Décisions
CA Versailles, ch. soc. 4-6, 25 janvier 2024, n° 22/03785
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2024
N° RG 22/03785 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VSZM
AFFAIRE :
[T] [U]
C/
S.A.S.U. GB FOODS FRANCE anciennement dénommée société CONTINENTAL FOODS FRANCE,
Décision déférée à la cour :
arrêt de la Cour de cassation PARIS du 28 septembre 2022
Jugement rendu le 14 Décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 16/00962
Copies executoires :
à :
Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES,
Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS
délivrées le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation PARIS du 28 septembre 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles de la 19ème chambre le 02 décembre 2020
Madame [T] [U]
née le 08 Décembre 1975 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par de Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222
DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
S.A.S.U. GB FOODS FRANCE
anciennement dénommée société CONTINENTAL FOODS FRANCE,
[Adresse 5]
[Localité 2]
assistée de Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - subtitué par Me Valérie BLANDEAU avocat au barreau de VERSAILLES
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Novembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Présidente chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 janvier 2001, Mme [T] [U], épouse [L] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef de produit, par la société Continental Foods France, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée unipersonnelle GB Foods France, qui avait pour activité la recherche, l'élaboration, la production, l'entreposage, le transport et la commercialisation de potages, bouillons et autres produits alimentaires, notamment sous les marques Liebig et Royco, employait plus de dix salariés et relevait de la convention collective nationale de l'alimentation et des industries alimentaires diverses.
D'août 2011 à septembre 2012, Mme [T] [U] a été en congé maternité puis en congé parental. En dernier lieu, à compter de septembre 2015, elle exerçait les fonctions de directrice marketing France.
Convoquée le 20 avril 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 2 mai suivant, Mme [T] [U] a été licenciée par courrier du 9 mai 2016, énonçant une faute grave.
La lettre de licenciement est ainsi libellée:
'Madame,
Nous faisons suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement qui s'est tenu le 2 mai 2016, en présence de Monsieur [O] [D] et moi-même, au cours duquel-vous étiez assistée de Madame [W] [M] et de Monsieur [A] [J] (Délégué syndical CFE- CGC & membre élu du Comité d'Entreprise).
Vos explications n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants:
1- Motif de licenciement
Vous occupez depuis Septembre 2015 les fonctions de Directrice Marketing et à ce titre êtes membre du Comité de direction.
Le 5 avril 2016 à 11h, vous avez rencontré M. [O] [D], Directeur Général, afin de faire un point sur votre activité et répondre à votre demande d'augmentation de salaire sollicitée quelques jours après que ce dernier ait été nommé Directeur Général.
A cette occasion, il vous a rappelé les points positifs sur votre travail de l'année en cours et les points à améliorer pour l'année future. Concernant les axes d'amélioration, il a notamment mentionné le renforcement de votre leadership stratégique au sein de la Société afin de rétablir en particulier la part de marché sur la marque Liebig.
Compte tenu de ces éléments, il vous a indiqué qu'il n'envisageait pas d'augmentation de salaire à date, c'est-à-dire au 1er Avril 2016. Il attendait en effet des efforts de votre part sur certains points.
Vous avez alors réagi très brutalement, quittant son bureau en jetant votre café par terre et en claquant la porte, le tout en tenant les propos suivants de manière très forte dans l'open space en présence de nombreux collaborateurs : "tu veux me la faire à l'envers, c'est un coup de poignard dans le dos, je me casse, j'en ai marre ... ".Vous avez ensuite relaté votre conversation sur un ton toujours très fort et véhément dans la cuisine auprès de deux autres salariées, dont une collaboratrice dont vous êtes la supérieure hiérarchique et Madame [W] [M]. Alerté par le bruit dans la cuisine, et prenant conscience que tout l'open space était en mesure d'assister à cela, Monsieur [D] est sorti de son bureau car il n'était pas possible de laisser les choses en l'état.
Il vous a alors demandé de sortir de la cuisine en vous indiquant de ne pas faire de scandale au vu et au su de tous les collaborateurs présents dans l'open space. A ce moment-là, vous l'avez interpellé en lui indiquant précisément à deux reprises qu'il n'avait qu'à vous virer". A aucun moment vous n'avez jugé bon de vous excuser pour votre comportement vis-à-vis de Monsieur [D]. Vous avez seulement quitté l'entreprise.
A la suite de cet incident, plusieurs collaborateurs sont venus le trouver choqués et perturbés par ce qu'ils avaient vu et entendu.
Au cours de l'après-midi qui a suivi, vous avez adressé une demande de jour RTT pour raison personnelle pour l'absence de l'après-midi puis dans la soirée et de manière contradictoire un arrêt de travail indiquant "souffrance au travail" concernant la même absence.
Surpris par la tournure que prenaient les événements, Monsieur [D] vous indique par courriel en retour qu'il n'a pas apprécié votre comportement à la suite de l'entretien du 5 avril et il vous propose alors d'en reparler sereinement le lundi à votre retour.
Votre seule réponse à cette demande d'entretien destiné à apaiser la situation sera de nier l'existence d'un comportement et de propos déplacés et d'adresser un arrêt maladie.
A votre reprise le lundi 11 avril 2016, n'ayant pas pris l'initiative de venir vous excuser, Mr [O] [D] vous fait part de sa surprise et de son mécontentement par rapport à l'incident, considérant qu'un membre du Comité de Direction doit rester exemplaire en toute circonstance en particulier vis- à-vis des collaborateurs de la Société. A ce moment-là, vous maintenez votre position qui consiste à nier tout comportement déplacé et fautif et vous n'exprimez aucun regret. Par voie de conséquence, vous ne jugez pas utile de présenter à tout le moins vos excuses sur votre emportement. Bien au contraire, vous vous bornez à lui indiquer que vous vous considérez comme étant moins bien traitée que certains de vos collègues, ce qui, même si cela était démontré, ne peut aucunement justifier un tel comportement vis-à-vis à la fois de votre supérieur hiérarchique et des collaborateurs de l'entreprise, à fortiori ceux que vous encadrez.
Le lundi 11 Avril 2016 à 13h, comme chaque Lundi, nous tenons une réunion du Comité de Direction en visio-conférence à laquelle vous participez. Dès le début de cette vidéo conférence, vous indiquez que vous revenez au travail après avoir été arrêtée pour "souffrance au travail" sans autre forme de précision et sans vous soucier du niveau d'information sur la situation des autres membres du Comité de Direction.
Tous les membres du Comité de Direction sont stupéfaits par votre déclaration. En effet, certains n'étaient pas informés de votre différend avec Monsieur [D], mais plus encore, cette déclaration, mentionnant de la part d'un membre du Comité de Direction une "souffrance au travail" sans précision, apparaît comme étant particulièrement déplacée. Votre position demande à l'évidence une certaine réserve et un recul nécessaire entre vos fonctions de direction et vos éventuels différends personnels avec un membre de la Direction de la Société.
C'est dans ce contexte que nous avons décidé de vous convoquer à un entretien préalable.
En effet, votre attitude de défiance caractérisée et vos actes manifestes d'insubordination à l'égard de Mr [O] [D], ne permettent plus de maintenir sereinement des relations de travail.
Comme indiqué précédemment, il est tout à fait possible dans la vie d'une entreprise et même pour un cadre de haut niveau d'avoir des désaccords professionnels, et notamment sur la rémunération, mais vous vous devez de maintenir en toutes circonstances un comportement exemplaire et un certain devoir de réserve à l'égard des autres collaborateurs de la Société. Il est impossible de s'épancher comme vous l'avez fait devant de nombreux collaborateurs dont vous êtes le supérieur hiérarchique sur votre situation personnelle et un différend avec le Directeur Général.
Plus encore, nous avons constaté également qu'à aucun moment vous avez reconnu avoir eu un comportement inapproprié sur le lieu de travail et par voie de conséquence juge utile de présenter vos excuses à Monsieur [D].
Votre comportement et votre absence totale de remise en cause ont créé un trouble évident au sein de l'entreprise qu'il convient de faire cesser. Certains collaborateurs ou autres membres du Comité de Direction se sont en effet interrogés sur les conséquences de tels agissements.
Dans ces conditions, et pour toutes les raisons qui ont été exposées ci-dessus, le maintien de votre contrat de travail au sein de la Société ne peut perdurer, même de manière temporaire, sans préjudice pour l'entreprise. C'est la raison pour laquelle, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni licenciement. »
Le 11 mai 2016, Mme [T] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, aux fins de solliciter, au titre de l'exécution de son contrat de travail, un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, des dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait et travail dissimulé et, au titre de la rupture de son contrat de travail, demander, à titre principal, la nullité de son licenciement et sa réintégration et, à titre subsidiaire, la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter divers dommages et intérêts à ce titre.
Par jugement du 14 décembre 2017, le conseil de prud'hommes a :
condamné la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] :
- Au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 59 245 euros,
- Au titre du préavis : 29 622,24 euros,
- Au titre des congés payés afférents : 2 962,2 euros,
- Au titre du 13ème mois sur préavis: 2 468,52 euros,
- Au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement: 80 652 euros,
condamné la société à délivrer à Mme [T] [U] des bulletins de paie ou des documents équivalents, et des documents sociaux conformes au jugement sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
jugé que les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'exécution provisoire,
débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
condamné [la société] au titre de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile.
Le 12 janvier 2018, Mme [T] [U] a interjeté appel de la décision.
Par arrêt du 2 décembre 2020, la cour d'appel de Versailles a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Continental Foods France, devenue GB Foods France,
confirmé le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande relative à la nullité de la convention de forfait, de sa demande de nullité du licenciement et des demandes indemnitaires et salariales subséquentes, de sa demande d'indemnisation pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
constaté que la convention de forfait appliquée à Mme [U] est nulle,
déclaré recevable mais débouté Mme [U] de ses demandes relatives au rappel de salaire sur heures supplémentaires, au repos compensateur et au salaire de référence,
fixé le salaire mensuel de référence de Mme [U] à 9 874,08 euros bruts,
déclaré nul le licenciement prononcé à l'égard de Mme [U] par la société Continental Foods France, devenue GB Foods France,
ordonné la réintégration de Mme [U] dans les effectifs de la société Continental Foods France, devenue GB Foods France au poste de Directrice Marketing, ou en cas d'impossibilité, à un emploi équivalent, et ce sous astreinte de 250 euros par jour à compter d'un mois après la signification de la présente décision,
condamné en conséquence la société Continental Foods France, devenue GB Foods France à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
- du licenciement à l'audience : 523 326,24 euros ainsi que 52 332,62 euros au titre des congés payés afférents, soit un total de 575 658,86 euros,
- du 9 octobre 2020 à la réintégration effective : 9 874,08 euros par mois, outre la somme de 987,40 euros au titre des congés payés afférents, soit la somme mensuelle de 10 861,48 euros,
- 1.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
dit que la société Continental Foods France, devenue GB Foods France devra transmettre à Mme [U] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision des bulletins de paye et des documents sociaux conformes au présent arrêt,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné la société Continental Foods France, devenue GB Foods France à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et aux entiers dépens.
La société Continental Foods France et Mme [T] [U] ont formé pourvoi à l'encontre de l'arrêt précité.
Par arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt du 2 décembre 2020 mais seulement :
- en ce qu'il déclare nul le licenciement prononcé à l'égard de Mme [U], ordonne sa réintégration dans les effectifs de la société Continental Foods France devenue Gb Foods France au poste de directrice marketing ou, en cas d'impossibilité, à un emploi équivalent, et ce sous astreinte de 250 euros par jour à compter d'un mois après la signification de la décision, condamne en conséquence la société Continental Foods France devenue Gb Foods France à payer à Mme [U] les sommes de 523 326,24 euros du licenciement à l'audience, outre 52 332,62 euros au titre des congés payés afférents, soit un total de 575 658,86 euros, de 9 874,08 euros par mois à compter du 9 octobre 2020 jusqu'à la réintégration effective, outre 987,40 euros au titre des congés payés afférents, soit la somme mensuelle de 10 861,48 euros, de 1 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
- et en ce qu'il déboute Mme [U] de ses demandes relatives au rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de mars 2014, au repos compensateur et au salaire de référence, limite le salaire mensuel de référence à la somme de 9 874,08 euros bruts, et en ce qu'il l'a déboute de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé ou subsidiairement pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait.
Par conclusions n°4 transmises par RPVA du 4 novembre 2023, Mme [T] [U] sollicite de la cour de voir :
infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT, en ce qu'il a :
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de nullité ou d'inopposabilité de la convention de forfait
débouté Madame [U] épouse [L] de toutes les demandes afférentes aux heures supplémentaires, à savoir le rappel sur heures supplémentaires, l'indemnité sur repos compensateur, d'indemnité pour travail dissimulé à titre subsidiaire pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de reconnaissance d'une discrimination
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de dommages et intérêts concernant l'accès tardif au plan d'investissement, et de sa perte de chance de bénéficier de ce plan jusqu'à juillet 2019
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de prononcer de la nullité du licenciement dont elle a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016
à titre subsidiaire confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement dont Mme [U] épouse [L] a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société GB FOODS à verser à Madame [U] épouse [L] une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, un 13 ème mois afférent, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais le réformer sur le montant des dommages et intérêts
Statuer à nouveau :
1. Prononcer à titre principal la nullité de la convention de forfait de Madame [T] [U], sur le fondement des articles L. 3121-38 et suivants du Code du travail, et titre subsidiaire son inopposabilité à Mme [U] épouse [L]
en conséquence,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 52 706,07 € à titre de rappel sur heures supplémentaires, de septembre 2012 jusqu'à février 2014, ainsi que 5 270,60 € de congés payés afférents,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 17 971,04 € à titre d'indemnité de repos compensateurs pour 2013, ainsi que 1 797,10 € de congés payés afférents,
en conséquence encore,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 59 245 € (6 mois) à titre d'indemnité :
à titre principal pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L8223-1 du code du travail
à titre subsidiaire pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait, sur le fondement des articles L3121-38 et suivants et L1222-1 du Code du travail.
2. Prononcer l'existence d'agissements discriminatoires du fait de la société GB FOODS FRANCE au préjudice de Madame [U] épouse [L], en raison de son sexe, de sa situation de famille et de ses grossesses, en vertu de l'article L. 1132-1 du Code du travail, et en tout état de cause d'une différence de traitement injustifiée, constituant une exécution déloyale du contrat de travail,
en conséquence,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 822 269 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi à titre principal du fait de la discrimination, sur le fondement de l'article L. 1132-1 du Code du travail, et à titre subsidiaire du fait de la violation de l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail, sur le fondement de l'article L1222-1 du Code du travail, compte tenu de la différence de traitement injustifiée subie
3. Prononcer à titre principal la nullité du licenciement dont Mme [U] épouse [L] a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016, sur le fondement :
des article L. 1132-3, L. 1132-4 du Code du travail, compte tenu de son lien avec la discrimination dénoncée par Mme [U] épouse [L]
de l'alinéa 1er du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de l'atteinte à la liberté d'expression de la salariée
de l'article 16 de la Déclaration de 1789, en raison de la violation du principe constitutionnel de droit de la défense
confirmer à titre subsidiaire le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT en ce qu'il a jugé que le licenciement dont Mme [U] épouse [L] a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 29 622,24 €
congés payés sur préavis : 2 962,22 €
13 ème mois sur préavis : 2 468,52 €
indemnité conventionnelle de licenciement : 80 652 €
condamner à titre principal la société GB FOODS FRANCE à verser à Madame [U] épouse [L] une somme de 355 467 € (36 mois) à titre d'indemnité pour licenciement nul
confirmer à titre subsidiaire le jugement en ce qu'il a condamné la société GB FOODS
FRANCE à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L1235-3 du Code du travail, dont le montant sera infirmé et porté à la somme de 355 467 € (36 mois),
en tout état de cause,
4. Condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L]
FOYER une somme de 29 623 € (3 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil,
5. Condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L]
FOYER une somme de 694 575 € à titre de dommages et intérêts spécifiques, dommages et intérêts au titre de l'accès tardif au plan d'investissement, et de sa perte de chance concernant
le bénéfice du plan d'investissement, sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil, et L1222-1 du Code du travail,
6. condamner la société GB FOODS FRANCE à délivrer à Mme [U] épouse [L] des bulletins de paie, et des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document,
7. Se réserver le contentieux de la liquidation des astreintes,
8. Prononcer l'application aux condamnations prononcées des intérêts au taux légal, et anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil,
9. Débouter la société GB FOODS France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
10. Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
11. condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC, en cause d'appel,
12. condamner la société GB FOODS FRANCE aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.
Par conclusions transmises par RPVA du 19 avril 2023, la société Continental Foods France sollicite de voir :
à titre principal, infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 décembre 2017 en ce qu'il a jugé le licenciement de Madame [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse
infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 décembre 2017 en ce qu'il a condamné la société CONTINENTAL FOODS FRANCE à payer les sommes suivantes :
* Au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 59 245€
* Au titre du préavis : 29 622,24 €
* Au titre des congés payés afférents : 2 962,2 €
* Au titre du 13ème mois sur préavis : 2 468,52 €
infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CONTINENTAL FOODS FRANCE du surplus de ses demandes
Et statuant à nouveau
condamner la Salariée au remboursement des sommes perçues de ce chef
débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes
confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt du 14 décembre 2017 dans l'ensemble de ses autres dispositions
débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce compris les demandes relatives à la nullité du licenciement et leurs conséquences
à titre subsidiaire :
constater l'absence de préjudice résultant de la perte d'emploi
en conséquence, réduire à minima le montant des dommages et intérêts sollicités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse si la Cour devait confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de ce chef
débouter Madame [L] du surplus de ses demandes
en tout état de cause, condamner Madame [L] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 7 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 novembre 2023.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi
Il convient de préciser que la cour de cassation a retenu deux moyens de droit :
- la dénaturation d'un écrit par le juge ayant fondé la nullité du licenciement, la réintégration de la salariée dans les effectifs de la société sous astreinte et la condamnation de la société à payer des sommes afférentes à la nullité du licenciement, à l'indemnité pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires
- le renversement de la charge de la preuve de l'existence des heures supplémentaires par le juge à l'origine du débouté de Mme [T] [U] de ses demandes financières afférentes soulevé par Mme [T] [U] (heures supplémentaires, repos compensateur, indemnité pour travail dissimulé, et subsidiairement, violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait).
Le moyen tiré du débouté de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L1132-1 du code du travail n'a pas été retenu par la cour de cassation au motif que ce moyen n'était pas manifestement de nature à entraîner la cassation, de sorte que les développements figurant encore dans les dernières conclusions de Mme [T] [U] sur ce grief sont irrecevables. En effet, le rejet de la demande fondée sur le grief de la discrimination étant définitif, ce moyen ne peut venir appuyer la nullité du licenciement au risque d'une contradiction de motifs.
Néanmoins, s'agissant du moyen tiré de la 'dénonciation' de faits de discrimination invoqué pour la première fois après cassation, il conviendra de l'étudier.
Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement
Mme [T] [U] invoque deux violations de sa liberté d'expression:
- lors de l'entretien préalable
- lors des faits qui lui sont reprochés.
S'agissant de l'entretien préalable
La cour de cassation a retenu une dénaturation d'un écrit par le juge au motif suivant :
' Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis:
14. Pour déclarer nul le licenciement prononcé à l'égard de la salariée, l'arrêt retient que les propos décrits comme portant atteinte à la liberté d'expression de la salariée sont les suivants: 'plus encore, nous avons constaté également qu'à aucun moment vous avez reconnu avoir eu un comportement inapproprié sur le lieu de travail et par voie de conséquence jugé utile de présenter vos excuses à Monsieur [D].'. Il ajoute qu'ils ont trait au déroulement de l'entretien préalable dont le compte-rendu est communiqué par la salariée.
15. En statuant ainsi alors que la lettre de licenciement indiquait que la salariée n'avait 'à aucun moment' reconnu avoir eu un comportement inapproprié ni présenté ses excuses, sans mentionner le déroulement de l'entretien préalable, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé'.
En l'espèce, l'absence d'excuses présentées à son supérieur hiérarchique est soulignée trois fois dans la lettre de licenciement, à l'occasion de la narration des faits du 5 avril 2016 et du 11 avril 2016 puis de façon conclusive, sans mention du déroulement de l'entretien préalable comme relevé par la cour de cassation.
S'il résulte du compte rendu rédigé par le délégué syndical assistant Mme [T] [U] lors de l'entretien préalable (pièce 24) que l'absence d'excuses et de reconnaissance des faits de la part de Mme [T] [U] a été également évoquée, c'est dans le contexte précité. Rien ne permet d'établir que le licenciement est fondé sur cette cause, outre le fait que, comme relevé par la société, d'éventuelles excuses et/ou reconnaissance des faits sont des éléments pouvant être pris en considération dans l'orientation d'une procédure sans que cela puisse être considéré comme étant une atteinte à la liberté d'expression.
L'absence d'excuses constitue un constat et non un grief.
S'agissant des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.
Sur les faits du 5 avril 2016
Il est reproché à Mme [T] [U] de s'être emportée 'brutalement' et verbalement après s'être vu notifier un refus d'augmentation de salaire par son supérieur hiérarchique, M.[D], ce que conteste Mme [T] [U] qui invoque une violation de sa liberté d'expression.
Selon l'article L1121-1 du code du travail, 'Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché'.
Le salarié jouit d'une liberté d'expression entendue comme liberté fondamentale et celle-ci peut s'exprimer aussi bien dans l'entreprise que hors de celle-ci. Néanmoins, l'exercice de ce droit trouve sa limite dans un éventuel abus du salarié. L'abus dans la liberté d'expression se matérialise par des propos injurieux, diffamatoires, excessifs, des dénigrements ou des accusations non fondées. Les juges se fondent sur la teneur des propos, le contexte, la publicité qu'en a fait le salarié ainsi que fonctions exercées par le salarié.
En l'espèce, l'employeur expose que Mme [T] [U] a réagi de manière très violente après le refus de sa demande d'augmentation de salaire en jetant son gobelet de café puis en quittant le bureau de M.[D] en claquant brutalement la porte, Mme [T] [U] se retrouvant alors dans l'open-space et tenant des propos injurieux envers M.[D] allant jusqu'à le défier de la 'virer' devant tous les salariés présents.
La société Continental Foods France produits les pièces suivantes:
- l'attestation de M.[E] [S], salarié, (pièce 8) déclarant que 'j'étais à mon poste de travail dans 'l'open-space' du département commercial le jour où il u a eu une discussion houleuse entre [T] [L] et [O] [D], directeur général du continental Foods France. Je ne me rappelle plus du jour où c'est arrivé. Je me souviens avoir entendu des éclats de voix dans la petite salle de réunion, située derrière le bureau du directeur général. [T] est sortie brusquement en claquant la porte, des sanglots dans la voix et en disant à haute voix quelque chose comme 'c'est un coup de poignard dans le dos, ils essaient de me la faire à l'envers, je ne vais pas me laisser faire'.
NB: Je ne me souviens plus des verbatims exacts'.
- l'attestation de Mme [R] [I], 'ancien collègue' (pièce 9) déclarant ' Je me trouvais dans le bureau à côté de celui où se trouvaient Mme [T] [U] et M.[O] [D]. Au début, je ne prêtais pas attention à ce qu'ils se disaient. Je n'entendais d'ailleurs quasiment rien. Ce n'est qu'une fois que le ton est monté que j'ai fendu l'oreille. J'ai vite compris que le désaccord était lié à une augmentation salariale que Mme [L] considérait comme un dû. Si Mme [L] a haussé le niveau de sa voix de manière importante, je tiens à affirmer que M.[D] est resté calme tout au long de l'entretien. Je tiens également à affirmer que Mme [L] semblait vraiment sous le coup de l'émotion (il n'y avait selon moi aucune préméditation à son attitude) et qu'elle considérait comme une injustice que la société ne lui accorde pas l'augmentation que M.[N] [AX] (prédécesseur de M.[D]) lui avait promis. Je me souviens que Mme [L] a dit à M.[D] qu'elle travaillait énormément, qu'elle était investie dans son travail mais qu'elle gagnait 30% de moins en moyenne qu'une directrice marketing faisant le même travail qu'elle. Je me souviens également que Mme [L] a proposé à M.[D] d'appeler M.[AX] afin que ce dernier confirme qu'il lui avait promis une augmentation. Mais ils ne l'ont pas appelé. Je ne me souviens plus comment la conversation s'est terminée mais Mme [L] a quitté la salle en criant et en claquant la porte'.
- l'attestation de M.[X] [B], cadre commercial (pièce 10) déclarant ' Ce jour là j'étais assis à mon bureau situé en face de la salle de réunion dans laquelle se trouvait [T] [L] et [O] [D]. De ce que je me souviens, [O] recevait [T] dans le cadre de son évaluation annuelle. Les échanges étaient vifs, animés, je percevais certains propos par moment sans pouvoir décrire précisément le contenu. C'est au moment où la porte s'est ouverte que les événements se sont corsés. [T] est sortie du bureau en furie, en lançant à [O] ' tu m'as planté un poignard dans le dos' 'tu m'as planté un 2ème poignard dans le dos'. Elle était hors d'elle, très énervée, extrêmement agressive en hurlant sur le plateau (nous avons été nombreux à assister à la scène). Comme [T] ne se calmait pas, [O] lui a demandé de gérer ses émotions en dehors du plateau, lui expliquant que ses collègues n'avaient pas à être exposés à un différend qui ne concernait que [T] et [O]. [T] s'est ensuite réfugiée dans la cuisine avec quelque unes de ses collègues puis est sortie à l'extérieur du bâtiment avant de revenir récupérer des affaires et quitter le plateau. A aucun moment, [O] n'a tenu de propos déplacé à l'égard de [T], cherchant plutôt à gérer la situation avec diplomatie'.
- l'attestation de M.[C] [OU], chargé support FDV et moyens généraux (pièce 11) déclarant : 'J'étais dans l'open space à mon poste de travail quand [T] est sortie précipitamment de la salle de réunion avec [O], en pleurs, elle semblait être énervée et affectée par leur récente discussion. Elle a indiqué à l'attention de [O] que ce n'était pas possible et qu'elle n'en avait rien à faire s'il l'a virée. [O] lui a demandé de se calmer et que ce n'était pas le lieu pour débattre du point. C'est tout ce dont je me rappelle'.
- l'attestation de M.[K] [V], commercial (pièce 12) déclarant : ' j'atteste avoir été présent au bureau et assisté à l'altercation entre [O] [D] et [T] [L]. [O] et [T] étaient en réunion dans la salle située derrière le bureau de [O] lorsque [T] est sortie brusquement et a dit à haute voix 'tu me le fais à l'envers, là'. [O] a répliqué lui disant que 'ce n'est pas le lieu (en public face à l'open space) et pas digne d'une personne membre du Codir que de s'exprimer publiquement et à haute voix sur un apparent désaccord entre eux deux. [T] a ensuite quitté les bureaux en pleurs'.
- attestation de Mme [TH] [Y], assistante du directeur général (pièce 17) déclarant: 'Voici ce dont je me souviens 1 an et demi après les faits, je n'ai aucun doute sur le déroulé des faits mais la précision des propos tenus est partielle car je ne me souviens plus mot pour mot des échanges mais le sens général est conforme. Je me trouvais dans l'open-space à environ 5 mètres du bureau de M.[D] qui était en réunion porte fermée. Je travaillais avec un collègue tournant le dos au bureau de M.[D]. J'entends soudain des éclats de voix qui proviennent du bureau et qui me semblent inhabituels, sans comprendre ce qui se dit. Je continue à travailler puis soudain Mme [L] sort du bureau en disant ' tu me l'as fait à l'envers...c'est injuste....c'est un coup de couteau dans le dos....puis claque très violemment la porte du bureau et s'éloigne bouleversée et en colère. Silence dans l'open-space, nous arrêtons tous ce que nous faisons, surpris par cette scène inhabituelle. Mme [L] est à présent dans la cuisine (à quelques mètres). Je l'entends exprimer verbalement sa colère: 'c'est injuste...il m'a menti...ça se passera pas comme ça....je ne vais pas me laisser faire....' auprès d'autres collègues, elle parle très fort tout l'open-space l'entends. Je suis toujours à mon poste de travail et je vois M.[D] sortir de son bureau et se diriger vers la cuisine puis s'adresser en haussant le ton aussi fort que Mme [L] '...je te rappelle que tu fais parti du comité de direction...tu es priée d'aller faire tes états d'âmes ailleurs...'. Mme [L] quitte la cuisine et se dirige vers la sortie. Sur le plateau c'est le silence, nous sommes tous secoués par ce qui vient de se passer. Quelques salariés viennent me trouver pour savoir si je connais les raisons de cette dispute, inquiets, certains évoquent déjà un plan social, le licenciement de Mme [L] ou d'autres membres de l'équipe marketing. Voyant les proportions que cela peut prendre, je vais trouver M.[D] et sans lui demander des détails sur ce qui vient de se passer, je lui conseille de clarifier la situation auprès des salariés de l'open-space, si cela est possible, afin de calmer l'ambiance générale et éviter tout malentendu. M .[D] réunit les salariés ayant assisté à la scène dans son bureau et nous confirme que l'altercation concerne uniquement lui et Mme [L] que nous ne sommes en rien concernés et que nous pouvons reprendre une activité normale'.
En réponse, Mme [T] [U] invoque les éléments et témoignages suivants:
- elle expose que lorsqu'elle a demandé des explications sur le refus d'augmentation, M. [D] s'est montré agressif à son égard et que bouleversée, elle lui a demandé s'il cherchait à la faire partir, ce à quoi il lui a répondu 'et ben puisque c'est ça, casse toi!', propos qui auraient été entendus par M.[EK], voisin de bureau. Néanmoins, Mme [T] [U] fait état de ce témoin lors de son entretien préalable sans pour autant produire la moindre attestation de ce dernier.
- elle conteste avoir jeté son café par terre ou claqué la porte et invoque pour ce faire le mail qu'elle a envoyé à M.[D] (pièce 20) dans lequel elle conteste ces faits mais qui constitue une preuve faite à soi-même.
- elle indique s'être dépêchée d'aller récupérer son manteau, l'obligeant à traverser l'open-space et que deux collègues, [W] [Z] et [P] [F], inquiètes de son état, sont venues la soutenir. Alors qu'elles s'étaient retirées dans la cuisine, M.[D] est entré et a hurlé à Mme [T] [U] qui était toujours en train de pleurer 'va faire ton scandale ailleurs!'.
- Il résulte du compte rendu de l'entretien préalable rédigé par le délégué du personnel que Mme[W] [Z], chargé de clientèle MDD, présente à l'entretien en qualité de témoin, a déclaré :
'j'étais précisément à côté de la photocopieuse. [T] est sortie précipitamment du bureau de [O]. [T] était dans un état de détresse. C'est surtout ça qui m'a frappée. Elle était en sanglots, elle tremblait et n'arrivait presque pas à parler. [T] n'a pas tenu de propos déplacés contre [O] [D] ni contre la société ni dans l'open-space ni en privé. Bien au contraire. Elle était simplement en détresse. [T] est très sérieuse; en cohésion avec les membres du codir, à aucun moment en contradiction avec la stratégie de l'entreprise. Son implication lors des dernières présentations stratégiques étaient très forte'. Puis après l'intervention de M. [D] 'à aucun moment nous ne mettons en doute le 'fond' de [T] ni ses compétences. C'est la forme qui nous gêne', Mme [W] [Z] a poursuivi ' Il y a eu ensuite un mouvement de personnes qui sont venues me voir, très perturbées par la détresse de [T] et ses pleurs ([T] avait du mal à parler). Les gens de l'open-space n'ont pas entendu de propos à l'encontre de [O] [D] ni de la société. Ils s'inquiétaient pour [T]'. Puis le délégué du personnel écrit '[W] confirme qu'elle n'a pas entendu dire par [T] les phrases reprochées par [O] à savoir 'tu veux me la faire à l'envers' ' c'est un coup de poignard dans le dos', ' j'en ai marre je me casse' ou encore ' tu n'as qu'à me virer', phrase qui aurait été dite devant [W], ce qu'elle dément formellement.
- une 'attestation collective de collègues travaillant avec Mme [T] [U] et présents dans l'open-space le 5 avril 2016" (pièce 38) signés le 17 mai 2016 par sept salariés dont Mme [W] [Z] et qui, après avoir rappelé les compétences de Mme [T] [U], indique que 'concernant les événements du 5 avril 2016, nous attestons que [T] est sortie complètement bouleversée et en pleurs du bureau de [O] [D] en fin de matinée. A aucun moment nous ne l'avons entendu tenir des propos déplacés à l'encontre de [O] [D] ou de Continental Foods dans l'open space. En particulier, personne ne l'a entendu dire 'tu n'as qu'à me virer', ni dans l'open space ni ailleurs. Nous avons vu au contraire quelqu'un de très affecté, en sanglots, qui n'est passé dans l'open space que pour prendre son manteau avant de partir'.
- des mails de collègues lui faisant savoir combien ils avaient apprécié de travailler avec elle et regretté son départ (pièce 48).
Mme [T] [U] conteste le bien fondé des attestations produites par la société Continental Foods France en faisant remarquer, sans l'établir, qu'elles ont été rédigées au moment où la société est entrée dans le capital de fonds d'investissement après le premier PSE ayant donné lieu à de nombreux licenciements et faisant peser une pression sur les salariés.
Elle relève que M.[E] a été rétrogradé et donc en difficulté avec la direction; que les attestations de M.[EK], M.[C] sont dactylographiées; que M.[X] était dans une salle de réunion à l'opposé des lieux, enfermé, ne pouvant ni entendre ni assister aux faits; que M.[K] était en rendez vous extérieur et donc non présent, de sorte que l'attestation est fausse; que Mme [TH] ne peut attester librement étant l'assistante de M.[D] outre que son attestation est dactylographiée.
Passant outre le fait que l'attestation 'collective' n'est pas conforme dans sa forme à l'article 202 du code de procédure civile, cette attestation constituant cependant une pièce contradictoirement débattue, il convient de relever une contradiction entre ces témoignages et ceux produits par l'employeur s'agissant des propos tenus par les protagonistes, de sorte que le doute doit profiter au salarié.
Ce grief n'est pas établi.
Sur les faits du 11 avril 2016 à 13h
Il est reproché à Mme [T] [U] lors du comité de direction qu'elle revenait d'un arrêt de travail pour souffrance au travail.
La société Continental Foods France invoque la stupéfaction des membres du comité de direction qui n'étaient pas informés de cet arrêt ni de son différend avec M. [D], soulignant le fait que cette réunion n'a pas pour objet d'évoquer les différends que les salariés peuvent avoir avec leur hiérarchie sur des points personnels et encore moins lorsqu'il s'agit d'un membre de ce comité. Elle reproche à Mme [T] [U] de n'avoir pas respecté son devoir de réserve, endommageant irrémédiablement la confiance de son supérieur hiérarchique et celle de l'ensemble du comité de direction.
Outre la liberté individuelle d'expression prévue par l'article L1121-1 du code du travail, les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail conformément aux articles L2284-4 et L2284-5 du code du travail.
Elle produit l'attestation de M.[H] [G], directeur des opérations (pièce 18) déclarant: 'le 11 avril 2016 lors de la vision hebdomadaire avec mes collègues du comité de direction, nous commencions notre réunion par un tour de table sur les bonnes nouvelles. Chacun s'est exprimé sur le sujet et lorsque [T] [L] a pris la parole, j'ai été choqué et surpris de la teneur de ses propos à savoir: 'moi la bonne nouvelle, c'est que je suis revenue au travail car j'étais en arrêt pour souffrance au travail'. N'étant pas informé de l'incident ayant eu lieu entre [O] [D] et [T] [L], j'ai été obligé de demander à notre DRH des explications qui m'ont ensuite été confirmées par des personnes présentes dans l'open-space le jour de l'incident'.
En réplique, Mme [T] [U] conteste la neutralité du témoignage produit et le reproche qui lui est fait d'avoir fait état, auprès des membres de la direction, de sa souffrance au travail, les membres de la direction étant selon elle à même de discuter avec elle de cette question. Elle rappelle que la dénonciation de faits de harcèlement ne peut pas justifier un licenciement.
Si les propos tenus au cours de ce CODIR sont inadaptés au cadre au cours duquel ils ont été tenus, pour autant ils ne sont ni insultants ni injurieux et ne peuvent pas être considérés comme excessifs ni constituer un abus de la liberté d'expression, de sorte que le grief n'est pas établi.
S'agissant du moyen tiré de la dénonciation des faits de discrimination
Selon l'article L1132-3 du code du travail, 'Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés'.
Selon l'article L1132-4 du code précité, ' Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul'.
A l'appui de ce moyen, Mme [T] [U] soutient que son licenciement n'est motivé que par son refus de s'excuser et de reconnaître les faits, maintenant que ses propos n'ont pas outrepassé son droit de s'exprimer. Cependant, elle ne développe aucun autre argumentaire au titre de sa demande figurant dans son dispositif de nullité du licenciement fondé sur la dénonciation des faits de discrimination, de sorte que ce moyen est écarté.
Au vu de ce qui précède et les deux faits des 5 et 11 avril2016 fondant la lettre de licenciement n'étant pas établis pour les premiers et pas suffisament sérieux pour les seconds, il convient de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement du conseil des prud'hommes.
Sur les conséquences financières
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, du 13ème mois sur préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, Mme [T] [U] sollicite la confirmation du jugement du conseil des prud'hommes qui sera confirmé en ce sens.
Elle invoque en sus un préjudice financier du fait de sa sortie du plan d'investissement dans des conditions de 'bad leaver'. Elle explique que licenciée pour faute, elle a été contrainte de revendre ses actions au mois d'octobre 2016 dans des conditions de 'bad leaver', moyennant un prix d'achat inférieur à leur valeur réelle. Elle précise qu'elle a récupéré 47 000 euros sur les 50000 euros investis (62 500 actions), alors même que le prix d'achat aurait dû être de 55 312,50 euros. Elle évalue, sans en justifier, sa perte immédiate à 3 000 euros sur son investissement et un préjudice de 8312,50 euros sur la valeur réelle de ses actions.
Enfin, un salarié sorti en 'good leaver' de manière anticipée ayant le droit de garder ses actions, elle invoque une perte de chance liée au fait que la société Continental Foods France ayant été rachetée par la société espagnole GB FOOD pour une valeur de 900 millions d'euros, ce qui a entraîné une forte valorisation de l'action, elle n'a pas pu en bénéficier.
La société Continental Foods France ne conteste pas l'existence d'une clause 'bad leaver' et 'good leaver', faisant remarquer que Mme [T] [U] en a accepté le principe en signant le contrat et qu'en tout état de cause, elle ne pourrait être indemnisée que sur le fondement d'une perte de chance.
Comme relevé par la société Continental Foods France, l'étude d'impact produit par Mme [T] [U] (pièce 57) repose sur des estimations fondées principalement sur des données communiquées par Mme [T] [U] elle-même sans justificatif de leur origine ni de la valeur des actions lors de leur vente ni de l'évolution du cours de ces actions depuis leur achat. L'étude précisant que le tableau des valorisations de la société a été fait selon les hypothèses et autres donnés auxquelles Mme [T] [U] a eu accès sans autre précision. Enfin, son évaluation porte sur une hypothèse de valeur en 2019, ce qui signifierait un départ à cette date, tout aussi aléatoire.
Il s'agit donc bien d'une perte de chance qui ne peut pas être évaluée au montant correspondant au gain que Mme [T] [U] aurait pu espérer et doit nécessairement tenir compte de l'évolution du cours de l'action, de l'aléa relatif à la présence du salarié dans l'entreprise et de la fiscalité applicable susceptible d'impacter le gain potentiel de la salarié.
Il convient donc de retenir, sur la base du scénario 2 proposé par l'étude à savoir la sortie 'good leaver' en septembre 2016, une perte de chance évaluée à 14 625 euros.
Sur la demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, ' Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9".
En l'espèce, Mme [T] [U] indique ne plus demander sa réintégration dans l'entreprise mais sollicite la somme de 355 467 euros (36 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce à quoi s'oppose la société Continental Foods France qui souligne l'absence de justificatif du préjudice invoqué par Mme [T] [U].
Au vu de son ancienneté dans l'entreprise (un peu plus de 15 ans), de son âge (48 ans), de sa situation familiale (mère de 3 enfants), de son nouvel occupé dès janvier 2017, et de ses deux crédits bancaires invoqués par l'appelante mais dont le tableau d'amortissement débute le 5 décembre 2016 soit postérieurement à son licenciement, à hauteur d'une mensualité totale de 2 925,01, il convient de lui allouer, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 9 874,08 euros bruts la somme de 98 740,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d'indemnité pour licenciement vexatoire
Mme [T] [U] fait valoir le caractère vexatoire de son licenciement sur le fondement de l'article 1240 du code civil, insistant sur le comportement de M. [D] lors des faits du 5 avril 2016, la mettant en cause devant ses collègues, lui faisant injonction de quitter l'entreprise, puis réunissant l'ensemble de l'open space pour donner des explications sur son départ, mais aussi lors de l'entretien préalable.
L'employeur souligne la carence probatoire de son adversaire.
Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi.
En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
En l'espèce, Mme [T] [U] invoque les faits du 5 avril 2016 antérieurs au licenciement et ne démontre pas en quoi le comportement de M.[D] lors de l'entretien préalable a été vexatoire. Il convient de rappeler que Mme [T] [U] était assistée par un délégué du personnel et qu'un témoin en sa faveur y était également présent. Aucun n'atteste d'un quelconque abus dans le déroulement de l'entretien préalable.
En tout état de cause, Mme [T] [U] ne démontre pas le caractère vexatoire ou brutal du licenciement et sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la validité de la convention de forfait jours
Mme [U] sollicite la nullité ou l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours, en raison de l'absence de disposition au sein de la convention collective ou d'un accord collectif le prévoyant et de l'absence de contrôle par l'employeur du volume de travail effectif de la salariée.
La demande de nullité de la convention de forfait jours a été acceptée par la première cour d'appel de Versailles sans remise en cause par l'arrêt de la Cour de cassation, de sorte que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 décembre 2020 jugeant la convention de forfait nulle sont définitives et ne sauraient être réexaminées par la cour.
Sur les heures supplémentaires
L'article L3171-2 du code du travail dispose que ' Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés'.
L'article L3171-4 du code du travail dispose que 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En outre, selon l'article L. 3121-22 du code du travail en sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 10 août 2016, ' Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % [..]'.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [U] sollicite le règlement d'heures supplémentaires réalisées de septembre 2012 à février 2014 et invoque les éléments suivants :
- des e-mails démontrant son amplitude de travail
- la reconnaissance par son directeur général de son volume de travail durant l'entretien préalable
- la reconstitution des heures de travail réellement effectuées
- l'absence d'élément contraire de nature à quantifier son volume de travail.
Comme relevé par Mme [T] [U], la cour de cassation a confirmé que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
En réponse, la société Continental Foods France conteste le caractère probant du tableau établi par l'appelant et relève que celle-ci a produit de très nombreux e-mails de 2015 et 2016 soit postérieurs à la période visée par la demande de l'appelante.
Elle fait remarquer qu'à l'époque des e-mails communiqués par l'appelante, celle-ci est déjà nommée directrice marketing et membre du CODIR et qu'à ce titre, elle n'est plus soumise à un contrôle strict de la durée de travail.
Elle ajoute que les propos tenus par M.[D] lors de l'entretien préalable ne concernaient que la période durant laquelle il avait exercé ses fonctions, n'ayant été désigné directeur général qu'en janvier 2016.
Enfin, elle liste un nombre important de mails produits comme ne correspondant pas à du travail effectif et qui ne sont, selon elle, que des réponses/accusé de réception de la salariée ou des mails qui lui ont été envoyés en copie pour information seulement.
L'employeur ne produisant aucun justificatif des heures réalisées par Mme [T] [U] sur la période demandée, la Cour a la conviction que la salariée a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et, après analyse des pièces produites, la société sera condamnée à verser à Mme [U] la somme de 52 706,07 euros en paiement des heures supplémentaires, outre la somme de 5 270,61 euros de congés payés afférents.
Sur la demande au titre des repos compensateurs
Selon l'article L3121-11 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.'.
Par application de l'article 18 IV de la loi nº2008-789 du 20 août 2008, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.
L'article D3121-14-1 du code du travail énonce que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié.
Selon les dispositions de l'article D3121-14 du code du travail, dans sa version applicable à l'époque des faits, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. (...) Cette indemnité a le caractère de salaire.
Le forfait annuel en jours de la salariée étant privé d'effet, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé en ce qui la concerne à 220 heures.
De ces textes, il résulte que dans une société qui compte plus de 20 salariés, toute heure effectuée par la salariée au-delà de 220 heures annuelles doit être compensée par un repos compensateur équivalent.
Il convient de constater que la société Continental Foods France ne formule aucune observation sur cette demande et n'invoque aucun élément contraire tant sur les dispositions légales applicables que sur le nombre d'heures supplémentaires accomplies au delà du contingent invoquées par l'appelante à savoir 658,5 heures au cours de l'année 2013, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande et de condamner la société Continental Foods France à lui payer la somme de 17 971,04 euros à titre d'indemnité de repos compensateur et 1 797,10 euros de congés payés afférents.
Sur la demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l'article L8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
'1º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3º Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.
Il est admis que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait nulle ou privée d'effet ne suffit pas, en soi, à caractériser le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié.
En l'espèce, s'il apparaît que l'employeur s'est mépris sur les conditions de validité et d'exécution de la convention de forfait, rien ne permet d'établir qu'il a effectivement cherché en outre à dissimuler les heures supplémentaires dont l'obligation au paiement ne résulte que de l'invalidité de cette convention de forfait.
Il convient de débouter Mme [T] [U] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande au titre de la violation des dispositions relatives au forfait jours
En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
En l'espèce, Mme [T] [U] invoque la violation par la société Continental Foods France des dispositions légales relatives au forfait d'heures supplémentaires et un préjudice distinct, n'ayant pas bénéficié des garanties légales en la matière. Néanmoins, elle ne produit aucun élément permettant de justifier l'indemnisation d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, de sorte que sa demande sera rejetée.
Sur la demande des bulletins de paie et des documents sociaux conformes à l'arrêt
Il convient d'ordonner à la société GB Foods France de remettre à la salariée des bulletins de paie et des documents conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les intérêts et leur capitalisation
Les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant;
La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de rejeter les demandes de ce chef.
Sur les dépens
Il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.
PAR CES MOTIFS
Statuant, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 14 décembre 2017 en ce qu'il a débouté Mme [T] [U] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de la majoration non perçu des heures supplémentaires, aux repos compensateurs;
Confirme pour le surplus;
Statuant à nouveau dans la limite de la cassation;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 14 625 euros au titre de sa perte de chance relative au préjudice financier en lien avec le plan d'investissement, toute cause confondue;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 98740,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 52706,07 euros en paiement des heures supplémentaires, outre la somme de 5 270,61 euros de congés payés afférents;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 17 971,04 euros à titre d'indemnité de repos compensateur et 1 797,10 euros de congés payés afférents;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande au titre du caractère vexatoire ou brutal du licenciement;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande au titre de la violation des dispositions relatives au forfait jours;
Ordonne à la société GB Foods France de remettre à la salariée des bulletins de paie et des documents conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision;
Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt;
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Continental Foods France aux entiers dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
Chambre sociale 4-6
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 25 JANVIER 2024
N° RG 22/03785 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VSZM
AFFAIRE :
[T] [U]
C/
S.A.S.U. GB FOODS FRANCE anciennement dénommée société CONTINENTAL FOODS FRANCE,
Décision déférée à la cour :
arrêt de la Cour de cassation PARIS du 28 septembre 2022
Jugement rendu le 14 Décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 16/00962
Copies executoires :
à :
Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES,
Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS
délivrées le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation PARIS du 28 septembre 2022 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles de la 19ème chambre le 02 décembre 2020
Madame [T] [U]
née le 08 Décembre 1975 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par de Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R222
DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
S.A.S.U. GB FOODS FRANCE
anciennement dénommée société CONTINENTAL FOODS FRANCE,
[Adresse 5]
[Localité 2]
assistée de Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - subtitué par Me Valérie BLANDEAU avocat au barreau de VERSAILLES
DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Novembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Présidente chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nathalie COURTOIS, Président,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Isabelle FIORE,
FAITS ET PROCÉDURE
Le 15 janvier 2001, Mme [T] [U], épouse [L] a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef de produit, par la société Continental Foods France, aux droits de laquelle vient la société par actions simplifiée unipersonnelle GB Foods France, qui avait pour activité la recherche, l'élaboration, la production, l'entreposage, le transport et la commercialisation de potages, bouillons et autres produits alimentaires, notamment sous les marques Liebig et Royco, employait plus de dix salariés et relevait de la convention collective nationale de l'alimentation et des industries alimentaires diverses.
D'août 2011 à septembre 2012, Mme [T] [U] a été en congé maternité puis en congé parental. En dernier lieu, à compter de septembre 2015, elle exerçait les fonctions de directrice marketing France.
Convoquée le 20 avril 2016 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 2 mai suivant, Mme [T] [U] a été licenciée par courrier du 9 mai 2016, énonçant une faute grave.
La lettre de licenciement est ainsi libellée:
'Madame,
Nous faisons suite à l'entretien préalable à votre éventuel licenciement qui s'est tenu le 2 mai 2016, en présence de Monsieur [O] [D] et moi-même, au cours duquel-vous étiez assistée de Madame [W] [M] et de Monsieur [A] [J] (Délégué syndical CFE- CGC & membre élu du Comité d'Entreprise).
Vos explications n'ont pas permis de modifier notre appréciation des faits et nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave pour les motifs suivants:
1- Motif de licenciement
Vous occupez depuis Septembre 2015 les fonctions de Directrice Marketing et à ce titre êtes membre du Comité de direction.
Le 5 avril 2016 à 11h, vous avez rencontré M. [O] [D], Directeur Général, afin de faire un point sur votre activité et répondre à votre demande d'augmentation de salaire sollicitée quelques jours après que ce dernier ait été nommé Directeur Général.
A cette occasion, il vous a rappelé les points positifs sur votre travail de l'année en cours et les points à améliorer pour l'année future. Concernant les axes d'amélioration, il a notamment mentionné le renforcement de votre leadership stratégique au sein de la Société afin de rétablir en particulier la part de marché sur la marque Liebig.
Compte tenu de ces éléments, il vous a indiqué qu'il n'envisageait pas d'augmentation de salaire à date, c'est-à-dire au 1er Avril 2016. Il attendait en effet des efforts de votre part sur certains points.
Vous avez alors réagi très brutalement, quittant son bureau en jetant votre café par terre et en claquant la porte, le tout en tenant les propos suivants de manière très forte dans l'open space en présence de nombreux collaborateurs : "tu veux me la faire à l'envers, c'est un coup de poignard dans le dos, je me casse, j'en ai marre ... ".Vous avez ensuite relaté votre conversation sur un ton toujours très fort et véhément dans la cuisine auprès de deux autres salariées, dont une collaboratrice dont vous êtes la supérieure hiérarchique et Madame [W] [M]. Alerté par le bruit dans la cuisine, et prenant conscience que tout l'open space était en mesure d'assister à cela, Monsieur [D] est sorti de son bureau car il n'était pas possible de laisser les choses en l'état.
Il vous a alors demandé de sortir de la cuisine en vous indiquant de ne pas faire de scandale au vu et au su de tous les collaborateurs présents dans l'open space. A ce moment-là, vous l'avez interpellé en lui indiquant précisément à deux reprises qu'il n'avait qu'à vous virer". A aucun moment vous n'avez jugé bon de vous excuser pour votre comportement vis-à-vis de Monsieur [D]. Vous avez seulement quitté l'entreprise.
A la suite de cet incident, plusieurs collaborateurs sont venus le trouver choqués et perturbés par ce qu'ils avaient vu et entendu.
Au cours de l'après-midi qui a suivi, vous avez adressé une demande de jour RTT pour raison personnelle pour l'absence de l'après-midi puis dans la soirée et de manière contradictoire un arrêt de travail indiquant "souffrance au travail" concernant la même absence.
Surpris par la tournure que prenaient les événements, Monsieur [D] vous indique par courriel en retour qu'il n'a pas apprécié votre comportement à la suite de l'entretien du 5 avril et il vous propose alors d'en reparler sereinement le lundi à votre retour.
Votre seule réponse à cette demande d'entretien destiné à apaiser la situation sera de nier l'existence d'un comportement et de propos déplacés et d'adresser un arrêt maladie.
A votre reprise le lundi 11 avril 2016, n'ayant pas pris l'initiative de venir vous excuser, Mr [O] [D] vous fait part de sa surprise et de son mécontentement par rapport à l'incident, considérant qu'un membre du Comité de Direction doit rester exemplaire en toute circonstance en particulier vis- à-vis des collaborateurs de la Société. A ce moment-là, vous maintenez votre position qui consiste à nier tout comportement déplacé et fautif et vous n'exprimez aucun regret. Par voie de conséquence, vous ne jugez pas utile de présenter à tout le moins vos excuses sur votre emportement. Bien au contraire, vous vous bornez à lui indiquer que vous vous considérez comme étant moins bien traitée que certains de vos collègues, ce qui, même si cela était démontré, ne peut aucunement justifier un tel comportement vis-à-vis à la fois de votre supérieur hiérarchique et des collaborateurs de l'entreprise, à fortiori ceux que vous encadrez.
Le lundi 11 Avril 2016 à 13h, comme chaque Lundi, nous tenons une réunion du Comité de Direction en visio-conférence à laquelle vous participez. Dès le début de cette vidéo conférence, vous indiquez que vous revenez au travail après avoir été arrêtée pour "souffrance au travail" sans autre forme de précision et sans vous soucier du niveau d'information sur la situation des autres membres du Comité de Direction.
Tous les membres du Comité de Direction sont stupéfaits par votre déclaration. En effet, certains n'étaient pas informés de votre différend avec Monsieur [D], mais plus encore, cette déclaration, mentionnant de la part d'un membre du Comité de Direction une "souffrance au travail" sans précision, apparaît comme étant particulièrement déplacée. Votre position demande à l'évidence une certaine réserve et un recul nécessaire entre vos fonctions de direction et vos éventuels différends personnels avec un membre de la Direction de la Société.
C'est dans ce contexte que nous avons décidé de vous convoquer à un entretien préalable.
En effet, votre attitude de défiance caractérisée et vos actes manifestes d'insubordination à l'égard de Mr [O] [D], ne permettent plus de maintenir sereinement des relations de travail.
Comme indiqué précédemment, il est tout à fait possible dans la vie d'une entreprise et même pour un cadre de haut niveau d'avoir des désaccords professionnels, et notamment sur la rémunération, mais vous vous devez de maintenir en toutes circonstances un comportement exemplaire et un certain devoir de réserve à l'égard des autres collaborateurs de la Société. Il est impossible de s'épancher comme vous l'avez fait devant de nombreux collaborateurs dont vous êtes le supérieur hiérarchique sur votre situation personnelle et un différend avec le Directeur Général.
Plus encore, nous avons constaté également qu'à aucun moment vous avez reconnu avoir eu un comportement inapproprié sur le lieu de travail et par voie de conséquence juge utile de présenter vos excuses à Monsieur [D].
Votre comportement et votre absence totale de remise en cause ont créé un trouble évident au sein de l'entreprise qu'il convient de faire cesser. Certains collaborateurs ou autres membres du Comité de Direction se sont en effet interrogés sur les conséquences de tels agissements.
Dans ces conditions, et pour toutes les raisons qui ont été exposées ci-dessus, le maintien de votre contrat de travail au sein de la Société ne peut perdurer, même de manière temporaire, sans préjudice pour l'entreprise. C'est la raison pour laquelle, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave.
Le licenciement prend donc effet immédiatement dès réception de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis ni licenciement. »
Le 11 mai 2016, Mme [T] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, aux fins de solliciter, au titre de l'exécution de son contrat de travail, un rappel d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, des dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait et travail dissimulé et, au titre de la rupture de son contrat de travail, demander, à titre principal, la nullité de son licenciement et sa réintégration et, à titre subsidiaire, la requalification de son licenciement en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter divers dommages et intérêts à ce titre.
Par jugement du 14 décembre 2017, le conseil de prud'hommes a :
condamné la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] :
- Au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 59 245 euros,
- Au titre du préavis : 29 622,24 euros,
- Au titre des congés payés afférents : 2 962,2 euros,
- Au titre du 13ème mois sur préavis: 2 468,52 euros,
- Au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement: 80 652 euros,
condamné la société à délivrer à Mme [T] [U] des bulletins de paie ou des documents équivalents, et des documents sociaux conformes au jugement sous astreinte de 20 euros par jour de retard,
jugé que les circonstances de l'espèce ne justifient pas l'exécution provisoire,
débouté les parties de toutes leurs autres demandes,
condamné [la société] au titre de l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile.
Le 12 janvier 2018, Mme [T] [U] a interjeté appel de la décision.
Par arrêt du 2 décembre 2020, la cour d'appel de Versailles a :
rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Continental Foods France, devenue GB Foods France,
confirmé le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté Mme [U] de sa demande relative à la nullité de la convention de forfait, de sa demande de nullité du licenciement et des demandes indemnitaires et salariales subséquentes, de sa demande d'indemnisation pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
constaté que la convention de forfait appliquée à Mme [U] est nulle,
déclaré recevable mais débouté Mme [U] de ses demandes relatives au rappel de salaire sur heures supplémentaires, au repos compensateur et au salaire de référence,
fixé le salaire mensuel de référence de Mme [U] à 9 874,08 euros bruts,
déclaré nul le licenciement prononcé à l'égard de Mme [U] par la société Continental Foods France, devenue GB Foods France,
ordonné la réintégration de Mme [U] dans les effectifs de la société Continental Foods France, devenue GB Foods France au poste de Directrice Marketing, ou en cas d'impossibilité, à un emploi équivalent, et ce sous astreinte de 250 euros par jour à compter d'un mois après la signification de la présente décision,
condamné en conséquence la société Continental Foods France, devenue GB Foods France à payer à Mme [U] les sommes suivantes :
- du licenciement à l'audience : 523 326,24 euros ainsi que 52 332,62 euros au titre des congés payés afférents, soit un total de 575 658,86 euros,
- du 9 octobre 2020 à la réintégration effective : 9 874,08 euros par mois, outre la somme de 987,40 euros au titre des congés payés afférents, soit la somme mensuelle de 10 861,48 euros,
- 1.500 euros à titre d'indemnité pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
dit que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
dit que la société Continental Foods France, devenue GB Foods France devra transmettre à Mme [U] dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision des bulletins de paye et des documents sociaux conformes au présent arrêt,
débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
condamné la société Continental Foods France, devenue GB Foods France à payer à Mme [U] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel et aux entiers dépens.
La société Continental Foods France et Mme [T] [U] ont formé pourvoi à l'encontre de l'arrêt précité.
Par arrêt du 28 septembre 2022, la Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt du 2 décembre 2020 mais seulement :
- en ce qu'il déclare nul le licenciement prononcé à l'égard de Mme [U], ordonne sa réintégration dans les effectifs de la société Continental Foods France devenue Gb Foods France au poste de directrice marketing ou, en cas d'impossibilité, à un emploi équivalent, et ce sous astreinte de 250 euros par jour à compter d'un mois après la signification de la décision, condamne en conséquence la société Continental Foods France devenue Gb Foods France à payer à Mme [U] les sommes de 523 326,24 euros du licenciement à l'audience, outre 52 332,62 euros au titre des congés payés afférents, soit un total de 575 658,86 euros, de 9 874,08 euros par mois à compter du 9 octobre 2020 jusqu'à la réintégration effective, outre 987,40 euros au titre des congés payés afférents, soit la somme mensuelle de 10 861,48 euros, de 1 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
- et en ce qu'il déboute Mme [U] de ses demandes relatives au rappel de salaire sur heures supplémentaires pour la période antérieure au mois de mars 2014, au repos compensateur et au salaire de référence, limite le salaire mensuel de référence à la somme de 9 874,08 euros bruts, et en ce qu'il l'a déboute de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé ou subsidiairement pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait.
Par conclusions n°4 transmises par RPVA du 4 novembre 2023, Mme [T] [U] sollicite de la cour de voir :
infirmer le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT, en ce qu'il a :
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de nullité ou d'inopposabilité de la convention de forfait
débouté Madame [U] épouse [L] de toutes les demandes afférentes aux heures supplémentaires, à savoir le rappel sur heures supplémentaires, l'indemnité sur repos compensateur, d'indemnité pour travail dissimulé à titre subsidiaire pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de reconnaissance d'une discrimination
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de dommages et intérêts concernant l'accès tardif au plan d'investissement, et de sa perte de chance de bénéficier de ce plan jusqu'à juillet 2019
débouté Madame [U] épouse [L] de sa demande de prononcer de la nullité du licenciement dont elle a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016
à titre subsidiaire confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement dont Mme [U] épouse [L] a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la société GB FOODS à verser à Madame [U] épouse [L] une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, un 13 ème mois afférent, une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais le réformer sur le montant des dommages et intérêts
Statuer à nouveau :
1. Prononcer à titre principal la nullité de la convention de forfait de Madame [T] [U], sur le fondement des articles L. 3121-38 et suivants du Code du travail, et titre subsidiaire son inopposabilité à Mme [U] épouse [L]
en conséquence,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 52 706,07 € à titre de rappel sur heures supplémentaires, de septembre 2012 jusqu'à février 2014, ainsi que 5 270,60 € de congés payés afférents,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 17 971,04 € à titre d'indemnité de repos compensateurs pour 2013, ainsi que 1 797,10 € de congés payés afférents,
en conséquence encore,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 59 245 € (6 mois) à titre d'indemnité :
à titre principal pour travail dissimulé sur le fondement de l'article L8223-1 du code du travail
à titre subsidiaire pour violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait, sur le fondement des articles L3121-38 et suivants et L1222-1 du Code du travail.
2. Prononcer l'existence d'agissements discriminatoires du fait de la société GB FOODS FRANCE au préjudice de Madame [U] épouse [L], en raison de son sexe, de sa situation de famille et de ses grossesses, en vertu de l'article L. 1132-1 du Code du travail, et en tout état de cause d'une différence de traitement injustifiée, constituant une exécution déloyale du contrat de travail,
en conséquence,
condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 822 269 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi à titre principal du fait de la discrimination, sur le fondement de l'article L. 1132-1 du Code du travail, et à titre subsidiaire du fait de la violation de l'obligation d'exécution loyale du contrat de travail, sur le fondement de l'article L1222-1 du Code du travail, compte tenu de la différence de traitement injustifiée subie
3. Prononcer à titre principal la nullité du licenciement dont Mme [U] épouse [L] a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016, sur le fondement :
des article L. 1132-3, L. 1132-4 du Code du travail, compte tenu de son lien avec la discrimination dénoncée par Mme [U] épouse [L]
de l'alinéa 1er du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, de l'article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison de l'atteinte à la liberté d'expression de la salariée
de l'article 16 de la Déclaration de 1789, en raison de la violation du principe constitutionnel de droit de la défense
confirmer à titre subsidiaire le jugement rendu le 14 décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE-BILLANCOURT en ce qu'il a jugé que le licenciement dont Mme [U] épouse [L] a fait l'objet par lettre du 9 mai 2016 est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
en conséquence,
confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] les sommes suivantes :
indemnité compensatrice de préavis : 29 622,24 €
congés payés sur préavis : 2 962,22 €
13 ème mois sur préavis : 2 468,52 €
indemnité conventionnelle de licenciement : 80 652 €
condamner à titre principal la société GB FOODS FRANCE à verser à Madame [U] épouse [L] une somme de 355 467 € (36 mois) à titre d'indemnité pour licenciement nul
confirmer à titre subsidiaire le jugement en ce qu'il a condamné la société GB FOODS
FRANCE à verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L1235-3 du Code du travail, dont le montant sera infirmé et porté à la somme de 355 467 € (36 mois),
en tout état de cause,
4. Condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L]
FOYER une somme de 29 623 € (3 mois) à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil,
5. Condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L]
FOYER une somme de 694 575 € à titre de dommages et intérêts spécifiques, dommages et intérêts au titre de l'accès tardif au plan d'investissement, et de sa perte de chance concernant
le bénéfice du plan d'investissement, sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil, et L1222-1 du Code du travail,
6. condamner la société GB FOODS FRANCE à délivrer à Mme [U] épouse [L] des bulletins de paie, et des documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document,
7. Se réserver le contentieux de la liquidation des astreintes,
8. Prononcer l'application aux condamnations prononcées des intérêts au taux légal, et anatocisme conformément à l'article 1343-2 du code civil,
9. Débouter la société GB FOODS France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
10. Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
11. condamner la société GB FOODS FRANCE à verser à Mme [U] épouse [L] une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC, en cause d'appel,
12. condamner la société GB FOODS FRANCE aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.
Par conclusions transmises par RPVA du 19 avril 2023, la société Continental Foods France sollicite de voir :
à titre principal, infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 décembre 2017 en ce qu'il a jugé le licenciement de Madame [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse
infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 14 décembre 2017 en ce qu'il a condamné la société CONTINENTAL FOODS FRANCE à payer les sommes suivantes :
* Au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 59 245€
* Au titre du préavis : 29 622,24 €
* Au titre des congés payés afférents : 2 962,2 €
* Au titre du 13ème mois sur préavis : 2 468,52 €
infirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société CONTINENTAL FOODS FRANCE du surplus de ses demandes
Et statuant à nouveau
condamner la Salariée au remboursement des sommes perçues de ce chef
débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes
confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Boulogne Billancourt du 14 décembre 2017 dans l'ensemble de ses autres dispositions
débouter Madame [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en ce compris les demandes relatives à la nullité du licenciement et leurs conséquences
à titre subsidiaire :
constater l'absence de préjudice résultant de la perte d'emploi
en conséquence, réduire à minima le montant des dommages et intérêts sollicités au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse si la Cour devait confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de ce chef
débouter Madame [L] du surplus de ses demandes
en tout état de cause, condamner Madame [L] au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens.
Par ordonnance rendue le 7 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 novembre 2023.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel de renvoi
Il convient de préciser que la cour de cassation a retenu deux moyens de droit :
- la dénaturation d'un écrit par le juge ayant fondé la nullité du licenciement, la réintégration de la salariée dans les effectifs de la société sous astreinte et la condamnation de la société à payer des sommes afférentes à la nullité du licenciement, à l'indemnité pour licenciement intervenu dans des conditions vexatoires
- le renversement de la charge de la preuve de l'existence des heures supplémentaires par le juge à l'origine du débouté de Mme [T] [U] de ses demandes financières afférentes soulevé par Mme [T] [U] (heures supplémentaires, repos compensateur, indemnité pour travail dissimulé, et subsidiairement, violation des dispositions légales relatives aux conventions de forfait).
Le moyen tiré du débouté de sa demande de dommages-intérêts sur le fondement de l'article L1132-1 du code du travail n'a pas été retenu par la cour de cassation au motif que ce moyen n'était pas manifestement de nature à entraîner la cassation, de sorte que les développements figurant encore dans les dernières conclusions de Mme [T] [U] sur ce grief sont irrecevables. En effet, le rejet de la demande fondée sur le grief de la discrimination étant définitif, ce moyen ne peut venir appuyer la nullité du licenciement au risque d'une contradiction de motifs.
Néanmoins, s'agissant du moyen tiré de la 'dénonciation' de faits de discrimination invoqué pour la première fois après cassation, il conviendra de l'étudier.
Sur le moyen tiré de la nullité du licenciement
Mme [T] [U] invoque deux violations de sa liberté d'expression:
- lors de l'entretien préalable
- lors des faits qui lui sont reprochés.
S'agissant de l'entretien préalable
La cour de cassation a retenu une dénaturation d'un écrit par le juge au motif suivant :
' Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis:
14. Pour déclarer nul le licenciement prononcé à l'égard de la salariée, l'arrêt retient que les propos décrits comme portant atteinte à la liberté d'expression de la salariée sont les suivants: 'plus encore, nous avons constaté également qu'à aucun moment vous avez reconnu avoir eu un comportement inapproprié sur le lieu de travail et par voie de conséquence jugé utile de présenter vos excuses à Monsieur [D].'. Il ajoute qu'ils ont trait au déroulement de l'entretien préalable dont le compte-rendu est communiqué par la salariée.
15. En statuant ainsi alors que la lettre de licenciement indiquait que la salariée n'avait 'à aucun moment' reconnu avoir eu un comportement inapproprié ni présenté ses excuses, sans mentionner le déroulement de l'entretien préalable, la cour d'appel, qui en a dénaturé les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé'.
En l'espèce, l'absence d'excuses présentées à son supérieur hiérarchique est soulignée trois fois dans la lettre de licenciement, à l'occasion de la narration des faits du 5 avril 2016 et du 11 avril 2016 puis de façon conclusive, sans mention du déroulement de l'entretien préalable comme relevé par la cour de cassation.
S'il résulte du compte rendu rédigé par le délégué syndical assistant Mme [T] [U] lors de l'entretien préalable (pièce 24) que l'absence d'excuses et de reconnaissance des faits de la part de Mme [T] [U] a été également évoquée, c'est dans le contexte précité. Rien ne permet d'établir que le licenciement est fondé sur cette cause, outre le fait que, comme relevé par la société, d'éventuelles excuses et/ou reconnaissance des faits sont des éléments pouvant être pris en considération dans l'orientation d'une procédure sans que cela puisse être considéré comme étant une atteinte à la liberté d'expression.
L'absence d'excuses constitue un constat et non un grief.
S'agissant des griefs mentionnés dans la lettre de licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.
Sur les faits du 5 avril 2016
Il est reproché à Mme [T] [U] de s'être emportée 'brutalement' et verbalement après s'être vu notifier un refus d'augmentation de salaire par son supérieur hiérarchique, M.[D], ce que conteste Mme [T] [U] qui invoque une violation de sa liberté d'expression.
Selon l'article L1121-1 du code du travail, 'Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché'.
Le salarié jouit d'une liberté d'expression entendue comme liberté fondamentale et celle-ci peut s'exprimer aussi bien dans l'entreprise que hors de celle-ci. Néanmoins, l'exercice de ce droit trouve sa limite dans un éventuel abus du salarié. L'abus dans la liberté d'expression se matérialise par des propos injurieux, diffamatoires, excessifs, des dénigrements ou des accusations non fondées. Les juges se fondent sur la teneur des propos, le contexte, la publicité qu'en a fait le salarié ainsi que fonctions exercées par le salarié.
En l'espèce, l'employeur expose que Mme [T] [U] a réagi de manière très violente après le refus de sa demande d'augmentation de salaire en jetant son gobelet de café puis en quittant le bureau de M.[D] en claquant brutalement la porte, Mme [T] [U] se retrouvant alors dans l'open-space et tenant des propos injurieux envers M.[D] allant jusqu'à le défier de la 'virer' devant tous les salariés présents.
La société Continental Foods France produits les pièces suivantes:
- l'attestation de M.[E] [S], salarié, (pièce 8) déclarant que 'j'étais à mon poste de travail dans 'l'open-space' du département commercial le jour où il u a eu une discussion houleuse entre [T] [L] et [O] [D], directeur général du continental Foods France. Je ne me rappelle plus du jour où c'est arrivé. Je me souviens avoir entendu des éclats de voix dans la petite salle de réunion, située derrière le bureau du directeur général. [T] est sortie brusquement en claquant la porte, des sanglots dans la voix et en disant à haute voix quelque chose comme 'c'est un coup de poignard dans le dos, ils essaient de me la faire à l'envers, je ne vais pas me laisser faire'.
NB: Je ne me souviens plus des verbatims exacts'.
- l'attestation de Mme [R] [I], 'ancien collègue' (pièce 9) déclarant ' Je me trouvais dans le bureau à côté de celui où se trouvaient Mme [T] [U] et M.[O] [D]. Au début, je ne prêtais pas attention à ce qu'ils se disaient. Je n'entendais d'ailleurs quasiment rien. Ce n'est qu'une fois que le ton est monté que j'ai fendu l'oreille. J'ai vite compris que le désaccord était lié à une augmentation salariale que Mme [L] considérait comme un dû. Si Mme [L] a haussé le niveau de sa voix de manière importante, je tiens à affirmer que M.[D] est resté calme tout au long de l'entretien. Je tiens également à affirmer que Mme [L] semblait vraiment sous le coup de l'émotion (il n'y avait selon moi aucune préméditation à son attitude) et qu'elle considérait comme une injustice que la société ne lui accorde pas l'augmentation que M.[N] [AX] (prédécesseur de M.[D]) lui avait promis. Je me souviens que Mme [L] a dit à M.[D] qu'elle travaillait énormément, qu'elle était investie dans son travail mais qu'elle gagnait 30% de moins en moyenne qu'une directrice marketing faisant le même travail qu'elle. Je me souviens également que Mme [L] a proposé à M.[D] d'appeler M.[AX] afin que ce dernier confirme qu'il lui avait promis une augmentation. Mais ils ne l'ont pas appelé. Je ne me souviens plus comment la conversation s'est terminée mais Mme [L] a quitté la salle en criant et en claquant la porte'.
- l'attestation de M.[X] [B], cadre commercial (pièce 10) déclarant ' Ce jour là j'étais assis à mon bureau situé en face de la salle de réunion dans laquelle se trouvait [T] [L] et [O] [D]. De ce que je me souviens, [O] recevait [T] dans le cadre de son évaluation annuelle. Les échanges étaient vifs, animés, je percevais certains propos par moment sans pouvoir décrire précisément le contenu. C'est au moment où la porte s'est ouverte que les événements se sont corsés. [T] est sortie du bureau en furie, en lançant à [O] ' tu m'as planté un poignard dans le dos' 'tu m'as planté un 2ème poignard dans le dos'. Elle était hors d'elle, très énervée, extrêmement agressive en hurlant sur le plateau (nous avons été nombreux à assister à la scène). Comme [T] ne se calmait pas, [O] lui a demandé de gérer ses émotions en dehors du plateau, lui expliquant que ses collègues n'avaient pas à être exposés à un différend qui ne concernait que [T] et [O]. [T] s'est ensuite réfugiée dans la cuisine avec quelque unes de ses collègues puis est sortie à l'extérieur du bâtiment avant de revenir récupérer des affaires et quitter le plateau. A aucun moment, [O] n'a tenu de propos déplacé à l'égard de [T], cherchant plutôt à gérer la situation avec diplomatie'.
- l'attestation de M.[C] [OU], chargé support FDV et moyens généraux (pièce 11) déclarant : 'J'étais dans l'open space à mon poste de travail quand [T] est sortie précipitamment de la salle de réunion avec [O], en pleurs, elle semblait être énervée et affectée par leur récente discussion. Elle a indiqué à l'attention de [O] que ce n'était pas possible et qu'elle n'en avait rien à faire s'il l'a virée. [O] lui a demandé de se calmer et que ce n'était pas le lieu pour débattre du point. C'est tout ce dont je me rappelle'.
- l'attestation de M.[K] [V], commercial (pièce 12) déclarant : ' j'atteste avoir été présent au bureau et assisté à l'altercation entre [O] [D] et [T] [L]. [O] et [T] étaient en réunion dans la salle située derrière le bureau de [O] lorsque [T] est sortie brusquement et a dit à haute voix 'tu me le fais à l'envers, là'. [O] a répliqué lui disant que 'ce n'est pas le lieu (en public face à l'open space) et pas digne d'une personne membre du Codir que de s'exprimer publiquement et à haute voix sur un apparent désaccord entre eux deux. [T] a ensuite quitté les bureaux en pleurs'.
- attestation de Mme [TH] [Y], assistante du directeur général (pièce 17) déclarant: 'Voici ce dont je me souviens 1 an et demi après les faits, je n'ai aucun doute sur le déroulé des faits mais la précision des propos tenus est partielle car je ne me souviens plus mot pour mot des échanges mais le sens général est conforme. Je me trouvais dans l'open-space à environ 5 mètres du bureau de M.[D] qui était en réunion porte fermée. Je travaillais avec un collègue tournant le dos au bureau de M.[D]. J'entends soudain des éclats de voix qui proviennent du bureau et qui me semblent inhabituels, sans comprendre ce qui se dit. Je continue à travailler puis soudain Mme [L] sort du bureau en disant ' tu me l'as fait à l'envers...c'est injuste....c'est un coup de couteau dans le dos....puis claque très violemment la porte du bureau et s'éloigne bouleversée et en colère. Silence dans l'open-space, nous arrêtons tous ce que nous faisons, surpris par cette scène inhabituelle. Mme [L] est à présent dans la cuisine (à quelques mètres). Je l'entends exprimer verbalement sa colère: 'c'est injuste...il m'a menti...ça se passera pas comme ça....je ne vais pas me laisser faire....' auprès d'autres collègues, elle parle très fort tout l'open-space l'entends. Je suis toujours à mon poste de travail et je vois M.[D] sortir de son bureau et se diriger vers la cuisine puis s'adresser en haussant le ton aussi fort que Mme [L] '...je te rappelle que tu fais parti du comité de direction...tu es priée d'aller faire tes états d'âmes ailleurs...'. Mme [L] quitte la cuisine et se dirige vers la sortie. Sur le plateau c'est le silence, nous sommes tous secoués par ce qui vient de se passer. Quelques salariés viennent me trouver pour savoir si je connais les raisons de cette dispute, inquiets, certains évoquent déjà un plan social, le licenciement de Mme [L] ou d'autres membres de l'équipe marketing. Voyant les proportions que cela peut prendre, je vais trouver M.[D] et sans lui demander des détails sur ce qui vient de se passer, je lui conseille de clarifier la situation auprès des salariés de l'open-space, si cela est possible, afin de calmer l'ambiance générale et éviter tout malentendu. M .[D] réunit les salariés ayant assisté à la scène dans son bureau et nous confirme que l'altercation concerne uniquement lui et Mme [L] que nous ne sommes en rien concernés et que nous pouvons reprendre une activité normale'.
En réponse, Mme [T] [U] invoque les éléments et témoignages suivants:
- elle expose que lorsqu'elle a demandé des explications sur le refus d'augmentation, M. [D] s'est montré agressif à son égard et que bouleversée, elle lui a demandé s'il cherchait à la faire partir, ce à quoi il lui a répondu 'et ben puisque c'est ça, casse toi!', propos qui auraient été entendus par M.[EK], voisin de bureau. Néanmoins, Mme [T] [U] fait état de ce témoin lors de son entretien préalable sans pour autant produire la moindre attestation de ce dernier.
- elle conteste avoir jeté son café par terre ou claqué la porte et invoque pour ce faire le mail qu'elle a envoyé à M.[D] (pièce 20) dans lequel elle conteste ces faits mais qui constitue une preuve faite à soi-même.
- elle indique s'être dépêchée d'aller récupérer son manteau, l'obligeant à traverser l'open-space et que deux collègues, [W] [Z] et [P] [F], inquiètes de son état, sont venues la soutenir. Alors qu'elles s'étaient retirées dans la cuisine, M.[D] est entré et a hurlé à Mme [T] [U] qui était toujours en train de pleurer 'va faire ton scandale ailleurs!'.
- Il résulte du compte rendu de l'entretien préalable rédigé par le délégué du personnel que Mme[W] [Z], chargé de clientèle MDD, présente à l'entretien en qualité de témoin, a déclaré :
'j'étais précisément à côté de la photocopieuse. [T] est sortie précipitamment du bureau de [O]. [T] était dans un état de détresse. C'est surtout ça qui m'a frappée. Elle était en sanglots, elle tremblait et n'arrivait presque pas à parler. [T] n'a pas tenu de propos déplacés contre [O] [D] ni contre la société ni dans l'open-space ni en privé. Bien au contraire. Elle était simplement en détresse. [T] est très sérieuse; en cohésion avec les membres du codir, à aucun moment en contradiction avec la stratégie de l'entreprise. Son implication lors des dernières présentations stratégiques étaient très forte'. Puis après l'intervention de M. [D] 'à aucun moment nous ne mettons en doute le 'fond' de [T] ni ses compétences. C'est la forme qui nous gêne', Mme [W] [Z] a poursuivi ' Il y a eu ensuite un mouvement de personnes qui sont venues me voir, très perturbées par la détresse de [T] et ses pleurs ([T] avait du mal à parler). Les gens de l'open-space n'ont pas entendu de propos à l'encontre de [O] [D] ni de la société. Ils s'inquiétaient pour [T]'. Puis le délégué du personnel écrit '[W] confirme qu'elle n'a pas entendu dire par [T] les phrases reprochées par [O] à savoir 'tu veux me la faire à l'envers' ' c'est un coup de poignard dans le dos', ' j'en ai marre je me casse' ou encore ' tu n'as qu'à me virer', phrase qui aurait été dite devant [W], ce qu'elle dément formellement.
- une 'attestation collective de collègues travaillant avec Mme [T] [U] et présents dans l'open-space le 5 avril 2016" (pièce 38) signés le 17 mai 2016 par sept salariés dont Mme [W] [Z] et qui, après avoir rappelé les compétences de Mme [T] [U], indique que 'concernant les événements du 5 avril 2016, nous attestons que [T] est sortie complètement bouleversée et en pleurs du bureau de [O] [D] en fin de matinée. A aucun moment nous ne l'avons entendu tenir des propos déplacés à l'encontre de [O] [D] ou de Continental Foods dans l'open space. En particulier, personne ne l'a entendu dire 'tu n'as qu'à me virer', ni dans l'open space ni ailleurs. Nous avons vu au contraire quelqu'un de très affecté, en sanglots, qui n'est passé dans l'open space que pour prendre son manteau avant de partir'.
- des mails de collègues lui faisant savoir combien ils avaient apprécié de travailler avec elle et regretté son départ (pièce 48).
Mme [T] [U] conteste le bien fondé des attestations produites par la société Continental Foods France en faisant remarquer, sans l'établir, qu'elles ont été rédigées au moment où la société est entrée dans le capital de fonds d'investissement après le premier PSE ayant donné lieu à de nombreux licenciements et faisant peser une pression sur les salariés.
Elle relève que M.[E] a été rétrogradé et donc en difficulté avec la direction; que les attestations de M.[EK], M.[C] sont dactylographiées; que M.[X] était dans une salle de réunion à l'opposé des lieux, enfermé, ne pouvant ni entendre ni assister aux faits; que M.[K] était en rendez vous extérieur et donc non présent, de sorte que l'attestation est fausse; que Mme [TH] ne peut attester librement étant l'assistante de M.[D] outre que son attestation est dactylographiée.
Passant outre le fait que l'attestation 'collective' n'est pas conforme dans sa forme à l'article 202 du code de procédure civile, cette attestation constituant cependant une pièce contradictoirement débattue, il convient de relever une contradiction entre ces témoignages et ceux produits par l'employeur s'agissant des propos tenus par les protagonistes, de sorte que le doute doit profiter au salarié.
Ce grief n'est pas établi.
Sur les faits du 11 avril 2016 à 13h
Il est reproché à Mme [T] [U] lors du comité de direction qu'elle revenait d'un arrêt de travail pour souffrance au travail.
La société Continental Foods France invoque la stupéfaction des membres du comité de direction qui n'étaient pas informés de cet arrêt ni de son différend avec M. [D], soulignant le fait que cette réunion n'a pas pour objet d'évoquer les différends que les salariés peuvent avoir avec leur hiérarchie sur des points personnels et encore moins lorsqu'il s'agit d'un membre de ce comité. Elle reproche à Mme [T] [U] de n'avoir pas respecté son devoir de réserve, endommageant irrémédiablement la confiance de son supérieur hiérarchique et celle de l'ensemble du comité de direction.
Outre la liberté individuelle d'expression prévue par l'article L1121-1 du code du travail, les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail conformément aux articles L2284-4 et L2284-5 du code du travail.
Elle produit l'attestation de M.[H] [G], directeur des opérations (pièce 18) déclarant: 'le 11 avril 2016 lors de la vision hebdomadaire avec mes collègues du comité de direction, nous commencions notre réunion par un tour de table sur les bonnes nouvelles. Chacun s'est exprimé sur le sujet et lorsque [T] [L] a pris la parole, j'ai été choqué et surpris de la teneur de ses propos à savoir: 'moi la bonne nouvelle, c'est que je suis revenue au travail car j'étais en arrêt pour souffrance au travail'. N'étant pas informé de l'incident ayant eu lieu entre [O] [D] et [T] [L], j'ai été obligé de demander à notre DRH des explications qui m'ont ensuite été confirmées par des personnes présentes dans l'open-space le jour de l'incident'.
En réplique, Mme [T] [U] conteste la neutralité du témoignage produit et le reproche qui lui est fait d'avoir fait état, auprès des membres de la direction, de sa souffrance au travail, les membres de la direction étant selon elle à même de discuter avec elle de cette question. Elle rappelle que la dénonciation de faits de harcèlement ne peut pas justifier un licenciement.
Si les propos tenus au cours de ce CODIR sont inadaptés au cadre au cours duquel ils ont été tenus, pour autant ils ne sont ni insultants ni injurieux et ne peuvent pas être considérés comme excessifs ni constituer un abus de la liberté d'expression, de sorte que le grief n'est pas établi.
S'agissant du moyen tiré de la dénonciation des faits de discrimination
Selon l'article L1132-3 du code du travail, 'Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements définis aux articles L. 1132-1 et L. 1132-2 ou pour les avoir relatés'.
Selon l'article L1132-4 du code précité, ' Toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul'.
A l'appui de ce moyen, Mme [T] [U] soutient que son licenciement n'est motivé que par son refus de s'excuser et de reconnaître les faits, maintenant que ses propos n'ont pas outrepassé son droit de s'exprimer. Cependant, elle ne développe aucun autre argumentaire au titre de sa demande figurant dans son dispositif de nullité du licenciement fondé sur la dénonciation des faits de discrimination, de sorte que ce moyen est écarté.
Au vu de ce qui précède et les deux faits des 5 et 11 avril2016 fondant la lettre de licenciement n'étant pas établis pour les premiers et pas suffisament sérieux pour les seconds, il convient de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse par confirmation du jugement du conseil des prud'hommes.
Sur les conséquences financières
S'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, du 13ème mois sur préavis et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, Mme [T] [U] sollicite la confirmation du jugement du conseil des prud'hommes qui sera confirmé en ce sens.
Elle invoque en sus un préjudice financier du fait de sa sortie du plan d'investissement dans des conditions de 'bad leaver'. Elle explique que licenciée pour faute, elle a été contrainte de revendre ses actions au mois d'octobre 2016 dans des conditions de 'bad leaver', moyennant un prix d'achat inférieur à leur valeur réelle. Elle précise qu'elle a récupéré 47 000 euros sur les 50000 euros investis (62 500 actions), alors même que le prix d'achat aurait dû être de 55 312,50 euros. Elle évalue, sans en justifier, sa perte immédiate à 3 000 euros sur son investissement et un préjudice de 8312,50 euros sur la valeur réelle de ses actions.
Enfin, un salarié sorti en 'good leaver' de manière anticipée ayant le droit de garder ses actions, elle invoque une perte de chance liée au fait que la société Continental Foods France ayant été rachetée par la société espagnole GB FOOD pour une valeur de 900 millions d'euros, ce qui a entraîné une forte valorisation de l'action, elle n'a pas pu en bénéficier.
La société Continental Foods France ne conteste pas l'existence d'une clause 'bad leaver' et 'good leaver', faisant remarquer que Mme [T] [U] en a accepté le principe en signant le contrat et qu'en tout état de cause, elle ne pourrait être indemnisée que sur le fondement d'une perte de chance.
Comme relevé par la société Continental Foods France, l'étude d'impact produit par Mme [T] [U] (pièce 57) repose sur des estimations fondées principalement sur des données communiquées par Mme [T] [U] elle-même sans justificatif de leur origine ni de la valeur des actions lors de leur vente ni de l'évolution du cours de ces actions depuis leur achat. L'étude précisant que le tableau des valorisations de la société a été fait selon les hypothèses et autres donnés auxquelles Mme [T] [U] a eu accès sans autre précision. Enfin, son évaluation porte sur une hypothèse de valeur en 2019, ce qui signifierait un départ à cette date, tout aussi aléatoire.
Il s'agit donc bien d'une perte de chance qui ne peut pas être évaluée au montant correspondant au gain que Mme [T] [U] aurait pu espérer et doit nécessairement tenir compte de l'évolution du cours de l'action, de l'aléa relatif à la présence du salarié dans l'entreprise et de la fiscalité applicable susceptible d'impacter le gain potentiel de la salarié.
Il convient donc de retenir, sur la base du scénario 2 proposé par l'étude à savoir la sortie 'good leaver' en septembre 2016, une perte de chance évaluée à 14 625 euros.
Sur la demande au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Selon l'article L1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, ' Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L. 1234-9".
En l'espèce, Mme [T] [U] indique ne plus demander sa réintégration dans l'entreprise mais sollicite la somme de 355 467 euros (36 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce à quoi s'oppose la société Continental Foods France qui souligne l'absence de justificatif du préjudice invoqué par Mme [T] [U].
Au vu de son ancienneté dans l'entreprise (un peu plus de 15 ans), de son âge (48 ans), de sa situation familiale (mère de 3 enfants), de son nouvel occupé dès janvier 2017, et de ses deux crédits bancaires invoqués par l'appelante mais dont le tableau d'amortissement débute le 5 décembre 2016 soit postérieurement à son licenciement, à hauteur d'une mensualité totale de 2 925,01, il convient de lui allouer, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 9 874,08 euros bruts la somme de 98 740,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande d'indemnité pour licenciement vexatoire
Mme [T] [U] fait valoir le caractère vexatoire de son licenciement sur le fondement de l'article 1240 du code civil, insistant sur le comportement de M. [D] lors des faits du 5 avril 2016, la mettant en cause devant ses collègues, lui faisant injonction de quitter l'entreprise, puis réunissant l'ensemble de l'open space pour donner des explications sur son départ, mais aussi lors de l'entretien préalable.
L'employeur souligne la carence probatoire de son adversaire.
Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi.
En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
En l'espèce, Mme [T] [U] invoque les faits du 5 avril 2016 antérieurs au licenciement et ne démontre pas en quoi le comportement de M.[D] lors de l'entretien préalable a été vexatoire. Il convient de rappeler que Mme [T] [U] était assistée par un délégué du personnel et qu'un témoin en sa faveur y était également présent. Aucun n'atteste d'un quelconque abus dans le déroulement de l'entretien préalable.
En tout état de cause, Mme [T] [U] ne démontre pas le caractère vexatoire ou brutal du licenciement et sera déboutée de sa demande de ce chef.
Sur l'exécution du contrat de travail
Sur la validité de la convention de forfait jours
Mme [U] sollicite la nullité ou l'inopposabilité de sa convention de forfait en jours, en raison de l'absence de disposition au sein de la convention collective ou d'un accord collectif le prévoyant et de l'absence de contrôle par l'employeur du volume de travail effectif de la salariée.
La demande de nullité de la convention de forfait jours a été acceptée par la première cour d'appel de Versailles sans remise en cause par l'arrêt de la Cour de cassation, de sorte que les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 décembre 2020 jugeant la convention de forfait nulle sont définitives et ne sauraient être réexaminées par la cour.
Sur les heures supplémentaires
L'article L3171-2 du code du travail dispose que ' Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés'.
L'article L3171-4 du code du travail dispose que 'En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable'.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En outre, selon l'article L. 3121-22 du code du travail en sa rédaction en vigueur entre le 1er mai 2008 et le 10 août 2016, ' Les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % [..]'.
En l'espèce, à l'appui de sa demande, Mme [U] sollicite le règlement d'heures supplémentaires réalisées de septembre 2012 à février 2014 et invoque les éléments suivants :
- des e-mails démontrant son amplitude de travail
- la reconnaissance par son directeur général de son volume de travail durant l'entretien préalable
- la reconstitution des heures de travail réellement effectuées
- l'absence d'élément contraire de nature à quantifier son volume de travail.
Comme relevé par Mme [T] [U], la cour de cassation a confirmé que la salariée présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre.
En réponse, la société Continental Foods France conteste le caractère probant du tableau établi par l'appelant et relève que celle-ci a produit de très nombreux e-mails de 2015 et 2016 soit postérieurs à la période visée par la demande de l'appelante.
Elle fait remarquer qu'à l'époque des e-mails communiqués par l'appelante, celle-ci est déjà nommée directrice marketing et membre du CODIR et qu'à ce titre, elle n'est plus soumise à un contrôle strict de la durée de travail.
Elle ajoute que les propos tenus par M.[D] lors de l'entretien préalable ne concernaient que la période durant laquelle il avait exercé ses fonctions, n'ayant été désigné directeur général qu'en janvier 2016.
Enfin, elle liste un nombre important de mails produits comme ne correspondant pas à du travail effectif et qui ne sont, selon elle, que des réponses/accusé de réception de la salariée ou des mails qui lui ont été envoyés en copie pour information seulement.
L'employeur ne produisant aucun justificatif des heures réalisées par Mme [T] [U] sur la période demandée, la Cour a la conviction que la salariée a exécuté des heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées et, après analyse des pièces produites, la société sera condamnée à verser à Mme [U] la somme de 52 706,07 euros en paiement des heures supplémentaires, outre la somme de 5 270,61 euros de congés payés afférents.
Sur la demande au titre des repos compensateurs
Selon l'article L3121-11 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'Des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe l'ensemble des conditions d'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà du contingent annuel ainsi que les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel, la majoration des heures supplémentaires étant fixée selon les modalités prévues à l'article L. 3121-22. Cette convention ou cet accord collectif peut également prévoir qu'une contrepartie en repos est accordée au titre des heures supplémentaires accomplies dans la limite du contingent.
A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.
A défaut de détermination du contingent annuel d'heures supplémentaires par voie conventionnelle, les modalités de son utilisation et de son éventuel dépassement donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, s'il en existe.'.
Par application de l'article 18 IV de la loi nº2008-789 du 20 août 2008, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 50% pour les entreprises de 20 salariés au plus et à 100% pour les entreprises de plus de 20 salariés.
L'article D3121-14-1 du code du travail énonce que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié.
Selon les dispositions de l'article D3121-14 du code du travail, dans sa version applicable à l'époque des faits, le salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu'il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu'il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. (...) Cette indemnité a le caractère de salaire.
Le forfait annuel en jours de la salariée étant privé d'effet, le contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé en ce qui la concerne à 220 heures.
De ces textes, il résulte que dans une société qui compte plus de 20 salariés, toute heure effectuée par la salariée au-delà de 220 heures annuelles doit être compensée par un repos compensateur équivalent.
Il convient de constater que la société Continental Foods France ne formule aucune observation sur cette demande et n'invoque aucun élément contraire tant sur les dispositions légales applicables que sur le nombre d'heures supplémentaires accomplies au delà du contingent invoquées par l'appelante à savoir 658,5 heures au cours de l'année 2013, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande et de condamner la société Continental Foods France à lui payer la somme de 17 971,04 euros à titre d'indemnité de repos compensateur et 1 797,10 euros de congés payés afférents.
Sur la demande au titre de l'indemnité pour travail dissimulé
Aux termes de l'article L8221-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
'1º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2º Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3º Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales'.
Il est admis que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
Le seul fait d'avoir soumis à tort un salarié à une convention de forfait nulle ou privée d'effet ne suffit pas, en soi, à caractériser le caractère intentionnel d'une dissimulation d'emploi salarié.
En l'espèce, s'il apparaît que l'employeur s'est mépris sur les conditions de validité et d'exécution de la convention de forfait, rien ne permet d'établir qu'il a effectivement cherché en outre à dissimuler les heures supplémentaires dont l'obligation au paiement ne résulte que de l'invalidité de cette convention de forfait.
Il convient de débouter Mme [T] [U] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.
Sur la demande au titre de la violation des dispositions relatives au forfait jours
En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
En l'espèce, Mme [T] [U] invoque la violation par la société Continental Foods France des dispositions légales relatives au forfait d'heures supplémentaires et un préjudice distinct, n'ayant pas bénéficié des garanties légales en la matière. Néanmoins, elle ne produit aucun élément permettant de justifier l'indemnisation d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur, de sorte que sa demande sera rejetée.
Sur la demande des bulletins de paie et des documents sociaux conformes à l'arrêt
Il convient d'ordonner à la société GB Foods France de remettre à la salariée des bulletins de paie et des documents conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les intérêts et leur capitalisation
Les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant;
La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil;
Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il convient de rejeter les demandes de ce chef.
Sur les dépens
Il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés.
PAR CES MOTIFS
Statuant, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 14 décembre 2017 en ce qu'il a débouté Mme [T] [U] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés afférents, de la majoration non perçu des heures supplémentaires, aux repos compensateurs;
Confirme pour le surplus;
Statuant à nouveau dans la limite de la cassation;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 14 625 euros au titre de sa perte de chance relative au préjudice financier en lien avec le plan d'investissement, toute cause confondue;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 98740,80 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 52706,07 euros en paiement des heures supplémentaires, outre la somme de 5 270,61 euros de congés payés afférents;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 17 971,04 euros à titre d'indemnité de repos compensateur et 1 797,10 euros de congés payés afférents;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande au titre du caractère vexatoire ou brutal du licenciement;
Déboute Mme [T] [U] de sa demande au titre de la violation des dispositions relatives au forfait jours;
Ordonne à la société GB Foods France de remettre à la salariée des bulletins de paie et des documents conformes aux dispositions du présent arrêt, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision;
Dit que les créances salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation et d'orientation, et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt;
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil;
Condamne la société Continental Foods France à payer à Mme [T] [U] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Continental Foods France aux entiers dépens.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Madame Isabelle FIORE Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,