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Décisions

CA Besançon, 1re ch., 25 janvier 2024, n° 22/01456

BESANÇON

Arrêt

Autre

CA Besançon n° 22/01456

25 janvier 2024

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

BM/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 22/01456 - N° Portalis DBVG-V-B7G-ERVN

COUR D'APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

Décision déférée à la Cour : jugement du 07 juin 2022 - RG N°19/02216 - TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE BESANCON

Code affaire : 64B - Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels

COMPOSITION DE LA COUR :

Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller,

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés devant Madame Bénédicte Manteaux, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

LORS DU DELIBERE :

Madame Bénédicte Manteaux, conseiller, a rendu compte conformément à l'article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur Michel Wachter, Président de chambre et Monsieur Cédric Saunier, conseiller.

L'affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [L] [X]

né le [Date naissance 2] 1998 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant Chez Mr [X] [B] - [Adresse 3]

Représenté par Me Christine PILLOT-QUENOT, avocat au barreau de BESANCON

ET :

INTIMÉ

Monsieur [N] [C]

né le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 5], de nationalité française,

demeurant [Adresse 4]

Représenté par Me Denis LEROUX de la SELARL LEROUX ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bénédicte MANTEAUX, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Exposé des faits et de la procédure

Durant la nuit du 30 avril au 1er mai 2016, au cours d'une bagarre au sein de la discothèque des Fins (25), M. [N] [C] a été blessé d'une profonde entaille au niveau de la joue gauche ayant nécessité une suture de la plaie le jour des faits, par un verre cassé.

Le 2 mai 2016, M. [C] a déposé plainte à l'encontre de M. [L] [X] ; après enquête, cette plainte a fait l'objet d'un rappel à la loi de la part du procureur de la République de Besançon avant classement sans suite.

M. [C] a saisi, par assignation délivrée le 17 octobre 2019 à M. [X], le tribunal judiciaire en vue d'être indemnisé de son préjudice corporel. Par décision du 13 juillet 2020, le juge de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise ; le rapport déposé le 7 juin 2021 par le Docteur [T] évalue les différents postes de préjudice de la façon suivante :

- absence de déficit fonctionnel temporaire total

- déficit fonctionnel temporaire partiel du 1er mai au 1er juin 2016 à un taux de 25 %

- déficit fonctionnel temporaire partiel du 2 juin au 21 juin 2016 à un taux de 10 %

- déficit fonctionnel temporaire partiel du 22 juin jusqu'au jour de la consolidation à un

taux de 5%

- déficit fonctionnel permanent de 3 %

- pas d'incidence professionnelle

- consolidation au 16 janvier 2020

- souffrances endurées : 1/7

- préjudice esthétique avant consolidation : 3/7

- préjudice esthétique définitif : 2/7

- pas de préjudice d'agrément

- l'aide d'une tierce personne, un aménagement du logement ou du véhicule ne seront

pas nécessaires

- pas de préjudice sexuel

- pas de préjudice d'établissement.

Le tribunal judiciaire de Besançon a, par jugement rendu le 7 juin 2022 :

- condamné M. [X] à payer à M. [C] les sommes suivantes :

au titre des frais médicaux restés à charge : la somme de 117,93 euros

au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel : la somme de 1 876,25 euros

au titre du déficit fonctionnel permanent : la somme de 5 880 euros

au titre des souffrances endurées : la somme de 2 000 euros

au titre du préjudice esthétique : la somme de 5 000 euros

- condamné M. [X] à payer à M. [C] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [X] aux dépens.

Pour parvenir à cette décision, le premier juge a considéré que la responsabilité civile de M. [X], qui n'est pas conditionnée par la commission d'une infraction pénale, ni par une déclaration formelle de culpabilité pénale, ni par l'existence d'une intention de nuire et qui est établie par le rapport du délégué du procureur de la République, était engagée et qu'il devait indemniser la victime de son entier préjudice en lien direct avec les faits.

Par déclaration parvenue au greffe le 14 septembre 2022, M. [X] a régulièrement interjeté appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

L'ordonnance de clôture a été rendue le et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 novembre 2023 et mise en délibéré au 25 janvier 2024.

Exposé des prétentions et moyens des parties

Selon conclusions transmises le 9 décembre 2022, M. [X] demande à la cour de :

> à titre principal :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité civile de M. [X], et l'a condamné à indemniser M. [C] de son préjudice matériel et corporel, et, statuant à nouveau :

- juger que M. [X] n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile à l'égard de M. [C] ;

- le débouter de toutes ses demandes contraires ;

- le condamner à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise ;

> à titre subsidiaire :

- réformer le jugement en ce qu'il a retenu l'entière responsabilité civile de M. [X], et en ce qui concerne ses dispositions qui le condamnent M. [X] à payer à M. [C] :

. au titre des souffrances endurées : la somme de 2 000 euros

. au titre du préjudice esthétique : la somme de 5 000 euros

. la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau sur ces chefs :

- juger que la faute que M. [C] a commise l'exonère partiellement de sa responsabilité ;

- réduire les sommes accordées à M. [C] à titre d'indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;

> à titre infiniment subsidiaire, si un partage de responsabilité n'était pas appliqué :

- réformer le jugement concernant ses dispositions qui le condamnent à payer à M. [C] :

. au titre des souffrances endurées : la somme de 2 000 euros

. au titre du préjudice esthétique : la somme de 5 000 euros

. la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

et, statuant à nouveau sur ces chefs :

- réduire les sommes accordées à M. [C] au titre de l'indemnisation des souffrances endurées et du préjudice esthétique ;

> en tout état de cause :

- condamner M. [C] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Il fait valoir que :

- la preuve n'est pas rapportée qu'il aurait commis une faute civile susceptible d'engager sa responsabilité et qu'en tout état de cause, à aucun moment, il n'a voulu blesser M. [C] ;

- à titre subsidiaire, si la cour retient cependant sa responsabilité, la faute de M. [C] qui s'en est pris en premier à lui l'exonère au moins partiellement de cette responsabilité.

M. [C] a répliqué par conclusions transmises le 7 mars 2023 pour demander à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et condamner l'appelant à lui verser 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Il expose que M. [X] a formellement reconnu les faits, sans aucune ambiguïté dans ses déclarations, que son geste soit intentionnel ou non ; il conteste avoir eu des gestes ou une attitude à l'égard de M. [X] qui auraient été à l'origine du geste de violence que ce dernier a porté contre lui.

Pour l'exposé complet des moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

- Sur la responsabilité de M. [X] :

Par des motifs pertinents que la cour reprend à son compte, le premier juge a justement retenu, au visa des articles 1382 et 1383 du code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, que M. [X] avait engagé sa responsabilité dans le préjudice subi par M. [X] à la suite des blessures résultant de son fait.

Il appartient à M. [X], qui se prévaut d'une faute de la victime d'en administrer la preuve, ce en quoi il échoue, les auditions de l'enquête pénale ne permettant pas d'établir les circonstances ayant amené M. [X] à donner à M. [C] un coup avec son verre.

Dès lors, la cour confirme la décision du tribunal qui a déclaré M. [X] entièrement responsable du préjudice subi par M. [C], et complète le jugement qui, s'il en a décidé dans son exposé des motifs et implicitement dans son dispositif, a omis de le préciser dans celui-ci.

- Sur le montant des indemnités :

Au titre de l'indemnisation de ses préjudices au terme de ses conclusions, M. [X] ne sollicite l'infirmation que du montant pour les indemnités accordées en première instance au titre des souffrances endurées (qui avaient été fixées à 2 000 euros) et du préjudice esthétique (5 000 euros).

Pour le préjudice au titre des souffrances endurées, il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant le fait traumatique et jusqu'à la consolidation ; après consolidation, s'il subsiste des souffrances permanentes, elles relèvent du déficit fonctionnel permanent qui a été fixé à 3 % dans le jugement en tenant compte, sur la base de l'expertise, des douleurs cicatricielles, et qui n'est pas contesté.

Concernant les souffrances antérieures à la consolidation, l'expert les a évaluées à 1/7 en prenant en compte les soins (suture sur le visage de 10 points internes et 18 points externes) et le retentissement psychologique.

Au vu des éléments communiqués, le tribunal a fait une juste appréciation du montant d'indemnisation fixé à 2 000 euros et la cour confirme ce chef du jugement.

Le préjudice esthétique a été évalué par l'expert à 3/7 pour le préjudice temporaire et à 2/7 pour le préjudice permanent, rappelant que la cicatrice se situait sur l'hémiface gauche mais ne présentait pas de caractère disgracieux.

Au vu des certificats médiaux et des photographies versées au dossier, la cour évalue à 3 000 euros le préjudice esthétique temporaire.

S'agissant d'une cicatrice rosée mesurant 6 cm sur 0,5 cm de large allant du bas de l'oreille vers l'oeil chez un jeune homme âgé de 24 ans à la date de consolidation, la cour évalue à 2 000 euros le préjudice esthétique permanent.

La cour confirme donc le montant global de l'indemnisation du préjudice esthétique fixé à 5 000 euros par le juge de première instance.

Dispositif : Par ces motifs,

La cour, statuant contradictoirement, après débats en audience publique :

Complète le jugement rendu entre les parties le 7 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Besançon en disant M. [L] [X] entièrement responsable du préjudice subi par M. [N] [C] à la suite des blessures qui lui ont été infligées le 1er mai 2016 ;

Confirme le jugement ainsi complété en toutes ses dispositions ;

Condamne M. [L] [X] aux dépens d'appel ;

Et, vu l'article 700 du code de procédure civile, déboute M. [L] [X] de sa demande et le condamne à payer à M. [N] [C] la somme de 2 000 euros.

Ledit arrêt a été signé par M. Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant participé au délibéré, et par Mme Fabienne Arnoux, greffier.

Le greffier Le président