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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 10, 18 janvier 2024, n° 21/03692

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 21/03692

18 janvier 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 18 JANVIER 2024

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03692 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDSS2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 19/03110

APPELANTE

Madame [C] [V]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Samya BOUICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0479

INTIMEE

S.A. OGF agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité

[Adresse 1]

[Localité 4],

Représentée par Me Marie JANET, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente de la chambre

Madame Gwenaëlle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Conseillère

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile prorogé jusqu'à ce jour.

- signé par Madame Mme Carine SONNOIS, Présidente et par Sonia BERKANE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme [C] [V] a été embauchée par la SA Omnium de Gestion et de Financement (OGF) en qualité de Responsable prévention, par contrat à durée indéterminée signé le 5 septembre 2016, statut cadre, niveau 6.1.

Dans le dernier état des relations contractuelles régies par la convention collective des pompes funèbres, Mme [V] percevait un salaire mensuel moyen de 5 556, 42 euros.

Le 10 avril 2018, Mme [V] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 23 avril 2018 avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 7 mai 2018, Mme [V] a été licenciée pour faute grave.

Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 12 avril 2019 et demandé de :

A titre principal :

- juger son licenciement nul compte tenu du harcèlement moral subi ;

- lui allouer la somme de 33 358,52 euros d'indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- lui allouer la somme de 11 112,81 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

- fixer la moyenne de salaire à 5 556,42 euros bruts mensuels ;

-condamner la société OGF à lui verser les sommes suivantes :

*16 669,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

*1 666,93 euros au titre des congés payés afférents

*2 235,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciement

*4 134 euros de rappel de salaires au titre de la mise à pied

*413,40 euros au titre des congés payés afférents.

*10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral

*10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention par l'employeur

*3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- remise de l'attestation d'employeur destinée à Pôle emploi, d'un bulletin de paie et d'un certificat de travail conformes à la décision à intervenir.

- intérêts au taux légal

- capitalisation des intérêts

- exécution provisoire article 515 du code de procédure civile

- dépens.

Par jugement rendu en formation paritaire le 23 Mars 2021 et notifié le 1er avril 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté Mme [C] [V] de l'ensemble de ses demandes

- reçu la SA Omnium de Gestion et de Financement en sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile mais l'en a déboutée

- condamné Mme [C] [V] aux dépens.

Mme [V] a interjeté appel de cette décision par déclaration électronique d'appel le 15 avril 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 juillet 2021, Mme [V] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuer à nouveau sur les demandes suivantes :

A titre principal :

- juger son licenciement nul compte tenu du harcèlement moral subi ;

En conséquence,

- condamner la SA Omnium de Gestion et de Financement au paiement de 33 338,52 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

A titre subsidiaire :

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la SA Omnium de Gestion et de Financement à lui verser 11 112,84 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

En tout état de cause :

-fixer la moyenne de ses salaires à 5 556,42 euros bruts mensuels ;

-condamner la SA Omnium de Gestion et de Financement au paiement des sommes suivantes :

*16 669,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

*1 666,93 euros au titre des congés payés afférents ;

*2 235,46 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ;

*4 134 euros à titre de rappel de salaire au titre de la mise à pied ;

*413,40 euros au titre des congés payés afférents ;

*10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

*10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

*15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat et de prévention par l'employeur ;

*3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société OGF aux intérêts de retard sur les condamnations à caractère salarial prononcées à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société OGF aux entiers dépens ;

- ordonner la remise d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 Octobre 2021, la SA Omnium de Gestion et de Financement demande à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- le réformer en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

- condamner Mme [V] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens de l'instance.

L'instruction a été clôturée le 28 mai 2023.

L'affaire a été fixée à l'audience du 3 Octobre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION :

1/ Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [V] fait valoir qu'au cours de son parcours d'intégration au sein de la société OGF, elle a été victime d'agissements dénigrants et harcelants venant de la Directrice du management des risques et des assurances, Mme [S], qui l'ont fortement affectée et fragilisée. Elle a dénoncé ces faits à M. [R], son supérieur hiérarchique direct, et Mme [S] a été licenciée. Bien qu'informé de sa fragilité psychologique, l'employeur n'a mis en œuvre aucune mesure d'accompagnement et de suivi psychologique. Elle a donc dû prendre l'initiative de consulter un psychologue pour l'accompagner et l'aider à reprendre confiance en elle, alors qu'il appartenait à la société OGF d'assurer l'intégrité de sa santé et de sa sécurité et de prévenir toute situation de harcèlement.

Elle expose ensuite que ce n'est qu'en mars 2017, sur sa demande, qu'elle a obtenu l'autorisation de travailler à domicile. Pour autant, la société OGF n'a jamais officiellement reconnu cette situation dans un avenant au contrat de travail. Et, contrairement à deux autres salariés résidant en province et bénéficiant du télétravail, ses frais de déplacement entre son domicile et son travail n'ont jamais été pris en charge par l'employeur, ce qui a eu pour conséquence d'accentuer la dégradation de ses conditions de travail en augmentant ses charges financières liées aux déplacements hebdomadaires entre son domicile et [Localité 9]. De surcroît, à compter du 28 février 2018, il lui a été demandé de venir travailler au siège les lundis et vendredis, ce qui n'avait jamais été le cas jusque-là et impliquait qu'elle reste sur [Localité 9] le week-end pour éviter des déplacements en train.

La salariée affirme également, qu'à compter de janvier 2018, elle a été mise à l'écart par M. [R], et isolée professionnellement de ses collègues. En effet, ses travaux lui ont été retirés au profit d'autres salariés, sans aucune justification. Ainsi, alors qu'elle avait réalisé une étude relative à la lutte contre le harcèlement destinée au comité de direction qui s'est réuni le 13 décembre 2017, elle a été exclue de sa présentation qui a été assurée par M. [R]. Ressentant un évincement, elle a sollicité à plusieurs reprises un entretien avec M. [R] qu'elle n'est jamais parvenue à obtenir. Ce dernier ne lui répondait plus sur les sujets sensibles, comme par exemple un audit réalisé sur le secteur du Havre en décembre 2017. Elle a également été mise à l'écart lors de l'établissement de la charte de prévention des harcèlements et des agissements sexistes, puisqu'elle a envoyé un projet à l'ensemble des directeurs le 21 février 2018 sans jamais avoir de retour, alors que des modifications y ont été apportées par d'autres collaborateurs.

Dès le 23 février 2018 il lui a été proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail prévoyant un départ différé au 31 janvier 2019 et le maintien du travail à domicile. Comme elle a refusé de la signer immédiatement, M. [R] lui a fait savoir par courriel du 28 février 2018 qu'elle devait désormais être présente sur son lieu de travail les lundis et vendredis alors qu'elle était auparavant en télétravail ces jours-là. Elle estime que cette modification dans son rythme de travail lui a été imposée dans le seul but de faire pression sur elle pour qu'elle accepte la rupture conventionnelle de son contrat de travail. C'est dans ces conditions qu'elle a fini par accepter l'éventualité d'une rupture conventionnelle, avant d'être brutalement mise à pied et convoquée à un entretien préalable.

Elle a dénoncé ces faits de harcèlement au président de la société dans deux courriers des 14 avril et 4 mai 2018. Alors qu'il existe une commission anti harcèlement au sein de l'entreprise, elle n'a pas été entendue ni n'a bénéficié d'une enquête qui aurait pourtant dû être diligentée par celle-ci. Elle soutient que cette commission n'a pas été saisie parce qu'elle était placée sous la responsabilité de M. [X], lui-même placé sous l'autorité hiérarchique de M. [R].

La cour retient au vu de ces éléments que la salariée présente des éléments laissant présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il appartient dès lors à l'employeur de prouver que les agissements précis qui lui sont reprochés n'étaient pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

L'employeur souligne en premier lieu que la salariée, qui occupait le poste de responsable prévention, était en charge de tous les aspects concernant la prévention de toutes les formes de harcèlement au sein du groupe. Lorsque Mme [V] a dénoncé les comportements harcelants de sa responsable, Mme [S], la société a été particulièrement attentive et réactive, et cette dernière a été licenciée pour faute grave. L'employeur indique avoir ensuite fait preuve d'une sollicitude particulière à l'égard de la salariée en lui permettant de travailler principalement à son domicile, et soutient qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir pris à sa charge les frais de consultation d'un psychanalyste. Il ajoute que ce télétravail n'avait aucunement besoin d'être officialisé puisqu'il ne s'agissait que d'une tolérance accordée sur demande de la salariée.

Ensuite, il affirme que, dans le cadre de son pouvoir de direction, il était parfaitement fondé à demander à la salariée de venir à certaines réunions au siège, notamment celles rassemblant les collaborateurs de la fonction RH, et que les deux salariés cités par Mme [V] ne bénéficiaient d'aucun privilège quant à la prise en charge de leurs frais de déplacement. Cette dernière a décidé de s'éloigner géographiquement du siège de la société en habitant sur [Localité 6] et il n'était aucunement tenu de prendre en charge les frais liés aux trajets entre le domicile et le lieu d'exécution du contrat de travail. Pour autant, la société a pris en charge les frais de déplacement de Mme [V] à l'occasion de missions impliquant des déplacements et/ou des frais de location de véhicules depuis son domicile.

S'agissant de la prétendue mise à l'écart par M. [R], l'employeur répond que le seul fait que le dossier relatif à la prévention des harcèlements auquel la salariée avait participé soit présenté par le DRH et le directeur des relations sociales, aux plus hautes instances du groupe, relève de la répartition des rôles et responsabilités de chacun en fonction de sa position hiérarchique, même si Mme [V] a pu en prendre ombrage. Quant au courriel relatif à la charte de prévention des harcèlements et des agissements sexistes, les sujets abordés ne concernaient que les seuls directeurs, ce qui explique qu'elle n'en a pas été destinataire.

La société explique qu'une rupture conventionnelle a été proposée à la salariée en raison du constat partagé de ce que la relation de travail ne pouvait se poursuivre et qu'il était préférable de s'entendre sur une rupture à l'amiable. D'ailleurs, le départ de Mme [V] a été repoussé à janvier 2019 à sa demande, pour favoriser sa transition professionnelle. La société a même accepté de prendre en charge deux formations dont elle souhaitait bénéficier, l'une d'une durée de 10 jours et l'autre sur une période de neuf mois. Elle affirme que le fait que des réunions aient été fixées le lundi et le vendredi ne constitue en rien une modification du contrat de travail, ni une pression sur la salariée qui avait d'ailleurs demandé à être dispensée d'y assister en présentiel jusqu'en janvier 2019.

L'employeur souligne enfin que la salariée n'a allégué être victime d'un harcèlement de la part de M. [R] qu'après avoir été convoquée à un entretien préalable au licenciement, alors même que, de par ses fonctions, elle était au fait des procédures à mettre en œuvre pour le dénoncer, notamment en saisissant le CHSCT ou l'inspection du travail. Il observe par ailleurs, que Mme [V] ne verse aux débats aucune pièce médicale attestant de la dégradation de son état de santé.

La cour relève que les faits de harcèlement moral dénoncés par Mme [V] peu après son embauche, ont été très rapidement pris en compte par la société OGF, puisque l'auteur de ces faits, Mme [S], s'est vue notifier un licenciement pour faute grave dès le 14 octobre 2016, alors que la salariée les avait dénoncés le 22 septembre. Si l'employeur ne justifie pas de démarches pour mettre en place un accompagnement, Mme [V] a pu, dès le mois de septembre 2016, entamer un suivi avec Mme [G], psychanalyste (pièce 30 appelante).

A la suite de la décision de l'employeur l'autorisant, sur sa demande, à bénéficier du télétravail, Mme [V] a déménagé sur la commune de [Localité 6], faisant le choix de s'éloigner considérablement du siège de la société. Alors qu'elle lui fait grief de ne pas l'avoir formalisée dans un avenant, la cour retient, au vu des relevés de badge, que la salariée pouvait s'organiser librement, ne venant que quelques jours par mois au siège, parfois le lundi ou le vendredi d'ailleurs. La mise en place, fin février 2018, de deux réunions hebdomadaires en présentiel les lundis et vendredis, qui laissait encore une large place au télétravail, s'analyse comme l'exercice normal du pouvoir de direction, Mme [V] ayant d'ailleurs elle-même indiqué, lors de son entretien annuel le 29 janvier 2018, que : « des échanges communs périodiques avec [F] ([R]) et [Y] ([P]) aideraient à donner du sens à ma contribution dans l'entreprise » (pièce15 appelante). Et la salariée procède par affirmations lorsqu'elle soutient que la société prenait en charge le coût financier des déplacements domicile-siège pour deux autres salariés.

S'agissant ensuite de la mise à l'écart alléguée par la salariée, après que celle-ci se soit émue auprès de M. [R] de ne pas avoir été conviée à une présentation relative au harcèlement lors du comité de direction du 13 décembre 2017, il ressort des pièces produites que celui-ci lui a dans un premier temps répondu que le Président décidait de ses invités (pièce 31 intimée), tout en lui proposant d'en discuter dès le lundi suivant. Contrairement aux affirmations de Mme [V], il ressort des pièces versées aux débats qu'elle a décliné cette proposition, qui, de ce fait, a été reportée au lundi 15 janvier. Ce jour-là, elle a fait savoir à M. [R] qu'elle n'était finalement pas disponible (pièce 24 appelante), alors qu'elle était présente au siège (pièce 36 intimée). Quant aux envois le 22 décembre 2017 d'un audit sur le secteur Normandie Littoral à M. [R], et le 21 février 2018, d'un projet de Charte à plusieurs personnes dont M. [R] (pièces 49 et 46 appelante), ces courriels ne démontrent en rien une attitude de mise à l'écart de la part de ce dernier.

Alors que Mme [V] allègue avoir subi des pressions pour signer le protocole de rupture conventionnelle, la cour relève que celui-ci contenait des dispositions qui lui étaient très favorables puisque la rupture du contrat de travail devait intervenir au plus tard le 20 janvier 2019, conformément à ses souhaits, qu'elle était placée en télétravail total, avec prise en charge de ses frais de déplacement professionnels, notamment au siège, que les réunions des lundis et vendredis devaient se faire par téléphone, et que la société acceptait de prendre à sa charge les deux formations que celle-ci souhaitait suivre.

Par ailleurs, la décision de M. [R] de fixer des réunions régulières en présentiel (pièce 32 intimée) fait suite à une préoccupation qu'il exprimait dès le mois de septembre 2017 : « De mon point de vue, l'interaction et le liant entre les personnes se font en se voyant, en étant régulièrement et souvent en échanges présentiels. Clairement, nous avons une question sur l'organisation du travail ; nous avons voulu voir comment l'articulation entre [Localité 9] et [Localité 6] fonctionnerait et le bilan est un sujet de grande préoccupation pour moi. Nous allons devoir revoir le mode de fonctionnement et d'organisation avec une présence accrue et une interaction forte du binôme entre le directeur du management des risques et des assurances et vous-même. Vous devrez ainsi planifier des temps d'échanges et je suivrai sur vos plannings que ces moments sont suivis chaque semaine. J'ai toute confiance en vous deux mais je sais que les enjeux qui sont les nôtres impliquent de revoir la copie du fonctionnement entre vous deux. Mon rôle de manager sera donc de veiller à ce que vous ayez plus de présence au siège ce qui impactera votre présence à [Localité 6]. Je n'ai pas le choix pour impulser la dynamique que j'attends et que je ne vois pas venir ».

Ces préconisations n'ont manifestement pas été entendues puisque la salariée n'a par la suite été présente au siège que 2 jours en novembre, 2 jours en décembre, 7 jours en janvier et 5 jours en février, selon le relevé de badge.

Enfin, la cour relève que les deux lettres de la salariée dénonçant des faits de harcèlement sont postérieures à la lettre de convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, privant la saisine de la commission anti-harcèlement de toute pertinence.

En l'état de ces éléments pris dans leur ensemble, la cour relève que la société intimée démontre suffisamment que ses décisions et agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement en sorte que la demande de la salariée tendant à voir reconnaître la réalité d'un harcèlement ne peut prospérer.

Le jugement entrepris sera confirmé à cet égard.

2/sur le manquement à l'obligation de sécurité

Aux termes des articles L.4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de chaque salarié d'une obligation de sécurité qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa sécurité et protéger sa santé. Il doit en assurer l'effectivité.

Mme [V] motive laconiquement sa demande par le harcèlement subi de la part de ses supérieurs hiérarchiques et ce à deux reprises.

La société OGF répond qu'elle a été particulièrement attentive et réactive suite à la dénonciation des comportements que la salariée soutenait avoir subis de la part de sa responsable Mme [S]. Elle n'a jamais remis en cause la véracité de ses allégations à l'encontre de sa responsable, et les a d'ailleurs reprises au soutien de la mesure de licenciement pris à l'encontre de celle-ci. Par la suite, la société a tout fait pour lui permettre de travailler dans un environnement serein, acceptant notamment d'aménager son organisation pour qu'elle puisse s'installer en région grenobloise et travailler une partie de son temps depuis son domicile.

La cour a, précédemment, souligné que l'employeur avait immédiatement réagi lorsque Mme [V] avait dénoncé des faits de harcèlement moral en septembre 2016 de la part de Mme [S], et retenu qu'aucun fait constitutif d'un harcèlement moral de la part de M. [R] n'était caractérisé. D'autre part, les lettres de la salariée dénonçant des faits de harcèlement sont postérieures à la lettre de convocation à un entretien préalable qui était assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de ce chef.

3/ sur l'exécution déloyale du contrat

L'article L.1222-1 du code du travail dispose :« Le contrat de travail est exécuté de bonne foi. »

Mme [V] fait valoir que son employeur ne l'a pas accompagnée à la suite du harcèlement qu'elle a subi, qu'elle n'a pas bénéficié du même traitement que ses collègues, notamment sur la prise en charge des frais de déplacement. En outre, elle soutient que la société a tenté de lui imposer une modification de son contrat de travail en lui imposant d'être présente au siège de l'entreprise les jours où elle était en télétravail à son domicile.

La société OGF rétorque que la salariée formule trois demandes distinctes de réparation qui s'appuient en réalité sur les mêmes griefs articulés à son encontre.

La cour a retenu précédemment que:

- la société OGF a immédiatement réagi lorsque Mme [V] a dénoncé des faits de harcèlement moral en septembre 2016, et que la salariée n'a ensuite pas fait l'objet de faits constitutifs d'un harcèlement moral.

- la salariée procède par affirmations concernant la prise en charge des frais de déplacement domicile-travail de deux autres salariés,

- la mise en place, fin février 2018, de deux réunions hebdomadaires le lundi et le vendredi, qui laissait encore une large place au télétravail, s'analyse comme l'exercice normal du pouvoir de direction, étant souligné que Mme [V] venait parfois au siège de la société ces jours-là, au cours des mois précédents.

La salariée sera en conséquence déboutée de sa demande de ce chef et le jugement entrepris sera confirmé.

4/sur le licenciement

Constitue une faute grave un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation de ses obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'établir la réalité des griefs qu'il formule.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement qui fixe les termes du litige est ainsi rédigée (extrait) :

« Par courrier recommandé en date du 10 avril 2018, nous vous informions de votre mise à pied à titre conservatoire et par la même occasion, nous vous convoquions à un entretien préalable en vue d'une éventuelle mesure de licenciement, entretien prévu le 23 avril 2018.

Lors de cet entretien, je vous ai exposé, avec Mme [W] [H], Directrice de l'Administration du Personnel, les motifs de la mesure envisagée et nous avons recueilli vos explications. Nous vous notifions votre licenciement pour faute grave pour les éléments factuels ci- après énoncés en trois thèmes.

I- L'inexécution volontaire des directives de votre hiérarchie

D'emblée, il est essentiel de souligner que l'autonomie d'une fonction d'encadrement n'exonère pas le collaborateur du lien spécifique inhérent au contrat de travail et qu'il accepte donc de se conformer aux orientations et directives de son employeur.

En outre, ni la bienveillance, ni la tolérance de l'employeur à l'égard du cadre autonome dans la manière d'accomplir ses missions ne prive cet employeur de ses prérogatives organisationnelles.

Nous avons ainsi enregistré peu à peu une dégradation de ce lien inhérent et structurant de la relation de travail à votre initiative.

Nous avons d'abord déploré des comportements irrespectueux puis ensuite des contestations et refus réitérés des directives de votre hiérarchie.

1 ' Comportements irrespectueux

Alors que vous étiez associée au groupe de travail concernant la lutte contre les harcèlements et aviez contribué au travail collectif pour préparer le support de présentation de ces travaux au comité exécutif, vous avez adressé un mail réprobateur au ton inapproprié au DRH du Groupe le l4 Décembre 2017 au motif que vous n'aviez pas été invitée à la réunion du comité exécutif ; en outre vous le sollicitiez afin d'avoir une rencontre pour un échange.

Le DRH du groupe vous répondait le jour même courtoisement en vous indiquant qu'il n'était pas en charge des invitations au comité exécutif et que cela relevait du bureau du Président du Groupe d'une part et qu'il réservait son agenda pour vous rencontrer 4 jours plus tard pour déjeuner soit le Lundi 18 Décembre 2017 d'autre part. Il vous spécifiait que les lundis midi étaient plus facilement planifiables dans son agenda.

Enfin, il en profitait pour vous informer que ce travail avait été apprécié et vous adressait ses remerciements.

Vous répondiez à son message que vous n'étiez pas disponible ni le 18 Décembre ni le lundi suivant et vous indiquiez ne pas pouvoir vous rendre disponible avant l'année suivante.

Ce comportement désinvolte dans le cadre d'une relation de travail vis-a-vis de plus de votre hiérarchie est particulièrement inapproprié.

La date du Lundi l5 Janvier 2018 est finalement convenue dans des échanges de messages suivants de ce même 14 Décembre 2017 ; clairement elle est bloquée dans votre agenda et celle du DRH du groupe puisque vous écrivez: « C'est noté pour le 15/01 ».

Le jour venu du l5 Janvier 2018, lorsque le DRH se rend à votre bureau pour aller déjeuner vous n'y êtes plus et n'êtes pas joignable. Ces comportements illustrent une désinvolture incompréhensible et irrespectueuse dans le cadre d'une relation normale de travail.

2 - Contestations des mesures d'organisation et insubordination

* Le 29 Janvier 2018 vous sollicitiez, lors de votre entretien professionnel annuel avec votre responsable hiérarchique direct Monsieur [Y] [P], un accompagnement accru de sa part ainsi que de celle du DRH du Groupe, Monsieur [F] [R].

* Par ailleurs vous aviez été « lanceur d'alerte» sur divers sujets de risques notamment sur les systèmes de sécurité des grues.

* Enfin le niveau d'accidentologie des personnes au travail était toujours à un niveau préoccupant tout comme celui des accidents aux biens.

Tout à la fois pour répondre à votre v'u exprimé lors de l'entretien professionnel d'un travail de proximité en trio avec [Y] [P] et [F] [R] que pour mobiliser les forces du groupe autour des sujets prioritaires de Prévention, le DRH du Groupe adressait un mail le 28 Février 2018 au Directeur du Management des Risques et des Assurances et à vous-même afin de passer en mode « projet » et de ritualiser des rencontres chaque Vendredi à son bureau .

En outre les lundis matin devaient être l'occasion d'une restitution par le trio de ce projet auprès des cadres de la DRH (Directeur des relations sociales, Directrice GPCC, Directrice administration du personnel) afin que l'ensemble de la DRH puisse mobiliser le groupe sur ce thème majeur.

Ce même jour d'envoi du mail par le DRH du Groupe vous contestiez le bien-fondé de ce choix organisationnel et vous mettiez en avant « la gêne occasionnée » dans votre équilibre de vie par ces venues au siège puisque vous aviez fait le choix légalement libre pour tout salarié de déménager en vous installant dans la région Grenobloise à compter de Juillet 2017.

Le message du DRH était très clair sur son application immédiate puisque d'ailleurs il précisait que les deux destinataires devaient reporter d'éventuels engagements afin de se conformer au mode projet prioritaire mis en place.

Sous couvert de demandes d'explications. vous avez contesté le bien-fondé de cette directive, refusant ce faisant de vous conformer à des instructions pourtant claires, relevant de l'exercice élémentaire du pouvoir de direction et d'organisation de votre employeur (et/ou ses représentants) ; le DRH échoua dans ses appels sur votre mobile d'une part et vous ne deviez jamais le rappeler d'autre part.

Alors même que vous êtes la Responsable Prévention du Groupe, le Directeur du Management des risques et des assurances et le DRH du groupe ont dû constater vos absences répétées aux réunions des vendredis et lundis sur le thème de la prévention des risques en mode projet.

Vous n'y êtes jamais venue après votre mail de contestation du bien fondé et alors même que la directive était claire et alors même que vous aviez sollicité un accompagnement de ces deux hiérarchiques le 29 Janvier 2018 lors de votre entretien professionnel annuel.

De la vous vous rapprochiez de Madame [W] [H] (Directrice de l'Administration du Personnel) afin de négocier une rupture conventionnelle.

Vous souhaitiez un accompagnement pour trouver un emploi dans votre région, vous souhaitiez une formation spécifique et un départ en fin d'année 2018 et surtout vous souhaitiez bénéficier de la faculté de rester travailler en permanence dans votre région Grenobloise.

Notre désir était de sortir par le haut en trouvant un accord qui nous aurait permis de travailler en mode projet avec la personne que nous aurions recrutée pour vous succéder après l'échéance de la rupture conventionnelle.

De nouveau nous dûmes subir votre versatilité et votre désinvolture puisque vous indiquiez à [W] [H] avoir changé d'avis à l'issue de discussions qui avait duré 1,5 mois.

Pour autant durant tout ce temps le lien de travail n'a jamais été suspendu et alors même que vous êtes la Responsable Prévention du groupe, alors même que le niveau d'accidentologie touchant les femmes et les hommes du groupe est très élevé, alors même que vous êtes le premier lanceur d'alerte et alors même que le 29 Janvier 20l8 vous avez sollicité un appui de proximité d'[Y] [P] et [F] [R], vous avez été défaillante à la directive claire de devoir être présente les vendredis et lundis pour travailler sur le thème de la prévention des risques auprès de vos deux hiérarchiques.

Ces manquements sont graves et à eux seuls sont déjà constitutifs d'une faute grave rendant impossible le maintien de la relation de travail.

A cela est venu se greffer une situation inédite d'exécution très partielle de vos missions et responsabilités.

II - L'inexécution volontaire dc vos missions et responsabilités

En juillet 2017, vous décidez de partir vous installer en région Grenobloise ; conformément au droit en vigueur un salarié est libre de son lieu de vie et vous en informez votre direction préalablement.

Une direction d'entreprise n'a aucun mot à dire face à une telle situation s'agissant d'un droit strict de chaque salarié.

Alors même que nous constations une présence sur le terrain et au siège très limitée nous avions une patience bienveillante afin de vous donner le temps d'appréhender les métiers du groupe.

C'est dans cet esprit que l'entretien professionnel du 29 janvier 2018 est résolument sur un ton positif avec des marques d'encouragement de votre hiérarchie afin de préparer les enjeux majeurs en prévention à venir sur l'année 2018 et les années suivantes.

Alors même qu'il s'agissait de passer à une autre étape avec une présence et une implication accrue au siège et sur les territoires, nous constatons une dégradation inquiétante de votre implication déjà trop faible.

Votre hiérarchie ne dispose d'aucun rapport d'activité lui indiquant où vous êtes et ce que vous faites.

Votre présence au siège social chute brutalement rendant impossible les échanges essentiels à la conduite des thématiques de prévention.

Votre présence territoriale s'est restreinte considérablement en créant un déséquilibre dans la transmission et la diffusion homogène sur les territoires des messages de prévention.

Alors que le groupe OGF s'étend sur tout le territoire national avec 50 secteurs opérationnels et plus de 1200 agences auxquels s'ajoutent trois sites industriels; ce sont 6500 collaborateurs qui sont ainsi au service des familles endeuillées et pour lesquels les actions de prévention doivent être menées.

Les traces d'activité identifiables via vos notes de frais permettent de constater que votre implication était déjà très réduite mais qu'elle chute encore à compter de février dans un périmètre auto déterminé très limité proche de votre territoire grenoblois (Essentiellement les Secteur de [Localité 5], [Localité 7] et [Localité 8]),correspondant en fait à votre zone de confort pour ne pas dire d'agrément personnel, négligeant et laissant du même coup en jachère le reste du territoire où OGF a des agences et des besoins équivalents en la matière.

Cette activité délibérément parcellaire caractérise une inexécution de vos missions et responsabilités.

Confrontée à l'incompréhension et au questionnement surpris de Madame [W] [H] qui mena 1,5 mois de discussions avec vous, vous deviez révéler une information inédite et marquée du sceau de la déloyauté envers OGF et vos collègues à qui vous l'aviez toujours caché ; vous avez un autre emploi !

III - Déloyauté vis-à-vis de 1'entreprise et de ses collègues concernant votre situation professionnelle

Lors de votre embauche vous vous êtes présentée comme étant libre de tout engagement.

Selon vos dires, vous quittiez votre poste au sein de la Direction nationale du Pôle emploi dont le lieu de travail était situé en région parisienne.

D'après vos propres affirmations à Madame [W] [H] qui en atteste vous êtes toujours titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet au sein de cette direction nationale du pôle emploi en région parisienne.

On comprend beaucoup mieux dès lors votre préoccupation lorsque vous écrivez au Président du Groupe 14 Avril 2018 après votre convocation à entretien préalable que si vous deviez perdre votre emploi à l'initiative d'OGF vous ne pourriez pas percevoir les allocations chômage versées par ...le pôle emploi.

Ainsi même cette situation professionnelle cachée lors de votre embauche et jusqu'à sa révélation en Mars 2018 est une attitude de déloyauté inacceptable pour l'entreprise d'une part et pour vos collègues d'autre part, éclairant de surcroît d'un jour particulier votre dilettantisme et votre désengagement.

Ces éléments constituent en eux-mêmes une faute grave empêchant la poursuite de la relation de travail.

En conséquence, et eu égard à la gravité de ces faits reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour faute grave, privatif des indemnités de préavis et de licenciement.

Vous cesserez de faire partie des effectifs de notre Société à la date d'envoi de la présente.

Nous vous rappelons que vous avez fait l'objet d'une mise a pied à titre conservatoire, notifiée par courrier du 10 avril 2018. Par conséquent. cette période de mise à pied conservatoire ne vous sera pas rémunérée. »

En l'absence de harcèlement moral retenu, le licenciement ne saurait être tenu pour nul.

Il est en premier lieu reproché à la salariée d'avoir adopté un comportement irrespectueux à l'égard de M. [R]. La société verse aux débats un courriel de la salariée du 14 décembre 2017 et justifie d'un rendez-vous non honoré le 15 janvier 2018.

L'employeur pointe ensuite, qu'à la suite du courriel de M. [R] du 28 février 2018 instaurant des réunions tous les vendredis et lundis, la salariée a contesté cette décision, mettant en avant la gêne occasionnée dans son équilibre de vie, et ne s'est jamais présentée les jours-dits, alors même qu'elle avait sollicité un accompagnement de la part des ses supérieurs hiérarchiques.

Il soutient que les notes de frais de Mme [V] démontrent une diminution considérable de sa présence territoriale puisqu'elle ne se déplaçait plus que dans un périmètre proche de son domicile grenoblois et laissait en jachère le reste du territoire, alors que par ailleurs sa présence au siège avait brutalement chuté.

Il reproche enfin à Mme [V] une attitude de déloyauté inacceptable puisqu'elle s'est présentée comme étant libre de tout engagement, alors qu'elle était titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée et à temps complet au sein de la Direction nationale du Pôle emploi.

La salariée rétorque que, la procédure de licenciement ayant été engagée le 10 avril 2018, l'employeur ne peut valablement lui reprocher des faits antérieurs de plus de deux mois.

Elle ne conteste pas ses absences mais répond que la société OGF ne pouvait unilatéralement lui imposer une modification de son contrat de travail et qu'il s'agissait en réalité de lui imposer une rupture conventionnelle. Elle affirme au contraire avoir toujours tenté d'exercer ses fonctions, en dépit des difficultés rencontrées.

Mme [V] admet qu'elle avait affectivement pris un congé sans solde de longue durée auprès de Pôle emploi. Ce congé sans solde ayant pour effet de suspendre le contrat de travail, elle était libre d'exercer une activité professionnelle durant ce congé, de surcroît sans risque de concurrence avec son premier emploi. Elle soutient que c'est elle qui a porté sa situation à la connaissance de son employeur et qu'elle n'a donc rien dissimulé.

S'agissant du moyen tiré de la prescription des faits fautifs, l'article L.1332-4 du code du travail dispose qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au delà du délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales. Il sera précisé en tant que de besoin que ces dispositions n'excluent pas que soient pris en considération des faits antérieurs à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

L'examen des griefs évoqués par l'employeur aux termes de la lettre de licenciement montre que l'engagement des poursuites disciplinaires est intervenu le 10 avril 2018 alors que l'employeur avait appris l'existence d'un autre emploi de la salariée courant mars 2018 et qu'il fait état du fait que la salariée a été systématiquement absente aux réunions des lundis et vendredis postérieurement à son courriel de contestation du 28 février 2018 de l'instauration de ces réunions par la direction, lesdites absences illustrant sa désinvolture, soit dans ce délai de deux mois.

Il ressort des termes de la lettre de licenciement que l'employeur a évoqué des faits antérieurs à ce délai pointant le comportement désinvolte qu'il reproche à Madame [V] lequel comportement désinvolte caractérisé par les absences aux réunions s'est poursuivi dans le délai de deux mois.

Dans ces conditions, le moyen tiré de la prescription des faits fautifs ou de la prise en compte de faits antérieurs au délai de deux mois est inopérant.

Sur le fond, la cour relève qu'alors que M. [R], supérieur hiérarchique de la salariée, avait instauré le 28 février 2018 deux réunions hebdomadaires en présentiel les lundis et vendredis, le relevé de badge de la salariée démontre qu'elle ne s'est plus présentée au siège à compter du 21 février 2018, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.

Il ne peut être valablement soutenu par Mme [V] que son absence continue au siège de la société, notamment lors des réunions instaurées par M. [R], serait justifiée par son droit de refuser une modification dans ses conditions de travail, alors qu'elle s'y présentait antérieurement plusieurs jours par mois, parfois le lundi ou le vendredi d'ailleurs (pièce 36 intimée), et que la mise en place de réunions hebdomadaires, qui permettaient toujours le télétravail, s'analyse comme l'exercice normal du pouvoir de direction.

Ce grief est donc caractérisé.

Par ailleurs, la cour retient que la salariée reconnaît ne pas avoir informé la société OGF de la réalité de sa situation professionnelle lors de son embauche. Si le congé sans solde lui permettait de travailler pour un autre employeur, son organisation et sa durée devaient être définies de gré à gré avec son employeur, comme les courriers versés aux débats par la salariée le démontrent (pièces 20 à 23 appelante). Ainsi, à quatre reprises, la salariée a demandé à bénéficier d'un renouvellement de ce congé sans solde qui lui a été accordé « après échanges avec sa ligne hiérarchique », mais qui aurait, aussi, pu lui être refusé, avec des conséquences immédiates sur la relation contractuelle avec la société OGF.

En s'abstenant, lors de son embauche, de porter à la connaissance de son nouvel employeur la réalité de sa situation professionnelle, Mme [V] a gravement manqué à son obligation de loyauté envers la société OGF.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que l'existence de griefs est établie et que leur gravité fonde le licenciement pour faute grave de Mme [V].

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé.

5/ sur le préjudice moral

Mme [V] fait valoir qu'elle a été choquée par la brutalité de la rupture et du licenciement et par les agissements harcelants de son supérieur, M. [R].

La cour a précédemment considéré le licenciement pour faute grave fondé, et retenu l'absence de faits constitutifs d'un harcèlement moral. A défaut pour l'intimée de s'expliquer sur la nature et l'étendue du préjudice dont elle demande réparation et d'en justifier d'une quelconque manière, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont déboutée de sa demande de ce chef.

6/sur les frais irrépétibles et les dépens

Mme [C] [V] sera condamnée à verser à la SA Omnium de Gestion et de Financement la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et supportera les dépens d'appel.

Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes à ces titres.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [C] [V] à verser à la SA Omnium de Gestion et de Financement la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE Mme [C] [V] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,

CONDAMNE Mme [C] [V] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE