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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 6, 31 janvier 2024, n° 22/04214

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/04214

31 janvier 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 6

ARRET DU 31 JANVIER 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/04214 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLIA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2022 -tribunal de commerce de Créteil 3ème chambre - RG n° 2021F00462

APPELANTS

Monsieur [I] [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Madame [N] [J] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentés par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

ayant pour avocat plaidant Me Jacques DESGARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1283

INTIMÉE

S.A. SOCIÉTÉ GÉNÉRALE

[Adresse 1]

[Localité 3]

N° SIRET : B 552 120 222

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

représentée par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant M. Marc BAILLY, président de chambre ayant lu le rapport, et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre

M. Vincent BRAUD, président

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère chargée du rapport

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 21 février 2022, M. [I] [M] et Mme [N] [J], son épouse, ont interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Créteil rendu le 11 janvier 2022 dans l'instance les opposant à la Société Générale et dont le dispositif est ainsi rédigé :

'Rejette la fin de non recevoir opposée par M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] pour prescription de l'action de la SOCIETE GENERALE.

Condamne solidairement M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 21 923,80 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2017 au titre de leur cautionnement du 10 novembre 2010.

Condamne M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer, chacun, à la SOCIETE GENERALE la somme de 33 501,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2017 au titre de leur cautionnement du 16 septembre 2014.

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 14 avril 2021 pourvu que ces intérêts soient dus pour une année entière.

Dit M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M], mal fondés en leur demande de dommages et intérêts et les en déboute.

Condamne solidairement M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du CPC, déboute la SOCIETE GENERALE du surplus de sa demande et déboute M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] de leur demande formée de ce chef.

Rappelle que l'exécution provisoire est de droit.

Condamne solidairement les parties défenderesses aux dépens.'

***

À l'issue de la procédure d'appel clôturée le 17 octobre 2023 les prétentions des parties s'exposent de la manière suivante.

Au dispositif de leurs dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 20 mai 2022, les appelants

présentent, en ces termes, leurs demandes à la cour :

'Vu l'article 2224 du Code civil et l'article L. 110-4 du Code de commerce,

Vu l'article L. 622-28 du Code de commerce,

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :

Rejeté la fin de non-recevoir opposée par M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] pour prescription de l'action de la SOCIETE GENERALE.

Condamné solidairement M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 21.923,80 €, avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2017 au titre de leur cautionnement du 10 novembre 2010.

Condamné M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer, chacun, à la SOCIETE GENERALE la somme de 33.501,21 €, avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2017 au titre de leur cautionnement du 16 septembre 2014.

Ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 14 avril 2021 pourvu que ces intérêts soient dus depuis au moins une année entière.

Condamné solidairement M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer à la SOCIETE GENERALE la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du CPC et les a déboutés de leur demande à ce titre.

Condamné solidairement M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] aux dépens.

Statuant à nouveau,

Juger prescrite et partant irrecevable l'action entreprise par la SOCIETE GENERALE,

Débouter la SOCIETE GENERALE de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de M et Mme [M].

Condamner la SOCIETE GENERALE aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Condamner la SOCIETE GENERALE à verser à M et Mme [M] 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Subsidiairement,

Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,

Réformer la décision entreprise en ce qu'elle a dit M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] mal fondés en leur demande de dommages et intérêts fondée sur la faute de la SOCIETE GENERALE dans l'octroi de son concours bancaire et les en a déboutés.

Statuant à nouveau,

Dire et juger la SOCIETE GENERALE responsable du préjudice subi par M. et Mme [M].

En conséquence,

Condamner la SOCIETE GENERALE à indemniser M. et Mme [M], chacun, à hauteur de la somme de 33.501,21 € outre les intérêts légaux à compter du 9 octobre 2017.

Prononcer la compensation entre cette créance indemnitaire et la somme due par M. et Mme [M] au titre de l'obligation de caution souscrite au profit de la SOCIETE GENERALE.

Débouter la SOCIETE GENERALE de ses plus amples demandes.

Condamner la SOCIETE GENERALE aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Condamner la SOCIETE GENERALE à verser à M et Mme [M] 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'

Au dispositif de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 12 août 2022, l'intimé

présente, en ces termes, ses demandes à la cour :

'Vu les articles 2241, 2242 et 2245 du Code Civil,

Vu l'article L. 650-1 du Code de Commerce,

Déclarer mal fondés Monsieur et Madame [M] en leur appel, et les en débouter ;

Confirmer le jugement rendu par la 3e Chambre Civile du Tribunal de Commerce de CRÉTEIL le 11 janvier 2022 ;

Y ajoutant :

Condamner solidairement Monsieur et Madame [M] à payer à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Les condamner solidairement aux dépens d'appel.'

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé, pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, à leurs conclusions précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

La Société Générale a consenti à la société Solairlux, dont Mme [N] [M] était la gérante et M. [I] [M] l'associé :

- selon acte sous seing privé du 10 novembre 2010, un premier prêt, d'un montant de 100 000 euros, remboursable sur 72 mois par échéances constantes de 1 589,24 euros du 10 décembre 2010 au 10 novembre 2016, moyennant un taux d'intérêt hors assurances de 4,54 % l'an ;

- puis selon acte sous seing privé du 17 septembre 2014, un second prêt, d'un montant de 250 000 euros, remboursable sur 84 mois par échéances constantes de 3 354,27 euros moyennant un taux d'intérêt hors assurances de 3,45 % l'an.

Par acte sous seing privé en date du 10 novembre 2010, MMme [M] solidairement entre eux se sont portés cautions solidaires de la société Solairlux au titre du prêt de 100 000 euros, dans la double limite de la somme de 39 000 euros et de 30 % de toute somme due au titre de l'obligation garantie, pour la durée de 8 ans. Puis par actes sous seing privé séparés du 16 septembre 2014, ils se sont chacun portés caution de la société Solairlux au titre du prêt de 250 000 euros, dans la double limite de la somme de 48 750 euros et de 15 % de toute somme due au titre de l'obligation garantie, pour la durée de 9 ans.

La société Solairlux a bénéficié d'une procédure de redressement judiciaire, ouverte par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 7 octobre 2015 ; la Société Générale a déclaré sa créance au passif du redressement judiciaire le 21 décembre 2015. Puis la procédure de redressement judiciaire a été convertie en liquidation judiciaire, par jugement du 13 janvier 2016 ; la Société Générale a alors déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire le 24 mars 2016, pour avoir paiement : - au titre du solde débiteur du compte courant, de la somme de 6 627,04 euros - au titre du prêt de 250 000 euros, de la somme de 220 044,61 euros, outre les intéréts au taux de 7,45 % l'an - au titre du prêt de 100 000 euros, de la somme de 23 350,05 euros, outre les intérêts au taux de 8,54 % l'an.

Par lettres recommandées avec demande d'accusé de réception datées du 9 octobre 2017, adressées séparément à M. [M] d'une part et Mme [M] d'autre part, ceux-ci ont été mis en demeure d'honorer leurs engagements de caution au titre de l'un et l'autre prêts, pour un montant de 25 607,33 euros en ce qui concerne le premier prêt, et un montant de 37 213,24 euros s'agissant du second prêt.

À défaut de règlement, par actes d'huissier en date du 14 avril 2021 la Société Générale a fait assigner MMme [M] à comparaître devant le tribunal de commerce de Créteil, en vue de les voir condamner à lui payer :

- solidairement, au titre du prêt de 100 000 euros, la somme de 21 923,80 euros correspondant au montant des sommes restant dues à la date de la liquidation judiciaire avec intérêts au taux légal à dater du 9 octobre 2017, date de la mise en demeure,

- chacun, au titre du prêt de 250 000 euros (la somme de 223 341,37 euros restant due à la date de la liquidation judiciaire ' principal + indemnité forfaitaire) la somme de 33 501,21 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2017, date de la mise en demeure,

l'ensemble étant assorti de la capitalisation des intérêts,

- in solidum, la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MMme [M] à titre principal opposent l'irrecevabilité de l'action de la banque pour prescription, et à titre subsidiaire disent avoir subi un préjudice en raison du soutien abusif de la banque à la société Solairlux, dont la situation était irrémédiablement compromise au temps du concours.

Sur la prescription de l'action en paiement de la Société Générale

MMme [M] soutiennent que l'action en paiement de la Société Générale est prescrite, par application des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. En vertu de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire suspend toute action en paiement des créanciers à l'encontre des cautions jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation du débiteur principal, si bien qu'en l'espèce, le jugement prononçant la liquidation judiciaire ayant été rendu le 13 janvier 2016, à compter de cette date la Société Générale était en mesure d'agir à l'encontre des cautions de la société Solairlux. L'assignation ne leur a été délivrée que le 14 avril 2021, alors que la banque était prescrite en son action depuis le 14 janvier 2021.

C'est à bon droit que le premier juge a pu retenir que le délai de prescription prévu à l'article L. 110-4 du code de commerce, applicable en l'espèce, peut être interrompu ou suspendu selon les dispositions de droit commun, soit, présentement, celles de l'article 2241 du code civil selon lequel une demande en justice interrompt le délai de prescription jusqu'à l'extinction de l'instance. Par conséquent, une déclaration de créance dans le cadre d'une procédure collective, qui constitue une demande en justice, interrompt la prescription jusqu'à la clôture de la procédure, c'est-à-dire, au cas présent, jusqu'au jugement de clôture de la liquidation judiciaire.

Comme précisé par le tribunal, par application de l'article 2245 du code civil la déclaration de créance à l'encontre du débiteur principal interrompt la prescription à l'encontre de la caution solidairement engagée.

Aussi, c'est à raison que la banque fait valoir que la règle du report du point de départ de la prescription n'est pas restrictive au fait que le créancier était ou non dans l'impossibilité d'agir en justice. S'il n'est en effet pas contesté que le créancier peut reprendre les poursuites contre la caution dès lors qu'un plan a été arrêté ou que la liquidation judiciaire a été prononcée, il s'agit d'une simple faculté et non d'une obligation, dès lors que la déclaration de créance est assimilée à une demande en justice qui interrompt le délai de prescription jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur cette demande. Or c'est bien la clôture de la liquidation qui met un terme au procès et qui fait donc repartir le cours du délai de prescription à l'égard de la caution. MMme [M] sont donc infondés en leur exception de prescription.

En l'espèce, la Société Générale justifie avoir procédé à sa déclaration de créances par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception datée du 21 décembre 2015 en suite de l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Solairlux selon jugement du 7 octobre 2015, puis avoir renouvelé sa déclaration de créances, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception datée du 24 mars 2016 adressée à Me [H] ès-qualités de liquidateur judiciaire de la société Solairlux par suite de la conversion de la procédure de règlement judiciaire en liquidation judiciaire selon jugement du tribunal de commerce de Créteil du 13 janvier 2016.

En outre, il ressort des pièces produites (actes de prêts et de cautionnements que la Société Générale verse aux débats en pièces n°2, 4, 6, 7 et 8) que MMme [M], qui ne le contestent d'ailleurs pas, se sont engagés comme cautions solidaires de la société Solairlux en garantie du remboursement des prêts du 10 novembre 2010 et du 16 septembre 2014.

Par conséquent, le délai de prescription de l'action de la Société Générale à l'encontre de MMme [M], en leur qualité de cautions solidaires de la société Solairlux, était interrompu à la date de leur assignation le 14 avril 2021. La clôture de la procédure de liquidation judiciaire de la société Solairlux n'était pas intervenue à la date de l'assignation introduisant la présente instance.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce que le tribunal a rejeté la fin de non-recevoir de MMme [M] tirée de la prescription de l'action en paiement de la Société Générale.

Sur le soutien abusif

MMme [M] demandent à la cour de condamner la Société Générale à leur octroyer la somme de 33 501,21 euros en réparation du préjudice qu'ils auraient subi du fait du soutien abusif de la Société Générale à la société Solairlux lui accordant un prêt de 250 000 euros alors que la société Solairlux était dans une situation irrémédiablement compromise.

Ils expliquent que la société Solairlux avait pour activité la fabrication et la pose de menuiseries métalliques, de vérandas et d`autres produits à base de profilés métalliques.

Son activité n'a cessé de croître depuis l'année de sa création, en 2007, jusqu'à la fin de l'année 2013. La Société Générale a soutenu le développement de cette société en lui accordant un prêt bancaire de 100 000 euros en novembre 2010, à l'époque où la société était en pleine expansion. Au cours de l'année 2012, la société Solairlux s'est vu confier un marché important à [Localité 5], d'un montant de 1 270 711,30 euros HT, en sous-traitance d'une entreprise générale. Le chantier a d'abord été arrêté puis, le 27 décembre 2013, le maître d'ouvrage a résilié le marché de son entreprise générale entraînant de fait la résiliation du contrat de la société Solairlux. La société Solairlux, qui n'a pas pu faire face aux conséquences économiques de la rupture brutale de ce marché, a finalement été placée en redressement judiciaire, par jugement du tribunal de commerce de Créteil, le 7 octobre 2015. Puis, sa situation étant définitivement obérée, elle a été placée en liquidation judiciaire, suivant jugement du 13 janvier 2016.

C'est dans ce contexte particulier que M. [M], associé non salarié, et Mme [M], gérante associée de la société Solairlux, ont été amenés à s'engager en qualité de cautions solidaires de l'emprunt de 250 000 euros contracté le 16 septembre 2014 auprès de la Société Générale et qui avait pour objet de tenter de compenser le non-paiement des situations du chantier de [Localité 5] et de faire face aux conséquences de la baisse d'activité consécutive à la résiliation brutale de son marché.

Le financement d'une entreprise en difficulté n'est pas en soi critiquable. ll le devient cependant si, au moment où le crédit a été accordé par l'établissement bancaire, la société emprunteuse se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise. La banque doit alors cesser son soutien financier pour les concours pouvant être résiliés et ne pas octroyer un financement aggravant la situation de l'entreprise qui constituerait un soutien abusif préjudiciable pour les tiers.

En l'espèce, au mois d'octobre 2014 la situation de la société Solairlux était déja obérée. En 2013 et 2014 la société Solairlux a subi une baisse de sa cotation Banque de France, qui est passée de G5+ à G7, en mai 2014. L'examen des comptes montre, en 2014, un effondrement du chiffre d'affaires qui, au regard de la courbe d`évolution antérieure, se traduit par une perte de chiffre d`affaires d'environ 2 400 000 euros et une perte de marge d'exploitation d'environ 920 000 euros.

À la date du second crédit, la Société Générale devait, en tant qu'établissement bancaire de la société Solairlux, participer de façon active à la détermination de l'état financier de sa cliente, et, au vu de sa situation, l'inciter à se diriger vers une demande de redressement judiciaire. Or, il résulte des éléments de faits et des écrits émanant de la Société Générale qu'elle ne pouvait ignorer cette situation. Au 28 février 2014 le compte bancaire de la société Solairlux présentait un débit de 60 601 euros ; au 30 mars il était débiteur de 60 779 euros. Le 18 avril 2014, la Société Générale informait la société Solairlux qu'à la suite de la présentation d'une Lettre de Change Relevée la facilité de caisse accordée à la société Solairlux était dépassée, et la mettait en demeure de régulariser la situation sous huit jours. Au 30 avril 2014, le solde du compte bancaire était débiteur de 176 081 euros. En dépit d'un virement de banque à banque de 200 000 euros au mois de juin 2014, le solde du compte de la société Solairlux dans les livres de la Société Générale passait d'un crédit de 908 euros à la date du 30 juin 2014, à un débit de 186 027 euros à fin juillet, et de 207 159 euros à fin août 2014. Le crédit accordé n'a finalement eu d'utilité que pour la seule Société Générale qui, de fait, s'est assurée de voir couvrir le découvert en compte de la société Solairlux que cette dernière n'était manifestement pas en mesure de résorber. Pire encore, alors que Mme [M] envisageait de trouver un repreneur pour vendre sa société elle a été convaincue par son conseiller à la Société Générale qu'il était préférable qu'elle souscrive un emprunt pour tenter de relancer l'activité de la société. La Société Générale a procuré à la société Solairlux un crédit, appuyé sur l'intervention de la BPI et la caution des époux [M], dont elle aurait dû savoir qu'il ne pourrait étre assumé par la société. De fait, moins d'une année après l'octroi de ce crédit, la société Solairlux n'était plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et, très rapidement après l'ouverture d'une procédure de redressement elle était finalement liquidée au vu de l'impossibllité de redresser la situation.

La Société Générale conteste le caractère abusif du prêt et fait valoir qu'elle ne disposait pas plus d'information sur la société Solairlux que n'en disposaient la société et ses dirigeants eux-mêmes. Comme eux, Société Générale n'a pas considéré que la société Solairlux était alors dans une situation définitivement compromise.

La Société Générale fait valoir que MMme [M] ne démontrent aucune des occurrences prévues à l'article L. 650-1 du code de commerce, et ne font pas la démonstration d'un soutien abusif d'une société se trouvant dans une situation irrémédiablement compromise. Le prêt critiqué a été consenti un peu plus d'un an avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, à un moment où la société Solairlux était confrontée à des problémes de trésorerie. La Société Générale n'a fait que son métier de banquier, qui plus est avec le concours de la Banque publique d'investissement qui, elle aussi, a estimé que la situation de la société Solairlux n'était pas irrémédiablement compromise. Des éléments conjoncturels peuvent affecter un compte d'exploitation, sans pour autant qu'il faille en déduire que la société n'a aucune perspective de restructuration. La Société Générale ne disposait pas d'informations que MMme [M] n'auraient pas détenues sur la situation de la société Solairlux qui lui aurait permis d'avoir la certitude qu'elle serait dans l'incapacité de faire face aux conséquences économiques de la rupture brutale de ce marché. Au contraire, la société Solairlux apparaissait être rentable depuis sa création. L'intégralité des résultats était gardée dans la structure, aucun versement de dividende n'ayant été fait depuis la création de la société. Le prêt litigieux sollicité par la société Solairlux et cautionné par MMme [M] correspondait enfin à un véritable besoin qui devait permettre à la société d'asseoir sa rentabilité pour poursuivre son développement.

Sur ce,

L'article L. 650-1 du code de commerce auquel la Société Générale se réfère dispose que 'Les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci'. Ceci étant, si la caution, pour voir engager la responsabilité du banquier, n'a pas à démontrer que l'on se trouve dans l'un de ces trois cas constituant exception au principe de l'irresponsabilité du banquier, encore faut-il qu'elle fasse la démonstration du caractère fautif du crédit qui a été accordé à la société cautionnée.

En l'espèce, le tribunal, pour considérer que MMme [M] ne démontrent pas que la banque aurait commis une faute dans l'octroi du dit prêt litigieux, s'est livré à une analyse pertinente des pièces produites et en particulier celle permettant de constater pour l'année 2014 une chute du chiffre d'affaires et un déficit majeurs.

Il convient d'ajouter :

' Qu'il est constant que la situation économique de la société Solairlux était parfaitement saine, et ce depuis plusieurs années, avant qu'elle ne subisse de plein fouet les conséquences de la cessation du chantier de [Localité 5]. L'entreprise, qui disposait d'atouts indéniables, et dont la gestion n'a été nullement critiquée, apparaissait comme pouvant être en mesure de surmonter les difficultés subséquentes qui se sont rapidement posées, exclusivement liées à cet événement grave, mais extérieur et ponctuel ;

' Que le prêt a été accordé le 16 septembre 2014, soit 9 mois après la perte du chantier, mais peu de temps après que ses conséquences néfastes se sont fait sentir sur le débit en compte de la société Solairlux, et il n'est d'ailleurs pas soutenu que la banque aurait tardé à intervenir pour apporter son concours et aurait laisser la situation se dégrader ;

' Qu'il n'est pas repoché à la banque d'avoir cherché à se garantir par le cautionnement de MMme [M], et à cet égard il sera fait observer que ce cautionnement était pris dans la limite de 15 % des sommes qui resteraient dues au titre de l'obligation garantie ;

' Que le tribunal de commerce a lors de l'ouverture de la procédure considéré qu'il existait des possibilités de redressement et la procédure s'est poursuivie encore quelques mois, jusqu'au 13 janvier 2016, date de la liquidation judiciaire ;

' Que la décision de procéder à une déclaration de cessation des paiements relève du seul gérant et non de la banque, ainsi Mme [M] ne peut utilement faire reproche à la banque de l'avoir influencée, ce qui n'est factuellement pas établi, et de l'avoir mal conseillée, étant à souligner que l'ouverture de la procédure collective n'a eu lieu que le 7 octobre 2015, soit plus d'un an encore après l'octroi du prêt cautionné, que la date de cessation des paiements n'a pas été anticipée au maximum de 18 mois prévu par la loi, mais seulement au 7 août 2015, l'ensemble de ces éléments tendant à convaincre que l'octroi d'un concours bancaire sous forme de prêt n'était pas une solution inadaptée à la situation de la société.

MMme [M] échouent donc à démontrer que le concours apporté par la Société Générale à la société Solairlux par le moyen du prêt du 17 septembre 2014 constituerait un soutien abusif pour avoir été consenti alors que la situaiton de la société était irrémédiablement compromise.

Aucun soutien abusif de la Société Générale à la société Solairlux n'étant caractérisé, le jugement déféré doit être confirmé en ce que le tribunal a débouté MMme [M] de leur demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

MMme [M], qui échouent dans leurs demandes, supporteront la charge des dépens et ne peuvent prétendre à aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. En revanche pour des raisons tenant à l'équité il y a lieu de faire droit à la demande de l'intimé formulée sur ce même fondement, mais uniquement dans la limite de la somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE in solidum M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] à payer à la Société Générale la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à raison des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

DÉBOUTE M. [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] de leur propre demande formulée sur ce même fondement ;

CONDAMNE [I] [M] et Mme [N] [J] épouse [M] aux entiers dépens d'appel.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT