Décisions
CA Amiens, 5e ch. prud'homale, 7 février 2024, n° 23/00595
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
[E]
C/
S.A.S. [T]
copie exécutoire
le 07 février 2024
à
Me CHEMLA
Me LEMOINE
EG/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 07 FEVRIER 2024
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N° RG 23/00595 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVLW
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 28 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00056)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [L] [E]
née le 23 Avril 1965 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
concluant par Me Gérard CHEMLA de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
ET :
INTIMEE
S.A.S. [T] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant
représentée, concluant et plaidant par Me Emeric LEMOINE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julien DELAMOTTE, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 13 décembre 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Mme [F] [C] en son rapport,
- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie
Mme [F] [C] indique que l'arrêt sera prononcé le 07 février 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [F] [C] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 07 février 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
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DECISION :
Mme [E], née le 23 avril 1965, a été embauchée à compter du 4 octobre 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée transformé en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2013 par la société [T] (la société ou l'employeur), en qualité de responsable des ressources humaines.
La société [T] compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des 5 branches des industries alimentaires diverses.
Le 18 décembre 2019, la salariée s'est vu notifier un avertissement.
Elle a été placée en arrêt de travail du 20 mars au 30 septembre 2020, puis du 29 octobre 2020 au 17 mai 2021.
Le 25 mai 2021, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste de l'entreprise avec dispense de reclassement.
Ce même jour, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Laon d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par courrier du 10 juin 2021, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 22 juin 2021.
Par courrier du 25 juin 2021, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié.
Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon le 12 mai 2022.
Par jugement du 28 décembre 2022, le conseil a :
prononcé la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 2021/56 et 2022/56 ;
dit et jugé que le licenciement pour inaptitude était régulier ;
débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;
condamné Mme [E] à verser 500 euros à la société [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.
Mme [E], régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, demande à la cour de :
infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit,
condamner la société [T] à lui verser les sommes suivantes :
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour modification illégale du contrat de travail et exécution déloyale du contrat de travail ;
- 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral ;
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention des risques professionnels ;
- 3 183,24 euros brut à titre de rappel d'indemnité de prévoyance ;
- 5 000 euros au titre de la réparation du préjudice financier et moral lié au non-traitement du contrat de prévoyance ;
annuler l'avertissement du 18 décembre 2019 ;
condamner la société [T] à lui verser la somme de 44 177,71 euros à titre de rappel de salaire, au visa du principe de l'égalité de traitement, outre la somme de 4 417,77 euros au titre des congés payés y afférents ;
ordonner la rectification des bulletins de paie en conséquence ;
fixer son salaire de référence à la somme de 4 670,77 euros ;
condamner la société [T] à lui verser les sommes de :
- 6 000 euros à titre de rappel de salaire sur prime d'objectif annuel ;
- 600 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 4 670,77euros à titre de rappel de primes de 13ème mois ;
- 467,07 euros au titre des congés payés y afférents ;
résilier le contrat de travail aux torts de l'employeur ;
En conséquence,
condamner la société [T] à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;
condamner la société [T] à lui verser, au titre des indemnités de rupture, les sommes suivantes :
- à titre principal, sur la base du salaire de référence de 4 670,77 euros (salaire de Mme [S]) :
14 012,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
1 401,23 euros au titre des congés payés y afférents ;
12 606,61 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement;
- à titre subsidiaire, en intégrant à son salaire de base la somme de 2 000 euros de prime variable :
10 171,33 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
1 017,13 euros au titre des congés payés y afférents ;
2 520,71 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement;
- à titre infiniment subsidiaire, en prenant le salaire de référence à hauteur de 3 223,78 euros (salaire figurant sur le bulletin de paie de mars 2019 à février 2020) :
9 671,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
967,13 euros à titre de congés payés y afférents ;
1 772,49 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement.
En tout état de cause,
condamner la société [T] à lui verser les sommes suivantes :
- 2 822,80 euros à titre de rappel de congés payés ;
- 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société [T] aux entiers dépens.
La société [T], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, demande à la cour de :
dire et juger Mme [E] non fondée en son appel ;
confirmer le jugement ;
débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes ;
condamner Mme [E] à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
La société [T] a été autorisée à justifier en cours de délibéré du paiement du solde de l'indemnité de licenciement ; ce qu'elle a fait par courriel reçu le 18 décembre 2023.
EXPOSE DES MOTIFS
1/ Sur l'exécution du contrat de travail
1-1/ sur l'existence d'une modification unilatérale du contrat de travail
Mme [E] soutient qu'elle a subi un préjudice du fait de la modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur qui sans avenant, lui a retiré l'ensemble de ses fonctions de responsable des ressources humaines pour l'affecter à l'établissement de la paie.
L'employeur répond que la salariée a changé de fonction avec son accord à compter du 1er juillet 2016 pour être nommée responsable paie et formation sans modification de son statut de cadre et de sa rémunération brute mensuelle et qu'elle n'a jamais formulé aucune plainte à ce sujet lors de ses évaluations postérieures toutes signées de sa main, mentionnant au contraire qu'elle était satisfaite de son poste.
Lorsque l'étendue des fonctions et le niveau de responsabilité du salarié sont fortement réduits, il s'agit d'une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de ce dernier même si la qualification n'est pas affectée.
L'acceptation par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne peut résulter que d'un consentement exprès de sa part et non d'un acquiescement implicite, d'une absence de protestation et de réclamation ou de la seule poursuite du contrat modifié.
La suppression d'une prime contractuellement prévue ne peut être imposée au salarié.
En l'espèce, le contrat de travail signé par les parties le 27 janvier 2013 prévoit que Mme [E] est engagée en qualité de responsable des ressources humaines, statut cadre, niveau 7 sous la responsabilité du directeur industriel.
L'article 6 du contrat stipule une rémunération brute mensuelle de 2 600 euros et une rémunération variable pouvant aller jusqu'à 1 200 euros brut par an, portée à 2 000 euros en 2014, précisant que l'attribution de cette rémunération variable ne pourra jamais constituer un droit acquis et sera fonction de la réalisation des objectifs précis fixés avec son responsable hiérarchique.
Les termes « ne pourra jamais constituer un droit acquis » ne peuvent s'interpréter comme permettant à l'employeur de disposer de la rémunération variable dans son principe à défaut de conditions précises de retrait prévues contractuellement, qui seules permettraient de leur ôter leur caractère potestatif.
Il s'en déduit que la prime d'objectifs faisait partie de la structure de la rémunération de la salariée mais que son montant dépendait de la réalisation des objectifs fixés annuellement par l'employeur.
La fiche de poste signée le 20 novembre 2013 liste les missions suivantes :
rôle de veille et de conseil en droit social au sein de l'entreprise,
co-animation des réunions CE/DP ' CHSCT et négociation avec les instances,
relations avec l'inspection du travail et la médecine du travail
organisation des élections professionnelles,
gestion administrative du personnel (rédaction des contrats de travail, gestion des départs, tenue des dossiers individuels administratifs, contrôle des paie')
mise en œuvre et animation de la formation au sein de l'entreprise,
définition de la stratégie de recrutement de l'entreprise, conduite de certains entretiens de recrutement,
reporting RH.
Il est constant qu'à compter du 1er juillet 2016, Mme [E] a été affectée au poste de responsable paie et formation perdant l'ensemble des missions susmentionnées à l'exception de celles concernant la formation et se trouvant subordonnée à la nouvelle responsable des ressources humaines embauchée le 12 mai 2016 qui l'a évaluée en qualité de responsable hiérarchique dès l'année suivante.
Il ressort des comptes-rendus d'évaluation pour les années 2016 à 2018 qu'elle n'a plus perçu sa prime d'objectifs, l'employeur expliquant ce fait dans le compte-rendu pour l'année 2017 comme suit : « depuis sa prise de poste de responsable paie et formation, elle a conservé son niveau échelon, son salaire de base et son statut cadre alors que ce poste ne le justifie pas pour un site de 100 personnes ».
S'agissant d'un appauvrissement important de ses attributions et responsabilités, au vu de l'ampleur des missions retirées et du positionnement hiérarchique du nouveau poste, ayant entraîné une modification de la structure de sa rémunération par la suppression du principe même de la prime contractuellement prévue, Mme [E] devait y consentir expressément.
Or, concernant le changement d'attributions, le fait qu'elle n'ait pas protesté, avant l'envoi d'un courrier de son conseil le 29 octobre 2020, notamment en parafant et signant le compte-rendu d'évaluation du 10 juillet 2017 qui actait ce changement et en manifestant son souhait de se maintenir à ce nouveau poste lors de l'évaluation pour l'année 2017, et qu'elle se soit investie dans ses nouvelles fonctions est insuffisant à caractériser un accord express pour une modification d'une telle importance à défaut de toute manifestation claire et non équivoque de volonté.
Concernant le changement dans la structure de sa rémunération, son désaccord apparaît dans le compte-rendu d'évaluation annuelle du 1er mars 2018.
Au vu de ces éléments, la modification unilatérale du contrat de travail de Mme [E] par l'employeur est constitutive d'une exécution déloyale de ce contrat qu'il convient de réparer en lui allouant 3 000 euros de dommages et intérêts.
1-2/ sur la demande de rappel de salaire pour inégalité de traitement
Mme [E] avance qu'ayant le même emploi, le même statut et le même niveau de classification que Mme [S], autre responsable des ressources humaines, elle aurait dû percevoir le même salaire, et demande un rappel en conséquence pour la période de mai 2018 à mars 2020, outre le mois d'octobre 2020.
L'employeur répond que Mme [E] exerçant les fonctions de responsable paie et formation et ne disposant d'aucun diplôme, elle ne peut être comparée à Mme [S] qui exerçait les fonctions de responsable des ressources humaines, détenait un diplôme d'ingénieure des industries agricoles et alimentaires et était arrivée dans l'entreprise 5 ans plus tard.
Il ajoute que le changement de fonction de Mme [E] était dû à ses difficultés à tenir le poste de responsable des ressources humaines.
La règle « à travail égal, salaire égal » oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
En l'espèce, il ressort des contrats de travail produits par Mme [E] que Mme [S] a été embauchée le 12 mai 2016 en qualité de responsable des ressources humaines, statut cadre, niveau 7 moyennant un salaire brut mensuel de 4 615,38 euros alors qu'elle-même avait été engagée le 27 février 2013 au même poste, statut cadre, niveau 7 moyennant un salaire brut mensuel de 2 600 euros.
Ces éléments de fait matériellement établis étant susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
Or, la cour relève que Mme [E] a été embauchée au statut de cadre niveau 7 sans diplôme malgré le niveau de qualification Bac+3/4 requis pour ce niveau par la convention collective applicable et repris dans sa fiche de poste alors que Mme [S] a été embauchée au statut de cadre niveau 7 avec un diplôme d'ingénieur correspondant à ce niveau.
Les contrats de travail de chacune font, par ailleurs, ressortir une embauche à l'échelon 1 pour Mme [E] alors que Mme [S] est recrutée à l'échelon 2 correspondant à un salaire minimum conventionnel supérieur.
Ces éléments permettent de justifier objectivement la différence de salaire existant entre les deux salariées.
Il convient donc de débouter Mme [E] de sa demande de ce chef par confirmation du jugement entrepris.
1-3/ sur la demande de rappel de prime sur objectifs
Mme [E] estime avoir droit à la prime sur objectifs prévue au contrat de travail en l'absence d'accord de sa part pour qu'elle soit supprimée.
L'employeur soulève la prescription de la demande pour la période antérieure au 25 mai 2018 et rappelle que la salariée a été absente à compter de mars 2020 ; sur le fond, il répond que le contrat de travail stipulait clairement que cette rémunération variable ne pouvait constituer un droit acquis et dépendait des objectifs fixés, condition que le changement de fonction de Mme [E] ne permettait plus de remplir, ce qu'elle avait accepté en signant le compte-rendu annuel d'évaluation pour l'année 2016.
L'article L.3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Si l'objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures.
En l'espèce, Mme [E] ayant saisi le conseil de prud'hommes en paiement de la prime d'objectifs le 25 mai 2021, sa demande est prescrite pour la période antérieure au 25 mai 2018.
Sur le fond, il est constant que la salariée n'a plus perçu de prime sur objectifs à compter du 1er juillet 2016.
Le contrat de travail prévoyant dans la structure de rémunération de la salariée une prime sur objectifs non spécifiquement liée aux fonctions de responsable des ressources humaines, l'employeur devait maintenir le principe de la prime en l'adaptant aux nouvelles fonctions de la salariée, sauf renoncement expresse de cette dernière que les précédents développements permettent d'écarter.
L'employeur ne fournissant aucun élément permettant de fixer le montant de la prime que Mme [E] aurait dû percevoir, il convient de la calculer sur la base de la moyenne des primes précédemment versées à ce titre pour l'établir à 1 860 euros, outre 186 euros de congés payés afférents, au regard de la période non prescrite et des arrêts-maladie de la salariée.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
1-4/ sur la demande de rappel de prime annuelle
Mme [E] affirme que l'employeur a renoncé à la proratisation au temps de présence du 13ème mois pour les personnes en arrêt-maladie lors d'une réunion avec les délégués du personnel du 18 décembre 2014.
L'employeur soutient qu'il appartient à Mme [E] de prouver qu'elle devait bénéficier de cette prime en intégralité alors que le contrat de travail prévoit sa proratisation au temps de présence, ce qui n'a jamais été modifié.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, le contrat de travail signé par les parties le 27 février 2013 prévoit une gratification équivalente à un treizième mois versée pour 50 % en juin et 50 % en décembre habituellement, calcul effectué au prorata du temps de présence.
Au vu des termes clairs employés, il ne s'agit pas d'un treizième mois de salaire mais d'une prime annuelle dont le montant est équivalent à un mois de salaire calculé au prorata du temps de présence.
L'employeur produit une note de service 2014 précisant les conditions d'attribution de la prime annuelle rappelant qu'aux termes de la convention collective et des usages applicables dans l'entreprise, la prime annuelle est calculée en fonction du temps de travail effectif dans l'entreprise et que 2 mois de maladie justifiée sont considérés comme travail effectif.
Il ressort de l'extrait du procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 18 décembre 2014 que, sur question à l'employeur quant au paiement partiel du 13ème mois pour les personnes ayant eu un arrêt-maladie, ce dernier répond qu'il « valide que (la prime annuelle) sera égale à 100 % du salaire mensuel de base, versée en deux fois et attribuée à chaque salarié dès son entrée dans l'entreprise ».
Cette formulation peu explicite quant aux périodes de suspension du contrat de travail et qui exclut toute rétroactivité ne saurait permettre à elle seule de démontrer l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur à supprimer la proratisation de la prime au temps de présence prévue dans le contrat de travail de Mme [E], au-delà de la neutralisation des deux mois d'arrêt-maladie prévue par la convention collective.
Au vu des bulletins de paie produits, Mme [E] a donc été remplie de ses droits quant à cette prime.
Elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande de ce chef par confirmation du jugement entrepris.
1-5/ sur la demande au titre des indemnités journalières complémentaires
Mme [E] affirme qu'elle n'a pas été remplie de ses droits au titre de la prévoyance souscrite pour son compte par la société, ce qui justifie le rappel demandé ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier qu'elle a nécessairement subi.
L'employeur conteste devoir plus que les 9 603,96 euros versés à la salariée à ce titre.
L'article 9.1 de la convention collective des 5 branches des industries alimentaires diverses relative à l'indemnisation du salarié en cas de maladie ou d'accident prévoit qu'en tout état de cause ces garanties ne doivent pas conduire à verser à l'intéressé, compte tenu des sommes de toutes provenances telles qu'elles sont définies ci-dessus, perçues à l'occasion de la maladie ou de l'accident du travail, un montant supérieur à la rémunération nette qu'il aurait effectivement perçue s'il avait continué de travailler, sous déduction de la rémunération correspondant au délai de franchise.
En application de l'article 9.4, les absences des cadres par suite de maladie ou d'accident, dûment constatées par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, prises en charge par la sécurité sociale, ainsi que l'interruption légale du travail due à l'état de grossesse médicalement constaté, donnent lieu au versement des indemnités suivantes après 5 ans de présence : pendant 120 jours, 100 % des appointements de l'intéressé, pendant les 120 jours suivants, 75 % des appointements de l'intéressé.
En l'espèce, Mme [E] a été en arrêt de travail pour une durée totale de 386 jours.
Elle ne conteste pas le taux journalier de 104,47 euros retenu par l'organisme de prévoyance permettant son indemnisation à 100 % toute source d'indemnité confondue (maintien du salaire par l'employeur, indemnité de Sécurité sociale, indemnité complémentaire au titre de la prévoyance).
Elle devait donc percevoir sur la période considérée 40 325,42 euros pour un maintien à 100% de son salaire.
Or, il ressort des décomptes et bulletins de paie produits qu'elle a perçu 17 238,25 euros d'indemnités journalières de Sécurité sociale directement ou par l'intermédiaire de son employeur, 9 602,96 euros d'indemnités journalières complémentaires au titre de la prévoyance, et 25 131,45 euros au titre du maintien de salaire.
Elle a donc été remplie de ses droits et ne saurait prétendre à un règlement complémentaire ou à l'indemnisation d'un préjudice financier.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
1-6/ sur la demande d'annulation de l'avertissement du 18 décembre 2019
Mme [E] soutient qu'une partie des faits reprochés sont prescrits (incurie sur les situations de M. [Z] et de Mme [V]), qu'elle n'était pas responsable du paramétrage à l'origine des erreurs commises et qu'elle n'a nullement adopté un comportement inadapté à l'encontre du responsable comptable.
L'employeur conteste toute prescription des faits fautifs et affirme que s'agissant notamment d'erreurs relevant de ses attributions, elles lui étaient nécessairement imputables.
L'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à un engagement de poursuite disciplinaire au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
L'article L.1333-1 du même code dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, Mme [E] a fait l'objet d'un avertissement notifié le 18 décembre 2019 aux motifs d'erreurs récurrentes dans l'établissement de la paie, d'incurie dans la situation de M. [Z] et de Mme [V] et dans l'animation de la formation des salariés, ainsi que d'une attitude inadaptée envers le responsable comptable fin novembre et l'auditrice intervenue le 4 décembre 2019.
En l'absence de toute précision sur la date de prise de connaissance par l'employeur des carences reprochées, ces faits doivent être considérés comme prescrits, contrairement aux erreurs pour lesquelles la salariée n'invoque pas la prescription et aux fautes de comportement qui dataient de moins de deux mois au jour de la notification de la sanction.
Aucun élément probant n'étant produit par l'employeur afin de préciser le comportement adopté par la salariée en présence du responsable comptable et de l'auditrice, son caractère fautif ne peut être retenu.
En revanche, en qualité de responsable paie, Mme [E] ne saurait se retrancher derrière le paramétrage de la précédente responsable des ressources humaines pour justifier des erreurs dans l'établissement de la paie ayant conduit à accorder des heures supplémentaires à des salariés qui n'avaient pas dépassé les 35 heures de travail effectif ou à accorder un nombre de jours de congés erroné.
En effet, s'agissant d'erreurs dénotant un manque de rigueur sur des éléments basiques de l'établissement de la paie malgré 3 années d'expérience dans le poste, l'avertissement apparait justifié.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
1-7/ sur l'existence d'un harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Mme [E] s'estime victime d'un harcèlement moral caractérisé par :
sa rétrogradation aux fonctions de gestionnaire de paie à la suite du recrutement sur son poste d'une autre responsable des ressources humaines dont elle a dû gérer la rémunération supérieure à la sienne et qui avait notamment comme objectif « d'acter son avenir »,
le retrait de sa rémunération variable,
une pression pour qu'elle évite de faire des heures supplémentaires malgré l'augmentation de la charge de travail, et qu'elle quitte l'entreprise,
le versement avec retard des indemnités journalières dues au titre de la prévoyance,
la notification d'un avertissement injustifié.
Elle ajoute que ce harcèlement moral a conduit à une dégradation de son état de santé que le suivi mis en place par le psychologue du travail et l'attestation de Mme [X], psychologue clinicienne, démontrent.
L'employeur oppose l'absence de preuve de la matérialité des faits invoqués et de dénonciation de ces faits avant l'engagement de la procédure prud'homale, et rappelle qu'une psychologue ne peut attester de faits qu'elle n'a pas constatés.
Il ressort des précédents développements que Mme [E] a effectivement fait l'objet d'une modification unilatérale de son contrat de travail le 1er juillet 2016 à la suite du recrutement d'une nouvelle responsable des ressources humaines, qui a conduit au retrait d'une part importante de ses attributions et à la suppression de sa prime d'objectifs.
Dans le cadre de la gestion de la paie de sa remplaçante, elle a eu connaissance de la prime accordée à cette dernière par courriel du 12 juin 2019 détaillant parmi les objectifs fixés et satisfaits « acter avenir de [L] ».
La question d'un nombre d'heures supplémentaires trop important pour les fonctions exercées est soulignée de façon récurrente par sa responsable hiérarchique lors des évaluations pour les années 2017 et 2018 et encore dans un courriel du 19 avril 2019 auquel elle répond en faisant valoir sa charge de travail.
Elle a également fait l'objet d'un avertissement le 18 décembre 2019 et ses indemnités journalières complémentaires n'ont été versées qu'à compter d'avril 2021 alors qu'elle était en arrêt depuis le 29 octobre 2020.
Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il incombe, dès lors, à l'employeur de combattre cette présomption en prouvant qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ce dernier soutient que Mme [E] était pleinement en accord avec son changement de fonctions, qu'il relevait de ses attributions d'établir la paie de Mme [S] qui n'a jamais eu pour objectif de la convaincre de quitter l'entreprise, que l'avertissement notifié le 18 décembre 2019 était justifié, et que le retard dans le versement des indemnités journalières complémentaires est justement dû à son arrêt-maladie alors qu'elle était seule responsable de l'établissement de la paie.
L'avertissement notifié le 18 décembre 2019 ayant été validé, il ne peut être retenu au titre du harcèlement moral.
De même, la différence de rémunération entre Mme [E] et Mme [S], sa remplaçante au poste de responsable des ressources humaines, résultant d'un niveau de diplôme plus élevé et l'objectif fixé à cette dernière quant à l'avenir de sa collègue étant cohérent avec les difficultés reconnues par la salariée lors de ses évaluations annuelles, l'employeur prouve que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En revanche, les développements précédents démontrent que Mme [E] n'a pas consenti à son changement de fonction qui lui a été imposé pour l'affecter notamment à l'établissement de la paie qu'elle a mis plusieurs années à maîtriser si l'on se réfère aux comptes-rendus d'évaluation produits.
Cette situation lui a, de plus, valu une suppression de sa prime d'objectifs que l'employeur ne peut justifier par l'appauvrissement de ses tâches alors qu'il en a décidé seul, et des remarques récurrentes sur la nécessité de réduire son nombre d'heures supplémentaires malgré ses explications sur sa charge de travail alors que la société ne s'explique pas sur le caractère injustifié de ces heures.
L'employeur ne saurait, en outre, se retrancher derrière l'arrêt-maladie de la salariée pour justifier qu'elle ait dû vivre avec les seules indemnités journalières de Sécurité sociale de février à avril 2021.
Par ailleurs, Mme [E] justifie d'un suivi psychologique régulier à partir de mars 2020 concomitamment à son premier arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif sur burn out tel qu'indiqué par le médecin-conseil dans son certificat du 12 mars 2021, donc en lien avec ses difficultés au travail.
Au vu de ces éléments, la salariée a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à sa santé physique ou mentale justifiant que lui soient alloués 5 000 euros de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris.
1-8/ sur le manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels
Mme [E] fait valoir qu'il n'existe aucune politique de prévention des risques professionnels dans l'entreprise, qu'elle s'est vue retirer ses fonctions principales sans son accord, et qu'elle n'a reçu aucune réponse à sa demande d'entretien en présence du médecin du travail afin d'expliquer les raisons de son arrêt-maladie.
L'employeur réplique qu'il ne pouvait intervenir à défaut d'avoir été mis au courant d'un quelconque problème.
En vertu des dispositions des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité.
L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de ces textes, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L.1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
En l'espèce, si le courriel adressé par la salariée au directeur des opérations le 4 septembre 2020 n'est pas suffisamment explicite pour valoir signalement d'une dégradation de son état de santé en lien avec une dégradation de ses conditions de travail, le courrier envoyé à l'employeur par le conseil de cette dernière le 29 octobre suivant fait clairement référence à une souffrance au travail.
Pour toute réponse, l'employeur produit un courrier du 30 novembre 2020 aux termes duquel il conteste tout manquement à ses obligations à l'égard de Mme [E].
Cette réponse apparaît insuffisante au regard de l'obligation lui incombant d'assurer l'effectivité de la protection de la santé de la salariée en mettant en œuvre des mesures concrètes de prise en charge de la souffrance au travail qui lui a été signalée.
Il convient donc de retenir le manquement invoqué par la salariée.
Néanmoins, Mme [E] ne caractérisant, ni même n'invoquant, aucun préjudice distinct de celui qui est déjà réparé par les dommages et intérêts accordés pour harcèlement moral, sa demande de ce chef est rejetée par confirmation du jugement entrepris.
2/ Sur la rupture du contrat de travail
2-1/ sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [E] soutient que la modification unilatérale de son contrat de travail avec baisse de sa rémunération, l'humiliation qu'elle a subie du fait de son remplacement par Mme [S] et le harcèlement moral dont elle a été victime justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail.
L'employeur oppose l'absence de preuve des griefs invoqués.
La voie de la résiliation judiciaire n'est ouverte qu'au salarié ; elle produit, lorsqu'elle est accueillie, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d'une gravité suffisante et s'ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu'à cette date le contrat de travail est toujours en cours ou à la date du licenciement si celui-ci est intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.
En l'espèce, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail le 25 mai 2021 puis a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 juin 2021.
L'existence d'un harcèlement moral justifie à elle seule la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul au 25 juin 2021, sans qu'il apparaisse nécessaire d'examiner les autres griefs.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
2-2/ sur les conséquences pécuniaires de la résiliation judiciaire
Mme [E] se prévaut d'un salaire de référence de 4 670,77 euros en vertu du principe d'égalité de traitement, et subsidiairement de 3 145,83 euros incluant le 13ème mois et la prime sur objectifs.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, la salariée peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents et à des dommages et intérêts qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des 6 derniers mois en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail.
Au vu des bulletins de paie produits, le salaire mensuel moyen de référence s'établit à 3 212,50 euros brut après réintégration de la prime sur objectifs.
Il en résulte une indemnité de licenciement d'un montant de 15 952,28 euros.
L'employeur justifiant avoir réglé à la salariée 1 769,49 euros le 7 décembre 2023 en complément des 14 186 euros déjà versés à ce titre, il convient de débouter Mme [E] de sa demande de solde par confirmation du jugement entrepris.
Par ailleurs, l'employeur est condamné à lui verser 9 637,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 963,75 euros de congés payés afférents.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté dans la société et en l'absence d'élément sur sa situation professionnelle depuis le licenciement, la cour fixe à 25 000 euros les dommages et intérêts en réparation de la résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul.
La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.
2-3/ sur la demande au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés
Mme [E] se prévaut de la jurisprudence sur le droit pour le salarié de bénéficier des congés payés pendant un arrêt-maladie pour fonder sa demande de solde d'indemnité compensatrice de congés payés.
L'employeur ne répond pas sur ce point.
Aux termes de l'article L. 3141-3 du même code, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
Ces dispositions, qui subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, doivent être partiellement écartées en ce qu'elles ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne, notamment à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne interprétant la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, comme n'opérant aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période.
En l'espèce, l'employeur ne contestant pas avoir calculé les droits de Mme [E] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sans intégrer ses périodes d'arrêt-maladie, il convient de faire droit à la demande de cette dernière, non contestée en son quantum.
3/ Sur les demandes accessoires
L'issue du procès conduit à infirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, et à mettre à la charge de l'employeur les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de le condamner à payer à Mme [E] 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel et de le débouter de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] [E] de ses demandes au titre de la prime annuelle, de l'inégalité de traitement, des indemnités journalières complémentaires, de l'avertissement notifié le 18 décembre 2019, du manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, et de l'indemnité de licenciement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme [L] [E] a été victime de harcèlement moral,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 25 juin 2021,
Fixe le salaire mensuel moyen de référence à 3 212,50 euros brut,
Condamne la société [T] à lui payer les sommes suivantes :
3 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
1 860 euros de rappel de prime sur objectifs, outre 186 euros de congés payés afférents,
5 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
2 822,80 euros de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
9 637,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 963,75 euros de congés payés afférents,
25 000 euros de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul,
2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel,
Ordonne à la société [T] de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société [T] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.
N°
[E]
C/
S.A.S. [T]
copie exécutoire
le 07 février 2024
à
Me CHEMLA
Me LEMOINE
EG/IL/BG
COUR D'APPEL D'AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD'HOMALE
ARRET DU 07 FEVRIER 2024
*************************************************************
N° RG 23/00595 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVLW
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LAON DU 28 DECEMBRE 2022 (référence dossier N° RG 21/00056)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
Madame [L] [E]
née le 23 Avril 1965 à [Localité 4]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
concluant par Me Gérard CHEMLA de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS
ET :
INTIMEE
S.A.S. [T] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 2]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d'AMIENS substituée par Me Alexis DAVID, avocat au barreau d'AMIENS, avocat postulant
représentée, concluant et plaidant par Me Emeric LEMOINE, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Julien DELAMOTTE, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l'audience publique du 13 décembre 2023, devant Mme Eva GIUDICELLI, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, ont été entendus :
- Mme [F] [C] en son rapport,
- l'avocat en ses conclusions et plaidoirie
Mme [F] [C] indique que l'arrêt sera prononcé le 07 février 2024 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Isabelle LEROY
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [F] [C] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Laurence de SURIREY, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 07 février 2024, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Laurence de SURIREY, Présidente de Chambre et Mme Isabelle LEROY, Greffière.
*
* *
DECISION :
Mme [E], née le 23 avril 1965, a été embauchée à compter du 4 octobre 2011 dans le cadre d'un contrat de travail à durée déterminée transformé en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2013 par la société [T] (la société ou l'employeur), en qualité de responsable des ressources humaines.
La société [T] compte plus de 10 salariés. La convention collective applicable est celle des 5 branches des industries alimentaires diverses.
Le 18 décembre 2019, la salariée s'est vu notifier un avertissement.
Elle a été placée en arrêt de travail du 20 mars au 30 septembre 2020, puis du 29 octobre 2020 au 17 mai 2021.
Le 25 mai 2021, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste de l'entreprise avec dispense de reclassement.
Ce même jour, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes de Laon d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par courrier du 10 juin 2021, elle a été convoquée à un entretien préalable fixé au 22 juin 2021.
Par courrier du 25 juin 2021, son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement lui a été notifié.
Ne s'estimant pas remplie de ses droits au titre de l'exécution du contrat de travail et contestant la légitimité de son licenciement, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Laon le 12 mai 2022.
Par jugement du 28 décembre 2022, le conseil a :
prononcé la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 2021/56 et 2022/56 ;
dit et jugé que le licenciement pour inaptitude était régulier ;
débouté Mme [E] de l'ensemble de ses demandes ;
condamné Mme [E] à verser 500 euros à la société [T] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.
Mme [E], régulièrement appelante de ce jugement, par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 novembre 2023, demande à la cour de :
infirmer le jugement dans toutes ses dispositions ;
la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
Y faisant droit,
condamner la société [T] à lui verser les sommes suivantes :
- 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour modification illégale du contrat de travail et exécution déloyale du contrat de travail ;
- 15 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait des agissements de harcèlement moral ;
- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention des risques professionnels ;
- 3 183,24 euros brut à titre de rappel d'indemnité de prévoyance ;
- 5 000 euros au titre de la réparation du préjudice financier et moral lié au non-traitement du contrat de prévoyance ;
annuler l'avertissement du 18 décembre 2019 ;
condamner la société [T] à lui verser la somme de 44 177,71 euros à titre de rappel de salaire, au visa du principe de l'égalité de traitement, outre la somme de 4 417,77 euros au titre des congés payés y afférents ;
ordonner la rectification des bulletins de paie en conséquence ;
fixer son salaire de référence à la somme de 4 670,77 euros ;
condamner la société [T] à lui verser les sommes de :
- 6 000 euros à titre de rappel de salaire sur prime d'objectif annuel ;
- 600 euros au titre des congés payés y afférents ;
- 4 670,77euros à titre de rappel de primes de 13ème mois ;
- 467,07 euros au titre des congés payés y afférents ;
résilier le contrat de travail aux torts de l'employeur ;
En conséquence,
condamner la société [T] à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins, sans cause réelle et sérieuse ;
condamner la société [T] à lui verser, au titre des indemnités de rupture, les sommes suivantes :
- à titre principal, sur la base du salaire de référence de 4 670,77 euros (salaire de Mme [S]) :
14 012,31 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
1 401,23 euros au titre des congés payés y afférents ;
12 606,61 euros à titre de rappel d'indemnité conventionnelle de licenciement;
- à titre subsidiaire, en intégrant à son salaire de base la somme de 2 000 euros de prime variable :
10 171,33 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
1 017,13 euros au titre des congés payés y afférents ;
2 520,71 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement;
- à titre infiniment subsidiaire, en prenant le salaire de référence à hauteur de 3 223,78 euros (salaire figurant sur le bulletin de paie de mars 2019 à février 2020) :
9 671,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
967,13 euros à titre de congés payés y afférents ;
1 772,49 euros à titre de solde d'indemnité de licenciement.
En tout état de cause,
condamner la société [T] à lui verser les sommes suivantes :
- 2 822,80 euros à titre de rappel de congés payés ;
- 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société [T] aux entiers dépens.
La société [T], par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2023, demande à la cour de :
dire et juger Mme [E] non fondée en son appel ;
confirmer le jugement ;
débouter Mme [E] de l'intégralité de ses demandes ;
condamner Mme [E] à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux éventuels dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
La société [T] a été autorisée à justifier en cours de délibéré du paiement du solde de l'indemnité de licenciement ; ce qu'elle a fait par courriel reçu le 18 décembre 2023.
EXPOSE DES MOTIFS
1/ Sur l'exécution du contrat de travail
1-1/ sur l'existence d'une modification unilatérale du contrat de travail
Mme [E] soutient qu'elle a subi un préjudice du fait de la modification unilatérale de son contrat de travail par l'employeur qui sans avenant, lui a retiré l'ensemble de ses fonctions de responsable des ressources humaines pour l'affecter à l'établissement de la paie.
L'employeur répond que la salariée a changé de fonction avec son accord à compter du 1er juillet 2016 pour être nommée responsable paie et formation sans modification de son statut de cadre et de sa rémunération brute mensuelle et qu'elle n'a jamais formulé aucune plainte à ce sujet lors de ses évaluations postérieures toutes signées de sa main, mentionnant au contraire qu'elle était satisfaite de son poste.
Lorsque l'étendue des fonctions et le niveau de responsabilité du salarié sont fortement réduits, il s'agit d'une modification du contrat de travail nécessitant l'accord de ce dernier même si la qualification n'est pas affectée.
L'acceptation par un salarié d'une modification de son contrat de travail ne peut résulter que d'un consentement exprès de sa part et non d'un acquiescement implicite, d'une absence de protestation et de réclamation ou de la seule poursuite du contrat modifié.
La suppression d'une prime contractuellement prévue ne peut être imposée au salarié.
En l'espèce, le contrat de travail signé par les parties le 27 janvier 2013 prévoit que Mme [E] est engagée en qualité de responsable des ressources humaines, statut cadre, niveau 7 sous la responsabilité du directeur industriel.
L'article 6 du contrat stipule une rémunération brute mensuelle de 2 600 euros et une rémunération variable pouvant aller jusqu'à 1 200 euros brut par an, portée à 2 000 euros en 2014, précisant que l'attribution de cette rémunération variable ne pourra jamais constituer un droit acquis et sera fonction de la réalisation des objectifs précis fixés avec son responsable hiérarchique.
Les termes « ne pourra jamais constituer un droit acquis » ne peuvent s'interpréter comme permettant à l'employeur de disposer de la rémunération variable dans son principe à défaut de conditions précises de retrait prévues contractuellement, qui seules permettraient de leur ôter leur caractère potestatif.
Il s'en déduit que la prime d'objectifs faisait partie de la structure de la rémunération de la salariée mais que son montant dépendait de la réalisation des objectifs fixés annuellement par l'employeur.
La fiche de poste signée le 20 novembre 2013 liste les missions suivantes :
rôle de veille et de conseil en droit social au sein de l'entreprise,
co-animation des réunions CE/DP ' CHSCT et négociation avec les instances,
relations avec l'inspection du travail et la médecine du travail
organisation des élections professionnelles,
gestion administrative du personnel (rédaction des contrats de travail, gestion des départs, tenue des dossiers individuels administratifs, contrôle des paie')
mise en œuvre et animation de la formation au sein de l'entreprise,
définition de la stratégie de recrutement de l'entreprise, conduite de certains entretiens de recrutement,
reporting RH.
Il est constant qu'à compter du 1er juillet 2016, Mme [E] a été affectée au poste de responsable paie et formation perdant l'ensemble des missions susmentionnées à l'exception de celles concernant la formation et se trouvant subordonnée à la nouvelle responsable des ressources humaines embauchée le 12 mai 2016 qui l'a évaluée en qualité de responsable hiérarchique dès l'année suivante.
Il ressort des comptes-rendus d'évaluation pour les années 2016 à 2018 qu'elle n'a plus perçu sa prime d'objectifs, l'employeur expliquant ce fait dans le compte-rendu pour l'année 2017 comme suit : « depuis sa prise de poste de responsable paie et formation, elle a conservé son niveau échelon, son salaire de base et son statut cadre alors que ce poste ne le justifie pas pour un site de 100 personnes ».
S'agissant d'un appauvrissement important de ses attributions et responsabilités, au vu de l'ampleur des missions retirées et du positionnement hiérarchique du nouveau poste, ayant entraîné une modification de la structure de sa rémunération par la suppression du principe même de la prime contractuellement prévue, Mme [E] devait y consentir expressément.
Or, concernant le changement d'attributions, le fait qu'elle n'ait pas protesté, avant l'envoi d'un courrier de son conseil le 29 octobre 2020, notamment en parafant et signant le compte-rendu d'évaluation du 10 juillet 2017 qui actait ce changement et en manifestant son souhait de se maintenir à ce nouveau poste lors de l'évaluation pour l'année 2017, et qu'elle se soit investie dans ses nouvelles fonctions est insuffisant à caractériser un accord express pour une modification d'une telle importance à défaut de toute manifestation claire et non équivoque de volonté.
Concernant le changement dans la structure de sa rémunération, son désaccord apparaît dans le compte-rendu d'évaluation annuelle du 1er mars 2018.
Au vu de ces éléments, la modification unilatérale du contrat de travail de Mme [E] par l'employeur est constitutive d'une exécution déloyale de ce contrat qu'il convient de réparer en lui allouant 3 000 euros de dommages et intérêts.
1-2/ sur la demande de rappel de salaire pour inégalité de traitement
Mme [E] avance qu'ayant le même emploi, le même statut et le même niveau de classification que Mme [S], autre responsable des ressources humaines, elle aurait dû percevoir le même salaire, et demande un rappel en conséquence pour la période de mai 2018 à mars 2020, outre le mois d'octobre 2020.
L'employeur répond que Mme [E] exerçant les fonctions de responsable paie et formation et ne disposant d'aucun diplôme, elle ne peut être comparée à Mme [S] qui exerçait les fonctions de responsable des ressources humaines, détenait un diplôme d'ingénieure des industries agricoles et alimentaires et était arrivée dans l'entreprise 5 ans plus tard.
Il ajoute que le changement de fonction de Mme [E] était dû à ses difficultés à tenir le poste de responsable des ressources humaines.
La règle « à travail égal, salaire égal » oblige l'employeur à assurer une égalité de rémunération entre des salariés effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.
S'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
En l'espèce, il ressort des contrats de travail produits par Mme [E] que Mme [S] a été embauchée le 12 mai 2016 en qualité de responsable des ressources humaines, statut cadre, niveau 7 moyennant un salaire brut mensuel de 4 615,38 euros alors qu'elle-même avait été engagée le 27 février 2013 au même poste, statut cadre, niveau 7 moyennant un salaire brut mensuel de 2 600 euros.
Ces éléments de fait matériellement établis étant susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.
Or, la cour relève que Mme [E] a été embauchée au statut de cadre niveau 7 sans diplôme malgré le niveau de qualification Bac+3/4 requis pour ce niveau par la convention collective applicable et repris dans sa fiche de poste alors que Mme [S] a été embauchée au statut de cadre niveau 7 avec un diplôme d'ingénieur correspondant à ce niveau.
Les contrats de travail de chacune font, par ailleurs, ressortir une embauche à l'échelon 1 pour Mme [E] alors que Mme [S] est recrutée à l'échelon 2 correspondant à un salaire minimum conventionnel supérieur.
Ces éléments permettent de justifier objectivement la différence de salaire existant entre les deux salariées.
Il convient donc de débouter Mme [E] de sa demande de ce chef par confirmation du jugement entrepris.
1-3/ sur la demande de rappel de prime sur objectifs
Mme [E] estime avoir droit à la prime sur objectifs prévue au contrat de travail en l'absence d'accord de sa part pour qu'elle soit supprimée.
L'employeur soulève la prescription de la demande pour la période antérieure au 25 mai 2018 et rappelle que la salariée a été absente à compter de mars 2020 ; sur le fond, il répond que le contrat de travail stipulait clairement que cette rémunération variable ne pouvait constituer un droit acquis et dépendait des objectifs fixés, condition que le changement de fonction de Mme [E] ne permettait plus de remplir, ce qu'elle avait accepté en signant le compte-rendu annuel d'évaluation pour l'année 2016.
L'article L.3245-1 du code du travail dispose que l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Si l'objectif de résultats dont le contrat de travail fait dépendre la rémunération variable n'a pas été déterminé, il appartient au juge de le fixer par référence aux années antérieures.
En l'espèce, Mme [E] ayant saisi le conseil de prud'hommes en paiement de la prime d'objectifs le 25 mai 2021, sa demande est prescrite pour la période antérieure au 25 mai 2018.
Sur le fond, il est constant que la salariée n'a plus perçu de prime sur objectifs à compter du 1er juillet 2016.
Le contrat de travail prévoyant dans la structure de rémunération de la salariée une prime sur objectifs non spécifiquement liée aux fonctions de responsable des ressources humaines, l'employeur devait maintenir le principe de la prime en l'adaptant aux nouvelles fonctions de la salariée, sauf renoncement expresse de cette dernière que les précédents développements permettent d'écarter.
L'employeur ne fournissant aucun élément permettant de fixer le montant de la prime que Mme [E] aurait dû percevoir, il convient de la calculer sur la base de la moyenne des primes précédemment versées à ce titre pour l'établir à 1 860 euros, outre 186 euros de congés payés afférents, au regard de la période non prescrite et des arrêts-maladie de la salariée.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
1-4/ sur la demande de rappel de prime annuelle
Mme [E] affirme que l'employeur a renoncé à la proratisation au temps de présence du 13ème mois pour les personnes en arrêt-maladie lors d'une réunion avec les délégués du personnel du 18 décembre 2014.
L'employeur soutient qu'il appartient à Mme [E] de prouver qu'elle devait bénéficier de cette prime en intégralité alors que le contrat de travail prévoit sa proratisation au temps de présence, ce qui n'a jamais été modifié.
L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
En l'espèce, le contrat de travail signé par les parties le 27 février 2013 prévoit une gratification équivalente à un treizième mois versée pour 50 % en juin et 50 % en décembre habituellement, calcul effectué au prorata du temps de présence.
Au vu des termes clairs employés, il ne s'agit pas d'un treizième mois de salaire mais d'une prime annuelle dont le montant est équivalent à un mois de salaire calculé au prorata du temps de présence.
L'employeur produit une note de service 2014 précisant les conditions d'attribution de la prime annuelle rappelant qu'aux termes de la convention collective et des usages applicables dans l'entreprise, la prime annuelle est calculée en fonction du temps de travail effectif dans l'entreprise et que 2 mois de maladie justifiée sont considérés comme travail effectif.
Il ressort de l'extrait du procès-verbal de réunion des délégués du personnel du 18 décembre 2014 que, sur question à l'employeur quant au paiement partiel du 13ème mois pour les personnes ayant eu un arrêt-maladie, ce dernier répond qu'il « valide que (la prime annuelle) sera égale à 100 % du salaire mensuel de base, versée en deux fois et attribuée à chaque salarié dès son entrée dans l'entreprise ».
Cette formulation peu explicite quant aux périodes de suspension du contrat de travail et qui exclut toute rétroactivité ne saurait permettre à elle seule de démontrer l'existence d'un engagement unilatéral de l'employeur à supprimer la proratisation de la prime au temps de présence prévue dans le contrat de travail de Mme [E], au-delà de la neutralisation des deux mois d'arrêt-maladie prévue par la convention collective.
Au vu des bulletins de paie produits, Mme [E] a donc été remplie de ses droits quant à cette prime.
Elle sera, en conséquence, déboutée de sa demande de ce chef par confirmation du jugement entrepris.
1-5/ sur la demande au titre des indemnités journalières complémentaires
Mme [E] affirme qu'elle n'a pas été remplie de ses droits au titre de la prévoyance souscrite pour son compte par la société, ce qui justifie le rappel demandé ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice financier qu'elle a nécessairement subi.
L'employeur conteste devoir plus que les 9 603,96 euros versés à la salariée à ce titre.
L'article 9.1 de la convention collective des 5 branches des industries alimentaires diverses relative à l'indemnisation du salarié en cas de maladie ou d'accident prévoit qu'en tout état de cause ces garanties ne doivent pas conduire à verser à l'intéressé, compte tenu des sommes de toutes provenances telles qu'elles sont définies ci-dessus, perçues à l'occasion de la maladie ou de l'accident du travail, un montant supérieur à la rémunération nette qu'il aurait effectivement perçue s'il avait continué de travailler, sous déduction de la rémunération correspondant au délai de franchise.
En application de l'article 9.4, les absences des cadres par suite de maladie ou d'accident, dûment constatées par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu, prises en charge par la sécurité sociale, ainsi que l'interruption légale du travail due à l'état de grossesse médicalement constaté, donnent lieu au versement des indemnités suivantes après 5 ans de présence : pendant 120 jours, 100 % des appointements de l'intéressé, pendant les 120 jours suivants, 75 % des appointements de l'intéressé.
En l'espèce, Mme [E] a été en arrêt de travail pour une durée totale de 386 jours.
Elle ne conteste pas le taux journalier de 104,47 euros retenu par l'organisme de prévoyance permettant son indemnisation à 100 % toute source d'indemnité confondue (maintien du salaire par l'employeur, indemnité de Sécurité sociale, indemnité complémentaire au titre de la prévoyance).
Elle devait donc percevoir sur la période considérée 40 325,42 euros pour un maintien à 100% de son salaire.
Or, il ressort des décomptes et bulletins de paie produits qu'elle a perçu 17 238,25 euros d'indemnités journalières de Sécurité sociale directement ou par l'intermédiaire de son employeur, 9 602,96 euros d'indemnités journalières complémentaires au titre de la prévoyance, et 25 131,45 euros au titre du maintien de salaire.
Elle a donc été remplie de ses droits et ne saurait prétendre à un règlement complémentaire ou à l'indemnisation d'un préjudice financier.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
1-6/ sur la demande d'annulation de l'avertissement du 18 décembre 2019
Mme [E] soutient qu'une partie des faits reprochés sont prescrits (incurie sur les situations de M. [Z] et de Mme [V]), qu'elle n'était pas responsable du paramétrage à l'origine des erreurs commises et qu'elle n'a nullement adopté un comportement inadapté à l'encontre du responsable comptable.
L'employeur conteste toute prescription des faits fautifs et affirme que s'agissant notamment d'erreurs relevant de ses attributions, elles lui étaient nécessairement imputables.
L'article L. 1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à un engagement de poursuite disciplinaire au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
L'article L.1333-1 du même code dispose qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, Mme [E] a fait l'objet d'un avertissement notifié le 18 décembre 2019 aux motifs d'erreurs récurrentes dans l'établissement de la paie, d'incurie dans la situation de M. [Z] et de Mme [V] et dans l'animation de la formation des salariés, ainsi que d'une attitude inadaptée envers le responsable comptable fin novembre et l'auditrice intervenue le 4 décembre 2019.
En l'absence de toute précision sur la date de prise de connaissance par l'employeur des carences reprochées, ces faits doivent être considérés comme prescrits, contrairement aux erreurs pour lesquelles la salariée n'invoque pas la prescription et aux fautes de comportement qui dataient de moins de deux mois au jour de la notification de la sanction.
Aucun élément probant n'étant produit par l'employeur afin de préciser le comportement adopté par la salariée en présence du responsable comptable et de l'auditrice, son caractère fautif ne peut être retenu.
En revanche, en qualité de responsable paie, Mme [E] ne saurait se retrancher derrière le paramétrage de la précédente responsable des ressources humaines pour justifier des erreurs dans l'établissement de la paie ayant conduit à accorder des heures supplémentaires à des salariés qui n'avaient pas dépassé les 35 heures de travail effectif ou à accorder un nombre de jours de congés erroné.
En effet, s'agissant d'erreurs dénotant un manque de rigueur sur des éléments basiques de l'établissement de la paie malgré 3 années d'expérience dans le poste, l'avertissement apparait justifié.
Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.
1-7/ sur l'existence d'un harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L.1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
Mme [E] s'estime victime d'un harcèlement moral caractérisé par :
sa rétrogradation aux fonctions de gestionnaire de paie à la suite du recrutement sur son poste d'une autre responsable des ressources humaines dont elle a dû gérer la rémunération supérieure à la sienne et qui avait notamment comme objectif « d'acter son avenir »,
le retrait de sa rémunération variable,
une pression pour qu'elle évite de faire des heures supplémentaires malgré l'augmentation de la charge de travail, et qu'elle quitte l'entreprise,
le versement avec retard des indemnités journalières dues au titre de la prévoyance,
la notification d'un avertissement injustifié.
Elle ajoute que ce harcèlement moral a conduit à une dégradation de son état de santé que le suivi mis en place par le psychologue du travail et l'attestation de Mme [X], psychologue clinicienne, démontrent.
L'employeur oppose l'absence de preuve de la matérialité des faits invoqués et de dénonciation de ces faits avant l'engagement de la procédure prud'homale, et rappelle qu'une psychologue ne peut attester de faits qu'elle n'a pas constatés.
Il ressort des précédents développements que Mme [E] a effectivement fait l'objet d'une modification unilatérale de son contrat de travail le 1er juillet 2016 à la suite du recrutement d'une nouvelle responsable des ressources humaines, qui a conduit au retrait d'une part importante de ses attributions et à la suppression de sa prime d'objectifs.
Dans le cadre de la gestion de la paie de sa remplaçante, elle a eu connaissance de la prime accordée à cette dernière par courriel du 12 juin 2019 détaillant parmi les objectifs fixés et satisfaits « acter avenir de [L] ».
La question d'un nombre d'heures supplémentaires trop important pour les fonctions exercées est soulignée de façon récurrente par sa responsable hiérarchique lors des évaluations pour les années 2017 et 2018 et encore dans un courriel du 19 avril 2019 auquel elle répond en faisant valoir sa charge de travail.
Elle a également fait l'objet d'un avertissement le 18 décembre 2019 et ses indemnités journalières complémentaires n'ont été versées qu'à compter d'avril 2021 alors qu'elle était en arrêt depuis le 29 octobre 2020.
Ces faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il incombe, dès lors, à l'employeur de combattre cette présomption en prouvant qu'ils étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ce dernier soutient que Mme [E] était pleinement en accord avec son changement de fonctions, qu'il relevait de ses attributions d'établir la paie de Mme [S] qui n'a jamais eu pour objectif de la convaincre de quitter l'entreprise, que l'avertissement notifié le 18 décembre 2019 était justifié, et que le retard dans le versement des indemnités journalières complémentaires est justement dû à son arrêt-maladie alors qu'elle était seule responsable de l'établissement de la paie.
L'avertissement notifié le 18 décembre 2019 ayant été validé, il ne peut être retenu au titre du harcèlement moral.
De même, la différence de rémunération entre Mme [E] et Mme [S], sa remplaçante au poste de responsable des ressources humaines, résultant d'un niveau de diplôme plus élevé et l'objectif fixé à cette dernière quant à l'avenir de sa collègue étant cohérent avec les difficultés reconnues par la salariée lors de ses évaluations annuelles, l'employeur prouve que ces faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En revanche, les développements précédents démontrent que Mme [E] n'a pas consenti à son changement de fonction qui lui a été imposé pour l'affecter notamment à l'établissement de la paie qu'elle a mis plusieurs années à maîtriser si l'on se réfère aux comptes-rendus d'évaluation produits.
Cette situation lui a, de plus, valu une suppression de sa prime d'objectifs que l'employeur ne peut justifier par l'appauvrissement de ses tâches alors qu'il en a décidé seul, et des remarques récurrentes sur la nécessité de réduire son nombre d'heures supplémentaires malgré ses explications sur sa charge de travail alors que la société ne s'explique pas sur le caractère injustifié de ces heures.
L'employeur ne saurait, en outre, se retrancher derrière l'arrêt-maladie de la salariée pour justifier qu'elle ait dû vivre avec les seules indemnités journalières de Sécurité sociale de février à avril 2021.
Par ailleurs, Mme [E] justifie d'un suivi psychologique régulier à partir de mars 2020 concomitamment à son premier arrêt de travail pour syndrome anxiodépressif sur burn out tel qu'indiqué par le médecin-conseil dans son certificat du 12 mars 2021, donc en lien avec ses difficultés au travail.
Au vu de ces éléments, la salariée a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à sa santé physique ou mentale justifiant que lui soient alloués 5 000 euros de dommages et intérêts par infirmation du jugement entrepris.
1-8/ sur le manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels
Mme [E] fait valoir qu'il n'existe aucune politique de prévention des risques professionnels dans l'entreprise, qu'elle s'est vue retirer ses fonctions principales sans son accord, et qu'elle n'a reçu aucune réponse à sa demande d'entretien en présence du médecin du travail afin d'expliquer les raisons de son arrêt-maladie.
L'employeur réplique qu'il ne pouvait intervenir à défaut d'avoir été mis au courant d'un quelconque problème.
En vertu des dispositions des articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise doit en assurer l'effectivité.
L'obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de ces textes, est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l'article L.1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle.
En l'espèce, si le courriel adressé par la salariée au directeur des opérations le 4 septembre 2020 n'est pas suffisamment explicite pour valoir signalement d'une dégradation de son état de santé en lien avec une dégradation de ses conditions de travail, le courrier envoyé à l'employeur par le conseil de cette dernière le 29 octobre suivant fait clairement référence à une souffrance au travail.
Pour toute réponse, l'employeur produit un courrier du 30 novembre 2020 aux termes duquel il conteste tout manquement à ses obligations à l'égard de Mme [E].
Cette réponse apparaît insuffisante au regard de l'obligation lui incombant d'assurer l'effectivité de la protection de la santé de la salariée en mettant en œuvre des mesures concrètes de prise en charge de la souffrance au travail qui lui a été signalée.
Il convient donc de retenir le manquement invoqué par la salariée.
Néanmoins, Mme [E] ne caractérisant, ni même n'invoquant, aucun préjudice distinct de celui qui est déjà réparé par les dommages et intérêts accordés pour harcèlement moral, sa demande de ce chef est rejetée par confirmation du jugement entrepris.
2/ Sur la rupture du contrat de travail
2-1/ sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail
Mme [E] soutient que la modification unilatérale de son contrat de travail avec baisse de sa rémunération, l'humiliation qu'elle a subie du fait de son remplacement par Mme [S] et le harcèlement moral dont elle a été victime justifient la résiliation judiciaire du contrat de travail.
L'employeur oppose l'absence de preuve des griefs invoqués.
La voie de la résiliation judiciaire n'est ouverte qu'au salarié ; elle produit, lorsqu'elle est accueillie, tous les effets attachés à un licenciement prononcé sans cause réelle et sérieuse.
Lorsque les manquements de l'employeur à ses obligations légales, conventionnelles ou contractuelles sont établis et d'une gravité suffisante et s'ils ont été de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail doit être accueillie, avec effet à la date de la décision la prononçant, lorsqu'à cette date le contrat de travail est toujours en cours ou à la date du licenciement si celui-ci est intervenu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, et qu'il est licencié ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée.
En l'espèce, Mme [E] a saisi le conseil de prud'hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail le 25 mai 2021 puis a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 juin 2021.
L'existence d'un harcèlement moral justifie à elle seule la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul au 25 juin 2021, sans qu'il apparaisse nécessaire d'examiner les autres griefs.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
2-2/ sur les conséquences pécuniaires de la résiliation judiciaire
Mme [E] se prévaut d'un salaire de référence de 4 670,77 euros en vertu du principe d'égalité de traitement, et subsidiairement de 3 145,83 euros incluant le 13ème mois et la prime sur objectifs.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul, la salariée peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis avec congés payés afférents et à des dommages et intérêts qui ne peuvent être inférieurs aux salaires des 6 derniers mois en application de l'article L.1235-3-1 du code du travail.
Au vu des bulletins de paie produits, le salaire mensuel moyen de référence s'établit à 3 212,50 euros brut après réintégration de la prime sur objectifs.
Il en résulte une indemnité de licenciement d'un montant de 15 952,28 euros.
L'employeur justifiant avoir réglé à la salariée 1 769,49 euros le 7 décembre 2023 en complément des 14 186 euros déjà versés à ce titre, il convient de débouter Mme [E] de sa demande de solde par confirmation du jugement entrepris.
Par ailleurs, l'employeur est condamné à lui verser 9 637,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 963,75 euros de congés payés afférents.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de son ancienneté dans la société et en l'absence d'élément sur sa situation professionnelle depuis le licenciement, la cour fixe à 25 000 euros les dommages et intérêts en réparation de la résiliation du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul.
La salariée ayant plus de deux ans d'ancienneté et l'entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, il convient de faire application d'office des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à la cause, et d'ordonner à l'employeur de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations.
2-3/ sur la demande au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés
Mme [E] se prévaut de la jurisprudence sur le droit pour le salarié de bénéficier des congés payés pendant un arrêt-maladie pour fonder sa demande de solde d'indemnité compensatrice de congés payés.
L'employeur ne répond pas sur ce point.
Aux termes de l'article L. 3141-3 du même code, le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.
Ces dispositions, qui subordonnent à l'exécution d'un travail effectif l'acquisition de droits à congé payé par un salarié dont le contrat de travail est suspendu par l'effet d'un arrêt de travail pour cause de maladie non professionnelle, doivent être partiellement écartées en ce qu'elles ne sont pas conformes au droit de l'Union européenne, notamment à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne interprétant la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, comme n'opérant aucune distinction entre les travailleurs qui sont absents du travail en vertu d'un congé de maladie, pendant la période de référence, et ceux qui ont effectivement travaillé au cours de ladite période.
En l'espèce, l'employeur ne contestant pas avoir calculé les droits de Mme [E] au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sans intégrer ses périodes d'arrêt-maladie, il convient de faire droit à la demande de cette dernière, non contestée en son quantum.
3/ Sur les demandes accessoires
L'issue du procès conduit à infirmer le jugement entrepris quant aux dépens et frais irrépétibles, et à mettre à la charge de l'employeur les dépens de première instance et d'appel.
L'équité commande de le condamner à payer à Mme [E] 2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel et de le débouter de sa demande de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] [E] de ses demandes au titre de la prime annuelle, de l'inégalité de traitement, des indemnités journalières complémentaires, de l'avertissement notifié le 18 décembre 2019, du manquement à l'obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, et de l'indemnité de licenciement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que Mme [L] [E] a été victime de harcèlement moral,
Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail avec effet au 25 juin 2021,
Fixe le salaire mensuel moyen de référence à 3 212,50 euros brut,
Condamne la société [T] à lui payer les sommes suivantes :
3 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
1 860 euros de rappel de prime sur objectifs, outre 186 euros de congés payés afférents,
5 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
2 822,80 euros de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
9 637,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 963,75 euros de congés payés afférents,
25 000 euros de dommages et intérêts pour résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul,
2 500 euros au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en appel,
Ordonne à la société [T] de rembourser à l'antenne France travail concernée les indemnités de chômage versées à l'intéressée depuis son licenciement dans la limite de six mois de prestations,
Rejette le surplus des demandes,
Condamne la société [T] aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.