Décisions
CA Metz, 1re ch., 30 janvier 2024, n° 21/00767
METZ
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00767 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FOXG
Minute n° 24/00023
[F]
C/
[B], Etablissement Public FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES, Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 12 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/01889
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2024
APPELANT :
Monsieur [T] [F]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [V] [B]
[Adresse 3]
[Localité 13]
Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
Etablissement Public FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES Représenté par son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE, représentée par son repréentant légal
[Adresse 9]
[Localité 4]
Non représentée
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 26 Septembre 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 30 Janvier 2024.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Réputé contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 8 septembre 2017, le tribunal correctionnel de Sarreguemines a :
Requalifié les faits reprochés à M. [T] [F] de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, faits commis le 23 juin 2017 à [Localité 13], en faits de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter ;
Déclaré M. [F] coupable de ces faits et l'a condamné à un emprisonnement délictuel d'un mois ;
Déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [V] [B] au vu de la requalification des faits.
Par actes d'huissiers délivrés le 30 juillet 2019 et le 13 août 2019, M. [B] a fait citer M. [F], la CPAM de la Meurthe et Moselle et le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages (FGAO) devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, au visa notamment de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation, afin principalement de faire déclarer M. [F] seul et unique responsable des faits survenus le 23 juin 2017 et afin de le faire condamner à lui payer la somme totale de 14 110,25 euros correspondant au déficit fonctionnel temporaire pour 1 995 euros, aux souffrances endurées pour 6 000 euros, au préjudice esthétique pour 2 500 euros, au préjudice moral pour 3 000 euros et au préjudice matériel pour 615,25 euros.
M. [F], assigné à domicile et la CPAM de la Meurthe et Moselle, assignée à personne habilitée à recevoir l'acte, n'ont pas constitué avocat.
Le FGAO a constitué avocat, a demandé au tribunal de déclarer irrecevable sa mise en cause et de le faire mettre hors de cause.
Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
Constaté l'intervention volontaire du FGAO ;
Déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017 ;
Condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel ;
Déclaré le présent jugement opposable au FGAO ;
Déclaré le présent jugement commun à la CPAM de la Meurthe et Moselle ;
Condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le tribunal a d'abord considéré que M. [B] ne pouvait pas mettre en cause le FGAO, mais que ce dernier était intervenu à l'instance de sorte que la demande de M. [B] ne peut plus être déclarée irrecevable.
Il a ensuite retenu la responsabilité de M. [F] dans les faits survenus le 23 juin 2017, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et sans qu'aucune faute ne puisse être retenue contre la victime.
Il a ensuite statué sur les différents chefs de préjudice invoqués par M. [B].
Enfin il a considéré que l'accident n'avait pas une origine volontaire et en a déduit qu'il ne relevait pas du FGAO.
Par déclaration d'appel reçue le 26 mars 2021, M. [F] a interjeté appel aux fins de nullité ou appel du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017, condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel, condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel reçue le 27 avril 2021, M. [F] a interjeté appel aux fins de nullité ou appel du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017, condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel, condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire.
Les deux procédures ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction sous le numéro 21/00767 le 6 juillet 2021.
Bien que la déclaration d'appel et les conclusions justificatives d'appel lui aient été signifiées le 29 juin 2021 à personne habilitée, la CPAM de la Meurthe et Moselle n'a pas constitué avocat.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 décembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclarer nulle l'assignation à domicile délivrée au [Adresse 7] à [Localité 13] et déclarer nul le jugement rendu le 12 janvier 2021 ;
Condamner M. [B] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire,
Déclarer que M. [F] n'a aucune responsabilité quant aux blessures alléguées par M. [B] ;
Déclarer inapplicable la loi Badinter du 5 juillet 1985 ;
Débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre encore plus subsidiaire,
Déclarer M. [B] responsable en grande partie de son préjudice et procéder au partage de responsabilités.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour de :
Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017, en ce qu'il a condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [F] à verser à M. [B] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamner aux entiers frais et dépens des deux instances ;
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 15 septembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le FGAO demande à la cour de :
Statuer ce que de droit quant aux appels formés par M. [F] ;
Confirmer le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines ;
Condamner la partie succombante aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la nullité de l'assignation et du jugement
Il résulte des articles 654, 655 et 689 du code de procédure civile que lorsqu'il s'est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice n'est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail, et peut remettre l'acte à domicile (sur ce point voir par exemple Cass. Civ. 2ème, 2 décembre 2021 - n° 19-24.170).
M. [F] soutient la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée le 13 août 2019, et partant la nullité du jugement qui en découle, au motif que cette signification à domicile correspond à une adresse erronée, à savoir le [Adresse 6] à [Localité 13]. Il verse aux débats le contrat de bail qui démontre qu'il dispose d'un logement au [Adresse 2] à [Localité 11] depuis le 21 décembre 2018.
Néanmoins, l'huissier de justice a procédé à la signification de l'acte au [Adresse 6] à [Localité 13], car l'adresse « [Adresse 7] à [Localité 13] » était celle figurant dans la procédure pénale puis dans le jugement correctionnel du 8 septembre 2017, étant observé que M. [F] était présent à cette audience.
Le procès-verbal de signification du 13 août 2019 comporte les mentions suivantes :
« par remise à une personne présente : Mme [C] [X], sa s'ur, à l'adresse indiquée ci-dessus, qui m'a été confirmée par la personne rencontrée [']. Les circonstances suivantes ayant rendu la remise à personne impossible : momentanément absent et travaillant à l'extérieur ».
Dès lors qu'une personne présente au domicile avait confirmé la réalité de l'adresse de M. [F] et l'absence de ce dernier, l'huissier de justice pouvait procéder à une signification à domicile, sans se présenter à nouveau au domicile ni rechercher le lieu de travail du destinataire de l'acte.
Le simple fait que M. [B] ait été en mesure de faire signifier le jugement de première instance, le 23 mars 2021, à M. [F] au [Adresse 2] à [Localité 11] ne démontre pas que M. [B] ou l'huissier de justice avait connaissance de la nouvelle adresse de l'intéressé à la date de délivrance des assignations, dix-huit mois auparavant.
En aucun cas M. [F] ne peut soutenir que de par sa profession de policier, M. [B] avait la possibilité de connaître sa dernière adresse, dès lors que M. [B] ne pouvait consulter des fichiers administratifs à des fins personnelles sans encourir une sanction disciplinaire ou pénale.
Il s'en déduit que l'assignation du 13 août 2019 a été régulièrement signifiée à M. [F].
La cour rejette donc la demande de nullité de l'assignation délivrée le 13 août 2019 à M. [F] et la demande de nullité du jugement du 12 janvier 2021.
II- Sur l'application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 aux faits du 23 juin 2017
Il résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 706-6, R. 50-15 de ce code et 1351, devenu 1355, du code civil que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé.
En outre, les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
Est impliqué, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule qui est intervenu à un titre quelconque dans la survenance de l'accident.
Selon l'article 2 de ladite loi, les débiteurs de l'obligation d'indemnisation des victimes d'un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur sont le conducteur et le gardien du véhicule.
En l'espèce, le tribunal correctionnel a requalifié les faits pour lesquels était poursuivi M. [F], en abandonnant la circonstance aggravante du refus d'obtempérer à savoir « dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité » et de ce fait, la constitution de partie civile de M. [B] a été déclarée irrecevable.
Le fait que M. [F] n'ait pas commis des faits de violences volontaires sur la personne de M. [B] est donc assorti de l'autorité de chose jugée.
Néanmoins, M. [B] est recevable à établir que la responsabilité de M. [F] est susceptible d'être engagée sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 précitée.
Il résulte des éléments versés aux débats, notamment la procédure de flagrance établie par le commissariat de [Localité 12], que le quad en litige, qui est un véhicule terrestre à moteur, circulait sur la voie publique au moment des faits.
Les auditions de témoins établissent que l'accident s'est produit alors que M. [B] essayait d'interpeller M. [F] qui circulait sur son quad, en le ceinturant. M. [F] n'a pas obtempéré, le véhicule a poursuivi son chemin et M. [B] est ensuite retombé sur le sol à plusieurs mètres de sa position initiale, selon les déclarations de son collègue M. [D].
Ainsi le quad conduit par M. [F] au moment des faits est incontestablement impliqué dans l'accident.
Enfin M. [F] n'est pas fondé à invoquer une quelconque faute de M. [B] pour diminuer son droit à indemnisation, dès lors que le fait d'avoir cherché à interpeller M. [F], dans le cadre de ses fonctions de policier municipal, ne peut être considéré comme étant une faute inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.
M. [B] est donc bien fondé à invoquer la responsabilité de M. [F] sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, sans qu'aucune faute ne puisse être retenue contre la victime.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017.
III- Sur les préjudices subis par M. [B]
La victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice sans perte ni profit.
Il lui appartient toutefois de faire la preuve de l'étendue de son préjudice et ce par tout moyen, une expertise judiciaire n'étant pas indispensable.
En l'espèce, M. [B] verse aux débats un certificat médical du 24 juin 2017, le rapport du médecin légiste requis par les enquêteurs, les arrêtés pris par son employeur pour constater ses arrêts de travail ainsi que divers certificats médicaux, devis et facture.
La cour considère qu'elle dispose des éléments nécessaires pour déterminer les préjudices subis par M. [B].
Sur l'imputabilité des préjudices invoqués aux faits du 23 juin 2017
Le certificat médical du 24 juin 2017 qui a fixé à 10 jours l'incapacité temporaire totale de travail de M. [B] mentionne de multiples dermabrasions aux genoux, au coude droit et à la main gauche, un hématome au coude droit et une douleur au poignet et au premier métacarpe du pouce gauche.
M. [B] ayant examiné dans ce service des urgences le 23 juin 2017 à 17h09, ces blessures sont manifestement imputables à l'accident de la circulation survenu le même jour.
Le médecin qui a examiné M. [B] sur réquisitions des policiers le 26 juin 2017 a confirmé les lésions décrites dans ce premier certificat médical mais y a ajouté :
Un volumineux épanchement du coude droit ;
Présence d'une plaie de type dermabrasive sur ce coude ;
Une plaie de type coupure à la face pulpaire de l'index droit ;
Des dermabrasions multiples de la face palmaire de la main gauche avec présence d'une ecchymose et d'un 'dème net de l'éminence thénar, ainsi qu'une limitation des mouvements du pouce, ainsi qu'une plaie du bord externe du 5ème doigt ;
Des douleurs scapulaires bilatérales à prédominance postérieure avec limitation de l'abduction à 110 degrés au niveau des deux épaules ;
Une contusion thoracique qui s'étend de la 8ème à la 12ème côte droite au niveau de l'arc moyen ;
une ecchymose de 8 centimètres de diamètre sur la face antérieure du genou droit avec présence d'un épanchement prérotulien.
En conséquence, ce médecin a porté à quinze jours la durée de l'incapacité temporaire totale de travail de M. [B].
M. [B] verse aussi un compte-rendu d'intervention chirurgicale portant sur l'hygroma au coude droit, le 5 septembre 2017.
Ces documents médicaux suffisent à faire la preuve de l'imputabilité des lésions décrites à l'accident de la circulation du 23 juin 2017, les allégations de M. [F] selon lesquelles M. [B] ne pourrait souffrir que de blessures légères vu la faible gravité de sa chute étant inopérantes.
Sur la gêne temporaire partielle
Il s'agit d'indemniser la perte de qualité de vie subie en raison de l'accident.
M. [B] verse aux débats les arrêtés du maire de [Localité 13] ainsi que des arrêts de travail et justifie du fait qu'il a bénéficié d'un arrêt de travail avec prolongations entre le 23 juin 2017 et le 2 octobre 2017.
Il demande la confirmation de la décision de première instance lui ayant octroyé la somme de 560 euros au titre d'une indemnisation calculée sur la base de la moitié du SMIC soit 25 euros par jour, avec un déficit fonctionnel temporaire partielle de 40% entre le 23 juin 2017 et le 2 juillet 2017 et de 20% entre le 3 juillet 2017 et le 2 octobre 2017.
La cour rappelle que durant cette période, M. [B] a fait l'objet d'une intervention chirurgicale en raison de l'hygroma au coude droit imputable aux faits du 23 juin 2017.
Au vu des explications des parties et des pièces produites, le poste déficit fonctionnel temporaire sera fixé à la somme de 560 euros.
Sur les souffrances endurées
Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.
M. [B] demande également la confirmation du premier jugement, qui lui a alloué la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées.
Lors des faits M. [B] a été projeté à terre et a souffert de multiples dermabrasions et plaies.
Il a aussi souffert d'une inflammation au coude qui a nécessité une intervention chirurgicale.
Les circonstances de son accident étaient particulièrement anxiogènes.
Enfin il sera relevé que la somme de 3 000 euros correspond habituellement aux sommes allouées aux souffrances endurées fixées à 2 sur une échelle de 1 à 7.
Ce poste de préjudice sera donc fixé à la somme de 3 000 euros.
Sur le préjudice esthétique
Les éléments versés aux débats ainsi que les explications des parties ne permettent pas de caractériser chez M. [B] un préjudice esthétique, lequel préjudice ne peut pas être établi par la seule présence des coupures, dermabrasions, inflammation et hématomes.
En conséquence, ce poste de préjudice sera écarté.
Sur le préjudice matériel
M. [B] demande la confirmation de la décision de première instance qui lui a alloué la somme de 307,86 euros en raison de ses lunettes cassées.
La plainte déposée fait effectivement état de la dégradation de ses lunettes.
Pour autant, la facture d'optique qu'il verse aux débats est datée du 26 novembre 2016 c'est-à-dire avant les faits en litige.
Aucun relevé des prestations n'est versé aux débats, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer la part des frais d'optique éventuellement pris en charge par la Sécurité sociale ou l'organisme complémentaire de M. [B].
En conséquence, la cour écarte toute demande au titre du préjudice matériel.
En définitive, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [F] à payer à M. [B] la somme de 307,86 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique, le confirme en ce qu'il a condamné M. [F] à payer à M. [B] la somme de 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées et statuant à nouveau, rejette la demande de M. [B] au titre du préjudice matériel et au titre du préjudice esthétique.
IV- Sur les dépens, les frais irrépétibles et les demandes diverses
Aucune des parties ne soutient devant la cour la moindre demande à l'égard du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause le FGAO et en ce qu'il a déclaré le jugement commun à la CPAM de la Meurthe et Moselle.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [F] qui succombe partiellement sera condamné aux dépens de l'appel.
Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait droit aux prétentions en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de nullité de l'assignation délivrée le 13 août 2019 à M. [T] [F] et la demande de nullité du jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines ;
Infirme le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines en ce qu'il a condamné M. [T] [F] à payer à M. [V] [B] la somme de 307,86 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique, le confirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes de M. [V] [B] au titre du préjudice esthétique et du préjudice matériel ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [F] aux dépens de l'appel ;
Rejette les prétentions en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de la Meurthe et Moselle ;
La Greffière La Présidente de chambre
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 21/00767 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FOXG
Minute n° 24/00023
[F]
C/
[B], Etablissement Public FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES, Caisse CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE
Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 12 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/01889
COUR D'APPEL DE METZ
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 30 JANVIER 2024
APPELANT :
Monsieur [T] [F]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Elise SEBBAN, avocat au barreau de METZ
INTIMÉS :
Monsieur [V] [B]
[Adresse 3]
[Localité 13]
Représenté par Me François RIGO, avocat au barreau de METZ
Etablissement Public FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE D OMMAGES Représenté par son représentant légal
[Adresse 8]
[Localité 10]
Représentée par Me Hervé HAXAIRE, avocat au barreau de METZ
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE MEURTHE ET MOSELLE, représentée par son repréentant légal
[Adresse 9]
[Localité 4]
Non représentée
DATE DES DÉBATS : A l'audience publique du 26 Septembre 2023 tenue par Madame Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 30 Janvier 2024.
GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Jocelyne WILD
COMPOSITION DE LA COUR :
PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre
ASSESSEURS : Mme FOURNEL,Conseillère
Mme BIRONNEAU, Conseillère
ARRÊT : Réputé contradictoire
Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement du 8 septembre 2017, le tribunal correctionnel de Sarreguemines a :
Requalifié les faits reprochés à M. [T] [F] de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité, faits commis le 23 juin 2017 à [Localité 13], en faits de refus par le conducteur d'un véhicule d'obtempérer à une sommation de s'arrêter ;
Déclaré M. [F] coupable de ces faits et l'a condamné à un emprisonnement délictuel d'un mois ;
Déclaré irrecevable la constitution de partie civile de M. [V] [B] au vu de la requalification des faits.
Par actes d'huissiers délivrés le 30 juillet 2019 et le 13 août 2019, M. [B] a fait citer M. [F], la CPAM de la Meurthe et Moselle et le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages (FGAO) devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines, au visa notamment de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation, afin principalement de faire déclarer M. [F] seul et unique responsable des faits survenus le 23 juin 2017 et afin de le faire condamner à lui payer la somme totale de 14 110,25 euros correspondant au déficit fonctionnel temporaire pour 1 995 euros, aux souffrances endurées pour 6 000 euros, au préjudice esthétique pour 2 500 euros, au préjudice moral pour 3 000 euros et au préjudice matériel pour 615,25 euros.
M. [F], assigné à domicile et la CPAM de la Meurthe et Moselle, assignée à personne habilitée à recevoir l'acte, n'ont pas constitué avocat.
Le FGAO a constitué avocat, a demandé au tribunal de déclarer irrecevable sa mise en cause et de le faire mettre hors de cause.
Par jugement du 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :
Constaté l'intervention volontaire du FGAO ;
Déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017 ;
Condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel ;
Déclaré le présent jugement opposable au FGAO ;
Déclaré le présent jugement commun à la CPAM de la Meurthe et Moselle ;
Condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Ordonné l'exécution provisoire de la décision ;
Débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Le tribunal a d'abord considéré que M. [B] ne pouvait pas mettre en cause le FGAO, mais que ce dernier était intervenu à l'instance de sorte que la demande de M. [B] ne peut plus être déclarée irrecevable.
Il a ensuite retenu la responsabilité de M. [F] dans les faits survenus le 23 juin 2017, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et sans qu'aucune faute ne puisse être retenue contre la victime.
Il a ensuite statué sur les différents chefs de préjudice invoqués par M. [B].
Enfin il a considéré que l'accident n'avait pas une origine volontaire et en a déduit qu'il ne relevait pas du FGAO.
Par déclaration d'appel reçue le 26 mars 2021, M. [F] a interjeté appel aux fins de nullité ou appel du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017, condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel, condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration d'appel reçue le 27 avril 2021, M. [F] a interjeté appel aux fins de nullité ou appel du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017, condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel, condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire.
Les deux procédures ont fait l'objet d'une ordonnance de jonction sous le numéro 21/00767 le 6 juillet 2021.
Bien que la déclaration d'appel et les conclusions justificatives d'appel lui aient été signifiées le 29 juin 2021 à personne habilitée, la CPAM de la Meurthe et Moselle n'a pas constitué avocat.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 décembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [F] demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
Déclarer nulle l'assignation à domicile délivrée au [Adresse 7] à [Localité 13] et déclarer nul le jugement rendu le 12 janvier 2021 ;
Condamner M. [B] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire,
Déclarer que M. [F] n'a aucune responsabilité quant aux blessures alléguées par M. [B] ;
Déclarer inapplicable la loi Badinter du 5 juillet 1985 ;
Débouter M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre encore plus subsidiaire,
Déclarer M. [B] responsable en grande partie de son préjudice et procéder au partage de responsabilités.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 12 septembre 2022, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [B] demande à la cour de :
Débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017, en ce qu'il a condamné M. [F] à payer à M. [B] les sommes suivantes : 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 3 000 euros au titre des souffrances endurées, 500 euros au titre du préjudice esthétique, 307,86 euros au titre du préjudice matériel, la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamner M. [F] à verser à M. [B] une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Le condamner aux entiers frais et dépens des deux instances ;
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe le 15 septembre 2021, auxquelles il sera expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, le FGAO demande à la cour de :
Statuer ce que de droit quant aux appels formés par M. [F] ;
Confirmer le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines ;
Condamner la partie succombante aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la nullité de l'assignation et du jugement
Il résulte des articles 654, 655 et 689 du code de procédure civile que lorsqu'il s'est assuré de la réalité du domicile du destinataire de l'acte et que celui-ci est absent, l'huissier de justice n'est pas tenu de tenter une signification à personne sur son lieu de travail, et peut remettre l'acte à domicile (sur ce point voir par exemple Cass. Civ. 2ème, 2 décembre 2021 - n° 19-24.170).
M. [F] soutient la nullité de l'assignation qui lui a été délivrée le 13 août 2019, et partant la nullité du jugement qui en découle, au motif que cette signification à domicile correspond à une adresse erronée, à savoir le [Adresse 6] à [Localité 13]. Il verse aux débats le contrat de bail qui démontre qu'il dispose d'un logement au [Adresse 2] à [Localité 11] depuis le 21 décembre 2018.
Néanmoins, l'huissier de justice a procédé à la signification de l'acte au [Adresse 6] à [Localité 13], car l'adresse « [Adresse 7] à [Localité 13] » était celle figurant dans la procédure pénale puis dans le jugement correctionnel du 8 septembre 2017, étant observé que M. [F] était présent à cette audience.
Le procès-verbal de signification du 13 août 2019 comporte les mentions suivantes :
« par remise à une personne présente : Mme [C] [X], sa s'ur, à l'adresse indiquée ci-dessus, qui m'a été confirmée par la personne rencontrée [']. Les circonstances suivantes ayant rendu la remise à personne impossible : momentanément absent et travaillant à l'extérieur ».
Dès lors qu'une personne présente au domicile avait confirmé la réalité de l'adresse de M. [F] et l'absence de ce dernier, l'huissier de justice pouvait procéder à une signification à domicile, sans se présenter à nouveau au domicile ni rechercher le lieu de travail du destinataire de l'acte.
Le simple fait que M. [B] ait été en mesure de faire signifier le jugement de première instance, le 23 mars 2021, à M. [F] au [Adresse 2] à [Localité 11] ne démontre pas que M. [B] ou l'huissier de justice avait connaissance de la nouvelle adresse de l'intéressé à la date de délivrance des assignations, dix-huit mois auparavant.
En aucun cas M. [F] ne peut soutenir que de par sa profession de policier, M. [B] avait la possibilité de connaître sa dernière adresse, dès lors que M. [B] ne pouvait consulter des fichiers administratifs à des fins personnelles sans encourir une sanction disciplinaire ou pénale.
Il s'en déduit que l'assignation du 13 août 2019 a été régulièrement signifiée à M. [F].
La cour rejette donc la demande de nullité de l'assignation délivrée le 13 août 2019 à M. [F] et la demande de nullité du jugement du 12 janvier 2021.
II- Sur l'application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 aux faits du 23 juin 2017
Il résulte de l'article 706-3 du code de procédure pénale, ensemble les articles 706-6, R. 50-15 de ce code et 1351, devenu 1355, du code civil que les décisions pénales ont au civil autorité absolue à l'égard de tous en ce qui concerne ce qui a été jugé quant à l'existence du fait incriminé et la culpabilité de celui auquel le fait est imputé.
En outre, les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
Est impliqué, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule qui est intervenu à un titre quelconque dans la survenance de l'accident.
Selon l'article 2 de ladite loi, les débiteurs de l'obligation d'indemnisation des victimes d'un accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur sont le conducteur et le gardien du véhicule.
En l'espèce, le tribunal correctionnel a requalifié les faits pour lesquels était poursuivi M. [F], en abandonnant la circonstance aggravante du refus d'obtempérer à savoir « dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou d'infirmité » et de ce fait, la constitution de partie civile de M. [B] a été déclarée irrecevable.
Le fait que M. [F] n'ait pas commis des faits de violences volontaires sur la personne de M. [B] est donc assorti de l'autorité de chose jugée.
Néanmoins, M. [B] est recevable à établir que la responsabilité de M. [F] est susceptible d'être engagée sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 précitée.
Il résulte des éléments versés aux débats, notamment la procédure de flagrance établie par le commissariat de [Localité 12], que le quad en litige, qui est un véhicule terrestre à moteur, circulait sur la voie publique au moment des faits.
Les auditions de témoins établissent que l'accident s'est produit alors que M. [B] essayait d'interpeller M. [F] qui circulait sur son quad, en le ceinturant. M. [F] n'a pas obtempéré, le véhicule a poursuivi son chemin et M. [B] est ensuite retombé sur le sol à plusieurs mètres de sa position initiale, selon les déclarations de son collègue M. [D].
Ainsi le quad conduit par M. [F] au moment des faits est incontestablement impliqué dans l'accident.
Enfin M. [F] n'est pas fondé à invoquer une quelconque faute de M. [B] pour diminuer son droit à indemnisation, dès lors que le fait d'avoir cherché à interpeller M. [F], dans le cadre de ses fonctions de policier municipal, ne peut être considéré comme étant une faute inexcusable au sens de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985.
M. [B] est donc bien fondé à invoquer la responsabilité de M. [F] sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, sans qu'aucune faute ne puisse être retenue contre la victime.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. [F] entièrement responsable du préjudice subi par M. [B] en raison de l'accident de la circulation du 23 juin 2017.
III- Sur les préjudices subis par M. [B]
La victime a droit à la réparation intégrale de son préjudice sans perte ni profit.
Il lui appartient toutefois de faire la preuve de l'étendue de son préjudice et ce par tout moyen, une expertise judiciaire n'étant pas indispensable.
En l'espèce, M. [B] verse aux débats un certificat médical du 24 juin 2017, le rapport du médecin légiste requis par les enquêteurs, les arrêtés pris par son employeur pour constater ses arrêts de travail ainsi que divers certificats médicaux, devis et facture.
La cour considère qu'elle dispose des éléments nécessaires pour déterminer les préjudices subis par M. [B].
Sur l'imputabilité des préjudices invoqués aux faits du 23 juin 2017
Le certificat médical du 24 juin 2017 qui a fixé à 10 jours l'incapacité temporaire totale de travail de M. [B] mentionne de multiples dermabrasions aux genoux, au coude droit et à la main gauche, un hématome au coude droit et une douleur au poignet et au premier métacarpe du pouce gauche.
M. [B] ayant examiné dans ce service des urgences le 23 juin 2017 à 17h09, ces blessures sont manifestement imputables à l'accident de la circulation survenu le même jour.
Le médecin qui a examiné M. [B] sur réquisitions des policiers le 26 juin 2017 a confirmé les lésions décrites dans ce premier certificat médical mais y a ajouté :
Un volumineux épanchement du coude droit ;
Présence d'une plaie de type dermabrasive sur ce coude ;
Une plaie de type coupure à la face pulpaire de l'index droit ;
Des dermabrasions multiples de la face palmaire de la main gauche avec présence d'une ecchymose et d'un 'dème net de l'éminence thénar, ainsi qu'une limitation des mouvements du pouce, ainsi qu'une plaie du bord externe du 5ème doigt ;
Des douleurs scapulaires bilatérales à prédominance postérieure avec limitation de l'abduction à 110 degrés au niveau des deux épaules ;
Une contusion thoracique qui s'étend de la 8ème à la 12ème côte droite au niveau de l'arc moyen ;
une ecchymose de 8 centimètres de diamètre sur la face antérieure du genou droit avec présence d'un épanchement prérotulien.
En conséquence, ce médecin a porté à quinze jours la durée de l'incapacité temporaire totale de travail de M. [B].
M. [B] verse aussi un compte-rendu d'intervention chirurgicale portant sur l'hygroma au coude droit, le 5 septembre 2017.
Ces documents médicaux suffisent à faire la preuve de l'imputabilité des lésions décrites à l'accident de la circulation du 23 juin 2017, les allégations de M. [F] selon lesquelles M. [B] ne pourrait souffrir que de blessures légères vu la faible gravité de sa chute étant inopérantes.
Sur la gêne temporaire partielle
Il s'agit d'indemniser la perte de qualité de vie subie en raison de l'accident.
M. [B] verse aux débats les arrêtés du maire de [Localité 13] ainsi que des arrêts de travail et justifie du fait qu'il a bénéficié d'un arrêt de travail avec prolongations entre le 23 juin 2017 et le 2 octobre 2017.
Il demande la confirmation de la décision de première instance lui ayant octroyé la somme de 560 euros au titre d'une indemnisation calculée sur la base de la moitié du SMIC soit 25 euros par jour, avec un déficit fonctionnel temporaire partielle de 40% entre le 23 juin 2017 et le 2 juillet 2017 et de 20% entre le 3 juillet 2017 et le 2 octobre 2017.
La cour rappelle que durant cette période, M. [B] a fait l'objet d'une intervention chirurgicale en raison de l'hygroma au coude droit imputable aux faits du 23 juin 2017.
Au vu des explications des parties et des pièces produites, le poste déficit fonctionnel temporaire sera fixé à la somme de 560 euros.
Sur les souffrances endurées
Il s'agit d'indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation.
M. [B] demande également la confirmation du premier jugement, qui lui a alloué la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées.
Lors des faits M. [B] a été projeté à terre et a souffert de multiples dermabrasions et plaies.
Il a aussi souffert d'une inflammation au coude qui a nécessité une intervention chirurgicale.
Les circonstances de son accident étaient particulièrement anxiogènes.
Enfin il sera relevé que la somme de 3 000 euros correspond habituellement aux sommes allouées aux souffrances endurées fixées à 2 sur une échelle de 1 à 7.
Ce poste de préjudice sera donc fixé à la somme de 3 000 euros.
Sur le préjudice esthétique
Les éléments versés aux débats ainsi que les explications des parties ne permettent pas de caractériser chez M. [B] un préjudice esthétique, lequel préjudice ne peut pas être établi par la seule présence des coupures, dermabrasions, inflammation et hématomes.
En conséquence, ce poste de préjudice sera écarté.
Sur le préjudice matériel
M. [B] demande la confirmation de la décision de première instance qui lui a alloué la somme de 307,86 euros en raison de ses lunettes cassées.
La plainte déposée fait effectivement état de la dégradation de ses lunettes.
Pour autant, la facture d'optique qu'il verse aux débats est datée du 26 novembre 2016 c'est-à-dire avant les faits en litige.
Aucun relevé des prestations n'est versé aux débats, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer la part des frais d'optique éventuellement pris en charge par la Sécurité sociale ou l'organisme complémentaire de M. [B].
En conséquence, la cour écarte toute demande au titre du préjudice matériel.
En définitive, la cour infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [F] à payer à M. [B] la somme de 307,86 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique, le confirme en ce qu'il a condamné M. [F] à payer à M. [B] la somme de 560 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et la somme de 3 000 euros au titre des souffrances endurées et statuant à nouveau, rejette la demande de M. [B] au titre du préjudice matériel et au titre du préjudice esthétique.
IV- Sur les dépens, les frais irrépétibles et les demandes diverses
Aucune des parties ne soutient devant la cour la moindre demande à l'égard du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
La cour confirme donc le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause le FGAO et en ce qu'il a déclaré le jugement commun à la CPAM de la Meurthe et Moselle.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné M. [F] aux entiers dépens et à payer à M. [B] la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. [F] qui succombe partiellement sera condamné aux dépens de l'appel.
Aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait droit aux prétentions en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette la demande de nullité de l'assignation délivrée le 13 août 2019 à M. [T] [F] et la demande de nullité du jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines ;
Infirme le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Sarreguemines en ce qu'il a condamné M. [T] [F] à payer à M. [V] [B] la somme de 307,86 euros au titre du préjudice matériel et la somme de 500 euros au titre du préjudice esthétique, le confirme en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes de M. [V] [B] au titre du préjudice esthétique et du préjudice matériel ;
Y ajoutant,
Condamne M. [T] [F] aux dépens de l'appel ;
Rejette les prétentions en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare le présent arrêt commun à la CPAM de la Meurthe et Moselle ;
La Greffière La Présidente de chambre