Livv
Décisions

CA Nancy, ch. soc.-sect. 1, 16 janvier 2024, n° 23/01132

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 23/01132

16 janvier 2024

ARRÊT N° /2024

SS

DU 16 JANVIER 2024

N° RG 23/01132 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFWV

Pole social du TJ de REIMS

21/140

24 avril 2023

COUR D'APPEL DE NANCY

CHAMBRE SOCIALE

SECTION 1

APPELANTE :

S.A.R.L. [10] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Gérard CHEMLA de la SCP SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS - dispensé de comparution

INTIMÉS :

Mutualité [12] prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

dispensée de comparution

Monsieur [L] [K]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Isabelle CASTELLO de la SCP DELVINCOURT - CAULIER-RICHARD - CASTELLO AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS -dispensée de comparution

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors des débats, sans opposition des parties

Président : Mme BUCHSER-MARTIN

Siégeant en conseiller rapporteur

Greffier : Mme FOURNIER (lors des débats)

Lors du délibéré,

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue en audience publique du 06 Décembre 2023 tenue par Mme BUCHSER-MARTIN, magistrat chargé d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, et en a rendu compte à la Cour composée de Guerric HENON, président, Dominique BRUNEAU et Catherine BUCHSER-MARTIN, conseillers, dans leur délibéré pour l'arrêt être rendu le 16 Janvier 2024 ;

Le 16 Janvier 2024, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 juin 2006, un groupement d'employeurs dénommé [10] a été constitué par la SCEA [10], la SARL [10], le SCEA du Marais et monsieur [U] [C], avec pour objet de mettre ses salariés à la disposition de ses membres.

Par contrat à durée déterminée pour la réalisation de travaux saisonnier du 26 septembre 2013, monsieur [L] [K] a été embauché par le [10] en qualité d'opérateur pour une durée d'un mois du 30 septembre 2013 au 31 octobre 2013 avec mise à disposition de la SARL [10].

Il a à nouveau travaillé pour le même groupement d'employeurs à compter du 4 janvier 2016.

Le 27 juin 2016, il a été victime d'un accident du travail décrit comme suit par son employeur : « [L] a mis la main gauche dans la bande transporteuse en marche du tapis et s'est fait coincer le bras gauche entre la bande du tapis et le rouleau ».

Par décision du 12 juillet 2016, la [12] (ci-après dénommée la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation sur les risques professionnels.

L'état de santé de monsieur [L] [K] a été déclaré consolidé le 30 mars 2021 et son taux d'incapacité a été fixé par la caisse à 35 % pour des « douleurs neuropathiques du membre supérieur gauche, anesthésie et hypoesthésie dans le territoire du nerf radial gauche. Limitation de l'extension du membre supérieur gauche ».

Par jugement correctionnel définitif du 8 mars 2021, le tribunal judiciaire de Reims a reconnu la SARL [10] coupable d'avoir omis de respecter les mesures relatives à l'hygiène, la sécurité ou les conditions de travail, en mettant à la disposition de monsieur [L] [K] un équipement de travail (convoyeur à bande en auge intégré à un sécheur SWISS COMBI) non conforme. L'action civile de monsieur [L] [K] a été déclarée recevable, la SARL [10] a été déclarée entièrement responsable du préjudice subi par monsieur [L] [K] et le tribunal a constaté que monsieur [L] [K] ne formulait pas de demande de dommages-intérêts.

Le 9 juillet 2021, monsieur [L] [K] a saisi tribunal judiciaire de Reims d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [10].

Par jugement RG 21/140 du 24 avril 2023, le pôle social du tribunal judiciaire de Reims a :

- déclaré monsieur [L] [K] recevable en son recours

- dit que l'accident du travail survenu le 27 juin 2016 dont a été victime monsieur [L] [K] est dû à la faute inexcusable de son employeur, la SARL [10]

- fixé au maximum le montant de la majoration de la rente de monsieur [L] [K] prévue à l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale

- dit que cette majoration sera versée par la [13] qui en récupèrera le montant auprès de l'employeur, la SARL [10]

- ordonné, avant dire droit sur la liquidation du préjudice complémentaire de monsieur [L] [X], une expertise médicale

- commis pour y procéder le professeur [V] [Z] - [Adresse 3] - tél : [XXXXXXXX01] - courriel : [Courriel 9] ;

Avec pour mission, contradictoirement et après avoir régulièrement convoqué les parties et avisé leurs conseils :

1°) Convoquer monsieur [L] [K], victime d'un accident le 27 juin 2016, dans le respect des textes en vigueur

2°) Se faire communiquer par la victime, son représentant légal ou tout tiers détenteur tous documents médicaux relatifs à l'accident, en particulier le certificat médical initial ;

3°) Fournir le maximum de renseignements sur l'identité de la victime, ses conditions d'activités professionnelles, son niveau scolaire s'il s'agit d'un enfant ou d'un étudiant, son statut exact et/ou sa formation s'il s'agit d'un demandeur d'emploi ;

4°) A partir des déclarations de la victime imputables au fait dommageable et des documents médicaux fournis, décrire en détail les lésions initiales, les modalités du traitement, en précisant autant que possible les durées exactes d'hospitalisation et, pour chaque période d'hospitalisation, la nature et le nom de l'établissement, le ou les services concernés et la nature des soins ;

5°) Indiquer la nature de tous les soins et traitements prescrits imputables à l'accident et, si possible, la date de la fin de ceux-ci ;

6°) Décrire, en cas de difficultés particulières éprouvées par la victime, les conditions de reprise de l'autonomie et, lorsque la nécessité d'une aide temporaire, avant consolidation, est alléguée, la consigner et émettre un avis motivé sur sa nécessité et son imputabilité ;

7°) Retranscrire dans son intégralité le certificat médical initial et, si nécessaire, reproduire totalement ou partiellement les différents documents médicaux permettant de connaître les lésions initiales et les principales étapes de l'évolution ;

8°) Prendre connaissance et interpréter les examens complémentaires produits ;

9°) Recueillir les doléances de la victime en l'interrogeant sur les conditions d'apparition, l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle et leurs conséquences ;

10°) Décrire un éventuel état antérieur en interrogeant la victime et en citant les seuls

antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions ou leurs séquelles ; dans cette hypothèse :

- Au cas où il aurait entraîné un déficit fonctionnel antérieur, fixer la part imputable à l'état antérieur et la part imputable au fait dommageable ;

- Au cas où il n'y aurait pas de déficit fonctionnel antérieur, dire si le traumatisme a été la cause déclenchante du déficit fonctionnel actuel ou si celui-ci se serait de toute façon manifesté spontanément dans l'avenir ;

11°) Procéder dans le respect du contradictoire à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime ;

12°) Analyser dans une discussion précise et synthétique l'imputabilité entre l'accident, les lésions initiales et les séquelles invoquées en se prononçant sur :

- la réalité des lésions initiales,

- la réalité de l'état séquellaire,

- l'imputabilité directe et certaine des séquelles aux lésions initiales

et en précisant l'incidence éventuelle d'un état antérieur ;

13°) Déterminer la durée du déficit fonctionnel temporaire, période pendant laquelle, pour des raisons médicales en relation certaine, directe et exclusive avec l'accident, la victime a dû interrompre totalement ses activités professionnelles ou ses activités habituelles ; si l'incapacité fonctionnelle n'a été que partielle, en préciser le taux ; préciser la durée des arrêts de travail au regard des organismes sociaux au vu des justificatifs produits ; si cette durée est supérieure à l'incapacité temporaire retenue, dire si ces arrêts sont liés au fait dommageable ;

14°) Chiffrer, par référence au barème indicatif des déficits fonctionnels séquellaires en droit commun le taux éventuel de déficit fonctionnel permanent (état antérieur inclus) imputable à l'accident, résultant de l'atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions persistant au moment de la consolidation, le taux de déficit fonctionnel devant prendre en compte, non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime mais aussi les douleurs physiques et morales permanentes qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après consolidation ; dans l'hypothèse d'un état antérieur, préciser en quoi l'accident a eu une incidence sur celui-ci et décrire les conséquences de cette situation ;

15°) Lorsque la victime allègue une répercussion dans l'exercice de ses activités professionnelles, recueillir les doléances, les analyser, les confronter avec les séquelles

retenues ;

16°) Décrire les souffrances physiques, psychiques ou morales endurées pendant la maladie traumatique (avant consolidation) du fait des blessures subies ; les évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés ;

17°) Donner un avis sur l'existence, la nature et l'importance du préjudice esthétique, en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif ; l'évaluer selon l'échelle habituelle de sept degrés, indépendamment de l'éventuelle atteinte fonctionnelle prise en compte au titre du déficit ;

18°) Lorsque la victime allègue l'impossibilité de se livrer à des activités spécifiques de sport et de loisir, donner un avis médical sur cette impossibilité et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

19°) Dire s'il existe un préjudice sexuel ; le décrire en précisant s'il recouvre l'un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la morphologie, l'acte sexuel (libido, impuissance ou frigidité) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

20°) Lorsque la victime allègue un préjudice d'établissement, constitué par la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap, donner un avis médical sur l'incidence du handicap sur le projet de vie familiale et son caractère définitif, sans prendre position sur l'existence ou non d'un préjudice afférent à cette allégation ;

21°) Indiquer, le cas échéant :

- si l'assistance d'une tierce personne constante ou occasionnelle a été nécessaire avant la consolidation, en décrivant avec précision les besoins (niveau de compétence technique, durée d'intervention quotidienne) ;

- si des aménagements (logement, véhicule) sont à prévoir ;

22°) Procéder selon la méthode du pré-rapport afin de provoquer les dires écrits des parties dans tel délai de rigueur déterminé de manière raisonnable et y répondre avec précision ;

- dit que l'expert dressera un rapport détaillé de ses opérations qu'il déposera en trois

exemplaires au greffe du pôle social du tribunal judiciaire de Reims dans un délai de quatre mois à compter de sa saisine ;

- dit qu'en cas de récusation ou d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du président de la formation de jugement du pôle social, ou de tout autre magistrat de la première chambre civile, statuant sur simple requête ;

- dit que les frais de l'expertise ordonnée en vue de l'évaluation des chefs de préjudice sont avancés par la [13] qui en récupérera le montant auprès de l'employeur, la SARL [10] ;

- invité les parties à conclure dès réception du rapport d'expertise ;

- ordonné la réouverture des débats à l'audience du pôle social du tribunal judiciaire de Reims du vendredi 5 octobre 2023 à 14 heures ;

- dit que le présent jugement vaut convocation des parties à l'audience précitée ;

- sursis à statuer sur les autres demandes dans l`attente du dépôt du rapport d'expertise.

Par acte du 23 mai 2023, la SARL [10] a interjeté appel à l'encontre de ce jugement.

L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 décembre 2023, l'ensemble des parties ayant été dispensées de comparaître.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions n° 2 reçues au greffe le 17 novembre 2023, la SARL [10] a sollicité ce qui suit :

- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Reims en l'ensemble de ses dispositions

- juger irrecevable et prescrite l'action de monsieur [L] [K]

- débouter monsieur [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions

- condamner monsieur [K] à verser à la SARL [10] la somme de 2 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues au greffe le 7 septembre 2023, monsieur [L] [K] a sollicité ce qui suit :

- juger la SARL [10] non fondée en son appel et ses demandes dirigées contre monsieur [L] [K], et l'en débouter.

Au contraire,

- déclarer monsieur [L] [K] recevable et bien fondé en son action aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable commise par la SARL [10] à l'origine de son accident du travail survenu le 27 juin 2016

- confirmer purement et simplement le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Reims en date du 24 avril 2023

En tout état de cause

- débouter la SARL [10] de l'intégralité de ses fins, prétentions, conclusions et demandes dirigées contre monsieur [L] [K]

- condamner la SARL [10] à payer à monsieur [L] [K] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'appel.

La [12] a sollicité ce qui suit :

- au fond, prendre acte que la caisse s'en remet à la décision de la cour pour dire si les différents éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis, et dans l'affirmative, fixer le pourcentage de la majoration de la rente.

Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de faire référence aux conclusions sus mentionnées, régulièrement communiquées avant l'audience par les parties.

L'affaire a été mise en délibéré au 16 janvier 2024 par mise à disposition au greffe par application des dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité

Aux termes de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire.

Aux termes de l'article L412-9 du code de la sécurité sociale, les législations relatives aux accidents du travail des salariés du régime général de sécurité sociale et des salariés relevant du régime des assurances sociales agricoles s'appliquent aux groupements d'employeurs mentionnés au chapitre VII du titre II du livre premier du code du travail et aux entreprises membres de ces groupements, suivant les règles spéciales prévues par les articles L. 412-3 à L. 412-7.

Aux termes de l'article L412-6 du même code, pour l'application des articles L452-1 à L452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable.

L'action en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur ne peut être intentée que contre la société dont la victime est le salarié, et non contre l'entreprise qui s'était substituée à l'employeur en dirigeant l'activité du salarié au moment de l'accident (soc. 19 décembre 2002 n° 01-20.360, civ.2e 9 février 2017 n°15-24.037).

Dès lors, l'action en reconnaissance de faute inexcusable à l'origine d'un accident du travail ayant eu lieu pendant l'exécution d'une mise à disposition par le groupement d'employeurs au service d'une entreprise utilisatrice, membre du groupement, doit être dirigée contre le groupement d'employeurs, sans préjudice de l'action récursoire qui lui est ouverte contre l'entreprise utilisatrice.

Par ailleurs, selon le principe d'estoppel, une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers (Assemblée plénière 27 février 2009 pourvoi n° 07-19841).

Néanmoins, aux termes de l'article 72 du code de procédure civile, les défenses au fond peuvent être proposées en tout état de cause.

Aux termes de l'article 563 du même code, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.

Dès lors, les défenses au fond peuvent être invoquées en tout état de cause et pour justifier les prétentions qu'elles ont soumises au premier juge, les parties peuvent, en cause d'appel, invoquer des moyens nouveaux (civ.1 28 octobre 2015 pourvoi n° 14-22.207 P).

-oo0oo-

En l'espèce, la SARL [10] fait valoir qu'elle n'est pas l'employeur de monsieur [K], qui a été embauché par une entité juridique distincte, le [10].

Elle fait également valoir que pour se prévaloir de la théorie générale de l'estoppel, il faut caractériser des positions expresses d'une des parties au litige, dans un sens déterminé, puis caractériser une contradiction totale dans la position et les affirmations de ladite partie en cours de procédure. Elle ajoute qu'il n'y a eu aucun débat en première instance sur la qualité d'employeur de telle sorte qu'aucune contradiction ne peut exister.

Monsieur [L] [K] fait valoir qu'en première instance, la SARL [10] n'a pas déposé de conclusions et s'en est remise à l'appréciation du tribunal quant à la faute inexcusable au regard des pièces versées aux débats par le salarié. Il ajoute qu'en vertu du principe de l'estoppel, nul ne peut se contredire au détriment d'autrui. Il précise que son contrat de travail indique qu'il travaillera pour le compte de la SARL [10], seule entité mentionnée comme étant le lieu d'exécution du contrat de travail et seul interlocuteur sous l'autorité, la subordination et la responsabilité duquel il se trouvait au moment de l'accident.

Il fait également valoir que la SARL [10] se contredit dans ses propres conclusions d'appelante en se qualifiant elle-même d'employeur. Elle précise qu'elle reconnaît cette qualité tant au pénal, n'ayant pas fait appel du jugement pénal, que devant le pôle social.

La [11] s'en est rapportée aux conclusions de monsieur [K].

-oo0oo-

Sur la recevabilité du moyen de la SARL [10]

En application du principe de l'estoppel, nul n'est censé se contredire au détriment d'autrui.

L'interdiction de se contredire ne peut cependant être sanctionnée qu'à la condition que la contradiction soit constitutive d'une faute caractérisée par un manquement au principe de loyauté ou à la bonne foi, voire par un abus du droit. Elle nécessite que soient réunies, dans un même litige, une contradiction dans l'attitude procédurale d'une partie résultant de son changement de position, ayant pour objet d'induire en erreur son adversaire et ayant pour effet de contraindre l'adversaire à modifier ses moyens de défense.

Il résulte des conclusions des parties et des termes du jugement qu'en première instance, la SARL [10] s'en est rapportée à justice sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Elle n'a pas pour autant acquiescé aux demandes de monsieur [K] et aucun débat n'a eu lieu en première instance sur l'identité de son employeur.

Par ailleurs, monsieur [K] ne peut se prévaloir de maladresses rédactionnelles pour prétendre que la SARL [10] se qualifierait elle-même d'employeur dans ses conclusions d'appel, lesdites conclusions ayant précisément pour objet principal de soulever l'irrecevabilité de la demande au motif que seul le [10] était l'employeur de monsieur [K].

Enfin, le seul fait de ne pas avoir interjeté appel à l'encontre du jugement du tribunal correctionnel ne peut valoir reconnaissance de la qualité d'employeur puisque la prévention était rédigée comme suit : [N] [M], représentant légal de la SARL [10], est prévenu « d'avoir à [Localité 14] (') le 27 juin 2016 (') par sa faute personnelle au sens des dispositions de l'article 121-2 du code pénal et de l'article L474-1 du code du travail, en étant (') cogérant de la SARL [10], alors qu'était concerné un salarié, en l'espèce [L] [K], salarié du groupement d'employeurs du [15] mis à disposition de la SARL [10], au sens des dispositions de l'article L1253-12 du code du travail, omis de respecter les mesures relatives à l'hygiène, la sécurité ou les conditions de travail (') », étant rappelé que l'article L1253-12 du code du travail prévoit que pendant la durée de la mise à disposition, l'utilisateur est responsable des conditions d'exécution du travail telles qu'elles sont déterminées par les dispositions légales et conventionnelles applicables au lieu de travail notamment eu égard à la sécurité au travail.

Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu à violation du principe de l'estoppel et la SARL [10] est recevable à évoquer des moyens nouveaux à hauteur d'appel.

Sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur

Si aucun contrat de travail à effet au jour de l'accident n'est produit aux débats, le bulletin de salaire délivré à monsieur [L] [K] pour la période du 4 au 31 janvier 2016 démontre qu'il était salarié du groupement d'employeurs du [15] à compter du 4 janvier 2016 en qualité d'opérateur.

Par ailleurs, monsieur [L] [K] ne produit aux débats aucun élément permettant d'apporter la preuve de l'existence d'un autre contrat de travail au jour de l'accident.

Nonobstant le fait que la SARL [10], entreprise utilisatrice, soit responsable, des conditions d'exécution du travail en application de l'article L1253-12 du code du travail, et qu'elle ait été substituée à l'employeur dans la direction au sens des articles L452-1 et suivants du code de la sécurité sociale, l'action en reconnaissance de faute inexcusable doit être engagée contre le [10], qui reste le seul employeur de monsieur [L] [K] et qui seul serait recevable à exercer une action récursoire à l'encontre de la SARL [10].

Monsieur [L] [K] ayant diligenté son action à l'encontre de la SARL [10] et n'ayant pas régularisé l'instance en appelant en la cause le [10], sa demande sera déclarée irrecevable.

Sur les frais et dépens

Monsieur [L] [K] succombant, il sera condamné aux dépens de la présente instance et sera débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la SARL [10] l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a exposés de telle sorte qu'elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME le jugement RG 21/140 du 24 avril 2023 du pôle social du tribunal judiciaire de Reims en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DECLARE irrecevable la demande de monsieur [L] [K] de reconnaissance de la faute inexcusable de la SARL [10],

Y ajoutant,

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE monsieur [L] [K] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Ainsi prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Et signé par Monsieur Guerric HENON, Président de Chambre, et par Madame Laurène RIVORY, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT DE CHAMBRE

Minute en neuf pages