Décisions
CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 23 janvier 2024, n° 22/00104
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00104 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IJYW
CRL/JLB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES
09 décembre 2021
RG :20/00067
S.A.S. HERAULT TRANSPORT EXPRESS
C/
[S]
Grosse délivrée le 23 JANVIER 2024 à :
- Me BAILLIEU
- Me SOULIER
- Me JULLIEN
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 23 JANVIER 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Alès en date du 09 Décembre 2021, N°20/00067
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN,Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Janvier 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. HERAULT TRANSPORT EXPRESS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur [D] [S]
né le 10 Septembre 1981 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001720 du 23/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
ÉTABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF NATIONAL PÔLE EMPLOI
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [D] [S] a été engagé par la SAS Hérault Transports Express à compter du 17 mai 2016 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de conducteur routier, groupe 5, coefficient 128 M de la convention collective nationale des transports routiers.
Dans le cadre de ses fonctions, M. [D] [S] s'est vu attribuer un véhicule et il a été mis à sa disposition une carte carburant affiliée au véhicule.
Le 2 janvier 2019, M. [D] [S] était placé en arrêt de travail jusqu'au 11 juin 2019.
Par lettre du 14 février 2020, M. [D] [S] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 25 février 2020, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 5 mars 2020.
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 13 juillet 2020, M. [D] [S] saisissait le conseil de prud'hommes d'Alès en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 09 décembre 2021, a :
- dit et jugé que le licenciement de M. [D] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS Hérault Transports Express, en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :
* 3 141,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 314,11 euros au titre des congés payés y afférents,
* 1 505,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 426,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 4 711,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Hérault Transports Express, en la personne de son représentant légal aux entiers dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la décision par huissier de justice,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et conclusions.
Par acte du 12 janvier 2022, la SAS Hérault Transports Express a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 23 mai 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 octobre 2023 à 16 heures et a fixé l'affaire à l'audience du 14 novembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 octobre 2023, la SAS Hérault Transports Express demande à la cour de :
- infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes d'Alès en date du 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu'il a :
* dit et jugé que le licenciement de M. [D] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* l'a condamné, en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :
° 3 141,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
° 314,11 euros au titre des congés payés y afférents,
° 1 505,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,
° 426,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
° 4 711,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [D] [S] de son appel incident visant à obtenir une augmentation des dommages et intérêts.
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [D] [S] est parfaitement justifié,
- débouter M. [D] [S] de toutes demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail,
- débouter M. [D] [S] de sa demande de paiement d'une indemnité de congés payés afférente à la période 2017/2018,
- débouter M. [D] [S] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- débouter l'établissement public administratif national Pôle Emploi de sa demande de remboursement des indemnités chômages versées à M. [D] [S].
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour était amenée à confirmer la requalification du licenciement de M. [D] [S] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- débouter M. [D] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce qu'il ne justifie d'aucun préjudice,
- dire et juger que le remboursement à l'établissement public administratif national Pôle Emploi par elle des indemnités chômage versées à M. [D] [S] ne saurait excéder la somme de 478,87 euros.
- le condamner au paiement de la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La SAS Hérault Transports Express soutient que :
- le licenciement pour faute grave de M. [S] est justifié dans la mesure où il a utilisé de manière frauduleuse la carte de carburant affectée au véhicule qui lui était personnellement attribuée, afin d'opérer des prises à titre personnel, ne correspondant aucunement aux besoins de son activité,
- l'imputabilité des faits à l'encontre de M. [S] est établie sans le moindre doute,
- les relevés de carte carburant sur la période du 1er septembre 2019 au 13 février 2020 démontrent une surconsommation anormale de gazole sur le véhicule attribué à M. [S],
- la consommation normale de gazole se situe entre 500 et 800 litres par mois, or M. [S] avoisinait certains mois, les 2000 litres allant jusqu'à 4016,76 litres au mois de janvier 2020,
- il ressort des tickets de caisse retirés par M. [S] lors de ses passages en station-service, que ce dernier déclarait un kilométrage très inférieur au kilométrage réel de son véhicule,
- le conseil de prud'hommes a retenu, à tort, qu'elle n'était pas en mesure de démontrer que M. [S] était le seul à pouvoir utiliser la carte de carburant, les cartes carburant ont un caractère personnel ; chaque carte de carburant est attribuée à un véhicule et l'utilisation de ladite carte est nécessairement réservée à la consommation de ce véhicule ; M. [S] était donc le seul responsable de la carte de carburant qui était mise à sa disposition pour effectuer le plein de gazole sur le véhicule qui lui a été attribué.
- les éléments produits par M. [S] sont insuffisants à démontrer qu'il n'a pas utilisé de manière frauduleuse la carte de carburant affectée à son véhicule,
- les manoeuvres frauduleuses de M. [S] lui ont fait perdre plus de 12 000 euros entre septembre 2019 et février 2020,
- M. [S] ne justifie d'aucun préjudice pour pouvoir prétendre à des dommages et intérêts,
- sur le rappel de congés payés : c'est à bon droit que les congés payés non pris à temps par M. [S] ont été supprimés.
En l'état de ses dernières écritures en date du 05 juillet 2022, contenant appel incident, M. [D] [S] demande à la cour de :
- recevoir l'appel de la SAS Hérault Transports Express
- le dire mal fondé en la forme et au fond
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'[Localité 4] en date du 9 décembre 2021
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse
En conséquence,
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
* 3 141.12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 314.11 euros au titre des congés payés y afférents
* 1 505.12 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 426.25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés
* 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
- condamner l'employeur aux entiers dépens.
M. [D] [S] fait valoir que :
- le conseil de prud'hommes a retenu, à juste titre, que son licenciement n'était pas justifié en l'absence d'élément permettant de démontrer que les vols de carburant lui étaient imputables.
- les cartes de carburants n'étaient aucunement attribuées de façon nominative et individuelle à chaque chauffeur et étaient donc utilisées par plusieurs chauffeurs ; par ailleurs, son véhicule n'était pas stationné dans une enceinte sécurisée et pouvait librement être utilisé par tout le personnel ; les cartes et les clés étaient laissées à l'intérieur des camions et les codes des cartes étaient connus de tous les chauffeurs,
- en mai 2019, il cumulait 6 jours de congés payés restant dus pour la période 2017/2018, mais étant en arrêt de travail du 2 janvier 2019 au 11 juin 2019, il n'a pas pu prendre ses congés acquis, sa demande de rappel de congés payés supprimés à tort est par suite fondée,
- il a subi un préjudice moral et financier suite à la rupture injustifiée de son contrat de travail.
Par conclusions du 06 octobre 2023, l'établissement public administratif national Pôle Emploi demande à la cour de :
- lui donner acte de son intervention volontaire ;
- réformer partiellement la décision rendue par le conseil de prud'hommes et condamner la SAS Hérault Transports Express à lui payer une somme de 5.746,45 euros correspondant aux 6 mois d'indemnité chômage versés à M. [D] [S], et ce conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail.
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
* rappel de congés payés
Le droit au congé payé annuel est posé par l'article L. 3141-1 du code du travail qui dispose que tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur. La durée du congé payé est fixé par l'article L. 3141-3 du code du travail selon lequel le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables'.
Ces dispositions légales opèrent la transposition en droit interne des dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE :
«Congé annuel 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»
Enfin, l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a consacré l'existence d'un droit fondamental aux congés payés : 'Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés'.
La Cour de Justice de l'Union européenne considère que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l'Union (CJUE 6 novembre 2018, C-569/ 16 Stadt Wuppertal c/ Bauer et C- 570/16 Willmeroth c/ Broßonn, point 80).
La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation retenait que les congés payés non pris au terme de la période de prise étaient perdus, sauf si le salarié démontrait que l'employeur l'avait empêché d'exercer en temps utile ses droits à congés.
Appliquant la jurisprudence de la CJUE, la chambre sociale de la Cour de cassation a procédé à des revirements de jurisprudence pour juger qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, il y a lieu de reporter les droits à congés payés lorsque le salarié n'a pas été en mesure de les exercer du fait de son état de santé :
- lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail (Soc., 27 septembre 2007, n 05-42.293, Bull. civ. V, n 147)
- lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail (Soc., 24 février 2009, n 07-44.488, Bull. civ. V, n 49).
- lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 223-14 devenu L. 3141-26 du code du travail (Soc., 25 mars 2009, n 07-43.767, Bull. civ. V, n 90).
- de même, les congés payés annuels, acquis au cours de l'année prévue par le code du travail ou la convention collective, que le salarié n'a pu prendre en raison d'absences liées à une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de les prendre en intégralité en raison d'une rechute d'accident de travail (Soc., 16 février 2012, n 10-21.300, Bull. civ. V, n 75)
Il appartient par ailleurs à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il
a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
En l'espèce, M. [D] [S] sollicite le paiement d'une somme de 426,25 euros correspondant à 6 jours de congés payés qu'il n'a pas pu prendre en raison d'un arrêt de travail du 2 janvier au 11 juin 2019 et qui n'ont pas été indemnisés ou reportés postérieurement au 31 mai 2019. Au soutien de sa demande, il produit ses bulletins de salaire de mai et juin 2019 qui établissent la perte de ces 6 jours de congés.
Pour contester cette demande, la SAS Hérault Transports Express fait valoir, au visa d'un jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation que le motif pour lequel M. [D] [S] n'a pas pris ses congés payés ne lui étant pas imputable, il ne pouvait pas bénéficier d'une indemnité compensatrice et elle les a légitimement supprimés.
Ceci étant, la jurisprudence dont se prévaut la SAS Hérault Transports Express, antérieure aux décisions consécutives à l'application par la chambre sociale de la jurisprudence européenne, n'est plus applicable en l'espèce et c'est à juste titre que les premiers juges ont alloué à M. [D] [S] la somme de 426,25 euros correspondant aux 6 jours de congés qui lui ont été retirés par son employeur.
La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.
La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.
Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.
En l'espèce, M. [D] [S] a été licencié pour faute grave par courrier en date du 5 mars 2020 rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur,
par courrier recommandé du 14 février 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé le 25 février 2020 auquel vous vous êtes présenté et au cours duquel nous avons pu vous exposer les différents faits reprochés et recueillir vos explications.
Nous rappelons que nous vous avons embauché en qualité de conducteur routier, groupe 5, coefficient 128M par le biais d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 mai 2016.
Nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave en l'état des faits suivants :
Le 13 février 2020 nous nous sommes rendu compte que vous aviez une consommation anormale de carburant puisque vous effectuez plusieurs fois par jour des pleins de carburant de plus de 100 litres ; ce qui n'est pas justifié par les kilomètres effectués sur votre journée ni la capacité de votre camion. En effet, vous effectuez deux rotations par jour, ce qui correspond à une consommation habituelle de 500 à 800 litres maximum de gasoil par mois.
Nous tenons à préciser que vous avez à votre disposition une carte carburant ENERGO-LECLERC qui est exclusivement attribuée à votre camion immatriculé [Immatriculation 6], pour vos tournées, afin d'effectuer les pleins de carburant. Il n'y a donc que vous qui utilisez cette carte.
De surcroît, nous nous sommes aperçus de votre technique consistant à renseigner un kilométrage différent selon que vous effectuez un plein de carburant dans le cadre de votre activité professionnelle ou lorsque vous effectuez un plein de carburant pour votre compte personnel avec la carte bancaire de l'entreprise.
En effet, dans le premier cas vous donnez le kilométrage réel du camion de l'entreprise (> 580000 km) et dans le deuxième cas vous donnez un faux kilométrage (> 480000 km).
Ainsi, sur un ticket du 09/01/20 à 9h04, et alors que le kilométrage officiel du camion est de 584742 à 587372, le kilométrage indiqué sur le ticket est de 584252...ce qui démontre bien votre manoeuvre frauduleuse et le fait que vous utilisez un faux kilométrage pour voler du gasoil.
Et cela se répète à de nombreuses reprises entre les périodes de février 2018 et février 2020 avec toujours cet écart de kilométrages.
Nous avons également observé une augmentation des prises de carburant lors de votre reprise de travail après vos arrêt maladie en septembre 2019.
Lors de l'entretien préalable vous avez nié les faits, n'apportant aucune explication à cette surconsommation de gasoil. Vous avez simplement reconnu laisser les clés dans le camion, sous-entendant que quelqu'un avait utilisé votre carte à votre place : alors même qu'un code est nécessaire pour l'utiliser.
Vous avez également indiqué laisser le camion sur le site de [Localité 8]. Or, lorsque nous vous avons apporté la preuve que ce n'était pas vrai puisque vous rentriez chez vous avec le camion, vous êtes revenu sur vos dires pour reconnaître qu'effectivement vous rentriez chez vous entre les deux services.
En revanche, vous n'expliquez pas les différences de kilométrages et indiquez que ce n'est pas vous.
Pourtant, après avoir repris vos tickets de prises de carburant, nous avons retrouvé un ticket dans votre camion sur lequel est indiqué un kilométrage à 480000. Nous avons donc la preuve qu'il s'agit de vous et que vous nous avez délibérément menti.
Nous vous informons que les 17 et 26 février 2020 nous avons déposé une plainte votre vous pour vol de carburant.
Compte tenu des éléments dont nous disposons, nous avons à reprocher d'avoir volé à plusieurs reprises du carburant à l'entreprise, et ce à hauteur d'environ 10.000 litres de gasoil.
Ainsi par vos agissements, vous vous êtes rendu coupable d'un vol, qui est une infraction pénale, et vous êtes allé à l'encontre de vos engagements contractuels à l'égard de l'entreprise.
Ces faits sont tout à fait inadmissibles et intolérables de votre part, constituant dès lors une faute particulièrement grave.
En tant que salarié de l'entreprise, vous vous devez d'adopter un comportement professionnel et confirme aux intérêts de l'entreprise.
Vous êtes également tenu par un obligation de loyauté et de bonne foi qui découlent de votre contrat de travail et qui permet à votre employeur de vous demander de lui rendre des comptes; Ce que vous n'avez aucunement pris en compte, ni respecté en agissant de la sorte.
Votre attitude cause un préjudice à l'entreprise et notre fonctionnement ne peut reposer sur des formes aléatoires d'obéissance et de respect de notre personnel.
Vos agissements s'analysent comme des fautes professionnelles d'une extrême gravité, et nous ne pouvons admettre cette situation intolérable.
Outre la perte de confiance nécessaire à notre bonne relation professionnelle engendrée par ces actes de vol, ces constituent une faute grave.
En l'état, et compte tenu de la gravité de ces faits et leurs conséquences, l'accomplissement de votre tâche professionnelle ne peut donc perdurer au sein de notre entreprise.
Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement dès l'envoi de la présente lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.
Nous vous informons qu'en application de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale, vous pouvez bénéficier, dans les conditions et modalités prévues par ce texte, du maintien à titre temporaire gratuit des garanties frais de santé et prévoyance.
Il vous appartient notamment de prendre contact avec l'organisme assureur BALOO SANTE afin de justifier auprès de lui que vous remplissez les conditions pour l'ouverture du droit au maintien.
Nous vous rappelons également qu'en application de l'article 4 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, dite 'loi Evin' vous aurez la possibilité de demander à titre individuel et à vos frais le maintien des garanties frais de santé durant la période de maintien temporaire des couvertures organisé par l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale.
Pour cela vous devez effectuer votre demande directement auprès de l'organisme assureur, dans un délai de six mois suivant l'expiration de la période durant laquelle vous bénéficierez temporairement du maintien gratuit de ces garanties.
Votre certificat de travail, solde de tout compte, et attestation destinée à Pôle Emploi seront à votre disposition dans les prochains jours au siège de la société.
Nous vous invitons à prendre contact avec nous afin de convenir d'un rendez-vous pour que nous puissions vous remettre l'ensemble des éléments du solde de tout compte.
Si toutefois vous désirez que le solde de tout compte et le certificat de travail vous soient envoyés par la poste, nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir une lettre nous déchargeant de toute responsabilité.
Veuillez agréer, monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. »
* sur l'existence d'une faute grave
Il résulte de ce courrier qui fixe les termes du litige que M. [D] [S] a été licencié pour faute grave pour avoir volé du carburant, 'environ 10.000 litres de gasoil' à son employeur pour son usage personnel.
Pour démontrer la réalité de ce grief, la SAS Hérault Transports Express fait valoir que les affectations de véhicules sont nominatives, le véhicule immatriculé [Immatriculation 6] étant personnellement affecté à M. [D] [S], et que les cartes de carburant sont affectées à un seul véhicule et donc leur utilisation réservée à ce seul véhicule, et produit :
- un tableau présenté comme étant le récapitulatif des consommations en carburant de M. [D] [S] entre le 5 janvier 2019 et le 13 février 2020, reprenant une référence de carte Energo, des dates d'achat de carburant, les volumes achetés et l'immatriculation correspondante, soit BP 193 NT, lequel fait apparaître une surconsommation de carburant à compter de septembre 2019, la période de janvier à août étant présentée comme une période où M. [D] [S] n'était pas présent dans l'entreprise,
- un tableau comparatif des consommations de carburant et des kilométrages effectués avec le véhicule attribué à M. [D] [S] avec ceux d'un véhicule ' équivalent', qui établissent une consommation de carburant multipliée par 4 pour un nombre de kilomètres quasi identiques pour les mois de septembre 2019 à janvier 2020,
- le 'routing' du véhicule de M. [D] [S] qui mentionne des lieux et horaires d'arrivée et de départ et des temps de manutention, soit des livraisons entre 6h55 et 9h50 et des ramassages entre 15h30 et 16h40,
- une attestation de M. [Z], chef d'équipe qui indique que ' M. [S] [D], au moment des vols de gasoil, était le seul et unique responsable de la carte carburant qui lui était mise à disposition pour effectuer le gasoil sur le véhicule [Immatriculation 6] de la société Hérault TRANSPORT EXPRESS'
- un dépôt de plainte pour vol de 10.000 litres de gasoil déposée par la gérante de la SAS Hérault Transports Express à l'encontre de M. [D] [S] le 17 février à la gendarmerie de [Localité 7].
Elle conteste les arguments de M. [D] [S] et notamment le témoignage de M. [K], rappelant d'une part qu'il a travaillé dans l'entreprise un an et demi avant les faits litigieux, et d'autre part, qu'il a engagé une procédure à son encontre pour contester la rupture de son contrat de travail par l'arrivée du terme de son contrat de travail à durée déterminée.
Pour remettre en cause ces éléments, M. [D] [S] conteste l'attribution nominative et individuelle à chaque chauffeur des cartes carburants, et soutient que les cartes et les clés sont laissées à l'intérieur des camions qui sont eux-mêmes garés à coté des locaux de la société PPDC [Localité 4] et que les codes des cartes sont connus de tous les chauffeurs. Il produit :
- une attestation de M. [K] qui se présente comme étant intervenu comme intérimaire pour la SAS Hérault Transports Express et indique ' Au premier trimestre 2018, j'ai remplacé M. [S] [D] pour une semaine au centre de tri du courrier d'[Localité 4] (La poste), ce dernier salarié de l'entreprise HTE. A cette occasion, l'entreprise HTE m'a confié le camion de M. [S]. Je souhaite témoigner du fait que le camion restait garé à coté du centre de tri au bord de la route et non dans un parking sécurisé. La clé du camion, les papiers et la carte de gazole restaient constamment à l'intérieur. Les instructions de mon chef [C] étaient de laisser ces éléments dans le camion. A savoir que les portes du camion ne fermaient pas à clé',
- des captures d'écran de téléphone contenant des SMS, présentés comme étant des échanges avec M. [Z] son supérieur hiérarchique dans lesquels M. [D] [S] indique :
* le 17 juin 2019 ' Salut [Y], je trouve pas ma carte gazole du 193. Je voudrais des congés du 23 juillet au 4 août. Merci' et la réponse ' Demain faut faire avec celle de [B]. [E] l'a gardée sur lui. Pour les congés, je vais voir ce qu'on peut faire; demain [G] ramène les gants',
* le 9 décembre 2019 à 11h27 ' BP193NT carte carburant solde insuffisant J'ai du gazole juste pour finir la journée [D] [Localité 4]' et une première réponse à 14h24 ' je commence à 15h, ça a été résolu'' puis une seconde à 15h37 ' c'est ok pour la carte, tiens moi au courant'
* le 12 février ( année non précisée ) ' carte carburant solde insuffisant merci de régler le problème' et la réponse ' ok je préviens le comptable t'en as assez pour cet aprèm''
* des échanges non datés ' Pour cet après-midi c'est vraiment limite je t'ai envoyé une photo' puis un second ' et tu leurs dis qu'il arrêtent de ( fin de message occulté)' puis la réponse ' tu peux mettre 20 litres de ta poche et tu m'envoies le ticket pour le remboursement' Le temps qu'ils gèrent la carte'
* le 20 février ( année non précisée ) ' toujours pas de gazole Je viens de mettre 30.01€'
M. [D] [S] fait valoir que l'employeur avait connaissance tous les mois des dépenses de carburant effectuées avec la carte du camion 193 et qu'il a malgré cela attendu 5 mois avant de réagir.
Ceci étant, la SAS Hérault Transports Express ne justifie pas autrement que par ses propres affirmations de l'attribution exclusive à M. [D] [S] du 'véhicule 193" sur la période présentée comme étant celles des vols, soit de février 2018 à février 2020, puisque le véhicule a été utilisé, et donc la carte carburant rattachée au véhicule également, sur les temps d'absence du salarié, notamment au premier semestre 2019.
De fait, si la réalité d'une consommation particulièrement élevée de carburant notamment entre septembre 2019 et février 2020 est établie, les relevés de carte Energo présentés par la SAS Hérault Transports Express établissent également que cette carte carburant a été utilisée par plusieurs personnes puisque le relevé présenté par l'employeur fait état de retrait de carburant sur des périodes où M. [D] [S] était absent de l'entreprise, et cette multiplicité d'utilisateurs est confirmée par l'échange de SMS produit par ce dernier, non contesté par la SAS Hérault Transports Express, dans lequel son chef d'équipe lui répond 'Demain faut faire avec celle de [B]. [E] l'a gardée sur lui', ce dont il se déduit que au moins deux personnes peuvent utiliser la même carte.
Par ailleurs, ces échanges SMS indiquent à plusieurs reprises que le solde de la carte carburant est insuffisant, ce dont il se déduit qu'il s'agit d'un système de cartes prépayées alimentées par l'employeur qui a donc pu constater le cas échéant des excès de consommation dès qu'ils sont apparus et non pas plusieurs mois après les pratiques qu'il dénonce, mais qui a cependant continué à alimenter la carte carburant.
Enfin, le témoignage de M. [Z] présente M. [D] [S] comme unique responsable de la carte carburant du véhicule 193 pendant la période des vols, donc de février 2018 à février 2020, ce qui ne signifie pas qu'il en était le seul utilisateur, et alors même que celui-ci a été absent pendant plusieurs mois sur la période concernée et que d'autres personnes ont été affectées à sa tournée, et ont utilisé le véhicule et la carte carburant correspondante.
S'agissant du ticket présentant un kilométrage erroné, aucun élément ne permet d'en attribuer l'origine à M. [D] [S].
En conséquence, la SAS Hérault Transports Express ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des griefs formulés à l'encontre de M. [D] [S] pour caractériser la faute grave à l'origine de son licenciement qui sera requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.
* sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
La SAS Hérault Transports Express ne conteste pas à titre subsidiaire les sommes demandées par M. [D] [S] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement qui ont été attribuées par le premier juge et qui seront par suite confirmées, soit les sommes de 3 141,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 314,11 euros au titre des congés payés y afférents et de 1 505.12 euros à titre d'indemnité de licenciement.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous'.
Le tableau auquel il est ainsi fait référence prévoit pour un salarié ayant une ancienneté de 3 années complètes une prime comprise entre 3 et 4 mois de salaire.
En l'espèce, M. [D] [S] était âgé de 39 ans au moment de son licenciement et présentait une ancienneté de 3 ans et 10 mois. Il justifie de ses recherches d'emploi suite à la perte de son contrat de travail et de ses difficultés personnelles à faire face à cette situation. Il sera en conséquence justement indemnisé de son préjudice par une indemnité de 4.711,68 euros.
La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.
* sur l'intervention volontaire de l'établissement public administratif national Pôle Emploi
Par application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 [ licenciement sans cause réelle et sérieuse ] et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
En l'espèce, l'établissement public administratif national Pôle Emploi, intervenant volontaire sollicite au visa de ce texte la condamnation de la SAS Hérault Transports Express à lui payer une somme de 5.746,45 euros correspondant aux 6 mois d'indemnité chômage versés à M. [D] [S].
La SAS Hérault Transports Express s'oppose à cette demande considérant que le licenciement de M. [D] [S] repose sur une faute grave.
Il sera en conséquence fait droit à la demande présentée par l'établissement public administratif national Pôle Emploi.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Alès,
Y ajoutant,
Donne acte à l'établissement public administratif national Pôle Emploi de son intervention volontaire,
Condamne la SAS Hérault Transports Express à payer à l'établissement public administratif national Pôle emploi désormais France Travail une somme de 5.746,45 euros par application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,
Condamne la SAS Hérault Transports Express à verser à M. [D] [S] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS Hérault Transports Express aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 22/00104 - N° Portalis DBVH-V-B7G-IJYW
CRL/JLB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ALES
09 décembre 2021
RG :20/00067
S.A.S. HERAULT TRANSPORT EXPRESS
C/
[S]
Grosse délivrée le 23 JANVIER 2024 à :
- Me BAILLIEU
- Me SOULIER
- Me JULLIEN
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 23 JANVIER 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'Alès en date du 09 Décembre 2021, N°20/00067
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN,Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Novembre 2023, où l'affaire a été mise en délibéré au 23 Janvier 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
S.A.S. HERAULT TRANSPORT EXPRESS
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Isabelle BAILLIEU de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉ :
Monsieur [D] [S]
né le 10 Septembre 1981 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Me Eve SOULIER de la SELARL EVE SOULIER-JEROME PRIVAT-THOMAS AUTRIC, avocat au barreau D'AVIGNON
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/001720 du 23/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Nîmes)
ÉTABLISSEMENT PUBLIC ADMINISTRATIF NATIONAL PÔLE EMPLOI
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jean-charles JULLIEN de la SCP LAICK ISENBERG JULLIEN SAUNIER GARCIA, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 23 Janvier 2024, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
M. [D] [S] a été engagé par la SAS Hérault Transports Express à compter du 17 mai 2016 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de conducteur routier, groupe 5, coefficient 128 M de la convention collective nationale des transports routiers.
Dans le cadre de ses fonctions, M. [D] [S] s'est vu attribuer un véhicule et il a été mis à sa disposition une carte carburant affiliée au véhicule.
Le 2 janvier 2019, M. [D] [S] était placé en arrêt de travail jusqu'au 11 juin 2019.
Par lettre du 14 février 2020, M. [D] [S] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 25 février 2020, puis a été licencié pour faute grave par lettre du 5 mars 2020.
Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 13 juillet 2020, M. [D] [S] saisissait le conseil de prud'hommes d'Alès en paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes lequel, par jugement contradictoire du 09 décembre 2021, a :
- dit et jugé que le licenciement de M. [D] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la SAS Hérault Transports Express, en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :
* 3 141,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
* 314,11 euros au titre des congés payés y afférents,
* 1 505,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,
* 426,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
* 4 711,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la SAS Hérault Transports Express, en la personne de son représentant légal aux entiers dépens, y compris ceux éventuellement nécessaires à l'exécution de la décision par huissier de justice,
- dit qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire,
- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes, fins et conclusions.
Par acte du 12 janvier 2022, la SAS Hérault Transports Express a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance en date du 23 mai 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 17 octobre 2023 à 16 heures et a fixé l'affaire à l'audience du 14 novembre 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 13 octobre 2023, la SAS Hérault Transports Express demande à la cour de :
- infirmer le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes d'Alès en date du 9 décembre 2021 en toutes ses dispositions et plus précisément en ce qu'il a :
* dit et jugé que le licenciement de M. [D] [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* l'a condamné, en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :
° 3 141,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
° 314,11 euros au titre des congés payés y afférents,
° 1 505,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,
° 426,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
° 4 711,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
° 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [D] [S] de son appel incident visant à obtenir une augmentation des dommages et intérêts.
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave de M. [D] [S] est parfaitement justifié,
- débouter M. [D] [S] de toutes demandes formées au titre de la rupture de son contrat de travail,
- débouter M. [D] [S] de sa demande de paiement d'une indemnité de congés payés afférente à la période 2017/2018,
- débouter M. [D] [S] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- débouter l'établissement public administratif national Pôle Emploi de sa demande de remboursement des indemnités chômages versées à M. [D] [S].
A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour était amenée à confirmer la requalification du licenciement de M. [D] [S] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- débouter M. [D] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en ce qu'il ne justifie d'aucun préjudice,
- dire et juger que le remboursement à l'établissement public administratif national Pôle Emploi par elle des indemnités chômage versées à M. [D] [S] ne saurait excéder la somme de 478,87 euros.
- le condamner au paiement de la somme de 2500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
La SAS Hérault Transports Express soutient que :
- le licenciement pour faute grave de M. [S] est justifié dans la mesure où il a utilisé de manière frauduleuse la carte de carburant affectée au véhicule qui lui était personnellement attribuée, afin d'opérer des prises à titre personnel, ne correspondant aucunement aux besoins de son activité,
- l'imputabilité des faits à l'encontre de M. [S] est établie sans le moindre doute,
- les relevés de carte carburant sur la période du 1er septembre 2019 au 13 février 2020 démontrent une surconsommation anormale de gazole sur le véhicule attribué à M. [S],
- la consommation normale de gazole se situe entre 500 et 800 litres par mois, or M. [S] avoisinait certains mois, les 2000 litres allant jusqu'à 4016,76 litres au mois de janvier 2020,
- il ressort des tickets de caisse retirés par M. [S] lors de ses passages en station-service, que ce dernier déclarait un kilométrage très inférieur au kilométrage réel de son véhicule,
- le conseil de prud'hommes a retenu, à tort, qu'elle n'était pas en mesure de démontrer que M. [S] était le seul à pouvoir utiliser la carte de carburant, les cartes carburant ont un caractère personnel ; chaque carte de carburant est attribuée à un véhicule et l'utilisation de ladite carte est nécessairement réservée à la consommation de ce véhicule ; M. [S] était donc le seul responsable de la carte de carburant qui était mise à sa disposition pour effectuer le plein de gazole sur le véhicule qui lui a été attribué.
- les éléments produits par M. [S] sont insuffisants à démontrer qu'il n'a pas utilisé de manière frauduleuse la carte de carburant affectée à son véhicule,
- les manoeuvres frauduleuses de M. [S] lui ont fait perdre plus de 12 000 euros entre septembre 2019 et février 2020,
- M. [S] ne justifie d'aucun préjudice pour pouvoir prétendre à des dommages et intérêts,
- sur le rappel de congés payés : c'est à bon droit que les congés payés non pris à temps par M. [S] ont été supprimés.
En l'état de ses dernières écritures en date du 05 juillet 2022, contenant appel incident, M. [D] [S] demande à la cour de :
- recevoir l'appel de la SAS Hérault Transports Express
- le dire mal fondé en la forme et au fond
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes d'[Localité 4] en date du 9 décembre 2021
En conséquence,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave est dénué de cause réelle et sérieuse
En conséquence,
- condamner l'employeur au paiement des sommes suivantes :
* 3 141.12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
* 314.11 euros au titre des congés payés y afférents
* 1 505.12 euros à titre d'indemnité de licenciement
* 426.25 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés
* 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
* 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
- condamner l'employeur aux entiers dépens.
M. [D] [S] fait valoir que :
- le conseil de prud'hommes a retenu, à juste titre, que son licenciement n'était pas justifié en l'absence d'élément permettant de démontrer que les vols de carburant lui étaient imputables.
- les cartes de carburants n'étaient aucunement attribuées de façon nominative et individuelle à chaque chauffeur et étaient donc utilisées par plusieurs chauffeurs ; par ailleurs, son véhicule n'était pas stationné dans une enceinte sécurisée et pouvait librement être utilisé par tout le personnel ; les cartes et les clés étaient laissées à l'intérieur des camions et les codes des cartes étaient connus de tous les chauffeurs,
- en mai 2019, il cumulait 6 jours de congés payés restant dus pour la période 2017/2018, mais étant en arrêt de travail du 2 janvier 2019 au 11 juin 2019, il n'a pas pu prendre ses congés acquis, sa demande de rappel de congés payés supprimés à tort est par suite fondée,
- il a subi un préjudice moral et financier suite à la rupture injustifiée de son contrat de travail.
Par conclusions du 06 octobre 2023, l'établissement public administratif national Pôle Emploi demande à la cour de :
- lui donner acte de son intervention volontaire ;
- réformer partiellement la décision rendue par le conseil de prud'hommes et condamner la SAS Hérault Transports Express à lui payer une somme de 5.746,45 euros correspondant aux 6 mois d'indemnité chômage versés à M. [D] [S], et ce conformément aux dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail.
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
Demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
* rappel de congés payés
Le droit au congé payé annuel est posé par l'article L. 3141-1 du code du travail qui dispose que tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur. La durée du congé payé est fixé par l'article L. 3141-3 du code du travail selon lequel le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. La durée totale du congé exigible ne peut excéder trente jours ouvrables'.
Ces dispositions légales opèrent la transposition en droit interne des dispositions de l'article 7 de la directive 2003/88/CE :
«Congé annuel 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.
2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail.»
Enfin, l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a consacré l'existence d'un droit fondamental aux congés payés : 'Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés'.
La Cour de Justice de l'Union européenne considère que le droit au congé annuel payé constitue un principe essentiel du droit social de l'Union (CJUE 6 novembre 2018, C-569/ 16 Stadt Wuppertal c/ Bauer et C- 570/16 Willmeroth c/ Broßonn, point 80).
La jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation retenait que les congés payés non pris au terme de la période de prise étaient perdus, sauf si le salarié démontrait que l'employeur l'avait empêché d'exercer en temps utile ses droits à congés.
Appliquant la jurisprudence de la CJUE, la chambre sociale de la Cour de cassation a procédé à des revirements de jurisprudence pour juger qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, il y a lieu de reporter les droits à congés payés lorsque le salarié n'a pas été en mesure de les exercer du fait de son état de santé :
- lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective, en raison d'absences liées à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail (Soc., 27 septembre 2007, n 05-42.293, Bull. civ. V, n 147)
- lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail (Soc., 24 février 2009, n 07-44.488, Bull. civ. V, n 49).
- lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés au titre de l'article L. 223-14 devenu L. 3141-26 du code du travail (Soc., 25 mars 2009, n 07-43.767, Bull. civ. V, n 90).
- de même, les congés payés annuels, acquis au cours de l'année prévue par le code du travail ou la convention collective, que le salarié n'a pu prendre en raison d'absences liées à une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle doivent être à nouveau reportés quand le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de les prendre en intégralité en raison d'une rechute d'accident de travail (Soc., 16 février 2012, n 10-21.300, Bull. civ. V, n 75)
Il appartient par ailleurs à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il
a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.
En l'espèce, M. [D] [S] sollicite le paiement d'une somme de 426,25 euros correspondant à 6 jours de congés payés qu'il n'a pas pu prendre en raison d'un arrêt de travail du 2 janvier au 11 juin 2019 et qui n'ont pas été indemnisés ou reportés postérieurement au 31 mai 2019. Au soutien de sa demande, il produit ses bulletins de salaire de mai et juin 2019 qui établissent la perte de ces 6 jours de congés.
Pour contester cette demande, la SAS Hérault Transports Express fait valoir, au visa d'un jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation que le motif pour lequel M. [D] [S] n'a pas pris ses congés payés ne lui étant pas imputable, il ne pouvait pas bénéficier d'une indemnité compensatrice et elle les a légitimement supprimés.
Ceci étant, la jurisprudence dont se prévaut la SAS Hérault Transports Express, antérieure aux décisions consécutives à l'application par la chambre sociale de la jurisprudence européenne, n'est plus applicable en l'espèce et c'est à juste titre que les premiers juges ont alloué à M. [D] [S] la somme de 426,25 euros correspondant aux 6 jours de congés qui lui ont été retirés par son employeur.
La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Demandes relatives à la rupture du contrat de travail
S'agissant d'un licenciement prononcé à titre disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs formulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.
La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en rapporter la preuve.
La faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu'aucune vérification n'est nécessaire.
La gravité du manquement retenu est appréciée au regard du contexte, de la nature et du caractère éventuellement répété des agissements, des fonctions exercées par le salarié dans l'entreprise, un niveau de responsabilité important étant le plus souvent un facteur aggravant, de son ancienneté, d'éventuels manquements antérieurs et des conséquences de ces agissements en résultant pour l'employeur.
La faute grave libère l'employeur des obligations attachées au préavis. Elle ne fait pas perdre au salarié le droit aux éléments de rémunération acquis antérieurement à la rupture du contrat, même s'ils ne sont exigibles que postérieurement.
Si l'article L1332-4 du code du travail prévoit en principe qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur a eu connaissance, en revanche ce texte ne s'oppose à pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.
Le licenciement prononcé en raison de la faute disciplinaire du salarié doit donc respecter un délai maximum de deux mois entre la connaissance des faits et l'engagement de la procédure disciplinaire et un délai maximum d'un mois entre l'entretien préalable et la notification de la sanction, à défaut, le licenciement est irrégulier.
En l'espèce, M. [D] [S] a été licencié pour faute grave par courrier en date du 5 mars 2020 rédigé dans les termes suivants :
« Monsieur,
par courrier recommandé du 14 février 2020, nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé le 25 février 2020 auquel vous vous êtes présenté et au cours duquel nous avons pu vous exposer les différents faits reprochés et recueillir vos explications.
Nous rappelons que nous vous avons embauché en qualité de conducteur routier, groupe 5, coefficient 128M par le biais d'un contrat à durée indéterminée à compter du 17 mai 2016.
Nous avons à déplorer de votre part des agissements constitutifs d'une faute grave en l'état des faits suivants :
Le 13 février 2020 nous nous sommes rendu compte que vous aviez une consommation anormale de carburant puisque vous effectuez plusieurs fois par jour des pleins de carburant de plus de 100 litres ; ce qui n'est pas justifié par les kilomètres effectués sur votre journée ni la capacité de votre camion. En effet, vous effectuez deux rotations par jour, ce qui correspond à une consommation habituelle de 500 à 800 litres maximum de gasoil par mois.
Nous tenons à préciser que vous avez à votre disposition une carte carburant ENERGO-LECLERC qui est exclusivement attribuée à votre camion immatriculé [Immatriculation 6], pour vos tournées, afin d'effectuer les pleins de carburant. Il n'y a donc que vous qui utilisez cette carte.
De surcroît, nous nous sommes aperçus de votre technique consistant à renseigner un kilométrage différent selon que vous effectuez un plein de carburant dans le cadre de votre activité professionnelle ou lorsque vous effectuez un plein de carburant pour votre compte personnel avec la carte bancaire de l'entreprise.
En effet, dans le premier cas vous donnez le kilométrage réel du camion de l'entreprise (> 580000 km) et dans le deuxième cas vous donnez un faux kilométrage (> 480000 km).
Ainsi, sur un ticket du 09/01/20 à 9h04, et alors que le kilométrage officiel du camion est de 584742 à 587372, le kilométrage indiqué sur le ticket est de 584252...ce qui démontre bien votre manoeuvre frauduleuse et le fait que vous utilisez un faux kilométrage pour voler du gasoil.
Et cela se répète à de nombreuses reprises entre les périodes de février 2018 et février 2020 avec toujours cet écart de kilométrages.
Nous avons également observé une augmentation des prises de carburant lors de votre reprise de travail après vos arrêt maladie en septembre 2019.
Lors de l'entretien préalable vous avez nié les faits, n'apportant aucune explication à cette surconsommation de gasoil. Vous avez simplement reconnu laisser les clés dans le camion, sous-entendant que quelqu'un avait utilisé votre carte à votre place : alors même qu'un code est nécessaire pour l'utiliser.
Vous avez également indiqué laisser le camion sur le site de [Localité 8]. Or, lorsque nous vous avons apporté la preuve que ce n'était pas vrai puisque vous rentriez chez vous avec le camion, vous êtes revenu sur vos dires pour reconnaître qu'effectivement vous rentriez chez vous entre les deux services.
En revanche, vous n'expliquez pas les différences de kilométrages et indiquez que ce n'est pas vous.
Pourtant, après avoir repris vos tickets de prises de carburant, nous avons retrouvé un ticket dans votre camion sur lequel est indiqué un kilométrage à 480000. Nous avons donc la preuve qu'il s'agit de vous et que vous nous avez délibérément menti.
Nous vous informons que les 17 et 26 février 2020 nous avons déposé une plainte votre vous pour vol de carburant.
Compte tenu des éléments dont nous disposons, nous avons à reprocher d'avoir volé à plusieurs reprises du carburant à l'entreprise, et ce à hauteur d'environ 10.000 litres de gasoil.
Ainsi par vos agissements, vous vous êtes rendu coupable d'un vol, qui est une infraction pénale, et vous êtes allé à l'encontre de vos engagements contractuels à l'égard de l'entreprise.
Ces faits sont tout à fait inadmissibles et intolérables de votre part, constituant dès lors une faute particulièrement grave.
En tant que salarié de l'entreprise, vous vous devez d'adopter un comportement professionnel et confirme aux intérêts de l'entreprise.
Vous êtes également tenu par un obligation de loyauté et de bonne foi qui découlent de votre contrat de travail et qui permet à votre employeur de vous demander de lui rendre des comptes; Ce que vous n'avez aucunement pris en compte, ni respecté en agissant de la sorte.
Votre attitude cause un préjudice à l'entreprise et notre fonctionnement ne peut reposer sur des formes aléatoires d'obéissance et de respect de notre personnel.
Vos agissements s'analysent comme des fautes professionnelles d'une extrême gravité, et nous ne pouvons admettre cette situation intolérable.
Outre la perte de confiance nécessaire à notre bonne relation professionnelle engendrée par ces actes de vol, ces constituent une faute grave.
En l'état, et compte tenu de la gravité de ces faits et leurs conséquences, l'accomplissement de votre tâche professionnelle ne peut donc perdurer au sein de notre entreprise.
Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement dès l'envoi de la présente lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.
Nous vous informons qu'en application de l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale, vous pouvez bénéficier, dans les conditions et modalités prévues par ce texte, du maintien à titre temporaire gratuit des garanties frais de santé et prévoyance.
Il vous appartient notamment de prendre contact avec l'organisme assureur BALOO SANTE afin de justifier auprès de lui que vous remplissez les conditions pour l'ouverture du droit au maintien.
Nous vous rappelons également qu'en application de l'article 4 de la loi n°89-1009 du 31 décembre 1989, dite 'loi Evin' vous aurez la possibilité de demander à titre individuel et à vos frais le maintien des garanties frais de santé durant la période de maintien temporaire des couvertures organisé par l'article L 911-8 du code de la sécurité sociale.
Pour cela vous devez effectuer votre demande directement auprès de l'organisme assureur, dans un délai de six mois suivant l'expiration de la période durant laquelle vous bénéficierez temporairement du maintien gratuit de ces garanties.
Votre certificat de travail, solde de tout compte, et attestation destinée à Pôle Emploi seront à votre disposition dans les prochains jours au siège de la société.
Nous vous invitons à prendre contact avec nous afin de convenir d'un rendez-vous pour que nous puissions vous remettre l'ensemble des éléments du solde de tout compte.
Si toutefois vous désirez que le solde de tout compte et le certificat de travail vous soient envoyés par la poste, nous vous remercions de bien vouloir nous faire parvenir une lettre nous déchargeant de toute responsabilité.
Veuillez agréer, monsieur, l'expression de nos salutations distinguées. »
* sur l'existence d'une faute grave
Il résulte de ce courrier qui fixe les termes du litige que M. [D] [S] a été licencié pour faute grave pour avoir volé du carburant, 'environ 10.000 litres de gasoil' à son employeur pour son usage personnel.
Pour démontrer la réalité de ce grief, la SAS Hérault Transports Express fait valoir que les affectations de véhicules sont nominatives, le véhicule immatriculé [Immatriculation 6] étant personnellement affecté à M. [D] [S], et que les cartes de carburant sont affectées à un seul véhicule et donc leur utilisation réservée à ce seul véhicule, et produit :
- un tableau présenté comme étant le récapitulatif des consommations en carburant de M. [D] [S] entre le 5 janvier 2019 et le 13 février 2020, reprenant une référence de carte Energo, des dates d'achat de carburant, les volumes achetés et l'immatriculation correspondante, soit BP 193 NT, lequel fait apparaître une surconsommation de carburant à compter de septembre 2019, la période de janvier à août étant présentée comme une période où M. [D] [S] n'était pas présent dans l'entreprise,
- un tableau comparatif des consommations de carburant et des kilométrages effectués avec le véhicule attribué à M. [D] [S] avec ceux d'un véhicule ' équivalent', qui établissent une consommation de carburant multipliée par 4 pour un nombre de kilomètres quasi identiques pour les mois de septembre 2019 à janvier 2020,
- le 'routing' du véhicule de M. [D] [S] qui mentionne des lieux et horaires d'arrivée et de départ et des temps de manutention, soit des livraisons entre 6h55 et 9h50 et des ramassages entre 15h30 et 16h40,
- une attestation de M. [Z], chef d'équipe qui indique que ' M. [S] [D], au moment des vols de gasoil, était le seul et unique responsable de la carte carburant qui lui était mise à disposition pour effectuer le gasoil sur le véhicule [Immatriculation 6] de la société Hérault TRANSPORT EXPRESS'
- un dépôt de plainte pour vol de 10.000 litres de gasoil déposée par la gérante de la SAS Hérault Transports Express à l'encontre de M. [D] [S] le 17 février à la gendarmerie de [Localité 7].
Elle conteste les arguments de M. [D] [S] et notamment le témoignage de M. [K], rappelant d'une part qu'il a travaillé dans l'entreprise un an et demi avant les faits litigieux, et d'autre part, qu'il a engagé une procédure à son encontre pour contester la rupture de son contrat de travail par l'arrivée du terme de son contrat de travail à durée déterminée.
Pour remettre en cause ces éléments, M. [D] [S] conteste l'attribution nominative et individuelle à chaque chauffeur des cartes carburants, et soutient que les cartes et les clés sont laissées à l'intérieur des camions qui sont eux-mêmes garés à coté des locaux de la société PPDC [Localité 4] et que les codes des cartes sont connus de tous les chauffeurs. Il produit :
- une attestation de M. [K] qui se présente comme étant intervenu comme intérimaire pour la SAS Hérault Transports Express et indique ' Au premier trimestre 2018, j'ai remplacé M. [S] [D] pour une semaine au centre de tri du courrier d'[Localité 4] (La poste), ce dernier salarié de l'entreprise HTE. A cette occasion, l'entreprise HTE m'a confié le camion de M. [S]. Je souhaite témoigner du fait que le camion restait garé à coté du centre de tri au bord de la route et non dans un parking sécurisé. La clé du camion, les papiers et la carte de gazole restaient constamment à l'intérieur. Les instructions de mon chef [C] étaient de laisser ces éléments dans le camion. A savoir que les portes du camion ne fermaient pas à clé',
- des captures d'écran de téléphone contenant des SMS, présentés comme étant des échanges avec M. [Z] son supérieur hiérarchique dans lesquels M. [D] [S] indique :
* le 17 juin 2019 ' Salut [Y], je trouve pas ma carte gazole du 193. Je voudrais des congés du 23 juillet au 4 août. Merci' et la réponse ' Demain faut faire avec celle de [B]. [E] l'a gardée sur lui. Pour les congés, je vais voir ce qu'on peut faire; demain [G] ramène les gants',
* le 9 décembre 2019 à 11h27 ' BP193NT carte carburant solde insuffisant J'ai du gazole juste pour finir la journée [D] [Localité 4]' et une première réponse à 14h24 ' je commence à 15h, ça a été résolu'' puis une seconde à 15h37 ' c'est ok pour la carte, tiens moi au courant'
* le 12 février ( année non précisée ) ' carte carburant solde insuffisant merci de régler le problème' et la réponse ' ok je préviens le comptable t'en as assez pour cet aprèm''
* des échanges non datés ' Pour cet après-midi c'est vraiment limite je t'ai envoyé une photo' puis un second ' et tu leurs dis qu'il arrêtent de ( fin de message occulté)' puis la réponse ' tu peux mettre 20 litres de ta poche et tu m'envoies le ticket pour le remboursement' Le temps qu'ils gèrent la carte'
* le 20 février ( année non précisée ) ' toujours pas de gazole Je viens de mettre 30.01€'
M. [D] [S] fait valoir que l'employeur avait connaissance tous les mois des dépenses de carburant effectuées avec la carte du camion 193 et qu'il a malgré cela attendu 5 mois avant de réagir.
Ceci étant, la SAS Hérault Transports Express ne justifie pas autrement que par ses propres affirmations de l'attribution exclusive à M. [D] [S] du 'véhicule 193" sur la période présentée comme étant celles des vols, soit de février 2018 à février 2020, puisque le véhicule a été utilisé, et donc la carte carburant rattachée au véhicule également, sur les temps d'absence du salarié, notamment au premier semestre 2019.
De fait, si la réalité d'une consommation particulièrement élevée de carburant notamment entre septembre 2019 et février 2020 est établie, les relevés de carte Energo présentés par la SAS Hérault Transports Express établissent également que cette carte carburant a été utilisée par plusieurs personnes puisque le relevé présenté par l'employeur fait état de retrait de carburant sur des périodes où M. [D] [S] était absent de l'entreprise, et cette multiplicité d'utilisateurs est confirmée par l'échange de SMS produit par ce dernier, non contesté par la SAS Hérault Transports Express, dans lequel son chef d'équipe lui répond 'Demain faut faire avec celle de [B]. [E] l'a gardée sur lui', ce dont il se déduit que au moins deux personnes peuvent utiliser la même carte.
Par ailleurs, ces échanges SMS indiquent à plusieurs reprises que le solde de la carte carburant est insuffisant, ce dont il se déduit qu'il s'agit d'un système de cartes prépayées alimentées par l'employeur qui a donc pu constater le cas échéant des excès de consommation dès qu'ils sont apparus et non pas plusieurs mois après les pratiques qu'il dénonce, mais qui a cependant continué à alimenter la carte carburant.
Enfin, le témoignage de M. [Z] présente M. [D] [S] comme unique responsable de la carte carburant du véhicule 193 pendant la période des vols, donc de février 2018 à février 2020, ce qui ne signifie pas qu'il en était le seul utilisateur, et alors même que celui-ci a été absent pendant plusieurs mois sur la période concernée et que d'autres personnes ont été affectées à sa tournée, et ont utilisé le véhicule et la carte carburant correspondante.
S'agissant du ticket présentant un kilométrage erroné, aucun élément ne permet d'en attribuer l'origine à M. [D] [S].
En conséquence, la SAS Hérault Transports Express ne rapporte pas la preuve qui lui incombe des griefs formulés à l'encontre de M. [D] [S] pour caractériser la faute grave à l'origine de son licenciement qui sera requalifié en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.
* sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse
La SAS Hérault Transports Express ne conteste pas à titre subsidiaire les sommes demandées par M. [D] [S] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement qui ont été attribuées par le premier juge et qui seront par suite confirmées, soit les sommes de 3 141,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 314,11 euros au titre des congés payés y afférents et de 1 505.12 euros à titre d'indemnité de licenciement.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail 'si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.
Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous'.
Le tableau auquel il est ainsi fait référence prévoit pour un salarié ayant une ancienneté de 3 années complètes une prime comprise entre 3 et 4 mois de salaire.
En l'espèce, M. [D] [S] était âgé de 39 ans au moment de son licenciement et présentait une ancienneté de 3 ans et 10 mois. Il justifie de ses recherches d'emploi suite à la perte de son contrat de travail et de ses difficultés personnelles à faire face à cette situation. Il sera en conséquence justement indemnisé de son préjudice par une indemnité de 4.711,68 euros.
La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.
* sur l'intervention volontaire de l'établissement public administratif national Pôle Emploi
Par application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L. 1132-4, L. 1134-4, L. 1144-3, L. 1152-3, L. 1153-4, L. 1235-3 [ licenciement sans cause réelle et sérieuse ] et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Pour le remboursement prévu au premier alinéa, le directeur général de Pôle emploi ou la personne qu'il désigne au sein de Pôle emploi peut, pour le compte de Pôle emploi, de l'organisme chargé de la gestion du régime d'assurance chômage mentionné à l'article L. 5427-1, de l'Etat ou des employeurs mentionnés à l'article L. 5424-1, dans des délais et selon des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat, et après mise en demeure, délivrer une contrainte qui, à défaut d'opposition du débiteur devant la juridiction compétente, comporte tous les effets d'un jugement et confère le bénéfice de l'hypothèque judiciaire.
En l'espèce, l'établissement public administratif national Pôle Emploi, intervenant volontaire sollicite au visa de ce texte la condamnation de la SAS Hérault Transports Express à lui payer une somme de 5.746,45 euros correspondant aux 6 mois d'indemnité chômage versés à M. [D] [S].
La SAS Hérault Transports Express s'oppose à cette demande considérant que le licenciement de M. [D] [S] repose sur une faute grave.
Il sera en conséquence fait droit à la demande présentée par l'établissement public administratif national Pôle Emploi.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09 décembre 2021 par le conseil de prud'hommes d'Alès,
Y ajoutant,
Donne acte à l'établissement public administratif national Pôle Emploi de son intervention volontaire,
Condamne la SAS Hérault Transports Express à payer à l'établissement public administratif national Pôle emploi désormais France Travail une somme de 5.746,45 euros par application des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail,
Condamne la SAS Hérault Transports Express à verser à M. [D] [S] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SAS Hérault Transports Express aux dépens de la procédure d'appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT