Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 6 février 2024, n° 23/06398
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 06 FEVRIER 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06398 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNHI
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mars 2023 - Juge de la mise en état de PARIS - RG n° 22/06454
APPELANTS :
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Monsieur [M] [J]
[Adresse 5]
[Localité 13]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Madame [S] [C] ÉPOUSE [Y]
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Madame [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Monsieur [V] [A]
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Madame [P] [Z] épouse [U]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
INTIME :
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté par Me Sophie SCHWILDEN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 24
AUTRE PARTIE :
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS
[Adresse 3]
[Localité 8]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public le 08 juin 2023, qui a fait connaître son avis le 03 novembre 2023.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Le 4 novembre 2011, un signalement Tracfin a mis à jour l'existence d'agissements de la société Emporio capital susceptible de se livrer à des actes pénalement répréhensibles.
Une enquête ayant permis d'identifier M. [T] [X] [G] [K] comme le gérant de cette société, une information a été ouverte le 5 mars 2012 par le parquet de Rodez.
Au cours de celle-ci, le 15 septembre 2015, une somme de 119 483,97 euros, correspondant au solde du compte ouvert au nom de la société Earthport PLC auprès de l'établissement Barclays bank, a été saisie et versée au crédit du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations au nom de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).
Par ordonnance du 20 février 2017, le juge d'instruction a fait droit à la demande de la société Earthport PLC de mainlevée de cette saisie au motif que cette dernière avait rapporté la preuve que les fonds n'appartenaient pas à la société Emporio capital, dirigée par le mis en examen.
Un avis de fin d'information a été délivré le 20 mars 2017.
Par jugement du 18 octobre 2017, confirmé par un arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier, le tribunal correctionnel de Montpellier a déclaré M. [T] [X] [G] [K] coupable d'escroquerie et de blanchiment en bande organisée de fonds provenant d'escroqueries aggravées, l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 7 ans et au paiement d'une amende au profit de l'Etat de 500 000 euros et a ordonné la confiscation des biens saisis.
M. [O] [Y], Mme [S] [Y], M. [M] [J], Mme [F] [B], M. [V] [A], et Mme [P] [Z] s'étant constitués partie civile au cours de la procédure, l'affaire a été renvoyée sur les intérêts civils à l'audience du 19 février 2018.
Par jugement du 31 décembre 2021, le tribunal correctionnel de Montpellier a condamné M. [X] [G] [K] à indemniser les parties civiles pour un total de 169 477,04 euros, outre des sommes au titre de la réparation de leur préjudice moral et de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
En suite d'un entretien datant de la veille, le conseil des parties civiles a écrit à l'AGRASC le 17 février 2022, avec copie adressée au procureur de la République de [Localité 15] en charge des avoirs confisqués et des scellés, pour lui faire part de sa surprise d'apprendre que les avoirs confisqués avaient été restitués, considérant cette restitution comme un dysfonctionnement du service public de la justice.
Par courriel du 28 février 2022, l'AGRASC lui a répondu qu'elle avait exécuté l'ordonnance de restitution des fonds saisis rendue le 20 février 2017 par le juge d'instruction.
Ces dans ces circonstances que par acte délivré le 30 mai 2022, M. [O] [Y], Mme [S] [Y], M. [M] [J], Mme [F] [B], M. [V] [A], et Mme [P] [Z] ont fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir engager la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice, sur le fondement de la faute lourde.
Par ordonnance rendue le 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré l'action irrecevable comme prescrite,
- condamné in solidum M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A], et Mme [Z] aux dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 4 avril 2023, M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A], et Mme [Z] ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 juin 2023, M. [O] [Y], M. [M] [J], Mme [S] [C] épouse [Y], Mme [F] [B], M. [V] [A], Mme [P] [Z] épouse [U], demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance,
- dire que l'action en responsabilité n'est pas prescrite à la date de l'assignation,
- évoquer au fond la responsabilité pour faute lourde de l'État et le condamner à la réparation des parties appelantes au regard du jugement du tribunal correctionnel de Montpellier sur les intérêts civils soit :
* 50 000 euros pour Mme [Z],
* 50 000 euros pour Mme [B],
* 30 000 euros pour Mme et M. [Y],
* 30 000 euros pour M. [A],
* 9000 euros pour M. [J],
- sur le préjudice moral des six parties civiles :
* 4000 euros pour Mme [Z],
* 4000 euros pour Mme [B],
* 6000 euros pour Mme et M. [Y],
* 3000 euros pour M. [A],
* 2000 euros pour M. [J],
- condamner l'État pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat de la direction des affaires juridiques, à verser 6000 euros à chacune des parties en demande au titre du préjudice moral généré par le dysfonctionnement du service public de la justice qui s'analyse comme une faute lourde,
- condamner l'État pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat de la direction des affaires juridiques à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 5 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens à chacun des six demandeurs à l'instance, défendeurs à l'incident.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 juillet 2023, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
à titre principal,
- déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A], et Mme [Z] épouse [U],
- confirmer la décision,
à titre subsidiaire,
- renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal judiciaire de Paris,
en tout état de cause,
- condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les appelants aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Selon avis notifié le 3 novembre 2023, le ministère public estime qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance et de dire irrecevable comme prescrite l'action de M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A] et Mme [Z] à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 novembre 2023.
SUR CE,
Le juge de la mise en état a considéré que l'action introduite le 30 mai 2022 est irrecevable comme prescrite, en ce que :
- le fait générateur du dommage invoqué, la restitution des fonds saisis, se situe au 20 février 2017, date de l'ordonnance de restitution de la somme de 119 483,97 euros rendue par le juge d'instruction,
- si les appelants font valoir qu'ils étaient légitimement ignorants de leur créance au sens de l'article 3 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, l'ordonnance litigieuse du 20 février 2017 figurait au dossier d'instruction auquel ils avaient pleinement accès en leur qualité de parties civiles, de sorte qu'ils étaient en mesure d'en avoir connaissance avant le courrier de l'AGRASC du 28 février 2022,
- le délai de prescription quadriennal ayant commencé à courir le 1er janvier 2018, pour s'achever le 31 décembre 2021, la prescription était acquise au 1er janvier 2022.
Les appelants soutiennent que :
- l'agent judiciaire de l'Etat méconnaît les articles 3 et 4 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat,
- dans un arrêt du 11 avril 2013, la cour d'appel de Montpellier a jugé que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 est 'sans application tant qu'un juge ne s'est pas prononcé sur la responsabilité de l'Etat et sur l'octroi d'une indemnité réparatrice à la charge de celui-ci',
- la prescription quadriennale ne s'applique pas d'une part parce qu'ils ont été tenus dans l'ignorance complète de la décision du juge d'instruction, l'ordonnance de restitution des fonds ne leur ayant pas été notifiée, d'autre part parce que les sommes avaient été consignées sur un compte de dépôt et de consignation dans l'objectif de réparer le préjudice financier subi par les victimes de l'escroquerie, et enfin parce que le fond n'a pas été jugé s'agissant de la reconnaissance par une juridiction de la responsabilité pour faute lourde de l'Etat,
- ils ne se sont rendus compte de leur préjudice qu'à partir du moment où l'exécution du jugement correctionnel sur les intérêts civils du 31 décembre 2021 s'est révélée impossible du fait de la libération des fonds,
- les délais imposent à la cour d'évoquer l'affaire.
L'agent judiciaire de l'Etat fait valoir que :
- l'action indemnitaire contre l'Etat se prescrit par l'écoulement d'un délai de quatre ans décompté du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle le fait générateur s'est produit,
- c'est l'ordonnance du juge d'instruction de restitution des fonds saisis qui serait la cause du dommage et qui doit donc être considérée comme le fait générateur d'une potentielle responsabilité de l'Etat,
- les parties civiles n'avaient pas à être avisées de cette ordonnance puisqu'aucune disposition légale ne l'exigeait et que les sommes ne leur appartenaient pas,
- les appelants, qui ne peuvent raisonnablement arguer n'avoir eu connaissance de cette mainlevée qu'en février 2022, échouent à apporter la preuve d'une ignorance légitime du fait générateur de leur créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, leur statut de partie civile leur conférant un accès au dossier d'instruction dans lequel ils étaient représentés par un avocat et un avis de fin d'information ayant été rendu le 20 mars 2017, soit un mois seulement après l'ordonnance de restitution,
- seul leur manque de diligence, nullement imputable au service public de la justice, les a conduit à ignorer l'existence de l'ordonnance de restitution,
- la prescription a été acquise au 31 décembre 2021,
- aucune procédure portant sur le fait générateur de la créance alléguée ayant pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription n'est intervenue,
- les fonds ayant été restitués à la société Earthport PLC, qui avait apporté la preuve de sa propriété des fonds, les développements relatifs à la constitution de partie civile de la banque sont inopérants et ne peuvent justifier que le point de départ de la prescription soit reporté à une date ultérieure,
- aucun élément ne vient conforter la thèse des requérants selon laquelle ils auraient eu connaissance de l'ordonnance litigieuse plusieurs années après la fin de l'instruction et qu'elle aurait été tenue secrète,
- l'argument selon lequel la prescription ne s'appliquerait pas car aucun tribunal ne se serait encore prononcé sur la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat contrevient au principe même de la prescription extinctive,
- l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier a été rendu en 2013 soit avant l'arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2017 (16-18.769), qui a considéré que le fait générateur étant la conduite de la procédure pénale, le délai de prescription de l'action des demandeurs ne commencait à courir qu'à compter de l'achévenment de cette procédure et qui déboutait in fine les appelants de leurs demandes,
- l'argument selon lequel la loi du 31 décembre 1968 ne s'appliquerait pas dès lors que les sommes étaient consignées est inopérant en ce que la contestation des appelants ne porte pas sur ces sommes mais sur une décision juridictionnelle,
- la demande d'évocation faite par les appelants doit être rejetée dans la mesure où il n'a pas encore eu l'occasion de présenter ses moyens de défense au fond et serait ainsi privé du double degré de juridiction.
Le procureur général fait sien le raisonnement du juge de la mise en état et de l'agent judiciaire de l'Etat pour conclure que l'action des appelants est irrecevable comme prescrite au seul motif de leur propre manque de diligence, les appelants ne justifiant pas d'une cause légitime d'ignorance de leur créance.
L'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Aux termes de l'article 3 de cette loi, la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.
Il résulte de ces articles que le point de départ de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, soit au jour où la créance indemnitaire est réputée acquise en son principe, sauf ignorance légitime de son propriétaire.
Il appartient à celui qui invoque la suspension de la prescription d'établir qu'il est resté légitimement dans l'ignorance de l'existence de sa créance et qu'il n'avait aucun moyen de connaître le fait générateur dans le délai de la prescription.
Les appelants recherchent la responsabilité de l'Etat pour faute lourde au titre de la restitution des avoirs confisqués sur ordonnance du juge d'instruction, en sorte que les articles susvisés sont applicables à l'espèce.
L'ordonnance de restitution de la somme de 119 483,97 euros du juge d'instruction du 20 février 2017 constitue le fait générateur de la créance.
Le délai de prescription a donc commencé à courir le 1er janvier 2018 pour expirer le 31 décembre 2021.
L'article 99 du code de procédure pénale prévoit notamment que l'ordonnance du juge d'instruction est notifiée soit au requérant en cas de rejet de la demande, soit au ministère public et à toute autre partie intéressée en cas de restitution.
La restitution des sommes saisies à la société Earthport PLC, qui avait rapporté la preuve de ce que celles-ci n'appartenaient pas à la société Emporio capital, est sans emport sur les droits et obligations de cette dernière et de son dirigeant, mis en examen, de sorte que l'ordonnance n'avait pas à être notifiée aux parties civiles qui n'étaient pas intéressées à la demande de restitution au sens de l'article 99 du code de procédure pénale.
Au demeurant, celle-ci figurait au dossier d'instruction auquel les appelants avaient accès, en leur qualité de partie civile, par l'intermédiaire de leur conseil, de sorte qu'ils étaient en mesure d'en avoir connaissance avant le courriel de l'AGRASC du 28 février 2022 et ne peuvent prétendre avoir légitimement ignoré leur créance.
Par ailleurs, la jurisprudence de la cour d'appel de Montpellier citée par les appelants, qui adopte une position différente quant au point de départ de la prescription, est antérieure à l'arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2017 (n° 16-18769) ayant rappelé que 'Selon l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, le point de départ de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué.'
Enfin, l'absence de décision juridictionnelle concernant tant l'existence et le montant de la créance que la reconnaissance de la responsabilité pour faute lourde de l'Etat n'empêche par la prescription de courir.
Il s'en déduit que l'action exercée le 30 mai 2022 est prescrite.
La prescription étant acquise, comme justement retenu par le premier juge, l'ordonnance est confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
Déboute l'agent judiciaire de l'Etat de sa demande d'indemnité procédurale,
Condamne in solidum M. [O] [Y], Mme [S] [Y], M. [M] [J], Mme [F] [B], M. [V] [A], et Mme [P] [Z] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 06 FEVRIER 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/06398 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CHNHI
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Mars 2023 - Juge de la mise en état de PARIS - RG n° 22/06454
APPELANTS :
Monsieur [O] [Y]
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Monsieur [M] [J]
[Adresse 5]
[Localité 13]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Madame [S] [C] ÉPOUSE [Y]
[Adresse 14]
[Localité 7]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Madame [F] [B]
[Adresse 2]
[Localité 10]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Monsieur [V] [A]
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
Madame [P] [Z] épouse [U]
[Adresse 4]
[Localité 12]
Représentée par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0869, avocat postulant et Me Eric MEDIONI, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant
INTIME :
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 6]
[Localité 9]
Représenté par Me Sophie SCHWILDEN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 24
AUTRE PARTIE :
LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE PARIS
[Adresse 3]
[Localité 8]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD
MINISTERE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public le 08 juin 2023, qui a fait connaître son avis le 03 novembre 2023.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Le 4 novembre 2011, un signalement Tracfin a mis à jour l'existence d'agissements de la société Emporio capital susceptible de se livrer à des actes pénalement répréhensibles.
Une enquête ayant permis d'identifier M. [T] [X] [G] [K] comme le gérant de cette société, une information a été ouverte le 5 mars 2012 par le parquet de Rodez.
Au cours de celle-ci, le 15 septembre 2015, une somme de 119 483,97 euros, correspondant au solde du compte ouvert au nom de la société Earthport PLC auprès de l'établissement Barclays bank, a été saisie et versée au crédit du compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations au nom de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC).
Par ordonnance du 20 février 2017, le juge d'instruction a fait droit à la demande de la société Earthport PLC de mainlevée de cette saisie au motif que cette dernière avait rapporté la preuve que les fonds n'appartenaient pas à la société Emporio capital, dirigée par le mis en examen.
Un avis de fin d'information a été délivré le 20 mars 2017.
Par jugement du 18 octobre 2017, confirmé par un arrêt rendu le 19 décembre 2019 par la cour d'appel de Montpellier, le tribunal correctionnel de Montpellier a déclaré M. [T] [X] [G] [K] coupable d'escroquerie et de blanchiment en bande organisée de fonds provenant d'escroqueries aggravées, l'a condamné à une peine d'emprisonnement de 7 ans et au paiement d'une amende au profit de l'Etat de 500 000 euros et a ordonné la confiscation des biens saisis.
M. [O] [Y], Mme [S] [Y], M. [M] [J], Mme [F] [B], M. [V] [A], et Mme [P] [Z] s'étant constitués partie civile au cours de la procédure, l'affaire a été renvoyée sur les intérêts civils à l'audience du 19 février 2018.
Par jugement du 31 décembre 2021, le tribunal correctionnel de Montpellier a condamné M. [X] [G] [K] à indemniser les parties civiles pour un total de 169 477,04 euros, outre des sommes au titre de la réparation de leur préjudice moral et de l'article 475-1 du code de procédure pénale.
En suite d'un entretien datant de la veille, le conseil des parties civiles a écrit à l'AGRASC le 17 février 2022, avec copie adressée au procureur de la République de [Localité 15] en charge des avoirs confisqués et des scellés, pour lui faire part de sa surprise d'apprendre que les avoirs confisqués avaient été restitués, considérant cette restitution comme un dysfonctionnement du service public de la justice.
Par courriel du 28 février 2022, l'AGRASC lui a répondu qu'elle avait exécuté l'ordonnance de restitution des fonds saisis rendue le 20 février 2017 par le juge d'instruction.
Ces dans ces circonstances que par acte délivré le 30 mai 2022, M. [O] [Y], Mme [S] [Y], M. [M] [J], Mme [F] [B], M. [V] [A], et Mme [P] [Z] ont fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir engager la responsabilité de l'Etat pour fonctionnement défectueux du service de la justice, sur le fondement de la faute lourde.
Par ordonnance rendue le 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré l'action irrecevable comme prescrite,
- condamné in solidum M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A], et Mme [Z] aux dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 4 avril 2023, M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A], et Mme [Z] ont interjeté appel de cette décision.
Dans leurs dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 juin 2023, M. [O] [Y], M. [M] [J], Mme [S] [C] épouse [Y], Mme [F] [B], M. [V] [A], Mme [P] [Z] épouse [U], demandent à la cour de :
- infirmer l'ordonnance,
- dire que l'action en responsabilité n'est pas prescrite à la date de l'assignation,
- évoquer au fond la responsabilité pour faute lourde de l'État et le condamner à la réparation des parties appelantes au regard du jugement du tribunal correctionnel de Montpellier sur les intérêts civils soit :
* 50 000 euros pour Mme [Z],
* 50 000 euros pour Mme [B],
* 30 000 euros pour Mme et M. [Y],
* 30 000 euros pour M. [A],
* 9000 euros pour M. [J],
- sur le préjudice moral des six parties civiles :
* 4000 euros pour Mme [Z],
* 4000 euros pour Mme [B],
* 6000 euros pour Mme et M. [Y],
* 3000 euros pour M. [A],
* 2000 euros pour M. [J],
- condamner l'État pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat de la direction des affaires juridiques, à verser 6000 euros à chacune des parties en demande au titre du préjudice moral généré par le dysfonctionnement du service public de la justice qui s'analyse comme une faute lourde,
- condamner l'État pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat de la direction des affaires juridiques à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 5 000 euros ainsi qu'aux entiers dépens à chacun des six demandeurs à l'instance, défendeurs à l'incident.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 21 juillet 2023, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
à titre principal,
- déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A], et Mme [Z] épouse [U],
- confirmer la décision,
à titre subsidiaire,
- renvoyer l'affaire au fond devant le tribunal judiciaire de Paris,
en tout état de cause,
- condamner solidairement les appelants à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement les appelants aux entiers dépens de l'instance d'appel.
Selon avis notifié le 3 novembre 2023, le ministère public estime qu'il y a lieu de confirmer l'ordonnance et de dire irrecevable comme prescrite l'action de M. [Y], Mme [Y], M. [J], Mme [B], M. [A] et Mme [Z] à l'encontre de l'agent judiciaire de l'Etat.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 7 novembre 2023.
SUR CE,
Le juge de la mise en état a considéré que l'action introduite le 30 mai 2022 est irrecevable comme prescrite, en ce que :
- le fait générateur du dommage invoqué, la restitution des fonds saisis, se situe au 20 février 2017, date de l'ordonnance de restitution de la somme de 119 483,97 euros rendue par le juge d'instruction,
- si les appelants font valoir qu'ils étaient légitimement ignorants de leur créance au sens de l'article 3 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, l'ordonnance litigieuse du 20 février 2017 figurait au dossier d'instruction auquel ils avaient pleinement accès en leur qualité de parties civiles, de sorte qu'ils étaient en mesure d'en avoir connaissance avant le courrier de l'AGRASC du 28 février 2022,
- le délai de prescription quadriennal ayant commencé à courir le 1er janvier 2018, pour s'achever le 31 décembre 2021, la prescription était acquise au 1er janvier 2022.
Les appelants soutiennent que :
- l'agent judiciaire de l'Etat méconnaît les articles 3 et 4 de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat,
- dans un arrêt du 11 avril 2013, la cour d'appel de Montpellier a jugé que l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 est 'sans application tant qu'un juge ne s'est pas prononcé sur la responsabilité de l'Etat et sur l'octroi d'une indemnité réparatrice à la charge de celui-ci',
- la prescription quadriennale ne s'applique pas d'une part parce qu'ils ont été tenus dans l'ignorance complète de la décision du juge d'instruction, l'ordonnance de restitution des fonds ne leur ayant pas été notifiée, d'autre part parce que les sommes avaient été consignées sur un compte de dépôt et de consignation dans l'objectif de réparer le préjudice financier subi par les victimes de l'escroquerie, et enfin parce que le fond n'a pas été jugé s'agissant de la reconnaissance par une juridiction de la responsabilité pour faute lourde de l'Etat,
- ils ne se sont rendus compte de leur préjudice qu'à partir du moment où l'exécution du jugement correctionnel sur les intérêts civils du 31 décembre 2021 s'est révélée impossible du fait de la libération des fonds,
- les délais imposent à la cour d'évoquer l'affaire.
L'agent judiciaire de l'Etat fait valoir que :
- l'action indemnitaire contre l'Etat se prescrit par l'écoulement d'un délai de quatre ans décompté du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle le fait générateur s'est produit,
- c'est l'ordonnance du juge d'instruction de restitution des fonds saisis qui serait la cause du dommage et qui doit donc être considérée comme le fait générateur d'une potentielle responsabilité de l'Etat,
- les parties civiles n'avaient pas à être avisées de cette ordonnance puisqu'aucune disposition légale ne l'exigeait et que les sommes ne leur appartenaient pas,
- les appelants, qui ne peuvent raisonnablement arguer n'avoir eu connaissance de cette mainlevée qu'en février 2022, échouent à apporter la preuve d'une ignorance légitime du fait générateur de leur créance au sens de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, leur statut de partie civile leur conférant un accès au dossier d'instruction dans lequel ils étaient représentés par un avocat et un avis de fin d'information ayant été rendu le 20 mars 2017, soit un mois seulement après l'ordonnance de restitution,
- seul leur manque de diligence, nullement imputable au service public de la justice, les a conduit à ignorer l'existence de l'ordonnance de restitution,
- la prescription a été acquise au 31 décembre 2021,
- aucune procédure portant sur le fait générateur de la créance alléguée ayant pour effet de reporter le point de départ du délai de prescription n'est intervenue,
- les fonds ayant été restitués à la société Earthport PLC, qui avait apporté la preuve de sa propriété des fonds, les développements relatifs à la constitution de partie civile de la banque sont inopérants et ne peuvent justifier que le point de départ de la prescription soit reporté à une date ultérieure,
- aucun élément ne vient conforter la thèse des requérants selon laquelle ils auraient eu connaissance de l'ordonnance litigieuse plusieurs années après la fin de l'instruction et qu'elle aurait été tenue secrète,
- l'argument selon lequel la prescription ne s'appliquerait pas car aucun tribunal ne se serait encore prononcé sur la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat contrevient au principe même de la prescription extinctive,
- l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier a été rendu en 2013 soit avant l'arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2017 (16-18.769), qui a considéré que le fait générateur étant la conduite de la procédure pénale, le délai de prescription de l'action des demandeurs ne commencait à courir qu'à compter de l'achévenment de cette procédure et qui déboutait in fine les appelants de leurs demandes,
- l'argument selon lequel la loi du 31 décembre 1968 ne s'appliquerait pas dès lors que les sommes étaient consignées est inopérant en ce que la contestation des appelants ne porte pas sur ces sommes mais sur une décision juridictionnelle,
- la demande d'évocation faite par les appelants doit être rejetée dans la mesure où il n'a pas encore eu l'occasion de présenter ses moyens de défense au fond et serait ainsi privé du double degré de juridiction.
Le procureur général fait sien le raisonnement du juge de la mise en état et de l'agent judiciaire de l'Etat pour conclure que l'action des appelants est irrecevable comme prescrite au seul motif de leur propre manque de diligence, les appelants ne justifiant pas d'une cause légitime d'ignorance de leur créance.
L'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics dispose que sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis.
Aux termes de l'article 3 de cette loi, la prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement.
Il résulte de ces articles que le point de départ de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué, soit au jour où la créance indemnitaire est réputée acquise en son principe, sauf ignorance légitime de son propriétaire.
Il appartient à celui qui invoque la suspension de la prescription d'établir qu'il est resté légitimement dans l'ignorance de l'existence de sa créance et qu'il n'avait aucun moyen de connaître le fait générateur dans le délai de la prescription.
Les appelants recherchent la responsabilité de l'Etat pour faute lourde au titre de la restitution des avoirs confisqués sur ordonnance du juge d'instruction, en sorte que les articles susvisés sont applicables à l'espèce.
L'ordonnance de restitution de la somme de 119 483,97 euros du juge d'instruction du 20 février 2017 constitue le fait générateur de la créance.
Le délai de prescription a donc commencé à courir le 1er janvier 2018 pour expirer le 31 décembre 2021.
L'article 99 du code de procédure pénale prévoit notamment que l'ordonnance du juge d'instruction est notifiée soit au requérant en cas de rejet de la demande, soit au ministère public et à toute autre partie intéressée en cas de restitution.
La restitution des sommes saisies à la société Earthport PLC, qui avait rapporté la preuve de ce que celles-ci n'appartenaient pas à la société Emporio capital, est sans emport sur les droits et obligations de cette dernière et de son dirigeant, mis en examen, de sorte que l'ordonnance n'avait pas à être notifiée aux parties civiles qui n'étaient pas intéressées à la demande de restitution au sens de l'article 99 du code de procédure pénale.
Au demeurant, celle-ci figurait au dossier d'instruction auquel les appelants avaient accès, en leur qualité de partie civile, par l'intermédiaire de leur conseil, de sorte qu'ils étaient en mesure d'en avoir connaissance avant le courriel de l'AGRASC du 28 février 2022 et ne peuvent prétendre avoir légitimement ignoré leur créance.
Par ailleurs, la jurisprudence de la cour d'appel de Montpellier citée par les appelants, qui adopte une position différente quant au point de départ de la prescription, est antérieure à l'arrêt de la Cour de cassation du 15 juin 2017 (n° 16-18769) ayant rappelé que 'Selon l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, le point de départ de la prescription quadriennale est le premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle s'est produit le fait générateur du dommage allégué.'
Enfin, l'absence de décision juridictionnelle concernant tant l'existence et le montant de la créance que la reconnaissance de la responsabilité pour faute lourde de l'Etat n'empêche par la prescription de courir.
Il s'en déduit que l'action exercée le 30 mai 2022 est prescrite.
La prescription étant acquise, comme justement retenu par le premier juge, l'ordonnance est confirmée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
Déboute l'agent judiciaire de l'Etat de sa demande d'indemnité procédurale,
Condamne in solidum M. [O] [Y], Mme [S] [Y], M. [M] [J], Mme [F] [B], M. [V] [A], et Mme [P] [Z] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE