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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 4, 7 février 2024, n° 21/06789

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/06789

7 février 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 07 FEVRIER 2024

(n° /2024, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/06789 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEDXN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Juillet 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F19/00996

APPELANT

Monsieur [O] [E]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1543

INTIMEE

TRANSPORTS RAPIDES AUTOMOBILES (TRA) vient désormais aux droits de la SAS SOCIETE NOUVELLE CPL à la suite d'un traité de scission, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Stéphane FERTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme. Anne-Gaël BLANC, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. DE CHANVILLE Jean-François, président de chambre

Mme. BLANC Anne-Gaël, conseillère rédactrice

Mme. MARQUES Florence, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Clara MICHEL

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Clara MICHEL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Rappel des faits, procédure et prétentions des parties

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 27 septembre 1983, M. [E] a été engagé en qualité de mécanicien par la société nouvelle CPL aux droits de laquelle vient désormais la société Transports rapides automobiles (TRA).

Dans le dernier état de la relation de travail, il exerçait les fonctions de contremaître.

Le 2 octobre 2017, M. [E] a fait l'objet d'un avertissement pour ne pas avoir respecté les consignes données en matière de contrôle de l'usure des disques de freinage.

Le 9 janvier 2019, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 17 suivant avec mise à pied conservatoire. Le 22, M. [E] a été licencié pour faute grave en raison de manquements à la sécurité et la conformité réglementaire des véhicules, au bon entretien de ceux-ci et à la gestion de l'atelier et du stock des pièces.

Le 1er avril 2019, contestant son licenciement, se prévalant d'une discrimination en raison de son âge et réclamant le paiement de sommes de nature indemnitaire et salariale, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement de départage du 23 juillet 2021, a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens. Les demandes de l'employeur pour procédure abusive et au titre de ses frais irrépétibles étaient par ailleurs rejetées.

Par déclaration du 27 juillet 2021, M. [E] a fait appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 avril 2022, il demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

- annuler l'avertissement du 2 octobre 2017 ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts en raison de l'avertissement injustifié ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 50 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale, discrimination et préjudice moral ;

- juger son licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 100 000 euros d'indemnité pour licenciement nul et, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 1 350,85 euros de rappel de salaire sur mise à pied à titre conservatoire et 135,08 euros de congés payés afférents ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 10 656,06 d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.065,61 euros de congés payés sur préavis ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 39 156,56 euros d'indemnité de licenciement ;

- ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes ;

- assortir les condamnations prononcées des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 2019 avec capitalisation ;

- débouter la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles ;

- condamner la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, à lui payer 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 janvier 2022, la société TRA, venant aux droits de la société nouvelle CPL, demande à la cour de :

- prendre acte de son intervention volontaire ;

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il rejette sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [E] à lui payer 1 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et en réparation de son préjudice d'image ;

- condamner M. [E] à lui payer 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2023 et l'affaire a été fixée à l'audience du 18 décembre 2023.

Pour l'exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

La société nouvelle CPL a fait l'objet d'une scission au mois de décembre 2020, ce qui a eu pour effet d'entraîner sa dissolution et la transmission de son patrimoine à la société TRA.

Il convient dès lors de donner acte à cette dernière de son intervention volontaire en lieu et place de la société nouvelle CPL.

1 : Sur l'exécution du contrat

1.1 : Sur l'annulation de l'avertissement

Selon les dispositions des articles L.1331-1 et suivants du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération. Aucune sanction ne peut être prise à l'encontre du salarié sans que celui-ci soit informé, dans le même temps et par écrit, des griefs retenus contre lui. En cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L'article L.1332-2 du même code prévoit que lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il convoque le salarié en lui précisant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature n'ayant pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié. Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Au cours de l'entretien, l'employeur indique le motif de la sanction envisagée et recueille les explications du salarié. La sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle est motivée et notifiée à l'intéressé.

Par ailleurs, l'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il est constant que ce délai de deux mois s'apprécie à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.

Par ailleurs, l'employeur ne peut pas sanctionner deux fois les mêmes faits et l'employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié considérés par lui comme fautifs, choisit de n'en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction. La Cour de cassation juge à cet égard qu'une demande d'explications écrites mise en œuvre à la suite de faits qualifiables de faute disciplinaire et portée au dossier individuel ou donnant lieu à l'établissement d'un procès-verbal conservé au dossier du salarié constitue une sanction disciplinaire de telle sorte qu'en notifiant ensuite un avertissement, l'employeur, qui avait épuisé son pouvoir disciplinaire, a appliqué une double sanction ce qu'il ne pouvait pas faire (Cass. soc., 30 janv. 2013, n° 11-23.891 et Cass. soc., 19 mai 2015, n° 13-26.916).

Au cas présent, l'employeur a délivré un avertissement au salarié le 2 octobre 2017 pour avoir manqué à ses obligations concernant le contrôle de l'usure des disques de freinage.

La demande d'explication sur des faits différents du 18 juillet 2017 et l'entretien informel subséquent qui s'est tenu le 14 août suivant, dont il n'est pas allégué qu'ils ont donné lieu à l'établissement d'un écrit porté au dossier du salarié, ne caractérisent pas une sanction disciplinaire. Dès lors, contrairement à ce que soutient le salarié, l'employeur n'avait pas épuisé son pouvoir disciplinaire le 2 octobre 2017 peu important dès lors qu'il ait eu connaissance des faits ayant donné lieu à l'avertissement, découverts les 2 et 8 août, lors de la rencontre du 14.

Par ailleurs, l'employeur a engagé la procédure disciplinaire en convoquant le salarié à un entretien préalable à une éventuelle sanction le 22 septembre 2017 pour des faits dont il n'est pas contesté qu'ils ont été découverts lors de contrôles intervenus les 2 et 8 août précédents, moins d'un mois plus tôt. Ainsi, les faits ne sont pas prescrits.

En outre, la sanction du 2 octobre 2017 est intervenue plus de deux jours ouvrables après l'entretien du 22 septembre et dans le mois de celui-ci, en sorte que les dispositions de l'article L.1332-2 ont été respectées. En tout état de cause l'entretien préalable n'est pas prescrit avant le prononcer d'un avertissement.

Enfin, le salarié ne conteste pas la matérialité des manquements dont il lui est fait grief et les éléments d'explication invoqués dans le courrier du 9 novembre 2017 ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité dans la mesure où le salarié y reconnaît expressément 'ne pas avoir contrôlé la bonne exécution des contrôles' compte tenu de la qualification des mécaniciens qui s'en occupait alors qu'il était précisément, en sa qualité de contremaître et conformément à sa fiche de poste, garant de la sécurité des travaux réalisés par ses équipes, les justifications fournies par ailleurs étant, compte tenu de cette reconnaissance, dépourvues de pertinence.

La sanction apparaît enfin proportionnée au manquement.

Il en ressort que la demande d'annulation de la sanction disciplinaire et la demande indemnitaire subséquente doivent être rejetées, le jugement devant être confirmé de ce chef.

1.1 : Sur les dommages et intérêts au titre de l'exécution du contrat

1.1.1 : Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Par ailleurs en application de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de cet article, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, si le salarié ne formule pas spécifiquement de demande au titre du harcèlement moral, il se prévaut d'un tel harcèlement au soutien de sa demande indemnitaire au titre de la mauvaise exécution du contrat.

Il fait valoir que son employeur lui a imposé une charge de travail excessive, lui a retiré son véhicule de fonction et a démantelé son équipe pour lui attribuer un personnel non qualifié, avec une rotation importante ainsi qu'une moyenne d'âge élevée et lui a fait des reproches injustifiés. Il soutient que cette dégradation de ses conditions de travail a entraîné une détérioration de son état de santé justifiant un traitement médicamenteux.

Cependant, le retrait du véhicule de fonction n'est pas avéré dans la mesure où il apparaît que l'employeur s'est contenté de rappeler au salarié l'usage qu'il devait faire de son véhicule de service.

Il n'est pas davantage démontré de démantèlement de l'équipe de collaborateurs du salarié ni de caractéristiques particulières de celle-ci ou de rotation spécifique.

La surcharge de travail invoquée n'est pas non plus établie dans la mesure où, lorsque le salarié a alerté son employeur sur celle-ci, l'employeur a réagi de manière adaptée en embauchant un mécanicien qualifié supplémentaire courant novembre 2017.

Seuls un courrier de l'employeur du 18 juillet 2017 demandant des explications au salarié et un avertissement disciplinaire le 2 octobre suivant sont dès lors avérés.

Pris ensemble, ils font présumer le harcèlement.

Cependant, il ressort de ce qui précède que la sanction disciplinaire est justifiée. Par ailleurs, la demande d'explication du 18 juillet reposait sur des faits objectifs dont la matérialité n'est pas contestée.

Dès lors, l'employeur établit que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Le harcèlement moral n'est donc pas constitué. Il convient dès lors d'écarter ce moyen.

1.1.2 : Sur la discrimination

En application de l'article L.1132-1 du code du travail aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, en raison de son âge.

Par ailleurs, l'article L.1134-1 du code du travail dispose que 'Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.'

Au cas présent, le salarié fait valoir qu'il a subi diverses mesures défavorables qu'il met en lien avec son ancienneté (35 ans) et son âge (58 ans). Il ne précise néanmoins pas en quoi ces décisions auraient été liées à son âge et n'établit pas non plus avoir été le seul salarié de son âge visé.

Il soutient par ailleurs que son employeur souhaitait renouveler les équipes et embaucher des personnels plus jeunes. Cependant le dossier ne permet pas de retenir ces affirmations non étayées.

Dès lors, il ne présente pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son âge.

Le moyen tiré de la discrimination sera écarté.

1.1.3 : Sur le manquement à l'obligation d'adaptation

En application de l'article L.6321-1 du code du travail, dans ses versions applicables au litige, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations. Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret. Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de formation mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.

La charge de la preuve de la bonne exécution de cette obligation incombe à l'employeur.

Au cas présent, si le salarié fait valoir que son employeur a manqué à son obligation d'adaptation, il est établi par ce dernier que M. [E] a suivi les formations suivantes : Permis D du 5 au 23 décembre 2014, naviguer dans MOVE ' M1 le 14 mai 2012, MOVE ' Ordres de travail le 15 mai 2012, Titre d'habilitation électrique le 28 janvier 2013, Préparation à l'habilitation électrique le 27 septembre 2016 et découverte de Move V11 du 23 mars 2017.

Il apparaît en outre que le salarié a refusé de signer un plan d'action et une demande de formation Move fin 2017.

Il en ressort que l'employeur n'a pas manqué à son obligation d'adaptation.

Ce moyen devra dès lors être écarté.

1.1.4 : Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Par ailleurs, l'article L.4121-2 du même code prévoit que l'employeur met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L.1142-2-1, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle et donner les instructions appropriées aux travailleurs.

L'article L.4121-3 du même code dans sa version applicable au litige prévoit que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe. A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement. Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Au cas présent, le salarié fait valoir sans être utilement contredit que la société TRA n'a pas mis en place le document unique de prévention des risques professionnels. Il en ressort que l'employeur a manqué à son obligation de prévention. Dès lors, sa responsabilité est susceptible d'être engagée pour manquement à son obligation de sécurité.

Cependant, le salarié n'établit pas de préjudice résultant de ce manquement.

Ce moyen sera donc également écarté.

Le jugement qui a rejeté la demande indemnitaire au titre de l'exécution du contrat sera confirmé de ce chef.

2 : Sur la rupture

2.1 : Sur la nullité

Ni le harcèlement moral ni la discrimination n'étant retenu, il n'y a pas lieu de juger le licenciement nul.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

2.2 : Sur la faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

Cependant, si la preuve de la faute grave incombe exclusivement à l'employeur, il n'en demeure pas moins qu'il appartient au salarié qui répond à ce grief en invoquant des éléments de justification d'établir ceux-ci.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 22 janvier 2019, qui fixe les limites du litige, M. [E] a été licencié pour faute grave en raison de 'manquements à la sécurité et la conformité réglementaire des véhicules', 'manquements au bon entretien des véhicules' et 'manquements à la gestion de l'atelier et du stock des pièces'.

Concernant les premiers manquements, il lui était reproché d'avoir omis, à deux reprises, d'inscrire des véhicules sur la liste des bus immobilisés alors même que la limite de validité de leur dernier contrôle technique était largement dépassée, les bus étant laissés roulants exposant ainsi les utilisateurs à des risques certains.

Concernant la deuxième série de manquements tenant au bon entretien des véhicules, il était indiqué que, le 8 janvier 2019, quatre entretiens de contrôle n'avaient pas été effectués alors qu'ils auraient dû l'être au plus tard le 18 décembre 2018, que six vidanges moteur ou boîte de vitesse n'avaient pas été réalisées alors qu'elles auraient dû être effectives au plus tard le 13 novembre 2018, que dix prélèvements d'huile aux fins d'analyse n'avaient pas été entrepris et transmis alors que la date de suivi préventif était fixée au 15 novembre 2018 et ce, malgré la demande par mail du responsable d'atelier du 30 novembre 2018, qui faisait suite à des observations orales. Il était également reproché à M. [E] le fait que, lorsqu'il avait fini, le 4 décembre 2018, par transmettre 27 prélèvements d'huile, dix étaient mal renseignés, sans date de prélèvement et de numéro de parc ne permettant pas une identification correcte, sept dataient des 4 et 5 mai 2018, et la majorité restante remontait au mois de septembre 2018. Il était souligné que trois véhicules concernés par ces retards avaient subi des avaries graves durant cette période, cette situation ayant fait l'objet d'un rappel par mail de la part du responsable d'atelier le 4 décembre 2018. Il lui était reproché également de ne pas avoir réagi au rappel de son responsable d'atelier du 7 décembre 2018 lui demandant l'immobilisation d'un véhicule pour procéder à la vidange du pont alors que le rapport d'analyse d'huile concluait à une usure anormale en l'absence d'intervention antérieure pourtant programmée en août 2018, le prélèvement d'huile de la boîte de vitesse, programmé en octobre 2018 n'ayant pas davantage été réalisé. En outre, il lui était fait grief d'avoir indiqué dans le système de suivi de la maintenance avoir effectué le 10 décembre 2018 les analyses d'huile de pont et de boîte de vitesses d'un véhicule, qui devaient déjà être réalisées en août 2018, sans qu'aucune trace des rapports d'analyse consécutifs ne puisse être retrouvée.

Sur le manquement à la gestion de l'atelier et du stock des pièces, il lui était fait grief, d'une part, d'un écart d'inventaire pour un montant de 55 000 euros HT fin novembre 2018, pour un parc de 56 véhicules, cet écart s'expliquant par des pièces détachées utilisées dans le cadre des interventions menées tout au long de l'année, sans affectation sur les ordres de travail et donc sans facturation au client et, d'autre part, d'un défaut de réaction à la suite du constat de cet écart dans la mesure où il ne serait pas revenu vers le responsable d'atelier pour s'en expliquer ou tenter d'entamer une démarche de contrôle afin d'envisager de limiter cet conséquence financière pour l'entreprise.

Dans le courrier de rupture, l'employeur soulignait également le coût engendré par ces différents manquements et faisait valoir que, à la demande de son responsable, M. [E] avait pourtant été déchargé puisque, du 12 novembre au 27 décembre 2018, un autre site aurait pris en charge l'entretien de 22 véhicules sur 56.

Le salarié ne conteste pas la matérialité des désordres révélés par les contrôles.

Concernant le premier grief plus précisément, il souligne en revanche qu'il n'a pu inscrire immédiatement un bus sur la liste des véhicules immobilisés car il était en cours de réparation sur un autre site. Il ajoute qu'il n'était pas présent lors du retour du véhicule sur site et qu'il n'avait donc pas pu l'immobiliser. Pour l'autre bus, il indique qu'il n'était plus sur site et donc plus sous sa responsabilité. Il indique avoir informé verbalement son employeur de la nécessité d'immobiliser ce véhicule.

Cependant, ces explications sont indifférentes à la caractérisation du grief dans la mesure où le salarié était en charge de veiller à faire procéder au contrôle technique des véhicules concernés avant l'échéance et d'inscrire les véhicules sur la liste prévue à cet effet et non seulement d'alerter verbalement, à supposer que cela eût été fait, et ce, dès dépassement de cette date. Cette mission relevait expressément de ses attributions puisque, aux termes de sa fiche de poste, il devait 'tenir à jour l'état des indisponibilités du parc via un reporting journalier et renseigner// précisément les entrées / sorties des véhicules des ateliers sous forme d'un suivi de performance (tableau)'. Ce premier grief est donc avéré.

Concernant le second grief, sur les analyses d'huile, le salarié indique que celles-ci étaient réalisées par des mécaniciens qui sont dès lors responsables des erreurs constatées et que les pannes qui en auraient été la conséquence d'après l'employeur ne seraient pas avérées.

Cependant, compte tenu de son statut, le salarié était chargé du contrôle de son équipe sans qu'il puisse se dédouaner sur elle de sa responsabilité. L'employeur démontre par ailleurs la réalité des pannes subséquentes. Ce deuxième grief est donc constitué.

Concernant l'inventaire, le salarié souligne que le document fourni par l'employeur est postérieur à la date visé dans la lettre de rupture et que, compte tenu du nombre de salariés présents pour y procéder, sa mise en cause personnelle ne peut être recherchée.

Cependant, il importe peu que le document inventaire produit ait été édité postérieurement à sa réalisation, la date de janvier 2020 correspondant à son impression pour les besoins de la procédure. Par ailleurs, les fonctions de M. [E] induisaient une responsabilité personnelle quant au contrôle des opérations d'inventaire outre une obligation de signaler à son employeur ce résultat anormal, ses arguments étant donc inopérants. Le salarié ajoute que le logiciel utilisé pour y procéder était défaillant et qu'il y avait régulièrement des transferts de pièces d'un magasin à l'autre. Il précise que quand il s'est étonné auprès d'un collègue du résultat de l'inventaire, celui-ci lui a indiqué que la situation était identique sur un autre site. Néanmoins,le dossier ne permet pas de retenir ces simples affirmations. Le troisième grief est donc également établi.

De manière générale, le salarié fait valoir que certains véhicules concernés ne relevaient pas de sa responsabilité. Pour autant, le seul fait que certains véhicules aient été tranférés dans le but de le décharger à compter du 12 novembre 2018 ne le dédouane pas pour les contrôles qui auraient dû intervenir antérieurement.

L'appelant met par ailleurs en avant une surcharge de travail et souligne que des véhicules supplémentaires lui ont été confiés. Cependant, ces véhicules supplémentaires ont été compensés par ceux qui lui ont été retirés et nécessitaient peu d'entretien. Par ailleurs, les éléments comparatifs produits par l'employeur infirment l'hypothèse d'une surcharge de travail. Au surplus, le salarié indique lui-même qu'il effectuait des tâches qui ne relevaient pas de sa fiche de poste (il essayait les bus sur route, allait chercher les pièces chez les fournisseurs car tous les fournisseurs ne livraient pas, réalisait lui-même des travaux de 'bobologie', assistait les mécaniciens parce que souvent ils ne maîtrisaient pas les pannes, faisait lui-même des interventions) ce que confirment les attestations qu'il produit. Cette situation montre que le salarié a continué d'effectuer des tâches d'exécution qui ne relevaient pas de sa responsabilité alors qu'il lui appartenait de se positionner dans son rôle de supervision de ses équipes et d'organisation de leur travail.

Par ailleurs, si M. [E] souligne qu'il n'a pas été suffisamment formé pour son poste, l'employeur démontre avoir assuré cette adaptation ainsi que cela a été indiqué plus haut. Il est par ailleurs avéré que le salarié a refusé un plan d'accompagnement et une formation au logiciel de suivi.

En outre , le salarié souligne également le manque de qualification de ses équipes (un apprenti dont il n'était pas le tuteur, un mécanicien 'de 60 ans très limité qui fait de la bobologie', un mécanicien non qualifié, de bonne volonté mais qu'il faut donc assister tout le temps, et un mécanicien qualifié) et des absences non remplacées. Cependant, là encore, il procède par simples affirmations et l'employeur démontre que son équipe ne présentait pas de spécificités.

Enfin, M. [E] ajoute que, compte tenu de son ancienneté et du fait qu'il a évolué au sein de l'entreprise, le licenciement pour faute grave constituerait en tout état de cause, une sanction disproprortionnée. Néanmoins, le salarié avait déjà été officiellement averti les 24 mars 2011 et 2 octobre 2017. Par ailleurs, juste avant l'engagement de la procédure de licenciement, son responsable d'atelier l'avait alerté sur ses difficultés par courriels des 30 novembre et 4 décembre 2018 et ce, sans qu'il établisse avoir fait preuve de la réaction attendue.

Enfin, s'agissant de négligences fautives, réitérées malgré des avertissements antérieurs, de nature à mettre en péril la sécurité des usagers des véhicules concernés, à obérer l'image de marque de la société et à engendrer un surcoût non négligeable pour l'employeur, les griefs rendaient impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise.

Il en ressort que la faute grave est établie et qu'il convient de rejeter les demandes subséquentes de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis, de congés payés afférents et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera confirmé de ces chefs.

2.3 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

La demande indemnitaire du salarié intègre une demande au titre des circonstances brutales et vexatoires de la rupture.

L'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances brutales et vexatoires du licenciement nécessite, d'une part, la caractérisation d'une faute dans les circonstances de la rupture du contrat de travail qui doit être différente de celle tenant au seul caractère abusif du licenciement, ainsi que, d'autre part, la démonstration d'un préjudice distinct de celui d'ores et déjà réparé par l'indemnité allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Or, au cas présent, le salarié ne démontre aucun manquement de l'employeur dans les circonstances de la rupture justifiant l'octroi de dommages et intérêts à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef.

3 : Sur la procédure abusive et les dommages et intérêts pour atteinte à l'image

En l'absence d'intention de nuire du salarié, sa responsabilité pécuniaire ne peut être engagée en sorte que la demande de dommages et intérêts pour atteinte à l'image sera rejetée.

Par ailleurs, en application des articles 1240 et 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice ne dégénère en abus de droit que lorsqu'il procède d'une faute et notamment s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.

Au cas présent, la preuve d'un abus de droit n'est pas rapportée.

La demande en paiement de dommages et intérêts formée de ce chef sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

4 : Sur les demandes accessoires

Au regard du sens de la présente décision, le jugement sera confirmé sur le rejet de la demande de remise des documents de fin de contrat, les intérêts ainsi que sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [E] supportera également les dépens de l'appel ainsi qu'une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

DONNE ACTE à la société Transports rapides automobiles (TRA) de son intervention volontaire en lieu et place de la société nouvelle CPL ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 23 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant :

CONDAMNE M. [O] [E] à payer à la société nouvelle CPL aux droits de laquelle vient désormais la société TRA la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [O] [E] aux dépens de l'appel.

Le greffier Le président de chambre