Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 23 janvier 2024, n° 20/18791
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 23 JANVIER 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18791
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 19/13947
APPELANTE
Madame [I] [U]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Marie D'HARCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : D2059
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
INTIME
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Cyril FERGON de la SELAS ARCO - LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J135
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public le 03 février 2021, qui a fait connaître son avis le 29 septembre 2023.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Le 22 mai 2017, Mme [I] [U], chargée de recherche en biologie, a déposé plainte auprès du parquet de Bordeaux pour des faits de harcèlement moral subis entre 2009 et 2017 sur son lieu de travail, l'INRA de [Localité 6] puis l'INRA de [Localité 5].
L'enquête confiée à la police judiciaire a été clôturée le 1er octobre 2018. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux a classé sans suite la plainte le 12 novembre 2018 pour le motif d'infraction insuffisamment caractérisée.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 26 novembre 2019, Mme [U] a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire aux fins de voir engager la responsabilité du service public de la justice pour faute lourde.
Par jugement rendu le 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris :
- a débouté Mme [U] de ses demandes,
- l'a condamnée aux dépens,
- a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 21 décembre 2020, Mme [U] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 9 août 2021, Mme [I] [U] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
en conséquence,
- condamner l'agent judiciaire de l'Etat à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi,
- condamner l'agent judiciaire du Trésor (sic) au paiement d'une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'agent judiciaire de l'Etat en tous les dépens dont distraction est requise au profit de Me Marie d'Harcourt, avocat aux offres de droit.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 mai 2021, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement,
- débouter Mme [U] de toutes demandes indemnitaires, fins et prétentions à son encontre,
- condamner Mme [U] au règlement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [U] aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires ainsi que celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon avis notifié le 29 septembre 2023, le procureur général est favorable à la confirmation du jugement.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 octobre 2023.
SUR CE
Sur la responsabilité de l'Etat :
Le tribunal a jugé que Mme [U] n'ayant ni contesté la décision de classement sans suite auprès du procureur général près la cour d'appel de Bordeaux sur le fondement de l'article 40-3 du code de procédure pénale, ni déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction en vertu de l'article 85 du même code, s'est abstenue d'exercer les voies de recours et n'a pas permis au service public de la justice de remédier aux dysfonctionnements qu'elle allègue. Il a retenu qu'il n'était en conséquence démontré aucune faute lourde du service public de la justice, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la caractérisation de dysfonctionnements.
Mme [U] fait valoir que :
- le tribunal a fait une appréciation inexacte des fautes reprochées au service public dès lors que la faute lourde du service public alléguée n'est pas cantonnée au classement sans suite mais à d'autres erreurs dont le cumul traduit l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il était investi,
- en premier lieu, l'officier de police judiciaire a considéré à tort que les faits commis avant le 2 mai 2021 étaient prescrits en retenant comme point de départ de la prescription la date du dépôt de plainte, alors que le délai de prescription pour une infraction continue court à compter du dernier jour où celle-ci à été commise et que les faits de harcèlement subis perdurent,
- en deuxième lieu, des pièces importantes confiées à l'officier de police judiciaire ont disparu et des parties en cause au cours de l'enquête préliminaire ont été avisées, avant leur convocation, du contenu du dossier en violation des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, et ont pu ainsi préparer leur audition et obtenir leur mise hors de cause, une telle information se distinguant de la communication des charges pesant sur une personne en application de l'article 61-1 du code de procédure pénale,
- en troisième lieu, de nombreux éléments apportés par ses soins n'ont pas été pris en compte, aucune confrontation n'a été organisée, l'enquête a été menée à décharge et l'officier de police judiciaire a refusé d'interroger certains agents de l'INRA ou de l'Université de [Localité 5] sur les conseils de la partie mise en cause,
- en quatrième lieu, le rapport de l'officier de police judiciaire du 1er février 2018 mentionnant des faits qui ont eu lieu le 2 juillet 2018 est tronqué et n'est pas utilement complété par le rapport du 10 septembre 2018 qu'invoque l'agent judiciaire de l'Etat,
- il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir exercé les voies de recours alors que les erreurs procédurales commises par l'officier de police judiciaire ont eu un caractère irrémédiable et par voie de conséquence, sont non réparables, et qu'il était vain de poursuivre un projet procédural manifestement voué à l'échec.
L'agent judiciaire de l'Etat réplique que la responsabilité du service public de la justice ne saurait être engagée en ce que :
- l'infraction de harcèlement moral étant une infraction continue, le délai de prescription court non pas à compter de la date de sa commission mais du dernier jour où cette infraction a été commise, soit à compter du jour du dépôt de plainte, mais cette appréciation ne concernait que l'infraction de harcèlement moral, qui est une infraction spécifique s'inscrivant dans une procédure complexe, les autres chefs de plainte étant prescrits,
- l'appréciation de la prescription par l'officier de police judiciaire n'a nullement empêché la réalisation de nombreux actes d'enquête, notamment des auditions, et il n'est justifié aucune carence ou négligence de l'enquête, étant souligné que les officiers de police judiciaire, sous ordre du procureur de la République, apprécient souverainement les actes qu'ils jugent utiles à la manifestation de la vérité, en sorte que le fait que les investigations n'aient pas contribué à établir la véracité des faits dénoncés n'est pas imputable au service public de la justice,
- la complexité des accusations ainsi que le nombre très important de pièces jointes à la plainte justifiaient que l'officier de police judiciaire ait avisé Mme [D] de sa faculté de prendre connaissance du dossier avant son audition, ce en toute légalité, compte tenu de son droit à une communication des charges pesant contre elle en application des articles 61-1 et suivants du code de procédure pénale,
- aucune faute lourde n'est établie au titre du rapport prétendument tronqué du 1er février 2018, complété par le rapport du 10 septembre 2018,
- en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas avoir exercé les voies de recours mises à sa dispositions en se constituant partie civile, ce qui exclut toute faute lourde imputable au service public de la justice.
Le ministère public fait valoir l'absence de démonstration d'une faute lourde au vu des griefs formés par l'appelante et le défaut d'exercice des voies de recours.
Selon l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, 'L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
Il résulte de ce texte que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, que cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice et que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.
Seule l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission qui n'a pas pu être corrigée par les voies de recours permet d'engager la responsabilité de l'État.
Mme [U] n'a exercé aucune voie de recours permettant de critiquer le classement sans suite de l'enquête intervenu le 12 novembre 2018 et de corriger les déficiences prétendues du service public de la justice au titre du déroulement de cette enquête, alors qu'elle pouvait saisir le procureur général en contestation de ce classement sans suite ou encore se constituer partie civile devant le doyen des juges d'instruction pour que les faits dénoncés soient instruits à charge et décharge et que les prétendues erreurs procédurales commises par les enquêteurs, qui ne présentaient aucun caractère irrémédiable contrairement à ses allégations puisqu'elle aurait alors eu la possibilité de demander des actes en sa qualité de partie civile, soient réparées.
Le courrier de son avocat du 27 mai 2019 adressé au procureur de la République indiquant prendre connaissance du classement sans suite de l'affaire, critiquant les dysfonctionnements entachant l'enquête et précisant qu'il envisage d'effectuer un recours auprès du procureur général conformément à l'article 36 du code de procédure civile ou saisir le doyen du juge d'instruction, établit que Mme [U] a renoncé à exercer ces voies de recours à réception du dossier dont son conseil a obtenu la copie.
Dès lors que l'enquête critiquée classée sans suite n'a pas fait l'objet des recours prévus par la loi, les premiers juges en ont déduit à bon droit qu'aucune faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat n'était caractérisée.
Le jugement est donc confirmé dans l'ensemble de ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [U] échouant en ses prétentions est condamnée aux dépens d'appel et à payer à l'agent judiciaire de l'Etat une indemnité de procédure de 1000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne Mme [I] [U] à payer à l'agent judiciaire de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [I] [U] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
ARRET DU 23 JANVIER 2024
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/18791
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Novembre 2020 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS - RG n° 19/13947
APPELANTE
Madame [I] [U]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Ayant pour avocat postulant Me Marie D'HARCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : D2059
Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel LUDOT, avocat au barreau de REIMS
INTIME
AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Cyril FERGON de la SELAS ARCO - LEGAL, avocat au barreau de PARIS, toque : J135
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et devant Mme Estelle MOREAU, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre
Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre
Mme Estelle MOREAU, Conseillère
Greffière, lors des débats : Mme Florence GREGORI
MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public le 03 février 2021, qui a fait connaître son avis le 29 septembre 2023.
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 23 janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
Le 22 mai 2017, Mme [I] [U], chargée de recherche en biologie, a déposé plainte auprès du parquet de Bordeaux pour des faits de harcèlement moral subis entre 2009 et 2017 sur son lieu de travail, l'INRA de [Localité 6] puis l'INRA de [Localité 5].
L'enquête confiée à la police judiciaire a été clôturée le 1er octobre 2018. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Bordeaux a classé sans suite la plainte le 12 novembre 2018 pour le motif d'infraction insuffisamment caractérisée.
C'est dans ces circonstances que, par acte du 26 novembre 2019, Mme [U] a fait assigner l'agent judiciaire de l'Etat devant le tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article L. 141-1 du code de l'organisation judiciaire aux fins de voir engager la responsabilité du service public de la justice pour faute lourde.
Par jugement rendu le 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris :
- a débouté Mme [U] de ses demandes,
- l'a condamnée aux dépens,
- a dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- a débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 21 décembre 2020, Mme [U] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 9 août 2021, Mme [I] [U] demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
en conséquence,
- condamner l'agent judiciaire de l'Etat à lui payer la somme de 200 000 euros en réparation du préjudice subi,
- condamner l'agent judiciaire du Trésor (sic) au paiement d'une somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'agent judiciaire de l'Etat en tous les dépens dont distraction est requise au profit de Me Marie d'Harcourt, avocat aux offres de droit.
Dans ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 19 mai 2021, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :
à titre principal,
- confirmer le jugement,
- débouter Mme [U] de toutes demandes indemnitaires, fins et prétentions à son encontre,
- condamner Mme [U] au règlement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme [U] aux entiers dépens,
à titre subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires ainsi que celles formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon avis notifié le 29 septembre 2023, le procureur général est favorable à la confirmation du jugement.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 3 octobre 2023.
SUR CE
Sur la responsabilité de l'Etat :
Le tribunal a jugé que Mme [U] n'ayant ni contesté la décision de classement sans suite auprès du procureur général près la cour d'appel de Bordeaux sur le fondement de l'article 40-3 du code de procédure pénale, ni déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction en vertu de l'article 85 du même code, s'est abstenue d'exercer les voies de recours et n'a pas permis au service public de la justice de remédier aux dysfonctionnements qu'elle allègue. Il a retenu qu'il n'était en conséquence démontré aucune faute lourde du service public de la justice, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la caractérisation de dysfonctionnements.
Mme [U] fait valoir que :
- le tribunal a fait une appréciation inexacte des fautes reprochées au service public dès lors que la faute lourde du service public alléguée n'est pas cantonnée au classement sans suite mais à d'autres erreurs dont le cumul traduit l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il était investi,
- en premier lieu, l'officier de police judiciaire a considéré à tort que les faits commis avant le 2 mai 2021 étaient prescrits en retenant comme point de départ de la prescription la date du dépôt de plainte, alors que le délai de prescription pour une infraction continue court à compter du dernier jour où celle-ci à été commise et que les faits de harcèlement subis perdurent,
- en deuxième lieu, des pièces importantes confiées à l'officier de police judiciaire ont disparu et des parties en cause au cours de l'enquête préliminaire ont été avisées, avant leur convocation, du contenu du dossier en violation des articles 63 et suivants du code de procédure pénale, et ont pu ainsi préparer leur audition et obtenir leur mise hors de cause, une telle information se distinguant de la communication des charges pesant sur une personne en application de l'article 61-1 du code de procédure pénale,
- en troisième lieu, de nombreux éléments apportés par ses soins n'ont pas été pris en compte, aucune confrontation n'a été organisée, l'enquête a été menée à décharge et l'officier de police judiciaire a refusé d'interroger certains agents de l'INRA ou de l'Université de [Localité 5] sur les conseils de la partie mise en cause,
- en quatrième lieu, le rapport de l'officier de police judiciaire du 1er février 2018 mentionnant des faits qui ont eu lieu le 2 juillet 2018 est tronqué et n'est pas utilement complété par le rapport du 10 septembre 2018 qu'invoque l'agent judiciaire de l'Etat,
- il ne saurait lui être fait grief de ne pas avoir exercé les voies de recours alors que les erreurs procédurales commises par l'officier de police judiciaire ont eu un caractère irrémédiable et par voie de conséquence, sont non réparables, et qu'il était vain de poursuivre un projet procédural manifestement voué à l'échec.
L'agent judiciaire de l'Etat réplique que la responsabilité du service public de la justice ne saurait être engagée en ce que :
- l'infraction de harcèlement moral étant une infraction continue, le délai de prescription court non pas à compter de la date de sa commission mais du dernier jour où cette infraction a été commise, soit à compter du jour du dépôt de plainte, mais cette appréciation ne concernait que l'infraction de harcèlement moral, qui est une infraction spécifique s'inscrivant dans une procédure complexe, les autres chefs de plainte étant prescrits,
- l'appréciation de la prescription par l'officier de police judiciaire n'a nullement empêché la réalisation de nombreux actes d'enquête, notamment des auditions, et il n'est justifié aucune carence ou négligence de l'enquête, étant souligné que les officiers de police judiciaire, sous ordre du procureur de la République, apprécient souverainement les actes qu'ils jugent utiles à la manifestation de la vérité, en sorte que le fait que les investigations n'aient pas contribué à établir la véracité des faits dénoncés n'est pas imputable au service public de la justice,
- la complexité des accusations ainsi que le nombre très important de pièces jointes à la plainte justifiaient que l'officier de police judiciaire ait avisé Mme [D] de sa faculté de prendre connaissance du dossier avant son audition, ce en toute légalité, compte tenu de son droit à une communication des charges pesant contre elle en application des articles 61-1 et suivants du code de procédure pénale,
- aucune faute lourde n'est établie au titre du rapport prétendument tronqué du 1er février 2018, complété par le rapport du 10 septembre 2018,
- en tout état de cause, l'appelante ne démontre pas avoir exercé les voies de recours mises à sa dispositions en se constituant partie civile, ce qui exclut toute faute lourde imputable au service public de la justice.
Le ministère public fait valoir l'absence de démonstration d'une faute lourde au vu des griefs formés par l'appelante et le défaut d'exercice des voies de recours.
Selon l'article L.141-1 du code de l'organisation judiciaire, 'L'État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service de la justice. Sauf dispositions particulières, cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou par un déni de justice.
Il résulte de ce texte que l'Etat est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, que cette responsabilité n'est engagée que par une faute lourde ou un déni de justice et que constitue une faute lourde toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l'inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi.
Seule l'inaptitude du service public de la justice à remplir sa mission qui n'a pas pu être corrigée par les voies de recours permet d'engager la responsabilité de l'État.
Mme [U] n'a exercé aucune voie de recours permettant de critiquer le classement sans suite de l'enquête intervenu le 12 novembre 2018 et de corriger les déficiences prétendues du service public de la justice au titre du déroulement de cette enquête, alors qu'elle pouvait saisir le procureur général en contestation de ce classement sans suite ou encore se constituer partie civile devant le doyen des juges d'instruction pour que les faits dénoncés soient instruits à charge et décharge et que les prétendues erreurs procédurales commises par les enquêteurs, qui ne présentaient aucun caractère irrémédiable contrairement à ses allégations puisqu'elle aurait alors eu la possibilité de demander des actes en sa qualité de partie civile, soient réparées.
Le courrier de son avocat du 27 mai 2019 adressé au procureur de la République indiquant prendre connaissance du classement sans suite de l'affaire, critiquant les dysfonctionnements entachant l'enquête et précisant qu'il envisage d'effectuer un recours auprès du procureur général conformément à l'article 36 du code de procédure civile ou saisir le doyen du juge d'instruction, établit que Mme [U] a renoncé à exercer ces voies de recours à réception du dossier dont son conseil a obtenu la copie.
Dès lors que l'enquête critiquée classée sans suite n'a pas fait l'objet des recours prévus par la loi, les premiers juges en ont déduit à bon droit qu'aucune faute lourde susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat n'était caractérisée.
Le jugement est donc confirmé dans l'ensemble de ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Mme [U] échouant en ses prétentions est condamnée aux dépens d'appel et à payer à l'agent judiciaire de l'Etat une indemnité de procédure de 1000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Condamne Mme [I] [U] à payer à l'agent judiciaire de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [I] [U] aux dépens d'appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,