Livv
Décisions

CA Nîmes, 2e ch. C, 25 janvier 2024, n° 23/01807

NÎMES

Arrêt

Autre

CA Nîmes n° 23/01807

25 janvier 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 23/01807 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I2U3

LM

TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE CARPENTRAS

17 mai 2023 RG :23/00047

[K]

[Y]

S.A.R.L. RELATHEN

C/

[Z]

[L]

Grosse délivrée

le

à Me Durand

Me Donat

COUR D'APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

2ème chambre section C

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CARPENTRAS en date du 17 Mai 2023, N°23/00047

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Laure MALLET, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre

Mme Laure MALLET, Conseillère

Mme Corinne STRUNK, Conseillère

GREFFIER :

Mme Véronique LAURENT-VICAL, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l'audience publique du 20 Novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 Janvier 2024 prorogé à ce jour.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.

APPELANTS :

Madame [F] [K] épouse [Y]

née le [Date naissance 3] 1974 à [Localité 9]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Zehor DURAND de la SELARL ZEHOR DURAND AVOCAT CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

Monsieur [R] [Y]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 11]

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représenté par Me Zehor DURAND de la SELARL ZEHOR DURAND AVOCAT CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

S.A.R.L. RELATHEN

immatriculée au RCS d'AVIGNON sous le n° B 839 129 467

prise en les personnes de ses représentants légaux en exercice

[Adresse 5]

[Adresse 13]

[Localité 7]

Représentée par Me Zehor DURAND de la SELARL ZEHOR DURAND AVOCAT CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau D'AVIGNON

INTIMÉS :

Madame [P] [Z]

née le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 8]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par Me Charlotte DONAT, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Représentée par Me Lisa SCEMAMA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [H] [L]

né le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représenté par Me Charlotte DONAT, Postulant, avocat au barreau de CARPENTRAS

Représenté par Me Lisa SCEMAMA, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE

Affaire fixée en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile avec ordonnance de clôture rendue le 13 Novembre 2023

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Madame Sylvie DODIVERS, Présidente de chambre, le 25 Janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour

EXPOSE DU LITIGE

Par délibération du 1er juillet 2016, la commune de [Localité 6] décide de créer une délégation de service public (DSP) pour l'exploitation d'un établissement communal de restauration et de services de proximité, et qui est attribuée à M. [X] [M] par décision du 13 mars 2017, la candidature du couple [Z]-[L] n'ayant pas été retenue.

Par délibération du 29 septembre 2017, le contrat a été résilié.

Par délibération du 4 janvier 2018, la commune a engagé une nouvelle procédure de délégation et, par délibération d'attribution du 9 mai 2018, l'exploitation du service est confiée aux époux [Y], gérants de la SARL Relathen.

Par délibération du 13 septembre 2019, la résiliation du contrat d'exploitation a été actée.

Mme [O] [K] épouse [Y], M. [R] [Y] et la SARL Relathen ont fait assigner les consorts [L] devant le président du tribunal judiciaire de Carpentras, statuant en référé aux fins d'obtenir des mesures d'instruction destinées à déterminer leur préjudice financier et leur préjudice moral outre l'octroi d'une indemnité de 1200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 17 mai 2023, le président du tribunal judiciaire de Carpentras, statuant en référé, a :

-débouté la SARL Relathen et les époux [Y] de l'intégralité de leurs demandes,

-condamné solidairement la SARL Relathen et les époux [Y] aux dépens et à verser aux consorts [L] une indemnité de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 26 mai 2023, Mme [O] [K] épouse [Y], M. [R] [Y] et la SARL Relathen ont interjeté appel de cette ordonnance.

Par conclusions notifiées par RPVA le 4 juillet 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de leurs moyens et prétentions, Mme [O] [K] épouse [Y], M. [R] [Y] et la SARL Relathen, appelants, demandent à la cour, au visa des articles 145, 834 et 700 du code de procédure civile, de :

-infirmer l'ordonnance du 17 mai 2023 en toutes ses dispositions,

-la réformer et statuant à nouveau, ordonner deux mesures d'expertise judiciaire :

*la première, pour la SARL Relathen, désigner tel expert-comptable qu'il plaira à la juridiction de nommer, avec mission habituelle,

*la seconde, pour M. [R] [Y] et Mme [O] [Y], désigner tel médecin-expert qu'il plaira à la juridiction de nommer, avec mission habituelle en la matière,

-dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SELARL Relathen et des époux [Y] les frais qu'ils sont contraints d'exposer en justice aux fins de défendre leurs intérêts,

En tout état de cause ;

-condamner solidairement Mme [P] [Z] et M. [H] [L] au versement à la régie d'avances et de recettes du tribunal judiciaire d'Avignon, la consignation à valoir sur la rémunération de l'expert,

-condamner solidairement Mme [P] [Z] et Monsieur [H] [L], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à verser à la SARL Relathen et aux époux [Y], la somme de 1 200 € au titre des frais de première instance ainsi qu'aux entiers dépens et 2 000 € au titre des frais exposés en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel, les appelants font valoir que le premier juge a dénaturé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile tenant à l'exigence d'une preuve du fait dommageable, considérant que la procédure prévue par ledit article n'est conditionnée par aucune obligation du demandeur d'établir la preuve du fait dommageable qu'il entend alléguer au fond. Ils précisent que cette procédure vise seulement à la conservation des preuves et à leur établissement.

Ils font également valoir la dénaturation des pièces caractérisant un motif légitime soutenant que les pièces produites suffisent à caractériser leur motif légitime à demander une mesure d'instruction aux fins de conserver et d'établir les preuves des préjudices qu'ils subissent.

Ils soutiennent enfin une dénaturation des faits dès lors que la relaxe alléguée par Mme [Z] concerne une procédure engagée par la commune contre cette dernière, cette circonstance n'étant pas de nature à faire obstacle à la mesure d'instruction sollicitée puisque cette procédure n'oppose pas les mêmes parties, n'est pas portée devant la même juridiction et n'a pas le même objet.

A l'appui de leur demande d'expertise judiciaire qu'ils estiment bien-fondée, ils se prévalent de l'absence de contestation sérieuse mais également de la réalité des préjudices subis, notamment financier, moral et patrimonial (pertes de gains professionnels ainsi qu'un préjudice professionnel et une incidence professionnelle), lesquels devront être évalués par un expert-comptable et un expert-médical.

Mme [P] [Z] et M. [H] [L], en leur qualité d'intimés, par conclusions en date du 31 juillet 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, demandent à la cour, au visa des articles 145, 695, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal,

-de confirmer l'ordonnance du 17 mai 2023 querellée en ce qu'elle a :

* « débouté la SARL Relathen et les époux [Y] de l'intégralité de leurs demandes,

* condamné solidairement la SARL Relathen et les époux [Y] aux dépens et à verser aux consorts [L] une indemnité de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. »

Y rajoutant,

-condamner solidairement la SARL Relathen et les époux [Y] aux dépens et à verser aux consorts [L] une indemnité de 1.500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

-de constater les protestations et réserves formulées par Mme [Z] et M. [L],

-condamner solidairement les demandeurs aux dépens en ce compris les frais d'expertise,

A l'appui de leurs prétentions, les intimés soutiennent, à titre principal, que les demandes in futurum sollicitées par les parties appelantes n'apparaissent ni légitimes ni utiles, dès lors qu'elles ne sont pas susceptibles d'apporter la preuve de la réalité des faits dommageables qu'elles imputent aux intimés et qui seraient susceptibles d'engager leur responsabilité civile.

Ils rappellent qu'un motif légitime existe dès lors que l'action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec et qu'elle est utile et améliore la situation probatoire des parties. Par ailleurs, ils mettent en exergue l'absence de poursuites pénales engagées, l'absence de preuve du fait générateur, du lien de causalité avec les dommages allégués et de la réalité de ceux-ci.

Subsidiairement, sur les protestations et réserves d'usage, ils sollicitent que les frais d'expertise soient mis entièrement à la charge des demandeurs puisque leur responsabilité civile est insusceptible d'être engagée à ce stade en l'absence de tout élément probant permettant de caractériser tant l'existence d'une faute, que d'un lien de causalité ou d'un préjudice.

La clôture de la procédure est intervenue le 13 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la demande d'expertise :

Selon l'article 145 du code de procédure civile « s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »

Il est constant que lorsqu'il statue en application des dispositions de l'article 145 du code de procédure civile, le juge des référés n'est pas soumis à l'absence d'une contestation sérieuse.

La mise en œuvre d'une mesure d'expertise judiciaire ne saurait préjuger des responsabilités éventuelles dont le juge du fond aura à connaître, le juge des référés ne doit pas conditionner le motif légitime à la démonstration de l'existence d'un responsable avéré ou probable.

Le juge du référé, souverain dans l'appréciation du motif légitime, doit considérer la vraisemblance des faits recherchés en preuve et leur influence sur la solution du litige qui pourrait être porté devant

les juges du fond. Ainsi, pour caractériser l'existence d'un motif légitime, le juge des référés doit s'assurer que le demandeur établit qu'un procès au fond sera possible entre les parties, que la mesure sera utile et pertinente et que l'action au fond n'est pas d'avance manifestement vouée à l'échec.

En l'espèce, les appelants soutiennent qu'ils ont subis un préjudice du fait des malveillances et harcèlement des intimés et sollicitent des mesures d'instruction destinées à évaluer les conséquences du fait dommageable en vue d'une action en réparation.

S'il ressort des pièces produites aux débats ; articles de presse, page facebook de Mme [Z] et plaintes déposées mutuellement entre les parties puis de Mme [Z] envers la commune ; qu'il existe manifestement un conflit entre les intimés et la commune notamment quant à l'attribution de la délégation de service publique à M. [M] puis aux époux [Y] et à la SARL Relathen, il n'en demeure pas moins que pour que l'action de ces derniers ne soit pas vouée à l'échec, il y lieu de vérifier si les faits de malveillance et de harcèlement invoqués par les appelants à l'encontre des intimés sont suffisamment établis pour constituer un motif légitime.

Il est constant que la relaxe de Mme [Z] concernant des faits envers la commune, et non les époux [Y], ne peuvent être un obstacle à une action des appelants envers les intimés, d'autant plus que l'absence de responsabilité pénale n'empêche pas la mise en jeu d'une responsabilité devant les juridictions civiles.

Pour autant, les faits de malveillance et de harcèlement invoqués au soutien d'une telle action résultent uniquement des déclarations des époux [Y] dans leur plaintes, reprises par la presse ou par le conseil municipal dans la délibération du 7 novembre 2019 qui est en conflit avec Mme [Z] et qui ne reposent sur aucun fait précis, objectif et vérifiable, pas même des attestations de tiers qui témoigneraient des faits allégués.

Quant aux faits matériels reprochés, il ressort des déclarations des époux [Y] eux-mêmes qu'ils ne sont pas en mesure d'apporter une preuve matérielle des faits allégués.

Ainsi, pour la dégradation de la porte d'entrée du restaurant, Mme [Y] déclare dans sa plainte du 29 mai 2018 « Je n'ai aucun soupçon sur la ou les personnes qui ont pu faire cela étant donné que je viens juste d'arriver et que je ne suis pas du village ».

Par ailleurs le « tract » envoyée par les époux [Y] (pièce 19 des appelants) pour expliquer leur départ, indique notamment :

« Tout a commencé le jour de l'ouverture ou la serrure de l'entrée du restaurant a été forcée mais attention nous n'accusons personne nous n'avons pas de preuve !

Puis, nous précisons, toujours sans preuve :

-dégradation matériau extérieure du restaurant,

-déjections canines sur les terrasses tous les jeudis matin,

- lettre anonyme (pour information la première lettre nous demandait de « dégager » et la seconde disait « tu vas crever ». Bizarrement les dernières menaces verbales de cette famille ont été nous citons : « je vais enc'tes enfants », suivi de « alors ta femme n'est toujours pas crevée » TROBLANT NON ''' mais attention nous n'accusons personne »

Ne justifiant pas d'un motif légitime à voir ordonner les expertises judiciaires destinées uniquement à l'évaluation des préjudices, la décision entreprise, en ce qu'elle a rejeté les demandes d'expertise, sera confirmée.

Les dispositions de l'ordonnance déférée concernant les dépens de première instance seront confirmées tandis que celles au titre des frais irrépétibles seront infirmées.

En application de l'article 696 du code de procédure civile, les appelants seront condamnés aux dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de laisser supporter aux intimés leurs frais irrépétibles de première instance et d'appel. Ils seront déboutés de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, sur référé, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée sauf en ce qu'elle a condamné solidairement la SARL Relathen et les époux [Y] à verser aux consorts [L] une indemnité de 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Condamne Mme [O] [K] épouse [Y], M. [R] [Y] et la SARL Relathen aux dépens d'appel,

Déboute Mme [P] [Z] et M. [H] [L] de leur demande au titre frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Arrêt signé par la présidente de chambre et par la greffière.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,