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Décisions

CA Rennes, 9e ch securite soc., 17 janvier 2024, n° 21/02308

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 21/02308

17 janvier 2024

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/02308 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RRC5

[V] [I]

C/

MSA D'ARMORIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 JANVIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL lors des débats et Monsieur Philippe LE BOUDEC lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 08 Novembre 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré initialement fixé au 10 janvier 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 25 Mars 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de SAINT-BRIEUC - Pôle Social

Références : 19/00455

****

APPELANT :

Monsieur [V] [I]

[Adresse 5]

[Localité 4]

représenté par Me Florence LE GAGNE de la SELARL KOVALEX, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC substituée par Me Margot MAROS, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTIMÉE :

LA MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE D'ARMORIQUE

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Monsieur [M] [O] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé, réalisé par la caisse de mutualité sociale agricole d'Armorique (la MSA), M. [V] [I], ancien chef d'exploitation retraité depuis 2005, s'est vu notifier un document de fin de contrôle du 9 avril 2019 portant sur le chef de redressement de travail dissimulé par dissimulation d'activité sur la période des années 2015, 2016, 2017 et 2018, pour un montant total de 19 563 euros.

Le 9 mai 2019, M. [I] a fait valoir ses observations concernant tant la régularité de la procédure de contrôle que son assujettissement et sur la limitation de la période contrôlée à l'année 2018.

En réponse, le 13 mai 2019, les contrôleurs ont maintenu le redressement tel que notifié dans le document de fin de contrôle.

La MSA lui a notifié une mise en demeure du 24 mai 2019 tendant au paiement des cotisations notifiées dans le document de fin de contrôle et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 24 455 euros.

Le 12 juillet 2019, M. [I] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, il a porté le litige devant le pôle social du tribunal de grande instance de Saint-Brieuc le 8 octobre suivant.

Lors de sa séance du 11 octobre 2019, la commission a rejeté le recours de M. [I].

Parallèlement, la MSA lui a notifié deux mises en demeure supplémentaires, des 29 novembre 2019 et 18 février 2020, tendant au recouvrement des sommes de :

- 1 634,56 euros, correspondant aux majorations et pénalités de retard appliquées aux cotisations de la mise en demeure du 24 mai 2019 ;

- 12 180,01 euros, correspondant aux cotisations personnelles de M. [I] au titre de l'année 2019.

M. [I] a contesté ces mises en demeure devant la commission de recours amiable respectivement les 8 janvier et 11 mars 2020.

Par jugement du 25 mars 2021, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a :

- validé la mise en demeure du 24 mai 2019 adressée à M. [I], d'avoir à payer la somme de 24 455 euros, confirmée par la décision de rejet de la commission de recours amiable de la MSA du 11 octobre 2019 ;

- débouté M. [I] de ses demandes en paiement des sommes de 2 000 euros de dommages et intérêts et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclaré recevables les contestations de M. [I] portant sur les mises en demeure du 29 novembre 2019 et du 18 février 2020 et ordonné le sursis à statuer sur ces demandes dans l'attente de la production par les parties des décisions de la commission de recours amiable statuant sur les contestations de ces mises en demeure ;

- condamné M. [I] aux dépens.

Par déclaration faite par communication électronique au greffe le 9 avril 2021, M. [I] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 avril 2021.

Par ses écritures parvenues au greffe par le RPVA le 13 janvier 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris sur les chefs critiqués de ce jugement ;

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- d'annuler la mise en demeure du 24 mai 2019 et la décision de rejet de son recours préalable devant la commission de recours amiable ;

- de condamner la MSA à lui restituer la somme de 24 455 euros versée le 10 mars 2020 pour le règlement des sommes indûment réclamées par elle, avec intérêt au taux légal et anatocisme à compter du 10 mars 2020, date du paiement de cet indu ;

A titre subsidiaire :

- de limiter le redressement au montant des cotisations afférentes à l'année 2018, recalculées suite à l'annulation du redressement afférent aux années 2015 à 2017 ;

- de condamner la MSA à lui restituer la partie de la somme indûment versée le 10 mars 2020 pour le règlement des cotisations et majorations afférentes aux années 2015 à 2017, avec intérêt au taux légal et anatocisme à compter du 10 mars 2020, date du paiement de cet indu ;

En tout état de cause :

- de condamner la MSA à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts eu égard au préjudice moral subi du fait de ce redressement ;

- de condamner la MSA aux dépens ;

- de condamner la même à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures parvenues au greffe le 1er avril 2022 auxquelles s'est référée et qu'a développées son représentant à l'audience, la MSA demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris ;

- par suite, confirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable en ce qu'elle confirme la mise en demeure du 24 mai 2019 de payer la somme de 24 455 euros pour des cotisations exploitant dues au titre d'une procédure de redressement portant sur les années 2015 à 2018 ;

- débouter la partie adverse de toutes ses demandes, fins et conclusions et notamment sa demande de 2 000 euros de dommages et intérêts et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la régularité du contrôle

M. [I] soutient que les opérations de contrôle sont irrégulières en ce que :

- les agents de la MSA ont les 13 juillet 2018 et 6 février 2019 procédé à des constatations à son domicile alors qu'ils ne disposaient pas du pouvoir d'effectuer une visite domiciliaire ou de perquisitionner ;

- les deux auditions effectuées par l'agent de la MSA, M. [H], les 9 janvier et 4 février 2019 ont été faites sans son consentement préalable, en violation des dispositions des articles L.8271-6-1 du code du travail et 61-1 du code pénal ;

- le procès-verbal d'infraction établi le 19 mars 2019 laisse apparaître que les agents ont continué de l'interroger de manière non officielle.

La MSA réplique que :

- les deux agents se sont déplacés au domicile de M. [I] dès lors que celui-ci était retraité et qu'il s'agissait de sa seule adresse exploitable ; qu'ils n'ont commis aucune violation de domicile en se déplaçant, sans voie de fait ou contrainte, sur le lieu de stockage de bois en accès ouvert situé en contrebas de la maison de l'intéressé où ils avaient sonné deux fois ; qu'ils étaient en tout état de cause habilités à rechercher et constater tout délit de travail dissimulé en application de l'article L. 8271-7 du code du travail renvoyant à l'article L. 8271-1-2 du même code, le tout sans être tenus d'adresser un avis de passage ;

- les appels téléphoniques des 9 janvier et 4 février 2019 sont de simples prises de contact avec M. [I] et des mesures d'investigations qui ne sauraient être assimilées aux auditions soumises au formalisme de l'article L. 8271-6-1 du code du travail ;

- le procès-verbal d'infraction, destiné au Parquet, ne repose pas exclusivement sur les propos consignés dans le procès-verbal d'audition ; qu'en outre, cet échange n'affecte pas la validité de l'audition de M. [I] qui s'était déjà expliqué au cours de son audition sur l'identité de ses clients et contre lequel en tout état de cause d'autres éléments incriminants ont été recueillis.

Sur ce :

Comme exactement rappelé par les premiers juges, les agents agréés et assermentés de la MSA sont compétents, en application des articles L. 8271-1 et L. 8271-7 du code du travail, pour rechercher et constater les infractions constitutives de travail illégal.

M. [I] ne discute plus en cause d'appel l'agrément des agents de contrôle, MM. [H] et [L].

S'agissant des conditions dans lesquelles les agents contrôleurs se sont déplacés sur le site de [Adresse 5] à [Localité 4] (22) une première fois le 13 juillet 2018, le procès-verbal d'infraction établi le 19 mars 2019 servant de base au document de fin de contrôle établi le 9 avril 2019 auquel il était annexé, indique ceci :

' La répétition, constatée en juin 2018, d'annonces entre le 4 octobre 2017 et la date de notre constat a attiré notre attention (...) L'émetteur se présente comme un agriculteur ou un particulier vendant du bois de chauffage de toutes dimensions et assurant la livraison. Ces annonces sont publiées dans l'hebdomadaire 'l'Echo de l'Armor et de l'Argoat' mais aussi 'le Trégor'. (...)

Un passage de [R] [H] sur le site de [Adresse 5] à [Localité 4] (22) le 13 juillet 2018 permet de constater un stock important de bois de chauffage à l'extérieur des bâtiments appartenant à Monsieur [V] [I]. Ce stock (pièce n°2) est estimé dans sa globalité entre 300 et 350 cordes. Il est composé [suit la description du stock]. Il ne sera pas effectué de contrôle du stock éventuellement présent dans le hangar.'

Il sera d'ores et déjà précisé que c'est à la suite d'une erreur manifestement matérielle que le document de fin de contrôle du 9 avril 2019 indique une date de début de contrôle au 20 juillet 2018 sur la base d'une visite du même jour alors qu'il s'agit du 13 juillet 2018 correspondant à la première visite sur les lieux de M. [H]. Aucune cause d'irrégularité ne saurait donc en découler.

Le procès-verbal d'infraction rapporte ensuite les discussions téléphoniques entre M. [H] et M. [I] les 9 janvier et 4 février 2019 dont il sera traité ci-après.

Le procès-verbal poursuit, s'agissant de la seconde visite du 6 février 2019 :

' Le mercredi 6 février à 10h20, nous ([G] [L] et [R] [H]) nous déplaçons au domicile de Monsieur [V] [I] afin de signaler notre présence. Nous signalons notre présence en actionnant à 2 reprises la sonnette de la porte d'entrée. La sonnette fonctionne mais la porte reste close. Nous descendons vers le site de stockage de bois, deux cents mètres plus bas. Nous mesurons le premier stock de bois [suit la description de ce stock puis celle du second]. A l'intérieur du hangar, nous constatons la présence de plusieurs tas de bois de chauffage en vrac pour sa plus grande partie. Le volume peut être estimé entre 150 et 200 cordes, soit une valeur commerciale a minima de 33 000 €. Deux tracteurs agricoles et une remorque sont abrités sous le hangar d'une superficie de 1 000 m2 [suit la description de ce matériel].

Une personne, se présentant comme Monsieur [V] [I] nous rejoint sur le site.

(...)

Nous contrôlons le chantier d'abattage (pièce n°5) situé au sud ouest d'une très grande parcelle YE [Cadastre 3] sise à proximité de la propriété, dont elle constitue un élément, de Monsieur [I]. Dans cette même zone (...), nous constatons que des abattages d'arbres y ont été réalisés les années passées. Ce lieu est jonché d'arbres fraîchement abattus. Ces arbres ont été regroupés en plusieurs endroits. Un accessoire de fourche de tracteur a été laissé sur le site. Nous pouvons estimer la quantité de bois à plus de 150 cordes.

(...)'.

Le domicile est défini comme 'le lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quels que soient le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux'. (Crim. 24 avril 1985, pourvoi n° 84-92.673; Crim. 30 octobre 2006, pourvoi n° 06-80.680)

Pour être considéré comme un domicile et bénéficier des règles protectrices s'y rattachant, le lieu concerné doit s'entendre d'un lieu habitable normalement clos (Crim. 29 mars 1994 pourvoi n° 93-84995). Une cour d'immeuble non close a ainsi été exclue de cette notion (Crim. 29 septembre 1990, pourvoi n°89-86.600)

Cette protection s'étend aux dépendances ou aux annexes en lien étroit et immédiat avec le domicile (Crim. 13 mars 1974, pourvoi n° 73-93.328) ; il s'agit par conséquent de lieux ou de locaux attenants au domicile au sens strict, c'est-à-dire constituant géographiquement et quotidiennement un prolongement de ce dernier.

Au cas particulier, il ressort des énonciations du procès-verbal susvisé que les agents de la MSA n'ont à aucun moment pénétré dans la maison d'habitation de M. [I], ce qui n'est du reste pas contesté ; que leurs investigations se sont portées le 13 juillet 2018 sur un stock de bois de chauffage 'à l'extérieur des bâtiments', sans contrôle du contenu du hangar puis de nouveau le 6 février 2019 'sur le site de stockage de bois deux cents mètres plus bas' avec en plus, cette fois-ci, un contrôle à l'intérieur du hangar et sur le chantier d'abattage situé au sud ouest d'une très grande parcelle située à proximité de la propriété.

Rien dans ces éléments d'information ne permet de conclure à l'existence d'un lien étroit et immédiat entre le domicile stricto sensu de M. [I] et les lieux où les agents de la MSA se sont déplacés, situés à au moins deux cents mètres de ce dernier dont ils ne constituent pas le prolongement géographique et quotidien. En tout état de cause, les agents étaient accompagnés lors de leur passage le 6 février 2019 par M. [I] qui n'a soulevé aucune objection quant à leur présence, de fait acceptée.

C'est par conséquent en vain que M. [I] soutient que les agents ont dépassé leurs pouvoirs en opérant une visite domiciliaire. Le moyen tiré de la notion de domicile et de la protection qui y est rattachée sera en conséquence écarté.

S'agissant des 'auditions' de M. [I], le procès-verbal susvisé rapporte ce qui suit :

' Un appel non masqué réalisé par [R] [H] dans la matinée du 9 janvier 2019 vers le numéro de téléphone figurant sur l'annonce nous permet de joindre une personne qui nous dira s'appeler Monsieur [I]. Intéressé par notre appel, il nous dit être en livraison vers [Localité 8] ([Localité 7]) et nous donne ses tarifs entre 240 € la corde de bois coupé et entre 35 cm et 40 cm et 220 € pour la corde de bois coupé entre 45 et 55 cm. Il ajoute spontanément aller livrer jusqu'à [Localité 6], avoir une bonne clientèle qui est satisfaite de ses livraisons et se préparer à abattre la semaine prochaine.

Le 4 février 2019 à 12h12, Monsieur [I] laisse un message sur le portable de [R] [H] pour proposer du bois de chauffage à l'achat. Il rappelle à 16h50 et [R] [H] décline son identité et sa fonction. Monsieur [I] annonce dans un premier temps être en règle puis dans un deuxième temps vouloir faire le nécessaire pour déclarer son activité de vente de bois.'.

L'article L. 8271-6-1 du code du travail rendu applicable aux agents de contrôle de la MSA par l'article L. 8271-1-2 dispose que :

'Les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 sont habilités à entendre, en quelque lieu que ce soit et avec son consentement, tout employeur ou son représentant et toute personne rémunérée, ayant été rémunérée ou présumée être ou avoir été rémunérée par l'employeur ou par un travailleur indépendant, afin de connaître la nature des activités de cette personne, ses conditions d'emploi et le montant des rémunérations s'y rapportant, y compris les avantages en nature. De même, ils peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations utiles à l'accomplissement de leur mission de lutte contre le travail illégal.

Conformément à l'article 28 du code de procédure pénale, l'article 61-1 du même code est applicable lorsqu'il est procédé à l'audition d'une personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

Ces auditions peuvent faire l'objet d'un procès-verbal signé des agents mentionnés au premier alinéa et des personnes entendues.

Ces agents sont en outre habilités à demander aux employeurs, aux travailleurs indépendants, aux personnes employées dans l'entreprise ou sur le lieu de travail ainsi qu'à toute personne dont ils recueillent les déclarations dans l'exercice de leur mission de justifier de leur identité et de leur adresse.'

Il est constant que les dispositions qui confèrent aux agents de contrôle des pouvoirs d'investigations sont d'application stricte.

L'entretien téléphonique du 9 janvier 2019 entre M. [H] et M. [I] a incontestablement eu lieu en dehors de tout cadre réglementaire dès lors que l'agent n'a à aucun moment recueilli le consentement préalable de son interlocuteur auquel il n'a pas décliné son identité ni sa fonction, se faisant en effet passer pour un acheteur potentiel afin de recueillir des informations sur l'activité de vente de bois de chauffage indiquée dans l'annonce parue dans la presse locale. Il en est de même pour l'entretien du 4 février 2019, quand bien même M. [I] est l'auteur de l'appel et M. [H] a cette fois-ci décliné son identité et sa fonction.

Ces 'auditions' sont par conséquent nulles et ne peuvent être le support du redressement litigieux. Elles n'entachent pas pour autant d'irrégularité l'ensemble des opérations de contrôle et de redressement, reposant sur les constats effectués de manière régulière par les agents comme jugé ci-dessus et sur le procès-verbal d'audition de M. [I] effectuée le 14 mars 2019 dans les locaux de la MSA avec son consentement expressément recueilli. S'il est fait référence dans le procès-verbal d'infraction à des propos tenus par M. [I] hors procès-verbal d'audition ['hors procès-verbal, il refusera de dévoiler l'identité de ses clients (...) ] Il précisera avoir cessé cette activité de vente de bois en 2019 (...)', cette mention, qui ne figure que dans ce procès-verbal, n'est pas de nature à rendre irrégulière l'audition de M.[I] telle que retranscrite dans le procès-verbal du 14 mars 2019 (pièce n° 2 de la MSA).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les moyens tirés de l'irrégularité des opérations de contrôle et subséquemment de redressement sont mal fondés et doivent être comme tels écartés.

2- Sur l'affiliation de M. [I]

2-1 Sur la nature agricole de l'activité de M. [I]

M. [I] soutient que les travaux de récolte de bois qu'il réalisait (abattage, coupe) n'entraient pas dans le cycle de production d'une exploitation de bois et constituaient seulement une activité accessoire à la vente de bois, laquelle relève du champ des activités industrielles et commerciales pour lesquelles l'URSSAF a compétence s'agissant du calcul et du recouvrement des cotisations ; que son activité n'était donc pas de nature à entraîner son affiliation à la MSA et les agents de cet organisme n'étaient pas compétents pour effectuer des opérations de contrôle et de redressement.

La MSA soutient pour sa part que l'activité d'abattage, de transformation et de vente de bois de chauffage provenant de sa propriété, exercée par M.[I] depuis 2015, remplit tous les critères d'une exploitation de bois au sens des dispositions des articles L. 722-1 et L. 722-3 du code rural et de la pêche maritime, dont la nature agricole la rattache au régime agricole de sorte qu'elle est compétente pour établir le redressement.

Sur ce :

Selon les dispositions de l'article L. 311-1 al 3 du code rural et de la pêche maritime, 'pour la détermination des critères d'affiliation aux régimes de protection sociale des non-salariés et des salariés des professions agricoles, sont considérées comme agricoles les activités mentionnées respectivement aux articles L. 722-1 et L. 722-20 ".

Selon l'article L. 722-1 précité, 'le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous : ['] 3° Travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers définis à l'article L. 722-3 .'

L'article L. 722-3 précité dispose :

'Sont considérés comme travaux forestiers :

1° Les travaux de récolte de bois, à savoir abattage, ébranchage, élagage, éhouppage, débardage sous toutes ses formes, les travaux précédant ou suivant normalement ces opérations tels que débroussaillement, nettoyage des coupes ainsi que transport de bois effectué par l'entreprise qui a procédé à tout ou partie des opérations précédentes et, lorsqu'ils sont effectués sur le parterre de la coupe, les travaux de façonnage, de conditionnement du bois, de sciage et de carbonisation, quels que soient les procédés utilisés, ainsi que la production de bois et dérivés destinés à l'énergie ou à l'industrie ;

2° Les travaux de reboisement et de sylviculture, y compris l'élagage, le débroussaillement et le nettoyage des coupes ;

3° Les travaux d'équipement forestier, lorsqu'ils sont accessoires aux travaux ci-dessus.

(...)'.

Il résulte de la combinaison des deux derniers articles précédents que le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux travaux forestiers et entreprises de travaux forestiers, et que sont considérés comme tels notamment les travaux d'élagage et de débroussaillement. (2e Civ., 22 septembre 2022, pourvoi n° 21-12.481)

Contrairement à ce que soutient M. [I], il n'est pas exigé que les travaux forestiers concernés participent à l'exploitation d'un cycle de production. (même arrêt)

Il ressort des déclarations de M. [I] recueillies au cours de son audition le 14 mars 2019 que ce dernier exerçait une activité d'abattage et de découpe de bois issu de sa propriété depuis octobre 2015. Les agents de la MSA ont pu constater le résultat de cet abattage et de cette découpe lors de leur venue sur place comme indiqué précédemment.

Force est donc de constater que ces travaux entrent pleinement dans la définition des travaux forestiers visés par les textes précités et constituent de ce fait une activité agricole relevant du régime de protection sociale agricole.

2-2 Sur la qualité de chef d'exploitation de M. [I]

M. [I] soutient que la MSA ne démontre pas qu'il remplit les conditions d'assujettissement en tant qu'exploitant posées par l'article L. 722-5 du code rural et de la pêche maritime ; que l'estimation du stock en corde n'est pas fiable, la mesure en stère, correspondant officiellement à un m3 de bois empilé et ordonné étant plus précise ; qu'en réalité, une corde équivaut davantage à 2 à 5 m3 de bois ; que le stock de bois observé chez lui n'étant ni ordonné ni empilé, la conversion en m3 opérée par la MSA n'est pas cohérente et une corde correspondrait plutôt dans son cas à 5 ou 10 m3 conduisant à retenir un stock compris entre 30 et 60 cordes au lieu des 300 calculées par les agents de la MSA ; que l'estimation par les agents de la MSA du temps de travail pour une corde de bois reposant sur les indications du [9] n'a pas de caractère probant ; qu'en tout état de cause et en prenant comme base de calcul à la fois le stock de 300 cordes et les 8 heures de travail par corde, le tout rapportés par année sur la période 2015-2018, le stock représenterait ainsi 600 heures par an soit moins que le seuil d'assujettissement minimum légal de 1200 heures ; qu'à titre subsidiaire, la MSA ne rapporte pas la preuve d'un nombre d'heures de travail suffisant pour les années antérieures à 2018 en dehors d'hypothèses et de projections non admissibles ; qu'il n'a du reste été poursuivi devant le tribunal correctionnel qu'au titre de la période du 1er juin 2018 au 22 juin 2019 ; qu'en outre, son activité antérieure à 2018 n'avait aucun caractère lucratif.

La MSA fait quant à elle valoir que l'assujettissement de M. [I] en tant qu'exploitant agricole est justifié au regard du temps de travail consacré à son activité, atteignant au moins le seuil minimal de 1 200 heures par an retenu pour 150 cordes. Elle rappelle à ce titre que le stock extérieur est passé de 300 cordes à 100 cordes entre le 13 juillet 2018 et le 6 février 2019, étant précisé qu'il a bien été tenu compte d'une corde équivalente à 3 m3 soit 3 stères, constituant la norme en matière de bois de chauffage ; que le stock intérieur a été estimé entre 150 et 200 cordes en février 2019 ; qu'il a ainsi été retenu une vente annuelle de 150 cordes au minimum ; que ces estimations ne sont pas contredites par le constat d'huissier de justice transmis par M. [I] le 9 mai 2019 mentionnant un stock extérieur de 642 m3 correspondant à 214 cordes, bien supérieur au constat de 102 cordes fait par les agents de la MSA, ainsi qu'un stock intérieur de 148,42 cordes, équivalent aux 150 cordes retenues par ces derniers ; que l'estimation d'une journée de 8 heures par corde soit 1 200 heures pour 150 cordes par an repose sur une base objective et professionnelle ; que les calculs de M.[I] aboutissant à 600 heures par an ne tiennent pas compte de la reconstitution du stock chaque année par les coupes de l'année précédente ; que c'est par ailleurs M. [I] lui-même qui a indiqué avoir débuté son activité en 2015, laquelle a depuis cette date été exercée à titre lucratif ; qu'enfin, le redressement est indépendant des poursuites pénales dont M. [I] a fait l'objet sur une période plus courte.

Sur ce :

L'article L. 722-5 du code rural et de la pèche maritime dispose que :

'I.-L'importance minimale de l'exploitation ou de l'entreprise agricole requise pour que leurs dirigeants soient considérés comme chef d'exploitation ou d'entreprise agricole au titre des activités mentionnées à l'article L. 722-1 est déterminée par l'activité minimale d'assujettissement. L'activité minimale d'assujettissement est atteinte lorsqu'est remplie l'une des conditions suivantes :

1° La superficie mise en valeur est au moins égale à la surface minimale d'assujettissement mentionnée à l'article L. 722-5-1 compte tenu, s'il y a lieu, des coefficients d'équivalence applicables aux productions agricoles spécialisées ;

2° Le temps de travail nécessaire à la conduite de l'activité est, dans le cas où l'activité ne peut être appréciée selon la condition mentionnée au 1°, au moins égal à 1 200 heures par an ;

3° Le revenu professionnel de la personne est au moins égal à l'assiette forfaitaire, mentionnée à l'article L. 731-16, applicable à la cotisation d'assurance vieillesse prévue au 1° de l'article L. 731-42 lorsque cette personne met en valeur une exploitation ou une entreprise agricole dont l'importance est supérieure au minimum prévu à l'article L. 731-23 et qu'elle n'a pas fait valoir ses droits à la retraite. Cette condition est réputée remplie lorsque le revenu professionnel diminue mais reste au moins supérieur à l'assiette forfaitaire précitée minorée de 20 %.

II.-Si la condition prévue au 1° du I n'est pas remplie, la superficie de l'exploitation ou de l'entreprise agricole est convertie en temps de travail sur la base d'une équivalence entre la surface minimale d'assujettissement et 1200 heures de travail pour l'appréciation de la condition mentionnée au 2° du même I. Le temps de travail résultant de cette conversion s'ajoute au temps de travail nécessaire à la conduite de l'activité mentionnée au même 2°.

(...)'.

Comme indiqué par les premiers juges, il n'est pas discuté que la superficie forestière dont M. [I] peut user ne dépasse pas la surface minimale d'assujettissement prévue par l'arrêté préfectoral des Côtes d'Armor, de 12,5 ha.

Il ressort du procès-verbal établi le 19 mars 2019 que lors de son passage le 13 juillet 2018, M. [H] a constaté un stock de bois de chauffage à l'extérieur des bâtiments appartenant à M. [I] estimé à 300-350 cordes, réparties en trois parties : deux seront encore présentes lors du passage du 6 février 2019, la 3ème étant constituée d'un tas 'bien ordonné en parallélipipède rectangle d'environ 5 mètres de large, 2,50 mètres de haut et 50 mètres de long soit plus de 250 cordes de bois'.

Lors de leur passage le 6 février 2019, les agents de la MSA ont mesuré un premier stock de bois, 'de forme pyramidale d'une longueur de 37 mètres, d'une hauteur de 3,50 mètres et d'une largeur de 3,80 mètres pour une évaluation de 82 cordes. Le deuxième, plus petit est de forme conique sur un diamètre de 6 à 8 mètres pour une hauteur d'environ 5 mètres (...) Soit environ 20 cordes'. Ils ont par ailleurs retenu un volume de bois de chauffage compris entre 150 et 200 cordes situé dans le hangar, constitué de plusieurs tas de bois en vrac pour la plus grande partie.

Au terme de leur constat, réalisé dans des conditions régulières, les contrôleurs ont estimé que M. [I] vendait au minimum 150 cordes par an.

Au cours de son audition, M. [I] a contesté l'estimation du stock retenue à hauteur d'environ 350 cordes (extérieur et intérieur), considérant en effet que celle-ci se situe en réalité entre 100 et 120 cordes. Il la minimise encore davantage devant la cour puisqu'il avance un chiffre compris entre 30 et 60 cordes.

Force est toutefois de constater que les estimations alléguées par M. [I] tout comme ses affirmations quant à la vente de 10 cordes seulement par an ne reposent sur aucune comptabilité ou traçabilité bancaire (M. [I] se faisant régler en espèces).

M. [I] verse aux débats un constat d'huissier de justice établi à sa demande par Maître [J], le 16 avril 2019 (pièce n°15 de la MSA). Le volume total décompté par l'huissier de justice s'établit en avril 2019 à 642 m3 en ce qui concerne le stock extérieur, auquel s'ajoute 445 m3 de bois stockés dans le hangar d'une superficie mesurée à 600 m2.

Il en ressort les valeurs équivalentes en cordes, sur la base d'une valeur unitaire de corde comprise entre 3 m3 (valeur retenue par la MSA) et 3,5 m3 (base M. [I] : entre 2 et 5 stères) :

- entre 183 et 214 pour l'extérieur,

- entre 127 et 148 pour le hangar.

Ces valeurs sont ainsi nettement supérieures à celles prises en compte par les agents de la MSA pour l'extérieur (pour mémoire, 102 cordes) et légèrement inférieures pour le hangar (pour mémoire 150- 200 cordes). Elles ne confirment aucunement en tout cas l'usage principalement personnel allégué à hauteur de 3 à 4 cordes par an outre 2 cordes par an données à sa belle-fille, ni même, encore une fois, des ventes limitées à 10 cordes par an.

Ce constat d'huissier, qui par ailleurs n'évoque pas de bois déclassé ou délaissé, ne vient donc pas utilement contredire à la baisse les mesures et estimations globales opérées par les agents de la MSA, qui ont par conséquent été à bon droit retenues par les premiers juges.

Au cours de son audition le 14 mars 2019, M. [I] a déclaré qu'il vendait la corde à un prix variant entre 220 et 240 euros ; il ne revient pas sur ces déclarations en cause d'appel.

M. [I] critique l'évaluation d'une corde en temps de travail faite par la MSA à raison de 8 heures par jour mais ne fournit aucun élément utile de nature à remettre en cause cette évaluation fondée sur l'avis d'un professionnel reconnu, en l'occurrence le [9], comptabilisant le travail d'abattage, de transformation des arbres abattus, du transport sur le lieu de stockage, de conditionnement et de déplacement pour le séchage en hangar.

En l'état des constats effectués par les agents, non utilement contredits par les pièces et allégations de M. [I], qui n'a cessé de minimiser ses stocks de bois et ses ventes, il y a lieu, sur la base de la vente au minimum de 150 cordes par an retenue par les contrôleurs, en cohérence avec les stocks contrôlés et leur variation, et non contredite par quelque document comptable ou bancaire que ce soit, de retenir une estimation annuelle de 1.200 heures de travail, soit égale au seuil d'assujettissement.

C'est par ailleurs à bon droit que la MSA a considéré comme établi que M. [I] exerce son activité depuis octobre 2015. A la question posée par les agents au cours de son audition du 14 mars 2019 : 'depuis combien de temps pratiquez-vous cette activité d'abattage de bois en vue de la vente de bois de chauffage,' M. [I] a en effet répondu l'avoir débutée à compter d'octobre 2015, après son opération cardiaque et sa convalescence. Le certificat médical produit par M. [I] (sa pièce n°2), daté du 8 janvier 2015, est antérieur de dix mois au début reconnu de l'activité et ne permet pas de conclure à l'incompatibilité de l'état de santé de l'intéressé avec l'activité exercée, pas plus que les documents médicaux produits en pièce n°14, tous établis postérieurement à la période contrôlée.

Le moyen tiré de ce que les poursuites pénales engagées à l'encontre de M.[I] par le Procureur de la République du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 27 juillet 2021 (pièce n° 12 de M. [I]) ne visent que la période du 1er juin 2018 au 22 juin 2019 sans remonter au-delà de juin 2018 est inopérant s'agissant d'un cadre juridique distinct de poursuites pénales laissées à l'appréciation du procureur.

Comme l'ont à juste titre relevé les premiers juges, les seules affirmations de M. [I] ne permettent pas de dater un début de vente en juin 2018.

Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a retenu le bien-fondé de l'assujettissement de M. [I] sur toute la période contrôlée et, partant, celui du redressement.

Il en est de même en ce qu'il a validé pour son montant de 24 455 euros la mise en demeure du 24 mai 2019, dont la régularité n'est pas remise en cause, et débouté M. [I] de ses demandes de dommages-intérêts et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

3- Sur les dépens

Les dépens de la présente procédure seront laissés à la charge de M. [I] qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [I] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT