Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 4-6, 2 février 2024, n° 20/03497

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 20/03497

2 février 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-6

ARRÊT AU FOND

DU 02 FEVRIER 2024

N° 2024/ 032

Rôle N° RG 20/03497 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BFW5S

[L] [B]

C/

S.A.S. LOXAM

Copie exécutoire délivrée

le :02/02/2024

à :

Me Constance DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

Me Yannick POURREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de FREJUS en date du 06 Février 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F18/00374.

APPELANT

Monsieur [L] [B], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Yannick POURREZ, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

S.A.S. LOXAM, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Constance DRUJON D'ASTROS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre

Madame Estelle de REVEL, Conseiller

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Suzie BRETER.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 02 Février 2024.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 02 Février 2024

Signé par Monsieur Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

1. Selon contrat à durée déterminée du 4 décembre 2001, M.[B] a été recruté par la SAS Loxam en qualité de responsable de parc. La relation de travail s'est ensuite poursuivie sous la forme d'un contrat à durée indéterminée. Au dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de responsable d'atelier, technicien, niveau V, coefficient B40 de la convention collective de la location de matériel de BTP pour un salaire de base de 2 295,49 € bruts par mois.

2. A compter du 6 juin 2017, il a été placé en arrêt de travail pour accident du travail.

3. Le 8 décembre 2017, M.[B] a été convoqué à un entretien préalable en vue du prononcé d'une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement prévu le 18 décembre 2017.

4. Le 9 janvier 2018, M.[B] a été licencié pour faute grave.

5. Le 11 décembre 2018, M.[B] a saisi le conseil de prud'hommes de Fréjus d'une contestation de son licenciement.

6. Par jugement du 6 février 2020, le conseil de prud'hommes de Fréjus a débouté M.[B] de ses demandes.

7. Le 6 mars 2020, M.[B] a fait appel de ce jugement.

8. A l'issue de ses conclusions du 3 mars 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M.[B] a formulé les demandes suivantes:

'vu l' appel partiel de M.[L] [B],

l'y déclarer recevable et bien fondé,

infirmer le jugement entrepris en ses dispositions frappées d'appel à savoir en ce qu'il;:

dit et juge le licenciement pour faute grave de M.[L] [B] par la sas Loxam rental est fondé,

condamne M.[L] [B] aux entiers dépens,

déboute M.[L] [B] de ses demandes, fins et prétentions suivantes : dire et juger que le licenciement intervenu à l'encontre de M.[L] [B] le 9 janvier 2018 est nul puisque dénué de faute gave et cause réelle et sérieuse, et par voie de conséquence abusif,

condamner la société Loxam rental, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M.[L] [B] les sommes suivantes:

8 908,20 euro bruts à titre de préavis (soit 3 mois, l 1234-1 à 8 du code du travail et ccn prévoyant un préavis de trois mois pour les salariés niveau v),

890,82 euro bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis (soit 10 %),

28 882,36 à titre d'indemnité de licenciement (soit 17,09 ans d'ancienneté ;

2969,40 x 10 ans + 2 969,40x 1/3 x 7,09 ans x2, cf. art. li 226-14 du code du travail), -71 265,60 euros nets à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement abusif et injustifié intervenu (soit 24 mois, cf. notamment art. l 1235-3.1 du code du travail), -10 000 euro de dommages et intérêts au titre du préjudice moral compte tenu des circonstances particulièrement abusives du licenciement (cf. notamment art 1240 du code civil),

condamner la société Loxam rental, prise en la personne de son représentant légal, à remettre à M.[L] [B] un bulletin de salaire pour le mois de janvier 2018, et une attestation pôle emploi rectifiés afin de porter mention des rappels de salaire évoqués ci-dessus, et ce, sous peine d'astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

condamner la société Loxam rental, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M.[L] [B] la somme de 2 000 euro en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,

dire que le conseil de prud'hommes de Fréjus se. réserve le droit 'de liquider ladite astreinte et que les sommes mentionnées ci-dessus porteront application des intérêts au taux -légal à compter de la saisine de celui-ci,

statuant de nouveau,

a titre principal,

considérant notamment que les fautes reprochées à M.[L] [B] au soutien de son licenciement -sont anciennes de plus de 2 mois lors de l'engagement de la procédure de licenciement, et que son licenciement intervient alors qu'il est en arrêt de travail pour accident de travail,

dire, juger et ordonner. que les fautes alléguées à -l'encontre. de M.[L] [B] sont prescrites,

dires juger et ordonner. que le licenciement. intervenu sur.la base de celles-ci est nul, ou à. défaut dénué de cause réelle et sérieuse, et par voie de conséquence abusif, en conséquence,

prononcer. la prescription desdites fautes,

prononcer la nullité du licenciement de M.[L] [B] du 9 janvier 2018, ou à défaut ordonner qu'il est dénué de cause réelle et sérieuse, et par voie de conséquence injustifié et abusif,

condamner la société Loxam, prise en la personne de sou représentant légal, à payer à M.[L] [B]-jl -les sommes suivantes.

8 908,20 euros bruts à titre de préavis (soit 3 mois, l 4234-1 à 8 du code du travail et CCN prévoyant un préavis de trois mois pour les salariés niveau v), 890,82.euros bruts à titre d'indemnité de congés payés préavis (soit 10 %), 28 882,36 euros titre d'indemnité de licenciement (soit 17,09. ans ' d'.ancienneté ;.2969,40 x 10 ans + 2 969,40x 1/3 x 7,09 ans x2, cf. art. 22614 du code du travail),

71 265,60 euro nets à titre de dommages et intérêts -pour nullité du licenciement abusif et injustifié intervenu ou à défaut pour absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci (soit 24 mois, cf. notamment art. 'l .1235-3.1 du code du travail),

10000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral compte tenu des circonstances particulièrement abusives du -licenciement (cf. notamment art 1240 du code civil).

condamner la société Loxam, prise en ;la personne de son représentant légal, à remettre à' M.[L] [B] un bulletin de salaire pour le mois de janvier 2018, et une attestation pôle emploi rectifiés afin de porter mention des rappels. de salaire évoqués ci-dessus, et ce, sous peine d'astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, subsidiairement,

considérant notamment, l'exécution de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur, le non- respect de son obligation de sécurité résultat, l''absence de justificatif des fautes alléguées à l'encontre de M.[L] [B] et les contestations de celles-ci quant à leur existence,

dire, juger et ordonner que le licenciement intervenu à l'encontre de M.[L] [B] le 9 janvier 2018 est nul puisque dénué de faute gave et cause réelle et sérieuse, et par voie de conséquence abusif, en conséquence,

prononcer la nullité du licenciement de M.[L] [B] du 9 janvier 2018, ou à défaut ordonner qu'il est dénué de cause réelle et sérieuse, et par voie de conséquence injustifié et abusif,

condamner la société Loxam, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M.[L] [B] les sommes suivantes :

8 908,20 euro bruts à titre de préavis (soit 3 mois, l 1234-1 à 8 du code du travail et ccn prévoyant un préavis de trois mois pour les salariés niveau v), 890,82 euro bruts à titre d'indemnité de congés payés sur préavis (soit 10 %),

28 882,36 euro à titre d'indemnité de licenciement (soit 17,09 ans d'ancienneté ; 2969,40 x 10 ans + 2969,40x 1/3 x 7,09ansx2, cf. art.L.1226-14 du code du travail),

71 265,60 euros nets à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement abusif et injustifié intervenu ou à défaut pour absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci (soit 24 mois, cf. notamment art. l 1235-3.1 du code du travail),

10 000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice moral compte tenu des circonstances particulièrement abusives du licenciement (cf. notamment art 1240 du code civil).

condamner la société Loxam, prise en la personne de son représentant légal, à remettre à M.[L] [B] un bulletin de salaire pour le mois de janvier 2018, et une attestation pôle emploi rectifiés afin de porter mention des rappels de salaire évoqués ci-dessus, et ce, sous peine d'astreinte de 100 euro par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, en toutes hypothèses,

débouter la société Loxam, prise en la personne de son représentant légal, de l'ensemble de ses demandes, prétentions, fins et conclusions,

condamner la société Loxam, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M.[L] [B] la somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance outre celle de 3 000 euros en cause d' appel en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens, ordonner que le conseil de prud'hommes de Fréjus se réserve le droit de liquider ladite astreinte et que les sommes mentionnées ci-dessus porteront application des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil du conseil de prud'hommes de Fréjus'.

9. M.[B] expose que les faits invoqués par la SAS Loxam à l'appui de son licenciement pour faute grave sont prescrits aux motifs que ces faits auraient été commis courant février à avril 2017, que la procédure de licenciement a été engagée le 8 décembre 2017 et que la SAS Loxam ne peut prétendre ne pas en avoir eu connaissance à l'époque puisque, compte tenu du montant de la commande qui lui est reproché, celle-ci a été validée par le responsable technique régional et le chef d'agence de la SAS Loxam.

10. Subsidiairement, il conteste le bien fondé de son licenciement aux motifs qu'il a toujours fait preuve de professionnalisme dans l'exercice de ses fonctions, a été promu au poste de responsable d'atelier à compter du 1er janvier 2007, n'a jamais fait l'objet d'avertissement pendant plus de 17 ans, qu'il devait faire face à- de nombreuses pressions de son employeur, travaillait dans des conditions déplorables devant sans cesse faire face à des manques de moyens matériels et de personnel, et a été victime d'un grave accident de travail qui aurait pu être évité si son employeur avait pris le précautions nécessaires, qu'il n'a pas signé la commande du moteur litigieux, que sa réception, sa facturation et son règlement ont été validés sur par sa hiérarchie, qu'il n'avait donc aucun intérêt à procéder à l'enregistrement de ce moteur pour, ensuite, le faire ressortir du stock à l'insu de son employeur, qu'il est surprenant que son licenciement intervienne plus de six mois après l'accident du travail dont il a été la victime et dont l'origine trouve sa cause dans le manquement de la SAS Loxam à son obligation de sécurité, que cette sanction est disproportionnée et que son licenciement est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse.

11. A l'issue de ses conclusions du 21 mars 2022, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SAS Loxam demande de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Fréjus qui a :

- constaté le bien fondé du licenciement pour faute grave ;

- débouté M.[B] de toutes ses demandes ;

en conséquence ;

- débouter M.[B] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M.[B] à verser à la société la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M.[B] aux entiers dépens.

12. La SAS Loxam soutient en premier lieu que M.[B] ne peut lui opposer la prescription des faits retenus à l'appui de son licenciement, datant des mois de février et mars 2017 aux motifs qu'il est de principe que le délai de prescription de deux mois en matière disciplinaire ne court qu'à compter de la date à laquelle l'employeur a eu une connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, qu'en l'espèce, elle n'a eu connaissance de ces faits qu'en décembre 2017, période à laquelle les comptes de résultat du mois de novembre sont analysés beaucoup plus finement chaque année pour définir le budget de l'année suivante, qu'à cette occasion, elle a pu analyser le pourcentage du budget maintenance par rapport au chiffre d'affaires location puis identifier le décalage supérieur aux autres agences, qu'elle a donc lancé des investigations ayant abouti à la découverte des faits reprochés à M.[B], que la procédure de licenciement a été lancée à l'issue de ces investigations et que les faits ne sont donc pas prescrits.

13. A l'appui du licenciement pour faute grave de M.[B], elle expose que ce dernier a procédé à la commande et à l'achat d'un moteur d'une valeur de 1 566 euros sans accord de dépense préalable contrairement à la procédure applicable et pour un motif mensonger du remplacement d'un moteur, qu'aucune panne de la sorte n'a jamais été constatée sur ledit matériel, que la pièce achetée n'étant de surcroit pas adaptée au matériel, que M.[B] ne pouvait engager de dépenses supérieures à 450 € sans l'accord préalable de sa hiérarchie, que M.[B] a passé commande de ce moteur le 27 février 2017, que ce bon de commande porte bien son nom comme contact et auteur de la commande, que la charte informatique stipule que chaque utilisateur est doté d'un identifiant et que «l'identifiant est dans tous les cas personnel et confidentiel », que, dès lors, tout document portant le nom d'un salarié a forcément été créé depuis sa messagerie personnelle et confidentielle, que ce matériel a bien été livré le 2 mars 2017 et la facture de 1 898,60 € réglée, que M.[B] ne justifie pas que cette commande a été validée par le responsable technique, que ce moteur n'a pas été installé sur la minipelle à laquelle il était destiné et qu'il a disparu des stocks dans lesquels il avait été enregistré alors que la responsabilité des matériels, équipements et outillages confiés à M.[B] lui incombait.

14. Concernant les demandes pécuniaires formées par M.[B], la SAS Loxam expose que M.[B] invoque l'article L. 1226-14 du code du travail pour conclure au doublement de son indemnité de licenciement alors que les conditions requises ne sont pas réunies, que M.[B], licencié pour faute grave, ne peut solliciter des dommages-intérêts pour licenciement nul, que, subsidiairement, il ne pourrait prétendre qu'à une indemnité réduite pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que M.[B] ne s'explique pas sur sa demande au titre des circonstances particulièrement abusives de son licenciement, que M.[B] ne peut obtenir deux fois réparation d'un même préjudice et que l'indemnité au titre des circonstances du licenciement est déjà réparée par l'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse.

15. La clôture de l'instruction a été prononcée le 10 novembre 2023. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.

SUR CE :

16. Il ressort de l'article L. L1226-9 du code du travail que, au cours des périodes de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie.

17. Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé dans l'entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à prouver.

18. L'article L. 1332-4 du code du travail édicte qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

19. Lorsqu'un fait fautif donnant lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires a eu lieu plus de deux mois avant le déclenchement de celles-ci, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites.

20. La lettre de licenciement adressée le 9 janvier 2018 est rédigée dans les termes suivants :

« Au cours du mois de novembre 2017, un contrôle des dépenses de maintenance a été réalisé, compte tenu de l'écart important entre les dépenses réalisées par l'agence (représentant 14.9 % du CA LOC à fin octobre 2017) et la moyenne de la Région (9.6 %). L'objectif était d'identifier des pistes d'amélioration envisageables afin de pouvoir les réduire. Dans ce cadre, toutes les dépenses supérieures à 1 000 euros ont été analysées et notre attention s'est portée sur une pièce de rechange de marque Neuson, de valeur importante (1566 C), qui n'avait Jamais été achetée au sein du Groupe Loxam.

Les investigations menées démontrent que vous avez été à l'origine de la commande, en votre qualité de responsable d'atelier, Ainsi, en date du 27/02/2017, vous avez établi un bon de commande n'1688331 auprès de la société Wacker France pour l'achat d'un moteur d'orientation n°1000242669 destiné à être monté sur une minipelle ST. Cette pièce a effectivement été réceptionnée [e 02/03/2017 comme l'atteste la facture n'9100084152 du 02/03/2017, toutefois avec le remplacement du code n°1000003918 initial de la pièce par le code 1000242669 (changement de code opéré par le constructeur sur la pièce commandée).

Par ailleurs cette pièce a été commandée sans qu'aucune DPAD (demande préalable d'accord de dépense), obligatoire pour tout achat supérieur à 450 euros, n'ait été faite, manquement que vous avez admis durant notre entretien du 18 décembre dernier.

En date du 03/03/17, un OT {ordre de travail) a été fait sur le matériel n°130453 ' Minipelle Neuson Modèle 6003 (ST) pour le remplacement du moteur d'orientation n°1000242669 dans le cadre d'un dépannage sur chantier (OT n'193522486). A cette période, cette machine était louée par l'entreprise [P] [D], dans le cadre d'un contrat en minilease (n'193516803) qui a pris fin le 18/04/2017. Or, aucune trace d'un quelconque dépannage ou d'un remplacement de la minipelle pour un problème de rotation de la tourelle ne figure sur le contrat et/ou sur le cahier de comptoir du mois de février 2017.

Par ailleurs, nous avons demandé au fournisseur de nous confirmer que la pièce en question pouvait bien être montée sur la minipelle Neuson 6003, ce que ce dernier infirme par mail je 20/11/2017 : « Suite à votre demande, la référence 0242669 peut se monter sur des pelleteuses Wacker Neuson de type : 1403 / 2404/2003 Ce mail nous a conduit à analyser davantage les fiches techniques des pièces Neuson, analyse qui a démontré que la pièce que vous aviez commandée et censée être montée sur la minipelle Neuson 6003, était totalement différente.

Lors de l'entretien, face à ces faits, vous nous avez déclaré avoir été appelé par le client, la société [P] [D], concernant un problème sur la minipelle Neuson Modèle 6003, D'après vos dires vous avez fait intervenir, sur le chantier du client, un sous-traitant, la société BRH Repair, qui vous a donné la référence de la pièce à commander. Constatant que la minipelle était de nouveau opérationnelle après l'intervention de ce sous-traitant, dont la prestation consistait à remplacer {a pièce défectueuse, en l'occurrence le moteur de la tourelle, il ne vous a pas semblé nécessaire, au retour de la minipelle à l'agence, de contrôler la réalité de la prestation du sous-traitant.

Toutefois vos explications fournies durant l'entretien étant peu circonstanciées et convaincantes nous avons été amenés à contacter le client. M. [P] nous a confirmé n'avoir jamais eu de problème de tourelle avec la minipelle louée pendant la durée de la location et ne pas vous avoir contacté au moment des faits.

Par ailleurs, nous avons constaté que vous avez fait intervenir le sous-traitant, la société BRH Repair sans qu'aucun bon de commande n'ait été établi préalablement et surtout sans aucune facturation de ta prestation. Vous avez justifié ce fait par le geste commercial » accordé par le sous-traitant, via une prestation gratuite... De la même manière, vous n'avez pas été en capacité d'apporter des éléments probants sur l'absence d'information concernant le dépannage et / ou le remplacement du matériel sur le contrat et sur le cahier de comptoir. Et au vu de votre fonction, vous n'ignoriez pas cette procédure.

Face à ces imprécisions dans vos explications et les doutes générés par une telle situation, nous avons pris contact, après l'entretien, avec le sous-traitant BRH Repair qui nous a confirmé ne pas être Intervenu sur cette minipelle pour un problème de remplacement d'un moteur d'une tourelle.

Enfin, et ce afin de lever tous doutes, nous avons procédé, le 18 décembre 2017, au démontage de la minipelle concernée et avons constaté que le moteur d'origine de la tourelle était toujours présent, identifié par la plaque d'identification datée de 04/2010.

Dans ces conditions et face à de tels agissements, nous sommes dans l'obligation de vous licencier pour faute grave, avec effet immédiat dès la date d'envoi du présent courrier, sans indemnité de préavis. Par ailleurs, nous nous réservons de porter plainte à votre encontre pour vol de matériel appartenant à la société ».

21.Les faits reprochés à M.[B] auraient été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement par la SAS Loxam le 8 décembre 2017.

22.S'il est constant que la SAS Loxam a payé, dès le mois de mars 2017, la facture afférente au matériel litigieux, il ressort des explications et pièces de celle-ci, notamment son compte de résultat cumulé au 30 novembre 2017, que les faits invoqués à l'appui du licenciement de M.[B] ont été découvert lors de l'analyse de ce compte de résultat sur la base duquel est calculé le budget de l'année suivante et qui a mis en lumière, concernant l'agence dans laquelle M.[B] était employé, un budget maintenance supérieur aux autres agences.

23.M.[B] ne peut en conséquence conclure à la prescription de la faute qui lui est reprochée.

24.La SAS Loxam verse aux débats la commande d'un moteur Neuson pour un montant de 1898,60 € TTC datée du 27 février 2017. Il résulte des directives techniques de la SAS Loxam que M.[B] devait recueillir l'accord de sa hiérarchie pour toute dépense d'un montant supérieur à 450 euros. Par ailleurs, il ressort de la fiche de commande du matériel litigieux que celui-ci a été commandé sous le nom de M.[B] et à l'aide de l'identifiant personnel et confidentiel de ce dernier. Un ordre de travail du mois de mars 2017 mentionne que cette commande était nécessaire en raison d'un «échange moteur orientation fuite externe» alors que, d'une part, la minipelle à laquelle cette commande était destinée n'était pas tombée en panne et que, d'autre part, le moteur commandée ne pouvait être monté sur la minipelle en question. De son côté, M.[B] ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à démontrer que la commande en question avait fait l'objet d'une validation de sa hiérarchie.

25.Il est ainsi démontré que M.[B] n'a pas respecté les règles d'engagement des dépenses applicables au sein de l'entreprise et sous un prétexte fallacieux, a passé une commande d'un matériel qui ne se retrouve pas dans les stocks de l'entreprise. Ces faits, commis au détriment de l'employeur de la part de M.[B] constituent de la part de ce dernier un manquement aux obligations découlant du contrat de travail suffisamment important rendant impossible son maintien dans l'entreprise et justifiait par conséquent son licenciement pour faute grave. Le jugement déféré, qui a débouté M.[B] de sa contestation de ce chef, sera confirmé.

26.Il est de principe que le licenciement peut causer au salarié en raison des circonstances vexatoires qui l'ont accompagné un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi et dont il est fondé à demander réparation.

27.M.[B] ne justifie pas que son licenciement est intervenu dans des conditions abusives ou vexatoires. Il sera débouté de sa demande en dommages-intérêts pour préjudice moral.

28. Enfin M.[B],partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, devra payer à la SAS Loxam la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS ;

La cour, statuant publiquement et contradictoirement :

CONFIRME le jugement rendu le 6 février 2020 par le conseil de prud'hommes de Fréjus ;

DEBOUTE M.[B] de ses demandes ;

CONDAMNE M.[B] à payer à la SAS Loxam la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

CONDAMNE M.[B] aux dépens.

Le Greffier Le Président