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Décisions

CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 1 février 2024, n° 22/01460

CHAMBÉRY

Arrêt

Autre

CA Chambéry n° 22/01460

1 février 2024

COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 01 FEVRIER 2024

N° RG 22/01460 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HB5B

[R] [Z]

C/ S.A.S. EVERAXIS INDUSTRIES VENANT AUX DROITS DE LA SAS LA BEL COBHAM SLIPRINGS

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'ANNEMASSE en date du 22 Juillet 2022, RG F 19/00177

Appelante

Mme [R] [Z]

née le 05 Mars 1960 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Virginie VABOIS, avocat au barreau d'ANNECY

Intimée

S.A.S. EVERAXIS INDUSTRIES VENANT AUX DROITS DE LA SAS LA BEL COBHAM SLIPRINGS, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Nadia BEZZI, avocat au barreau de CHAMBERY

Représentée par Me Jean-sébastien GRANGE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 23 novembre 2023 par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente de la Chambre Sociale, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Cyril GUYAT, conseiller, assisté de Monsieur Bertrand ASSAILLY, greffier, à l'appel des causes, dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré.

Et lors du délibéré par :

Madame Valéry CHARBONNIER, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

Exposé du litige':

Mme [Z] [R] a été engagée par la SA Label en qualité d'opératrice de fabrication par contrat à durée déterminée en date du 7 septembre 1998, régularisé en contrat à durée indéterminée en date du 18 mars 1999.

Mme [Z] [R] a ensuite été promue au poste de gestionnaire de stocks.

Le 11 décembre 2018, Mme [Z] a fait l'objet d'un arrêt de travail qui s'est poursuivi jusqu'au 31 mai 2019.

Le 3 juin 2019, le médecin du travail a conclu' qu' ''Après étude du poste de travaille (sic) 21/03/19, entretien avec l'employeur et études des conditions de travail le 21/03/19 et le 29/05/19, réalisation de la FE le 28/05/19,' Mme [Z] [R] était ' inapte au poste ainsi qu'à tout autre poste dans l'entreprise sur le site d'[Localité 3]''.

Par courrier du 5 juillet 2019, Mme [Z] [R] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 16 juillet 2019.

Par courrier du 19 juillet 2019, Mme [Z] [R] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Mme [Z] a saisi le conseil des prud'hommes d'Annemasse, en date du 7 novembre 2019 aux fins de, voir juger que l'employeur a commis des faits de harcèlement moral à son encontre, manqué à son obligation légale de sécurité, contester son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.

Par jugement du'22 juillet 2022, le conseil des prud'hommes d'Annemasse, a':

- Déclaré irrecevable la pièce n°50 produite par Mme [Z] à l'occasion de l'audience du 23 mai 2022 ainsi que les observations afférentes et les écarte des débats ;

- Rejeté les demandes formées par Mme [Z] tendant à la condamnation de la SAS Everaxis Industries venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings au paiement des sommes suivantes, avec intérêts aux taux légal :

* 25.000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral';

* 10.000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ;

* 38.178,98 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

* 4.926,32 euros bruts au titre de l'indemnités compensatrice de préavis ;

* 492,63 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

* 2.500 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Mme [Z] à verser à la SAS Everaxis Industries venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings une somme de 350 euros en indemnisation des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance ;

- Condamné Mme [Z] au paiement des dépens de l'instance ;

- Rejeté le surplus de demandes ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

La décision a été notifiée aux parties et Mme [Z] en a interjeté appel par le Réseau privé virtuel des avocats en date du 30 juillet 2022.

Par conclusions du'27 octobre 2022, la Mme [Z] demande à la cour d'appel de':

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'ANNEMASSE le 22 juillet 2022 dans toutes ses dispositions.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'ANNEMASSE le 22 juillet 2022 en ce qu'il a déclaré irrecevable la pièce n° 50 produite par Mme [Z] et en ce qu'il l'a écartée des débats.

- Déclarer recevable la pièce n° 50 de la Madame [Z] et JUGER qu'elle ne doit pas être écartée des débats.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'ANNEMASSE le 22 juillet 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande tendant à la condamnation de la SAS EVERAXIS INDUSTRIES, venant aux droits de la SAS LABEL COBHAM SPLIPRINGS, au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral (25.000,00 euros nets.)

- Statuant à nouveau, Juger que Mme [Z] a été victime de faits répétés de harcèlement moral que la SAS Label Cobham Sliprings n'a pas su prévenir, ni éviter et Condamner la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, à lui payer la somme de 25.000,00 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'ANNEMASSE le 22 juillet 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande tendant à la condamnation de la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, au paiement de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité (10.000,00 euros nets).

- Statuant à nouveau, Juger que la SAS Label Cobham Sliprings a violé son obligation de sécurité et Condamner la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, à payer à Mme [Z] la somme de 10.000,00 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages-intérêts afférents.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annemasse le 22 juillet 2022 en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande tendant à la condamnation de la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, au paiement d'une indemnité de licenciement nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse (38.178,98 euros nets) ainsi qu'au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis (4.926,32 euros bruts) et des congés payés sur préavis (492,63 euros bruts).

- Statuant à nouveau, Juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [Z] est nul ou à tout le moins dépourvu de toute cause réelle et sérieuse.

- En conséquence, après avoir fixé la moyenne des salaires bruts de Mme [Z] à la somme de 2.463,16 euros, Condamner la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, à lui payer les sommes suivantes :

* 38.178,98 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4.926,32 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 492,63 euros bruts au titre des congés payés sur préavis.

- Condamner la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, à payer à Mme [Z] la somme de 5.208 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Condamner la même aux entiers dépens de procédure.

- Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annemasse le 22 juillet 2022 en ce qu'il a condamné Mme [Z] à payer à la SAS Everaxis Industries, venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings, la somme de 350 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Juger que les sommes allouées à Mme [Z] porteront intérêt au taux légal avec leur capitalisation à compter de la date de convocation en BCO du défendeur, soit au 14 novembre 2019, et ce conformément aux dispositions des articles 1231-6 et -7 du Code civil.

Par conclusions du 7 avril 2023, la Sas Everaxis industries demande à la cour d'appel de':

- Recevoir la société EVERAXIS INDUSTRIES en ses écritures,

- Dire et juger que ses écritures sont recevables,

- Dire et juger qu'elles sont bien fondées,

- Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Annemasse le 22 juillet 2022 dans toutes ses dispositions,

En conséquence,

- Dire et juger que le licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- Dire et juger qu'il n'y a pas eu harcèlement moral,

- Rejeter l'intégralité de ses demandes,

- Condamner Mme [Z] au paiement d'une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

A titre subsidiaire :

- Réduire le quantum de ses demandes et les ramener à de plus justes proportions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mai 2023.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

SUR QUOI':

Sur la recevabilité de la pièce n°50 :

Moyens des parties :

La SAS Everaxis Industries soulève l'irrecevabilité de la pièce n°50 et la confirmation du jugement de première instance sur ce point, exposant que'la communication d'une pièce la veille de l'audience de jugement devant le conseil des prud'hommes n'a pas permis de préparer sa défense dans de bonnes conditions ni respecté pas le principe du contradictoire. Les éléments produits postérieurement à l'ordonnance de clôture devant être écartés.

Mme [Z] soutient pour sa part que la pièce n°50 est recevable. Elle expose que'la procédure prud'homale est orale et que cette pièce a été contradictoirement communiquée afin que l'employeur puisse utilement présenter ses observations orales lors de la plaidoirie. Enfin cette pièce est reproduite conformément en appel.

Sur ce,

Conformément à l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que la pièce litigieuse a été valablement communiquée en cause d'appel et le principe du contradictoire respecté, l'exception d'irrecevabilité étant désormais sans objet. Il convient dès lors d'infirmer le jugement dont appel sur ce point.

Sur le harcèlement moral':

Moyens des parties :

Mme [Z] soutient avoir été victime de harcèlement moral et sollicite la nullité de son licenciement pour inaptitude.

Elle expose que les premières difficultés sont apparues en 2006 et les faits suivants: une surcharge de travail, un contrôle disproportionné de sa prestation de travail, des critiques injustifiées, des intimidations, des accusations mensongères, une mise à l'écart, une privation des moyens nécessaires à l'exercice des fonctions, un lynchage, une tentative d'empoisonnement et des agressions verbales.

La SAS Everaxis Industries conteste l'existence d'un harcèlement moral et les faits dénoncés et fait valoir qu'il est étonnant qu'en 20 ans, la salariée n'ait jamais cru utile d'alerter sa direction ou le service Ressources Humaines de l'entreprise, les institutions représentatives du personnel, l'Inspection du travail ou la Médecine du travail alors qu'elle avait été secrétaire de la DUP entre 2010 et 2014.

Sur ce,

Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Suivants les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en œuvre de ses fonctions.

Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.

En application des dispositions de l'article L.1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Le licenciement pour inaptitude est nul lorsque l'inaptitude trouve sa cause directe et certaine dans des actes de harcèlement moral commis par l'employeur.

Sur la matérialité des faits allégués par Mme [Z] au titre du harcèlement moral':

Sur la surcharge de travail liée à de nouvelles tâches au-delà des fonctions de Gestionnaire de stocks au magasin depuis 2006':

Il ressort du contrat de travail de Mme [Z] en date du 18 mars 1999, qu'elle a été embauchée en qualité «'d'Opératrice de fabrication et de gestion du magasin'», et des bulletins de paie produits que depuis le 1er juillet 2018, l'emploi mentionné est «'gestionnaire de prod + Magasin'». Toutefois, non seulement Mme [Z] ne verse pas ses bulletins de paie antérieurs mais conclut que le 12 février 2007, une autre salariée (Mme [X]) a été engagée afin de la seconder. Mme [Z] ne justifiant pas de l'existence d'une surcharge de travail comme conclu. Il doit au surplus être noté que Mme [Z] ne fait pas état de cette surcharge lors des entretiens professionnels versés depuis 2016 alors qu'elle présente des observations sur d'autres points ou difficultés. Ce fait n'est donc pas établi.

Sur le fait 'd'avoir été épiée et contrôlée de manière disproportionnée et injustement critiquée et d'être devenue le bouc-émissaire de l'ensemble de l'équipe du magasin, la déconsidération dans son emploi' et les pressions subies et la cabale organisée à son encontre'':

Mme [Z] soutient que les relations contractuelles se sont dégradées à partir du moment où Mme [X] et M. [C] se sont mis en couple, et où elle a commencé à être épiée et contrôlée de manière disproportionnée et injustement critiquée par M. [C].

Au soutien de la matérialité de ces faits, elle verse aux débats':

- Des échanges de mails entre M. [C] et Mme [Z] du 24 avril 2018, du 5 septembre 2018, du 17 septembre 2018 et 3 au 8 décembre 2018

- L'entretien professionnel du 11 février 2016 dans lequel Mme [Z] observe que le travail est plaisant mais qu'il n'y a pas d'évolution de salaire ni de coef, relations compliquées avec le service et des difficultés rencontrées avec la rénovation du local et meilleure organisation du pt magasin.

- Un document manuscrit signé intitulé «'Point sur la fabrication...'» avec la mention finale «'en vous remerciant»

- Un courrier de Mme [Z] adressé à la direction en date du 4 octobre 2018 aux termes duquel elle retrace l'historique de sa carrière, le volume de travail toujours en augmentation, les mauvaises relations avec sa collègue (Mme [X]) qui est devenue «'difficile à vivre, malsaine'» depuis sa relation avec le responsable (M. [C]), le dénigrement, l'intimidation et le harcèlement de M. [C] à son encontre, le fait qu'on ne lui donnait plus rien à faire, l'affectation à de nouvelles tâches à son retour de vacances au profit de Mme [X], des accusations infondées concernant des erreurs professionnelles...

- Une copie d'un courrier manuscrit de M. [T] [P] daté du 4 octobre 2018, responsable coordinateur magasin (non conforme aux dispositions de l'article 220 du code civil, aucune pièce d'identité jointe ni mentions obligatoires) joint à un document intitulé «'dossier personnel Mme [Z]'»'rédigé par Mme [Z], dans lequel M. [T] indique avoir été témoin du fait que le jour même M. [C] est entré en furie dans le bureau du petit magasin accusant Mme [Z] d'avoir fait une fausse manipulation informatique avec Sylob et qu'il a été surpris par son attitude.

- Un SMS d'un dénommé «'[N]'» du 16 juin sans année précisée, qui dit être gêné de la torture morale qu'on lui a faite et évoque l'horrible période Cobbham de ses derniers mois

Il ressort de ces éléments, la transmission au mois d'avril et septembre 2019, par M. [C] de consignes à Mme [Z] s'agissant de la saisie de certaines informations dont il n'est démontré ni le caractère abusif ou mal attentionné ni qu'elles aient été formulées de manière irrespectueuse, le ton étant strictement professionnel. Mme [Z] n'établit pas non plus qu'elle aurait de ce fait été privée des moyens nécessaires à l'exercice de ses fonctions.

Le 3 décembre 2018, M. [C] a indiqué par mail à Mme [Z] intitulé «'rappel sur la bonne gestion des articles aux lieux et emplacement de stockage'» que des écarts de gestion avaient été notés, a rappelé les règles à tenir pour assurer la bonne gestion du stock, expliquant les conséquences et les raisons de la nécessité du respect des emplacements physiques et informatiques sur la perte de temps et la recherche des articles, et lui a demandé de faire un point précis et de vérifier que ce type d'anomalies n'existe plus le cas échéant en corrigeant les mouvements informatiques de la semaine 49.

Ce mail courtois et strictement professionnel, est transmis en copie à tous les salariés du magasin, et manifestement, compte tenu de son caractère impersonnel, destiné à diffuser des consignes à tous les salariés afin d'éviter de reproduire les erreurs commises.

Le mail du 5 décembre 2018 de M. [C] adressé à Mme [Z] avec en copie M.[H] est une simple demande d'exécution de tâche et un rappel des consignes. Les autres mails du 5 décembre 2018, constituent la réponse de M [C] à un questionnement de Mme [Z] et adoptent également un ton professionnel sans élément dénigrant ou irrespectueux.

De même le document manuscrit susvisé est un point purement technique sans aucun élément susceptible de constituer une critique à l'encontre de Mme [Z].

La simple copie d'un courrier de M. [T] témoignant de la colère de M. [C] à l'encontre de Mme [Z] en octobre 2018 pour une erreur dont elle n'aurait pas été responsable, colère par ailleurs non démontrée, ne suffit pas à caractériser une attitude d'intimidation de la part du responsable même si elle est inadéquate.

Le SMS d'un dénommé [N] prétendument «'M. [I]'» susvisé est insuffisamment précis pour démontrer les faits allégués.

Par ailleurs il doit être noté que la salariée évoquait en 2016 lors de son entretien professionnel de manière vague «'des relations compliquées dans le service'» sans plus de détail, soit deux années avant les faits ci-dessus évoqués et en 2017, l'employeur notait pour sa part des améliorations à mettre en œuvre sur «'le relationnel inter et extra service et communication» pouvant illustrer des problèmes purement relationnels entre Mme [Z] et ses collègues.

Il en résulte que l'ensemble de ces éléments liés au fonctionnement de l'entreprise relèvent du seul pouvoir de direction et d'organisation de l'employeur et ne constituent ni une «'déconsidération'», ni le fait d'être «'épiée et contrôlée de manière disproportionnée et injustement critiquée'» comme conclu.

Le fait que la salariée éprouve un sentiment de déconsidération face à l'évolution du fonctionnement de l'entreprise eu égard à son «'ancienneté et son expérience'» et que comme conclu, ce sentiment ait pu générer de la souffrance au travail, est subjectif et la salariée ne justifie ni en avoir alerté son employeur ni que ces consignes seraient le résultat d'une «'cabale'» dirigée contre elle.

Sur le 'lynchage de la part de ses collègues à partir de décembre 2018, la tentative d'empoisonnement et d' humiliations et des agressions verbales'':

Mme [Z] soutient qu'elle a été victime à partir de décembre 2018 d'un lynchage et que l'eau de sa bouteille a même été remplacée par un liquide inconnu non comestible début décembre 2018 et enfin qu'elle a été humiliée et agressée verbalement lors d'une réunion le 6 décembre 2018 par M. [C].

Toutefois la seule main courante déposée en date du 12 décembre 2018 et l'attestation de Mme [O] membre titulaire du CSE qui indique avoir discuté avec Mme [Z] de leurs problèmes respectifs avec M. [C], ne suffisent pas à démontrer la matérialité des faits allégués.

Il ne résulte par conséquent pas de l'examen de l'ensemble des faits allégués et non établis susvisés, pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que Mme [Z] a subi des agissements répétés de la part de son employeur pouvant caractériser un harcèlement moral. Mme [Z] doit par conséquent être déboutée de sa demande à ce titre par voie de confirmation du jugement déféré et de sa demande de nullité de son licenciement pour inaptitude en découlant.

Sur le respect de l'obligation légale de prévention et de sécurité':

Moyens des parties :

Mme [Z] soutient que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité. Elle expose que'l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires de nature à prévenir le harcèlement moral (DUER et fiche d'entreprise non communiqués) et n'a pas pris les mesures immédiates afin de faire cesser le harcèlement qu'elle subissait alors qu'il était informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, ce qui a conduit à son arrêt de travail.

La SAS Everaxis Industries conteste avoir manqué à son obligation légale de sécurité. Elle expose que'la salariée ne rapporte pas la preuve d'un quelconque harcèlement moral qui aurait été exercé à son encontre et qu'elle n'a jamais alerté son employeur quant à l'existence d'une situation de harcèlement moral prétendument exercée à son encontre avant son courrier du mois d'octobre 2018. Elle fait valoir que suite à ce courrier, une enquête a été mise en œuvre, la salariée a été reçue à deux reprises et des solutions lui ont été proposées afin de faire cesser cette situation de mal-être au travail et de l'éloigner de certains de ses collègues de travail.

Sur ce,

Vu les articles L. 4121-1 et 2 du code du travail,

S'agissant du défaut de prévention allégué, l'employeur ne justifie pas par la production d'éléments et notamment du DUER de l'entreprise qu'il avait envisagé l'existence d'un risque psycho-social et que des mesures étaient prévues.

S'agissant du non-respect de l'obligation légale de sécurité par l'employeur, il ne ressort pas de la simple mention par Mme [Z] dans son entretien professionnel de 2016 de «'relations compliquées dans le service'»'la dénonciation de faits de harcèlement moral à son employeur.

Mme [Z] ne produit aucune alerte des institutions représentatives du personnel, de la médecine du travail ou de l'inspection du travail.

Mme [Z] reconnaît en outre qu'après son courrier d'alerte de son employeur en octobre 2018, elle a été reçue par la direction et qu'il lui a été proposé d'abord de changer de lieu de travail puis face à son refus, de placer un intermédiaire entre M. [C] et elle, en la personne de M. [H] , ce qu'elle a accepté et que les choses se sont apaisées pendant plusieurs semaines.

En outre le courrier adressé par l'employeur le 13 novembre 2018 produit par la salariée confirme l'existence de deux entretiens dès fin octobre 2018 en présence de la DRH, la remise de documents de la part de la salariée à l'employeur, la réponse à ses questions s'agissant de son coefficient et la baisse de ses activités, le refus de la rupture conventionnelle qu'elle aurait sollicitée et la proposition confirmée de la direction de la prise en charge seule par Mme [Z] du petit magasin et la réorganisation du service afin que M. [H] en assure la responsabilité et aux fins de «'garder un environnement de travail positif'».

Il est également justifié qu'une enquête a été initiée par l'employeur dont le compte-rendu est daté du 27 octobre 2018, à la suite du courrier de Mme [Z] du 4 octobre 2018, qui relate les auditions de Mme [Z] (à deux reprises), Mme [X] (à deux reprises) et M. [C], M. [V] (BU Procurement manager) et des membres du CE, concluant à l'existence d'un mal être de la part de plusieurs personnes, un mode de management et de communication de M. [C] non adapté, nécessitant «'plus de rondeur'» dans ses propos avec un accompagnement et la proposition d'un plan d'action détaillé.

Par conséquent si l'employeur ne justifie pas de mention du RPS dans le DUER, ni des mesures de prévention prévues s'agissant des RPS, il justifie que des mesures rapides pouvaient être effectivement mises en œuvre en cas de dénonciation de faits susceptibles d'être qualifiés de harcèlement moral et qu'elles l'ont été pour Mme [Z].

La SAS Everaxis Industries ayant ainsi valablement respecté son obligation légale de sécurité et la demande de Mme [Z] à ce titre devant être rejetée par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur le bien-fondé du licenciement':

Moyens des parties :

Mme [Z] [R] conclut à la nullité de son licenciement au visa de l'article L. 1152-3 du code du travail'et subsidiairement à l'absence de cause réelle et sérieuse. En effet, elle expose que':

A titre principal, elle fait valoir que son inaptitude est la conséquence directe des agissements de harcèlement moral subis et que le licenciement en découlant est nécessairement nul.

A titre subsidiaire, elle soutient que l'employeur a, en tout état de cause, manqué à son obligation de sécurité puisqu'il n'a pas pris les mesures de prévention nécessaires et malgré son information il n'a pas pris de mesures effectives afin de garantir la sécurité de la salariée, rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A titre infiniment subsidiaire, Mme [Z] conclut que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ayant manqué à son obligation de reclassement. Elle expose que médecin du travail n'a pas exonéré l'employeur de son obligation de reclassement et les postes proposés par l'employeur portaient sur une catégorie et un niveau de responsabilité moindre et impliquant une baisse de rémunération ainsi qu'un déménagement à une centaine de kilomètres.

La SAS Everaxis Industries affirme pour sa part que le licenciement résulte de l'inaptitude de la salariée et expose qu'il n'existe pas de harcèlement moral et qu'elle a respecté son obligation légale de sécurité. L'employeur conclut que rien ne laisse supposer que la maladie de la salariée aurait une origine professionnelle. Le médecin du travail n'a jamais établi le moindre lien entre le travail et l'état de santé de la salariée et l'inaptitude n'a jamais été prononcée pour une maladie d'origine professionnelle. Il conclut avoir recherché des postes de reclassement de manière loyale et que le médecin du travail a validé sans aucune réserve les deux propositions de reclassement présentées. La recherche de reclassement est intervenue dans un contexte difficile au regard des restrictions médicales, de l'âge et la situation ainsi que de la formation et de l'expérience professionnelle de la salariée.

Le refus catégorique de toute mobilité de la part de la salariée a rendu toute possibilité de reclassement impossible. La société a recherché les possibilités de reclassement au sein de l'ensemble des sociétés appartenant au groupe en vain.

Sur ce,

La cour ayant jugé que le harcèlement moral n'était pas démontré et que l'employeur avait respecté son obligation légale de sécurité, il convient de débouter Mme [Z] de ses demandes de nullité du licenciement et de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse sur ce fondement.

S'agissant du respect de l'obligation de reclassement':

Il résulte des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail' dans leur version applicable au présent litige, que lorsque le salarié est victime d'un accident ou d'une maladie, quelque soit son origine professionnelle ou non, est déclaré inapte par le médecin du travail, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

La'notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article'L. 233-1, aux I et II de l'article'L. 233-3'et à l'article'L. 233-16'du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

En l'espèce, il résulte de l'avis d'inaptitude du médecin du travail en date du 3 juin 2019 que: «'Après étude du poste de travaille (sic) 21/03/19, entretien avec l'employeur et études des conditions de travail le 21/03/19 et le 29/05/19, réalisation de la FE le 28/05/19, inapte au poste ainsi qu'à tout autre poste dans l'entreprise sur le site d'[Localité 3]'».

Il en découle que le médecin du travail n'a pas dispensé l'employeur de son obligation de reclassement en ne cochant pas sur l'avis d'inaptitude les cases afférentes.

La SAS Everaxis Industries justifie avoir interrogé par un courrier du 6 juin 2019 les sept autres sociétés du groupe Label Cobham Sliprings auquel elle appartient sur les possibilités de reclassement existantes en joignant une fiche d'information individuelle (CV) et sa fiche de poste, précisant qu'elle occupait un poste de gestion de production et de magasin depuis 1998. Ces recherches devant être jugées suffisamment personnalisées.

Il n'est pas contesté qu'ont été proposés à Mme [Z] deux postes, un poste d'opératrice de production à [Localité 5] et un poste de préparateur peinture à [Localité 5] appartenant à la catégorie «'ouvrier'», avec une rémunération inférieure à 700€ par rapport à celle de Mme [Z], que le médecin du travail a validé comme respectant ses préconisations, précisant qu'un reclassement sur le site de Cobham [Localité 3] était incompatible avec son état de santé.

Lors de la réunion du 1er juillet 2019, le CSE a émis un avis défavorable sur les postes de reclassement proposés en indiquant s'interroger «'sur la compatibilité de ces postes compte tenu des qualifications de Mme [Z] dans la mesure où les postes proposés ne sont pas semblables à celui précédemment occupé sur le site d'[Localité 3]'».

Si Mme [Z] allègue qu'il ressort des registres d'entrée et sorties produits par l'employeur que des recrutements ont été opérés sur des postes qui auraient pu lui être proposés, elle ne donne aucune précision sur les postes concernés permettant à l'employeur de répondre et à la cour d'analyser leur comptabilité avec ses compétences et son état de santé.

Par conséquent il convent de juger que la SAS Everaxis Industries a loyalement exécuté son obligation de reclassement et que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse par voie de confirmation du jugement déféré.

Sur les demandes accessoires':

Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.

Mme [Z], partie perdante sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Mme [Z] en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS':

La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':

- Rejeté les demandes formées par Mme [Z] tendant à la condamnation de la SAS Everaxis Industries venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings au paiement des sommes suivantes, avec intérêts aux taux légal :

* 25.000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral';

* 10.000 euros nets de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité ;

* 38.178,98 euros nets de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ;

* 4.926,32 euros bruts au titre de l'indemnités compensatrice de préavis ;

* 492,63 euros bruts au titre des congés payés sur préavis ;

* 2.500 euros nets au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamné Mme [Z] à verser à la SAS Everaxis Industries venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings une somme de 350 euros en indemnisation des frais exposés non compris dans les dépens de l'instance ;

- Condamné Mme [Z] au paiement des dépens de l'instance ;

- Rejeté le surplus de demandes ;

- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

L'INFIRME pour le surplus,

STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,

Y ajoutant,

DEBOUTE la SAS Everaxis Industries venant aux droits de la SAS Label Cobham Sliprings de sa demande d'irrecevabilité de la pièce N° 50,

DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE Mme [Z] aux dépens d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 1er Février 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président