquant que BLMIS ait compensé un seul achat ou une seule vente de titres dans le cadre de la stratégie SSC sur une quelconque plateforme de négociation sur laquelle la société aurait raisonnablement pu négocier des titres. La stratégie SSC de [TN] était entièrement fictive.

Avant son arrestation, [TN] assurait aux clients et organismes de réglementation avoir vendu et acheté les options de vente et d'achat sur le marché hors cote plutôt que par l'intermédiaire d'une bourse. Pourtant tout comme pour les titres sous-jacents, aucune preuve n'a été trouvée que [TN] ait jamais acheté ou vendu les options figurant sur les relevés des clients. Aucun élément n'indique que [TN] ait négocié des options par l'intermédiaire de l'une ou l'autre des bourses d'option. La Option Clearing Corporation qui compense tous les contrats d'options basés sur les actions des sociétés du S&P100, ne dispose d'aucun registre indiquant que l'activité d'IA aurait acheté ou vendu des actions cotées en bourse au nom d'un client de ladite activité.

L'activité IA était exploitée comme une chaîne de Ponzi. Les fonds reçus des investisseurs n'étaient pas investis en titres ou en options. Au contraire BLMIS utilisait les dépôts de l'activité d'IA pour payer les retraits et pour effectuer d'autres transferts annulables. [TN] utilisait également les placements pour s'enrichir, tout comme enrichir ses associés et sa famille.

Les relevés de comptes mensuels falsifiés indiquaient que les comptes des clients de l'activité IA avaient réalisé d'importants gains, mais dans les faits,en raison du détournement et de l'affectation des nouveaux placements au paiement de paiement ou retraits d'autres titulaires de comptes BLMIS, la société ne disposait pas des fonds nécessaires pour payer les investisseurs au titre de leurs nouveaux placements.

BLMIS n'a pu subsister aussi longtemps qu'en dérobant le capital déposé par des clients ultérieurs pour payer les clients antérieurs.

La chaîne de [TN] s'est poursuivie jusqu'en décembre 2008 jusqu'à ce que les demandes de retraits dépassent le flux des nouveaux investissements et provoquent l'effondrement inévitable de la chaîne ».

Après son arrestation, [V] [TN] a reconnu les faits (pièce no 191 de mesdames [B]) en ces termes : « Pendant de nombreuses années jusqu'à mon arrestation le 11 décembre 2008, j'ai fait fonctionner une chaîne de Ponzi au titre de l'activité de Conseil & Investissement de mon entreprise BLMIS, les deux autres étant légales profitables et prospères.

L'essence même du système que j'ai bâti consistait à faire miroiter à mes clients et futurs clients désireux d'ouvrir un compte chez moi et de profiter de mes services de conseil une gestion de leur argent par des investissements dans des actions, des options et autres titres de sociétés importantes et renommées et la possibilité à tout moment sur leur demande de récupérer leur mise et leur profit. Ces promesses étaient fausses car pendant de nombreuses annnées et jusqu'à mon arrestation, le 11 décembre 2008, je n'ai jamais investi ces fonds dans des titres, comme je l'avais promis. À la place ces fonds ont été déposés sur un compte en banque à la Chase Manhattan Bank. Lorsque les clients réclamaient les profits qu'ils pensaient avoir accumulés grâce à moi ou lorsqu'ils souhaitaient récupérer leur mise, j'utilisais l'argent déposé à la Chase Manhattan Bank, le leur ou bien celui des autres pour rembourser ...

Si mes souvenirs sont exacts la fraude a commencé au début des années 1990 ... Je ne promettais jamais de pourcentage spécifique de retour sur investissements à aucun de mes clients mais je me sentais tenu de satisfaire les exigences de mes clients à tout prix.

C'est ainsi que je prétendais employer une stratégie d'investissement que j'avais développée, baptisée « stratégie de conversion split-strike » afin de donner aux clients, l'impression fausse que j'avais atteint le niveau de résultats que je croyais qu'ils attendaient. À travers cette stratégie je promettais aux clients et clients potentiels que leurs fonds seraient investis dans un panier commun d'actions appartenant à l'indice Standard & Poor 100 qui rassemble les 100 plus grandes sociétés cotées en bourse sur la base de leur capitalisation sur le marché. Je promettais de sélectionner un panier d'actions suivant les évolutions de l'indice Standard &Poor 100. Je promettais un timing parfait pour ces investissements et une mobilité par rapport au marché qui me permettait de m'en retirer et de placer les fonds de mes clients pendant ces périodes dans des titres émis par le gouvernement des États-Unis, tels que les bons du Trésor. En outre je promettais, dans le cadre de la stratégie de conversion split-strike, de couvrir les investissements que je réalisais dans le panier d'actions en utilisant les fonds de mes clients pour acheter et vendre des options liées à ces titres, limitant ainsi les pertes potentielles causées par des changements imprévisibles des valeurs des actions. En fait je n'ai jamais réalisé les investissements que je promettais aux clients qui croyaient miser avec moi sur la stratégie de conversion split-strike.

Pour dissimuler ma fraude je faisais croire à mes clients, employés ou autres interlocuteurs que j'achetais des titres pour mes clients sur les marchés étrangers ...

Pour camoufler encore davantage le fait que je n'avais pas effectué ces opérations pour le compte des clients de Conseil & Investissements, j'ai sciemment émis de fausses confirmations d'opérations et relevés de comptes clients censés refléter les transactions et les positions truquées afin qu'ils soient envoyés aux clients impliqués dans la stratégie de conversion split-strike de même qu'à des clients particuliers que j'ai dupés et qui croyaient avoir investi dans des titres par mon intermédiaire. Les clients qui recevaient ces confirmations d'opérations et relevés de compte n'avaient aucun moyen de savoir en étudiant ces documents que je n'avais jamais effectué les opérations mentionnées par les relevés ou confirmations ...

J'ai également dissimulé ma fraude par un autre procédé : en remplissant à l'intention de la SEC des rapports d'audits et des déclarations financières mensongers. Je savais qu'ils étaient faux et seraient envoyés à mes clients ...

De même lorsqu'en 2006, j'ai présenté mon entreprise comme conseiller en investissement à la SEC, j'ai dans la foulée rempli un document appelé Formulaire ADV.

Sur ce formulaire, risquant une peine pour parjure, je certifiais de façon mensongère et intentionnelle que la société BLMIS était dépositaire des titres de ces clients de Conseil & Investissements ...

Ces dernières années j'ai développé une autre méthode pour dissimuler ma fraude. Je donnais des ordres de mouvement de fonds entre les États-Unis et le Royaume-Uni afin de faire apparaître ces mouvements comme de réelles transactions de titres pour le compte de mes clients. Plus précisément j'effectuais des transferts de fonds depuis le compte américain de mon activité de Conseil & Investissement vers le compte londonien de BLMIS.

Il y eut aussi des occasions, ces dernières années, où j'ai donné des ordres de transferts concernant des liquidités issues de la New York Chase Manhattan Bank, depuis le compte londonien de BLMIS vers la Bank of New York et le compte des activités légales de ma compagnie, le négoce en compte propre et teneur de marché. »

Maître [GD] a recensé 4 900 clients avec une valeur de 65 milliards de dollars sous mandat de gestion.

[V] [TN] a plaidé coupable de onze chefs d'accusation et a été condamné le 29 juin 2009 à 150 ans de prison.

Son bras droit, [X] [T], a lui indiqué que la fraude avait été mise en place, non pas en 1990, mais en 1980.

Les investigations réalisées par le mandataire judiciaire chargé de reconstituer les actifs de la société BLMIS et de [V] [TN] (surnommé [V]), en récupérant notamment auprès de certains clients, dont il a rejeté les déclarations de créances, les retraits (supérieurs aux dépôts effectués) qui ne pouvaient que provenir de dépôts réalisés par d'autres investisseurs, démontrent d'une part, que l'escroquerie a commencé dans les années 1980, d'autre part, qu'[I] [WC], père et grand-père des appelantes, avait noué des liens étroits, personnels et professionnels, avec [V] [TN] dès la fin des années 1970 et participé avec lui à des montages objectivement frauduleux dès le début des années 1980.

C'est ainsi que maître [GD] a engagé une action contre une nébuleuse comprenant quatre titulaires de comptes chez BLMIS (Magnify inc, Premero Invest, Strand International Invest et Yeshaya Horovitz Association), représentant six comptes, deux personnes physiques,[BO] [U] et [DO] [N], avocats, et d'autres entités, le tout s'articulant entre Israël, la Suisse, les Îles Vierges britanniques, les Îles Caïmans, les États-Unis et le Panama (pièce no 74 de la banque).

Devant le tribunal des faillites de New-York le 21 septembre 2011, maître [GD] a qualifié ces six comptes de « particuliers », comme étant « quasiment intégralement financés, non par les dépôts des défendeurs, mais par les victimes de [TN] et tant le volume que le moment des profits indiqués dans les comptes étaient dictés par [TN] et certains des défendeurs en l'espèce, parfois même sans aucun simulacre de lien avec l'activité de négociation de titres. »

Il a précisé qu'ils avaient reçu depuis au moins 1983 (de même que leurs satellites) de BLMIS des transferts annulables pour plus de 154 millions de dollars dont 148 966 784 dollars constituaient des profits fictifs, et conclu qu'ils avaient « reçu chacun de BLMIS des montants exorbitants de fonds appartenant à d'autres personnes pendant toute l'existence de leurs comptes ».

Parmi ces bénéficiaires d'escroquerie figurent la société Magnify qui a encaissé au moins 12 348 015 dollars depuis ses comptes BLMIS ([XXXXXXXXXX014] et [XXXXXXXXXX010]), dont 12 029 199 dollars étaient constitués de profits fictifs, et l'association Yeshaya, qui a bénéficié d'au moins 127 172 595 dollars depuis son compte ([XXXXXXXXXX015]) dont 124 354 579 dollars étaient constitués de profits fictifs et dont l'intégralité provenait des comptes Magnify.

Les deux structures, la société Magnify et Yeshaya Horowitz Association, de même que les deux personnes physiques [BO] [U] et [DO] [N], ont des liens directs avec [I] [WC].

Maître [GD] le décrit ainsi : « [I] [WC] était une personne physique résidant en France, décédée le [Date décès 20] 1995... [WC] était associé à [TN] sur le plan commercial et/ou social depuis au moins la fin des années 1970... Il avait rencontré [TN] par le biais d'un ami commun en 1978 alors qu'[WC] était cadre supérieur dans une banque en France ... [WC] était impliqué dans la sollicitation de clients européens potentiels pour [TN] et [TN] prétendait qu'il intervenait dans l'arbitrage et la négociation de convertibles pour la banque d'[WC] ... [WC] est devenu un mentor pour [TN] et a poursuivi sa relation avec lui jusqu'à sa mort en 1995. Au cours de cette relation, [WC] a ouvert plusieurs comptes BLMIS au nom de divers établissements bancaires français dont certains ont été ultérieurement convertis en comptes détenus par son épouse, sa fille, sa petite-fille » (en gras par la cour).

La société Magnify est une société constituée selon le droit panaméen vers le 20 juin 1983, dont le siège social est à Panama. Selon les investigations réalisées, en mai 1983 [DO] [N], avocat à Glarus (Suisse), a été approché par [ON] [W], banquier d'[I] [WC] à la SG Warburg Bank à [Localité 31], lequel lui a demandé « d'aider [WC] à monter une société panaméenne pour investir auprès de BLMIS ». Lors d'une réunion qui s'est déroulée au cabinet d'avocats de maître [N], [WC] a dit à [N] et [W] qu'il « utiliserait cette société panaméenne pour investir auprès de BLMIS et que sa femme [F] et sa fille [PG] étaient autorisées à donner des instructions concernant cette société ». Un contrat de fiducie a été conclu, le 28 juin 1983, entre [DO] [N] et [I] [WC] (désigné comme étant « actionnaire ») aux termes duquel [DO] [N], nommé président de son conseil d'administration, s'est engagé à exercer son mandat exclusivement selon les instructions de l'« actionnaire » ou de [F] [WC], ou de [PG] [B] (pièce no 83 de la banque ). Le 13 décembre 1991, dans une lettre adressée à maître [BO] [U] « avocat et notaire », [I] [WC] a « complété ses instructions du 24 octobre 1991 » en disant que « les 500 parts de la société resteront tenues en fiducie par le fiduciaire pour les bénéficiaires suivants, conjointement et individuellement : mon épouse, [F] [WC], née [PP] et/ou ma fille [PG] [B], née [WC], ma petite-fille [A] [B]. [et précisé] Pour éviter toute ambiguïté, qu'en cas de décès d'un bénéficiaire ci-dessus nommé, les bénéficiaires restant seront les seuls bénéficiaires » (pièce no 85 de la banque).

Cette société avait deux comptes chez BLMIS ([XXXXXXXXXX014] et 1FN025).

Aux alentours de juillet 1983, [WC] a demandé à [N] de transférer 3 136 150 dollars de son compte ouvert à la SG Warburg chez BLMIS pour financer le premier compte BLMIS de Magnify ([XXXXXXXXXX014]). À la même époque un compte bancaire a été ouvert pour la société Magnify auprès de la SG Warburg Bank avec les fonds d'[WC].

Le compte [XXXXXXXXXX010] de Magnify a été ouvert vers le 30 septembre 1990 sans aucun dépôt initial de capital. Le premier relevé de compte indique cependant qu'une « vente de près de 3 millions d'actions de MCI Communications est intervenue le 18 mai 1990, soit 5 mois avant l'ouverture du compte. Le prétendu gain issu de cette vente plus de 100 millions d'euros était fondé sur la fiction selon laquelle ces titres avaient été achetés le 21 octobre 1986 alors que le prix des actions de MCI représentait environ 1/7ème du prix de vente. Ainsi dès le premier mois, le compte avait engrangé plus de 100 millions USD grâce à une opération intervenue près de 4 ans avant l'existence même du compte ... Les relevés du compte [XXXXXXXXXX010] de Magnify sont truffés d'activités de négociations fictives et antidatées », et ce avant même la mort d'[I] [WC].

L'association Yeshaya Horowitz est une association à but non lucratif immatriculée au registre des associations israéliennes le 20 décembre 1988. Elle détenait, toujours selon les investigations réalisées par maître [GD], un compte chez BLMIS.

Ses cofondateurs sont [I] [WC], [BO] [U] et un scientifique de renom, [Y] [H] qui travaillait auprès de l'organisation caritative israélienne Hadassah. [I] [WC] avait fait un don à ce dernier de plusieurs millions de dollars afin de soutenir ses recherches à l'hôpital universitaire d'[25] en Israel. Ces dons étaient conditionnés au maintien de l'anonymat d'[I] [WC] en tant que donateur et à la gestion par BLMIS d'une importante partie des fonds. Le compte BLMIS de Yeshaya a été provisionné le 17 mars 1989 lorsque Magnify a transféré 3 000 000 dollars depuis son compte [XXXXXXXXXX014]. Il est établi que les transferts ultérieurs internes à BLMIS de profits fictifs provenant des comptes de Magnify vers ceux de Yeshaya ont été l'unique source de financement permettant le fonctionnement de Yeshaya, y compris les subventions caritatives qu'elle a accordées à diverses institutions à travers Israël, et que les faux profits des comptes Magnifiy ont été utilisés à des fins personnelles par certains dirigeants et directeurs de Yeshaya dont la nièce d'[I] [WC], [J] [DF], « afin que [son] avenir soit assuré », et pour l'achat d'un appartement pour elle.

Le don d'[I] [WC] à Hadassah par l'intermédiaire de Yeshaya à permis à Hadassah de faire la connaisance de [TN] et BLMIS, auprès de laquelle Hadassah a investi des millions de dollars de ses propres fonds.

Maître [GD] a ajouté que « bien qu'[WC] ait été identifié comme le donateur inital de Yeshaya dans ses premières communications avec le gouvernement israélien, [U] a tenté de conserver le secret sur l'identité d'[WC] après le décès de ce dernier en janvier 1995, tant auprès du gouvernement israélien que du conseil d'administration de Yeshaya ».

Les relations anciennes et étroites d'[I] [WC] avec [V] [TN] sont de notoriété publique et ont été relatées dans plusieurs ouvrages.

C'est ainsi par exemple que [VA] [TX], dans un ouvrage [TN]'s Other secret, Love, Money, [V] and Me, publié en 2009 (pages 78 à 82) (pièce no 13 de la banque) écrit :

« L'idée de voyager seule à [Localité 30] était terrifiante. J'avais fait en sorte de rencontrer notre mystérieux donateur [I] I. dans la capitale française ... J'avais brièvement rencontré [I] précédemment au cours d'un voyage à [Localité 28] en 1990 ... Après tout il avait été celui qui avait introduit Hadassah ' et moi ' à [V] [TN]. En fait c'était l'un de nos docteurs, [Y] qui fut le premier à présenter [I] à Hadassah. Ils s'étaient rencontrés lors d'une conférence Spinoza et après avoir écouté [Y] parler, [I] s'était montré intéressé dans ses recherches de pointe dans le domaine de la biologie humaine. La donation d'[I] était spécifiquement faite pour financer le centre de recherches d'[Y] sur la biologie humaine à l'hôpital [27] de [Localité 28] ... Je savais que [V] avait voyagé en France de manière régulière pour voir [I]. J'avais l'impression qu'[I] était l'un des principaux clients de [V]. Après tout, [V] m'avait dit combien les deux hommes étaient très proches. [I] le considérait comme un fils, disait il ... J'appris par [V] que la femme d'[I] était également solitaire ... [V] l'appelait Miss [DY] ... [I] me raconta brièvement comment il avait rencontré [V]. Il disait beaucoup de bien de lui. Vous pouvez lui faire confiance ... C'est un homme bien » (en gras par la cour).

Dans l'ouvrage Et surtout n'en parlez à personne. Au c'ur du gang [TN], [TE] [M] et [C] [JB] écrivent (pièce no 5 de la banque) :

« À la fin des années 70, [V] [TN] est un agent de change important à New York. Sa maison de courtage n'est pas encore un petit empire. Mais c'est déjà un homme qui compte. Il a des correspondants à Londres et à [Localité 30], souvent eux aussi agents de change, pour effectuer des transactions sur le vieux continent. Rien que de très normal à une époque où les flux financiers ne circulent pas encore aussi vite et aussi facilement qu'aujourd'hui.

En 1978, son correspondant français présente à [TN], de passage à [Localité 30], un homme plus âgé que lui. Mais au parcours étonnant et fascinant, presque un personnage de roman. Juif et résistant pendant la guerre ' il a été naturalisé français en 1938 ', [I] [WC] a beaucoup bourlingué, et connu mille vies. À la Libération, il est entré au cabinet de [G] [EH], le bouillant député-maire communiste d'[Localité 26] que [E] avait nommé ministre de l'Air.

Un cabinet ministériel où il côtoie notamment l'écrivain [KD] [Z]. Après cette expérience qui dure moins de deux ans, [WC] se reconvertit. Il prend la tête de France Navigation, une société de transport maritime créée en 1937 par des proches du Parti pour fournir les républicains espagnols en armes. La compagnie se transforme alors en véritable entreprise commerciale. Elle a besoin de gestionnaires : [WC] devient le patron de cette société qui compte plusieurs pontes du Parti à son conseil d'administration.

À cette époque, [WC] est dans le collimateur de la presse d'extrême droite qui en fait un ennemi de la République et même l'un des maillons clés de l'infiltration de l'URSS et du KGB en France. [WC] représente tout ce qu'ils détestent. L'une de ces feuilles n'hésite pas à affirmer qu'[WC] a été arrêté quelque temps par la DST pour espionnage. Ce qui est sûr, en tout cas, c'est que durant la Guerre froide, [WC], pourtant marié à une Américaine, n'a pas le droit de pénétrer sur le sol des États-Unis (sa femme et sa fille s'y rendront à deux reprises dans les années 50 sans qu'il puisse les accompagner).

Après quelques années à la tête de France Navigation, [WC] se charge de vendre la compagnie qui connaît quelques difficultés. Puis il tourne une page et devient un financier de l'ombre. Il réalise d'innombrables coups qui le rendent riche, très riche. Mais jamais il n'apparaît, laissant ceux qu'il aide ou conseille, comme [WL] [GM], capter la lumière. Seule sa passion pour Spinoza justifie une entorse à cette discrétion absolue, puisque le financier portera à bout de bras pendant de longues années les Cahiers Spinoza où il écrit même quelques articles...

Entre [WC] et [TN], le courant passe tout de suite.

D'autant que les deux hommes, pourtant séparés par trente ans de différence d'âge, ont une passion commune : les mathématiques appliquées à la finance.

À l'époque, à la fin des années 70, à la Bourse, on ne parle pas encore de dérivés et d'options. Ou tout juste. Mais les deux hommes ont compris que le monde de la finance est en train de basculer. Et ils décident de se revoir » (en gras par la cour).

[L] B. [S] relate dans le livre the Wizard of Lies [V] [TN] and the death of trust paru en 2011(pièce no 4 de la banque, pages 65, 74 et 170) comment au début des années 1980, [V] [TN] est entré en contact avec des investisseurs français par l'intermédiaire de [ZA] [CR], celui-là même qui l'a mis en relation avec [JU] [OX]. Parmi ces clients français importants il y avait [ON] [P]. Par son intermédiaire [V] [TN] a rencontré un autre client important, [I] [WC], un industriel français et un disciple de Spinoza. « [TN] [dit-elle] s'est souvenu avoir effectué son premier voyage à [Localité 30] au début des années 1980 pour rencontrer [WC] qui selon lui aimait la bourse et voulait réaliser des arbitrages à une échelle réduite en dollars US ... Bien qu'[WC] avait au moins 30 ans de plus que [TN], ils se sont appréciés immédiatement et ont développé une relation très proche. [WC] avait eu une réussite remarquable, après avoir servi brièvement dans un cabinet [ministériel] de gauche en France, il avait dirigé une compagnie de navigation très importante. Lorsqu'il a rencontré [TN], il travaillait cependant essentiellement comme financier de l'élite, comme [OX] à New York. Il a ainsi ouvert les portes de banques françaises à [TN] et ces introductions devaient générer des milliards de dollards de cash pour lui dans les décennies à venir... [TN] avait établi une relation commerciale avec un établissement français d'élite dénommé la Banque Privée de Gestion Financière (BPGF). L'un de ses dirigeants, [YR] [D] avait rencontré [TN] par l'intermédiaire de leur ami commun, [I] [WC] ». Elle a également dit que « [TN] a rappelé qu'il était entré en contact avec [MS] (dirigeant d'Access) grâce à un dirigeant d'une banque française qu'il avait rencontré à [Localité 30] par l'intermédiaire de son vieil ami [I] [WC], dont les liens avec [TN] remontent aux années 1970. »

La banque verse aux débats (pièce no 6) une note portant la mention « strictement confidentiel » à en-tête « BPGF / département gestion » datée du 12 octobre 1981 émanant de [YR] [D] qui écrit :

« À la suite de circonstances historiques compliquées Monsieur A. [WC] nous a remis en contact avec le broker suivant :

[V] [TN]

Investment Securities

[Adresse 6]

téléphone [XXXXXXXX01]

télex : [XXXXXXXX018]

60 personnes

Chiffre d'affaires : 1 milliard de dollars

(en moyenne 500 ordres par jour de 500 titres)

Ce broker traite exclusivement comme broker de brokers et ne traite aucune opération avec les institutionnels ou les particuliers. En pratique, il travaille avec 150 maisons environ et ne tient pas à dépasser ce chiffre qui le ferait descendre dans la gamme des petits brokers avec petites lignes et petites marges.

Ses deux principaux clients, à ma connaissance, sont Merrill Lynch et Goldman Sachs qui donnent de très bons renseignements oraux.

Sa vocation est de racheter de gros paquets des titres dont il est spécialiste à ses clients (environ 600). Il ne prend aucune position pour son compte et demande généralement 48 heures pour trouver une contrepartie, sauf dans un cas : celui où il se charge de présenter des titres pour une opération matérielle précise, conversion, splits... Il est alors obligé de faire l'avance de trésorerie pour la durée matérielle de l'opération, soit généralement 4 semaines. C'est la raison pour laquelle dès 1960, il a syndiqué une faible fraction de ce dernier type d'opération avec une société française, intervenant à titre exceptionnel, via un agent de change. L'idéal serait qu'il trouve chez cet interlocuteur représenté par le tandem A. [WC]/BPGF une autorisation globale de 10 millions de dollars.

Nous resterons libres d'accepter ou non les opérations proposées...

Ce financement lui faciliterait les opérations d'un volume inhabituel. Pour une question de discrétion, de notoriété et de réglementation, il préfère une banque étrangère à une banque locale.

À la limite, Monsieur [WC], directement en rapport avec [TN] via sa filiale Saratoga, accepterait éventuellement de contre-garantir tout ou partie de nos engagements avec ce broker.

NB. Je tiens à signaler que les opérations déjà effectuées ont été traitées sur une base annualisée supérieure à 30 % pour un coût moyen de financement de 18,5 %. La marge ne dépend pas des taux du marché et il est courant de pouvoir traiter à 30 % même si les taux descendent à 12 ».

Il résulte de ce qui précède que l'affirmation selon laquelle les consorts [WC] [B] ont connu [V] [TN] et sa société BLMIS par le truchement de la BIF qui leur a délégué la gestion de leurs avoirs le 11 janvier 1988 par l'ouverture du compte no [XXXXXXXXXX08] est totalement inexacte. Il ne saurait être sérieusement contesté que les époux [WC] et [V] [TN] ont entretenu dès la fin des années 1970, et donc bien antérieurement à 1988 et en dehors de la BIF, des relations étroites et qu'[I] [WC] a participé avec [V] [TN] et sa société BLMIS à des opérations qui peuvent être qualifiées de frauduleuses, au début des années 1980, et que c'est lui qui a mis en relation [V] [TN] notamment avec certaines banques françaises, comme la BPGF, devenue la banque Pallas Stern, dans laquelle travaillait au département gestion [YR] [D], lequel, ainsi que cela a été vu plus haut, avait antérieurement à 1988 déjà fait travailler « en tandem » sa banque et [I] [WC]. Il s'avère que dès 1980, [I] [WC] a ouvert un compte-titres (no 164197) avec son épouse à la BPGF et que lorsque [YR] [D] a été nommé directeur général de la BIF, début 1988, et non fin 1987, les époux [WC] ont décidé « de le suivre » et de transférer leurs comptes à la BIF. Il est à souligner que la pièce no 4 de mesdames [B] censée prouver l'intervention de la BIF à la fin de l'année 1987, est en réalité datée du 10 février 1988, date à laquelle la BIF informe monsieur [WC] du placement sous son dossier 2030190 des titres reçus de la Banque Pallas Stern, ce que mesdames [B] admettent finalement dans leurs écritures procédurales (page 34), et que leur pièce no 2 contient un relevé de leurs avoirs au 31 décembre 1987.

Non seulement mesdames [B] n'apportent aucune preuve de ce que le compte no [XXXXXXXXXX08] aurait été ouvert par la banque dans les livres de la BLMIS pour le compte des époux [WC], mais il résulte de la procédure américaine (pièce no 65 de la banque : mémoire de maître [GD] devant le tribunal de New-York du 23 avril 2012) que ce compte no [XXXXXXXXXX08] a été à dessein créé en 1988 et initialement financé par un « transfert » de titres fictifs, actions et options de vente et d'achat d'un montant total de 126 901 535,90 francs, soit 19 346 014,43 euros, en provenance d'un compte BLMIS existant et détenu sur un compte no 105101 ouvert dans les livres de la Banque Pallas France.

Il a donc été ouvert sans dépôt d'un capital, et sa première transaction a ainsi consisté en un retrait de fonds appartenant à d'autres investisseurs, ce qui démontre une autre fois que la fraude est antérieure aux relations nouées avec la BIF.

Il y a lieu de relever que ce compte [XXXXXXXXXX08] a toujours été celui des époux [WC] jusqu'au décès d'[I] [WC] en 1995, puis celui de [F] [WC] seule jusqu'à son décès en 2005, ce qui signifie que les relations étaient directes entre les titulaires du compte et la société BLMIS, sinon sa numérotation aurait été changée dès 2000, lorsque tout lien contractuel fut rompu entre madame [WC] et la BIF à cette époque.

La preuve de l'initiative prise par la banque dans la création de ce compte ne peut résulter de la seule fiche administrative d'ouverture de compte établie par la société BLMIS, et non par la banque comme il est dit en page 48 des écritures procédurales de mesdames [B].

Cette fiche est intitulée « name adress file maintenance », ce qui peut se traduire par « nom, adresse, tenue de dossier ». La première mention qui figure est celle du numéro du compte dans les livres de la BLMIS, sans indication du titulaire, la seconde est celle du nom et de l'adresse de la banque. Ces mentions ne permettent pas d'attribuer à la banque un autre rôle que celui de teneur de compte qu'elle revendique.

L'existence d'un mandat de gestion donné par les consorts [WC] à la BIF et la délégation de ce mandat par la banque à [V] [TN] ne peut se déduire des différents relevés reçus par les titulaires du compte sur papier à en-tête de la BIF, la banque expliquant que son rôle de teneur de compte consistait notamment à reproduire et à adresser les relevés d'opérations réalisées par [V] [TN].

Mesdames [B] admettent au demeurant dans leurs écritures procédurales (page 36) que « les relevés émis par la BIF / Orange Bank reprenaient exactement les opérations réalisées par BLMIS après conversion des dollars en francs, les dates de valeur indiquées sur les relevés de la BIF / Orange bank correspondant aux dates d'opérations reprises sur les relevés de compte-titres de BLMIS ».

Mesdames [B] ne versent aux débats aucune pièce établissant que les titulaires de ce compte, monsieur et madame [WC], aient jamais prétendu, de leur vivant, que la BIF ait agi en une autre qualité que celle de teneur de compte.

Au contraire il résulte des pièces nos 8 et 22 de la banque que [F] [WC] a, le 22 novembre 1996 et le 26 novembre 1999, souscrit des déclarations de gage au bénéfice de la BIF. Dans les deux cas, il est mentionné dans la convention signée par madame [WC] : « constituant du gage : madame [F] [PP] Désignation du teneur de compte : BIF Conservateur des titres : [TN] ». Dans le second contrat intitulé « nantissement de compte d'instruments financiers », il est mentionné que madame [F] [WC] « affecte en faveur de la banque, à titre de gage et de nantissement, le compte d'instruments financiers numero [XXXXXXXXXX02] géré par la société [TN] et ouvert dans les livres de la banque » (en gras par la cour ).

Ces deux constitutions de gage sont intervenues en garantie d'un prêt de 10 470 000 dollars consenti à madame [WC] en 1996. Contrairement à ce qu'indiquent mesdames [B] dans leurs écritures procédurales (page11), ce prêt n'a pas été consenti par la banque pour permettre aux consorts [WC] [B] d'investir dans la société BLMIS, puisqu'il ressort de la procédure américaine que les seuls dépôts effectués sur le compte [XXXXXXXXXX08] ont été d'un montant de 2 350 000 dollars le 6 décembre 1990, 700 000 dollars le 30 décembre 1991, 1 570 000 dollars le 2 janvier 1992, 8 198 dollars le 12 février 1992, 490 dollars le 29 décembre 1992, et qu'ils sont donc tous antérieurs à 1996.

En outre au décès d'[I] [WC] (pièce no 14 de la banque), le notaire chargé de la succession a adressé à la BIF, le 22 mai 1995, une lettre qui est ainsi rédigée : « De la composition de la succession de Monsieur [WC] comme du partage en cours d'homologation devant le TGI de [Localité 30], il résulte qu'ont été attribués à mademoiselle [A] [B] sous l'administration légale de ses père et mère, divers US Treasury Bills pour un montant très important.

La sécurité juridique de ces avoirs appelle nécessairement la question du point de savoir

' qui de la BIF ou du broker est juridiquement responsable de leur représentation, spécialement mais non exclusivement pour le cas de faillite du dépositaire (quel est-il d'ailleurs ') ou de malversations

' dans l'un ou l'autre cas de figure quelle est l'étendue de la garantie présentée par le(s) responsable(s) ' »

La banque a répondu le 23 mai 1995 dans les termes suivants (pièce no 15) :

« Nous vous précisons en réponse que le broker est juridiquement responsable de la représentation des avoirs de la famille [WC].

Nous vous rappelons que les opérations sont traitées sans intervention de notre part, dans le cadre de conventions auxquelles nous ne sommes pas partie et dont nous n'avons pas copie.

Le compte ouvert dans nos livres ne fait qu'enregistrer les opérations réalisées dans le cadre de ces conventions.

Nous ignorons quelle est l'étendue de l'assurance de responsabilité souscrite par le broker et nous ne pouvons d'ailleurs pas vous assurer qu'il en existe une.

Nous pensons que Monsieur [WC] avait dû se préoccuper de cette question et que celle-ci est abordée dans le cadre des conventions susvisées » (en gras par la cour).

Les termes de cette lettre n'ont pas été contestés par les consorts [WC] [B].

La promptitude avec laquelle [V] [TN] s'est manifesté auprès de la banque après le décès d'[I] [WC], survenu le [Date décès 20] 1995, doit être soulignée.

Dans une lettre datée du 10 février 1995 (pièce no 7 de la banque), [V] [TN], qualifiant [I] [WC] de « cher ami et collègue » qui manquera à tout le monde, écrit à la banque : « Conformément aux souhaits et à l'accord passé entre Monsieur et Madame [WC] et moi-même, je continuerai à servir Madame [WC] et sa famille comme conseiller financier et comme courtier, de manière identique à ce que j'ai fait dans le passé. C'était aussi le désir de Monsieur [WC] que je continue ma relation avec la banque également, ce que je serai heureux de faire » (en gras par la cour).

Cette lettre démontre indiscutablement la coexistence entre, d'une part, un accord initial passé directement entre monsieur et madame [WC] et [V] [TN] relativement à la gestion de leurs investissements, d'autre part, des relations contractuelles entre les consorts [WC] [B] et la banque, via [TN], et réduit à néant la thèse défendue par mesdames [B], selon laquelle la banque a, dès 1988, reçu mandat de la part des consorts [WC] de gérer leur patrimoine, et qu'elle a délégué ce mandat à [V] [TN].

Elle établit en outre que les relations entre mesdames [B] et [V] [TN], d'une part, mesdames [B] et la banque, d'autre part, se sont poursuivies dans la continuité de ce qu'elles étaient à l'origine.

Le 2 mai 1995 (pièces nos 16,17,18,19 de la banque), [PG] [B] et [A] [B], ont d'une part, demandé l'ouverture de comptes à vue, et ont, d'autre part, signé, chacune, une « convention de comptes de titres » dont plusieurs clauses doivent être reproduites :

« Titres inscrits en compte :

le client pourra demander l'inscription à son compte de tout titre susceptible de faire l'objet d'une telle inscription en application d'une réglementation francaise ou étrangère et de tout titre matérialisé, négocié sur un marché réglementé ...

Titres nominatifs :

en application des dispositions de l'article 4 du décret du 2 mai 1983, le client donne

mandat à la banque qui l'accepte d'administrer le portefeuille de valeurs mobilières nominatives inscrites en compte chez l'émetteur et reproduites sur le compte ouvert auprès de la banque. En vertu de ce mandat la banque accomplira les actes d'administration pour le compte du client et notamment l'encaissement des produits. En revanche les actes de disposition ... sont effectués sur instructions particulières du client ...

Information du client :

La banque informera par simple avis le client des opérations auxquelles les titres donneront lieu afin de lui permettre, chaque fois que son concours sera exigé, d'exercer les droits attachés aux titres inscrits en compte.

L'information qui sera communiquée au client sera limitée aux événements affectant les droits attachés aux titres à l'exclusion des événements pouvant affecter la vie de la société. Ces informations ne seront portées à la connaissance du client que dans la mesure où la banque aura eu connaissance de tels événements. La banque adressera au client outre l'avis d'opéré correspondant à chaque ordre exécuté pour son compte, un relevé annuel de ses titres.

Dans le cas d'une réception de titres provenant d'un autre établissement ...

Afin de permettre au client de remplir ses obligations fiscales relatives aux titres inscrits en compte, la banque lui adressera par courrier avant la date limite de la déclaration à laquelle il doit satisfaire un imprimé récapitulatif des opérations de valeurs mobilières et des revenus de capitaux mobiliers conforme au modèle retenu par l'administration fiscale.

Mandat de gestion

Au cas où le titulaire du compte aurait donné un mandat de gestion à la banque, les dispositions du mandat de gestion complètent la présente convention. En cas de divergence les dispositions du mandat de gestion primeront ...

Rémunération

Le client déclare avoir parfaite connaissance des conditions générales de tarification de la banque ci-annexées et qui sont applicables à la date de signature du présent contrat. Ces conditions générales contiennent notamment la tarification des opérations sur titres, des droits de garde et des autres services liés à la détention et à l'utilisation d'un compte-titres ...

Modalités de réception et de transmission des ordres

Les ordres doivent indiquer le sens de l'opération (achat ou vente), la désignation ou les caractéristiques de la valeur sur laquelle sur laquelle porte la négociation, leur nombre et d'une manière générale toutes les précisions nécessaires à la bonne exécution de l'offre.

Les ordres doivent être transmis par le client à la banque, par écrit en précisant la durée de validité de son ordre.

Toutefois sur demande préalable du client et après accord de la banque, le client pourra transmettre ses ordres par téléphone, après avoir signé un mandat de transmission d'ordre téléphonique ...

Responsabilité de la banque

En l'absence de mandat de gestion de titres confié par le client à la banque, celui-ci gère son portefeuille titres sous son entière responsabilité, la banque n'étant tenue que d'exécuter fidèlement ses instructions et de lui fournir les informations prévues dans la présente convention à l'exclusion de tout devoir de conseil ou d'information portant sur l'opportunité ou le risque des opérations pouvant être effectuées dans le cadre de la présente convention.

signé lu et approuvé » (en gras par la cour).

Contrairement à ce que prétendent mesdames [B], « l'administration des titres nominatifs » prévue dans ces conventions ne peut être confondue avec la gestion d'un compte qui implique des opérations d'achats et de ventes de titres, et autorise uniquement la passation d'écritures comptables les concernant, l'envoi de celles-ci au client, l'encaissement des dividendes et la fourniture d'éléments à destination de l'administration fiscale. Il est d'ailleurs expressément rappelé que la BIF n'est pas autorisée à effectuer des actes de disposition et que de tels actes ne peuvent être effectués par la banque que « sur instructions particulières du client » et qu'en l'absence de mandat de gestion, la banque n'est tenue à aucun devoir d'information et de conseil sur les opérations, leur opportunité et leurs risques.

Il n'est pas contesté que mesdames [B] sont incapables de produire le mandat de gestion qu'elles auraient confié à la BIF, les conventions précitées ne pouvant pas, compte tenu de leurs termes, constituer des mandats de gestion, étant rappelé qu'ainsi que cela figure dans la convention « en l'absence de mandat de gestion de titres confié par le client à la banque, celui-ci gère son portefeuille titres sous son entière responsabilité. »

Il n'est pas sérieux de prétendre, comme le font mesdames [B], que le défaut de production des conditions générales des « conventions de comptes de titres », lesquelles, selon les termes mêmes de la convention, seraient essentiellement tarifaires, vaudrait preuve de la réalité d'un mandat de gestion et constituerait « l'escamotage délibéré d'un élément essentiel par BIF / Orange Bank destiné à faire obstruction à la manifestation de la vérité », alors qu'il résulte des termes mêmes de la convention citées plus haut que le mandat de gestion est une autre convention, distincte de celle conclue le 2 mai 1995, dont les stipulations, en cas de divergence, priment sur celles figurant dans le contrat versé aux débats, étant souligné que la production des conditions générales a été demandée vingt-quatre ans après leur signature et leur remise à mesdames [B] et dix-neuf ans après la fin des relations contractuelles ayant existé entre la banque et mesdames [B].

Au surplus il est établi, après qu'une ordonnance du juge de la mise en état de Bobigny eut ordonné leur production, que [PG] et [A] [B], celle-ci mineure étant représentée par ses parents, ont signé avec [V] [TN] qui s'était déplacé en France, représentant la société BLMIS, des mandats de gestion, rédigés en français.

Le 12 juin 1995 (pièces nos 74 et 75 de mesdames [B]) en effet deux conventions ont été signées par [PG] et [A] [B] dont les stipulations sont les suivantes :

« Étant entendu que le client désire faire certains investissements dans des valeurs par l'intermédiaire de [TN] et que [TN] est désireux de le faire et étant attendu que le client avait demandé des assurances et conditions particulières et que [TN] les avait acceptées, les deux parties se mettent d'accord sur ce qui suit :

1) Le client accepte de déposer des fonds et/ou des valeurs chez [TN] afin que ceux- ci soient déposés sur un compte chez [TN] pour le bénéfice du client.

2) [TN] accepte d'établir ce compte pour le bénéfice du client et d'investir ces fonds dans les valeurs établies du marché des États-Unis et d'en investir le produit pour le compte du client.

3) Dans les limites de ce qui suit, [TN] aura tout pouvoir pour faire les investissements.

4) Le client paiera à [TN] en matière de commissions des frais non supérieurs à12,5US cents par action et 300 US dollars pour 1.000.000 dollars en obligations du gouvernement américain ; ces commissions sont moindres que les commissions habituelles et généralement acceptées pratiquées par les « US registered broker- dealers » et membres de la « National Association of Securities Dealers ».

5) Cet accord liera les deux parties ainsi que leurs successeurs, ayants droit ou représentants.

6) Cette convention est annuelle et reconductible par tacite reconduction, sauf dénonciation écrite par l'une des deux parties » (en gras par la cour).

Pour [A] [B], il est précisé que « l'exécution de cette convention est conditionnelle à son acceptation par le juge des tutelles du 6ème arrondissement à Paris ; en cas de refus du juge elle sera considérée comme nulle et non avenue », et prévu que « [TN] accepte d'indemniser le client pour toute perte en excès de 5 % de la valeur du marché du capital telle que calculée selon la valeur du marché à tout moment durant la première année, et si le compte est maintenu par le client chez [TN] au-delà de cette première année, d'indemniser le client pour cette perte au-dessus de 5 % calculée à chaque évaluation annuelle ultérieure ».

Ainsi que cela est mentionné, sans équivoque ni ambiguïté, dans ces conventions, [PG] [B] et [A] [B] ont directement confié à BLMIS un mandat de gestion et de conservation des titres et demandé l'ouverture de comptes chez BLMIS, ce que [V] [TN] a accepté moyennant perception d'une rémunération réduite par rapport aux tarifs habituellement pratiqués. Les deux comptes ont fonctionné de 1995 à 2008, sans discontinuer et sans avoir été résiliés, sous les numéros [XXXXXXXXXX011] et [XXXXXXXXXX016].

Madame [PG] [B] a dit devant le juge américain, dans une déclaration, « sous peine de parjure », manuscrite, signée et datée du 5 septembre 2012, que [V] [TN] « a[vait] voyagé à [Localité 30] et [lui] avait rendu visite à [son] domicile pour [la] convaincre d'ouvrir des comptes chez BLMIS » (pièce no 73 de la banque), ce qui ne peut constituer une « brève visite de courtoisie en raison du décès de son père », ainsi qu'il est dit en page 115 des conclusions.

Cette visite ainsi que les autres effectuées par [V] [TN] à [Localité 30] auprès de [PG] [B] (pièce no 217 de mesdames [B]) ne peuvent en aucune manière être qualifiées d'« éléments superficiels », comme elles le sont dans les écritures procédurales.

Il est à souligner en outre qu'en remplissant leur déclaration de créances, [PG] et [A] [B] ont répondu à la question suivante qui était posée dans le formulaire qu'elles ont rempli : « Avez-vous déjà accordé un pouvoir discrétionnaire à une personne afin qu'elle procède à des transactions de titres avec ou par le biais du courtier pour votre compte ' Indiquez leurs noms, adresses et numéros de téléphone », en déclarant toutes les deux : « de facto [TN] ».

Le 14 juin 1995 (pièce no 73 de mesdames [B]) est intervenue une ordonnance du juge des tutelles du 6e arrondissement de [Localité 30] qui a autorisé les parents d'[A] [B], alors mineure, à procéder aux placements demandés, en ordonnant l'exécution provisoire. Si la requête saisissant le juge n'a pas été produite, un paragraphe essentiel y est rapporté.

Cette décision est ainsi rédigée :

« Attendu qu'il a été notamment attribué à mademoiselle [A] [B] des obligations US Treasury Bills évaluées à 161.564.814,21 francs au cours du dollar américain au 31 janvier 1995, comptabilisées sous compte no [XXXXXXXXXX03] ouvert au nom de la mineure chez la Banque pour l'Industrie Française ...

Que les titres concernés viennent à échéance le 6 juillet 1995, date à laquelle ils seront automatiquement transformés en dollars,

que les requérants souhaitent avant cette date l'autorisation de placement suivante :

' qu'une moitié du portefeuille soit investie par l'intermédiaire de BLMIS qui gère la fortune immobilière de la famille [WC] depuis une quinzaine d'années,

' que l'autre moitié soit constituée d'obligations assimilables du Trésor dont le dépositaire sera le Trésor public en un compte ouvert au nom de la mineure. Le patrimoine concerné va en effet générer des impôts et taxes dont le paiement, spécialement en francs français impose qu'une partie au moins des placements soient faits en francs » (en gras par la cour).

Dans la déclaration sous peine de parjure, ci-dessus évoquée (pièce no 73 de la banque), [PG] [B] indique que « le juge a approuvé notre décision à cette époque d'investir notre argent chez BLMIS », qui gérait la fortune de la famille depuis les années 1980, ainsi qu'il est dit dans la requête.

Cette décision ne peut en l'état de ces productions, être consécutive aux conseils de la BIF, ainsi que cela figure en page 115 des conclusions de mesdames [B].

De 1995 à 1999, il est établi par les très nombreuses productions de mesdames [B] que la banque a exécuté la convention de comptes de titres en adressant, sur son papier à en-tête, les relevés d'opérations transmis par [V] [TN] et en établissant les déclarations fiscales.

Il n'est pas pertinent pour mesdames [B] de prétendre d'une part, que « la démonstration est ainsi faite que la BIF / Orange Bank a repris sur ses propres relevés de titres, édités à son en-tête, la totalité des opérations réalisées à sa demande par BLMIS sur les comptes numéro [XXXXXXXXXX08], [XXXXXXXXXX011] et [XXXXXXXXXX016] qu'elle a ouverts à son nom dans [leur] intérêt [et que] de telles opérations correspondent aux prestations financières d'une banque en charge de la gestion de l'ensemble du patrimoine de ses clients », alors qu'en produisant les fiches d'ouverture de comptes et des centaines de pages de relevés de compte, mesdames [B] ne prouvent ni que les opérations mentionnées sur lesdits relevés de banque aient été effectuées à la demande de la banque, ni que la banque ait ouvert en leur nom les comptes chez BLMIS, et de soutenir d'autre part que les « conventions du 12 juin 1995, régularisées pour des raisons purement administratives liées à la succession de [F] [WC], sont sans incidence faute d'avoir modifié la réalité juridique des relations [B] / BIF / BLMIS maintenues sur la base du mandat initial confié par les [B] à la BIF / Orange Bank en 1988 ».

Il n'est pas contesté que mesdames [B] n'ont effectué que des retraits auprès de la banque, qui ont entraîné des flux financiers entre les États-Unis ([TN]) et la France (BIF) et qu'elles n'ont notamment jamais effectué aucun dépôt. Il n'est pas non plus allégué qu'[I] ou [F] [WC] ait versé auprès de la BIF la somme totale de 4 628 688 dollars qui a alimenté le compte [XXXXXXXXXX08] de décembre 1990 à décembre 1992.

Pour prouver que la BIF / Orange Bank s'est présentée dans les avis d'opérer qu'elle leur a adressés comme leur mandataire réalisant des opérations pour leur compte, mesdames [B] font référence à une lettre du 11 janvier 1988 adressée par [V] [TN] à [YR] [D] (pièce no 124).

Or en agissant ainsi, mesdames [B] procèdent par amalgame et mêlent deux séries de transactions qui sont totalement distinctes, celles réalisées par [V] [TN] dans l'intérêt des consorts [WC] [B] et celles effectuées par lui pour la banque dans le cadre d'une opération pour compte propre.

En effet, il est constant que la banque a, dès le 11 janvier 1988, investi, sur ses fonds propres, une somme de 13 390 000 dollars, laquelle a été réellement remise à la BLMIS. Cet investissement a donné lieu à une lettre de confirmation de la BIF en date du 8 janvier 1988 (pièce no 123 de mesdames [B]) qui est ainsi rédigée, sous la plume et la signature de [YR] [D] :

« En réponse à votre télex en date du 7 janvier 1988, nous sommes ravis de vous informer que nous acceptons d'investir 13.390.000USD dans les opérations d'arbitrage proposées si elles répondent aux conditions suivantes :

1) Nous achetons N actions XX

2) Nous achetons N/100 PUTXXX (1PUT = 100 actions d'achat) [en réalité options de vente (selling options)]

3) Nous vendons N/100CALLXXX (1CALL = 100 actions de vente) [en réalité options d'achat (buying options )] [rectification opérées dans le rapport figurant en pièce no 88 de la banque]

les PUT et les CALL ont la même date d'échéance

de plus si C = le prix que nous payons pour les actions XXX

Sp = le prix d'exercice du put

Sc = le prix d'exercice du call

Pp = la prime que nous payons pour le PUT

Pc = la prime que nous payons pour le call

Sp

Sp - C - Pp + Pc - 0

Merci de nous confirmer en retour les points suivants

1) Chronologie de l'opération

° Les dividendes éventuellement perçus seront crédités dès que possible

° Les opérations auront la même durée théorique que les options, soit environ 60 jours

2) Fin des opérations

° Les opérations seront entièrement terminées de manière à couvrir toute position

° Le montant total reçu après la fin des opérations sera investi soit dans de nouvelles opérations, soit en T Bills, selon les opportunuités du marché

3) Nouvelles opérations

° Les nouvelles opérations que vous engagerez pour nous devront répondre aux conditions ci-dessus

° La fin des opérations ainsi que l'engagement de nouvelles opérations sera confirmée immédiatement par téléphone et un télex sera envoyé dans les jours qui suivent.

4) Résiliation

Les 2 parties pourront demander la résiliation des opérations à tout moment sans préavis, à condition que les positions en cours soient terminées normalement (c'est-à-dire en accord avec les conditions des présentes)

Nous vous ferons savoir par la suite ce qu'il faut faire du montant perçu. »

[V] [TN] a répondu le 11 janvier 1988 : « nous sommes ravis de confirmer votre lettre de confirmation en date du 8 janvier 1988 fixant les conditions sous lesquelles les opérations pour votre compte sont parfaitement acceptables. Ces conditions seront appliquées en permanence » (pièce no 124 de mesdames [B]).

Il y a tout d'abord lieu de préciser qu'il résulte des propres termes de la lettre du 8 janvier 1988 qu'elle constitue une réponse à un télex de la veille dans lequel BLMIS proposait des « opérations d'arbitrage », dans laquelle elle définit sa stratégie d'investissement pour une enveloppe de 13 390 000 dollars et pose ses conditions.

Ainsi que cela résulte du rapport établi par [ZA] [SL] (SORGEM Évaluation, pièce no 88 de la banque) dont les analyses et conclusions ne sont pas contredites par mesdames [B], cette lettre contient la stratégie d'investissement et l' exposition financière envisagées par la banque, qui est usuelle et appellée « collar », « l'utilisation de collars [étant] généralement associée à la volonté d'un acteur de se couvrir contre les variations à la baisse du sous-jacent sans débourser le prix d'un put et en payant le coût de cette couverture en vendant un call » et la stratégie envisagée s'apparentant à une stratégie d'arbitrage « puisqu'elle ne fait courir aucun risque de perte pour l'investisseur et lui assure la possibilité d'engranger un gain avec une probabilité non nulle ».

Il est incompréhensible que mesdames [B] affirment que les ordres donnés par la banque, qui est en l'espèce un investisseur à hauteur de 13 390 000 dollars qui a choisi la stratégie financière classique du « collar » pour limiter ses risques de perte, dans le cadre d'une opération pour compte propre, qui ne les concerne en rien, constituent des directives données pour la gestion du compte des consorts [WC] et contiennent les formules mathématiques qui vont être utilisées par [V] [TN] pour masquer la fraude (page 10 des conclusions de mesdames [B]), alors que la pièce qu'elles visent (no 125) est une lettre de [V] [TN] adressée à la BIF le 25 juin 1996 dans laquelle il expose « la méthode d'arbitrage [suivie quand il est procédé] à des transactions pour la BIF ». Il doit être en outre rappelé ici que [V] [TN], qui a commencé ses malversations bien avant 1988, n'avait pas besoin d'une formule mathématique pour masquer la fraude, puisqu'il adressait des relevés sur lesquels il faisait mention de fausses opérations sur titres et couvertures alors qu'il n'en réalisait aucune et que la fraude consistait à détourner l'argent des investisseurs.

En ce qui concerne la lettre de [V] [TN] adressée à [Y] [YH] (dirigeant de la BIF), le 25 juin 1996 (pièces nos 125 et 204 de mesdames [B]), elle est ainsi libellée :

« Nous vous prions de bien vouloir considérer cette lettre comme une confirmation des directives commerciales que nous suivons lorsque nous effectuons des transactions pour la BIF ...

Nous continuerons à appliquer une stratégie de couverture lorsque nous investissons pour votre compte ...

Les détails de toutes les transactions seront confirmés par télex au moment du règlement ou avant. Le télex de confirmation comprendra tous les détails concernant l'exécution des actions et des options et sera exprimé en dollars américains.

Comme vous le savez, les directives de négociations illustrées ci-dessus sont à la base d'une relation d'investissement fructueuse depuis de nombreuses années. Nous nous réjouissons de la poursuite de cette relation et acceptons de suivre ces mêmes lignes directrices à l'avenir ».

Cette lettre est, ainsi que [V] [TN] l'a expliqué lors de son procès, destinée à masquer ses malversations auprès de son client, la BIF en l'espèce, pour ses opérations pour son compte propre. Elle ne démontre ni la « relation très spécifique entre la banque française et le courtier américain », ni « l'association entre la banque française et le courtier escroc », encore moins « l'emprise qu'exerçait la banque sur [V] [TN], [auquel elle aurait imposé] une politique de gestion des avoirs qu'elle lui avait confiés dans le cadre de l'ouverture des comptes titres [XXXXXXXXXX08], [XXXXXXXXXX012], [XXXXXXXXXX013], [XXXXXXXXXX016],[XXXXXXXXXX011] ».

De même il est totalement inexact d'affirmer que « la BIF / Orange Bank a signé avec [V] [TN] un contrat de mandat le 31 décembre 1997 pour la gestion tant de ses avoirs que pour ceux de ses clients » et que ce contrat « est un véritable contrat de sous-mandat de gestion concédé et rédigé par la banque française ».

Ledit contrat signé en décembre 1997 entre [V] [TN] et la banque (pièce no 70 de la banque) « requis par la réglementation bancaire française », encadre seulement les opérations pour compte propres effectuées par [V] [TN] pour la banque. Il mentionne expressément comme « client la banque » et comme « courtier [V] [TN] » et ne peut être qualifié de mandat de gestion général, incluant la gestion des consorts [WC] [B]. Il y est stipulé : « Le courtier ouvrira et gèrera un ou plusieurs comptes au nom de la BIF et agira à son égard en qualité de courtier relativement à ce compte ... Sauf instruction contraire du client, le courtier investira les fonds sur le compte dans des titres et options, conformément à la stratégie de couverture définie ci-dessous.

Le client déclare que personne en dehors du client, n'a d'intérêt dans le ou les comptes du client ».

Il est en outre faux de prétendre (page 66 des appelantes) que le 11 février 1994, la BIF / Orange Bank ait mandaté la société Price Waterhouse afin d'auditer ses propres comptes ouverts chez BLMIS ainsi que le compte ouvert au nom de [F] [WC]. Les pièces que mesdames [B] versent aux débats, nos 126, 127 et 128, qui ne sont pas traduites, émanent de BLMIS et sont destinées au commissaire aux comptes de la BIF, le cabinet Price Waterhouse. Elles sont censées attester que BLMIS détient bien les titres inscrits en compte au 31 décembre 1993 pour les trois comptes précités.

La lettre du 18 mai 1999 par laquelle la BIF a mis fin à la convention du 31 décembre 1997 est ainsi libellée :

« Nous sommes au regret de vous informer que, en raison de récentes instructions de nos nouveaux actionnaires, Groupama-Gan, nous devons changer notre stratégie et par conséquent mettre un terme à l'ensemble de nos activités avec vous. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons aimablement de solder toutes les positions en ce compris l'investissement en bons du Trésor.

Tel que stipulé aux termes de notre contrat client en date du 31 décembre 1997 et au regard du délai de préavis permettant de mettre en œuvre l'ensemble des démarches nécessaires, nous vous remercions de bien vouloir transférer la totalité de notre solde sur notre compte ... au 17 juin 1999...

Nous vous remercions vivement pour le formidable travail que vous avez effectué pour nous jusqu'à présent et espérons que nous aurons l'occasion de traiter à nouveau avec vous dans le futur. Nous vous souhaitons le meilleur et espérons vous revoir bientôt. »

Il est tout d'abord constant que cette lettre de résiliation ne concerne en rien mesdames [B], qu'elle n'a pas mis fin à leurs relations avec la société BLMIS, que les conventions du 12 juin 1995 ont continué à s'appliquer jusqu'en décembre 2008 et que c'est en fin d'année 1999 que la BIF a mis fin à ses relations contractuelles avec mesdames [B].

Ensuite il est impossible de déduire de cette lettre et notamment de son dernier paragraphe que la banque avait compris l'escroquerie mise en place par [V] [TN].

Les « récentes instructions [des] nouveaux actionnaires, Groupama-Gan » sont en outre corroborées par la plaquette 1999 produite par la banque (pièce no 28), contenant le message du président du conseil de surveillance (« en juillet 1998, Groupama achetait le GAN. Parmi toutes les opérations de rapprochement nécessaires, la fusion des deux banques existantes, Banque financière Groupama et Banque pour l'industrie française, est intervenue le 1er octobre 1999 à effet rétroactif du 1er janvier 1999 pour donner naissance à la banque Finama ... Dans sa mission de banque de groupe, elle doit servir toutes les entités de Groupama en conservation de titres, en gestion des moyens de paiement et en services de trésorerie euros et devises. Dans sa mission de banque des particuliers, elle doit offrir aux sociétaires Groupama et aux clients du GAN des produits et services bancaires distribués par les caisses régionales Groupama et les réseaux du GAN en accompagnement des offres de produits et services d'assurance IARD et Vie... La banque Finama devra contribuer au développement de son groupe au service des sociétaires Groupama et des clients du GAN ») et celui du président du directoire ([V] [GW]) qui est le suivant : « La fusion sociale, le 1er octobre, le regroupement géographique dans un seul immeuble le 15 septembre, la mise en place d'un seul organigramme, la bascule euro ... la redéfinition d'une stratégie nouvelle ... tels ont été les travaux menés par les équipes de la banque ... Les résultats de 1999 sont ceux d'une année de création, ceux de 2000 seront ceux d'une année de transition. De très nombreux chantiers restent en effet à achever pour que 2001 soit une année consacrée au développement de notre banque au service de Groupama, de ses sociétaires et clients ». Il est précisé : « l'objectif majeur de la banque reste le développement des services bancaires auprès des sociétaires Groupama et des clients GAN en relation étroite avec les Caisses Régionales Groupama et les réseaux du GAN ».

Dans la plaquette de l'année 2000 (pièce no 29 de la banque) il est indiqué : « Groupama souhaite développer l'offre bancaire proposée aux sociétaires. La banque Finama doit se doter des moyens humains et techniques nécessaires à la mise en œuvre de cette stratégie ... L'objectif premier de la banque Finama aujourd'hui est de mettre tout en œuvre pour offrir une palette de produits et services complets et de qualité aux sociétaires Groupama et aux clients du GAN en relation étroite avec les caisses régionales et les réseaux ».

Il ne peut être dès lors sérieusement contesté que la résiliation de la convention conclue avec [V] [TN] s'explique seulement par la nouvelle stratégie et les nouveaux objectifs de la banque issue de la fusion de deux grands groupes d'assurances mutualistes, qui aboutissait à la fermeture du service international, au grand regret du service gestion privée de la BIF qui voyait disparaître une source de profits considérables, puisque comme le répètent à de nombreuses reprises mesdames [B], en 1999 la banque a récupéré auprès de BLMIS une somme supérieure à 98 000 000 dollars.

Les propos de [V] [GW], tenus dix ans plus tard (pièce no 82 de mesdames [B]) dans un article publié le 16 février 2009 dans Gan Eurocourtage dont se prévalent mesdames [B] doivent être examinés :

« Il y a une dizaine d'année, après le rachat de Gan par Groupama, j'avais été appelé à conduire les opérations de rapprochement entre la Banque Financière Groupama ' dont je venais de devenir vice-président directeur général ' et la Banque pour l'Industrie Française (filiale de Gan). En examinant les placements de cette dernière, mon attention avait été attirée par une ligne de quelque 100 millions de dollars dans le fonds [TN] : bonne réputation, régularité, bonnes performances. Mais justement les informations que l'on me donnait sur cette régularité et ces performances ne me convainquaient pas. Et même, plus on me donnait d'explications, moins je comprenais ! J'avais donc conseillé à toutes les parties prenantes de se retirer rapidement de ce placement. Ce qui fut fait peu après ! Depuis, Groupama n'a plus jamais réalisé aucune opération dans le fonds [TN], ce qui n'a pas empêché la presse, se fondant sur ces très anciennes listes de clientèle, de mentionner le nom du groupe ! À tort, bien sûr, puisque nous ne détenons plus depuis longtemps aucun placement d'aucune sorte dans [TN] ».

Ces propos, tout d'abord, constituent une réponse à la question suivante posée à [V] [GW] : « La presse financière, notamment anglo-saxonne, a publié récemment une liste de clients (sociétés et particuliers) victime de l'escroquerie [TN]. Groupama (via la banque Finama) est cité dans cette liste. [V] [GW], directeur général de Finama et de Groupama Bank, fait le point ».

Il doit être tout d'abord relevé que [V] [GW] a été conduit à s'expliquer non pas parce qu'il était affirmé, par voie de presse, que Finama Banque était à l'origine de la « fraude [TN] », ce qu'affirment explicitement mesdames [B], mais parce que cette banque figurait sur une liste de clients, ce qui était objectivement exact.

[V] [GW] a simplement répondu, non pas qu'il avait découvert la fraude à ce moment-là, mais qu'au moment de la fusion des deux banques, il avait examiné les comptes de la BIF et n'avait pas compris le fonctionnement de l'investissement « [TN] ». Il a également précisé que la régularité du rendement de ces placements hautement performants l'avait rendu méfiant, ce qui a été repris dans l'article de Challenges cité par mesdames [B] (pièce no 237).

Il est à noter que ses conseils de retrait n'ont pas été suivis par toutes les entités qu'il contrôlait puisqu'une des caisses régionales de Groupama, Groupama Centre Atlantique, est l'une des victimes de BLMIS et a perdu à ce titre 11 600 000 dollars (pièce no 30 de la banque).

Il doit être rappelé qu'au mois de mai 1999, BLMIS était notée « AAA » par les agences de notation et qu'en juin 1999 deux banques américaines à la renommée mondiale, Merrill Lynch, « première maison de titres des États-Unis » selon la Tribune, et Goldman Sachs, « prestigieuse banque d'affaires qui vient de réussir son entrée en bourse » selon le quotidien, venaient tout juste de s'associer à BLMIS pour créer leur propre bourse électronique, baptisée Primex Trading (pièce no 24 de la banque), et souligné que jusqu'à la faillite de BLMIS, [V] [TN] a bénéficié d'une excellente réputation, tant en Europe qu'aux États-Unis où il a été président du NASDAQ (bourse des valeurs technologiques) en 1990 et 1991, que l'autorité de contrôle des marchés américains, la Securities and Exchange Commission (SEC), a contrôlé à plusieurs reprises BLMIS sans déceler la moindre fraude, étant précisé qu'en décembre 2008, celle-ci n'a pas été découverte mais révélée par [V] [TN] lui-même.

Ainsi que [PG] [B] l'a déclaré aux autorités américaines, la BIF, dans la lettre adressée aux consorts [WC] [B] fin 1999 les informant qu'elle n'assurerait plus la tenue de leurs comptes à compter du 1er janvier 2000, a expliqué que cette décision faisait suite au rachat de la maison mère, le GAN, par Groupama et à la fermeture du service international de la BIF.

Le 14 décembre 1999, BLMIS a adressé à la banque une lettre signée de [X] [T] (pièce no 16 de mesdames [B] et 23 de la banque), dans laquelle il écrivait ceci :

« Nous avons été informés par madame [WC] et madame [B] qu'à compter du 1er janvier Banque Finama n'assurera plus la tenue de leur compte bancaire (« will no longer be serveing their accounts »).

Nous sommes convenus d'arrangements pour reprendre les comptes suivants :

Madame [F] [WC] (adresse)

Madame [PG] [B] (adresse)

Melle [A] [B] (adresse)

Merci de nous fournir une lettre d'instructions autorisant [V] [TN] à retirer les comptes mentionnés ci-dessus.

Cela a été un plaisir pour nous de travailler avec vous ... grâce à nos clients mutuels .... j'espère que nous pourrons travailler ensemble dans le futur » (en gras par la cour).

La banque a transmis ce courrier le 22 décembre 1999 à madame [B] (pièce no 17 des appelantes) en lui disant : « Je vous adresse une copie du courrier que [X] [T] nous a envoyé très récemment concernant l'ouverture de vos comptes en direct chez [V] [TN]. Avant de lui confirmer le transfert de votre portefeuille titres et celui de votre fille [A], j'aurais besoin de recevoir vos instructions ainsi que la date retenue pour le transfert des T Bills actuellement détenus dans vos comptes respectifs.

Pour répondre à la demande de madame [WC], nous avions accepté de conserver vos avoirs et ceux de votre fille détenus en nue-propriété dans un compte unique ouvert au nom de madame [WC]. Cette procédure atypique et non conforme à nos obligations nous oblige à vous demander votre accord pour que nous puissions effectuer les virements de vos titres dans des conditions similaires chez B. [TN] ... »

Il ressort de la chronologie de ces courriers que la BIF a averti les consorts [B] [WC] de la clôture de leurs comptes, que les consorts [WC] [B] ont informé directement [V] [TN] de la décision de la BIF, qu'un « arrangement » est intervenu entre elles et [V] [TN] pour la « reprise des comptes », que [V] [TN], par l'intermédiaire de [X] [T], a informé la BIF de leur décision, que la BIF en a pris acte et a contacté les consorts [WC] [B], pour effectuer, en pratique, le transfert des comptes.

Il résulte du contenu du courrier du 14 décembre 1999 que BLMIS reconnaît que la banque assurait une mission de tenue de compte et que mesdames [B] étaient pour elle et la banque des clients « mutuels », c'est-à-dire qu'il n'existait aucune délégation entre la banque et elle, que BLMIS et la banque assumaient des missions distinctes envers mesdames [B], et qu'à compter de la décision de la banque de cesser d'exécuter sa mission, BLMIS a assuré outre le mandat de gestion et de conservation que lui avaient confié mesdames [B], la mission de tenue de leurs comptes.

Il est donc inexact de prétendre, comme le font mesdames [B] que « fin 1999 BIF / Orange Bank annonce qu'elle ne gérera plus le patrimoine des consorts [B] et que les comptes [XXXXXXXXXX016] et [XXXXXXXXXX011] seront gérés « en direct » par BLMIS / [TN] » ou (page 42) que « BLMIS déclare dans un courrier du 14 décembre 1999 qu'elle gérait les comptes des concluantes par délégation de la BIF/Orange Bank et que la résiliation du mandat à l'initiative de cette dernière entraînerait la prise en charge directe de leurs intérêts par [V] [TN], ... que BLMIS annonce à la BIF / Orange bank que les comptes-titres précités seront désormais libellés [à leur nom] en ses lieu et place reconnaissant ainsi qu'elle [la banque] avait précédemment l'initiative et la maîtrise de la délégation de gestion ».

C'est en dénaturant le dernier courrier de la BIF et en isolant un mot de son contexte, que mesdames [B] affirment que la BIF a reconnu « conserver » leurs avoirs alors que la BIF n'évoquait que la tenue en un compte unique des titres appartenant à plusieurs personnes, sur demande expresse de madame [WC].

Le 28 janvier 2000, la Banque Finama a adressé à [PG] [B] un relevé de son compte-titres au 31 décembre 1999 récapitulant les titres inscrits en compte pour un montant de 83 588 266,95 euros. Le même jour, la Banque Finama a adressé à [A] [B] un relevé de son compte-titres au 31 décembre 1999 récapitulant les titres inscrits en compte pour un montant de 26 854 326,70 euros.

La réception de ces relevés n'a entraîné ni questionnement, ni protestation, ni réserve de la part de mesdames [B].

En définitive, les pièces versées aux débats démontrent qu'à compter du 18 janvier 1988, la BIF a retranscrit sur le compte [XXXXXXXXXX08], ouvert directement par les époux [WC] dans les livres de la société BLMIS à laquelle les époux [WC] avaient depuis le début des années 1980 directement confié un mandat de gestion et de conservation, les opérations enregistrées par BLMIS comme l'avait fait avant elle la Banque Pallas.

Après le décès d'[I] [WC], sa fille [PG] [B] et sa petite-fille, [A] [B], ont elles-mêmes ouvert des comptes dans les livres de BLMIS [XXXXXXXXXX016] et [XXXXXXXXXX011] et conclu avec BLMIS, le 12 juin 1995, directement et personnellement, des conventions de gestion et de conservation, en dehors de toute intervention de la BIF, ainsi qu'un compte de dépôt à vue et un compte-titres dans les livres de la BIF.

La BIF a ainsi, depuis 1988 jusqu'en 1999, exercé une activité de teneur de compte en retranscrivant les opérations sur titres enregistrées par BLMIS aux États-Unis au nom et pour le compte des consorts [WC] [B], et permis aux consorts [WC] [B] de recevoir en France, leur pays de résidence, des transferts d'argent provenant de leurs comptes ouverts dans les livres de BLMIS.

Ainsi mesdames [B] ne sont pas fondées à réclamer à la banque une quelconque indemnisation sur le fondement des dispositions de l'article 1994 du code civil prévoyant que le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion s'il n'a pas reçu pouvoir de son mandant à cet effet, puisque ainsi que cela a été démontré plus haut, elles ont conclu le 12 juin 1995 des mandats de gestion et de conservation avec BLMIS qui se sont poursuivis jusqu'à la faillite de BLMIS le 15 décembre 2008, et que les conventions signées avec la BIF le 2 mai 1995 ne peuvent s'analyser en des mandats de gestion. Dès lors il n'est nullement établi, d'une part que la BIF se soit vu confier, ni par écrit ni tacitement, la gestion du patrimoine des consorts [WC] [B], d'autre part, qu'elle se soit substituée la BLMIS dans cette gestion, étant précisé qu'aucun contrat de délégation de gestion entre la BIF et BLMIS n'est produit et que mesdames [B] ne versent aux débats aucune pièce établissant que la BIF ait donné des instructions à la société BLMIS pour leur compte.

Subsidiairement, mesdames [B] demandent à la cour de « prendre acte de la reconnaissance [par la banque] de l'existence d'un mandat de teneur- conservateur de compte qu'elle a délégué à BLMIS ».

Il y a tout d'abord lieu de préciser que la banque, non seulement n'a jamais reconnu qu'elle avait eu le rôle de conservateur de titres et qu'elle avait délégué ce mandat à BLMIS, mais qu'elle a nié ces allégations pour affirmer qu'elle avait seulement eu un rôle « de teneur de compte pour des titres dont la conservation était confiée par les consorts [B] à BLMIS ».

Il a déjà été dit que l'emploi par un préposé de la banque, dans la lettre du 22 décembre 1999, de l'expression « conserver vos avoirs » ne peut être considéré comme la reconnaissance d'un mandat de tenue de compte-conservation, alors d'une part, que la banque indique seulement dans ce courrier que les titres détenus par plusieurs personnes ont été inscrits dans un compte unique, et que d'autre part, au décès d'[I] [WC], ainsi que cela a été rappelé plus haut, la banque a précisé le 23 mai 1995 au notaire qu'elle n'avait pas de mandat de conservation et que dans le courrier du 14 décembre 1999, [X] [T], au nom de la BLMIS, n'évoque que la tenue du compte qui ne sera plus assurée par la banque, rappelant implicitement que le rôle de conservateur des titres a été confié à la BLMIS par conventions du 12 juin 1995.

Mesdames [B] se prévalent des dispositions de l'article 6-2-1 du règlement général du Conseil des marchés financiers (CMF) qui ne font pas de distinction entre la tenue et la conservation de compte, « l'un ne pouvait aller sans l'autre » puisqu'elles énoncent que « la tenue de compte-conservation consiste, au sens du présent règlement général, d'une part à inscrire en compte les instruments financiers au nom de leur titulaire, c'est-à-dire à reconnaître au titulaire ses droits sur lesdits instruments financiers, et d'autre part à conserver les avoirs correspondants, selon des modalités propres à chaque instrument financier », pour affirmer que la banque, qui a reconnu l'existence d'un mandat de teneur de compte la liant avec elles ne peut donc contester l'application en l'espèce des dispositions de ce texte.

Cependant l'article 2-1-7 du règlement général du CMF, dans sa version applicable à l'espèce, distingue deux activités puisqu'il dispose :

« Exerce une activité de tenue de compte tout prestataire habilité qui enregistre dans ses livres des écritures comptabilisant des opérations sur instruments financiers pour le compte de donneurs d'ordres.

« Exercent une activité de tenue de compte-conservation les personnes mentionnées à l'article 6-2-2 du présent réglement général. L'activité de tenue de compte-conservation d'instruments financiers est définie à l'article 6-2-1. »

La banque revendique d'avoir exercé l'activité prévue par l'alinéa 1er du texte précité, qui prévoit que le banquier peut tenir des comptes sans être conservateur ou gestionnaire, et d'avoir satisfait aux obligations prévues par l'article 2-4-13 du règlement général du CMF qui prévoit que « tout teneur de compte visé à l'article 2-1-7 doit comptabiliser les instruments financiers et espèces qu'il reçoit pour le compte d'un donneur d'ordres dans des comptes ouverts au nom de ce donneur d'ordres. Préalablement à toute comptabilisation dans ses livres d'instruments financiers, tout teneur de comptes doit établir une convention d'ouverture de compte avec chacun de ses donneurs d'ordre ».

Il est constant que le 2 mai 1995, mesdames [B] ont chacune ouvert un compte de dépôt et un compte de titres, dont les stipulations (notamment relatives à l'inscription des titres et à l'information du client sur les opérations réalisées) ont été rappelées ci-dessus.

C'est en sa qualité de banquier teneur de compte que la banque a édité des relevés de compte et des avis d'opéré libellés à son nom, dans lesquels étaient simplement retranscrites les opérations sur titres enregistrées par BLMIS au nom et pour le compte de mesdames [B], et qu'elle a perçu des frais annuels forfaitaires.

Dans le cadre de cette activité, ainsi que le souligne la banque, il était parfaitement logique qu'elle eût reçu des télex (pièces nos 206 et 215 de mesdames [B]) de BLMIS ou des relevés de compte de BLMIS à son nom avec indication des numéros de compte (le compte C correspondant au compte [XXXXXXXXXX016] d'[A] [B], le compte D correspondant au compte [XXXXXXXXXX011] de [PG] [B]), qu'elle eût enregistré dans ses livres les écritures comptabilisant les opérations communiquées par BLMIS, et qu'elle eût adressé des relevés de comptes de la BIF enregistrant ces écritures à chacune d'elles.

Contrairement à ce que soutiennent mesdames [B], il n'existe aucune pièce démontrant que la BIF ait donné des ordres ou instructions à la société BLMIS pour leur compte, ce qui exclut toute délégation de la part de la BIF.

Mesdames [B] invoquent ensuite la violation de « l'article 322-67 et de l'article 322-32 du réglement général du CMF », lesquels n'existent pas, ou dans le dispositif de leurs conclusions, celle de l'article 322-6 du règlement général de l'AMF, qui n'est pas applicable en l'espèce.

Ainsi il n'est pas démontré que mesdames [B] aient confié un mandat de conservation à la BIF. Il est au contraire établi qu'elles ont donné un tel mandat à la société BLMIS. Dès lors la banque, qui n'a été investie que d'une mission de tenue de compte, n'a jamais délégué ni pu déléguer à BLMIS un mandat de conservation qu'elle n'a jamais eu. Mesdames [B] ne peuvent donc utilement invoquer les manquements de la banque à ses obligations en tant que teneur-conservateur de compte et notamment la violation de l'article 6-3-3, de l'article 6-3-7 et de l'article 6-3-9 du règlement général du CMF qui prévoient respectivement :

' que « Le teneur de compte-conservateur assure la garde et l'administration des instruments financiers qui lui ont été confiés au nom de leur titulaire.

Il respecte, en toutes circonstances, les obligations suivantes :

1. Le teneur de compte-conservateur apporte tous les soins à la conservation des instruments financiers et veille à ce titre à la stricte comptabilisation des instruments financiers et de leurs mouvements dans le respect des procédures en vigueur. Le teneur de compte-conservateur apporte également tous ses soins pour faciliter l'exercice des droits attachés à ces instruments financiers ; (')

3. Le teneur de compte-conservateur a pour obligation de restituer les instruments financiers qui lui sont confiés. (') »

' que : « Le teneur de compte-conservateur peut recourir à un mandataire pour le représenter dans tout ou partie des tâches liées à son activité de conservation. Quand le teneur de compte-conservateur ayant recours à un mandataire n'est pas une personne morale émettrice mentionnée au dernier alinéa de l'article 6-2-2, ce mandataire est un autre teneur de compte-conservateur.

Le mandat de conservation précise notamment :

' les tâches confiées au mandataire ;

' les responsabilités du mandant et du mandataire » ;

' que : « Quand il a recours à un mandataire ou à un tiers mentionné aux articles 6-3-7 et 6-3-8, le teneur de compte-conservateur procède à l'évaluation des moyens et des procédures mises en œuvre et des risques encourus. Il tient cette évaluation à la disposition du Conseil des marchés financiers ».

La banque n'étant pas en outre une société de gestion de portefeuille, le règlement général du CMF, à son article 6-3-9, qui dispose qu'une société de gestion de portefeuille est responsable à l'égard de son client dans la tenue du compte et sa gestion, même si elle a mandaté un tiers pour ce faire, ne lui est pas applicable.

Mesdames [B] prétendent en outre qu'« à tout le moins, la BIF / Orange Bank est garante du paiement des titres inscrits en compte, en tant que ducroire, en sa qualité de teneur de comptes, au titre de l'article 2-4-14 du Règlement général du Conseil des Marchés Financiers qui prévoit que lorsqu'ils exercent une activité de réception et transmission d'ordres pour le compte de tiers, d'exécution d'ordres pour le compte de tiers, de tenue de compte telle que visée à l'article 2-1-7 du présent Règlement général, ou de compensation, les prestataires habilités interviennent en qualité de ducroire de leurs donneurs d'ordres.

À ce titre, ils garantissent aux donneurs d'ordres la livraison et le paiement des instruments financiers achetés ou vendus pour leur compte.

Par dérogation à l'alinéa précédent, n'a pas la qualité de ducroire le prestataire qui, sous réserve d'en avoir informé son donneur d'ordres :

' soit ne reçoit ni fonds ni titres du donneur d'ordres,

' soit intervient en dehors d'un marché réglementé.

Le membre d'un marché réglementé est ducroire jusqu'à ce que la transaction qu'il a exécutée sur ce marché soit enregistrée au nom du donneur d'ordres dans les livres d'un teneur de compte. Ce dernier est alors ducroire vis-à-vis du donneur d'ordres ».

Or il résulte explicitement de ce texte que le banquier teneur de compte ne peut être ducroire qu'en cas d'ordres reçus ou transmis et de titres achetés ou vendus par son intermédiaire à la demande de son client.

En l'espèce, mesdames [B], qui n'ont pas confié de mandat de gestion ou de conservation à la BIF, ne lui ont jamais donné d'ordre d'acquérir ou de vendre des titres sur le marché américain, et la BIF n'a jamais demandé à BLMIS d'acquérir des titres pour le compte de mesdames [B].

Elles ont confié un mandat de gestion et de conservation à la BLMIS, en dehors de toute intervention de la BIF, et la mission de la banque a été uniquement de retranscrire les opérations réalisées par BLMIS pour leur compte.

Il s'ensuit que la BIF n'a eu à aucun moment la qualité de ducroire de mesdames [B].

La banque relève, en outre, à juste titre, d'une part, qu'au 31 décembre 1999, les titres inscrits dans leurs comptes respectifs ont fait l'objet d'avis de virement au moment de la cessation des relations contractuelles et qu'ainsi elle a rempli son obligation de restitution, de deuxième part, que les titres figurant sur leur relevé dans les livres de BLMIS au 30 novembre 2008 dont [PG] et [A] [B] réclament le paiement, ne correspondent en rien aux titres figurant sur leur compte au 31 décembre 1999, de troisième part, qu'il n'existe aucune garantie sans créance et que les titres inscrits en compte étaient fictifs.

Mesdames [B] reprochent ensuite à la banque de s'être abstenue d'avoir fait régulariser par BLMIS une attestation de gestion et de ne pas avoir fait vérifier son agrément.

Sur le premier point, elles invoquent les dispositions de l'article 3-3-4 du règlement général du CMF aux termes duquel « lorsque le prestataire habilité teneur de compte est informé par son client que ce dernier a confié la gestion de son portefeuille dans le cadre d'un mandat, il lui fait remplir une attestation signée du mandant et du mandataire conforme à un modèle établi par une décision du Conseil. Le prestataire habilité n'est pas tenu d'avoir connaissance des termes du mandat ».

Ainsi que le note la banque, cet article a été en vigueur du 27 mars 1997 au 23 février 2004. Il figure dans la section 2 du chapitre 3 intitulée Dispositions générales applicables lors de l'entrée en relations.

Or la banque est entrée en relations avec mesdames [B] au mois de mai 1995, c'est-à-dire plus de deux ans avant l'entrée en application du texte.

En outre, la BIF connaissait l'existence du mandataire de mesdames [B] puisque le 10 février 1995 la société BLMIS avait écrit directement à la banque, et il est difficile en toutes hypothèses de voir le grief qu'auraient subi mesdames [B] en l'absence de l'attestation établie selon un modèle et signée par les deux parties, étant souligné que le texte lui-même ne prévoit aucune sanction en cas d'absence de l'attestation.

Sur l'agrément, il y a lieu de relever qu'il résulte de l'assignation qui leur a été délivrée (pièce no 42) ainsi que des deux mémoires de maître [GD] versés aux débats (pièces nos 65 et 74 de la banque ) que « BLMIS a été inscrite auprès de la SEC à titre de courtier en valeurs mobilières en vertu de la section 15(b) de la loi sur les bourses de valeurs mobilières, Security Exchange Act de 1934,15USC §153. Du fait de cette inscription, BLMIS était membre de la SIPC ».

BLMIS était donc autorisée à recevoir des fonds de la part de ses clients, à les conseiller et à intervenir comme courtier, ce que maître [GD] n'a jamais contesté. Mesdames [B] sont mal fondées à soutenir que BLMIS n'avait pas d'agrément en qualité de conseiller financier, puisqu'elles distinguent artificiellement l'ensemble des qualités pour lesquelles elle avait obtenu l'agrément pour exercer.

Il doit être ici rappelé que cette société a été contrôlée à au moins trois reprises par le « gendarme de la bourse » sans être sanctionnée.

Mesdames [B] soutiennent encore que BIF/Orange Bank était censée exercer sur BLMIS un contrôle efficace qui lui aurait permis de déceler aisément la fraude, mais que « compte tenu de son degré d'implication dans la gestion de [V] [TN], la réalité des choses est que la BIF / Orange Bank était informée de la fraude et ne souhaitait pas la révéler ».

Il a déjà été dit d'une part, que la banque intervenait a posteriori sur des opérations qui avaient déjà été effectuées et qu'elle devait seulement retranscrire en les affectant dans des comptes spécifiés, qu'elle n'avait aucun contrôle à effectuer et n'intervenait pas dans la gestion, d'autre part, qu'elle n'avait aucune connaissance de la fraude.

« À titre subsidiaire », mesdames [B] demandent à la cour de reconnaître la responsabilité de la banque sur le fondement de l'article 58 de la loi du 2 juillet 1996 qui prévoit à la charge du banquier prestataire de services d'investissement un devoir de loyauté au-delà de ses obligations contractuelles, et de sanctionner la violation par la banque des dispositions de l'article 3-3-5 du règlement général du CMF qui, notamment, oblige « le prestataire habilité » à évaluer la compétence professionnelle du client, à l'informer des caractéristiques des instruments et des risques envisagés, et celles de l'article 3-3-7 du règlement général du CMF qui prévoit que « lorsqu'un client envisage d'effectuer une opération sur instruments financiers qui ne s'inscrit pas par sa nature, par les instruments concernés ou par les montants en cause dans le cadre des opérations que le client traite habituellement, le prestataire habilité s'enquiert des objectifs de l'opération en cause. Lorsqu'en réponse le client précise ses objectifs, le prestataire habilité lui communique les informations utiles à la compréhension de l'opération envisagée et des risques qu'elle comporte. »

Le premier de ces textes (l'article 3-3-5 du règlement général du CMF) est entré en vigueur le 27 mars 1997. Il figure dans la section 2 du chapitre 3 intitulée Dispositions générales applicables lors de l'entrée en relations.

Or la banque est entrée en relations avec mesdames [B] au mois de mai 1995, c'est-à-dire plus de deux ans avant la date d'entrée en application de ce texte.

Surabondamment, il doit être relevé que les obligations qu'il contient sont celles du « prestataire habilité » et non du « prestataire habilité teneur de compte », visé à l'article 3-3-4, et qui par leur nature sont étrangères à celles qui pèsent sur le teneur de compte puisqu'il est question des « opérations envisagées ».

La même remarque doit être faite à propos de l'article 3-3-7 qui lui figure dans la section relative aux « dispositions générales applicables au cours des relations entre le prestataire habilité et ses clients ».

La banque ne saurait être qualifiée de fautive sur le fondement de ce texte, dès lors qu'il prévoit que le prestataire habilité qui doit s'enquérir des objectifs d'une opération inhabituelle doit fournir les informations préalablement à toute négociation. Or il a été établi que la banque n'est intervenue dans les relations avec mesdames [B] qu'en qualité de teneur de compte, c'est-à-dire que, non seulement, elle n'a été informée des opérations qu'une fois celles-ci réalisées mais encore qu'elle avait pour seule mission de les enregistrer.

Il doit être en outre rappelé que de telles obligations sont expressément exclues de la convention de comptes de titres signée le 2 mai 1995 qui fait la loi des parties.

Au demeurant, mesdames [B] incriminent, à ce stade, le rôle actif qu'aurait joué la BIF en tant que « complice de [V] [TN] en sa qualité de banquier intervenant au c'ur du mécanisme frauduleux », et « instigatrice de la politique de gestion appliquée au moins en apparence, par ce dernier ». Mesdames [B] consacrent de longs développements à des pièces (lettres du 11 janvier 1988, des 25 et 26 juin 1996, contrat du 31 décembre 1997) dont la cour a déjà dit qu'elles concernaient uniquement l'opération pour compte propre réalisée par la banque, aux fiches d'ouverture de compte et à l'édition de relevés sur papier à en-tête de la banque, dont la cour a déjà dit qu'ils ne signifiaient pas autre chose que la banque a tenu les comptes ouverts par mesdames [B], sans son intervention, dans les livres de la BLMIS.

En même temps, mesdames [B] déclarent que la BIF s'est comportée en conseil financier, qu'elle était débitrice à leur égard « d'informations spécifiques et d'un devoir de vérification et de loyauté renforcé qui aurait dû la conduire à les prévenir en raison de différentes alertes ».

Aux termes des « conventions de comptes de titres » signées le 2 mai 2015, et notamment de la clause « Information du client » citée plus haut, la banque devait adresser à ses clients « un imprimé récapitulatif des opérations de valeur mobilières et des revenus des capitaux mobiliers conforme au modèle retenu par l'administration fiscale ... afin de permettre au client de remplir ses obligations fiscales relatives aux titres inscrits en compte ».

Toutes les pièces citées par Mesdames [B] et notamment leur pièce no 10 illustrent la façon dont la banque a rempli ses obligations contractuelles, la banque s'étant renseignée auprès du Bureau [O] [MI], pour connaître « le traitement fiscal des obligations zéro coupon » et plus précisément celui des bons du Trésor américain, étant souligné que [PG] [B] a elle-même indiqué aux autorités américaines qu'un avocat, maître [AP], était son conseiller fiscal.

Cette convention ne s'assimile aucunement à un service d'exécution d'ordres (page 86 des conclusions) et ne crée pour la banque aucun devoir particulier d'information et de mise en garde.

Mesdames [B], en reprochant à la banque son manquement à son obligation d'information et de loyauté, et en insistant sur sa proximité avec BLMIS, font fi des relations intimes très particulières qui ont existé d'une part entre [V] [TN] et leurs parents et grands-parents, puis entre [V] [TN] et son collaborateur et [PG] [B], d'autre part, en dehors de la banque, les courriers existant entre [PG] [B] et [X] [T] démontrant la connaissance par cette dernière des opérations réalisées et son souci d'élaborer « une stratégie » fiscale (pièces nos 53 et 54 de la banque).

Elles occultent le fait qu'en apparence les opérations effectuées par BLMIS ne présentaient aucun risque particulier puisqu'il s'agissait d'achat et de vente de bons du Trésor américain et de titres d'entreprises les mieux cotées sur le marché avec application d'un système de couverture neutralisant le risque de perte.

Les développements relatifs à la SICAV Luxalpha sont totalement hors débats puisqu'il est constant que mesdames [B] n'ont réalisé aucun investissement dans cette SICAV.

Mesdames [B] ne démontrent nullement que la BIF était informée de la « fraude [TN] » et ainsi ne sont pas fondées à reprocher à la banque de ne pas leur avoir fourni des informations qu'elle ne détenait pas. Il y a lieu ici de rappeler, d'une part, que jusqu'en décembre 2008, époque de la crise financière et de la panique des marchés, BLMIS était l'une des principales sociétés d'investissements de Wall Street, que [V] [TN] était perçu non seulement comme un innovateur mais aussi comme un professionnel intègre gagnant la confiance de nombreux investisseurs, et que son arrestation a révélé ce qui a pu être qualifié comme étant la plus grande « arnaque » du siècle sinon de tous les temps, dont ont été victimes les plus grandes institutions financières (Meryll Lynch, Natixis, UBS, HSBC...), et d'autre part, que les développements sur le devoir d'information du prestataire de services d'investissement relatifs aux OPCVM sont hors sujet.

Il est impossible, ainsi que cela a été déjà dit plus haut, de voir dans la rupture des relations contractuelles entre la banque et BLMIS en mai 1999, compte tenu du contexte dans lequel elle est intervenue et des termes de la lettre de résiliation (pièce no 150 de mesdames [B]), la démonstration que la BIF, informée de la fraude, ait cherché à protéger ses propres intérêts, en connivence avec [V] [TN], au détriment de ceux de mesdames [B].

La déclaration faite près de dix ans plus tard par [V] [GW] est inopérante ainsi que cela a déjà été dit plus haut, à prouver la connaissance de la fraude en 1999 par la banque.

Aucun compte ne saurait être tenu des « travaux » effectués par [JK] [R], expert judiciaire, qui a établi un rapport sur la demande de mesdames [B] (pièce no 192 de mesdames [B]), n'a pas pris la précaution de préciser de façon liminaire que seules mesdames [B] lui avaient transmis les élements qu'elle avait utilisés sans les vérifier, et qui écrit de façon péremptoire comme s'il s'agissait de faits constants, en s'adressant à [PG] et [A] [B] : « vos parents ou grands-parents ... ont confié en 1988 la gestion de leur fortune importante à la banque BIF, devenue Orange Bank. La banque a délégué la gestion de ce patrimoine à la société BLMIS ... la banque a en effet procédé à un retrait de ses placements chez [V] [TN] en mai 1999 ... soit la somme de 98 millions de dollars, elle était donc informée des dangers encourus. Elle aurait dû informer ses clients, les mettre en garde et leur conseiller de retirer également leurs fonds et au 31 décembre 1999, votre famille aurait donc liquidé le portefeuille confié par la BIF à la société BLMIS au même moment ».

En définitive, il résulte de ce qui précède qu'aucune faute n'est caractérisée à l'encontre de la banque et que le jugement déféré doit être confirmé.

La cour doit en outre s'interroger sur le lien de causalité directe entre les fautes reprochées par mesdames [B] à la banque et le préjudice invoqué par ces dernières qui soutiennent qu'il est né au plus tôt en 2008, pour le montant des titres figurant sur leur relevé de comptes, et en 2017 pour le préjudice fiscal et pour les sommes mises à leur charge par le protocole, étant rappelé que les relations avec la banque ont cessé en 2000, ainsi que sur l'existence et le quantum de ce préjudice.

Au stade de la relation causale, mesdames [B] reprochent seulement à la banque d'avoir méconnu ses devoirs en qualité de prestataire de services d'investissement et de s'être abstenue de vérifier la livraison des titres avant d'émettre les documents bancaires, de contrôler l'agrément, ce qui aurait mis fin à la gestion illégale, de respecter les règles de bonne conduite destinées à garantir la protection des investissements et la régularité des opérations, et d'avoir dissimulé le conflit d'intérêts résultant des relations privilégiées entretenues entre la banque et [V] [TN]. Elles prétendent ici que si elles avaient été correctement informées, elles n'auraient pas manqué de retirer la totalité de leurs avoirs pour les investir auprès d'établissements offrant la même absence de volatilité et la même performance et auraient bénéficié d'une valorisation de leur capital équivalente à celle qui apparaissait sur leurs relevés.

Il y a lieu de noter ici, comme le fait la banque, l'incohérence de mesdames [B], qui soutiennent que la banque, en sa qualité de professionnelle, a pu comme l'indique [V] [GW] s'apercevoir de la fraude compte tenu de la régularité des rendements très élevés des placements boursiers, et est fautive de ne pas les avoir alertées alors qu'elles sont des clients profanes, et qui prétendent en même temps qu'elles auraient pu disposer, de façon honnête, des mêmes rendements non soumis à la volatilité des marchés, dans des conditions de liquidité identiques.

Compte tenu des déclarations de mesdames [B] selon lesquelles d'une part, les déclarations de maître [GD] sur la fictivité de leurs avoirs devant le tribunal de New-York le 23 avril 2012 « n'étaient proférées que pour les besoins d'un contentieux qu'il a cru devoir initier à [leur] égard avant de, en définitive, trouver un accord amiable le 2 juin 2017 », maître [GD] y ayant finalement renoncé par la signature dudit protocole qui a tranché sur les déclarations de créances, d'autre part, « la Cour de cassation et la cour d'appel de Paris ont considéré de la manière la plus constante qu'[elles] pouvaient retirer leurs fonds jusqu'à la révélation de la fraude et disposaient à ce titre d'une créance réelle génératrice d'un préjudice », il y a lieu d'apporter les précisions suivantes.

Tout d'abord les déclarations de créances de mesdames [B] ont été rejetées par maître [GD] (pièces nos 38 et 41) le 17 septembre 2010 et les décisions de rejet sont devenues définitives, aucun recours n'ayant été exercé contre elles dans le délai de 30 jours.

Maître [GD] explique dans sa décision de rejet qu'il a déterminé le montant des sommes qui ont été retirées du compte et qu'il l'a comparé au montant des sommes déposées auprès de BLMIS pour l'achat des titres.

Dans le cas de [PG] [B], il a observé que le montant total des sommes retirées du compte était de 147 261 229,30 dollars alors qu'aucun investissement n'avait été réalisé, et dans le cas d'[A] [B] il a constaté que le montant de l'investissement était de 10 999 973 dollars (en novembre 2005) et le montant des retraits de 34 668 026 dollars.

Il a conclu qu'aucun titre n'avait été acheté par BLMIS pour ces deux comptes et que tous les profits qui avaient été communiqués par le biais des relevés de compte étaient fictifs.

Il est à préciser que selon l'analyse des comptes réalisés par maître [GD], les deux comptes [XXXXXXXXXX016] et [XXXXXXXXXX011] ont été crédités à l'origine de titres fictifs provenant du compte [XXXXXXXXXX08] (appartenant aux époux [WC]) et lui-même constitué de titres fictifs.

Le cabinet Baker Mc Kenzie (pièce no 87 de la banque) a expliqué la procédure suivie par maître [GD] pour définir qui était créancier de BLMIS. Il a précisé que la méthode utilisée est celle dite de « l'actif net » calculé selon la méthode « d'investissement net ».

Aux termes de celle-ci il faut évaluer la valeur des comptes clients et seuls les créanciers dont le montant en valeur des dépôts dépasse le montant des retraits peuvent être considérés comme des créanciers de BLMIS.

Cette méthode, qui s'oppose à celle « du dernier relevé de compte », a été confirmée par la Cour suprême des États-Unis qui a rejeté le recours contre la décision du « Second circuit » qui a considéré que la méthode du dernier relevé de compte ne pouvait pas être retenue pour déterminer l'actif net car les relevés de comptes étaient entièrement fictifs et ne reflétaient pas les positions réelles sur les titres telles que ces positions auraient pu être liquidées.

La procédure de recouvrement des actifs qui a été engagée contre mesdames [B] dite « action en annulation de transferts » et qui s'est terminée par le protocole d'accord du 2 juin 2017, est la conséquence des décisions de rejet de créances de mesdames [B], et non pas, comme elles le soutiennent, l'aboutissement d'un processus de reconnaissance de leur créance.

Dans la procédure de liquidation de la société BLMIS, mesdames [B] ne sont pas des créanciers de la société BLMIS, qui auraient droit de récupérer tout ou partie de leur créance selon ce qui aurait été recouvré par le mandataire judiciaire, mais elles doivent restituer une partie des fonds, en tant que bénéficiaires de la fraude [TN] ayant perçu plus d'argent qu'elles n'en ont remis à la société, de façon à indemniser les véritables créanciers de la société BLMIS, laquelle détient une créance sur elles.

La banque soutient avec raison qu'en réclamant des dommages-intérêts à hauteur de 220 633 671 euros et 82 419 483 euros, mesdames [B] demandent le montant de créances fictives, soit le montant des titres fictifs inscrits en compte au mois de novembre 2008, qu'elles ont déclarées au passif de BLMIS et qui ont été rejetées.

Non seulement mesdames [B] ne justifient d'aucun préjudice au titre de « la perte en capital », puisque les sommes qu'elles réclament ne sont pas celles qu'elles ont réellement investies dans BLMIS et qui auraient été détournées au bénéfice d'autres investisseurs, mais le montant inventé de titres fictifs qui figure sur leur dernier relevé de compte et ne correspond en rien à la réalité de leurs avoirs, mais force est de constater qu'elles demandent à la cour de condamner la banque à leur payer le montant de l'escroquerie réalisée par [V] [TN] à leur bénéfice au mois de novembre 2008 et qu'elles n'ont pu percevoir du fait de son arrestation.

S'agissant de la bonne foi qui leur a été reconnue dans le protocole de mesdames [B] (pièce no 91), il y a lieu de relever que celle-ci est tout à fait relative et que ce terme signifie, ainsi que cela ressort expressément du protocole, que « le mandataire judiciaire n'a pas allégué et n'a pas connaissance de l'existence de preuve que les bénéficiaires avaient reçu les virements avec un manque de bonne foi, que le bénéficiaire n'a pas allégué et n'a pas connaissance de l'existence de preuve que les bénéficiaires connaissaient la fraude de BLMIS avant sa chute ».

Cette bonne foi reconnue n'a pas exonéré mesdames [B] de tout paiement mais a seulement réduit le montant des virements annulables puisque n'ont été retenues que les sommes représentant le montant de leurs retraits nets de dépôt au cours des deux années (et non des six) ayant précédé l'ouverture de la liquidation judiciaire de BLMIS le 15 décembre 2008, ce qui représente une somme de 25 104 399 dollars.

Le montant des sommes payées en exécution du protocole ne peut pas constituer un préjudice indemnisable, au surplus par la banque, puisqu'il représente le montant évalué forfaitairement de fonds dont mesdames [B] ont indûment bénéficié, puisque provenant de l'escroquerie, par le biais de retraits effectués sur leur compte, dix-sept ans après la rupture des relations contractuelles.

Il est exact que le protocole fait état de l'action engagée contre la banque. Cependant la cour relève que maître [GD] n'incrimine en rien la banque, qu'il ne la cite pas, au terme des investigations qu'il a réalisées, comme étant coauteur ou complice de [V] [TN]. Elle retient qu'il y est dit : « le mandataire judiciaire reconnaît par ailleurs que les bénéficiaires et leur avocat, Me [VT] [LZ] peuvent poursuivre Groupama sans interférence du mandataire judiciaire ni responsabilité à son égard, sous réserve que les bénéficiaires soient de bonne foi dans leur action » (souligné par la cour).

Or il est clair que le bénéfice de la bonne foi, c'est-à-dire leur méconnaissance de la fraude en décembre 2008, reconnu à mesdames [B] dans le cadre de la procédure américaine, ne peut être transposable à la présente instance, puisque celle-ci a été reprise en 2017, c'est-à-dire à une époque où il est constant qu'elles avaient une connaissance exhaustive de la fraude, puisque par exemple madame [PG] [B] a précisément été interrogée sur la « plainte » déposée contre la société Magnify, laquelle lui a été communiquée par son avocat (pièce no 73 de la banque).

S'agissant des décisions rendues par la cour d'appel de Paris et la Cour de cassation qui, statuant en matière fiscale, sont censées avoir consacré le droit pour mesdames [B] de retirer leurs fonds jusqu'à la révélation de la fraude et avoir attesté de leur qualité de créanciers véritables et donc de leur préjudice, il y a lieu de préciser ceci.

Dans l'arrêt du 15 septembre 2015 rendu sur le pourvoi formé contre l'arrêt prononcé le 11 mars 2014 par la cour d'appel de Paris (pièce no 163 de mesdames [B]), la Cour de cassation a dit que « la fraude mise en œuvre par [M. [TN]], qui reposait sur une promesse de placements fictifs, n'a pu effacer la créance détenue par [F] [WC] à la suite du dépôt effectif des fonds sur ce compte ; que [l'arrêt] en déduit exactement que l'actif déclaré de ce chef dans la déclaration de succession s'analyse en une créance détenue par [F] [WC] à l'encontre de la société BLMIS », et aussi que « Madame [B] ne démontrait pas l'impossibilité totale ou partielle de recouvrement de la créance détenue par sa mère à l'encontre de la société BLMIS, à la date de son décès, fait générateur de l'impôt » (en gras par la cour).

Il résulte de cette décision que la Cour de cassation ignorait que la déclaration de créance de la succession de [F] [WC] avait été rejetée par le liquidateur judiciaire, qui avait constaté que sur ce compte 4 628 688 dollars avaient été déposés entre décembre 1990 et décembre 1992 et 145 043 303 dollars retirés.

La même analyse doit être faite à propos de l'arrêt de la cour d'appel de Paris rendu le 6 février 2017 (pièce no 164) qui rappelle en outre que des retraits ont été effectués, et qui a ainsi jugé :

« Si le caractère fictif de la plupart des placements gérés par BLMIS est indéniable il n'en demeure pas moins que les versements effectués par les investisseurs étaient réels et que certains ont perçu des dividendes ou récupéré leurs fonds. La révélation de la fraude ne remet pas en cause le principe des impositions querellées puisqu'il n'est pas démontré que les sommes placées ont été définitivement perdues, dès leur mise à disposition de la société BLMIS. Il s'ensuit que la cour adopte les motifs du jugement critiqué qui a considéré que le caractère fictif des investissements de la société BLMIS est sans incidence sur l'existence même de ce compte sur lequel des sommes ont été déposées et à partir duquel des retraits ont été effectués et par voie de conséquence sur la créance détenue par Madame [B] à l'encontre de la société BLMIS pour chacune des années en cause » (en gras par la cour).

L'arrêt de la Cour de cassation rendu le 19 juin 2019 à la suite du pourvoi formé contre cette décision (pièce no 193) énonce : « les déclarations faites par M. [TN] le 12 mars 2009 ont établi que les sommes placées par les épargnants ont pu être remboursées jusqu'à la révélation de la fraude et que si le caractère fictif de la plupart des placements de la société BMIS est indéniable, les versements de ces épargnants ont été réels ».

Ces décisions s'expliquent indiscutablement par les déclarations qui ont été faites par mesdames [B] et qui sont encore réitérées dans la présente procédure, aux termes desquelles elles ont effectivement réalisé des investissements dans la société BLMIS, et donc qu'elles sont créancières de ladite société, alors que les investigations qui ont été réalisées par maître [GD] établissent qu'à sa création en 1988 le compte [XXXXXXXXXX08] était composé de titres fictifs, que des versements d'un montant total de 4 628 688 dollars ont été déposés sur ce compte entre décembre 1990 et décembre 1992, et que des retraits d'un montant de 145 043 303 dollars ont été effectués, que [PG] [B] n'a effectué aucun dépôt de fonds sur son compte [XXXXXXXXXX011] et a retiré une somme totale de 147 261 229 dollars, qu'[A] [B] a effectué un seul dépôt de fonds le 21 novembre 2005 d'un montant de 10 999 973 dollars et a retiré 34 668 026 dollars.

En toute hypothèse, la position de mesdames [B] est illogique car, soit elles soutiennent qu'elles-mêmes ou les consorts [WC] ont réellement investi dans BLMIS, et que dès lors les retraits auxquels elles ont procédé n'étaient pas frauduleux, et dans ce cas les impositions étaient justifiées ; soit elles admettent que leurs avoirs étaient fictifs car ne correspondant pas à des investissements réels, et les impôts étaient dès lors injustifiés, mais elles ne peuvent pas soutenir à la fois que leurs avoirs étaient réels et que les impôts étaient injustifiés, et que la cour devrait les indemniser du montant payé qui ne leur a pas été remboursé par l'administration fiscale.

Il est encore plus incompréhensible que mesdames [B], qui expliquent par ailleurs que la BIF a initié [V] [TN] à la fraude, écrivent en page 98 de leurs conclusions qu'« à compter du premier semestre 2000, la banque Finama a rompu ses relations avec eux, de telle sorte que leurs avoirs ont été intégralement transférés par la BIF/Orange Bank chez BLMIS. Il en résulte qu'à compter de ce transfert, les fonds n'ont plus été investis et qu'ainsi, les plus-values mentionnées sur les avis d'opérés étient fictives et qu'au 31 décembre de chaque année, les avoirs étaient inexistants. Il s'en inférait qu'à compter de l'imposition des revenus de 2000 acquittés en 2001 et de l'imposition à l'ISF en 2001 du patrimoine au 31 décembre 2000, ces impositions étaient indues » (en gras par la cour).

En l'espèce, même s'il peut être admis que les impôts acquittés en France au titre d'avoirs qui se sont révélés fictifs n'auraient pas dû l'être, il est constant que tous les impôts ont été réglés au moyen des retraits effectués sur les comptes ouverts chez BLMIS et que les fonds ainsi récupérés ne provenaient pas des investissements réalisés par mesdames [B], mais des détournements commis par [V] [TN], au préjudice d'autres investisseurs. Dès lors ces paiements n'ont pu entamer le patrimoine réel de mesdames [B] et leur causer un préjudice.

En outre mesdames [B] ont obtenu restitution de la part du Trésor public de la somme de 39 943 362 euros et de celle de 5 775 702,47 euros au titre des intérêts moratoires, ce qui compte tenu de l'analyse qui a été effectué sur leurs comptes constitue pour elles un enrichissement.

Il se déduit de ce qui précède que mesdames [B] ne justifient d'aucun préjudice indemnisable et que le jugement déféré sera confirmé.

Sur la procédure abusive :

L'exercice d'une action en justice ou d'une voie de recours contre une décision de justice constitue un droit pour toute personne qui a capacité et intérêt à agir et ne peut dégénérer en abus qu'en cas de faute que le juge est tenu de caractériser au regard de circonstances

particulières révélant la mauvaise foi, l'intention de nuire, des manœuvres malicieuses ou dilatoires, ou encore une légèreté blâmable équipollente au dol.

En l'espèce, il a été démontré non seulement que les prétentions de mesdames [B] étaient manifestement dénuées de tout sérieux, de toute pertinence et même parfois de sens, mais plus encore qu'elles reposaient sur une relation fausse des faits, une analyse biaisée des relations existant entre elles et la banque, des affirmations formulées de mauvaise foi, incohérentes entre elles, reposant sur des amalgames, des analyses déloyales et des dénaturations délibérées de pièces, le tout constituant un ensemble de contrevérités intentionnellement proférées dans le seul but de nuire à la banque, sinon de tromper le tribunal et la cour.

C'est ainsi qu'alors que [PG] [B], représentant sa fille mineure, écrit que [V] [TN] par le biais de BLMIS gère leurs biens depuis 1980 ; qu'elle signe pour elle-même et sa fille [A], un mandat de gestion de leurs avoirs avec lui, à l'occasion d'un déplacement qu'il effectue spécialement en France, en juin 1995 ; que toutes deux apprennent à l'occasion de la procédure suivie aux États-Unis en 2012 (pièce no 73 de la banque : déclaration de [PG] [B]) que dès 1980, leur père et grand-père a créé la société Magnify, dont le seul objet était d'investir dans les fonds [TN] et qui a été bénéficiaire d'un montant très important de fonds d'origine frauduleuse, société dont elles étaient, aux termes d'un contrat de fiducie, les « actionnaires » et principales bénficiaires ; qu'elles lisent sous la plume de maître [GD] que leur père et grand-père était le « mentor de [V] [TN] », son associé, depuis la fin des années 1970 jusqu'à son décès, chargé du recrutement de clients potentiels et ayant ouvert des comptes au nom de divers établissements bancaires français ; qu'alors qu'il est établi que c'est [I] [WC] qui a mis en relation la banque avec [V] [TN], mesdames [B] n'hésitent pas à soutenir, depuis le rétablissement de l'instance en 2017, devant le tribunal puis devant la cour d'appel, qu'en 1988, c'est la banque qui a ouvert le compte chez BLMIS, et a délégué à cette société la gestion qui lui avait été confiée, que c'est toujours la banque, et ce malgré les mandats de gestion, dont l'existence a été dissimulée à l'origine, qui a continué à gérer leurs avoirs, et avait une relation privilégiée avec [V] [TN], ce qui la plaçait en situation objective de conflits d'intérêts.

Au-delà de toute vraisemblance, mesdames [B] écrivent également qu'« il existait donc une véritable emprise de la BIF/Orange Bank sur [V] [TN] sans que celui-ci ait le moindre pouvoir d'appréciation, au minimum dès 1988, et avant même le début de la fraude qui aurait commencé, au dire de ce dernier au début des années 1990 », et que c'était la banque qui avait fourni la formule mathématique pour masquer la fraude. Elles soutiennent également que la banque, qui a seulement tenu leurs comptes pendant quatre ans, est responsable de leur ruine et de la perte de leur capital alors qu'il était prouvé qu'elles se sont enrichies avec la fraude [TN] et qu'elles sollicitent dans le cadre de cette procédure que la banque paye le montant de l'escroquerie réalisée par [V] [TN] en novembre 2008, et qu'elle paye une nouvelle fois (par le remboursement des impôts payés et le paiement de l'indemnité mise à leur charge par le protocole) les retraits frauduleux dont elles ont déjà bénéficié.

Pour prouver leurs allégations mensongères et factuellement inexactes, mesdames [B] dénaturent les écrits de la banque en isolant certains mots de leur contexte, pratiquent l'amalgame entre les opérations pour compte propre et les opérations effectuées dans leur intérêt, font passer leurs propres écritures dans la procédure américaine pour les analyses de maître [GD], font une confusion entre les agissements de [V] [TN] dans le cadre de la société BLMIS et la SICAV Luxalpha, nient l'existence et l'efficacité des contrats qu'elles ont librement négociés et signés.

Tous ces faits, en eux-mêmes et par leur accumulation, présentent indiscutablement un caractère fautif et ne relèvent en rien de l'appréciation inexacte qu'elles ont pu faire de leurs droits.

Lorsque le tribunal de Bobigny a démontré l'inanité de leurs prétentions, aux termes d'une décision qui a seulement examiné les faits et pièces contradictoirement débattus, mesdames [B] ont reproché aux premiers juges « de [s'être livrés] à une dénaturation délibérée » de leurs pièces et ont fait preuve d'un acharnement procédural certain en multipliant dans des conclusions de 130 pages devant la cour leurs attaques injustifiées contre la banque.

En outre, mesdames [B] ne se sont pas contentées de soumettre au tribunal judiciaire de Bobigny puis à la cour, des faits matériellement inexacts et leurs prétentions dénuées de sérieux et de pertinence, elles ont instrumentalisé leur procédure en la médiatisant et en en faisant publiquement état, en se présentant de manière fallacieuse comme victimes des agissements de la banque.

La banque verse aux débats cinq articles de presse (pièces nos 43 à 48) parus dans les Échos, l'Argus de l'assurance, le Point, le Parisien, Capital, le site cbanque.com, c'est-à-dire à la fois dans des organes de presse généralistes et économiques, du 16 juin 2016 au 21 août 2018.

Dans ces articles, parus à l'époque du rachat par Orange de Groupama Banque, et alors que la procédure était en cours devant le tribunal de Bobigny, il est fait état de l'inquiétude des actionnaires face au « litige [lié à [TN] qui] s'immisce dans le rachat par Orange de Groupama Banque », la banque est évoquée comme étant « empêtrée dans une escroquerie », traînant « le boulet de l'affaire [TN] ».

L'article du Point paru le 3 novembre 2017, signé de [IS] [K], est le plus complet (pièce no 45 de la banque). Il est intitulé Orange Bank : l'ombre de [TN]. Il raconte : « ce sont deux héritières d'une grande fortune qui ont appris un jour de 2008 que leurs millions s'étaient évanouis dans la pyramide de Ponzi inventée par le financier américain [V] [TN] ... Orange omet un élément d'information dans la campagne de lancement de sa filiale financière, il ne s'agit pas d'une création mais d'une banque rachetée en avril 2016 à l'assureur Groupama ... or cet établissement financier, autrefois dénommé BIF, a géré les comptes de la famille plaignante jusqu'en 1999, date de son intégration à Groupama. Il servait d'intermédiaire entre BLMIS, la société de [V] [TN], et ses clients, comme en témoignent les nombreux comptes rendus d'opérations effectuées par le financier new-yorkais ». L'article relate ensuite que la banque a fermé leurs comptes et qu'elle a soldé ses avoirs, ce qu'elles ne découvrent que bien plus tard quand elles ont tout perdu. Il rappelle les déclarations de [V] [GW] en 2009 et précise que « personne n'a mis en garde les riches héritières [...] anciennes clientes, parfaitement incompétentes ».

L'article, qui expose essentiellement la thèse fallacieuse de mesdames [B] et qui qualifie la banque de « madoffée », se termine par une citation entre guillements de leur avocat, maître [VT] [LZ], cité nommément, lequel déclare, tout d'abord que « personne n'a vu exactement les termes de [la] garantie de passif », que de plus « en cas de condamnation, même si Groupama paie l'addition, c'est aussi l'image d'Orange Bank qui sera atteinte, car il s'agit de la même banque, avec le même numéro de registre du commerce que la BIF », et que le tribunal de New-York a reconnu leur parfaite bonne foi puisqu'il a entériné le protocole.

Dans l'article du Parisien (pièce no 46), l'avocat toujours nommément cité déclare que l'affaire est sérieuse et que « c'est suceptible d'engager la faillite d'Orange Bank, donc de mettre en jeu l'argent de leurs clients, alors qu'ils n'en sont absolument pas informés ». La thèse de la faillite d'Orange Bank est reprise dans l'article de Capital.

Ces articles, qui interviennent en dehors du champ judiciaire, et auxquels la banque ne peut utilement répliquer, sont incontestablement destinés à lui nuire et à exercer des pressions contre elle.

En définitive, il est établi que mesdames [B] ont commis des fautes préjudiciables qui ont fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice et d'exercer un recours.

La cour indemnisera le préjudice subi par Orange Bank à hauteur de 50 000 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté la banque de sa demande indemnitaire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Mesdames [B], qui succombent et seront condamnées aux dépens, ne peuvent prétendre à l'octroi de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande au contraire qu'elles soient condamnées à ce titre à payer la somme de 50 000 euros à la banque.

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS,

INFIRME le jugement déféré uniquement en ce qu'il a débouté la société Orange Bank de sa demande indemnitaire pour procédure abusive ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

Statuant du chef infirmé et y ajoutant ;

DIT que madame [PG] [WC] épouse [B] et madame [A] [B] ont fait dégénérer en abus leur droit d'agir en justice et d'exercer un recours contre une décision de justice ;

LES CONDAMNE solidairement à payer à la société Orange Bank la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

CONDAMNE solidairement madame [PG] [WC] épouse [B] et madame [A] [B] à payer à la société Orange Bank la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes des parties ;

CONDAMNE solidairement madame [PG] [WC] épouse [B] et madame [A] [B] aux dépens d'appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT