Décisions
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 25 janvier 2024, n° 22/00833
CHAMBÉRY
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
N° RG 22/00833 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7RH
S.A. ALCIA LABORATOIRES
C/ [K] [X] épouse [Y]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 13 Avril 2022, RG F 21/00085
APPELANTE :
S.A. ALCIA LABORATOIRES
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me François SIMON de la SELARL THEYMA, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEE :
Madame [K] [X] épouse [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Diane REVIL de la SELARL DS-J & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 26 Octobre 2023, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s'est chargé(e) du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
et lors du délibéré :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,
********
Exposé du litige':
Mme [Y] a été embauchée par la SA Alcia Laboratoires en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 28 juillet 2008 en qualité de Responsable Laboratoire statut cadre.
La SA Alcia Laboratoires a notifié à Mme [Y] un premier avertissement le 24 décembre 2015 que Mme [Y] a contesté puis un second le 23 mars 2017, un troisième le 6 juin 2019 et un quatrième le 17 septembre 2020.
Mme [Y] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 13 octobre 2020 jusqu'au 13 février 2021,
Mme [Y] a saisi le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 8 mars 2021 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur produisant les effets d'un licenciement nul en raison d'un harcèlement moral discriminatoire. Elle a sollicité également des indemnités diverses notamment au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail et du manquement à l'obligation de sécurité.
Mme [Y] a ensuite été déclarée inapte par le médecin du travail en date'12 avril 2021 avec la mention selon laquelle « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Mme [Y] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 4 mai 2021 auquel elle ne s'est pas présentée. Mme [Y] a été licenciée pour inaptitude par courrier recommandé du 7 mai 2021.
Par jugement du 13 avril 2022, le Conseil de Prud'hommes d'Annecy a :
- Condamné la société ALCIA LABORATOIRES pour faits de harcèlement moral discriminatoire, et non-respect de son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail;
- Prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Mme [Y] ;
- Condamné la SA Alcia Laboratoires à verser à Mme [Y] les sommes de :
' 56 070,88 € nets de dommages et intérêts au titre du licenciement nul
' 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
' 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents
' 10 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire
' 15 000 € nets de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
' 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
' 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-Ordonné à la SA Alcia Laboratoires de rectifier et de remettre à Mme [Y] des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation pôle emploi et fiche de paie) sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 10 ème jour suivant la réception de la notification du jugement ;
- S'est réservé le droit de liquider cette astreinte ;
- Dit que le présent jugement est de droit exécutoire dans la limite fixée par l'article R.1454-28 du Code du travail ;
- Condamné la SA Alcia Laboratoires aux entiers dépens.
La décision a été notifiée aux parties et la SA Alcia Laboratoires en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 11 mai 2022 et Mme [Y] en a fait appel incident.
Par conclusions du 28 juillet 2022, la SA Alcia Laboratoires demande à la cour d'appel de':
- Réformer la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes d'Annecy le 13 avril 2022
Partant statuant à nouveau,
- Juger que Mme [Y] n'établit aucun fait laissant présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral,
- Constater qu'aucune faute d'une gravité suffisante pouvant mettre en cause la relation contractuelle ne peut être reprochée à la société ALCIA LABORATOIRES,
- Constater que Mme [Y] ne démontre pas que les faits reprochés empêchaient la poursuite de son contrat de travail,
- Juger que la demande de résiliation judiciaire de Mme [Y] est infondée,
- Juger que le licenciement de Mme [Y] ne peut être considéré comme nul,
- Juger que le licenciement de Mme [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- Constater que Mme [Y] est à ce jour intégralement remplie de ses droits,
- Constater qu'il ne peut être reproché le moindre manquement au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail,
En conséquence,
- La débouter de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
- La condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 24 octobre 2022, Mme [Y] demande à la cour d'appel de':
A titre principal :
- Réparer l'omission de statuer affectant le jugement entrepris ;
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et lui faire produire les effets d'un licenciement nul ;
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il a :
' Condamné la Société ALCIA LABORATOIRES pour :
- faits de harcèlement moral discriminatoire à l'encontre de Madame [Y];
- non-respect de son obligation de sécurité
- exécution déloyale du contrat de travail.
' Prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Madame [Y];
' Condamné en conséquence la SA ALCIA LABORATOIRES à payer à Madame [Y] les sommes suivantes :
- 56 070,88 € nets de dommages et intérêts au titre du licenciement nul,
- 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire,
- 15.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
Si par impossible la Cour ne faisait pas produire à la résiliation judiciaire les effets d'un licenciement nul, il lui est demandé de lui faire produire les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
A titre infiniment subsidiaire :
Si par impossible la Cour rejetait la demande de résiliation judicaire du contrat de travail, il lui est demandé de juger le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, il est demandé à la Cour de condamner la Société ALCIA LABORATOIRES à verser à Madame [Y] la somme de :
- 38 585,58 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse.
- La Cour confirmera pour le surplus le jugement entrepris.
A titre reconventionnel :
Il est demandé à la Cour de bien vouloir :
- Condamner la Société ALCIA LABORATOIRES à verser à Madame [Y] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner la Société ALCIA LABORATOIRES aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le'3 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI':
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul et subsidiairement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Moyens des parties :
Mme [Y] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur comme produisant à titre principal les effets d'un licenciement nul en raison des faits de harcèlement moral discriminatoire'subis du fait de ses grossesses et de sa situation familiale et à titre subsidiaire d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non-respect de l'obligation de sécurité et de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Elle expose que la dégradation des relations professionnelles a commencé lors de l'annonce de sa première grossesse en avril 2014, puis que la situation n'a cessé de se détériorer lors de l'annonce de sa seconde grossesse en décembre 2015 avec un paroxysme en 2020. Elle décrit les faits suivants comme constitutifs de harcèlement moral'discriminatoire ayant contribué à la dégradation de son état de santé.
- Une remise en cause systématique de ses qualités professionnelles, un dénigrement violent de son travail en réunion et une augmentation de sa charge de travail nonobstant une réduction conventionnelle de son temps de travail durant cette période,
- L'exercice de pressions répétées,
- Des tentatives de recrutements en contrat de travail à durée indéterminée de salariés sur son poste de travail pendant les périodes de congés maternité,
- L'absence totale d'entretien professionnel (sur les 12 ans ¿ de relation de travail) et de suivi de la charge de travail, malgré des demandes en ce sens,
- Des sanctions disciplinaires injustifiées
- Une méconnaissance par l'employeur de ses obligations conventionnelles en matière de classification, de minima conventionnels et de maintien de salaire ( absence de changement de coefficient hiérarchique en avril 2013 et refus de réévaluer sa situation avant son retour de congé maternité en janvier 2015)
- Le refus d'une demande de congé parental d'éducation
- Le refus d'une demande de télétravail
- Une modification de ses horaires de travail à temps partiel lui imposant de venir travailler le mercredi après-midi
- L'absence de prise en compte de sa dénonciation de la souffrance au travail et du harcèlement moral subi et son manquement à son obligation de sécurité
- L'organisation d'une contre visite médicale
- Le refus de lui payer ses heures supplémentaires avant la saisine du Conseil de prud'hommes et à la rupture du contrat de travail
- Le défaut d'attribution de chèques cadeau
La SA SOCIETE ALCIA LABORATOIRES conteste pour sa part l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, le non-respect de l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail.
Elle soutient que la salariée a bénéficié d'une évolution de son coefficient conventionnel malgré ses grossesses en juillet 2014, qu'aucune personne n'a été engagée pour la remplacer définitivement à l'issue de son congé maternité, que les sanctions disciplinaires à son encontre étaient fondées dans la cadre de son pouvoir de direction, qu'il n'a pas été possible de mettre en place un congé parental d'éducation à hauteur de 80 % sans travail le vendredi compte tenu de ses responsabilités dans l'entreprise, que le télétravail n'a pas été mis en place dans l'entreprise pour aucun salarié en mars 2020 sur recommandation du prestataire informatique compte tenu de la confidentialité des données de la société (secrets de fabrication'). Elle fait également valoir que la salariée n'a subi aucun préjudice, qu'elle a été rémunérée de ses heures supplémentaires, qu'aucun ton méprisant n'a été utilisé à son égard, et qu'aucune demande de chèques cadeau n'a été faite par la salariée, et enfin que l'erreur relative à la valeur du point et au maintien du salaire conventionnel a été régularisée
Sur ce,
Sur le fondement des dispositions des articles 1226 et 1228 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Lorsque la demande de résiliation judiciaire est fondée sur un harcèlement moral ou la discrimination, la rupture du contrat de travail produit alors les effets d'un licenciement nul.
L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Par ailleurs, l'article L. 1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.'4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017, ces mesures comprennent':
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article'L. 4161-1';
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L.'4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en œuvre ces mesures. Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
En l'espèce, Mme [Y] invoque l'existence de faits de harcèlement susceptibles d'être qualifiés de discriminatoires de la part de son employeur car liés à ses grossesses et à sa situation de famille en résultant, et les mêmes faits au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail et du non-respect de l'employeur à son obligation légale de sécurité.
Il ressort des éléments versés aux débats que Mme [Y] a fait l'objet de deux congés maternité au cours de la relation de travail du 24 juillet 2014 au 21 janvier 2015 (première grossesse et congé maternité), puis du 27 mai 2015 au 15 septembre 2016 (état pathologique de grossesse puis congé maternité).
S'agissant du fait «'de s'être vu, pendant plus d'un an, appliquer un coefficient inférieur à celui qu'imposait la convention collective alors qu'elle aurait dû bénéficier d'un changement de coefficients hiérarchique en avril 2013, mois de ses 29 ans'»':
Le défaut de mise à jour du coefficient avant juillet 2014 ne peut être rattaché à une éventuelle discrimination liée à un état de grossesse puisque qu'antérieur de plus d'un avant la première grossesse de Mme [Y] (avril 2013 à juillet 2014).
Mme [Y] ne justifie pas que l'employeur lui aurait indiqué en juillet 2014, comme conclu, que ce nouveau coefficient ne lui serait appliqué qu'à son retour de congé maternité en janvier 2015. Il est établi et non contesté qu'elle a bénéficié de ce nouveau coefficient en juillet 2014. Ce fait n'est pas établi.
Il n'est cependant pas contesté que Mme [Y] n'a pas bénéficié rétroactivement du rappel de salaire afférent pour la période d'avril 2013 à juillet 2014 alors même que la convention collective prévoyait le passage au coefficient 460 à l'âge de 29 ans, soit en avril 2013. Ce fait est établi.
Sur la tentative alléguée de remplacement pendant son congé maternité, la seule attestation d'une ancienne collègue de travail (technicienne de recherche) qui affirme que «'En 2014, [K] (Mme [Y]) est partie en congé maternité. Elle a été remplacée par [D] [H]. Monsieur [R] lui a proposé le poste de [K] et a laissé sous-entendre qu'il se débrouillerait pour la faire partir. Mais elle a refusé.'», non corroborée et insuffisamment précise ne permet pas de démontrer que l'employeur a tenté de la remplacer définitivement à son poste pendant son congé maternité comme allégué, ni que Mme [H], qui la remplaçait durant la suspension de son contrat de travail pour maternité, ait refusé, n'étant par ailleurs, pas contesté que Mme [Y] a repris son poste et n'a pas été remplacée définitivement à la suite de son congé maternité. Ce fait n'est pas établi.
Il n'est pas contesté que l'employeur avait connaissance depuis décembre 2015 de la seconde grossesse de Mme [Y]. Or, il est constant que Mme [Y] a reçu par courrier recommandé du 24 décembre 2015, un premier avertissement notamment, pour ne pas avoir, malgré les demandes de M. [R], transmis des échantillons de produits ni documents et lui demandant d'être désormais, plus rigoureuse et vigilante sur les fabrications et qu'il lui a été enjoint de transmettre tous les 15 jours un planning avec les appels d'offres reçus, traités et l'avancement de ceux-ci avec dates à tenir ainsi qu'un compte-rendu de son travail quotidien.
Mme [Y] a contesté en réponse par courrier détaillé du 10 janvier 2016, être responsable des dysfonctionnements dénoncés et notamment de l'absence de fourniture desdits échantillons et a relevé que la demande de compte-rendu quotidien impliquerait une charge de travail supplémentaire pourtant déjà lourde. Elle a par ailleurs sollicité de pouvoir discuter de cette charge de travail avec l'employeur en présence du délégué du personnel. L'employeur ne donne aucun élément démontrant que Mme [Y] serait responsable des faits qui lui sont reprochés ni qu'il ait répondu à la demande de la salariée de le rencontrer.
M. [S], ancien agent de production de la SA Alcia Laboratoires qui collaborait avec Mme [Y] , témoigne que M. [R] donnait des ordres contraires à ceux de Mme [Y] allant même jusqu'à demander d'utiliser des matières premières qui n'étaient pas dans la liste de celles prévues. Si ses exigences ne donnaient pas un bon résultat, il missionnait Mme [Y] et son laboratoire pour arranger les problèmes sans prendre en compte le temps perdu. Il atteste qu'à plusieurs reprises, M. [R] «'avait un comportement dominant à l'égard de Mme [Y] lui demandant de se taire en réunion devant toute l'assemblée sans qu'elle puisse donner son point de vue sur une problématique énoncée alors qu'il avait pris le temps d'écouter les autres, lui retirant également des fonctions et responsabilité de décisions pour les donner à d'autres collègues non qualifiés. Il lui demandait finalement des états journaliers de faits et gestes'». Il évoque également de «'multiples avertissements abusifs reçus à des moments précis comme juste après l'annonce de sa 2ème grossesse et après la visite de l'ANSM dans l'entreprise suite à une dénonciation de fraude'».
Mme [P], ancienne collègue de travail, déclare avoir vu une fois Mme [Y] pleurer dans son bureau suite à une réunion avec M. [R] après son retour de congé maternité puis une deuxième fois avant son deuxième congé maternité et témoigne «'qu'elle avait toujours eu l'impression que M. [R] en voulait à Mme [Y]'». Toutefois, Mme [P] se contente ainsi de relater les faits évoqués par Mme [Y] («'il lui reprochait des choses sans lui donner d'exemple. Il lui avait crié dessus et n'expliquait pas ce qui n'allait pas. La communication avec M. [R] était difficile parfois à cause de la barrière de la langue..'», sans en avoir été directement témoin. Elle précise ensuite que son propre retour de congé maternité en 2017 a été difficile, que les relations dans l'entreprise étaient tendues et qu'il y avait beaucoup de travail au sein du laboratoire, n'étant plus qu'à 60% de 35 heures alors que sa remplaçante était à 39 heures, il était difficile de faire face à toutes les demandes, que M. [R] a continué à reprocher à Mme [Y] de ne pas répondre à tous les clients et personne d'autre dans la société ne devait faire un planning de ses tâche et qu'en début 2020 a été blessant avec Mme [Y] , lui a dit qu'elle n'avait rien fait de bien comme produit, ni de «'nouveautés'» et M. [R] n'écoutait pas ses arguments et la contredisait systématiquement.
Mme [M], assistante administrative, indique que de son bureau à proximité de celui de M. [R], elle a pu entendre en mai 2020, au retour du premier confinement, des haussements de ton violents contre Mme [Y] qu'elle avait vue entrer dans le bureau, accompagnés de bruits comme si l'on tapait la main ou le poing sur la table et que dès le début dans l'entreprise, on lui avait clairement dit que ses contacts avec le laboratoire et Mme [Y] n'allaient pas plaire à M. [R] et qu'il fallait qu'elle soit prudente pour ne pas s'attirer des ennuis. Elle confirme que durant l'année 2020, Mme [Y] n'était plus informée ni conviée aux rendez-vous avec les clients, compliquant les échanges.
Il n'est pas contesté que Mme [Y] a sollicité un congé parental d'éduction à 80 % en juin 2016 et a proposé le vendredi comme jour libre. L'employeur a accepté cette demande en lui proposant une demi- journée le vendredi matin (8Heures38-12 H ou 8 H-11H22) et des horaires de 9H à 12 H et de 13 H à 16 H du lundi au jeudi. Mme [Y] a contesté cette proposition qui n'incluait plus comme jusque-là le mercredi après-midi en plus d'une autre journée compte tenu de l'indisponibilité de son assistante maternelle pour son premier enfant le mercredi après-midi, arguant de l'inégalité par rapport à une autre salariée dans la même situation, qui avait obtenu une journée d'absence en plus de sa demi-journée peu important qu'elle ne soit pas cadre. L'employeur lui a répondu qu'au niveau de responsabilité de Mme [Y], il n'était pas évident de concilier vie privée et vie professionnelle et qu'il s'efforçait de tenir compte des impératifs de chacun et de trouver l'organisation la plus adaptée à la bonne marche de la société avant tout. Mme [Y] a donc ensuite renoncé à sa demande congé parental d'éducation à 80 %.
Il doit être noté que Mme [Y] a bénéficié à sa demande en juillet 2015 soit à la suite de sa première grossesse, et à titre exceptionnel, d'un aménagement de ses horaires de travail à temps complet, libérant son mercredi après-midi pour une durée de deux ans jusqu'à la scolarisation de son enfant et, malgré les difficultés évoquées par l'employeur compte tenu de ses fonctions de gestion du personnel travaillant le mercredi.
Mme [Y] a été l'objet d'un second avertissement le 23 mars 2017 lui reprochant son organisation de travail et celui de son équipe, privilégiant certaines tâches à d'autres et avoir perdu un client qui attendait ses échantillons depuis plusieurs semaines, alors même qu'il lui avait alloué une personne supplémentaire à plein temps et un nouveau logiciel. Il lui était également enjoint à compter de ce jour de venir le voir chaque mercredi ou jeudi afin de lui transmettre les appels d'offres, de faire le point sur leur avancement et échanger sur la problématique du laboratoire. L'employeur ne donne aucun élément précis s'agissant des lacunes d'organisation reprochés à Mme [Y].
Mme [Y] a été l'objet d'un troisième avertissement le 6 juin 2019 lui rappelant la consigne de transmission de son planning de service à la direction de manière hebdomadaire.
Mme [T], ancienne responsable projet du 27 avril au 20 octobre 2020 atteste que M. [R] lui indiqué après son entretien d'embauche en présence de Mme [Y], qu'il lui proposait le poste de responsable laboratoires, que Mme [Y] était incompétente, qu'elle avait ensuite senti que les échanges étaient compliqués et qu'elle sentait que M. [R] était contre Mme [Y] et qu'il la critiquait sans cesse devant elle, la mettant dans une situation très inconfortable. Mme [T] précise que M. [R] ne la laissait pas non plus s'exprimer, lui parlait de façon agressive et lui criait dessus dès le 12 mai 2020, disant constamment être insatisfait de leur travail, ainsi retomber les fautes sur le laboratoire, passant en coup de vent sans saluer Mme [Y]. Elle indique avoir été soulagée de quitter l'entreprise.
Le courrier de M. [R] en date du 15 novembre 2020, qui révèle en fait ses difficultés linguistiques en français qui n'est pas sa langue maternelle (utilisation du pronom il ou elle, tournure des phrases et expressions utilisées) ne contient en revanche aucun élément méprisant à l'encontre de la salariée et constitue une réponse aux reproches de Mme [Y]. Il fait également état de son sentiment sur la dégradation de la relation de travail et sur les raisons estimées de son mécontentement s'agissant du non-respect par la salariée des consignes données, rappelant qu'il lui a donné son accord à l'aménagement de son temps de travail et qu'il reste ouvert à la discussion tant quelle ne met pas en place un plan d'obstruction et de manque de collaboration avec le personnel du laboratoire de l'entreprise mais qu'il reste le titulaire du pouvoir d'organisation et de contrôle de l'entreprise.
Il est établi que la SA Alcia Laboratoires a fait procéder le 24 novembre 2020 à une visite médicale de contrôle durant l'arrêt de travail de Mme [Y].
Il est établi que l'employeur n'a régularisé le versement de ses indemnités journalières non versées depuis février 2021 qu'à compter de mars 2021 après la saisine du le conseil des prud'hommes par la salariée et que Mme [Y] n'a été remplie de ses droits au titre des heures supplémentaires qu'après de nombreuses relances, lors du solde de tout compte après licenciement pour inaptitude après la saisine du conseil des prud'hommes et l'audience de conciliation.
Il ressort ainsi de l'analyse des éléments susvisés établis et notamment des attestations, l'existence de relations tendues de M. [R] avec ses salariés face à la charge de travail et un comportement verbal parfois inadapté à leur encontre.
Il appert également l'existence d'une dégradation des relations de travail entre M. [R] et Mme [Y] à compter de la naissance de son premier enfant et l'absence de satisfaction de l'employeur sur le travail effectué par Mme [Y], se manifestant par l'exercice de son pouvoir de sanction et de direction à l'égard de Mme [Y] sous la forme de contrôles hebdomadaires de plus en plus renforcés et d'avertissements non fondés sur des éléments précis et objectifs ainsi que des critiques du travail de Mme [Y] auprès de ses collaborateurs.
Il est également établi que l'employeur a manqué à l'obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en ce qu'il n'a pas satisfait à son obligation de rémunération de Mme [Y] à son coefficient à compter d'avril 2013 ni effectué de rappel de salaire rétroactif après avoir augmenté son coefficient en juillet 2014 à sa demande, et qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien professionnel à l'instar du reste des salariés, qu'elle n'a été régularisée du paiement de 24 heures supplémentaires pour 2020 en juin 2021, soit postérieurement à la saisine du le conseil des prud'hommes et n'a pas bénéficié de chèques cadeau en 2020 malgré ses demandes par mail en décembre 2020.
Il doit être constaté que les relations professionnelles se sont dégradées à la suite de la première grossesse de Mme [Y], celle-ci sollicitant son employeur à deux reprises un aménagement de ses horaires de travail et l'employeur lui faisant part de l'impossibilité pour l'entreprise de satisfaire l'intégralité de ses demandes compte tenu de ses responsabilités et de l'intérêt de l'entreprise puis la sanctionnant à plusieurs reprises et adoptant un comportement inadapté à son encontre y compris devant d'autres salariés.
Mme [Y] présente ainsi des éléments de fait suffisamment précis et concordants laissant supposer l'existence d'un comportement discriminatoire de la part de la SA Alcia Laboratoires lié à ses grossesses et sa situation de famille.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les comportements et faits établis sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La SA Alcia Laboratoires n'apporte aucun élément permettant de justifier le bien fondé des sanctions adressées à la salariée dont il doit être noté qu'elle n'avait jamais été sanctionnée depuis le début de la relation de travail en 2008.
L'employeur ne justifie pas comme conclu, avoir été relancé par un client important de la société qui se plaignait de ne pas avoir obtenu de retour de Mme [Y] malgré ses relances, ni de la nécessité de contrôler Mme [Y] de manière hebdomadaire. La SA Alcia Laboratoires ne démontre pas non plus que la salariée se plaçait délibérément en opposition de restitution d'un planning tous les 15 jours comme enjoint à la suite du premier avertissement.
L'attestation de Mme [V], responsable des ventes par ailleurs encore en lien de subordination avec la SA Alcia Laboratoires et non corroboré , qui affirme que Mme [Y] «'n'arrivait pas à obtenir de réponses, les demandes des clients n'étant jamais assez précises selon elle «', qu'elle a refusé de se mettre directement en contact avec les clients pour les questions techniques et lui a transmis à la place un brief à adresser aux clients en indiquant qu'en cas de difficulté à remplir, ils pourraient la contacter mais n'était jamais disponible en raison d'un planning trop chargé, que les points en réunions hebdomadaires mis en place étaient «'tout simplement des copier/coller semaine après semaine car elle confirmait que cela lui prenait trop de temps pour mettre à jour et qu'elle attendait les priorités de la part de la direction'», ne démontre pas que Mme [Y] refusait de se plier aux directives de l'employeur mais qu'elle se disait dans l'impossibilité de le faire compte tenu de sa charge de travail, dont elle a d'ailleurs demandé à discuter avec l'employeur à plusieurs reprises. Le seul fait que Mme [V] n'ait pas été témoin de brimades ou de remontrances de la part de la direction, ne démontrant pas leur absence.
Le fait conclu par la SA Alcia Laboratoires d'avoir accepté d'aménager les horaires de travail de la salariée à sa demande après sa première grossesse, ne démontre pas que le comportement adopté par l'employeur à partir de cette période était exempt d'un comportement discriminatoire en raison de la situation familiale de Mme [Y], celle-ci la rendant probablement moins disponible et la charge de travail de l'entreprise objectivement plus difficile à gérer pour l'employeur.
La SA Alcia Laboratoires ne justifie par ailleurs pas des raisons objectives de l'absence de délivrance de chèques cadeaux de fin d'année malgré les demandes de la salariée.
L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [Y] et pris dans leur ensemble sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le harcèlement discriminatoire à raison de la grossesse et de la situation familiale est ainsi établi.
Le harcèlement discriminatoire ainsi établi présente une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul à la date du licenciement, soit le 7 mai 2021. La décision déférée doit être confirmée sur ce point.
Il convient toutefois d'infirmer le quantum des dommages et intérêts pour licenciement nul et de condamner la SA Alcia Laboratoires à lui verser la somme de 42'093,36 €.
Il convient de confirmer la décision déférée en ce que la SA Alcia Laboratoires a été condamnée à verser à Mme [Y] les sommes suivantes':
- 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents
- 10 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement discriminatoire
Il convient également, par voie d'infirmation du jugement déféré sur le quantum, de condamner la SA Alcia Laboratoires à indemniser Mme [Y] à hauteur de 5 000 €, faute pour l'employeur de justifier d'avoir mis en œuvre des mesures pour analyser sa situation suite à son alerte par courrier du 3 novembre 2020 avec copie à l'inspection du travail, dans lequel elle fait état de la dégradation de ses conditions de travail, détaille l'ensemble des faits reprochés, évoque ce qu'elle ressent comme des pressions et des brimades, du harcèlement moral et de la discrimination en raison de son sexe et de sa situation familiale, et la dégradation de son état de santé.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail':
Moyens des parties :
Mme [Y] soutient que l'employeur n'a pas exécuté loyalement son contrat de travail au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail de manière délibérée, demande des dommages et intérêts à ce titre et expose que la SA Alcia Laboratoires a':
- Payé tardivement son rappel d'heures complémentaires et supplémentaires postérieurement à la saisine du le conseil des prud'hommes après avoir tenté de falsifier les feuilles de pointage et faire disparaitre des heures supplémentaires
- Payé tardivement le rappel de salaire au titre du non-respect des minimas conventionnels
- Communiqué tardivement les documents de fin de contrat avec des irrégularité retardant la possibilité pour Mme [Y] de faire valoir ses droits au chômage
La SA Alcia Laboratoires affirme pour sa part qu'elle a toujours répondu à Mme [Y] avec diligence et célérité et que Mme [Y] ne justifie pas d'un comportement déloyal de sa part ni d'un préjudice. Il soutient que Mme [Y] a été remplie de ses droits pour les heures supplémentaires et qu'elle ne fait d'ailleurs aucune demande de paiement à ce titre, et qu'elle n'a été alertée de l'erreur relative à la valeur du point que Par courriel du 1er mars 2021, les modifications ayant été faites dès le 11 mars 2021 sur la base d'un rappel de salaire à compter du mois de mars 2020.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
Il ressort des éléments versés aux débats que Mme [Y] n'a été remplie de ses droits au titre des heures supplémentaires après de nombreuses relances, que lors du solde de tout compte après le licenciement pour inaptitude après la saisine du conseil des prud'hommes et l'audience de conciliation.
L'employeur justifie avoir été alerté par un de ses salariés de son erreur relative à l'augmentation de la valeur du point depuis mars 2020, le 21 janvier 2021'et avoir régularisé le rappel de salaire dû à ce titre à Mme [Y] en février 2021.
La SA Alcia Laboratoires ne conclut pas sur la tardivité de la délivrance des documents de fin de contrat et Mme [Y] justifie par des échanges de mails avec le service comptabilité de son employeur qu'au 9 juin 2021, elle a «'reçu très tardivement ses documents de fin de contrat, ce qui ne m'a pas permis de percevoir mes indemnités ARE pour le moment et je n'ai toujours pas reçu mon salaire et mes indemnités de licenciement'», le service comptabilité ne contestant pas et répondant qu'il transmet son message à M. [R] qui prend toutes les décisions, tous les paiements étant faits avec son accord.'
Il n'est par ailleurs pas contesté par l'employeur que les documents finalement transmis présentaient des irrégularités et des omissions.
Il convient par conséquent de juger par voie de confirmation du jugement déféré que l'employeur a manqué à l'exécution loyale du contrat de travail et qu'il doit être condamné à payer à Mme [Y] la somme de 5'000'€ de dommages et intérêts à ce titre.
Sur le remboursement des allocations chômage:
Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.
Sur la remise d'une attestation pôle emploi et d'un bulletin de salaire rectifiés:
Il convient de confirmer la décision déférée qui a ordonné à la SA Alcia Laboratoires de remettre à Mme [Y] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et un certificat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales. Il convient de préciser que ces documents seront conformes au présent arrêt et délibvrés dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision
La demande d'astreinte sera en revanche infirmée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires':
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La SA Alcia Laboratoires, partie perdante qui sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [Y] la somme de 2'500 € au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':
- Condamné la société ALCIA LABORATOIRES pour faits de harcèlement moral discriminatoire, et non-respect de son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail;
- Prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Mme [Y] ;
- Condamné la SA Alcia Laboratoires à verser à Mme [Y] les sommes de :
- 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents
- 10 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire
- 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Ordonné à la SA Alcia Laboratoires de rectifier et de remettre à Mme [Y] des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation pôle emploi et fiche de paie)
- Dit que le présent jugement est de droit exécutoire dans la limite fixée par l'article R.1454-28 du Code du travail ;
Condamné la SA Alcia Laboratoires aux entiers dépens.
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
CONDAMNE la SA Alcia Laboratoires à payer à Mme [Y] les sommes suivantes':
- 42'093,36 € de dommages et intérêts pour licenciement nul
- 5'000 € de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation légale de sécurité
Y ajoutant,
REJETE la demande d'astreinte,
ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.
DIT qu'une copie de la présente décision sera adressé à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,
CONDAMNE la SA Alcia Laboratoires à payer la somme de 2 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SA Alcia Laboratoires aux dépens d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 25 Janvier 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 25 JANVIER 2024
N° RG 22/00833 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7RH
S.A. ALCIA LABORATOIRES
C/ [K] [X] épouse [Y]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANNECY en date du 13 Avril 2022, RG F 21/00085
APPELANTE :
S.A. ALCIA LABORATOIRES
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me François SIMON de la SELARL THEYMA, avocat au barreau de CHAMBERY
INTIMEE :
Madame [K] [X] épouse [Y]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Diane REVIL de la SELARL DS-J & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 26 Octobre 2023, devant Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, qui s'est chargé(e) du rapport, les parties ne s'y étant pas opposées, avec l'assistance de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
et lors du délibéré :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,
Madame Isabelle CHUILON, Conseillère,
********
Exposé du litige':
Mme [Y] a été embauchée par la SA Alcia Laboratoires en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 28 juillet 2008 en qualité de Responsable Laboratoire statut cadre.
La SA Alcia Laboratoires a notifié à Mme [Y] un premier avertissement le 24 décembre 2015 que Mme [Y] a contesté puis un second le 23 mars 2017, un troisième le 6 juin 2019 et un quatrième le 17 septembre 2020.
Mme [Y] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 13 octobre 2020 jusqu'au 13 février 2021,
Mme [Y] a saisi le Conseil de prud'hommes d'Annecy le 8 mars 2021 pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur produisant les effets d'un licenciement nul en raison d'un harcèlement moral discriminatoire. Elle a sollicité également des indemnités diverses notamment au titre de l'exécution déloyale de son contrat de travail et du manquement à l'obligation de sécurité.
Mme [Y] a ensuite été déclarée inapte par le médecin du travail en date'12 avril 2021 avec la mention selon laquelle « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».
Mme [Y] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 4 mai 2021 auquel elle ne s'est pas présentée. Mme [Y] a été licenciée pour inaptitude par courrier recommandé du 7 mai 2021.
Par jugement du 13 avril 2022, le Conseil de Prud'hommes d'Annecy a :
- Condamné la société ALCIA LABORATOIRES pour faits de harcèlement moral discriminatoire, et non-respect de son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail;
- Prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Mme [Y] ;
- Condamné la SA Alcia Laboratoires à verser à Mme [Y] les sommes de :
' 56 070,88 € nets de dommages et intérêts au titre du licenciement nul
' 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
' 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents
' 10 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire
' 15 000 € nets de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité
' 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
' 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
-Ordonné à la SA Alcia Laboratoires de rectifier et de remettre à Mme [Y] des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation pôle emploi et fiche de paie) sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter du 10 ème jour suivant la réception de la notification du jugement ;
- S'est réservé le droit de liquider cette astreinte ;
- Dit que le présent jugement est de droit exécutoire dans la limite fixée par l'article R.1454-28 du Code du travail ;
- Condamné la SA Alcia Laboratoires aux entiers dépens.
La décision a été notifiée aux parties et la SA Alcia Laboratoires en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 11 mai 2022 et Mme [Y] en a fait appel incident.
Par conclusions du 28 juillet 2022, la SA Alcia Laboratoires demande à la cour d'appel de':
- Réformer la décision rendue par le Conseil de Prud'hommes d'Annecy le 13 avril 2022
Partant statuant à nouveau,
- Juger que Mme [Y] n'établit aucun fait laissant présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral,
- Constater qu'aucune faute d'une gravité suffisante pouvant mettre en cause la relation contractuelle ne peut être reprochée à la société ALCIA LABORATOIRES,
- Constater que Mme [Y] ne démontre pas que les faits reprochés empêchaient la poursuite de son contrat de travail,
- Juger que la demande de résiliation judiciaire de Mme [Y] est infondée,
- Juger que le licenciement de Mme [Y] ne peut être considéré comme nul,
- Juger que le licenciement de Mme [Y] repose sur une cause réelle et sérieuse,
- Constater que Mme [Y] est à ce jour intégralement remplie de ses droits,
- Constater qu'il ne peut être reproché le moindre manquement au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail,
En conséquence,
- La débouter de toutes ses demandes,
En tout état de cause,
- La condamner aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions du 24 octobre 2022, Mme [Y] demande à la cour d'appel de':
A titre principal :
- Réparer l'omission de statuer affectant le jugement entrepris ;
- Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail et lui faire produire les effets d'un licenciement nul ;
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris en ce qu'il a :
' Condamné la Société ALCIA LABORATOIRES pour :
- faits de harcèlement moral discriminatoire à l'encontre de Madame [Y];
- non-respect de son obligation de sécurité
- exécution déloyale du contrat de travail.
' Prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Madame [Y];
' Condamné en conséquence la SA ALCIA LABORATOIRES à payer à Madame [Y] les sommes suivantes :
- 56 070,88 € nets de dommages et intérêts au titre du licenciement nul,
- 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents,
- 10.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire,
- 15.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Aux entiers dépens.
A titre subsidiaire :
Si par impossible la Cour ne faisait pas produire à la résiliation judiciaire les effets d'un licenciement nul, il lui est demandé de lui faire produire les effets d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
A titre infiniment subsidiaire :
Si par impossible la Cour rejetait la demande de résiliation judicaire du contrat de travail, il lui est demandé de juger le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, il est demandé à la Cour de condamner la Société ALCIA LABORATOIRES à verser à Madame [Y] la somme de :
- 38 585,58 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause
réelle et sérieuse.
- La Cour confirmera pour le surplus le jugement entrepris.
A titre reconventionnel :
Il est demandé à la Cour de bien vouloir :
- Condamner la Société ALCIA LABORATOIRES à verser à Madame [Y] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner la Société ALCIA LABORATOIRES aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le'3 mars 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI':
Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul et subsidiairement d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Moyens des parties :
Mme [Y] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur comme produisant à titre principal les effets d'un licenciement nul en raison des faits de harcèlement moral discriminatoire'subis du fait de ses grossesses et de sa situation familiale et à titre subsidiaire d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse du fait du non-respect de l'obligation de sécurité et de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Elle expose que la dégradation des relations professionnelles a commencé lors de l'annonce de sa première grossesse en avril 2014, puis que la situation n'a cessé de se détériorer lors de l'annonce de sa seconde grossesse en décembre 2015 avec un paroxysme en 2020. Elle décrit les faits suivants comme constitutifs de harcèlement moral'discriminatoire ayant contribué à la dégradation de son état de santé.
- Une remise en cause systématique de ses qualités professionnelles, un dénigrement violent de son travail en réunion et une augmentation de sa charge de travail nonobstant une réduction conventionnelle de son temps de travail durant cette période,
- L'exercice de pressions répétées,
- Des tentatives de recrutements en contrat de travail à durée indéterminée de salariés sur son poste de travail pendant les périodes de congés maternité,
- L'absence totale d'entretien professionnel (sur les 12 ans ¿ de relation de travail) et de suivi de la charge de travail, malgré des demandes en ce sens,
- Des sanctions disciplinaires injustifiées
- Une méconnaissance par l'employeur de ses obligations conventionnelles en matière de classification, de minima conventionnels et de maintien de salaire ( absence de changement de coefficient hiérarchique en avril 2013 et refus de réévaluer sa situation avant son retour de congé maternité en janvier 2015)
- Le refus d'une demande de congé parental d'éducation
- Le refus d'une demande de télétravail
- Une modification de ses horaires de travail à temps partiel lui imposant de venir travailler le mercredi après-midi
- L'absence de prise en compte de sa dénonciation de la souffrance au travail et du harcèlement moral subi et son manquement à son obligation de sécurité
- L'organisation d'une contre visite médicale
- Le refus de lui payer ses heures supplémentaires avant la saisine du Conseil de prud'hommes et à la rupture du contrat de travail
- Le défaut d'attribution de chèques cadeau
La SA SOCIETE ALCIA LABORATOIRES conteste pour sa part l'existence d'un harcèlement moral discriminatoire, le non-respect de l'obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail.
Elle soutient que la salariée a bénéficié d'une évolution de son coefficient conventionnel malgré ses grossesses en juillet 2014, qu'aucune personne n'a été engagée pour la remplacer définitivement à l'issue de son congé maternité, que les sanctions disciplinaires à son encontre étaient fondées dans la cadre de son pouvoir de direction, qu'il n'a pas été possible de mettre en place un congé parental d'éducation à hauteur de 80 % sans travail le vendredi compte tenu de ses responsabilités dans l'entreprise, que le télétravail n'a pas été mis en place dans l'entreprise pour aucun salarié en mars 2020 sur recommandation du prestataire informatique compte tenu de la confidentialité des données de la société (secrets de fabrication'). Elle fait également valoir que la salariée n'a subi aucun préjudice, qu'elle a été rémunérée de ses heures supplémentaires, qu'aucun ton méprisant n'a été utilisé à son égard, et qu'aucune demande de chèques cadeau n'a été faite par la salariée, et enfin que l'erreur relative à la valeur du point et au maintien du salaire conventionnel a été régularisée
Sur ce,
Sur le fondement des dispositions des articles 1226 et 1228 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Lorsque la demande de résiliation judiciaire est fondée sur un harcèlement moral ou la discrimination, la rupture du contrat de travail produit alors les effets d'un licenciement nul.
L'article L. 1132-1 du code du travail prévoit qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
Par ailleurs, l'article L. 1134-1 du code du travail dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
L'article L.'4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017, ces mesures comprennent':
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article'L. 4161-1';
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L.'4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en œuvre ces mesures. Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
En l'espèce, Mme [Y] invoque l'existence de faits de harcèlement susceptibles d'être qualifiés de discriminatoires de la part de son employeur car liés à ses grossesses et à sa situation de famille en résultant, et les mêmes faits au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail et du non-respect de l'employeur à son obligation légale de sécurité.
Il ressort des éléments versés aux débats que Mme [Y] a fait l'objet de deux congés maternité au cours de la relation de travail du 24 juillet 2014 au 21 janvier 2015 (première grossesse et congé maternité), puis du 27 mai 2015 au 15 septembre 2016 (état pathologique de grossesse puis congé maternité).
S'agissant du fait «'de s'être vu, pendant plus d'un an, appliquer un coefficient inférieur à celui qu'imposait la convention collective alors qu'elle aurait dû bénéficier d'un changement de coefficients hiérarchique en avril 2013, mois de ses 29 ans'»':
Le défaut de mise à jour du coefficient avant juillet 2014 ne peut être rattaché à une éventuelle discrimination liée à un état de grossesse puisque qu'antérieur de plus d'un avant la première grossesse de Mme [Y] (avril 2013 à juillet 2014).
Mme [Y] ne justifie pas que l'employeur lui aurait indiqué en juillet 2014, comme conclu, que ce nouveau coefficient ne lui serait appliqué qu'à son retour de congé maternité en janvier 2015. Il est établi et non contesté qu'elle a bénéficié de ce nouveau coefficient en juillet 2014. Ce fait n'est pas établi.
Il n'est cependant pas contesté que Mme [Y] n'a pas bénéficié rétroactivement du rappel de salaire afférent pour la période d'avril 2013 à juillet 2014 alors même que la convention collective prévoyait le passage au coefficient 460 à l'âge de 29 ans, soit en avril 2013. Ce fait est établi.
Sur la tentative alléguée de remplacement pendant son congé maternité, la seule attestation d'une ancienne collègue de travail (technicienne de recherche) qui affirme que «'En 2014, [K] (Mme [Y]) est partie en congé maternité. Elle a été remplacée par [D] [H]. Monsieur [R] lui a proposé le poste de [K] et a laissé sous-entendre qu'il se débrouillerait pour la faire partir. Mais elle a refusé.'», non corroborée et insuffisamment précise ne permet pas de démontrer que l'employeur a tenté de la remplacer définitivement à son poste pendant son congé maternité comme allégué, ni que Mme [H], qui la remplaçait durant la suspension de son contrat de travail pour maternité, ait refusé, n'étant par ailleurs, pas contesté que Mme [Y] a repris son poste et n'a pas été remplacée définitivement à la suite de son congé maternité. Ce fait n'est pas établi.
Il n'est pas contesté que l'employeur avait connaissance depuis décembre 2015 de la seconde grossesse de Mme [Y]. Or, il est constant que Mme [Y] a reçu par courrier recommandé du 24 décembre 2015, un premier avertissement notamment, pour ne pas avoir, malgré les demandes de M. [R], transmis des échantillons de produits ni documents et lui demandant d'être désormais, plus rigoureuse et vigilante sur les fabrications et qu'il lui a été enjoint de transmettre tous les 15 jours un planning avec les appels d'offres reçus, traités et l'avancement de ceux-ci avec dates à tenir ainsi qu'un compte-rendu de son travail quotidien.
Mme [Y] a contesté en réponse par courrier détaillé du 10 janvier 2016, être responsable des dysfonctionnements dénoncés et notamment de l'absence de fourniture desdits échantillons et a relevé que la demande de compte-rendu quotidien impliquerait une charge de travail supplémentaire pourtant déjà lourde. Elle a par ailleurs sollicité de pouvoir discuter de cette charge de travail avec l'employeur en présence du délégué du personnel. L'employeur ne donne aucun élément démontrant que Mme [Y] serait responsable des faits qui lui sont reprochés ni qu'il ait répondu à la demande de la salariée de le rencontrer.
M. [S], ancien agent de production de la SA Alcia Laboratoires qui collaborait avec Mme [Y] , témoigne que M. [R] donnait des ordres contraires à ceux de Mme [Y] allant même jusqu'à demander d'utiliser des matières premières qui n'étaient pas dans la liste de celles prévues. Si ses exigences ne donnaient pas un bon résultat, il missionnait Mme [Y] et son laboratoire pour arranger les problèmes sans prendre en compte le temps perdu. Il atteste qu'à plusieurs reprises, M. [R] «'avait un comportement dominant à l'égard de Mme [Y] lui demandant de se taire en réunion devant toute l'assemblée sans qu'elle puisse donner son point de vue sur une problématique énoncée alors qu'il avait pris le temps d'écouter les autres, lui retirant également des fonctions et responsabilité de décisions pour les donner à d'autres collègues non qualifiés. Il lui demandait finalement des états journaliers de faits et gestes'». Il évoque également de «'multiples avertissements abusifs reçus à des moments précis comme juste après l'annonce de sa 2ème grossesse et après la visite de l'ANSM dans l'entreprise suite à une dénonciation de fraude'».
Mme [P], ancienne collègue de travail, déclare avoir vu une fois Mme [Y] pleurer dans son bureau suite à une réunion avec M. [R] après son retour de congé maternité puis une deuxième fois avant son deuxième congé maternité et témoigne «'qu'elle avait toujours eu l'impression que M. [R] en voulait à Mme [Y]'». Toutefois, Mme [P] se contente ainsi de relater les faits évoqués par Mme [Y] («'il lui reprochait des choses sans lui donner d'exemple. Il lui avait crié dessus et n'expliquait pas ce qui n'allait pas. La communication avec M. [R] était difficile parfois à cause de la barrière de la langue..'», sans en avoir été directement témoin. Elle précise ensuite que son propre retour de congé maternité en 2017 a été difficile, que les relations dans l'entreprise étaient tendues et qu'il y avait beaucoup de travail au sein du laboratoire, n'étant plus qu'à 60% de 35 heures alors que sa remplaçante était à 39 heures, il était difficile de faire face à toutes les demandes, que M. [R] a continué à reprocher à Mme [Y] de ne pas répondre à tous les clients et personne d'autre dans la société ne devait faire un planning de ses tâche et qu'en début 2020 a été blessant avec Mme [Y] , lui a dit qu'elle n'avait rien fait de bien comme produit, ni de «'nouveautés'» et M. [R] n'écoutait pas ses arguments et la contredisait systématiquement.
Mme [M], assistante administrative, indique que de son bureau à proximité de celui de M. [R], elle a pu entendre en mai 2020, au retour du premier confinement, des haussements de ton violents contre Mme [Y] qu'elle avait vue entrer dans le bureau, accompagnés de bruits comme si l'on tapait la main ou le poing sur la table et que dès le début dans l'entreprise, on lui avait clairement dit que ses contacts avec le laboratoire et Mme [Y] n'allaient pas plaire à M. [R] et qu'il fallait qu'elle soit prudente pour ne pas s'attirer des ennuis. Elle confirme que durant l'année 2020, Mme [Y] n'était plus informée ni conviée aux rendez-vous avec les clients, compliquant les échanges.
Il n'est pas contesté que Mme [Y] a sollicité un congé parental d'éduction à 80 % en juin 2016 et a proposé le vendredi comme jour libre. L'employeur a accepté cette demande en lui proposant une demi- journée le vendredi matin (8Heures38-12 H ou 8 H-11H22) et des horaires de 9H à 12 H et de 13 H à 16 H du lundi au jeudi. Mme [Y] a contesté cette proposition qui n'incluait plus comme jusque-là le mercredi après-midi en plus d'une autre journée compte tenu de l'indisponibilité de son assistante maternelle pour son premier enfant le mercredi après-midi, arguant de l'inégalité par rapport à une autre salariée dans la même situation, qui avait obtenu une journée d'absence en plus de sa demi-journée peu important qu'elle ne soit pas cadre. L'employeur lui a répondu qu'au niveau de responsabilité de Mme [Y], il n'était pas évident de concilier vie privée et vie professionnelle et qu'il s'efforçait de tenir compte des impératifs de chacun et de trouver l'organisation la plus adaptée à la bonne marche de la société avant tout. Mme [Y] a donc ensuite renoncé à sa demande congé parental d'éducation à 80 %.
Il doit être noté que Mme [Y] a bénéficié à sa demande en juillet 2015 soit à la suite de sa première grossesse, et à titre exceptionnel, d'un aménagement de ses horaires de travail à temps complet, libérant son mercredi après-midi pour une durée de deux ans jusqu'à la scolarisation de son enfant et, malgré les difficultés évoquées par l'employeur compte tenu de ses fonctions de gestion du personnel travaillant le mercredi.
Mme [Y] a été l'objet d'un second avertissement le 23 mars 2017 lui reprochant son organisation de travail et celui de son équipe, privilégiant certaines tâches à d'autres et avoir perdu un client qui attendait ses échantillons depuis plusieurs semaines, alors même qu'il lui avait alloué une personne supplémentaire à plein temps et un nouveau logiciel. Il lui était également enjoint à compter de ce jour de venir le voir chaque mercredi ou jeudi afin de lui transmettre les appels d'offres, de faire le point sur leur avancement et échanger sur la problématique du laboratoire. L'employeur ne donne aucun élément précis s'agissant des lacunes d'organisation reprochés à Mme [Y].
Mme [Y] a été l'objet d'un troisième avertissement le 6 juin 2019 lui rappelant la consigne de transmission de son planning de service à la direction de manière hebdomadaire.
Mme [T], ancienne responsable projet du 27 avril au 20 octobre 2020 atteste que M. [R] lui indiqué après son entretien d'embauche en présence de Mme [Y], qu'il lui proposait le poste de responsable laboratoires, que Mme [Y] était incompétente, qu'elle avait ensuite senti que les échanges étaient compliqués et qu'elle sentait que M. [R] était contre Mme [Y] et qu'il la critiquait sans cesse devant elle, la mettant dans une situation très inconfortable. Mme [T] précise que M. [R] ne la laissait pas non plus s'exprimer, lui parlait de façon agressive et lui criait dessus dès le 12 mai 2020, disant constamment être insatisfait de leur travail, ainsi retomber les fautes sur le laboratoire, passant en coup de vent sans saluer Mme [Y]. Elle indique avoir été soulagée de quitter l'entreprise.
Le courrier de M. [R] en date du 15 novembre 2020, qui révèle en fait ses difficultés linguistiques en français qui n'est pas sa langue maternelle (utilisation du pronom il ou elle, tournure des phrases et expressions utilisées) ne contient en revanche aucun élément méprisant à l'encontre de la salariée et constitue une réponse aux reproches de Mme [Y]. Il fait également état de son sentiment sur la dégradation de la relation de travail et sur les raisons estimées de son mécontentement s'agissant du non-respect par la salariée des consignes données, rappelant qu'il lui a donné son accord à l'aménagement de son temps de travail et qu'il reste ouvert à la discussion tant quelle ne met pas en place un plan d'obstruction et de manque de collaboration avec le personnel du laboratoire de l'entreprise mais qu'il reste le titulaire du pouvoir d'organisation et de contrôle de l'entreprise.
Il est établi que la SA Alcia Laboratoires a fait procéder le 24 novembre 2020 à une visite médicale de contrôle durant l'arrêt de travail de Mme [Y].
Il est établi que l'employeur n'a régularisé le versement de ses indemnités journalières non versées depuis février 2021 qu'à compter de mars 2021 après la saisine du le conseil des prud'hommes par la salariée et que Mme [Y] n'a été remplie de ses droits au titre des heures supplémentaires qu'après de nombreuses relances, lors du solde de tout compte après licenciement pour inaptitude après la saisine du conseil des prud'hommes et l'audience de conciliation.
Il ressort ainsi de l'analyse des éléments susvisés établis et notamment des attestations, l'existence de relations tendues de M. [R] avec ses salariés face à la charge de travail et un comportement verbal parfois inadapté à leur encontre.
Il appert également l'existence d'une dégradation des relations de travail entre M. [R] et Mme [Y] à compter de la naissance de son premier enfant et l'absence de satisfaction de l'employeur sur le travail effectué par Mme [Y], se manifestant par l'exercice de son pouvoir de sanction et de direction à l'égard de Mme [Y] sous la forme de contrôles hebdomadaires de plus en plus renforcés et d'avertissements non fondés sur des éléments précis et objectifs ainsi que des critiques du travail de Mme [Y] auprès de ses collaborateurs.
Il est également établi que l'employeur a manqué à l'obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail en ce qu'il n'a pas satisfait à son obligation de rémunération de Mme [Y] à son coefficient à compter d'avril 2013 ni effectué de rappel de salaire rétroactif après avoir augmenté son coefficient en juillet 2014 à sa demande, et qu'elle n'a jamais bénéficié d'entretien professionnel à l'instar du reste des salariés, qu'elle n'a été régularisée du paiement de 24 heures supplémentaires pour 2020 en juin 2021, soit postérieurement à la saisine du le conseil des prud'hommes et n'a pas bénéficié de chèques cadeau en 2020 malgré ses demandes par mail en décembre 2020.
Il doit être constaté que les relations professionnelles se sont dégradées à la suite de la première grossesse de Mme [Y], celle-ci sollicitant son employeur à deux reprises un aménagement de ses horaires de travail et l'employeur lui faisant part de l'impossibilité pour l'entreprise de satisfaire l'intégralité de ses demandes compte tenu de ses responsabilités et de l'intérêt de l'entreprise puis la sanctionnant à plusieurs reprises et adoptant un comportement inadapté à son encontre y compris devant d'autres salariés.
Mme [Y] présente ainsi des éléments de fait suffisamment précis et concordants laissant supposer l'existence d'un comportement discriminatoire de la part de la SA Alcia Laboratoires lié à ses grossesses et sa situation de famille.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les comportements et faits établis sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La SA Alcia Laboratoires n'apporte aucun élément permettant de justifier le bien fondé des sanctions adressées à la salariée dont il doit être noté qu'elle n'avait jamais été sanctionnée depuis le début de la relation de travail en 2008.
L'employeur ne justifie pas comme conclu, avoir été relancé par un client important de la société qui se plaignait de ne pas avoir obtenu de retour de Mme [Y] malgré ses relances, ni de la nécessité de contrôler Mme [Y] de manière hebdomadaire. La SA Alcia Laboratoires ne démontre pas non plus que la salariée se plaçait délibérément en opposition de restitution d'un planning tous les 15 jours comme enjoint à la suite du premier avertissement.
L'attestation de Mme [V], responsable des ventes par ailleurs encore en lien de subordination avec la SA Alcia Laboratoires et non corroboré , qui affirme que Mme [Y] «'n'arrivait pas à obtenir de réponses, les demandes des clients n'étant jamais assez précises selon elle «', qu'elle a refusé de se mettre directement en contact avec les clients pour les questions techniques et lui a transmis à la place un brief à adresser aux clients en indiquant qu'en cas de difficulté à remplir, ils pourraient la contacter mais n'était jamais disponible en raison d'un planning trop chargé, que les points en réunions hebdomadaires mis en place étaient «'tout simplement des copier/coller semaine après semaine car elle confirmait que cela lui prenait trop de temps pour mettre à jour et qu'elle attendait les priorités de la part de la direction'», ne démontre pas que Mme [Y] refusait de se plier aux directives de l'employeur mais qu'elle se disait dans l'impossibilité de le faire compte tenu de sa charge de travail, dont elle a d'ailleurs demandé à discuter avec l'employeur à plusieurs reprises. Le seul fait que Mme [V] n'ait pas été témoin de brimades ou de remontrances de la part de la direction, ne démontrant pas leur absence.
Le fait conclu par la SA Alcia Laboratoires d'avoir accepté d'aménager les horaires de travail de la salariée à sa demande après sa première grossesse, ne démontre pas que le comportement adopté par l'employeur à partir de cette période était exempt d'un comportement discriminatoire en raison de la situation familiale de Mme [Y], celle-ci la rendant probablement moins disponible et la charge de travail de l'entreprise objectivement plus difficile à gérer pour l'employeur.
La SA Alcia Laboratoires ne justifie par ailleurs pas des raisons objectives de l'absence de délivrance de chèques cadeaux de fin d'année malgré les demandes de la salariée.
L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [Y] et pris dans leur ensemble sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le harcèlement discriminatoire à raison de la grossesse et de la situation familiale est ainsi établi.
Le harcèlement discriminatoire ainsi établi présente une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul à la date du licenciement, soit le 7 mai 2021. La décision déférée doit être confirmée sur ce point.
Il convient toutefois d'infirmer le quantum des dommages et intérêts pour licenciement nul et de condamner la SA Alcia Laboratoires à lui verser la somme de 42'093,36 €.
Il convient de confirmer la décision déférée en ce que la SA Alcia Laboratoires a été condamnée à verser à Mme [Y] les sommes suivantes':
- 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents
- 10 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement discriminatoire
Il convient également, par voie d'infirmation du jugement déféré sur le quantum, de condamner la SA Alcia Laboratoires à indemniser Mme [Y] à hauteur de 5 000 €, faute pour l'employeur de justifier d'avoir mis en œuvre des mesures pour analyser sa situation suite à son alerte par courrier du 3 novembre 2020 avec copie à l'inspection du travail, dans lequel elle fait état de la dégradation de ses conditions de travail, détaille l'ensemble des faits reprochés, évoque ce qu'elle ressent comme des pressions et des brimades, du harcèlement moral et de la discrimination en raison de son sexe et de sa situation familiale, et la dégradation de son état de santé.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail':
Moyens des parties :
Mme [Y] soutient que l'employeur n'a pas exécuté loyalement son contrat de travail au visa de l'article L. 1222-1 du code du travail de manière délibérée, demande des dommages et intérêts à ce titre et expose que la SA Alcia Laboratoires a':
- Payé tardivement son rappel d'heures complémentaires et supplémentaires postérieurement à la saisine du le conseil des prud'hommes après avoir tenté de falsifier les feuilles de pointage et faire disparaitre des heures supplémentaires
- Payé tardivement le rappel de salaire au titre du non-respect des minimas conventionnels
- Communiqué tardivement les documents de fin de contrat avec des irrégularité retardant la possibilité pour Mme [Y] de faire valoir ses droits au chômage
La SA Alcia Laboratoires affirme pour sa part qu'elle a toujours répondu à Mme [Y] avec diligence et célérité et que Mme [Y] ne justifie pas d'un comportement déloyal de sa part ni d'un préjudice. Il soutient que Mme [Y] a été remplie de ses droits pour les heures supplémentaires et qu'elle ne fait d'ailleurs aucune demande de paiement à ce titre, et qu'elle n'a été alertée de l'erreur relative à la valeur du point que Par courriel du 1er mars 2021, les modifications ayant été faites dès le 11 mars 2021 sur la base d'un rappel de salaire à compter du mois de mars 2020.
Sur ce,
Aux termes des dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. L'employeur doit en respecter les dispositions et fournir au salarié le travail prévu et les moyens nécessaires à son exécution en le payant le salaire convenu. Le salarié doit s'abstenir de tout acte contraire à l'intérêt de l'entreprise et de commettre un acte moralement ou pénalement répréhensible à l'égard de l'entreprise. Il lui est notamment interdit d'abuser de ses fonctions pour s'octroyer un avantage particulier.
Il ressort des éléments versés aux débats que Mme [Y] n'a été remplie de ses droits au titre des heures supplémentaires après de nombreuses relances, que lors du solde de tout compte après le licenciement pour inaptitude après la saisine du conseil des prud'hommes et l'audience de conciliation.
L'employeur justifie avoir été alerté par un de ses salariés de son erreur relative à l'augmentation de la valeur du point depuis mars 2020, le 21 janvier 2021'et avoir régularisé le rappel de salaire dû à ce titre à Mme [Y] en février 2021.
La SA Alcia Laboratoires ne conclut pas sur la tardivité de la délivrance des documents de fin de contrat et Mme [Y] justifie par des échanges de mails avec le service comptabilité de son employeur qu'au 9 juin 2021, elle a «'reçu très tardivement ses documents de fin de contrat, ce qui ne m'a pas permis de percevoir mes indemnités ARE pour le moment et je n'ai toujours pas reçu mon salaire et mes indemnités de licenciement'», le service comptabilité ne contestant pas et répondant qu'il transmet son message à M. [R] qui prend toutes les décisions, tous les paiements étant faits avec son accord.'
Il n'est par ailleurs pas contesté par l'employeur que les documents finalement transmis présentaient des irrégularités et des omissions.
Il convient par conséquent de juger par voie de confirmation du jugement déféré que l'employeur a manqué à l'exécution loyale du contrat de travail et qu'il doit être condamné à payer à Mme [Y] la somme de 5'000'€ de dommages et intérêts à ce titre.
Sur le remboursement des allocations chômage:
Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.
Sur la remise d'une attestation pôle emploi et d'un bulletin de salaire rectifiés:
Il convient de confirmer la décision déférée qui a ordonné à la SA Alcia Laboratoires de remettre à Mme [Y] un bulletin de salaire et une attestation Pôle emploi et un certificat de travail lui permettant notamment d'exercer son droit aux prestations sociales. Il convient de préciser que ces documents seront conformes au présent arrêt et délibvrés dans le mois de la notification ou de l'éventuel acquiescement à la présente décision
La demande d'astreinte sera en revanche infirmée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires':
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La SA Alcia Laboratoires, partie perdante qui sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à Mme [Y] la somme de 2'500 € au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':
- Condamné la société ALCIA LABORATOIRES pour faits de harcèlement moral discriminatoire, et non-respect de son obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail;
- Prononcé la nullité du licenciement pour inaptitude de Mme [Y] ;
- Condamné la SA Alcia Laboratoires à verser à Mme [Y] les sommes de :
- 10 513,29 € bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis
- 1 051,33 € bruts au titre des congés payés afférents
- 10 000 € nets de dommages et intérêts pour harcèlement moral discriminatoire
- 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
- 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Ordonné à la SA Alcia Laboratoires de rectifier et de remettre à Mme [Y] des documents de fin de contrat (certificat de travail, attestation pôle emploi et fiche de paie)
- Dit que le présent jugement est de droit exécutoire dans la limite fixée par l'article R.1454-28 du Code du travail ;
Condamné la SA Alcia Laboratoires aux entiers dépens.
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
CONDAMNE la SA Alcia Laboratoires à payer à Mme [Y] les sommes suivantes':
- 42'093,36 € de dommages et intérêts pour licenciement nul
- 5'000 € de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation légale de sécurité
Y ajoutant,
REJETE la demande d'astreinte,
ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de trois mois, Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction.
DIT qu'une copie de la présente décision sera adressé à Pôle Emploi à la diligence du greffe de la présente juridiction,
CONDAMNE la SA Alcia Laboratoires à payer la somme de 2 500 € à sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
DIT n'y avoir à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la SA Alcia Laboratoires aux dépens d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 25 Janvier 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY,Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier La Présidente