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Décisions

CA Rennes, 8e ch prud'homale, 24 janvier 2024, n° 20/01712

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 20/01712

24 janvier 2024

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°20

N° RG 20/01712 (et 20/01111 joint) -

N° Portalis DBVL-V-B7E-QRUQ

M. [G] [H]

C/

S.A.S. BRETAGNE EMAILLAGE

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Augustin MOULINAS

Me Bernard RINEAU

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JANVIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Madame Nadège BOSSARD, Présidente,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Anne-Cécile MERIC, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Novembre 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Janvier 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [G] [H]

né le 20 Juin 1976 à [Localité 5]

demeurant [Adresse 3]

[Adresse 3]

Ayant Me Augustin MOULINAS de la SELARL AUGUSTIN MOULINAS, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

INTIMÉE :

La S.A.S. BRETAGNE EMAILLAGE prise en la pesonne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Ayant Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et représentée par Me Kévin CHARRIER substituant à l'audience Me Amélie LEFEBVRE, Avocats plaidants du Barreau de NANTES

La Société BRETAGNE EMAILLAGE est une SAS, créée en 2000, dirigée par Monsieur [Z] [Y], spécialisée dans l'émaillage sur acier, fonte, inox.

Monsieur [Z] [Y] préside d'autres Sociétés, dont la SAS [Y], laquelle dispose d'un établissement voisin à celui de la Société BRETAGNE EMAILLAGE, situé à [Localité 2].

Le 30 septembre 1999, Monsieur [G] [H] a été embauché par la Société LAQUAGE INDUSTRIEL DE L'OUEST, suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de peintre pistoleteur, emploi relevant de la classification conventionnelle de Niveau II Position II au sens de la convention collective de la Métallurgie de [Localité 4].

Le 1er octobre 2000, le contrat de travail de Monsieur [G] [H] a été transféré à la Société BRETAGNE EMAILLAGE.

Par contrat de travail à durée indéterminée de droit commun, du 1er février 2005, M. [H] a été promu en qualité de Chef d'Atelier, emploi relevant de la classification conventionnelle d'Agent de Maîtrise Niveau IV, échelon 1. Son ancienneté était reprise.

Le 4 octobre 2018, M. [H] a constaté que son véhicule avait été maculé d'herbes et débris végétaux après que M. [A], salarié de la SAS [Y] ait passé la tondeuse et le rotofil sur les espaces verts entourant les bâtiments d'activité.

Le 5 octobre 2018, M. [H] est allé s'entretenir avec M. [A] qui aurait mal pris ses propos, l'aurait insulté puis frappé.

Du 8 au 27 octobre 2018, M. [H] a été placé en arrêt de travail en raison de cette altercation. Cet arrêt a ensuite été prolongé jusqu'à la rupture du contrat.

Le 11 octobre 2018, il a déposé une plainte pénale à l'encontre de M. [A].

Le 13 février 2019, la CPAM a refusé de prendre en charge l'accident au titre des risques professionnels.

Le 18 mars 2019, la SAS BRETAGNE EMAILLAGE a proposé une rupture conventionnelle à M. [H], qui l'a refusée le 20 mars.

Le 8 avril 2019, MM. [H] et [A] ont signé un procès-verbal d'accord dans le cadre d'une médiation pénale. M. [A] a reconnu les faits reprochés.

Le 28 mai 2019, le médecin du travail a déclaré M. [H] inapte à tout emploi dans l'entreprise, en raison de son état de santé.

Le 4 juin 2019, M. [H] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 13 juin 2019.

Le 18 juin 2019, la SAS BRETAGNE EMAILLAGE a notifié à M. [H] son licenciement pour inaptitude non professionnelle.

Le 18 mars 2022, le Pôle Social du Tribunal judiciaire de Nantes a reconnu que les faits constituaient un accident du travail.

Le 8 juin 2022, la CPAM de [Localité 4] confirmait régulariser la situation de M. [H], compte tenu du caractère professionnel de l'accident subi.

Le 14 décembre 2018, M. [H] a saisi le Conseil de prud'hommes de Nantes aux fins de :

' Fixer le salaire de référence à la somme de 3.245,14 € bruts,

' Dire et juger que la société défenderesse est responsable des préjudice de M. [H],

' Débouter la SAS BRETAGNE EMAILLAGE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger le licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse,

' Communication des documents de fin de contrat,

' Condamner la SAS BRETAGNE EMAILLAGE à verser :

- 5.000 € de dommages et intérêts pour compenser la baisse du salaire à compter du 1er novembre 2018,

- 48.677,10 € nets de dommages et intérêts pour rupture du contrat à durée indéterminée aux torts de l'employeur, nets de CSG/CRDS,

- 7.130,31 € de préavis et congés payés afférents (2 mois de salaire + 10 % de congés payés afférents),

- 12.980 € de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire (4 mois de salaire),

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil pour les sommes ayant la nature de salaire,

' Capitalisation des intérêts (article 1343-2 du code civil),

' Exécution provisoire,

' Condamner la partie défenderesse aux dépens,

' Exécution provisoire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par M. [H] le 11 mars 2020 contre le jugement du 29 janvier 2020, par lequel le Conseil de prud'hommes de Nantes a :

'Débouté M. [H] de sa demande de résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur,

' Dit que le licenciement de M. [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

' Débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires et salariales,

' Débouté la SAS BRETAGNE EMAILLAGE de sa demande reconventionnelle formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné M. [H] aux entiers dépens.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 5 janvier 2023, la SAS BRETAGNE EMAILLAGE a été déboutée de sa demande de prononciation de la péremption de l'instance.

Cette ordonnance a été confirmée en déféré le 14 avril 2023.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 15 juin 2022 suivant lesquelles M. [H] demande à la cour de :

' Recevoir M. [H] dans ses explications,

' Dire qu'elles sont bien fondées en fait et en droit,

' Réformer le jugement de première instance,

' Fixer le salaire brut de référence à la somme de 3.245,14 €,

' Dire et juger que la société défenderesse est responsable des préjudices de M. [H],

' Débouter la SAS BRETAGNE EMAILLAGE de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Ordonner la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger le licenciement nul, sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS BRETAGNE EMAILLAGE aux sommes suivantes :

- 5.000 € de dommages et intérêts pour compenser la baisse du salaire à compter du 1er novembre 2018,

- 48.677,10 € nets de dommages et intérêts pour rupture du contrat à durée indéterminée aux torts de l'employeur, nets de CSG/CRDS,

- 7.130,31 € de préavis et congés payés afférents (2 mois de salaire + 10 % de congés payés afférents),

- 12.980 € de dommages et intérêts pour rupture du contrat à durée indéterminée abusive et vexatoire (4 mois de salaire),

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Communication des documents de fin de contrat,

' Intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de prud'hommes pour les sommes ayant la nature de salaire,

' Anatocisme,

' Condamnation aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 1er juin 2023, suivant lesquelles la SAS BRETAGNE EMAILLAGE demande à la cour de :

' Dire et juger que la SAS BRETAGNE EMAILLAGE n'a commis aucun manquement :

- à son obligation de déclarer l'accident du travail de M. [H],

- en n'organisant pas d'entretien entre MM. [H] et [A], à l'issue de l'incident du 5 octobre 2018,

- à son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels à l'égard de M. [H],

- suffisamment grave justifiant le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H],

' Dire et juger que le licenciement pour inaptitude de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse et ne peut être frappé de nullité,

Ce faisant,

' Confirmer le Jugement rendu le 29 janvier 2020, par le Conseil de prud'hommes de Nantes, toutes ses dispositions,

' Débouter M. [H] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

' Dire et juger que M. [H] ne démontre ni l'existence, ni l'ampleur des préjudices revendiqués,

Ce faisant,

' Limiter le montant de l'indemnisation de M. [H] à la somme de 9.735,42 €, correspondant à trois mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

' Dire et juger que M. [H] a commis un abus de droit en introduisant la présente action et en se maintenant en arrêt de travail à compter du mois de janvier 2019,

' Condamner M. [H] à payer à la SAS BRETAGNE EMAILLAGE les sommes suivantes :

- 46.747,57 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 7.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner M. [H] au paiement des entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2023.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur l'indemnité au titre des compléments de salaire

M. [H] expose qu' ayant été victime d'un accident du travail, il doit percevoir un complément de salaire à la charge de l'employeur, en plus des indemnités journalières versées par la CPAM. Il précise que l'employeur n'a pas régularisé la situation, se retranchant derrière l'instance alors en cours devant le Pôle Social du tribunal judiciaire de Nantes. En compensation de ce manque à gagner, M. [H] formule une demande de dommages et intérêts d'un montant de 5.000 €.

L'article L.1226-1 du code du travail dispose que 'tout salarié ayant une année d'ancienneté dans l'entreprise bénéficie en cas d'absence au travail justifiée par l'incapacité résultant de maladie ou d'accident constaté par certificat médical et contre-visite s'il y a lieu d'une indemnité complémentaire à l'allocation journalière prévue par l'article L.321-1 du code de la sécurité sociale à condition :

1°) d'avoir justifié dans les 48 heures de cette incapacité, sauf si le salarié fait partie des personnes mentionnées à l'article L.169-1 du code de la sécurité sociale,

2°) d'être pris en charge par la sécurité sociale,

3°) d'être soigné sur le territoire français ou dans l'un des autres états membres de la communauté européenne ou dans l'un des autres états partie à l'accord sur l'espace économique.'

En l'espèce le salarié formule une demande de dommages et intérêts et non de rappel de salaire. Il n'apporte au soutien de ses prétentions aucun élément permettant de chiffrer son préjudice.

Il sera par conséquent débouté de ce chef conformément au jugement entrepris.

Sur la rupture du contrat de travail

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et que le licenciement intervient ultérieurement en cours de procédure, le juge doit rechercher au préalable si la demande de résiliation était justifiée en raison de manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail.

Sur la résiliation judiciaire

Pour infirmation à ce titre, M. [H] fait valoir que son employeur :

- a attendu deux mois après avoir été prévenu pour réagir par écrit à l'agression de M. [H] ;

- a pris parti pour M. [A] ;

- n'a pas déclaré d'accident du travail ;

- n'a pris aucune mesure pour empêcher le renouvellement des violences.

Pour confirmation, la S.A.S. BRETAGNE EMAILLAGE considère que les faits ne sont pas constitutifs d'un accident de travail en ce que les intéressés n'étaient pas collègues, que l'incident a eu lieu en dehors de lieu de travail et des horaires de travail, et que le motif de la dispute était étranger aux fonctions de M. [H].

En application de l'article L.1231-1 du code du travail, le contrat de travail peut être résilié en cas de manquements graves de l'employeur dans l'exécution de ses obligations, qu'il appartient au salarié de démontrer. La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

Conformément à l'article L. 4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur a l'obligation de garantir aux salariés, leur sécurité au travail.

En matière d'agression sur le lieu de travail, l'employeur doit prendre des mesures de prévention, d'information, de formation et d'organisation. A défaut, l'employeur est fautif et ceci justifie la résiliation judiciaire du contrat de travail.

En l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier, et notamment des attestations de MM. [L], [U], [J] et [W], salariés des sociétés dirigées par M. [Y], et de l'attestation de Mme [S], secrétaire des deux sociétés, que M. [H] a bien été agressé physiquement par M. [A], qui lui a asséné deux gifles et un coup de pied. La réalité de l'agression sur le lieu de travail, reconnue par M. [A] dans le cadre d'une procédure de médiation pénale, est caractérisée.

Si la CPAM a dans un premier soutenu que M. [H] ne se trouvait pas sous un lien de subordination avec son employeur au moment de la survenance des faits, il n'est pas contesté que l'agression a eu lieu un jour de semaine à 9 heures, pendant les horaires de travail de M. [H], dans un atelier appartenant à la SAS [Y], qui a pour dirigeant M. [Y], employeur de MM. [A] et [H]. Le caractère commun des locaux et du matériel est confirmé par les attestations produites par M. [H], notamment par celle de la secrétaire, Mme [S], travaillant dans un bureau commun aux deux sociétés.

Il est donc établi que le lieu de l'agression était bien le lieu de travail de M. [H] et qu'à cet horaire, ce dernier était bien sous la subordination de son employeur. Par décision du 18 mars 2022, le tribunal judiciaire de Nantes a reconnu la qualité d'accident du travail de M. [H].

Il ressort des échanges de lettres recommandées avec accusé de réception entre M. [Y] et M. [H] que M. [Y] n'a donné aucun crédit aux déclarations de M. [H] concernant l'agression subie, qualifiant les faits de 'peccadilles', et considérant, outre que le différent avait une origine personnelle et non professionnelle, que M. [H] n'avait pas obtenu l'autorisation de sa hiérarchie afin de retrouver M. [A] dans les locaux de la SAS [Y]. L'employeur n'a d'ailleurs pas souhaité accomplir les formalités de déclaration de l'accident du travail à la caisse primaire d'assurance maladie.

Les divers témoignages permettent également de constater que le caractère agressif et bagarreur de Monsieur [A] était connu.

Il ressort également des pièces de la procédure que l'événement dont a été victime Monsieur [H] est à l'origine de l'arrêt de travail, et qu'il a bien pris place sur le lieu et au moment du travail. L'agression s'étant réalisée sur le temps et le lieu de travail de M. [H], a fait naître une crainte légitime pour sa propre santé et son avenir professionnel, ce qui s'est confirmé par la suite puisque M. [H] a été arrêté dès le 8 octobre 2018 pour un «'syndrome anxio dépressif réactionnel suite à une agression » pour une période initiale de trois semaines. L'arrêt de travail a par la suite été prolongé et ce, jusqu'à son licenciement pour inaptitude le 18 juin 2019.

Il ressort des courriers envoyés par M. [H] à son employeur que le salarié voulait légitimement être rassuré par son employeur quant aux mesures prises pour garantir sa sécurité au travail avant d'envisager de reprendre son activité. Il l'a interpellé à ce sujet, notamment par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 26 novembre 2018.

Outre le manque de crédit et de soutien de son employeur dans les premiers jours de l'agression, il ressort des éléments de la procédure que l'employeur de M. [H] n'a pas estimé nécessaire de protéger M. [H] dans le cadre de son éventuel retour sur son lieu de travail. Il n'a en l'espèce ni sanctionné M. [A] ni assuré M. [H] de mesures prises pour éviter qu'il ne se retrouve face à son agresseur sur son lieu de travail. Il ressort en effet des deux courriers en réponse de l'employeur que celui-ci n'a proposé aucune démarche pour protéger M. [H], prenant de surcroît parti pour M. [A] et considérant qu'il n'avait rien à se reprocher. L'employeur a en outre mis près de deux mois pour réagir par écrit, non pas pour contester les violences et l'agression, mais pour se dédouaner de sa responsabilité personnelle.

C'est à tort que la SAS BRETAGNE EMAILLAGE expose que M. [H] a tardé à déclarer l'agression alors qu'il ressort des pièces de la procédure qu'il a, sans délai, informé ses collègues, son employeur, son médecin et la gendarmerie. Il a par ailleurs, en l'absence de déclaration de l'employeur, effectué l'ensemble des démarches auprès de la CPAM.

C'est à bon droit que M. [H] s'est dès lors senti en danger pour son intégrité physique et morale, en l'absence de soutien de son employeur, et à tout le moins en l'absence de mesures prises pour éviter toute réitération de l'agression physique subie.

Par ailleurs, s'il ressort bien des échanges entre M. [H] et son employeur que le salarié avait connaissance du départ en retraite de M. [A], dont l'imminence lui avait été annoncée par courrier du 22 octobre 2018, la SAS BRETAGNE EMAILLAGE ne peut valablement en déduire qu'à compter de cette date, M. [H] savait qu'il pouvait reprendre ses fonctions sans crainte, et qu'un retour en poste, ne le conduisant plus à travailler à proximité de ce salarié de la SAS [Y], était suffisant pour assurer à son salarié qu'il n'y avait plus d'obstacle à la poursuite du contrat de travail, en ce que l'absence de prise de mesures de prévention des risques par la SAS BRETAGNE EMAILLAGE avant le départ en retraite de M. [A] l'exposait à un risque de réitération.

La cour constate à ce titre que la saisine du conseil des prud'hommes en résiliation judiciaire de son contrat de travail est en date du 19 décembre 2018 soit antérieurement au départ en retraite de M. [A].

Il y a lieu dans ces conditions, de constater que les documents versés aux débats permettent d'imputer à la SAS BRETAGNE EMAILLAGE les manquements fautifs constatés par M. [H], et que ceux-ci rendaient impossible la poursuite du contrat de travail, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision entreprise de ce chef.

Le salarié ayant été licencié avant la date du prononcé de la résiliation judiciaire, c'est à la date d'envoi de la notification du licenciement qu'est fixée la prise d'effet de la résiliation judiciaire, soit en l'espèce le 18 juin 2019.

La résiliation étant prononcée aux torts de l'employeur, la rupture produit dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la rupture du contrat aux torts exclusifs de l'employeur

La résiliation judiciaire justifiée par les manquements de l'employeur ouvre droit à toutes les indemnités de rupture.

A la suite de son licenciement survenu le 18 juin 2019, M. [H] a reçu une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de congés payés.

Le salarié est dès lors fondé à solliciter une indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ainsi que des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail équivalent à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- L'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents

Est disposé à l'article L. 1234-1 du code du travail que le salarié qui justifie d'une ancienneté de plus de deux ans, a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire.

En l'espèce, il ressort des bulletins de salaire versés en procédure, et par ailleurs non contestés, que le salaire de M. [H] s'élevait à la somme de 3.245,14 euros. M. [H] se verra ainsi allouer la somme de 3.245,14 € x 2 + 10% correspondant aux congés payés afférents, soit la somme de 6.490,28 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 649 euros de congés payés afférents.

- Sur les dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat à durée indéterminée

Les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l'ancienneté du salarié.

Au jour de son licenciement, M. [H] comptait plus de dix-neuf années complètes d'ancienneté dans l'entreprise qui employait habituellement au moins onze salariés.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, en l'absence de réintégration comme tel est le cas en l'espèce, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre trois mois et quinze mois de salaire brut.

En l'espèce, en invoquant une somme nette de CSG ' CRDS de 48.677,10 euros, M. [H] sollicite des indemnités qui entendent aller au-delà des barèmes, lesquelles sont, exprimées en brut.

En considération de sa situation particulière, notamment de son âge, des circonstances de la rupture, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la SAS BRETAGNE EMAILLAGE à payer à M. [H] la somme de 30.000 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur le licenciement vexatoire

Pour infirmation du jugement, le salarié dit avoir été humilié par le mépris de son employeur.

Pour confirmation, l'employeur considère que le caractère vexatoire du licenciement n'est pas établi, en ce que le licenciement pour inaptitude médicalement constaté n'est en rien vexatoire.

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral, sur le fondement de la responsabilité civile prévue aux articles 1240 et suivants du code civil dans leur version applicable à l'espèce.

En l'espèce, en l'absence de tout élément démontrant un préjudice distinct subi par le salarié que ne réparerait pas l'indemnité allouée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement en ce que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire.

Sur la demande de remise des documents de fin de contrat

Il convient d'ordonner à la S.A.S. BRETAGNE EMAILLAGE de remettre à M. [H] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes aux dispositions du présent arrêt.

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive

La société BRETAGNE EMAILLAGE fait valoir qu'elle a été contrainte de provisionner, durant la totalité de la procédure, les sommes revendiquées par M. [H] dans le cadre de son action, sommes qui auraient pu être affectées à d'autres projets. Elle expose également que l'action de M. [H] a eu pour effet de mobiliser les salariés de la Direction de la Société BRETAGNE EMAILLAGE, contraints de devoir préparer la procédure avec leur conseil, alors qu'ils auraient pu se consacrer à d'autres tâches administratives ou commerciales.

La société BRETAGNE EMAILLAGE sollicite la somme de 46.747,57 € à titre de dommages-intérêts.

L'article 32-1 du code de procédure civile prévoit que « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros ». Ce même article prévoit par ailleurs que la partie défenderesse peut solliciter le versement de

dommages et intérêts du fait de cette action abusive.

Sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil, peuvent être réparés l'ensemble des préjudices subis du fait d'un abus de droit.

Les conséquences d'une action en justice telle que celle-ci, en termes d'organisation pour le défendeur, ne caractérisent pas un abus du requérant.

L'abus du droit d'agir en justice n'étant pas établi en l'espèce, il convient de débouter la société BRETAGNE EMAILLAGE de ce chef de demande.

Sur les intérêts moratoires et l'anatocisme

Les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation à comparaître à l'audience de conciliation.

Les sommes allouées à titre indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter u présent arrêt.

Il n'y a pas lieu de calculer les intérêts sur les sommes en brut.

Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

===

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société, succombant, pour l'essentiel en ses demandes, il convient de rejeter sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, sur le même fondement, la condamner à payer à M. [H] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile de première instance et en cause d'appel et de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR,

STATUANT publiquement et contradictoirement par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ses dispositions sauf en ce qu'il a :

- débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive et vexatoire ;

- débouté M. [H] de sa demande de dommages et intérêts pour compenser la baisse de salaire à compter du 1er novembre 2018 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [H] aux torts de la SAS BRETAGNE EMAILLAGE et dit qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à effet du 18 juin 2019';

CONDAMNE la SAS BRETAGNE EMAILLAGE à verser à M. [H] les sommes suivantes :

- 6.490,28 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 649 euros de congés payés afférents,

- 30.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d'appel,

RAPPELLE que les créances salariales emportent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts, dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à la SAS BRETAGNE EMAILLAGE de remettre à M. [H] une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail ;

DÉBOUTE la SAS BRETAGNE EMAILLAGE de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SAS BRETAGNE EMAILLAGE aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;

DÉBOUTE la SAS BRETAGNE EMAILLAGE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.