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Décisions

CA Caen, 1re ch. civ., 23 janvier 2024, n° 21/03194

CAEN

Arrêt

Autre

CA Caen n° 21/03194

23 janvier 2024

AFFAIRE : N° RG 21/03194 -

N° Portalis DBVC-V-B7F-G4BR



ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Commerce de Cherbourg du 04 Décembre 2020

RG n° 2017000245

COUR D'APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 JANVIER 2024

APPELANTES :

La S.A.S. EUSTACHE FRERES venant aux droits de la SARL EUSTACHE FRERES

[Adresse 10]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Virginie PIEDAGNEL, avocat au barreau de CHERBOURG

La S.C.I. LUDOVIC SYLVAIN

N° SIRET : 330 574 724

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG

INTIMÉES :

La S.A.S. EUSTACHE FRERES

N° SIRET : 490 547 353

[Adresse 10]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Virginie PIEDAGNEL, avocat au barreau de CHERBOURG

La S.C.I. LUDOVIC SYLVAIN

N° SIRET : 330 574 724

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée et assistée de Me Thomas BAUDRY, avocat au barreau de CHERBOURG

La S.A.R.L. BOUCE JEAN-MICHEL

N° SIRET : 351 202 353

[Adresse 2]

[Localité 6]

prise en la personne de son représentant légal

non représentée, bien que régulièrement assignée

La S.A.S. COLAS ILE DE FRANCE NORMANDIE

N° SIRET : 329 168 157

[Adresse 1]

[Localité 7]

prise en la personne de son représentant légal

représenté par Me Caroline BOT, avocat au barreau de CHERBOURG,

assisté de Me Christophe HENRION, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. GUIGUESSON, Président de chambre,

Mme DELAUBIER, Conseillère,

Mme VELMANS, Conseillère,

DÉBATS : A l'audience publique du 07 novembre 2023

GREFFIER : Mme COLLET

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 23 Janvier 2024 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier

* * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société civile immobilière (SCI) Ludovic Sylvain a fait édifier un bâtiment à usage de garage automobile situé sur [Adresse 9].

Elle a confié les lots terrassement, maçonnerie, bardages, menuiseries extérieures, menuiseries intérieures et carrelage à la société Eustache Frères suivant devis du 6 décembre 2011 pour une somme globale de 203 320 euros TTC. Des travaux complémentaires ont été commandés ultérieurement au titre de trois devis acceptés les 9 et 16 mai 2012, et 13 septembre 2012 pour un montant total de 24 156,52 euros.

La société Lameco Normandie aux droits de laquelle vient la société Eustache Frères a été chargée des lots charpente et couverture suivant devis du 6 décembre 2011.

La société Eustache Frères a sous-traité la réalisation des travaux de canalisations, d'enrobés et d'aménagements extérieurs à la société Bouce Jean-Michel, laquelle a elle-même sous-traité la réalisation des enrobés à la société Colas Ile-de-France Normandie.

Le bâtiment a été achevé en septembre 2012 et les travaux de voirie à la fin du mois de février 2013 avec la réalisation des enrobés.

Par lettre recommandée du 21 novembre 2013 dont la SCI Ludovic Sylvain a accusé réception le 23 novembre 2013, suivie d'une sommation de payer du 17 décembre 2013, la société Eustache Frères a mis en demeure son contractant de régler une somme de 42 122,19 euros TTC au titre de trois factures demeurées impayées.

Se prévalant du non-paiement du solde du marché, la société Eustache Frères a, le 26 décembre 2013, saisi le président du tribunal de commerce de Cherbourg d'une requête aux fins d'injonction de payer, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 31 décembre 2013 pour un montant de 42 122,19 euros TTC.

Le 22 janvier 2014, la SCI Ludovic Sylvain a formé opposition à l'encontre de cette ordonnance qui lui avait été signifiée le 15 janvier précédent.

Se plaignant de diverses malfaçons, la SCI Ludovic Sylvain a fait dresser un procès-verbal de constat le 30 janvier 2014.

En outre, par acte d'huissier du 27 février 2014, la SCI Ludovic Sylvain a sollicité et obtenu du juge des référé du tribunal de commerce la désignation d'un expert judiciaire (ordonnance du 8 avril 2014 désignant M. [L] [D]).

Par jugement du 31 octobre 2014, le tribunal de commerce saisi au fond suite à l'opposition à l'injonction de payer, a sursis à statuer dans l'attente du rapport d'expertise et a condamné la SCI Ludovic Sylvain à procéder au séquestre de la somme de 42 122,19 euros entre les mains de M. Le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Cherbourg.

Par acte du 13 mars 2015, la société Eustache Frères a fait assigner en intervention forcée la société Bouce Jean-Michel pour lui voir déclarer les opérations d'expertise communes.

Par acte du 24 avril 2015, la société Bouce Jean-Michel a fait assigner la société Colas Ile-de-France Normandie en intervention forcée aux mêmes fins.

Suivant ordonnance du 5 mai 2015, les opérations d'expertise ont été étendues à la société Bouce Jean-Michel et à la société Colas Ile-de-France Normandie.

L'expert a établi son rapport le 27 janvier 2016.

Le 27 octobre 2016, la société Ludovic Sylvain a déposé des conclusions aux fins de reprise de l'instance au fond tendant à voir condamner la société Eustache Frères à l'indemniser de ses préjudices subis.

Par actes du 31 mai 2017 et du 1er juin 2017, la société Eustache Frères a fait assigner la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie en intervention forcée et aux fins de les voir condamner in solidum à la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre.

Par ordonnance du 19 septembre 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Cherbourg, saisi par la SCI Ludovic Sylvain par acte du 27 février 2014, a ordonné un complément d'expertise désignant à nouveau M. [D] à cette fin.

Par jugement du 9 février 2018, le tribunal de commerce a ordonné le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ainsi désigné.

L'expert a déposé son rapport le 5 juin 2018.

Par conclusions du 4 décembre 2018, la société Ludovic Sylvain a sollicité la reprise de l'instance engagée au fond par la société Eustache Frères.

Par jugement du 4 décembre 2020 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal de commerce de Cherbourg a :

- condamné la société Eustache Frères à payer à la société Ludovic Sylvain les sommes de :

* 43 727,37 euros, au titre de la réfection des 4 bardages de façade et de 11 458 euros pour la reprise du revêtement et de l'enrobé limité à une surface de 650 m2 ;

* 11 550 euros au titre du retard de livraison ;

- débouté la société Ludovic Sylvain de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice de jouissance ;

- condamné la société Ludovic Sylvain à payer à la société Eustache Frères la somme de 42 122,19 euros au titre des travaux impayés ;

- ordonné la compensation entre les dettes et créances réciproques telles que fixées par le tribunal et dit que les dettes et créances réciproques n'emporteront pas d'intérêt du fait de leur compensation ;

- dit que les sociétés Bouce Jean-Michel et Colas Ile-de-France Normandie devront garantir la société Eustache Frères des condamnations mises à sa charge au titre des enrobés ;

- condamné in solidum les sociétés Bouce Jean-Michel et Colas Ile de France Normandie à payer à la société Eustache Frères la somme de 11 458 euros pour la reprise du revêtement et de l'enrobé limité à une surface de 650 m2 ;

- dit les sociétés Bouce Jean-Michel et Colas Ile-de-France Normandie ne sauraient devoir garantir la société Eustache Frères au titre du retard dans la livraison de l'ouvrage ;

- octroyé à la société Eustache Frères un délai de grâce de 24 mois avec échelonnement mensuel de la dette et avec intérêts réduits au taux légal en ce qui concerne les condamnations mises à sa charge par le jugement ;

- dit qu'à défaut de règlement d'une échéance par la société Eustache Frères, la créance deviendra entièrement et intégralement exigible ;

- condamné la société Eustache Frères à payer à la société Ludovic Sylvain la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Eustache Frères aux entiers dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, outre ceux de l' instance liquidés à 153,77 euros TTC ;

- rappelé le caractère exécutoire de la présente décision.

Par déclaration du 26 novembre 2021, la société Eustache Frères a formé appel de ce jugement, intimant la SCI Ludovic Sylvain, la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie. L'appel a été enregistré sous le n° RG 21/03194.

Par déclaration du 7 janvier 2022, la SCI Ludovic Sylvain a relevé appel de la même décision, intimant la société Eustache Frères, la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie. L'appel a été enregistré sous le n° RG 22/37.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 5 octobre 2022, la procédure se poursuivant sous le seul n° 21/ 03194.

*

Aux termes de ses dernières conclusions (III) notifiées le 10 octobre 2023, la société Eustache Frères demande à la cour, au visa des articles 1134,1147, 1382, 1244-1 anciens du code civil, 1792-6 du même code, de :

- ordonner la jonction de la présente instance avec l'instance enregistrée sous le n°21/03194 ;

- déclarer la société Ludovic Sylvain mal fondée dans son appel principal et dans son appel incident ;

En conséquence,

- débouter la société Ludovic Sylvain de l'ensemble de ses demandes ;

- la déclarer bien fondée dans son appel principal et dans son appel incident ;

En conséquence,

- réformer le jugement rendu le 4 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Cherbourg en ce qu'il :

* l'a condamnée à payer à la société Ludovic Sylvain les sommes de 43 727,37 euros au titre de la réfection des 4 bardages de façade, de 11 458 euros pour la reprise du revêtement et de l'enrobé et de 11 550 euros au titre du retard de livraison ;

* a dit que les sociétés Bouce Jean-Michel et Colas Ile de France Normandie ne sauraient devoir la garantir au titre du retard dans la livraison de l'ouvrage ;

* l'a condamnée à payer à la société Ludovic Sylvain la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, outre ceux de la présente instance liquidés à 153,77 euros TTC ;

Statuant à nouveau,

Sur la réception des travaux litigieux,

- fixer la réception tacite des travaux litigieux au 30 novembre 2013 ;

A titre subsidiaire sur la réception,

- ordonner la réception judiciaire des travaux au 30 novembre 2013 ;

- ordonner que les condamnations prononcées au profit de la société Ludovic Sylvain interviendront avec la TVA incluse seulement si cette dernière justifie ne pas être affiliée à la TVA ;

- ordonner pour le paiement de toute condamnation prononcée à son encontre, un échelonnement sur 24 mois ;

Sur le bardage,

- lui donner acte de ce qu'elle acceptait de procéder à la réalisation des travaux de reprise des désordres affectant le bardage suivant devis du 1er juin 2018 ;

- ordonner que l'indemnité revenant à la société Ludovic Sylvain sera limitée à la somme de 8 932,22 euros TTC ;

- lui donner acte de ce qu'elle reconnaît devoir à la société Ludovic Sylvain qui a précédemment refusé son intervention, la somme de 8 932,22 euros TTC ;

Sur les enrobés,

- débouter la société Ludovic Sylvain de sa demande de condamnation au titre des enrobés s'agissant d'un défaut apparent non réservé au moment de la réception et en tout état de cause de défauts mineurs ;

A titre subsidiaire, sur les enrobés,

- dire que toute condamnation prononcée de ce chef devra être limitée aux préconisations de l'expert, soit la somme de 11 458 euros TTC ;

- condamner la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie à la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre pour la réparation des enrobés ;

- la condamner in solidum avec la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie pour le règlement de l'indemnité allouée à la société Ludovic Sylvain pour les enrobés ;

Sur les pénalités de retard,

- débouter la société Ludovic Sylvain de toute demande indemnitaire au titre des pénalités de retard ;

A titre subsidiaire, sur les pénalités de retard,

- limiter la condamnation prononcée à son encontre au titre des pénalités de retard à 1 euro symbolique ;

A titre infiniment subsidiaire, sur les pénalités de retard,

- condamner la société Bouce Jean-Michel à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au titre des pénalités de retard ;

En conséquence,

- la condamner in solidum avec la société Bouce Jean-Michel au titre de l'indemnité allouée la société Ludovic Sylvain du chef des pénalités de retard ;

Sur les frais irrépétibles d'instance,

- dire que chacune des parties conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés ;

A titre subsidiaire, sur les frais irrépétibles d'instance, si la juridiction de céans devait retenir une indemnité au profit de la société Ludovic Sylvain au titre des frais irrépétibles d'instance,

- condamner de ce chef la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie à la garantir ;

En conséquence,

- la condamner in solidum avec la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie au titre de l'indemnité allouée à la société Ludovic Sylvain s'agissant des frais irrépétibles d'instance, chacune à hauteur d'un tiers ;

S'agissant des dépens,

- la condamner in solidum avec la société Bouce Jean-Michel et la société Colas Ile-de-France Normandie pour la prise en charge des dépens, chacune à hauteur d'un tiers, réserve faite des frais de la deuxième expertise judiciaire de M. [D] qui resteront à la charge de la société Ludovic Sylvain.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 28 septembre 2023, la société Ludovic Sylvain demande à la cour, au visa des articles 1103 et suivants du code civil, de :

- débouter la société Eustache Frères de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la société Eustache Frères à lui payer les sommes de 42 727,37 euros TTC pour la réfection du bardage afin de tenir compte de l'augmentation des prix du marché et des matériaux, de 11 458 euros pour la reprise du revêtement et de l'enrobé en limitant à une surface de 650 m², et de 11 550 euros au titre du retard de livraison en limitant à 77 jours le retard, ou encore en refusant d'appliquer aux sommes restant dues par la société Eustache Frères après compensation le taux d'intérêt légal à compter du 27 février 2014 ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice de jouissance ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Eustache Frères à lui payer les sommes suivantes :

* 64 461,44 euros TTC correspondant aux travaux nécessaires à la réfection du bardage, laquelle sera compensée avec la somme de 42 122,19 euros au titre des travaux impayés, le solde avec intérêts au taux légal depuis 27 février 2014 ;

* 22 903,20 euros TTC correspondant à la réfection de l'enrobé, avec intérêts au légal depuis le 27 février 2014 ;

* 500 euros au titre de la réfection du raccord bêton près de l'élévateur, avec intérêts au taux légal depuis le 27 février 2014 ;

* 36 300 euros au titre des pénalités de retard ;

* 187 680 euros au titre du préjudice de jouissance subi ;

Subsidiairement, si la cour devait maintenir les positions de l'expert judiciaire et du tribunal de commerce de Cherbourg limitant son droit à réparation à la surface de 650 m² d'enrobé,

- condamner la société Eustache Frères à lui régler la somme actualisée de 22 066,20 euros TTC pour ce poste ;

Quoi qu'il en soit,

- condamner la société Eustache Frères au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Eustache Frères aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 octobre 2023, la société Colas Ile-de-France Normandie demande à la cour de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* condamné la société Eustache Frères à payer à la société Ludovic Sylvain les sommes de 43 727,37 euros, au titre de la réfection des 4 bardages de façade, de 11 550 euros, au titre du retard de livraison ;

* débouté la société Ludovic Sylvain de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice de jouissance ;

* condamné la société Ludovic Sylvain à payer à la société Eustache Frères la somme de 42 122, l9 euros au titre des travaux impayés ;

* ordonné la compensation entre les dettes et créances réciproques telles que fixées par le tribunal et dit que les dettes et créances réciproques n'emporteront pas d'intérêt du fait de leur compensation ;

* dit qu'elle-même et la société Bouce Jean-Michel ne sauraient devoir garantir la société Eustache Frères au titre du retard dans la livraison de l'ouvrage ;

* octroyé à la société Eustache Frères un délai de grâce de 24 mois avec échelonnement mensuel de la dette et avec intérêts réduits au taux légal en ce qui concerne les condamnations mises à sa charge par le jugement ;

* dit qu'à défaut de règlement d'une échéance par la société Eustache Frères, la créance deviendra entièrement et intégralement exigible ;

* condamné la société Eustache Frères à payer à la société Ludovic Sylvain la somme de 2 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société Eustache Frères aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, outre ceux de la présente instance liquidée à 153,77 euros TTC ;

- réformer le jugement en ce qu'il :

* a condamné la société Eustache Frères à payer à la société Ludovic Sylvain la somme de 11 458 euros pour la reprise du revêtement et de l'enrobé limité à une surface de 650 m2 ;

* a dit qu'elle-même et la société Bouce Jean-Michel devront garantir la société Eustache Frères des condamnations mises à sa charge au titre des enrobés ;

* l'a condamnée in solidum avec la société Bouce Jean-Michel à payer à la société Eustache Frères la somme de 11 458 euros pour la reprise du revêtement et de l'enrobé limité à une surface de 650 m2 ;

* a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- débouter la société Ludovic Gauvin (sic) de sa demande relative à la reprise des enrobés ;

En conséquence,

- débouter la société Eustache Frères de sa demande de garantie à son encontre ;

- débouter toutes les parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;

A titre subsidiaire, dans le cas où la cour condamnerait la société Eustache Frères à prendre en charge les travaux de reprise au titre du revêtement et de l'enrobé,

- confirmer le jugement en ce qu'il limite le coût des travaux de reprise des enrobés à la somme de 11 458 euros TTC ;

- dire et juger que les malfaçons observées au niveau des enrobés sont uniquement dues à un retard de chantier entièrement imputable à la société Eustache Frères et/ou la société Bouce Jean-Michel ;

- rejeter l'appel incident présenté par la société Eustache Frères ;

- débouter la société Eustache Frères de sa demande de garantie à son encontre ;

- condamner la société Bouce Jean-Michel à la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

A titre infiniment subsidiaire, dans le cas où la cour l'a condamnerait in solidum avec la société Bouce Jean-Michel à garantir la société Eustache Frères des condamnations prononcées à son encontre au titre des reprises du revêtement et de l'enrobé,

- arrêter le partage de responsabilité suivant au titre de la contribution à la totalité de la dette liée aux enrobés :

* 95 % société Bouce Jean-Michel,

* 5% société Colas Ile-de-France Normandie ;

En tout état de cause,

- condamner la société Ludovic Sylvain et la société Eustaches Frères, ou à défaut, toute partie succombante à lui verser chacune la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner in solidum la société Ludovic Sylvain et la société Eustache Frères, ou à défaut, toute partie succombante, aux entiers dépens conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

*

Les déclarations d'appel ont été régulièrement signifiées à la personne morale de la société Bouce Jean-Michel par la société Eustaches Frères le 20 janvier 2022, et par la SCI Ludovic Sylvain le 11 mars 2022, mais la société Bouce Jean-Michel n'a pas constitué avocat en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2023.

Pour l'exposé complet des prétentions et de l'argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS

Liminairement,

Il y a lieu de rappeler que les deux instances entôlées sous les numéros RG 21/03194 et RG 22/37 ont été jointes par ordonnance du 5 octobre 2022, la procédure se poursuivant sous le seul n° RG 21/ 03194, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de jonction présentée par la société Eustache Frères.

En outre, il convient de constater que le tribunal, en statuant de nouveau sur la demande de la société Eustache Frères en paiement des travaux demeurés non réglés, a implicitement déclaré recevable l'opposition formée par la SCI Ludovic Sylvain le 22 janvier 2014 à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 31 décembre 2013, laquelle a mis à néant la dite ordonnance. En l'absence de toute contestation des parties sur ce point, il y a lieu de préciser que les dispositions du jugement non frappées d'appel ainsi que le présent arrêt se substitueront à la dite ordonnance.

Enfin, aucune partie ne sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SCI Ludovic Sylvain à payer la somme de 42 122,19 euros au titre des travaux impayés de sorte que la cour n'est pas saisie de ces dispositions devenues définitives.

- Sur la réception de l'ouvrage :

La société Eustache Frères et la société Colas Ile-de-France Normandie critiquent le jugement en ce que le tribunal a considéré à tort qu'en l'absence de réception sans réserve et de règlement total des sommes dues, il ne saurait être retenu une réception tacite de l'ouvrage par la SCI Ludovic Sylvain.

La société Eustache Frères fait valoir qu'au contraire, la prise de possession de l'ouvrage sans réserve alors que le maître d'ouvrage se prévalait uniquement d'une créance indemnitaire de 36300 euros au titre d'un retard dans l'exécution des travaux, caractérisent sa volonté non équivoque d'accepter les travaux en l'état. Elle demande en conséquence à la cour de fixer la réception tacite des travaux, ou à défaut d'ordonner la réception judiciaire, au 30 novembre 2013, date à laquelle la SCI Ludovic Sylvain a formalisé sa position à ce titre en justifiant le refus de régler le solde du chantier par le retard qu'elle pensait pouvoir opposer à sa contractante, émettant uniquement deux réserves relatives à la porte automatique et la rouille apparue sur le bardage.

La société Colas Ile de France Normandie considère que la prise de possession intervenue en mars 2013 après achèvement des travaux à la fin du mois de février précédent, ajoutée au règlement de plus de 79% du montant total des travaux et à l'absence de réserve au jour de l'entrée en jouissance des lieux constituent les trois conditions démontrant la volonté non équivoque du maître d'ouvrage de recevoir l'ouvrage en mars 2013.

La SCI Ludovic Sylvain réplique que la présomption de réception tacite de l'ouvrage nécessite une prise de possession de l'ouvrage et le paiement intégral des travaux, conditions cumulatives, dont la seconde n'est pas remplie en l'espèce. Elle précise que son refus de payer la somme de 42 122,19 euros caractérise sa volonté non équivoque de ne pas accepter l'ouvrage alors que certains travaux n'étaient pas finis ou repris (contestation sur la pose d'un châssis fixe au lieu d'un ouvrant, raccord béton du sol près du pont élévateur, fissuration du sol du garage, aspect des enrobés, dysfonctionnement de la porte automatique), que la question des pénalités n'était pas tranchée, quand des désordres plus importants liés à la corrosion des pieds du bardage sont apparus très rapidement. Elle sollicite en conséquence la confirmation du jugement sur ce point et s'oppose à la fixation de la réception tacite comme au prononcé d'une réception judiciaire tel que sollicité adversairement.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1796-6 du code civil, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.

Ces dispositions n'excluent pas la possibilité d'une réception tacite. Pour caractériser une telle réception, le juge doit rechercher si la prise de possession manifeste une volonté non équivoque d'accepter l'ouvrage.

La prise de possession de l'ouvrage et le paiement intégral ou quasi-intégral des travaux par le maître de l'ouvrage font présumer la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de le recevoir avec ou sans réserves.

Pour écarter l'existence d'une réception tacite en présence d'une entrée dans les lieux et du paiement des travaux c'est au maître d'ouvrage qu'il appartient de démontrer une volonté non équivoque de ne pas recevoir l'ouvrage.

En l'espèce, aucune réception expresse n'est intervenue.

Il est constant que la SCI Ludovic Sylvain 'a pu prendre possession de l'ouvrage au 28 février 2013", selon ses propres déclarations à l'expert (p 11/22 du rapport), 'date à laquelle M. [V], gérant de la sci et de la société commerciale qui allait exploiter le bâtiment, la société JPR Cars, a pu réellement prendre possession de l'ensemble pour y disposer son stock de voitures et accueillir sa clientèle' (p 15/20 des conclusions de la SCI Ludovic Sylvain). L'extrait K-bis de la Sarl JPR Cars communiqué confirme le transfert de son siège social à sa nouvelle adresse à [Adresse 8] ainsi que sa reprise d'activité le 11 mars 2013.

Par ailleurs, trois factures restaient à régler en date des 30 novembre 2012 (4.967,28 euros TTC : portail coulissant) et 28 février 2013 (28 589,35 euros TTC au titre des enrobés, 8 565,56 euros TTC au titre de la fourniture et pose de clôture et de la motorisation du portail), pour un total de 42 122,19 euros. Toutefois, aucun élément ne permet d'affirmer que la société Eustache Frères avait déjà réclamé le paiement des deux dernières factures lors de l'entrée en jouissance des lieux par la SCI Ludovic Sylvain. En tout état de cause, 81 % du montant total des travaux (en ce compris les travaux complémentaires) avaient été payés à cette date.

De surcroît, aucune pièce ne vient établir une quelconque contestation de la SCI Ludovic Sylvain avant une première correspondance adressée à la société Eustache Frères, le 30 novembre 2013, soit huit mois après la prise de possession de l'ouvrage et ce, en réponse à la lettre de mise en demeure du paiement des factures non réglées envoyée par la société Eustache Frères le 21 novembre précédent, et rédigée comme suit :

' Je reçois un courrier de votre part me demandant de régler les factures n° E12/11/60, E13/02/09, E13/02/10, je vous rappelle une nouvelle fois qu'en décembre 2011, nous avons signé ensemble un marché pour la construction d'un hangar avec une clause de pénalité de retard de 150 euros par jour de retard, les travaux signés devant m'être livrés au plus tard le 30 juin 2012 alors qu'ils m'ont été livrés le 20 février 2013 c'est à dire avec 235 jours de retard ce qui fait une indemnité de 35 250,00 euros HT sans compter le manque à gagner sur l'exploitation du commerce et de la location du bâtiment.

D'autre part, je vous ai envoyé un courrier le 19 novembre 2013 pour vous signaler deux anomalies : la porte automatique qui fonctionne anormalement depuis le début malgré plusieurs interventions de votre part et de la rouille qui apparaît sur le bardage d'une façon importante, à ce jour, je n'ai toujours pas vu une personne de votre entreprise venir régler ces deux anomalies. J'attends votre visite rapidement'.

La prise de possession de l'ouvrage et le paiement de plus de 80% des travaux, alors que le refus de payer le solde des travaux n'a été formulé qu'ultérieurement lors de l'envoi de la lettre de mise en demeure du 21 novembre 2013 et ce encore, pour des raisons tenant essentiellement à la réclamation d'une indemnité au titre du seul retard dans l'exécution des travaux, présument d'une réception tacite de l'ouvrage.

La SCI Ludovic Sylvain pour sa part ne rapporte pas la preuve d'une volonté non équivoque de ne pas accepter les travaux. En effet, elle affirme sans le démontrer que son défaut de paiement était justifié par l'absence de finition ou de reprise de certains travaux ou encore par l'apparition de désordres plus importants liés à la corrosion. Elle ne rapporte pas la preuve d'une quelconque réclamation ou critique adressée à la société Eustache Frères avant sa lettre du 30 novembre 2013, et le procès-verbal de constat d'huissier dressé le 30 janvier 2014 à son initiative comme sa demande d'expertise présentée par acte du 27 février 2014, font suite à l'ordonnance d'injonction de payer qui lui a été signifiée le 15 janvier précédent à laquelle elle a formé opposition le 22 janvier 2014.

L'ensemble de ces éléments permet de faire droit à la demande de la société Eustache Frères et de retenir une réception tacite avec réserves à la date du 30 novembre 2013, manifestant la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter les travaux.

- Sur les demandes d'indemnisation de la SCI Ludovic Sylvain :

* au titre des désordres :

-Sur la corrosion des pieds de bardage :

La société Eustache Frères ne conteste pas les constatations faites par l'expert sur ce point ni même sa responsabilité, soulignant néanmoins le caractère limité de ces désordres localisés uniquement en partie basse des panneaux de bardage et l'absence de toute aggravation neuf ans après leur survenue. En revanche, elle critique la solution préconisée par l'expert et retenue par le tribunal de commerce, à savoir le remplacement complet des panneaux de bardage, solution qu'elle estime disproportionnée alors que sa proposition moins onéreuse, validée par le fournisseur du bardage et un peintre professionnel, permettrait de remédier tout aussi efficacement aux désordres relevés.

Elle rappelle que le juge n'est nullement lié par les conclusions du technicien et qu'il apprécie souverainement la solution réparatoire qu'il convient d'ordonner.

La SCI Ludovic Sylvain sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SCI Ludovic Sylvain à réparer le préjudice de remplacement des panneaux endommagés. Elle demande toutefois à voir porter le montant de la réparation à la somme de 64 461,44 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 27 février 2014 ce, afin de tenir compte de l'ancienneté du rapport d'expertise, produisant à l'appui de sa demande, un devis actualisé au 1er juillet 2022 portant sur les mêmes prestations que celles préconisées par l'expert.

Sur ce,

La SCI Ludovic Sylvain ne précise pas expressément le fondement juridique de ses demandes, à l'exception du visa des 'articles 1103 et suivants du code civil' inséré dans son dispositif. Retenant l'absence de réception, il doit s'entendre qu'elle a présenté ses demandes sur le fondement contractuel de droit commun.

Compte tenu de la date d'accomplissement des travaux, ces demandes seront examinées sur le fondement de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, lequel dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Le désordre résultant de la corrosion des pieds de bardage a été réservé de sorte que la SCI Ludovic Sylvain est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice sur ce fondement.

L'expert n'est pas critiqué en ce qu'il a constaté que les parties basses des panneaux de bardage isolant métalliques constituant les parois extérieures sont atteintes par la corrosion, laquelle se développe aux endroits où les panneaux sont en contact avec le profil de rejet d'eau en tôle laquée et principalement sur ceux qui ont été coupés. Il a relevé que ces désordres touchaient trois façades, mais aussi dans le cadre du complément d'expertise, également la quatrième façade.

Concernant les causes des désordres, l'expert a fourni les informations techniques suivantes : la corrosion est due au fait que le bac a été coupé et que l'acier n'a pas été passivé par l'application d'une peinture antirouille, les désordres étant dus à une découpe non appropriée des panneaux. De plus, le fait que les panneaux touchent la bavette de rejet d'eau favorise la rétention de l'eau et donc le développement de la corrosion. Il conclut à une malfaçon de réalisation.

Il en ressort que la société Eustache Frères a manqué à son obligation de résultat et commis une faute en opérant une découpe non appropriée des panneaux et en omettant d'appliquer une peinture antirouille pour passiver l'acier. La responsabilité de l'entrepreneur, au demeurant non contestée, est engagée.

L'expert a conclu au remplacement des panneaux endommagés. Il a écarté le devis communiqué par la société Eustache Frères consistant principalement à appliquer une peinture sur les bacs de bardage ce, en expliquant que 'l'emplacement en site très exposé, à proximité de la mer, l'incertitude sur les conditions d'application, ne permettront pas de garantir la tenue de l'ouvrage et la non-apparition des désordres'.

Compte tenu de ces justifications, la cour retiendra la solution préconisée par l'expert qui apparaît comme la seule solution permettant de remédier de manière certaine et efficace aux désordres relevés.

Sur la base d'un devis du 4 février 2015, et compte tenu des précisions apportées dans le second rapport d'expertise par l'expert dans son chiffrage, le montant total du remplacement des quatre panneaux litigieux s'élève à la somme de 36 439,47 euros HT soit 43 727,36 euros TTC (repris dans les conclusions expertales avec erreur à 42 727,36 euros).

A juste titre, la société Eustache Frères fait valoir qu'il appartient au maître d'ouvrage victime qui demande le paiement des travaux de réparation TVA incluse, de démontrer que ses activités professionnelles ne sont pas soumises à cette taxe et qu'il ne peut pas récupérer celle payée en amont. Or, la SCI Ludovic Sylvain dont l'activité est de louer des biens aménagés à usage professionnel ne justifie pas remplir de telles conditions.

En conséquence, il sera retenu la somme de 36 439,47 euros HT dont la société Eustache Frères est redevable envers la SCI Ludovic Sylvain.

La somme accordée au titre de ces travaux de reprise sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 entre le 27 janvier 2016, date du premier rapport d'expertise et le présent arrêt, ce qui permet ainsi de tenir compte de l'ancienneté du rapport et de l'évolution des conditions économiques.

La demande de la SCI Ludovic Sylvain tendant à voir porter sa demande à un montant d'un tiers supérieur à celui estimé en 2015 n'est pas justifiée pour d'autres motifs de sorte qu'elle sera rejetée.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

- Sur l'aspect des enrobés :

La société Eustache Frères conclut à la réformation du jugement à ce titre en ce que ces désordres étaient apparents au moment de la réception et non réservés, considérant en tout état de cause qu'ils ne justifient pas de réparation s'agissant de désordres très limités.

Subsidiairement, elle estime que les défauts constatés relèvent de considérations purement esthétiques et ne justifient pas la réalisation de travaux de réfection complet des enrobés.

En tout état de cause, elle sollicite sa garantie par la société Bouce Jean-Michel, ce sur le fondement contractuel en sa qualité de sous-traitant et par la société Colas Ile-de-France Normandie sur le fondement délictuel en sa qualité de sous-traitant de la société Bouce Jean-Michel.

La SCI Ludovic Sylvain critique également le jugement en ce qu'il a entériné la solution préconisée par l'expert limitant la reprise sur la seule surface correspondant à l'accès du bâtiment et au parking clientèle ainsi qu'à une partie des passages de part et d'autre du bâtiment alors qu'il établissait par ailleurs que le revêtement bitumeux présentait un aspect inacceptable sur toute sa surface.

La société Colas Ile de France Normandie affirme que les désordres relatifs à l'enrobé sont d'ordre esthétique donc décelables par la SCI Ludovic Sylvain au jour de la prise de possession de l'ouvrage de sorte qu'en l'absence de toutes réserves formulées par le maître d'ouvrage, ils doivent être supportés par ce dernier.

En tout état de cause, elle dénie sa garantie dans la mesure les défauts constatés sont en lien avec le retard pris par la société Eustache Frères dans l'exécution des travaux propres au bâtiment, ce qui constitue une cause étrangère de nature à l'exonérer de toute responsabilité. Elle rappelle à cet égard que l'expert a relevé que si les travaux avaient été réalisés au cours de l'été, tel que prévu initialement, les désordres litigieux ne seraient pas apparus.

Subsidiairement, elle sollicite la confirmation du jugement quant au chiffrage retenu pour la reprise limitée de 600 m2, mais sa réformation en ce qu'il n'a pas réparti entre les co-obligés in solidum leur contribution à la totalité de la dette. Elle demande en conséquence que la cour retienne sa responsabilité à hauteur de 5% uniquement, et 95% concernant la société Bouce Jean-Michel ce, compte tenu des fautes commises par son sous-traitant dans la réalisation des travaux à l'origine du décalage de calendrier et expliquant la réalisation des enrobés en période froide, principale cause des désordres.

Sur ce,

Il est admis que les défauts de conformité contractuels apparents sont, comme les vices de construction apparents, couverts par la réception sans réserves.

L'expert a relevé 'l'aspect des joints disgracieux. Ils ont mal réalisés. Les traces blanches ont pour origine l'utilisation de granulats non triés, avec des granulats de couleur blanche parmi des granulats de couleur grise'. Il conclut ainsi : 'comme l'indique la société Colas Ile-de-France Normandie , les joints traités pourraient restés disgracieux. De plus, la réfection des joints ne modifiera pas l'aspect inesthétique des enrobés particulièrement en façade principale du bâtiment. Pour y remédier, je propose de raboter les enrobés et refaire une couche sur une surface limitée à 650m2, correspondant à l'accès au bâtiment, à toute la superficie de parking clientèle, et à une partie des passages de part et d'autre du bâtiment'. Il évalue à 11 458 euros le montant des travaux de reprise.

Il ressort de ces constatations que les défauts constatés sont esthétiques et qu'ils existaient déjà lors de la prise de possession de sorte qu'ils doivent être qualifiés de désordres apparents, ce qui n'est pas contesté par la SCI Ludovic Sylvain.

Cependant, n'ayant pas fait l'objet de réserves de la part de la SCI Ludovic Sylvain au 30 novembre 2013, la responsabilité de la société Eustache Frères ne saurait être engagée sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Eustache Frères à payer à la SCI Ludovic Sylvain la somme de 11 458 euros TTC pour la reprise du revêtement et de l'enrobé limité à une surface de 650 m2 et cette dernière sera déboutée de toutes les demandes formulées à ce titre. Par suite, il y a lieu d'infirmer les dispositions ayant condamné les sous-traitants à garantir la société Eustache Frères au titre des enrobés.

- Sur le raccord du sol en béton près du pont élévateur :

La SCI Ludovic Sylvain sollicite à ce titre une somme de 500 euros telle que déterminée par l'expert, rappelant que la société Eustache Frères était titulaire d'un marché global portant sur la réalisation du bâtiment de sorte qu'elle est tenue à une obligation de réparer les désordres fussent ils commis par son sous-traitant.

La société Eustache Frères s'oppose à cette demande dès lors que le raccord du sol en béton n'a pas été réalisé par elle mais par la société Selca, entreprise installatrice du chauffage ce, à l'occasion d'une intervention pour une anomalie de son installation.

Sur ce,

Le tribunal a omis de statuer sur cette demande dans le dispositif de son jugement, considérant dans ses motifs, que 'le raccord de sol près du pont élévateur n'avait pas été réalisé par la société Eustache Frères, la reprise de ce raccord n'est pas à sa charge'.

La SCI Ludovic Sylvain a indiqué à l'expert que le sol du garage était pourvu d'un système de chauffage par câble électriques incorporés dans le dallage en béton, qu'une anomalie de chauffage étant apparue, que l'entreprise Selca qui avait installé le chauffage avait constaté lors de son intervention que le câble avait été endommagé lors du coulage de béton et qu'enfin, le câble avait été réparé et le raccord du béton réalisé, lequel demeurait cependant disgracieux.

La cour relève comme l'expert qu'il n'existe aucune constatation contradictoire du désordre sur le câble de sorte que le coût de la reprise du raccord réalisé par l'entreprise Selca en raison de son caractère disgracieux, lequel constitue en tout état de cause un désordre apparent, ne saurait être mis à la charge de la société Eustache Frères, étant observé que cette dernière n'avait pas en charge le lot chauffage électricité, ni la qualité de maître d'oeuvre.

En conséquence, la SCI Ludovic Sylvain sera déboutée de sa demande.

- Sur les pénalités de retard :

La SCI Ludovic Sylvain rappelle que la société Eustache Frères s'était obligée contractuellement à achever les travaux pour le 30 juin 2012 et, à défaut, à supporter une pénalité de 150 euros par jour de retard à compter de cette date. Elle estime que l'expert a arrêté à tort la date d'achèvement des travaux au 15 septembre 2013, puis au 15 octobre 2013, limitant in fine à 77 jours le retard imputable à la société Eustache Frères ce, alors qu'il admettait lui-même que l'accès au bâtiment construit n'était pas envisageable tant que les enrobés n'étaient pas coulés, ce qui n'a été réalisé qu'en février 2013. Elle considère que l'expert, comme le tribunal, ont retenu à tort la date de l'achèvement du bâtiment proprement dit et non celle de l'ouvrage commandé alors que le délai de livraison s'appliquait à l'ouvrage, lequel incluait la réalisation des enrobés.

La société Eustache Frères fait valoir que la clause visée par la SCI Ludovic Sylvain au titre des pénalités de retard ne concernait que le bâtiment et non le bâtiment et ses voiries, qu'elle a accepté cette astreinte sous une condition qui s'est effectivement réalisée (conditions climatiques), que des travaux complémentaires ont été sollicités et exécutés, que le maître d'ouvrage n'a formulé aucune réserve à la réception, ni notifié une quelconque mise en demeure à son encontre et qu'enfin, celui-ci ne justifie d'aucune préjudice, de sorte que le jugement ne pourra qu'être infirmé et la SCI Ludovic Sylvain déboutée de cette demande. Elle estime qu'à tout le moins, l'indemnité résultant de la clause pénale devra être réduite à 1 euro symbolique et enfin, subsidiairement, que la société Bouce Jean Michel lui devra sa garantie à ce titre.

Sur ce,

Le devis accepté du 6 décembre 2011intitulé 'Réalisation d'un bâtiment industriel à Gonneville' portant sur le montant initial de 203 320 euros a été signé par les deux parties, la SCI Ludovic Sylvain avec la mention manuscrite suivante : 'Bon pour accord ; une pénalité de 150 euros par jour sera retenue si le bâtiment n'est pas livré le 30 juin 2012".

Postérieurement, par lettre du 13 décembre 2011, la société Eustache Frères indiquait 'avoir bien pris en compte des pénalités de retard en cas de dépassement de planning. Il est prévu une fin de travaux pour le 30 juin 2012 (sous réserves des conditions météo ou autres incidences pouvant affecter un retard).'

Il doit être considéré au vu de l'intitulé du devis et de son contenu, lequel comprenait les travaux de terrassement dont les enrobés, comme de l'absence de toute restriction par la société Eustache Frères apportée postérieurement dans sa lettre du 13 décembre 2011, que les parties ont convenu de pénalités en cas de retard dans la livraison de l'ouvrage et non seulement du bâtiment stricto sensu, nonobstant l'emploi du terme bâtiment. Au demeurant, ainsi que l'indique l'expert dans son rapport, 'il est certain que M. [V] ne pouvait accéder au bâtiment du fait que la voie n'était pas terminée', confirmant en page 19/22 que 'la réalisation des enrobés était nécessaire pour démarrer l'activité du garage automobile', de sorte qu'il n'y aurait aucun sens à ne pas prévoir de pénalités de retard pour l'ouvrage en son ensemble dès lors qu'aucune prise de possession du bâtiment stricto sensu n'était possible avant la réalisation des enrobés.

Par ailleurs, il sera relevé que le contrat ne prévoit aucun plafonnement des pénalités de retard et ne fait pas référence expressément à la norme AFNOR NFP03-001 limitant le plafonnement des dites pénalités à 5% du montant du marché de travaux.

L'exécution des travaux dans le délai convenu par les parties constitue l'une des obligations essentielles de tout entrepreneur.

Il est constant que les stipulations relatives à la fixation des pénalités de retard constituent une clause pénale.

En l'occurrence, il n'est pas réellement contesté ainsi que l'indique l'expert que:

- le bâtiment proprement dit a été achevé en septembre 2012 ;

- les réseaux, bordures, portail fin octobre 2012 ;

- les revêtements enrobés n'ont été réalisés qu'en février 2013 ;

- l'ouvrage a été terminé le 21 février 2013 (p 5/22 du rapport d'expertise).

En conséquence, l'ouvrage commandé le 6 décembre 2011 a été livré avec 236 jours de retard, ce qui sera retenu par la cour ;

Par ailleurs, l'expert a considéré que les travaux complémentaires commandés par le maître d'ouvrage suivant trois devis acceptés les 9 et 16 mai 2012, et 13 septembre 2012 pour un montant total de 24 156,52 euros, ne représentaient pas une charge telle que le délai global ne pouvait être tenu, précisant que si tel était le cas il appartenait à la société Eustache Frères de le préciser.

De fait, l'importance des travaux, s'agissant de la fourniture et pose de volets roulants électriques, de la réalisation d'un solivage bois pour les bureaux du plancher selon deux devis des 9 et 16 mai 2012, et de la fourniture et pose d'une clôture et d'un portail coulissant motorisé suivant devis du 13 septembre 2012, ne justifie pas un tel retard, étant observé que la société Eustache Frères, qui ne précise pas la durée effective de ces travaux, n'a pas sollicité auprès du maître d'ouvrage une prorogation du délai de livraison au titre des deux premiers devis des 9 et 16 mai 2012. La commande de travaux complémentaires selon devis du 13 septembre 2012, de courte durée d'exécution, postérieurement à l'expiration du terme, alors que le celui-ci était néanmoins déjà largement dépassé, ne saurait valoir renoncement à se prévaloir de l'application de la clause pénale.

L'expert ajoute de la même manière, que les conditions climatiques de l'année 2012, ne peuvent suffire à expliquer le retard de livraison. De fait, l'unique pièce communiquée à ce titre par la société Eustache Frères, à savoir un bilan de la météo 2012, fait état d'une année 2012, 'globalement sur la France, proche de la normale, qu'il s'agisse des températures, précipitations ou de l'ensoleillement', mentionnant uniquement 'une vague de froid exceptionnelle touchant l'ensemble du pays début février', est insuffisante, en l'absence de production des relevés météorologiques locaux, à établir précisément que la ville de Gonneville a eu à connaître des intempéries et plus particulièrement de cette vague de froid. Au surplus, la société Eustache Frères ne précise aucunement qu'elles auraient été les incidences de ces intempéries sur l'exécution concrète des travaux et dans quelle mesure celles-ci auraient empêché la poursuite des travaux de construction, lesquels ne sont pas systématiquement arrêtés en ce cas.

Enfin, la cour relève que la société Eustache Frères n'a jamais sollicité une prorogation du délai d'exécution au titre des intempéries.

Par ailleurs, c'est à tort que la société Eustache Frères oppose l'absence de lettre préalable de mise en demeure pour échapper au paiement des pénalités de retard.

Selon l'article 1230 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, relatif aux obligations avec clause pénale, applicable en l'espèce, soit que l'obligation primitive contienne, soit qu'elle ne contienne pas un terme dans lequel elle doive être accomplie, la peine n'est encourue que lorsque celui qui s'est obligé soit à livrer, soit à prendre, soit à faire, est mis en demeure.

Il peut être dérogé à cette formalité si l'inexécution est acquise et a causé un préjudice à l'autre partie ou si les parties sont convenues, même tacitement, qu'une mise en demeure n'était pas nécessaire.

En l'espèce, il y a lieu de retenir qu'en édictant un délai précis d'exécution et en décidant que la pénalité serait due dès le terme précis de ce délai, les parties ont entendu tacitement déroger à la nécessité de la mise en demeure de sorte que l'arrivée du terme du délai fixé rendait la pénalité automatiquement exigible.

La lettre du 13 décembre 2011 de la société Eustache Frères ne saurait remettre en cause l'engagement qu'elle avait pris 7 jours auparavant en signant le devis incluant la clause pénale litigieuse dans les termes ci-dessus énoncés.

Même à considérer que les réserves apportées par la société Eustache Frères dans ce courrier, 'conditions météo ou autres incidences pouvant affecter un retard' aient été acceptées tacitement par la SCI Ludovic Sylvain, force est de constater que l'entrepreneur ne justifie pas, ni n'allègue au demeurant, s'être prévalu en cours d'exécution du chantier, de la survenue de l'une ou l'autre de ces conditions justifiant un report du délai de livraison, et par suite l'envoi d'une lettre de mise en demeure de la part du maître d'ouvrage en cas de dépassement du délai d'exécution nouvellement convenu, ou le cas échéant de refus de celui-ci de toute prorogation du délai initial.

La société Eustache Frères sollicite en outre la réduction de la peine convenue à 1 euro symbolique, considérant celle-ci manifestement excessive en l'absence de préjudice établi de la part de la SCI Ludovic Sylvain et tenant au délai de réalisation des travaux.

En application de l'article 1152 alinéa 2 ancien du code civil devenu, 1231-5 alinéa 2 du même code, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Si de fait, l'exploitation des locaux par la société JPR Cars a été effective à compter du mois de mars 2013, il reste que la SCI Ludovic Sylvain ne prétend nullement que cette mise à disposition devait intervenir antérieurement impérativement de sorte qu'elle aurait subi un préjudice commercial à ce titre. Dès lors, il conviendra de réduire le montant alloué au titre de la clause pénale dont le montant est manifestement excessif à la somme de 17 700 euros, correspondant à 236 jours à 75 euros.

En conséquence, le jugement sera infirmé quant au montant alloué à la SCI Ludovic Sylvain au titre de la clause pénale, et la société Eustache Frères sera condamnée à lui payer la somme de 17 700 euros à ce titre.

Enfin, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de garantie formée par la société Eustache Frères à l'encontre de la société Bouce Jean-Michel.

En effet, le sous-traitant ne peut être tenu pour responsable que des conséquences de l'inexécution des obligations résultant du contrat de sous-traitance et de celles qu'il pouvait prévoir au regard du contenu de ce contrat.

En l'espèce, la société Eustache Frères ne justifie pas d'une quelconque obligation imposée à la société Bouce Jean-Michel au titre du délai d'exécution des enrobés.

En conséquence, le jugement sera confirmé à ce titre.

- Sur le préjudice de jouissance allégué par la SCI Ludovic Sylvain :

Le tribunal a rejeté la demande formée à ce titre par le maître d'ouvrage en considérant que les désordres invoqués n'avaient pas empêché l'exploitation du bâtiment.

La SCI Ludovic Sylvain entend justifier en cause d'appel le préjudice subi en raison des désordres non encore réparés dès lors qu'à l'issue de la période d'exploitation commerciale par la société JPR Cars au titre de l'activité de garagiste automobile, laquelle a pris fin en juillet 2015, elle n'a pas été en mesure de louer à un autre exploitant les locaux litigieux.

La société Eustache Frères sollicite la confirmation du jugement dès lors que la SCI Ludovic Sylvain ne démontre pas davantage qu'elle n'aurait pas été en mesure de louer ou vendre l'immeuble en cause.

Sur ce,

La décision critiquée par la SCI Ludovic Sylvain sera confirmée sur ce point dans la mesure où elle ne conteste pas que les désordres dénoncés, en ce compris ceux relatifs à la corrosion des pieds de bardage, n'ont pas empêché une exploitation normale de son activité de garage automobile par la société JPR Cars ayant occupé les locaux litigieux jusqu'au 6 août 2015 date de la cessation de son activité.

A juste titre, la société Eustache Frères rappelle qu'en application de l'article 1150 ancien du code civil, le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qu'on a pu prévoir lors du contrat, alors qu'en l'espèce il n'est nullement contesté que le bâtiment a été commandé en vue de son exploitation par la société JPR Cars dont le gérant M. [V] était également le gérant de la SCI Ludovic Sylvain.

En tout état de cause, si cette dernière justifie de la valeur locative de l'ouvrage de 32 640 euros par an et d'une valeur vénale de 295 000 euros au 11 mars 2021 (rapport de M. [K] expert immobilier) hors prise en compte des désordres, et produit une attestation de M. [C], administrateur de biens, du 19 décembre 2018, faisant état d'une mise en location difficile tant que les travaux nécessaires à la reprise du bardage ne seront pas réalisés, il apparaît que ce ne sont pas tant les désordres mais l'exécution des travaux de reprise dont ni l'expert ni les parties n'indiquent leur durée prévisible, qui risquait de compromettre la jouissance du bien et le maître d'ouvrage ne justifie pas néanmoins dans l'attente, de la moindre tentative de mise en location de ces locaux par ailleurs toujours estimés en très bon état et exploitables tels quels.

Enfin, les délais avec lesquels la SCI Ludovic Sylvain a sollicité la reprise de l'instance après le dépôt de chacun des rapports d'expertise (10 mois à la suite du rapport du 27 janvier 2016, 6 mois après la remise du rapport du 5 juin 2018) ne permettent pas de caractériser une volonté particulière de sa part de parvenir au plus vite à solutionner le litige pour ne plus subir le préjudice allégué.

En conséquence, pour l'ensemble de ces raisons, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande présentée par la SCI Ludovic Sylvain à ce titre.

- Sur les autres demandes :

* Sur la compensation des créances respectives des parties:

En application de l'article 1347 du code civil, il conviendra d'ordonner la compensation des créances de la société Eustache Frères et de la SCI Ludovic Sylvain.

* Sur les délais de paiement :

La société Eustache Frères sollicite le bénéfice de délai de paiement sur une période de deux ans compte tenu d'un incendie qui a gravement endommagé ses locaux et perturbé son activité. La SCI Ludovic Sylvain ne sollicitant pas l'infirmation du jugement à ce titre, celui-ci ne pourra qu'être confirmé par la cour.

- Sur les demandes accessoires :

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu d'exclure des dépens supportés par la société Eustache Frères ceux liés à la seconde expertise dès lors que celle-ci a mis en exergue les désordres résultant de la corrosion des bardages de la quatrième paroi dont l'entrepreneur a été reconnu responsable et tenu à réparation.

Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée en appel par la SCI Ludovic Sylvain et de condamner la société Eustache Frères au paiement de la somme de 2 500 euros sur ce fondement.

La solution apportée au présent litige ne permet pas de faire droit à la demande de garantie présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens par la société Eustache Frères à l'encontre des sociétés Colas Ile-de-France et Bouce Jean-Michel, laquelle sera rejetée.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société Colas Ile-de-France Normandie.

La société Eustache Frères, partie perdante, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux entiers dépens de la procédure d'appel.

***

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort, publiquement par mise à disposition au greffe,

- dit que l'opposition recevable formée par la SCI Ludovic Sylvain le 22 janvier 2014 à l'encontre de l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 31 décembre 2013 par le tribunal de commerce de Cherbourg a mis à néant la dite ordonnance à laquelle se substituent les dispositions du jugement prononcé par le même tribunal le 4 décembre 2020 non frappées d'appel ainsi que le présent arrêt ;

- confirme le jugement rendu le 4 décembre 2020 par le tribunal de commerce de Cherbourg en ce qu'il a débouté la SCI Ludovic Sylvain de sa demande indemnitaire au titre d'un préjudice de jouissance, dit que les sociétés Bouce Jean-Michel et Collas Ile-de-France ne sauraient devoir garantir la société Eustache Frères au titre du retard dans la livraison de l'ouvrage, octroyé à la société Eustache Frères un délai de grâce de 24 mois selon les modalités fixées par le jugement, ainsi qu'en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance ;

- l'infirme en toutes ses autres dispositions dont la cour d'appel a été saisie ;

Statuant à nouveau de ces seuls chefs infirmés et y ajoutant,

- fixe la réception tacite de l'ouvrage avec réserves au 30 novembre 2013 ;

- condamne la société Eustache Frères à payer à la SCI Ludovic Sylvain la somme de 36 439,47 euros HT au titre des travaux de reprise du désordre lié à la corrosion des pieds de bardage avec intérêt au taux légal à compter du présent arrêt ;

- dit que cette somme allouée sera actualisée en fonction de l'évolution de l'indice BT01 depuis le 27 janvier 2016, date du premier rapport d'expertise jusqu'à la date du présent arrêt ;

- rejette les demandes formées par la SCI Ludovic Sylvain au titre des autres désordres (aspect des enrobés et du raccord près du pont élévateur) et par voie de conséquence les demandes en garantie présentées par la société Eustache Frères à l'encontre des sociétés Colas Ile-de-France Normandie et Bouce Jean-Michel ;

- condamne la société Eustache Frères à payer à la SCI Ludovic Sylvain la somme de 17 700 euros au titre des pénalités de retard ;

- ordonne la compensation des créances de chaque partie ;

- condamne la société Eustache Frères à payer à la SCI Ludovic Sylvain la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejette les demandes formées par les autres parties sur le même fondement ainsi que la demande en garantie présentée par la société Eustache Frères à ce titre à l'encontre des sociétés Colas Ile-de-France et Bouce Jean-Michel ;

- rejette toutes autres demandes fins et conclusions ;

- condamne la société Eustache Frères aux entiers dépens de la procédure d'appel et rejette la demande en garantie formée à l'encontre des sociétés Colas Ile-de-France et Bouce Jean-Michel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

M. COLLET G. GUIGUESSON