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Décisions

CA Rouen, ch. soc., 18 janvier 2024, n° 22/01022

ROUEN

Arrêt

Autre

CA Rouen n° 22/01022

18 janvier 2024

N° RG 22/01022 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JBEZ

COUR D'APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 18 JANVIER 2024

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD'HOMMES D'EVREUX du 24 Février 2022

APPELANTE :

S.A.R.L. AS OPTIC

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Emmanuelle BOURDON de la SELARL EMMANUELLE BOURDON-CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de ROUEN substituée par Me Céline BART, avocat au barreau de ROUEN

INTIME :

Monsieur [M] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Emmanuel LEBAR, avocat au barreau de COUTANCES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 06 Décembre 2023 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BIDEAULT, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l'audience publique du 06 décembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 18 janvier 2024

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 18 Janvier 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [G] a été engagé par la société Optique Lyre en qualité d'opticien diplômé par contrat de travail à durée indéterminée le 3 avril 2017.

Les relations contractuelles des parties étaient soumises à la convention collective nationale de l'optique-lunetterie.

Il a été licencié pour faute le 27 novembre 2019 dans les termes suivants :

'(...) Cette mesure de licenciement est motivée par une série de faits absolument intolérables et ne nous permettant pas d'envisager votre maintien dans l'entreprise compte tenu, d'une part, de l'incidence financière de vos agissements et d'autre part, des risques encourus par l'entreprise du fait de vos agissements.

Les faits reprochés ont été découverts suite, d'une part, au changement de notre système informatique et d'autre part, suite à la modification des stocks théoriques par Mme [A] [E], nous obligeant ainsi à reprendre la quasi-intégralité des factures (achats et ventes) du magasin.

Ainsi, nous avons été amenés à découvrir :

- Que vous avez accordé sans autorisation préalable orale ou écrite, le 21 septembre 2019, à M. [O] [G], une remise de 226 euros TTC pour un achat d'une valeur de 521 euros TTC, soit une remise de plus de 43%.

- Que vous avez accordé sans autorisation préalable orale ou écrite, le 19 juillet 2019, à M. [Y] [G], une remise de 66 euros TTC pour un achat d'une valeur de 541 euros TTC.

- Que vous vous êtes accordé de manière régulière, des remises de plus de 42%, pour vos achats de lentilles personnelles, là aussi sans aucune autorisation orale ni écrite ce qui pourrait s'assimiler en cas de contrôle URSSAF à un avantage en nature soumis à cotisations de sécurité sociale et ainsi générer un redressement URSSAF applicable tant à vous qu'à nous.

- Que vous avez procédé à l'achat, à votre nom, d'une paire de lunette et de verres Essilor VX X design Airwear EPS Cz F UV35-65/70, d'une valeur, avant remise, de 1 033,50 euros TTC et d'une valeur, après remise, de 269,36 euros, soit plus de 23% de remise avec une prise en charge par la mutuelle et la CPAM d'un montant de 764,14 euros TTC, soit un reste à charge pour vous de 127,36 euros, correspondant à l'achat de verres progressifs généralement prescrits aux personnes de plus de 40 ans alors que vous avez, avant et après cet achat de juin 2018, acheté des lentilles avec une correction pour une personne myope ce qui est totalement antinomique.

Au-delà qu'il apparaît clairement que cet achat ne vous était pas destiné vous avez procédé à cet achat avec une ordonnance grossièrement falsifiée du Dr [N] [T] du 16 octobre 2015.

Cet achat de lunettes ne vous était pas destiné mais était destiné à un tiers et cela par le biais d'une prise en charge par la mutuelle santé de l'entreprise d'un achat pour autrui.

Cette ordonnance falsifiée du Dr [N] [T] qui a été grossièrement modifiée et l'achat que vous avez réalisé à votre nom alors qu'il ne s'agit pas de votre correction habituelle constitue un faux et usage de faux, une falsification d'une ordonnance médicale, une fraude à la sécurité sociale et une fraude à la mutuelle santé.

- Qu'à ce qui précède, nous avons découverts, après l'envoi de la lettre de convocation à entretien préalable du 14 novembre, que plusieurs personnes et notamment des clients et des fournisseurs ne souhaitaient plus avoir de contact avec vous et que ces derniers sont alors contraints de venir en notre autre magasin.

Votre attitude désagréable avec les clients et certains fournisseurs a généré une altération de notre image auprès de ces derniers mais a également généré une perte financière pour le magasin au sein duquel vous êtes affecté.

Cela constitue une exécution défectueuse de votre contrat de travail et de vos obligations contractuelles portant préjudice au demeurant de la société. (...)'.

Par requête du 9 novembre 2020, M. [G] a saisi le conseil de prud'hommes d'Evreux en contestation du licenciement, ainsi qu'en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Par jugement du 24 février 2022, le conseil de prud'hommes, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

- prononcé la nullité du licenciement de M. [G] et condamné la société AS Optic à lui verser les sommes suivantes :

rappel d'heures supplémentaires : 6 025,15 euros,

congés payés y afférents : 602,51 euros,

dommages et intérêts pour violation du respect de la vie privée : 1 000 euros,

dommages et intérêts pour modification unilatérale du contrat de travail 1 500 euros,

dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros,

dommages et intérêts pour violation de l'obligation de préservation de la santé du salarié et de prévention des faits de harcèlement : 15 000 euros,

rappel d'indemnité compensatrice de préavis : 1 273,26 euros,

congés payés y afférents : 127,33 euros,

rappel d'indemnité légale de licenciement : 1 100,55 euros,

dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement : 1 500 euros,

indemnité pour nullité du licenciement : 25 177,86 euros nets de CSG et de CRDS,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,

- ordonné à la société AS Optic de remettre à M. [G] une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de paie rectifiés selon la décision, et ce sous astreinte globale de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour de la décision, le conseil de prud'hommes se réservant le droit de liquider l'astreinte,

- dit que les sommes à caractère salarial porteraient intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête et du jour de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire,

- condamné la société AS Optic aux entiers dépens et débouté M. [G] du surplus de ses demandes.

La société AS Optic a interjeté appel de cette décision le 23 mars 2022.

Par conclusions remises le 28 octobre 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société AS Optic demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf celles relatives aux dépens, aux intérêts et à l'exécution provisoire, et, à titre infiniment subsidiaire, de ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions et le montant des sommes dues auprès de Pôle Emploi à l'équivalent d'une semaine, de débouter M. [G] de l'ensemble de ses demandes et le condamner aux entiers dépens.

Par conclusions remises le 28 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, M. [M] [G] demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société AS Optic à lui verser les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour violation du respect de la vie privée : 1 000 euros,

dommages et intérêts pour harcèlement moral : 10 000 euros,

rappel d'indemnité compensatrice de préavis : 1 273,26 euros,

congés payés y afférents : 127,33 euros,

rappel d'indemnité légale de licenciement : 1 100,55 euros,

dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement : 1 500 euros,

indemnité pour nullité du licenciement : 25 177,86 euros net de CSG et de CRDS,

- et statuant à nouveau, de condamner la société AS optic à lui payer les sommes suivantes :

dommages et intérêts résultant de l'exécution déloyale du contrat de travail dans l'absence de reconnaissance du statut cadre : 2 500 euros

dommages et intérêts pour violation du respect de la vie privée : 2 500 euros,

indemnité forfaitaire pour travail dissimulé : 25 177,86 euros

dommages et intérêts résultant de la sanction disciplinaire abusive et de la modification unilatérale du contrat de travail : 4 500 euros

dommages et intérêts pour harcèlement moral : 20 000 euros,

rappel d'indemnité compensatrice de préavis : 5 084,94 euros,

congés payés y afférents : 508,49 euros,

rappel d'indemnité légale de licenciement : 1 275,39 euros,

dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement : 4 500 euros,

indemnité pour nullité du licenciement : 50 000 euros net de CSG et de CRDS, et, à titre subsidiaire, 14 687,08 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner à la société AS Optic de lui remettre une attestation Pôle Emploi ainsi qu'un bulletin de paie rectifiés selon la décision, et ce sous astreinte globale de 100 euros par jour de retard courant à compter de la décision à intervenir,

- dire que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête et du jour de la décision pour les sommes à caractère indemnitaire,

- condamner la société AS Optic à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 16 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

M. [G] explique avoir été engagé sur la base d'un horaire de 169 heures mensuelles, lui offrant ainsi l'assurance d'être payé chaque mois 17,33 heures supplémentaires, ce qui ne permettait pas à la société AS optic de diminuer unilatéralement son horaire en ne le rémunérant plus que de 4,33 heures supplémentaires à compter du mois d'octobre 2017. Aussi, invoquant le caractère contractuel de cet horaire, il réclame la différence entre les heures supplémentaires payées et celles contractuellement dues, soit 17,33 heures, précisant qu'il s'agit d'une méthode employée par M. [R], gérant, comme 'punition'.

En réponse, la société AS optic relève que s'il était contractuellement prévu que M. [G] perçoive une rémunération mensuelle brute de 3 077 euros pour 169 heures de travail par mois, il ne peut qu'être relevé que s'il n'a plus effectué 17,33 heures par mois, il a continué à percevoir cette même rémunération, voire davantage.

Si l'employeur ne peut procéder unilatéralement à une modification du contrat de travail, il n'est cependant pas exigé l'existence d'un accord écrit et il peut rapporter la preuve d'un accord verbal ou tacite, laquelle peut résulter des circonstances de la modification, sans cependant pouvoir se déduire de la seule poursuite des relations contractuelles sans opposition de la part du salarié.

En l'espèce, il ressort du contrat de travail signé le 3 avril 2017 que M. [G] devait percevoir une rémunération mensuelle brute de 3 070,77 euros pour 169 heures de travail par mois, avec cette précision que cette rémunération comprenait les heures supplémentaires majorées représentant en moyenne 17,33 heures par mois.

Il résulte par ailleurs de ses bulletins de salaire que si M. [G] a effectivement perçu cette rémunération selon les modalités indiquées au contrat jusqu'au mois de septembre 2017 inclus, à compter du mois d'octobre 2017, il n'a plus été payé que 4,33 heures supplémentaires, soit un différentiel de 13 heures supplémentaires, et ce, sans qu'aucun avenant n'ait été signé.

