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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. de la famille, 26 janvier 2024, n° 21/02705

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/02705

26 janvier 2024

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre de la famille

ARRET DU 26 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/02705 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O7D2

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 18 MARS 2021

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PERPIGNAN

N° RG 18/01423

APPELANTS :

Madame [K] [H]

née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 16]

de nationalité Française

[Adresse 17]

[Localité 16]

Madame [S] [H]

née le [Date naissance 7] 1970 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 15]

Monsieur [U] [H]

né le [Date naissance 5] 1968 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 12]

Représentés par Me Marjorie AGIER, avocat au barreau de MONTPELLIER, substituant Me Céline PIRET de la SCP VIAL-PECH DE LACLAUSE-ESCALE- KNOEPFFLER-HUOT-PIRET-JOUBES, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

INTIMEES :

Madame [P] [H] veuve [A]

née le [Date naissance 8] 1950 à [Localité 20]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 20]

Représentée par Me Sylvie ROUZE, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Madame [T] [O] [A]

née le [Date naissance 2] 1971 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 20]

Représentée par Me Geneviève CALVET-MASNOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Madame [M] [J]

née le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 21]

de nationalité Française

[Adresse 18]

[Localité 20]

Représentée par Me Geneviève CALVET-MASNOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES

Ordonnance de clôture du 24 Octobre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 NOVEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre

Madame Nathalie LECLERC-PETIT, Conseillère

Madame Morgane LE DONCHE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Séverine ROUGY

ARRET :

- Contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Catherine KONSTANTINOVITCH, Présidente de chambre, et par Madame Séverine ROUGY, Greffière.

FAITS ET PROCÉDURE

Par jugement en date du 16 décembre 2013, Mme [L] [G], veuve [H] , née le [Date naissance 6] 1926, a été placée sous curatelle renforcée.

Le 4 juillet 2014, Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], ses petits-enfants, ont déposé plainte pour abus de faiblesse.

Le [Date décès 13] 2014, Mme [L] [G] est décédée à [Localité 20], laissant pour lui succéder sa fille Mme [P] [H] épouse [A], et ses trois petits-enfants, Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], venant en représentation de leur père prédécédé, M. [N] [H].

Préalablement à son décès, elle avait par avenant du 26 novembre 2013, modifié la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie Poste Avenir n°343869075 qu'elle avait souscrit auprès de la société [19] le 15 juin 1995, désignant son arrière-petite-fille, [M] [J], en lieu et place de son petit-fils [U] préalablement désigné le 18 juillet 2013.

Le 22 janvier 2014, elle avait par ailleurs établi un virement de 10'000 euros au bénéfice de son arrière-petite-fille, [M] [J], âgée de 13 ans et demi.

Le 18 mars 2015, Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], après avoir pris connaissance de la déclaration de succession prévisionnelle, faisaient part à leur notaire, Me [D], de leurs interrogations quant à la modification du patrimoine de la défunte depuis l'ouverture de la mesure de protection et de diverses demandes aux fins de modifier l'actif successoral.

La plainte pour abus de faiblesse a été classée sans suite.

Par assignation en date du'3 avril 2018, Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] ont attrait Mme [P] [H], épouse [A], devant le Tribunal judiciaire de'Perpignan aux fins d'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Mme [L] [G] et de désignation d'un notaire et d'un juge commis, sollicitant au préalable une expertise pour déterminer les masses actives et passives et le montant des sommes devant être rapportées.

Par acte d'huissier en date du 4 février 2019, les demandeurs ont fait appeler en intervention forcée à la cause Mme [T] [A] et Mme [M] [J], respectivement fille et petite-fille de Mme [P] [A], faisant état de détournements commis par celles-ci.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement contradictoire rendu le'18 mars 2021, le Tribunal judiciaire de Perpignan:

déboutait Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de leurs demandes à l'encontre de Mme [T] [A] et Mme [M] [J]

déboutait Mme [T] [A] de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts

condamnait solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] à payer à Mme [T] [A] et Mme [M] [J] la somme de 1'800€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamnait solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] aux dépens de l'appel en cause

rappelait que Mme [T] [A] et Mme [M] [J] ne sont pas concernées par les opérations de liquidation et partage de la succession de Mme [L] [G] et constatait la clôture de la procédure à leur encontre

ordonnait l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Mme [L] [G]

désignait Me [C] [R], notaire associé à [Localité 23], pour procéder aux opérations de partage

commettait le Président de la Première Chambre Civile pour surveiller ces opérations

disait n'y avoir lieu à expertise

déboutait Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de leurs demandes à l'encontre de Mme [P] [A] au titre du recel successoral

déboutait Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de leurs demandes de rapport à la succession

réservait les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

réservait les dépens de l'action en partage.

*****

Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] ont relevé appel de ce jugement par déclaration au greffe en date du'27 avril 2021 aux fins de réformation des chefs du'rejet de leurs demandes au titre du recel successoral, du rapport à la succession, de la mesure d'expertise, de leurs demandes à l'encontre de Mme [T] [A] et Mme [M] [J], de l'article 700 du CPC et des dépens.

Les dernières écritures des appelants ont été déposées le'16 octobre 2023, celles de Mme [P] [H] le'19 octobre 2023 et celles de Mme [T] [A] et Mme [M] [J] le'18 octobre 2023.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le'24 octobre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], dans le dispositif de leurs dernières écritures en date du'16 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demandent à la cour, au visa des articles'414-2, 464, 778 et suivants, 1240 et suivants du code civil, d'infirmer le jugement déféré des chefs critiqués par leur déclaration d'appel, et statuant à nouveau':

* à titre principal

débouter les intimés de toutes demandes, fins et conclusions

dire et juger que Mme [P] [H] s'est rendue coupable de recel successoral avec toutes conséquences de droit

dire et juger que Mme [T] [A] s'est rendue coupable de recel successoral avec toutes conséquences de droit

juger que Mme [M] [J] a engagé sa responsabilité délictuelle

dire et juger nulle et de nul effet la donation consentie par Mme [L] [G] à Mme [M] [J] à hauteur de 10 000€

dire et juger nulle et de nul effet la modification du bénéficiaire du contrat d'assurance-vie dont était titulaire Mme [L] [G]

condamner Mme [M] [J] solidairement avec Mme [T] [A] au paiement de la somme de 23 375,06€ au profit de M. [U] [H] assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 17 juin 2015

condamner Mme [M] [J] solidairement avec Mme [T] [A] au paiement de la somme de 10'000€ à titre de rapport à la succession assortie de l'intérêt au taux légal à compter du 22 janvier 2014

condamner Mme [P] [H] au paiement de la somme de 63 189,80€ à titre de rapport à la succession de Mme [L] [G]

condamner Mme [P] [H] au paiement de la somme de 201 600€ à titre d'indemnité d'occupation au profit de la succession de Mme [L] [G]

dire et juger qu'ils sont créanciers sur la succession de Mme [L] [G] d'une somme de 8 000€ au titre des travaux réalisés dans l'immeuble appartenant à la défunte par leur père M. [N] [H]

condamner la succession au paiement de la somme de 8 000€ à leur profit

* subsidiairement

dire et juger que Mme [T] [A] a engagé sa responsabilité délictuelle

condamner solidairement Mme [T] [A] et Mme [M] [J] au paiement de la somme de 10'000 € à titre de rapport à la succession assortis de l'intérêt au taux légal à compter du 22 janvier 2014

condamner solidairement Mme [T] [A] et Mme [M] [J] au paiement de la somme de 23'375,06 € au profit de M. [U] [H] assortis de l'intérêt au taux légal à compter du 17 juin 2015

* très subsidiairement

condamner solidairement Mme [T] [A] et Mme [M] [J] au paiement de la somme de 23'375,06 € au profit de la succession de Mme [L] [G], assortis de l'intérêt au taux légal à compter du 17 juin 2015

* infiniment subsidiairement

ordonner une mesure d'expertise en désignant tel expert qu'il plaira à la cour avec notamment pour mission de déterminer les masses active et passive, procéder aux comptes de l'indivision successorale, donner tous éléments d'appréciation utiles à la détermination de la masse successorale et au calcul des droits respectifs des parties

* en tout état de cause

confirmer le jugement concernant l'ouverture des opérations de liquidation de la succession de Mme [L] [H] et la désignation de Me [R] pour y procéder

condamner solidairement Mme [P] [A], Mme [T] [O] [A] et Mme [M] [J] au paiement de la somme de 5'000 € au profit de chacun des appelants, au titre du préjudice moral par eux subi

condamner solidairement Mme [P] [A], Mme [T] [O] [A] et Mme [M] [J] au paiement de la somme de 6'000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

condamner solidairement Mme [P] [A], Mme [T] [O] [A] et Mme [M] [J] aux entiers dépens dont distraction.

Mme [P] [H], dans le dispositif de ses dernières écritures en date du'19 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demande à la cour, au visa des articles'778, 843, 2224, 815 et suivants du code civil et des articles 1360 et suivants du code de procédure civile, de':

confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions

écarter des débats la pièce n° 14 des appelants

débouter Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de toutes leurs demandes

condamner solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] à lui payer la somme de 5'000€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

condamner solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] aux entiers dépens.

Mme [T] [A] et Mme [M] [J], dans le dispositif de leurs dernières écritures en date du'18 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé, demandent à la cour, au visa des articles 414-2, 464, 843 et suivants, 778 et 1240 du code civil'et de l'article 564 du code de procédure civile, de':

déclarer irrecevable la demande de nullité visant la donation consentie par Mme [L] [G] à Mme [M] [J] à hauteur de 10'000€ ainsi que la modification de la clause bénéficiaire du contrat assurance-vie

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a':

rappelé qu'elles n'étaient pas concernées par la liquidation et le partage de la succession de Mme [L] [G]

débouté Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de toutes leurs demandes et prétentions formulées à leur encontre

condamné solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] au paiement de la somme de 1'800€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [T] [A] de sa demande de dommages et intérêts

dire et juger que l'action en nullité visant la remise de la somme de 10'000€ à Mme [M] [J] ainsi que la modification de la clause bénéficiaire du contrat assurance vie est prescrite

condamner solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] à payer à Mme [T] [A] la somme de 5'000€ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi

débouter Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de toutes leurs demandes et prétentions formulées à leur encontre

condamner solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] à leur payer la somme de 3'000€ en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

condamner solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] aux entiers dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures précitées pour l'exposé exhaustif des moyens des parties.

*****

SUR QUOI LA COUR

* effet dévolutif de l'appel

L'étendue de l'appel est déterminée par la déclaration d'appel et peut être élargie par l'appel incident ou provoqué (articles 562 et 901 4° du code de procédure civile) alors que l'objet du litige est déterminé par les conclusions des parties (article 910-4 du code de procédure civile). L'objet du litige ne peut s'inscrire que dans ce qui est dévolu à la cour et les conclusions ne peuvent étendre le champ de l'appel.

Le chef relatif à l'ouverture des opérations de liquidation et partage de la succession de Mme [L] [H] ne faisant l'objet d'aucun appel des parties, il est définitif.

Tenant l'appel principal et l'appel incident, la cour est saisie des chefs suivants':

la recevabilité des demandes aux fins de nullité de la donation consentie par Mme [L] [G] à Mme [M] [J] à hauteur de 10'000€ ainsi que la modification de la clause bénéficiaire du contrat assurance vie

à défaut d'irrecevabilité tenant au caractère nouveau de l'action en nullité, la prescription de l'action en nullité de la donation de 10'000 € à Mme [J] et de la modification de la clause bénéficiaire du contrat assurance vie

en cas de recevabilité de cette demande, la nullité de la donation de 10'000 € à Mme [J].

en cas de recevabilité de cette demande la nullité de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie,

la demande d'écarter la pièce n° 14 des appelants des débats

le recel successoral de Mme [P] [A] et Mme [T] [A]

à défaut de recel, la demande de rapport à la succession de Mme [P] [H] pour un montant de 63'189,80 euros

à défaut de recel, la demande de condamnation solidaire de Mme [M] [J] et Mme [T] [A] au paiement de la somme de 23375,06 euros correspondant au règlement de l'assurance-vie et au rapport de la somme de 10'000 euros à titre de responsabilité délictuelle

l'indemnité d'occupation de Mme [P] [H]

la créance sur la succession de Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]

la demande d'expertise de Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]

les demandes respectives au titre des préjudices moraux, ainsi que des frais et dépens.

*La recevabilité des demandes aux fins de nullité de la donation consentie à Mme [M] [J] et de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie,

- Le premier juge a qualifié de donation le versement de 10'000 euros effectué par la de cujus au profit de son arrière-petite-fille [M] [J], faisant le constat de l'intention libérale manifeste de Mme [L] [H], confirmée par cette dernière lors de son audition par le juge des tutelles, et par sa curatrice lors de l'audition de celle-ci dans le cadre de la procédure pénale. Il a observé que si les demandeurs s'interrogeaient sur la capacité à agir de Mme [L] [H], placée sous curatelle le 16 décembre 2013, ils n'en tiraient aucune conséquence et ne soulevaient pas la nullité de cette donation ni de la modification de la clause de désignation du bénéficiaire de l'assurance-vie.

- Mme [T] [A] et Mme [M] [J], au visa de l'article 564 du code de procédure civile, font valoir l'irrecevabilité de la demande de nullité des actes litigieux au motif du caractère nouveau de cette demande en cause d'appel, le premier juge ayant expressément relevé que les demandeurs ne tiraient aucune conséquence de leurs interrogations sur la capacité à agir de la défunte, et ne sollicitaient pas l'annulation des actes. Elles rappellent que les consorts [H] ont uniquement saisi le tribunal judiciaire de Perpignan de demandes d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession et d'expertise visant à la détermination des sommes rapportables à la succession.

Elles contestent que la demande de nullité des actes litigieux puisse être considérée comme tendant à la même fin que les autres demandes formées par les consorts [H], estimant au contraire qu'une telle demande n'a pas en elle-même pour objet le règlement de la succession. Elles observent que les appelants n'avaient formé aucune demande de condamnation à l'encontre de Mme [M] [J], qui n'a pas la qualité de successible, et ne peut être contrainte au rapport.

- En réplique, les appelants exposent avoir bien évoqué la «'problématique'» des actes passés par la défunte dans leur argumentation de première instance, et avoir par ailleurs tenu compte des sommes perçues par Mme [M] [J] dans leur demande de rapport à la succession de la somme totale de 263 564,86 euros. Ils estiment que la jurisprudence constante considère qu'en matière de succession toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse dès lors que chaque partie est respectivement demanderesse et défenderesse quant à l'établissement de l'actif et du passif. Ils font valoir la conception prétorienne extensive des prétentions tendant aux mêmes fins. Ils ajoutent que la cour n'a pas compétence pour statuer sur l'irrecevabilité soulevée, qui relève de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.

- Réponse de la cour

La fin de non-recevoir tirée des articles 564 du code de procédure civile relève de la compétence de la cour d'appel et non du conseiller de la mise en état. Son examen relève en effet de l'appel et non de la procédure d'appel.

L'article 564 du code de procédure civile dispose qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer une compensation, faire écarter des prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En l'espèce, il ressort clairement de la décision déférée que Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] n'ont pas sollicité la nullité de la donation consentie à Mme [M] [J] ni de la modification de la clause bénéficiaire du contrat assurance vie effectuée à son bénéfice.

Il ne saurait être considéré que ces demandes seraient implicitement contenues dans la demande globale de rapport à la succession formée devant le premier juge. En effet, en application de l'article 843 alinéa 1 du code civil, seuls les héritiers doivent rapporter à la succession de leur auteur la valeur des biens reçus par donation, or en l'espèce Mme [M] [J] n'a pas la qualité d'héritière. Par ailleurs, cette demande de nullité ne peut s'analyser en une réponse aux prétentions adverses dès lors que seuls les appelants émettent des prétentions au titre de ces sommes. Ils n'explicitent d'ailleurs nullement quelles sont les prétentions adverses auxquelles ils prétendent répondre ou voir écarter par leur demande de nullité.

Par conséquent, les demandes aux fins de nullité de la donation consentie à Mme [M] [J] et de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie sont déclarées irrecevables.

* La demande de rejet de pièce

- Mme [P] [H] épouse [A] soutient que l'attestation du maire de la commune de [Localité 20] contrevient au «'principe de non-divulgation d'informations à caractère personnel sans l'accord de l'intéressé'», au titre desquelles figure l'information relative au domicile. Elle ajoute que le domicile constitue un élément de la vie privée de sorte que l'attestation litigieuse constitue une atteinte à sa vie privée.

- Les appelants ne concluent pas sur ce point.

- Réponse de la cour

Mme [P] [H] ne précise pas en quoi l'attestation du maire porte atteinte à sa vie privée' alors que ce document se contente de préciser qu'elle est inscrite sur les listes électorales de la commune depuis le 2 septembre 1985 «'ayant pour adresse [Adresse 3]'». Or la cour relève que Mme [P] [H] déclare elle-même cette adresse dans ses conclusions et que sa qualité de nu-propriétaire du bien situé à cette adresse était connue des autres parties à l'instance avant la délivrance de cette attestation.

Par conséquent, elle est déboutée de sa demande de rejet de pièce.

* Le recel successoral

- Le premier juge, s'agissant des demandes formées à l'égard de Mme [T] [A] et Mme [M] [J], a retenu que les sanctions du recel s'appliquaient aux personnes appelées à recueillir l'universalité ou une quote-part de la succession à un titre quelconque et qu'en l'espèce ces dernières, respectivement petite-fille et arrière-petite-fille de la défunte, n'avaient aucune part dans la succession. Il a ainsi considéré qu'aucun recel successoral ne pouvait leur être imputé.

S'agissant de la demande formée à l'encontre de Mme [P] [A] pour un montant de 263'564,86 euros, il a relevé que cette somme englobait des demandes au titre de détournements, donations, assurance-vie et travaux qui auraient été effectués, sans précision quant au montant même du recel reproché. Il a observé que les demandeurs produisaient des relevés bancaires de la défunte sans même préciser quels mouvements suspects ils imputaient à Mme [P] [A], qui n'avait pas de procuration sur ledit compte et contestait tout détournement. Il a ainsi estimé que la preuve d'un détournement n'était pas rapportée, et que les travaux allégués ne pouvaient que constituer une créance à l'égard de la succession.

- Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], au soutien de leur appel, exposent que Mme [T] [A] avait procuration sur les comptes bancaires de la défunte, que les nombreux retraits en espèces effectués sur le compte CCP et le livret A de la défunte entre le mois de décembre 2013 et le mois de janvier 2014 correspondent au dépôts d'espèces effectués à la même période par Mme [T] [A] selon le dossier pénal, duquel il ressort également que la somme de 10'000 euros créditée sur le compte de sa fille Mme [M] [J] et le montant de l'assurance-vie ont bénéficié à Mme [T] [A], qui a rédigé la clause de changement de bénéficiaire de l'assurance-vie au profit de sa fille.

Ils estiment qu'outre le montant de l'assurance-vie et la somme de 10000 euros détournés par Mme [T] [A] par l'intermédiaire de sa fille, celle-ci a également détourné des avoirs à hauteur de 25'000 euros au total provenant du LEP et du compte CCP de la défunte.

S'agissant de la demande formée à l'encontre de Mme [P] [H] au titre du recel successoral, ils exposent qu'elle a bénéficié de donations en numéraire dont elle n'a pas fait état spontanément, consenties entre 1980 et 1989 à hauteur de 63189,80 euros au total, soit 30'489,80 euros correspondant à 200'000 francs et 32'700 euros.

- Mme [T] [A] réplique qu'elle ne peut se voir opposer un recel successoral, sanction appliquée aux seuls héritiers, qualité dont elle ne dispose pas. Elle rappelle qu'elle ne disposait d'aucune procuration sur les comptes de la défunte contrairement à M. [U] [H], et qu'elle est à l'origine de la demande de placement sous protection de sa grand-mère. Elle conteste être l'auteur des retraits effectués sur les comptes de la défunte, indique que les retraits de 90 euros sont à l'initiative de la curatrice et correspondent à l'argent de poche au profit de la de cujus, et expose avoir eu connaissance par sa grand-mère d'un retrait de 8000 euros au profit de Mme [S] [H]. S'agissant des mouvements de fonds entre le compte de sa fille [M] et le sien, elle ajoute qu'ils ne concernent que ses relations avec sa fille, sur les comptes de laquelle elle était habilitée à effectuer des opérations pendant la minorité de celle-ci, à charge pour elle de lui en rendre compte à sa majorité.

- Mme [P] [A] expose pour sa part qu'elle a bénéficié d'une somme identique à celle également perçue par son frère [N] suite à la vente le 10 décembre 1985, postérieurement au décès de leur père, du fonds de commerce dont leurs parents étaient propriétaires. Cette somme a été réinvestie dans l'acquisition d'un terrain par ailleurs financée au moyen d'un prêt bancaire. Son frère [N] a pour sa part fait l'acquisition de deux parcelles de terre à [Localité 15] pour un montant de 175000 francs, sans que les enfants de celui-ci ne justifient du financement de cette opération immobilière.

- Réponse de la cour

L'article 778 du code civil dispose que sans préjudice de dommages et intérêts, l'héritier qui a recelé des biens ou des droits d'une succession ou dissimulé l'existence d'un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l'actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Ces dispositions sanctionnent la fraude commise par un héritier dans le but de rompre l'égalité du partage.

S'agissant de la demande formée contre Mme [T] [A]:

Les appelants n'apportent aucune contradiction à l'analyse retenue à juste titre par le premier juge selon laquelle les dispositions de l'article 778 relatives au recel successoral ne s'appliquent pas à Mme [T] [A]. En présence d'un héritier de premier ordre, en l'espèce Mme [P] [A], sa fille Mme [T] [A] n'est pas appelée à la succession de sorte qu'elle n'a pas la qualité d'héritier au sens de l'article 778 du code civil et ne peut se voir reprocher un recel successoral.

Par conséquent, la décision déférée est confirmée en ce qu'elle a débouté Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de leur demande au titre d'un recel à l'encontre de Mme [T] [A] et par conséquent de la demande de condamnation solidaire de Mme [T] [A] et de sa fille [M] au paiement des sommes relatives à l'assurance-vie et à la donation de 10'000 euros.

S'agissant de la demande formée contre Mme [P] [H] épouse [A]':

Les juges ne sont pas tenus de répondre à un simple argument, ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, ni encore de répondre à une simple allégation dépourvue d'offre de preuve (ex : 2e Civ., 21 juin 2001, no99-20.384 ; 3e Civ., 13 septembre 2018, n°17-22.498 ; 2e Civ., 8 septembre 2016, n°14-24.974 et 14-26.506).

En l'espèce, les appelants ne produisent aucune preuve des prétendues donations en numéraire alléguées pour un montant de 63'189,80 euros ni de leur dissimulation. Ils font état dans le corps de leurs conclusions d'un acte d'acquisition de terrain par les époux [A] portant le numéro de pièce 17, qui n'est cependant nullement produit, la pièce n° 17 constituant en réalité une carte postale sans rapport avec l'acquisition d'un terrain selon eux financé par la donation dissimulée.

En conséquence de quoi, aucun recel successoral n'étant établi à l'égard de Mme [P] [A] , la décision déférée est confirmée sur ce point.

* Les demandes de rapport

- Le premier juge a retenu que [M] [J] n'ayant pas qualité d'héritière, la donation de 10'000 euros qu'elle a perçue n'est pas soumise au rapport.

Relevant que les demandeurs ne précisaient pas le fondement juridique de leur demande de rapport de la somme par ailleurs perçue par cette dernière au titre de l'assurance-vie, il a rappelé que le capital ou la rente payables au décès du contractant à un bénéficiaire déterminé ne sont pas soumis aux règles du rapport à la succession ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers. Il a par ailleurs observé que les appelants ne soutenaient pas que les primes versées, dont le montant n'est pas connu, présentent un caractère manifestement exagéré.

S'agissant de la demande formée à l'encontre de Mme [P] [A], il a relevé que les demandeurs poursuivaient le rapport à la succession de la somme totale de 263'564,86 euros englobant dans cette demande des sommes qui auraient été détournées, des donations, l'assurance-vie et des travaux qui auraient été effectués. Il a retenu que Mme [P] [H] épouse [A] ne détenait aucune procuration sur le compte de sa mère, contestait tout détournement et que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve de tels détournements.

- Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], au soutien de leur appel, fondent leurs demandes de rapport à la succession à l'égard de Mme [M] [J] et Mme [T] [A] pour la somme de 10'000 euros sur le recel successoral de cette dernière par l'intermédiaire de sa fille.

Ils estiment que si le recel successoral n'est pas retenu à l'égard de Mme [P] [A] au titre de la somme totale de 63'189,8 euros perçue sous forme de donations en numéraire de 200'000 francs et 32'700 euros entre 1980 et 1989, il conviendra de considérer qu'elle a bénéficié pour ce même montant d'une donation en avancement d'hoirie devant donner lieu à rapport.

- Mme [P] [A] rappelle qu'elle a bénéficié d'une somme identique à celle également perçue par son frère [N] suite à la vente le 10 décembre 1985, postérieurement au décès de leur père, du fonds de commerce dont leurs parents étaient propriétaires.

- Réponse de la cour

En application de l'article 843 alinéa 1er du code civil les héritiers doivent rapporter à la succession de leur auteur la valeur de tous les biens reçus par donation.

-S'agissant de la demande de rapport à l'égard de Mme [M] [J] solidairement avec Mme [T] [A]':

Le premier juge a retenu à juste titre que Mme [M] [J] n'ayant pas qualité d'héritière, la donation de 10'000 euros dont elle avait bénéficié n'était pas soumise au rapport. Il en est de même pour sa mère [T]. Par conséquent la décision est confirmée sur ce point.

- S'agissant de la demande de rapport à l'égard de Mme [P] [A]:

Comme déjà relevé, les appelants ne produisent aucune pièce à l'appui de leur affirmation selon laquelle Mme [P] [A] aurait bénéficié de donations en numéraire à hauteur de 200'000 francs et «'32'700 euros'» entre 1980 et 1989.

Mme [P] [H] pour sa part justifie de la vente d'un fonds de commerce pour un prix de 200'000 francs effectuée le 10 décembre 1985 devant Me [D], par la de cujus, elle-même et son frère [N], fonds qui dépendait de la communauté ayant existé entre la de cujus et son conjoint décédé le [Date décès 11] 1973. Elle soutient qu'elle a perçu la même somme que son frère suite à cette vente. Les appelants, auxquels incombe la charge de la preuve des prétendues donations dissimulées, ne combattent ces éléments par aucune pièce.

Par conséquent, les appelants ne rapportant pas la preuve des donations alléguées, il n'y a pas lieu à rapport. La décision est confirmée.

* La responsabilité délictuelle de Mme [T] [A] et de Mme [M] [J]

- Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], sollicitent à titre principal que soit retenue la responsabilité délictuelle de Mme [M] [J].

A titre subsidiaire en cas de rejet de la demande formée contre Mme [T] [A] au titre du recel successoral, ils sollicitent au titre de la responsabilité délictuelle de Mme [T] [A] la condamnation solidaire de celle-ci et de sa fille Mme [M] [J] à rapporter à la succession la somme de 10'000 euros correspondant à la donation du 22 janvier 2014, et à régler le montant de l'assurance-vie à son bénéficiaire initial M. [U] [H] ou à défaut à la succession.

- Réponse de la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, les appelants n'apportent aucune précision concernant le comportement fautif qu'ils reprochent à [M] [J], née le [Date naissance 14] 2000, et par conséquent âgée de 13 ans lorsqu'elle a été rendue bénéficiaire du contrat d'assurance-vie de son arrière-grand-mère le 26 novembre 2013, puis d'un virement de 10'000 euros le 22 janvier 2014.

Par ailleurs, pour les motifs déjà précisés, le défaut de qualité d'héritier de Mmes [M] [J] et [T] [A] exclut toute condamnation de celles-ci au titre du rapport.

En se fondant sur la responsabilité délictuelle, il appartient aux appelants de démontrer un comportement fautif de Mme [T] [A] concernant la donation de 10'000 euros effectuée par sa grand-mère au profit de Mme [M] [J] et le changement de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie. Or, pour étayer leurs affirmations concernant un détournement de l'assurance-vie et de la donation de 10'000 euros, ils lui reprochent des détournements autres, à hauteur de 25'000 euros, sous forme de retrait des comptes de la de cujus. La cour observe qu'ils n'en tirent toutefois aucune conséquence dès lors qu'ils ne forment aucune demande concernant ces prétendus détournements à hauteur de 25'000 euros dans le dispositif de leurs conclusions.

Par ailleurs, il résulte de l'audition de la de cujus par le juge des tutelles comme de celle de la curatrice que Mme [L] [H] a précisé avoir travaillé toute sa vie , souhaiter faire ce qu'elle voulait de ses avoirs, et a confirmé sa volonté réelle d'effectuer la donation de 10'000 euros.

S'agissant de la donation de 10'000 euros et du contrat d'assurance-vie, les appelants se contentent d'observer que lors de son audition par les services d'enquête Mme [T] [A] a confirmé avoir utilisé la quasi-totalité de la donation de 10'000 euros afin de régler les impôts et les travaux afférents à des biens immobiliers dont elle est propriétaire via une SCI et qui reviendront à sa fille [M] en sa qualité d'héritière, le surplus ayant été prêté au père de celle-ci à charge de restitution.

Comme observé par Mme [T] [A], l'éventuelle utilisation par elle-même de sommes placées sur le compte de sa fille à l'époque où celle-ci était mineure concerne les rapports entre elle-même et sa fille, désormais majeure. Mme [T] [A] et sa fille Mme [M] [J], qui n'ont pas qualité d'héritières, ne sont pas concernées par les opérations de liquidation et partage de la succession de la de cujus.

Par conséquent, les appelants sont déboutés de leurs demandes formées à l'encontre de Mme [M] [J] et Mme [T] [A] au titre de la responsabilité délictuelle.

* L'indemnité d'occupation de Mme [P] [A]

- Le premier juge a relevé que les demandeurs poursuivaient le rapport à la succession de la somme globale de 263'564,86 euros au titre de détournements, donations, assurance-vie et travaux.

- Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], au soutien de leur appel, font valoir que Mme [P] [A] a été hébergée du 2 septembre 1985 à 1989 au domicile de la défunte situé au [Adresse 3] à [Localité 20], puis a occupé celui-ci à titre exclusif depuis le milieu de l'année 1989 après en avoir chassé sa mère, alors qu'elle n'avait que la qualité de nu-propriétaire des lieux. Ils qualifient cette occupation de libéralité ayant conduit à l'appauvrissement de la de cujus, et en sollicitent le rapport sur le fondement de l'article 843 du code civil, tout en soutenant que [P] [A] a contraint sa mère à quitter ce logement et en sollicitant le bénéfice d'une indemnité pour occupation privative qu'ils estiment à la somme de 800 euros par mois.

- Mme [P] [A] en réplique, relève le caractère peu sérieux de la demande, qui portait sur un montant de 30'000 euros dans les premières conclusions des appelants pour atteindre 201'600 euros dans leurs dernières conclusions. Elle conteste avoir été hébergée par sa mère, expose qu'elle ne lui rendait visite que lors des vacances, ne résidait pas dans le département des Pyrénées Orientales, et n'a occupé le bien que lorsque sa mère est tombée malade, avec l'accord de cette dernière comme confirmé par la curatrice. La circonstance que sa mère disposait également d'un autre logement ne suffit pas selon elle à démontrer qu'elle a elle-même occupé l'immeuble et empêché sa mère d'y accéder. De même, le fait qu'elle soit inscrite sur les listes électorales de la commune sur laquelle elle détenait un bien en nu-propriété n'établit pas une occupation à titre exclusif du lieu. Elle conclut que les appelants ne démontrent ni l'occupation à titre exclusif et gratuit, ni l'intention libérale de la défunte, l'éventuelle durée d'occupation ou la valeur locative du bien. Si la cour devait considérer qu'elle a occupé l'immeuble, cela ne pourrait à son sens caractériser qu'un prêt à usage n'ayant opéré aucun transfert de droit patrimonial à son bénéfice ni aucun dépouillement au profit de la défunte, et ne pouvant dès lors donner lieu à rapport.

- Réponse de la cour

Par acte de donation-partage du 16 janvier 1973, M. [N] [H] et Mme [L] [G] épouse [H] ont consenti une donation-partage à leurs deux enfants [N] et [P] [H], chacun des enfants se voyant attribuer un lot d'une valeur identique. Mme [P] [H] a notamment reçu de ses parents par cet acte une maison d'habitation sis à [Localité 20], dont ses parents se sont réservé l'usufruit, son frère [N] recevant pour sa part des parcelles de terre et une bâtisse à usage de remise agricole. Mme [P] [H] avait par conséquent qualité de nu-propriétaire de la totalité du bien jusqu'au décès du dernier de ses parents.

Son père M. [N] [H] est décédé le [Date décès 11] 1973. Sa mère, la de cujus, est décédée le [Date décès 13] 2014. Par conséquent, Mme [P] [H] est devenue pleine propriétaire du bien par l'extinction, au décès de la de cujus, de l'usufruit dont cette dernière bénéficiait. En sa qualité de propriétaire du bien, elle n'est par conséquent redevable d'aucune indemnité d'occupation ou rapport à titre de libéralité pour la période postérieure au décès de la de cujus.

S'agissant de la période antérieure au décès de la de cujus':

Les appelants forment leur demande au visa de l'article 843 du code civil tout en indiquant': «'S'agissant par ailleurs de l'indemnité d'occupation dont le paiement est réclamé, il ne s'agit pas là d'une donation de la part de la défunte mais bien d'une occupation privative de la part de Mme [P] [A] et ce durant 24 ans, celle-ci devant à ce titre rapport à la succession'». Dans le dispositif de leurs conclusions, il ne sollicitent pas de rapport à la succession mais le règlement d'une indemnité d'occupation.

L'article 815-9 alinéa 3 du code civil prévoit que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est sauf convention contraire redevable d'une indemnité d'occupation.

L'indemnité d'occupation ne peut donc être prononcée, en application de ce texte , que relativement à un bien indivis. Or en l'espèce la maison litigieuse n'avait nullement la nature de bien indivis dès lors que Mme [P] [H] en était nu-propriétaire, sa mère s'en ayant conservé la jouissance. Par conséquent elle n'est susceptible d'être redevable d'aucune indemnité d'occupation au titre d'une jouissance privative de ce bien.

En application de l'article 843 alinéa 1er du code civil, les héritiers doivent rapporter à la succession de leur auteur la valeur de tous les biens reçus par donation.

En l'espèce, les appelants spécifient dans leurs conclusions que l'occupation du bien ne constitue pas une donation de la défunte, tout en intégrant leur demande dans un paragraphe intitulé «'Sur les libéralités dont a profité [P] [A]'».

Dès lors qu'ils qualifient l'occupation du bien de libéralité il leur appartient de démontrer, outre la réalité de cette occupation, l'appauvrissement de la de cujus et son intention libérale. Or ils soutiennent que la de cujus a été chassée du bien dont elle avait la jouissance par Mme [P] [A], ce qui apparaît contradictoire avec une intention libérale. Les attestations produites, pour celles qui n'émanent pas des membres de la famille des appelants, ne font état que du fait que la de cujus, employée de maison à [Localité 21], était logée chez son employeur entre 1989 et 1995 ou 1998. M. [I] , qui se présente comme ancien collègue de travail de la de cujus résidant à [Localité 21], ne précise pas avoir lui-même constaté l'occupation du bien litigieux par Mme [P] [H] ni le changement de serrures dont il fait état. La durée d'occupation effective du bien par Mme [P] [H] n'est pas démontrée par les pièces produites. Les appelants ne produisent aucune pièce pour justifier d'une intention libérale de la de cujus', qui ne peut se déduire de la seule occupation du bien, à une fréquence non démontrée, par la nu-propriétaire. Au surplus, à supposer une telle occupation effective, elle n'a constitué qu'une mise à disposition du bien par l'usufruitière au profit de la nu-propriétaire sans contrepartie financière, prêt à usage qui n'a conféré qu'un droit précaire de se servir du bien auquel l'usufruitière pouvait mettre fin à tout moment. Mme [L] [H] n'a donc consenti aucune dépossession irrévocable.

En conséquence de quoi, en l'absence de démonstration d'un avantage indirect rapportable à la succession, c'est à juste titre que le premier juge a débouté Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de leur demande de rapport, désormais qualifié en cause d'appel de demande d'indemnité d'occupation. La décision est confirmée.

* La créance au titre de travaux

- Le premier juge a relevé que les demandeurs poursuivaient le rapport à la succession de la somme globale de 263'564,86 euros au titre de détournements, donations, assurance-vie et travaux qui auraient été effectués, alors que les demandes au titre de travaux ne pouvaient relever d'un recel mais d'une créance à l'encontre de la succession.

- Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], au soutien de leur appel, font valoir que leur père a réalisé des travaux au domicile acquis par la défunte après que Mme [P] [A] se soit approprié son logement initial. Ils estiment le coût des travaux à 8000 euros. Ils réclament à ce titre une créance à l'encontre de la succession sur le fondement de l'enrichissement sans cause, leur père ayant selon eux excédé ses obligations à l'égard de sa mère en effectuant ces travaux. Ils font valoir que la prescription a commencé à courir à compter du jour du décès de Mme [L] [H], le créancier n'étant pas leur père mais eux-mêmes.

- Mme [P] [A] en réplique, fait valoir que la demande est prescrite, les appelants se prévalant en réalité d'une créance de leur père, décédé le [Date décès 10] 1994, à l'égard de la défunte, pour des travaux réalisés du vivant de celle-ci entre 1989 et 1992. Ils invoquent la prescription quinquennale. Ils observent par ailleurs que les consorts [H] auraient dû revendiquer cette créance à l'égard de leur grand-mère dans le cadre de la succession de leur père prédécédé, ce qu'ils n'ont pas fait. Ils ajoutent qu'aucun élément sérieux n'est produit pour démontrer l'investissement personnel de leur père ou justifier d'une évaluation des travaux.

- Réponse de la cour'

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

La prescription extinctive prévue par cet article s'applique à l'enrichissement injustifié, quasi-contrat dont se prévalent les appelants pour fonder leur demande de créance au titre de travaux effectués par leur père dans le domicile de la de cujus.

La cour observe en premier lieu que les appelants n'apportent aucune précision quant à leur affirmation selon laquelle la créance au titre de travaux serait due à eux-mêmes, et non à leur père, qui est décédé en 1994, soit près de 20 ans avant le décès de la de cujus.

Par ailleurs, il est relevé que leur père n'a pas agi de son vivant, afin de réclamer la créance alléguée au titre de travaux qu'il aurait selon ses enfants effectués, à une date qu'ils ne précisent pas dans leurs écritures et qui serait antérieure à l'année 1992 selon une attestation qu'ils produisent.

En application de l'article 2224 du code civil, la prescription extinctive concernant les travaux allégués a commencé à courir à l'égard de Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] à compter de l'ouverture de la succession de leur père M. [N] [H], soit en l'espèce à compter du jour de son décès, intervenu le [Date décès 10] 1994.

La loi n°2008-561 du 17 juin 2008, qui a réduit le délai de droit commun de la prescription extinctive de trente ans à cinq ans prévue par l'article 2224 du Code civil pour toutes les actions personnelles ou mobilières, a vocation à s'appliquer à l'action en reconnaissance du bénéfice d'une créance sur l'indivision successorale à défaut d'une prescription spéciale.

L'article 26 de cette loi prévoit que lorsque la nouvelle loi réduit le délai, la prescription commence à courir au jour de son entrée en vigueur sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Ainsi, le délai de cinq ans s'app1ique à la prescription en cours à compter du 19 juin 2008, sans que la durée totale puisse excéder 30 ans.

Par conséquent, la prescription était acquise le 19 juin 2013.

Or, la demande au titre des travaux allégués n'a été formée qu'à l'occasion de la procédure de partage de la de cujus initiée par assignation du 3 avril 2018, en première instance sur le fondement du recel successoral et pour la première fois en cause d'appel à titre de créance sur le fondement de l'enrichissement injustifié. Cette demande est prescrite et doit par conséquent être déclarée irrecevable.

* La demande d'expertise

En application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent expressément formuler les prétentions des parties, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, les appelants ne faisant valoir aucun moyen au soutien de leur demande infiniment subsidiaire de mesure d'expertise, il ne forment aucune critique explicite à l'égard de la décision déférée. La cour considère comme le premier juge que l'expertise ne s'impose pas dès lors que le notaire désigné a précisément pour mission de déterminer les masses active et passive et d'établir les comptes entre les co-partageants.

La décision déférée est par conséquent confirmée sur ce point.

* Les demandes respectives au titre de préjudices moraux

- Le premier juge a retenu que Mme [T] [A] ne démontrait pas les actes de malveillance des demandeurs sous forme de dénonciation aux services sociaux. Il a relevé que si les troubles psychologiques dont elle justifiait avaient débuté en 2015, leur lien avec le litige successoral n'était pas établi.

- Mme [T] [A], au soutien de son appel incident, fait valoir qu'elle s'est heurtée à l'animosité des consorts [H] à partir de sa demande aux fins de placement de sa grand-mère sous un régime de protection. La plainte qu'ils ont déposé pour abus de faiblesse et les accusations mettant en doute son honnêteté ont été suivies de dénonciations auprès des services sociaux concernant de prétendues carences éducatives et de lettres anonymes diffusées dans toute la commune. Elle estime que ces agissements excèdent le simple conflit familial et sont à l'origine du trouble anxio-dépressif qu'elle a développé à compter de l'année 2015.

S'agissant de la demande des appelants formée à son encontre, Mme [T] [A] fait valoir qu'ils ne caractérisent aucune faute lui étant imputable et ne rapportent la preuve d'aucun préjudice.

- Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] soutiennent que Mme [T] [A] ne démontre pas qu'ils seraient à l'origine d'une dénonciation auprès des services sociaux ni de lettres anonymes. Ils ajoutent qu'aucune indemnisation ne saurait résulter des prétentions légitimes qu'ils forment à son encontre dans le cadre de la procédure de partage.

Ils sollicitent l'octroi de la somme de 5000 euros au titre du préjudice moral qu'ils exposent avoir subi du fait de la mauvaise foi des intimés, de leurs agissements frauduleux et de leur volonté de s'approprier le patrimoine de la de cujus.

- Réponse de la cour

L'article 1240 du code civil dispose que tout fait de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, Mme [T] [A] ne produit aucune pièce pour démontrer les dénonciations auprès des services sociaux qu'elle allègue ni la diffusion de lettres anonymes qu'elle impute aux appelants. Le fait que ces derniers aient déposé plainte pour abus de faiblesse ne constitue pas en soi un comportement fautif. Enfin, comme relevé à juste titre par le premier juge, le fait que Mme [T] [A] justifie de troubles anxio-dépressifs depuis 2015 ne démontre pas en soi un lien entre ces troubles et le présent litige. Par conséquent la décision est confirmée.

S'agissant de la demande de Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]': les appelants se contentent de procéder par voie d'affirmation, ne précisent pas en quoi Mme [P] [A], Mme [T] [A] et Mme [M] [J] auraient fait preuve de mauvaise foi, d'agissements frauduleux ni d'un comportement fautif , ne démontrent pas de tels agissements et n'apportent aucune précision ni offre de preuve quant au préjudice moral qu'ils affirment subir. Par conséquent, ils sont déboutés de leur demande d'indemnisation pour préjudice moral.

*'Les dépens et frais irrépétibles

Le premier juge, qui a'rappelé que Mme [T] [A] et Mme [M] [J] n'étaient pas concernées par la procédure de liquidation et partage de la succession et a constaté la clôture de la procédure pour ce qui les concerne, a condamné Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], qui succombaient en leurs demandes envers ces dernières,'aux dépens de l'appel en cause de Mme [T] [A] et Mme [M] [J] , outre le règlement d' une indemnité de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de l'instance en partage qui concerne les appelants et Mme [P] [H] épouse [A], il a réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dès lors que les appelants succombent en toutes leurs demandes à l'égard de Mme [T] [A] et Mme [M] [J], qui, n'ayant pas qualité d'héritières, ne sont pas concernées par la procédure de liquidation et partage de la succession de la de cujus, les appelants seront condamnés aux entiers dépens d'appel et de première instance comme décidé par le premier juge.

Pour des motifs tenant à l'équité, la décision est confirmée s'agissant de leur condamnation au règlement de la somme de 1800 euros à Mme [T] [A] et Mme [M] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ils sont également condamnés solidairement à leur régler la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Ils sont déboutés de leur propre demande à l'égard de Mme [T] [A] et Mme [M] [J] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants succombant également en cause d'appel en toutes leurs demandes à l'égard de Mme [P] [H], la décision est confirmée en ce qu'elle a réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'agissant de l'instance en partage concernant cette dernière et les appelants.

Tenant la nature du litige, il sera ordonné l'emploi des dépens d'appel engagés par Mme [P] [H] et par les appelants comme frais privilégiés de partage.

S'agissant des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure en cause d'appel, l'équité commande de condamner solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H], qui succombent en toutes leurs demandes, à régler à Mme [P] [H] épouse [A] la somme de 5000 euros. Ils sont par ailleurs déboutés de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Mme [P] [H] épouse [A] en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

DECLARE irrecevables les demandes aux fins de nullité de la donation consentie à Mme [M] [J] et de la modification de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance vie,

DECLARE irrecevable la demande de créance au titre de travaux,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées,

Y AJOUTANT,

-Déboute Mme [P] [H] épouse [A] de sa demande de rejet de pièce,

-Déboute les appelants de leurs demandes formées à l'encontre de Mme [M] [J] et Mme [T] [A] au titre de la responsabilité délictuelle,

-Déboute Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]'de leur demande d'indemnisation pour préjudice moral,

-CONDAMNE solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]'aux dépens engagés par Mme [T] [A] et Mme [M] [J] en cause d'appel,

-CONDAMNE solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]'à payer à Mme [T] [A] et Mme [M] [J] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

-Ordonne l'emploi des dépens d'appel engagés par Mme [P] [H] épouse [A], Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] en frais privilégiés de partage,

-CONDAMNE solidairement Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H]'à payer à Mme [P] [H] épouse [A] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Déboute Mme [K] [H], Mme [S] [H] et M. [U] [H] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Mme [P] [H] épouse [A], Mme [T] [A] et Mme [M] [J] en cause d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

SR/MLD