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Décisions

CA Montpellier, ch. com., 16 janvier 2024, n° 22/02209

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

OCMJ (Selas)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Demont

Conseillers :

Mme Bourdon, M. Graffin

Avocats :

Me Vidal, Me Bertrand

T. com. Montpellier, du 8 avr. 2022, n° …

8 avril 2022

FAITS, PROCEDURE -PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Par acte authentique en date du 15 novembre 2006, la SARL Ambulances de [Localité 5] (la société A.D.E.L.) a acquis auprès de la SARL Centre Ambulancier et Pompes Funèbres du Lodévois, dont la gérante est Mme [J] [D], un fonds de commerce d'ambulances, taxis et transports publics de personnes sur [Localité 5] pour un prix de 280'000 euros.

Cet acte prévoit la location des licences de taxi à la société A.D.E.L. par Mme [D], titulaire des licences, jusqu'à la date possible de cession, pour un loyer de 1 euro par an.

Par acte authentique complémentaire en date du 4 janvier 2007, Mme [D], titulaire des autorisations de stationnement délivrées par les communes de [Localité 5], d'[Localité 7] et de [Localité 4], s'est engagée à louer à la société A.D.E.L. l'ensemble des quatre licences jusqu 'à la date possible de cession moyennant un euro par an et ce rétroactivement depuis le 1er novembre 2006. L'acte indique qu'en cas de décès de Mme [D], la société A.D.E.L. pourra exercer un droit de préemption sur les licences.

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 19 avril 2019, la société Ambulances de [Localité 5] a fait l'objet d'un redressement judiciaire et la SELAS OCMJ, en la personne de M. [K] [V], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire, puis par jugement du 6 novembre 2020, de l'ouverture d'une liquidation judiciaire, la société OCMJ en la personne de M. [K] [V], devenant mandataire liquidateur.

En réponse à la demande de Mme [D] en date du 2 mars 2020, le mandataire judiciaire lui a indiqué que la société A.D.E.L. entendait poursuivre les contrats de location. Il a réitéré cette volonté de poursuite du contrat dans un courrier en date du 18 février 2021 en réponse à une seconde demande de Mme [D] par le biais de son conseil.

Par lettre recommandée avec avis de réception signé le 6 avril 2021, Mme [D] s'est prévalue auprès du liquidateur judiciaire de la résiliation de plein droit du contrat de location pour non-paiement du loyer en application de l'article L. 622-13-II-2° du code de commerce.

Par acte sous seing privé en date du 17 août 2021, Mme [D] a cédé à la SARL ABC Transports les autorisations de stationnement et licence de taxis sur la commune de [Localité 4] et la commune d'[Localité 7] pour un prix de 120'000 euros.

Le 4 octobre 2021, la société OCMJ, en la personne de M. [K] [V], ès qualités, a fait procéder à une saisie conservatoire (non contestée) sur le compte CARPA de Me Vidal, avocat co-rédacteur de l'acte de cession, à hauteur de 120'000 euros.

Par acte d'huissier en date du 14 octobre 2021, la société OCMJ, en la personne de M. [K] [V], ès qualités, a assigné devant le tribunal de commerce de Montpellier Mme [D] afin d'entendre juger que la société A.D.E.L. est propriétaire des deux licences valant autorisation de taxi sur les communes d'Octon et de [Localité 4] et de la voir être condamnée à lui payer la somme de 120'000 euros perçue dans le cadre d'une cession de ces licences à un tiers.

Mme [D] a porté plainte contre X auprès du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Montpellier les 20 octobre et 13 décembre 2021, puis le 21 avril 2022 auprès du doyen des juges d'instruction de ce tribunal et versé une consignation le 24 mai 2022 pour des faits de tentative d'escroquerie au jugement et de faux visant une convention en date du 1er novembre 2006 et une attestation en date du 23 novembre 2006.

Le tribunal de commerce de Montpellier, par jugement contradictoire du 8 avril 2022, a :

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par Mme [D],

- dit que la société Ambulances de [Localité 5] aurait dû se voir transférer par Mme [D] la titularité des 2 licences valant autorisation de stationnement de taxi sur les communes d'[Localité 7] et de [Localité 4] et que Mme [D] a engagé sa responsabilité en les cédant à un tiers alors qu'elles faisaient partie de l'actif de la société Ambulances de [Localité 5],

- condamné en conséquence, compte tenu de la cession opérée à un tiers par Mme [D], au mépris des droits de la société Ambulances de [Localité 5], à payer, au besoin à titre de dommages et intérêts le prix de cession desdites autorisations de stationnement de taxi, soit la somme de 120 000 euros, outre intérêts à compter de l'assignation,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la société Ambulance de [Localité 5] à payer à la requérante la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [D] aux entiers dépens.

Par déclaration du 22 avril 2022, Mme [D] a relevé appel de ce jugement.

Par conclusions du 19 septembre 2022, elle demande à la cour au visa des articles 1134, 1165 du code civil dans leur version antérieure au 1er octobre 2016, 1383 dans sa rédaction actuelle et des articles L110-1 et suivants, L662-13, R627-1 du code de commerce et de l'article L3121-2 du code des transports de :

- dire recevable la concluante en son appel et conclusions,

- dire nul le jugement du fait notamment des graves erreurs de droit dont il est entaché, et notamment du fait de la violation manifeste de l'article 12 code de procédure civile (absence de qualification juridique de la sanction), l'article 6 de la CEDH, en ne tenant aucun compte de la position de la concluante (et en lui attribuant celle de son adversaire), en manquant à l'indépendance et à l'impartialité notamment, de même qu'en n'ayant pas répondu aux questions posées par la concluante, notamment,

- en tout état de cause, réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- statuant à nouveau, in limine litis juger qu'une autorisation de stationnement de taxi ne saurait être la propriété de quiconque, et est hors du commerce,

- juger qu'en conséquence l'intimée ne saurait en revendiquer la propriété ni pour elle-même ni pour un tiers,

- juger que le tribunal de commerce de Montpellier aurait dû se dire incompétent au profit du tribunal judiciaire de Montpellier, l'article R662-3 du code de commerce n'étant pas applicable en l'espèce, car la question de la « cession » des ADS ou de leur transfert de titularité prétendument à titre gracieux, qui est la seule question posée, se serait posée de la même manière si la société Ambulances de [Localité 5] n'avait pas été soumise à une procédure collective, la réponse à cette question étant sans influence juridique sur la procédure collective en cours, et la procédure collective en cours étant sans influence juridique sur la question posée,

- dire irrecevable la demande de voir juger que la société Ambulances de [Localité 5] serait propriétaire des « licences » des communes d'[Localité 7] et de [Localité 4] si d'aventure l'intimée devait la formuler à nouveau, une autorisation de stationnement étant hors du commerce et ne pouvant pas être possédée en conséquence,

- dire irrecevable la demande subséquente de voir condamner la concluante à payer la somme de 120 000 euros et ses accessoires au titre de l'assignation,

- débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes,

- juger que l'intimée fait l'aveu judiciaire que la concluante était la seule titulaire des autorisations administratives de stationnement de taxi sur les communes d'[Localité 7] et de [Localité 4],

- rejeter l'ensemble des pièces produites par l'intimée visées par des plaintes pour faux, l'action publique ayant été mise en mouvement, et en particulier ses pièces 6, 7, 11 de première instance,

- à titre principal, juger que la concluante est tiers aux actes de cession du fonds de commerce de Centre Ambulancier Pompes Funèbres du Lodevois au profit de la société Ambulances de [Localité 5], n'étant intervenue qu'en qualité de gérante de la société cédante et pas à titre personnel, ces actes ne produisant aucun effet à son égard,

- juger que les autorisations de stationnement dont elle était titulaire (comme avoué judiciairement par l'intimée) ont seulement fait l'objet d'une location au profit de la société Ambulances de [Localité 5] qui en était l'exploitante, et pas d'une promesse de transfert à titre gracieux, à laquelle s'oppose en tout état de cause le droit de préemption qui aurait été accordé,

- juger que le contrat de location a pris fin du fait de la non-exécution par la société Ambulances de [Localité 5] de son obligation de paiement, déliant les parties de toute obligation présente ou future et en particulier de toute obligation accessoire à la location, y compris de dévolution ou d'exclusivité d'un droit de présentation, qui aurait pris fin en même temps que le contrat de location, inexécuté par la société Ambulances de [Localité 5] et résilié de plein droit de ce fait,

- juger que la concluante était donc libre de présenter tout successeur qui lui convenait, étant rappelé qu'elle a proposé à plusieurs reprises à la société Ambulance de [Localité 5] par l'intermédiaire de son conseil de bénéficier de la présentation pour un prix à convenir,

- juger qu'en présentant un successeur à l'administration, la concluante n'a fait qu'user de la prérogative que lui octroyait l'article L3121-2 du code des transports, et que le demandeur ne peut rien réclamer à ce titre, en l'état d'absence d'obligation à son égard (qu'elle n'ait jamais existé ou qu'elle soit éteinte du fait de la résiliation de son fait de la location des autorisations de stationnement),

- juger pour le surplus que les dirigeants de la société Ambulances de [Localité 5] ne présentant pas les garanties requises pour que les licences soient transférées à la société Ambulance de [Localité 5], même dans l'hypothèse absurde soutenue par l'intimée, le transfert de titularité n'aurait pas pu avoir lieu au profit de la société Ambulances de [Localité 5] qui ne subit donc aucun préjudice,

- débouter l'intimée de l'ensemble de ses demandes,

- débouter l'intimée de tout appel incident et des demandes subséquentes,

- à titre reconventionnel, condamner l'intimée à payer à la concluante la somme de 50 000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner l'intimée à lui payer à compter du 10 février 2022 et jusqu'à restitution de l'ensemble des 120 000 euros à la concluante, le taux d'intérêt légal lorsque le créancier est un particulier, sur les sommes retenues, (taux majoré en cas d'inexécution dans les deux mois de l'obligation de donner mainlevée),

- condamner l'intimée à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'intimée aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les sommes prévues par les articles R444-3 et ses annexes, et A444-31 du code de commerce, portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, ajoutées en sus aux sommes auxquelles elle sera condamnée et laissés entièrement à sa charge.

Au soutien de son appel, elle fait essentiellement valoir que

- le jugement n'a pas qualifié les sommes allouées et se borne à recopier servilement les conclusions de l'intimée,

- une autorisation de stationnement relative aux taxis est incessible, le titulaire peut présenter à titre onéreux un successeur à l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation'; Mme [D] était titulaire et la société Centre ambulancier et pompes funèbres du Lodevois, comme la société A.D.E.L, étaient exploitantes,

- les autorisations de stationnement sont hors commerce, elles ne peuvent faire l'objet d'actes de commerce et la demande de propriété à leur égard est irrecevable,

- l'acte portant sur les autorisations administratives ne peut être un acte de commerce et Mme [D] n'est pas commerçante ; le tribunal de commerce n'était pas compétent

- la procédure devant le tribunal de commerce étant orale, l'exception d'incompétence n'était pas tardive et a bien été soulevée in limine litis

- peu importe que la société A.D.E.L. soit sous le coup d'une procédure collective, la question du transfert de titularité des autorisations se serait posée de la même manière,

- les demandes additionnelles de l'intimée ne présentaient pas de lien suffisant avec la demande initiale et étaient de ce fait irrecevables, le tribunal ayant omis de statuer sur cette fin de non-recevoir,

- l'acte de cession ne vise pas dans les éléments constitutifs du fonds de commerce les autorisations administratives, dont seule Mme [D] était titulaire alors qu'elle n'était pas partie à l'acte,

- Mme [D] s'est seulement engagée à louer les autorisations administratives et le droit de préemption prévu confirme l'absence de «'dévolution automatique'»,

- Mme [D] n'était pas partie à l'acte', sauf en qualité de gérante et n'a souscrit aucune engagement de cession à titre gracieux,

- les actes sous seing privé font l'objet d'une plainte pour faux,

- l'acte du 17 août 2021, cédant les deux autorisations à un tiers avec une clause de garantie, n'entérine nullement la thèse de l'intimée,

- le liquidateur a laissé la location prendre fin,

- elle a subi un préjudice moral, les sommes bloquées doivent porter intérêt à compter de la date à laquelle elles auraient dû être libérées.

Par conclusions du 21 juillet 2022, la société OCMJ , en la personne de M. [K] [V], ès qualités, demande à la cour de :

- rejeter l'appel de Mme [D] comme infondé, et la débouter de toutes ses demandes,

- confirmer la décision attaquée et condamner Mme [D] à lui payer la somme de 120 000 euros, outre intérêts à compter de l'assignation, et de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en cause d'appel,

- condamner Mme [D] aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement.

Elle expose en substance que

- le jugement répond aux différents arguments de Mme [D],

- l'exception d'incompétence n'a pas été soulevée in limine litis puisque des conclusions sur le fond avaient été préalablement déposées, elle aurait dû être jugée irrecevable,

- l'exception d'incompétence est infondée en ce que son action tend à reconstituer l'actif de la société liquidée en application des règles applicables en matière de procédures collectives qui sont d'ordre public et le tribunal est compétent en application de l'article R662-3 du code de commerce,

- Mme [D] n'a pas revendiqué les deux licences transférées ([Localité 5]) suite à la publication du jugement de redressement judiciaire au Bodacc,

- la plainte simple n'a pas été suivie d'effet,

- Mme [D] n'a jamais remis en cause son engagement au regard d'un défaut de signature,

- elle a elle-même reconnu postérieurement qu'elle s'était engagée à titre personnel (courrier du 14 avril 2014 et courriel du 3 décembre 2019),

- seules deux licences sur les quatre n'ont pas été transférées,

- la cession de fonds de commerce incluait nécessairement les licences dont Mme [D] était titulaire, elle s'est engagée à les transférer à titre gratuit lorsque celles-ci deviendraient cessibles et à les louer dans l'intervalle,

- les demandes ont été modifiées dans les termes mais sont restées inchangées, au besoin, si elles étaient qualifiées de demandes additionnelles, elles sont parfaitement recevables compte tenu d'un lien suffisant,

- la somme saisie conservée (sur autorisation judiciaire) ne lui est pas destinée et ne peut porter intérêt à son profit.

Il est renvoyé, pour l'exposé exhaustif des moyens des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Le ministère public, auquel le dossier de l'affaire a été communiqué et qui a été informé de la date d'audience, n' a pas fait connaître son avis.

L'ordonnance de clôture est datée du 7 novembre 2023.

MOTIFS de la DECISION :

1- sur la nullité du jugement

Selon les dispositions des articles 455 alinéa 1 et 458 du code de procédure civile, le jugement doit être motivé à peine de nullité.

Le jugement peut être annulé lorsque sa motivation est entachée de partialité consécutivement à la manifestation d'un parti pris ou d'un préjugé à l'égard d'une partie.

En l'espèce, l'énoncé des moyens de Mme [D], qui correspond à celui de la société OCMJ ès qualités, est une erreur de plume manifeste, qui n'a pas porté atteinte au droit de celle-ci d'être entendue par un juge impartial en ce que le jugement répond dans sa motivation à chacun de ses moyens et prétentions, y compris, implicitement, concernant la fin de non-recevoir relative au prétendu caractère additionnel des demandes de l'autre partie en statuant sur le fond de ces demandes.

Un défaut de qualification juridique, à l'instar d'une erreur de droit ou de fait, ne peut fonder l'annulation d'un jugement, mais sa réformation, étant relevé que le premier juge a qualifié les sommes allouées de dommages-intérêts conformément à la demande dont il était saisi, sans, pour autant, que cette qualification traduise une appréciation préconçue à l'encontre de Mme [D], celle-ci résultant d'un raisonnement en des termes propres, fondant la décision, sans que le premier juge ait, en tout état de cause, à entrer dans le détail de l'argumentation des parties.

La seule circonstance que le tribunal ait tranché le litige dans un sens défavorable à cette dernière ne suffit pas à établir sa partialité'; le jugement ne contient aucun parti pris ou préjugé manifestement incompatible avec l'exigence d'impartialité, de sorte que la demande d'annulation de celui-ci sera rejetée.

2- sur la compétence du tribunal de commerce

L'article R 662-3 du code de commerce prévoit que sans préjudice des pouvoirs attribués en premier ressort au juge-commissaire, le tribunal saisi d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires, l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, la faillite personnelle ou l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à l'exception des actions en responsabilité civile exercées à l'encontre de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur qui sont de la compétence du tribunal judiciaire.

Le tribunal de la procédure collective est, ainsi, compétent pour connaître des contestations nées de cette procédure ou sur lesquelles elle exerce une influence juridique.

Outre qu'en l'espèce, l'action du mandataire liquidateur, qui tend à la reconstitution de l'actif de la société débitrice, s'inscrit dans la conduite des opérations de liquidation au titre de ses fonctions, la présente cour est juridiction d'appel tant du tribunal de commerce de Montpellier que du tribunal judiciaire de cette même ville, étant relevé que le premier juge a statué sur l'exception d'incompétence, qui lui était soumise, après l'avoir qualifiée de tardive, de sorte que l'exception d'incompétence sera rejetée.

2 - sur les irrecevabilités':

Selon l'article 1 de la loi n°95-66 du 20 janvier 1995 relative à l'accès à l'activité de conducteur et à la profession d'exploitant de taxi, en vigueur à la date de la cession, l'appellation de taxi s'applique à tout véhicule automobile de neuf places assises au plus, y compris celle du chauffeur, muni d'équipements spéciaux, dont le propriétaire ou l'exploitant est titulaire d'une autorisation de stationnement sur la voie publique en attente de la clientèle, afin d'effectuer à la demande de celle-ci et à titre onéreux le transport particulier des personnes et de leurs bagages.

Selon l'article 3 de cette loi, le titulaire de l'autorisation de stationnement a la faculté de présenter à titre onéreux un successeur à l'autorité administrative, qui a délivré celle-ci.

Les dispositions de l'article L. 3121-2 du code des transports, dans leur version issue de la loi n°2014-1104 du 1er octobre 2014, en vigueur à compter du 3 octobre 2014, précisent que si l'autorisation de stationnement est incessible, le titulaire de l'autorisation de stationnement, délivrée avant la promulgation de cette loi, a la faculté de présenter à titre onéreux un successeur à l'autorité administrative compétente pour la délivrer.

Si la demande initiale de la société OCMJ ès qualités tendant à «'devenir propriétaire et recevoir le prix de vente'»''était erronée dans sa formulation au regard du statut d'une autorisation de stationnement relative aux taxis, celle-ci, comme le relève l'appelante, l'a amendée dans ses dernières conclusions, sans former, pour autant, de demandes nouvelles, susceptibles d'être irrecevables, qui, seules liaient le tribunal, en sollicitant une indemnisation à hauteur du prix de la cession intervenue en fraude de ses droits tenant à la promesse de la faire bénéficier d'un transfert de titularité, de sorte qu'aucune irrecevabilité n'était encourue.

3- sur le rejet des pièces n°6, 7 et 11 du dossier de l'intimé

La mise en oeuvre de l'action publique ne peut suffire à écarter des pièces régulièrement versées aux débats alors que Mme [D] ne sollicite aucun sursis à statuer, ni même n'a saisi la cour d'un incident de faux, régi par les articles 299 et suivants du code de procédure civile.

Au demeurant, la plainte pénale, en date du 19 octobre 2021, vise les pièces figurant dans le dossier de l'intimée sous les numéros 6 et 7, qui correspondent, pour la première, à un écrit signé par Mme [D], daté du 23 novembre 2006, intitulé «'TRANSFERT DES LICENCES'» (sic), et, pour la seconde, à une «'convention relative aux modalités de location d'autorisation administrative de stationnement de taxis», datée du 1er novembre 2006, selon laquelle la société Pompes funèbres du Lodévois et la société A.D.E.L. sont convenues que les quatre véhicules, faisant l'objet d'une autorisation de stationnement détenue par Mme [D], qui appartiennent à la société A.D.E.L., seront immatriculés au nom de Mme [D], que la société A.D.E.L. en conserve la charge financière, et que tout changement de véhicule doit être porté à la connaissance de Mme [D] afin qu'elle soit en mesure de solliciter auprès de la commune concernée un arrêté d'autorisation de stationnement modificatif.

Mme [D] ne développe, ni dans la présente instance, ni dans sa plainte pénale, aucune argumentation pour étayer le caractère argué de faux de l'acte en date du 23 novembre 2006, intitulé «'TRANSFERT DES LICENCES».

Au demeurant, le contenu de cet acte reprend celui d'une clause intitulée «'transfert des licences'» figurant dans l'acte authentique en date du 15 novembre 2006.

Si la convention relative aux modalités de location d'autorisation administrative de stationnement de taxis porte, de façon manifestement erronée, la date du 1er novembre 2006 alors qu'elle vise l'acte authentique en date du 4 janvier 2007 et un décret en date du 6 juillet 2011 et n'a pu être rédigée que postérieurement à cette dernière date, elle traduit la volonté des parties de la voir rétroagir au 1er novembre 2006 (à l'instar de l'acte authentique du 4 janvier 2007) sans caractériser, en elle-même, la moindre altération de la vérité ou une quelconque fraude.

Enfin, Mme [D] argue de faux la pièce n°11 du dossier de l'intimée, qui correspond à une lettre en date du 14 avril 2014, dont elle serait l'auteur en vertu d'une signature, qu'elle dénie. La plainte pénale ne vise pas cette pièce tandis que la signature y figurant est en tous points similaire à celles que Mme [D] ne conteste pas avoir apposées sur d'autres pièces versées aux débats telles que, notamment, des lettres en date du 2 mars 2020, qu'elle a adressées à la société A.D.E.L. et au liquidateur. (pièces n°15 et 16- dossier appelant).

La demande tendant à écarter des débats les pièces numérotées 6, 7 et 11 produites en première instance et à hauteur de cour (sous les mêmes numéros) par la société OCMJ ès qualités, en ce qu'elles sont visées par une plainte pour faux en date du 19 octobre 2021, sera donc rejetée.

4 - sur le périmètre de la cession

L'acte authentique de cession, en date du 15 novembre 2006, prévoit dans son article relatif à la désignation du fonds de commerce cédé, que la cession porte sur' l'activité d'ambulance, taxi, VSL et transports publics de personnes ainsi que les éléments incorporels et corporels du fonds, à savoir la clientèle, l'achalandage, attachés à la branche d'activité cédée, les contrats de crédits-baux en cours concernant six véhicules énumérés, dont deux taxis, le droit au bail, les matériels, agencements et installations servant à l'exploitation, ainsi que l'universalité de fait, que constitue ce fonds, avec tous ses éléments le composant sans aucune exception, ni réserve.

Le vendeur doit délivrer la chose avec ses accessoires et tout ce qui est destiné à son usage.

L'activité de transport de personnes et d'artisan-taxi nécessite, pour pouvoir se matérialiser, la titularité, ou à défaut la location, d'une autorisation de stationnement de taxi délivrée par les autorités administratives compétentes, celle-ci étant un élément incorporel accessoire indispensable.

L'acte authentique de cession prévoit au sein d'une clause intitulée «'transfert des licences'», en page 4, que les licences de taxi des communes d'[Localité 7] et de [Localité 4] n'étant pas cessibles, Mme [D], titulaire des licences, s'engage à louer à la société A.D.E.L. l'ensemble des licences et ce jusqu 'à la date possible de cession, le prix de location étant de 1 euro par an et la société A.D.E.L. s'engage à rembourser les loyers afférents à ces véhicules.

L'acte authentique en date du 4 janvier 2007 réitère cet accord entre les parties, en ajoutant les licences de taxi pour la commune de [Localité 5].

Cette clause de transfert de l'acte de cession traduit, ainsi, sans ambiguïté, l'intention commune et la volonté des parties d'une cession d'un fonds de commerce d'activité de taxis comprenant la présentation d'un successeur pour obtenir les autorisations administratives idoines dans le cadre d'un prix global, la location desdites autorisations ne résultant que de leur caractère incessible à la date de la cession et ayant été fixée à hauteur d'un prix dérisoire.

Cette clause consacre un engagement de Mme [D] à l'égard du cessionnaire.

A ce titre, Mme [D] a elle-même, dans un courrier en date du 14 avril 2014, sollicité la société A.D.EL. pour lui transférer les autorisations administratives, relatives à la commune de [Localité 5], ce qui est devenu effectif selon arrêtés du maire de cette ville des 17 octobre et 7 novembre 2014 et ce, sans solliciter un quelconque paiement. Elle s'est, également, dans un courriel en date du 3 décembre 2019, rapprochée du liquidateur pour lui faire part de ses doutes sur la possibilité de transférer les deux autorisations de stationnement restantes au regard d'éventuelles condamnations pénales du dirigeant de la cessionnaire sans évoquer toute autre difficulté.

Le droit de préemption , prévu par l'acte authentique ne remet pas en cause l'accord des parties en ce qu'il s'agissait pour celles-ci de qualifier à l'égard des héritiers, susceptibles de s'opposer à la cession déjà intervenue, sauf dans ses effets relatifs aux autorisations administratives, la présentation à laquelle Mme [D] s'était engagée.

Il en résulte que la présentation d'un successeur pour obtenir les autorisations administratives nécessaires à l'exploitation de l'activité de taxi cédée, ayant été transmises avec ledit fonds, Mme [D] ne pouvait procéder à une seconde cession, comme elle l'a fait par acte sous seing privé en date du 17 août 2021, peu important la résiliation du contrat de location, dont elle se prévaut, celui-ci ne visant qu'à différer l'entrée en jouissance par le cessionnaire desdites autorisations.

Enfin, la cession n'étant nullement conditionnée à des «'garanties'» (sic) que devaient présenter les dirigeants de la société cessionnaire, le moyen tiré de l'absence de celles-ci est inopérant, étant rappelé le transfert, effectué en 2014, pour deux autorisations.

Ayant empêché la délivrance par le vendeur d'un accessoire de la chose convenue et violé son propre engagement, résultant de la clause de transfert, Mme [D] a commis un manquement à l'égard de la société A.D.E.L, qui a entraîné, pour cette dernière, un préjudice consistant dans la perte desdites autorisations et sera évalué au montant indûment perçu dans le cadre de la seconde vente, qu'elle devra lui verser.

Les demandes d'indemnisation de Mme [D] seront rejetées.

Mme [D], qui succombe tant en première instance qu'en appel, ne peut démontrer que l'action de la société A.D.E.L. serait abusive'; sa demande de dommages-intérêts à ce titre sera rejetée.

Le jugement sera confirmé et complété.

5- sur les autres demandes

Mme [D] sera condamnée aux dépens et au vu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la somme de 3 000 euros, sa demande sur ce fondement étant rejetée et le jugement, qui a prononcé une condamnation sur ce fondement de la société A.D.E.L., étant rectifié d'office.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la demande d'annulation du jugement déféré,

Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a condamné la société Ambulances de [Localité 5] à payer à la société OCMJ ès qualités la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ce chef de jugement rectifié d'office,

Condamne Mme [J] [D] à verser à la SELAS OCMJ, en la personne de M. [K] [V], ès qualités, la somme de 1'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Y ajoutant,

Rejette la demande tendant à écarter des débats les pièces numérotées 6, 7 et 11 produites par la SELAS OCMJ, en la personne de M. [K] [V], ès qualités,

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par Mme [J] [D]';

Condamne Mme [J] [D] à payer à la SELAS OCMJ, en la personne de M. [K] [V], ès qualités, la somme de 3'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de Mme [J] [D] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [J] [D] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.