Pour autant, contrairement à ce qu'allègue M. [G] qui explique que son employeur avait pour habitude de pratiquer de la sorte pour sanctionner un salarié en le privant du paiement d'heures supplémentaires, il apparaît que cette diminution d'horaire s'est accompagnée d'une augmentation de son taux horaire qui est passé de 17,7161 à 19,0245 euros, ce qui, couplé au versement d'une prime exceptionnelle chaque mois jusqu'en janvier 2018, date de la modification de ses fonctions, lui a permis de bénéficier, en travaillant mensuellement 13 heures de moins, d'une rémunération mensuelle sensiblement plus importante que celle offerte auparavant pour un plus grand nombre d'heures.

Ainsi, alors qu'il a perçu sur la période antérieure au mois d'octobre 2017, un salaire mensuel de 3 070,77 euros, à l'exception du mois de septembre 2017 au cours duquel il a perçu 3 327,26 euros, suite à cette modification horaire, il a systématiquement perçu davantage, et ce, dans des proportions non négligeables puisqu'il a perçu, jusqu'à son changement de fonction, 3 366,41 euros en octobre, 4 967,67 euros en novembre et 4 815,47 euros en décembre, et ce, en travaillant 13 heures de moins.

Par ailleurs, à compter du mois de janvier 2018, M. [G] a bénéficié d'un nouveau statut de responsable magasin qui lui a permis d'obtenir une rémunération de base de 3 559,69 euros alors qu'elle était auparavant de 2 885,45 euros, outre la réalisation d'heures supplémentaires régulières, lui offrant ainsi systématiquement un salaire plus élevé.

Alors qu'il est ainsi démontré que M. [G] a obtenu, grâce à cette modification horaire, des avantages sensibles, tant au niveau financier qu'au niveau du temps travaillé, il convient de retenir que cette modification de l'horaire contractuel n'a pas été unilatérale, mais a, au contraire, été recueilli avec l'accord de M. [G], quand bien même celui-ci a été verbal.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter M. [G] de sa demande de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires prévues contractuellement.

2 - Sur la demande de dommages et intérêts pour négation du statut cadre

M. [G] soutient qu'il aurait dû bénéficier à compter de janvier 2018, non pas du coefficient 220, mais du coefficient 250, statut cadre, dès lors qu'il était directeur de magasin, et considère que ce manquement lui a causé un préjudice, étant rappelé que les cotisations sociales sont différentes.

En réponse, la société AS optic fait valoir que M. [G] a été engagé en qualité d'opticien et que, bien qu'ayant pu faire fonction de responsable de magasin, son statut était celui d'opticien, ce qu'il a d'ailleurs lui-même reconnu lors d'une demande de carte de santé professionnelle.

Il résulte de l'annexe I de la convention collective, applicable au moment de la relation de travail, que le coefficient 220, statut agent de maîtrise, est attribué au 'premier employé', lequel est défini comme était un opticien qui connaît l'activité du magasin, a, au minimum, cinq années de pratique professionnelle et, par son ancienneté dans l'entreprise ou ses capacités, est le plus apte à seconder ou suppléer éventuellement l'employeur, le directeur de magasin ou le chef de succursale.

Par ailleurs, les cadres sont définis comme des agents possédant une formation technique, administrative, juridique, commerciale ou financière, qui exercent un commandement sur des collaborateurs de toute nature ou qui, sans exercer les fonctions de commandement, ont un diplôme ou une compétence reconnue équivalente ou qui exercent des fonctions impliquant initiative et responsabilité déléguées par le chef d'entreprise.

Le coefficient 250, statut cadre, est attribué à l'opticien, directeur de magasin, responsable selon les articles L. 508 et suivants du code de la santé publique d'un rayon d'optique ou d'un établissement : responsable des achats dans la limite des réassortiments.

En l'espèce, si, à compter de janvier 2018, le coefficient porté sur les bulletins de salaire est le coefficient 220, il est néanmoins mentionné M. [G] est responsable de magasin.

Au-delà de cette mention, il ressort des différentes attestations produites de part et d'autre que M. [G] était défini comme étant le responsable du magasin Optic 2000, ainsi, pour exemple Mme [S], et il ne peut être considéré qu'il ne faisait que suppléer, éventuellement, l'employeur, sachant que son contrat de travail a été transféré à la société Optic 2000 en avril 2018 lorsque M. [R] a pris la gérance d'un deuxième magasin et qu'il ressort d'une attestation qui sera examinée ultérieurement, à l'occasion de la question de la vidéo-surveillance, que M. [R] n'était habituellement pas présent sur place.

M. [G] justifie par ailleurs qu'il lui a été reconnu le titre d'opticien directeur sur son badge, sans que la société AS optic puisse se retrancher derrière le fait qu'il a été à l'origine de la commande dès lors que ce badge était porté à la vue de tous.

A cet égard, il produit un procès-verbal de réunion de clôture d'un audit de mai 2019 dans lequel il est présenté comme opticien diplômé, directeur du magasin et signe en cette qualité avec l'auditeur.

Par ailleurs, le document vanté par la société AS optic pour démentir la réalité de sa qualité de directeur de magasin n'est pas probant en ce que M. [G] a simplement indiqué qu'il n'était pas responsable de l'établissement, ni responsable juridique, sans qu'il puisse en être tiré aucune conséquence, M. [G] ayant pu légitimement penser que M. [R], en qualité de gérant, était effectivement responsable de l'établissement.

Il convient en conséquence de retenir que M. [G] aurait dû bénéficier du coefficient 250, sans qu'il ne justifie cependant d'aucun préjudice moral dès lors que la mention de responsable de magasin apparaissait sur ses bulletins de salaire, qu'il bénéficiait d'une rémunération supérieure audit coefficient et qu'il était présenté à tous, au regard du badge, comme étant le directeur du magasin.

Il y a donc lieu, à défaut de tout préjudice moral, de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour non-reconnaissance du statut cadre, sans que le seul fait que les cotisations sociales soient différentes ne lui cause un préjudice particulier.

3 - Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du respect de la vie privée

M. [G] soutient qu'il existait un système de vidéo-surveillance au sein de la société AS optic et qu'à supposer même qu'elle justifie de l'autorisation de la Cnil et qu'elle était en conformité avec le règlement général sur la protection des données, elle a détourné la finalité du système pour l'espionner.

En réponse, tout en relevant l'absence de tout préjudice, la société AS optic indique que son magasin se situant dans une galerie marchande, les mouvements de personnes sont importants, ce qui l'a conduite à installer un système de vidéosurveillance, notamment, pour protéger ses salariés.

Au soutien de sa demande, M. [G] produit l'attestation de Mme [D], salariée ayant démissionné en octobre 2019, qui indique qu'à compter de mai 2019, M. [R] a commencé à insulter l'équipe et à demander à '[B]' d'aller à Optic 2000 pour les surveiller et que lui-même les surveillait sur son portable à la caméra.

Si cette attestation est peu probante en ce qui concerne la surveillance via la caméra en ce qu'il n'est pas explicité par Mme [D] ce qui lui a permis de savoir que l'équipe était surveillée à distance, il est néanmoins également produit l'attestation de Mme [U] qui indique que le fait d'être régulièrement surveillés par des caméras de vidéo-surveillance rendait le travail stressant, qu'elle a ainsi reçu des appels au magasin de la part de M. [R] lui demandant majoritairement pourquoi personne ne s'occupait d'un client, mais aussi où était encore passé '[M]', et ce, alors qu'il était en train de réaliser des montages dans la partie atelier dédiée, hors du champ des caméras.

Si certains salariés évoquent une certaine ambivalence de la part de Mme [U] en ce qu'elle se plaignait à l'époque du comportement de M. [G], outre que cette ambiguïté n'est pas de nature à remettre en cause la force probante de son attestation en ce qu'elle relate des faits précis, corroborés par d'autres salariés, elle est en outre toute relative puisqu'il ressort des attestations ainsi produites que, manifestement, son mal-être n'était pas lié à la seule présence de M. [G] pour avoir mis également en cause sa relation avec son employeur et avoir pris des anti-dépresseurs sur son lieu de travail ayant nécessité une hospitalisation, et ce, postérieurement au départ de M. [G].

Au vu de ces éléments qui permettent de retenir l'existence d'une surveillance inappropriée et abusive, et alors qu'il n'est en outre ni justifié d'une déclaration à la CNIL, ni d'une quelconque conformité avec le règlement général sur la protection des données, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AS optic à payer à M. [G] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour atteinte à la vie privée.

4 - Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

M. [G] soutient que lorsque M. [R] est devenu gérant de la société AS optic le 17 janvier 2018, la société Optic Lyre, dont il était également le gérant, l'a mis à disposition de la société AS optic du 24 janvier au 1er avril 2018, sans son accord et sans qu'aucune convention ne soit signée, et ce, alors que la société Optic Lyre a continué à le rémunérer jusqu'au mois d'avril 2018, étant précisé que la société AS optic n'a jamais procédé à la déclaration préalable à l'embauche et à l'édition des bulletins de salaire sur cette période alors qu'elle en avait l'obligation.

La société AS optic explique que M. [G], qui a toujours été payé de l'ensemble de ses heures, a fait l'objet d'une mise à disposition pour trois mois de la société Optic Lyre à la société AS optic, en parfait accord entre les parties, pour ensuite faire l'objet d'un transfert de son contrat de travail au profit de la société AS optic en avril 2018.

Selon l'article L. 8231-1 du code du travail, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d'oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application de dispositions légales ou de stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail, est interdit.

Selon l'article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d'oeuvre est interdite. [...] Une opération de prêt de main-d'œuvre ne poursuit pas de but lucratif lorsque l'entreprise prêteuse ne facture à l'entreprise utilisatrice, pendant la mise à disposition, que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de la mise à disposition.

Il résulte par ailleurs de l'article L. 8241-2 du code du travail que si les opérations de prêt de main-d'oeuvre à but non lucratif sont autorisées, elles requièrent néanmoins l'accord du salarié concerné, une convention de mise à disposition entre l'entreprise prêteuse et l'entreprise utilisatrice qui en définit la durée et mentionne l'identité et la qualification du salarié concerné, ainsi que le mode de détermination des salaires, des charges sociales et des frais professionnels qui seront facturés à l'entreprise utilisatrice par l'entreprise prêteuse et un avenant au contrat de travail, signé par le salarié, précisant le travail confié dans l'entreprise utilisatrice, les horaires et le lieu d'exécution du travail, ainsi que les caractéristiques particulières du poste de travail.

En l'espèce, il résulte du contrat de travail de M. [G] qu'il a été engagé par la société Optic Lyre, laquelle l'a rémunéré, comme en témoignent les bulletins de salaire, jusqu'au mois de mars 2018 inclus, sachant qu'à compter du 1er avril 2018, un avenant a été signé entre la société AS optic et M. [G] afin que son contrat soit transféré avec reprise d'ancienneté et des congés payés.

Il ressort en outre des conclusions de la société AS optic que l'existence d'une mise à disposition de M. [G] de la société Optic Lyre au profit de la société AS optic pour la période du 24 janvier au 1er avril 2018 n'est pas contestée.

Néanmoins, aucune pièce du dossier ne permet de considérer que cette mise à disposition aurait revêtu un but lucratif, aussi, seul l'article L.8241-2 du code du travail doit trouver application.

Si, comme le soutient M. [G], il n'est justifié ni de la signature d'une convention de mise à disposition, ni d'un avenant à son contrat de travail, il ne peut cependant résulter de cette seule irrégularité l'existence d'un travail dissimulé dans la mesure où l'article L. 8241-2 du code du travail précise que pendant la période de prêt de main-d'œuvre, le contrat de travail qui lie le salarié à l'entreprise prêteuse n'est ni rompu ni suspendu, que le salarié continue d'appartenir au personnel de l'entreprise prêteuse et qu'il conserve le bénéfice de l'ensemble des dispositions conventionnelles dont il aurait bénéficié s'il avait exécuté son travail dans l'entreprise prêteuse.

Ainsi, au-delà de cette irrégularité, la société AS optic n'avait pas à procéder à la déclaration préalable à l'embauche, pas plus qu'elle ne devait rémunérer directement M. [G] ou payer les cotisations sociales, l'ensemble de ses obligations continuant à peser sur l'entreprise prêteuse, en l'occurrence la société Optic Lyre, laquelle a régulièrement délivré des bulletins de salaire à M. [G] en lui payant l'intégralité de ses heures, ainsi que les cotisations sociales afférentes.

Enfin, et alors que M. [G] invoque également de manière incidente le fait qu'il aurait fait l'objet d'un autre prêt de main-d'oeuvre illicite lors du salon mondial de l'optique du 28 septembre au 1er octobre 2018 au profit de la société Beta optique dont M. [R] est également président, et ce, pour promouvoir ses produits Novax, celui-ci ne saurait résulter de la seule production de photographies de M. [G] devant un stand Novax, étant d'ailleurs relevé que M. [I], salarié de la société, atteste qu'il n'a été présent sur le stand que pour la photo.

Il n'est ainsi aucunement justifié de l'existence d'un travail dissimulé, lequel nécessite une intention de dissimulation d'emploi salarié qui n'est pas établie, et il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] de cette demande d'indemnité pour travail dissimulé.

5 - Sur la demande de dommages et intérêts pour rétrogradation abusive

M. [G] soutient que le 20 septembre 2019, M. [R] lui a hurlé dessus car il avait posé deux samedis de repos au mois de septembre et lui a fait savoir qu'il n'était plus directeur du magasin, lui reprenant son badge 'opticien directeur' et avertissant l'agence régionale de santé qu'il n'était plus responsable, Mme [U] prenant désormais cette responsabilité.

A l'appui de sa demande, M. [G] produit l'attestation de Mme [E], qui a démissionné en novembre 2019 de la société AS Optic, qui indique que le 20 septembre 2019, M. [G] a été violemment pris à partie par M. [R] sur le fait qu'il avait posé deux samedis les 7 et 28 septembre alors qu'il n'en avait jamais posé antérieurement, qu'il s'est alors mis à crier dans le magasin le salaire que gagnait M. [G], et ce, en présence d'une cliente, lui disant qu'il n'avait qu'à trouver un autre magasin dans lequel il pourrait poser ces samedis, au point que M. [G] s'est effondré en larmes lorsque la coiffeuse de chez Franck Provost est venue lui proposer de prendre l'air vers 15h. Elle précise que M. [R] leur a répété à plusieurs reprises qu'il n'était plus directeur du magasin et qu'il ne ferait plus partie du magasin.

Cette version des faits est corroborée par Mme [Z] [U], également salariée de la société AS optic, mais aussi par Mme [K] [W], salariée du salon de coiffure Franck Provost, laquelle indique que le 20 septembre, vers 10h30, alors qu'elle prenait sa pause, elle a aperçu et entendu M. [R] hurler dans le magasin Optic 2000 le salaire que percevait M. [G], si bien que toutes les personnes qui se trouvaient à la caisse se sont retournées pour observer la scène, précisant que le patron étant parti, elle est allée prendre des nouvelles de M. [G] vers 15h qui s'est effondré en larmes.

Il est en outre justifié que le 11 octobre 2019, '[B]' a, lors d'une commande de carte professionnelle de santé concernant Mme [U] et M. [G], indiqué qu'il y avait un changement de responsable, Mme [U] étant désormais responsable.

Face à ces pièces qui démontrent la réalité de l'altercation mais également la réalité de la rétrogradation qui s'en est suivie, il ne peut qu'être constaté que la société AS optic n'apporte aucune argumentation contraire et si elle produit une attestation de Mme [B] [X] qui évoque ce sujet, il est simplement indiqué que M. [G] avait posé ces deux samedis pour vendre des kebabs, comme il le faisait tous les ans, et que, bien que cela ne soit pas possible cette année, il avait clairement dit qu'il ne viendrait pas travailler ces deux samedis.

En outre, et s'il est justifié que M. [G] avait parallèlement à son activité ouvert une entreprise de restauration rapide alors qu'il y avait une clause d'exclusivité à son contrat de travail, outre que la question de sa validité peut être posée, en tout état de cause, ni l'exercice de cette activité, ni l'attestation de Mme [X] dont il résulte d'ailleurs que chacun en avait connaissance depuis de nombreuses années, ne peuvent justifier l'altercation telle que décrite précédemment ou le retrait de responsabilités sans procédure disciplinaire.

Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société AS optic à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts, étant précisé qu'il s'agit d'indemniser un préjudice moral dans la mesure où cette rétrogradation n'a cependant pas été accompagnée d'une modification du coefficient de M. [G], ni d'une diminution de sa rémunération, ni encore d'une modification de l'emploi mentionné sur ses bulletins de salaire.

6 - Sur le bien-fondé du licenciement

M. [G] relève qu'à l'exception de la remise du 29 septembre 2019, tous les faits sont prescrits, sachant que la société AS optic en avait nécessairement connaissance puisqu'avant qu'il ait le statut de responsable de magasin, M. [R] contrôlait toutes ses opérations, de même que toutes les commandes de lentilles étaient préalablement transmises au magasin de [Localité 5] où ce dernier travaillait. Au-delà de la prescription, il conteste l'ensemble des faits reprochés dans la mesure où il existait au sein de la société une pratique autorisant les remises tant aux salariés qu'à leur famille.

La société AS optic indique que la réalité du licenciement est fondée sur une utilisation abusive de la part de M. [G] de ses prérogatives en tant que responsable ayant accès aux commandes puisqu'il a ainsi utilisé des ordonnances dont on peut penser qu'elles étaient falsifiées et a ainsi obtenu, pour lui-même ou ses proches, des renouvellements de lunettes à des coûts très avantageux, de nature à entraîner des contrôles de la CPAM.

Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu'elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

En application de l'article L. 1332-4 de ce même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

En l'espèce, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement le 14 novembre 2019, aussi le seul fait se situant dans la période de deux mois précédant cette convocation consiste à avoir, le 21 septembre 2019, fait bénéficier à M. [O] [G] d'une remise de 226 euros sur une facture initiale de 521 euros, étant précisé qu'une facture démontre la réalité de cette remise opérée par M. [G] lui-même.

Il appartient en conséquence à l'employeur, pour les faits antérieurs, de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites, étant précisé que ce délai part du jour où l'agissement fautif est personnalisé et précisément défini, c'est-à-dire quand l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

Or, s'il est mentionné dans la lettre de licenciement que les faits ont été découverts suite à un changement de système informatique et à la modification des stocks théoriques de Mme [E] ayant nécessité de reprendre la quasi-intégralité des factures, il n'est pas apporté la moindre pièce corroborant cette allégation.

Néanmoins, l'employeur pouvant sanctionner un fait fautif qu'il connaît depuis plus de deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature, il convient, avant de déclarer les faits antérieurs au 14 septembre 2019 prescrits, d'examiner si M. [G] a commis une faute en accordant la remise de 226 euros précitée.

Or, M. [G] produit l'attestation de Mme [U] qui indique que M. [R] leur avait dit, oralement, que pour la famille et eux-mêmes, la règle était de facturer au prix d'achat en ajoutant la TVA et que, concernant les clients, il valait mieux faire occasionnellement une remise que de perdre la vente, qu'il fallait juste faire valider par M. [G]. Elle précise que c'est par la suite que toute remise avait dû passer par une demande à M. [R].

Mme [E] confirme cette possibilité de remises pour eux-mêmes et les proches de la famille qui leur avait été accordée oralement, et ce, en passant par M. [G], précisant qu'elle consistait à appliquer le prix d'achat en ajoutant la TVA ou d'utiliser le forfait optique de la mutuelle s'il y en avait une.

Il est encore produit la preuve des nombreuses remises régulièrement offertes par le magasin à la clientèle.

La réalité de cette pratique est encore corroborée par le fait qu'aucun des salariés ayant attesté pour le compte de la société AS optic n'évoque cette question pour la remettre en cause, mais aussi, par la production de factures avec remises portant sur une période antérieure au 1er janvier 2018, soit sur une période où M. [G] n'était effectivement pas responsable de magasin et travaillait au contraire dans le même magasin que M. [R].

Dès lors, il n'est pas établi que M. [G] a commis une faute en procédant à une remise pour un de ses proches le 21 septembre 2019, ce qui doit conduire à retenir la prescription de tous les faits antérieurs au 14 septembre 2019, étant relevé qu'il ressort des précédents développements qu'ils n'étaient en outre pas fautifs.

De manière également surabondante puisque ce fait est également prescrit à défaut pour la société AS optic de justifier qu'elle n'en aurait eu connaissance que deux mois avant l'engagement des poursuites, il n'est pas suffisamment établi la preuve que M. [G] aurait produit une fausse ordonnance, le seul mail produit par l'ophtalmologiste en cause consistant à confirmer le 2 mai 2022 que l'ordonnance du 16 octobre 2015 n'est plus valable, qu'il s'agit d'une erreur de sa part, que l'ordonnance a été faite à la demande du patient opticien.

Or, il est certain qu'en 2022 cette ordonnance ne pouvait plus être valable et les termes employés par l'ophtalmologiste ne permettent en aucun cas de retenir l'existence d'un faux puisque pour les besoins de la cause, M. [G] l'a effectivement contactée pour lui demander de faire un duplicata.

Enfin, il n'est pas apporté la moindre pièce établissant l'attitude désagréable de M. [G] à l'égard de la clientèle ou des fournisseurs, ni davantage d'une perte de chiffre d'affaires liée à ce comportement.

Au vu de ces éléments, il convient de dire que le licenciement est infondé.

7 - Sur la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral

A l'appui de cette demande, M. [G] reprend l'ensemble des griefs précédemment décrits, à savoir modification unilatérale de la durée du travail et en conséquence de sa rémunération, la négation de son statut de cadre, la violation du respect de la vie privée, le prêt de main d'oeuvre illicite, la rétrogradation abusive intervenue le 20 septembre 2019, mais aussi, le dénigrement et les humiliations subies antérieurement au 20 septembre ainsi que l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de se justifier lors de l'entretien préalable. Par ailleurs, et sans l'avoir directement mentionné dans la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, M. [G] explique néanmoins que son licenciement s'inscrit dans le contexte de harcèlement moral pour faire suite à la volonté affichée de son employeur de se débarrasser de lui.

En réponse, la société AS optic relève que la rémunération de M. [G] était nettement supérieure au minima du coefficient dont il relevait et que les attestations qu'il verse sont imprécises, inexactes et non datées alors qu'elle-même justifie de la bonne ambiance qui régnait au sein du magasin.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L. 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte des précédents développements que si un certain nombre de faits invoqués à l'appui de la demande de harcèlement moral n'ont pas été retenus, il est néanmoins d'ores et déjà établi que M. [G] a fait l'objet d'une surveillance via un système de vidéo-surveillance et surtout, a été l'objet d'une rétrogradation injustifiée le 20 septembre 2019, puis d'un licenciement injustifié le 27 novembre 2019.

Au-delà de ces faits qui laissent à eux seuls supposer l'existence d'un harcèlement moral, M. [G] produit une attestation de Mme [D] qui, non seulement reprend les faits du 20 septembre en expliquant que M. [R], en parlant de '[L]' a dit : 'toi et ton [P] je ne vous paie pas à rien foutre et boire du café et vous vous montez la tête l'un avec l'autre contre moi et vous êtes une équipe de bras cassés à mettre dans le même sac', mais en outre précise que les insultes ont commencé depuis mai 2019, M. [R] disant de l'équipe qu'ils étaient 'des bons à rien, des bras cassés, bons à boire du café' mais aussi 'de toutes façons, je vais arriver à le pousser à bout pour qu'il dégage cet enculé de merde de [P]'.

Mme [U] indique, quant à elle, que les reproches ont commencé à compter du deuxième trimestre 2019 et que M. [R] a supprimé les heures supplémentaires de M. [G] à compter du 19 juillet 2019, cette suppression étant présentée comme une sanction.

A cet égard, s'il a été vu préalablement que la modification intervenue en octobre 2018 supprimant le forfait d'heures supplémentaires de M. [G] ne pouvait nullement s'apparenter à une sanction et permettait même de s'assurer de son accord verbal tant le nouveau régime mis en place lui était plus favorable, tant d'un point de vue financier que d'un point de vue horaire, au contraire, il résulte effectivement des bulletins de salaire de M. [G] qu'alors même qu'il bénéficiait régulièrement du paiement d'heures supplémentaires jusqu'au mois de juillet 2019, il n'en a quasiment plus accomplies à compter de ce mois, à l'exception de 7 heures au mois d'octobre.

Il ressort enfin de l'attestation du conseiller du salarié que M. [G] n'a pu se justifier lors de l'entretien préalable à licenciement.

Au vu de ces développements, il convient de retenir que M. [G] présente des faits de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral et il appartient à la société AS optic de prouver que ses décisions étaient justifiées par des éléments étrangers à tout harcèlement moral.

Outre qu'il a déjà été jugé précédemment que ni la surveillance, ni la rétrogradation, ni le licenciement n'étaient objectivement justifiés, les attestations produites par la société AS optic, émanant de salariés, pour certains embauchés postérieurement au licenciement de M. [G], faisant état de la très bonne ambiance régnant au sein de la société ne permettent pas de modifier cette analyse et de prouver que les décisions prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral.

Il convient en conséquence de retenir l'existence d'un harcèlement moral et de condamner la société AS optic à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros à ce titre, infirmant sur ce point le jugement, étant relevé que les différents manquements de la société AS optic invoqués à l'appui du harcèlement moral ont déjà été pour la plupart indemnisés et qu'il ne doit donc plus être indemnisé que leur caractère répété s'inscrivant dans une démarche de harcèlement moral.

8 - Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de préservation de la santé du salarié et de prévention des faits de harcèlement moral

Considérant que la société AS optic avait ou aurait dû avoir connaissance des risques psycho-sociaux et de mal-être provoqués par le gérant lui-même qui invective et hurle sur les salariés, M. [G] considère qu'elle aurait dû mener une enquête sur les conséquences d'un tel management.

S'il peut naître un préjudice distinct du harcèlement moral lui-même lorsque l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour le prévenir ou le faire cesser, en l'espèce, il résulte néanmoins des pièces du dossier que le harcèlement moral émanait du gérant lui-même et il n'est pas explicité quel préjudice distinct de celui de harcèlement moral d'ores et déjà réparé serait né de ce manquement.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de préservation de la santé du salarié et de prévention des faits de harcèlement moral.

9 - Sur la qualification du licenciement

Dès lors qu'il a été jugé que le licenciement ne reposait sur aucun grief avéré et qu'il a ainsi participé à une situation de harcèlement moral, en s'inscrivant dans un contexte d'insultes, de dénigrement, de rétrogradation, puis de volonté affichée de se séparer de M. [G], il convient de dire que le licenciement ainsi prononcé est nul.

Conformément à l'article L. 1235-3-1 du code du travail qui prévoit une indemnisation ne pouvant être inférieure aux six derniers mois de salaire, il convient de condamner la société AS optic à payer à M. [G] la somme de 25 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, à défaut de tout élément sur la situation professionnelle de M. [G] postérieurement au licenciement, la seule souscription d'un prêt personnel en novembre 2019 ne permettant pas d'établir l'existence de difficultés économiques liées au licenciement, d'autant qu'il apparaît que la demande de prêt a été établie préalablement au licenciement.

10 - Sur les demandes de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité légale de licenciement

Dès lors qu'il a été retenu préalablement que M. [G] aurait dû recevoir la qualité de cadre, il pouvait prétendre à un préavis de trois mois.

Aussi, et alors qu'il n'a pas été retenu la modification unilatérale du contrat de travail de M. [G] relative au forfait contractuelle de 169 heures sur lequel il calcule le montant de son salaire pour calculer l'indemnité de préavis, il convient de retenir le salaire de 3 559,68 euros, soit une indemnité de préavis de 10 679,04 euros.

Ayant perçu la somme de 7 119,36 euros, il convient de condamner la société AS optic à lui payer la somme de 3 559,68 euros à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis, outre 355,97 euros au titre des congés payés afférents.

Par ailleurs, ayant acquis, préavis compris ressortant de son statut de cadre, une ancienneté de 2 ans et 10 mois, il convient, sur la base du salaire de référence des douze derniers mois la plus avantageuse, soit 3 878,90 euros, de dire qu'il aurait dû recevoir une indemnité de licenciement de 2 744,32 euros. Aussi, n'ayant reçu que 1 696,99 euros, il convient de condamner la société AS optic à lui payer la somme de 1 047,33 euros.

11 - Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

M. [G] soutient que les griefs qui lui sont reprochés sont particulièrement vexatoires pour relever d'une infraction pénale et qu'il a été contraint de sortir de la société AS optic, discrédité de la part d'une partie de ses collègues de travail.

En l'espèce, si la nullité du licenciement a été prononcé, pour autant, et alors qu'il n'a pas été fait publicité particulière des faits reprochés, il n'est pas justifié de circonstances vexatoires entourant le licenciement, étant rappelé que M. [G] n'a pas été licencié pour faute grave.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de débouter M. [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

12 - Sur les intérêts

Les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées.

13 - Sur la remise de documents

Il convient d'ordonner à la société AS optic de remettre à M. [G] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

14 - Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société AS optic aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros sur ce même fondement, en plus de la somme allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement et publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité du licenciement, a débouté M. [M] [G] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et pour exécution déloyale du contrat de travail liée à la non-reconnaissance du statut cadre, a condamné la SARL AS optic à payer à M. [M] [G] les sommes de 1 000 euros pour violation du respect de la vie privée et 1 500 euros pour modification unilatérale du contrat de travail, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens, à l'article 700 du code de procédure civile et à la remise des documents, sauf l'astreinte ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Déboute M. [M] [G] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et des congés payés afférents ;

Condamne la SARL AS optic à payer à M. [M] [G] les sommes suivantes :

dommages et intérêts pour harcèlement moral : 3 000,00 euros

rappel d'indemnité compensatrice de préavis : 3 559,68 euros

congés payés afférents : 355,97 euros

rappel d'indemnité de licenciement : 1 047,33 euros

dommages et intérêts pour licenciement nul : 25 000,00 euros bruts

Déboute M. [M] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire ;

Déboute M. [M] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de préservation de la santé du salarié et de prévention des faits de harcèlement moral ;

Dit que les sommes allouées en première instance et en appel à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire à compter du jugement de première instance pour les dispositions confirmées et du présent arrêt pour les dispositions prononcées ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte pour la remise des documents ;

Condamne la SARL AS optic aux entiers dépens ;

Condamne la SARL AS optic à payer à M. [M] [G] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL AS optic de sa demande formulée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente