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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. soc., 18 janvier 2024, n° 20/01103

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 20/01103

18 janvier 2024

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 18 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 20/01103 - N° Portalis DBVK-V-B7E-OQ3O

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 JANVIER 2020

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 16/00476

APPELANT :

Monsieur [Z] [W]

né le 15 Juillet 1969 à [Localité 7] (62)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Fabrice BABOIN de la SELAS PVB AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Déborah DEFRANCE, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

Me [U] [X], ès qualités de mandataire Ad'hoc de la Société AMENAGEMENT TERRASSEMENT DU SUD

[Adresse 2]

[Localité 4]

Défaillant

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA de [Localité 8]

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Delphine ANDRES de la SCP LOBIER & ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES

Ordonnance de clôture du 20 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 NOVEMBRE 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Madame Véronique DUCHARNE, Conseillère

Monsieur Jean-Jacques FRION, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- réputé contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [W] a été engagé, par contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, à compter du 2 mai 2013, en qualité de directeur, cadre, position C, coefficient 500, par la société Aménagement Terrassement Sud (ci après Société ATS), spécialisée dans les travaux de terrassement courants.

La rémunération mensuelle brute était fixée à 1 562, 20 euros pour un horaire hebdomadaire de 35 heures.

Le 8 décembre 2015, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en dénonçant une agression commise à son encontre par son supérieur hiérarchique le 12 novembre 2015, à la suite de laquelle il avait fait usage de son droit de retrait et le non-respect des minima conventionnels.

Le 4 avril 2016, il a saisi le conseil de prud'hommes de Montpellier notamment aux fins de voir requalifier sa prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement contradictoire du 20 janvier 2020, le conseil a statué comme suit :

Dit que M. [W] est salarié de la Société ATS,

Fixe le montant de son salaire mensuel brut à la somme de 1 562, 20 euros,

Dit que l'exercice du droit de retrait était légitime,

Dit que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

Dit que la prise d'acte est fondée,

Condamne la société à régler à M. [W] les sommes suivantes :

- 1 602,75 euros bruts au titre du règlement des salaires retenus lors de l'exercice du droit de retrait outre 160,28 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1 500 euros bruts au titre de l'indemnité pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 6 248 euros bruts au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 210,71 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- 4 686,60 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 468,70 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette les demandes de M. [W] concernant le préjudice moral suite aux accusations pénales à son encontre, le non respect des minima conventionnels, les rappels de salaire et dommages et intérêts liés,

Ordonne la remise des documents sociaux modifiés sans astreinte,

Rejette les autres demandes de M. [W],

Ordonne au titre de l'article L. 1235-4 du code du travail le remboursement par la société aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [W], du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de trois mois d'indemnités de chômage,

Rejette les demandes reconventionnelles de la société et laissé les éventuels dépens à sa charge.

Le 21 février 2020, M. [W] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 2 novembre 2020, la Société ATS a été placée en liquidation judiciaire et Maître [X] a été désigné en qualité de mandataire liquidateur de la société.

Par ordonnance rendue le 6 novembre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 novembre 2023.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 18 mai 2021, M. [Z] [W] demande à la cour de :

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- Fixé son salaire mensuel brut à la somme de 1 562, 20 euros,

- rejeté ses demandes de rappels de salaire pour violation des minima conventionnels, de remise des documents sociaux sous astreinte, de dommages et intérêts pour violation de ses droits à la formation et de l'obligation de la portabilité de la prévoyance,

- rejeté partiellement les demandes suivantes :

- rappel de salaire au titre de l'exercice de son droit de retrait,

- dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents.

Statuant à nouveau,

Dire qu'il a été salarié de la Société ATS du 02 mai 2013 au 23 décembre 2015,

Constater le non-respect du salaire minimum conventionnel,

Fixer son salaire mensuel brut à la somme de 3 337 euros,

Fixer au passif de la Société ATS les sommes suivantes :

- 14 201,12 euros pour la période de mai à décembre 2013 outre la somme de 1 420,11 euros au titre des congés payés y afférents,

- 21 186,17 euros pour la période de janvier à décembre 2014 outre la somme de 2 118,61 euros au titre des congés payés y afférents,

- 19 638,39 euros pour la période de janvier à novembre 2015 outre la somme de 1 963,83 euros au titre des congés payés y afférents.

- 3 000 euros nette de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour non-respect des dispositions conventionnelles applicables,

- 3 000 euros nette de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts en raison de la violation de l'obligation de sécurité de résultat,

- 1 225,70 euros à titre de rappel de salaire au titre du droit de retrait pour la période du 1er au 23 décembre 2015 outre la somme de 122,57 euros au titre des congés payés y afférents,

- 1 069,84 euros à titre de rappel de salaire au titre du droit de retrait pour la période du 11 au 30 novembre 2015 outre la somme de 106,98 euros au titre des congés payés y afférents,

- 2 670 euros nette de CSG CRDS à titre d'indemnité de licenciement,

- 10 012 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (3 mois) outre la somme de outre la somme de 1 001, 20 euros au titre des congés payés y afférents,

- 40 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 3 337 euros nette de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation et d'information des droits à la formation,

- 3 337 euros nette de CSG CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation d'information de la portabilité de la prévoyance,

Condamner Maître [X], es qualité de mandataire liquidateur de la société, à remettre au salarié les documents sociaux rectifiés, et ce, dans un délai de huit 8 jours à compter de la notification ou de la signification du jugement à intervenir,

Prononcer une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration du délai de 8 jours courant à compter de la notification ou de la signification du jugement à intervenir,

Se réserver la faculté de liquider ladite astreinte,

Fixer au passif de la société ATS les sommes de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

' Selon ses dernières conclusions, remises au greffe le 19 février 2021, l'AGS CGEA de [Localité 8] demande à la cour de :

Donner acte au concluant de ce qu'il a d'ores et déjà avancé la somme de 8 129,03 euros à M. [W],

A titre principal,

Infirmer le jugement attaqué,

Constater qu'il n'y a pas de contrat de travail,

Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes,

Mettre hors de cause l'UNEDIC CGEA de [Localité 8],

Condamner M. [W] à rembourser au concluant les sommes indûment perçues,

A titre subsidiaire,

Juger que la prise d'acte de la rupture doit s'analyser en une démission et débouter M. [W] de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail,

A titre infiniment subsidiaire,

Ramener à de plus justes proportions les dommages et intérêts éventuellement alloués,

En tout état de cause,

Rejeter la demande d'astreinte,

Constater que les intérêts de droit légaux sont arrêtés au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective,

Constater qu'en tout état de cause, la garantie de l'AGS est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à l'un des trois plafonds définis par l'article D. 3253-5 du Code du travail et qu'en l'espèce, c'est le plafond 6 qui s'applique,

Exclure de la garantie AGS les sommes éventuellement fixées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens et astreinte,

Dire que toute créance sera fixée en brut et sous réserve de cotisations sociales et contributions éventuellement applicables, conformément aux dispositions de l'article L. 3253-8 in fine du Code du travail,

Donner acte au CGEA de ce qu'il revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan des conditions de la mise en œuvre du régime d'assurance de créances des salariés que de l'étendue de ladite garantie.

' Maître [X], ès qualité de mandataire ad hoc de la société ATS, à qui l'appelant a régulièrement signifié la déclaration d'appel et ses conclusions par acte d'huissier délivré le 23 mai 2023, n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS :

A titre liminaire, conformément aux dispositions de l'article 954, dernier alinéa, du code de procédure civile, Maître [X], ès qualité de mandataire ad hoc, qui n'a pas conclu, est réputé s'approprier les motifs du jugement déféré.

Sur l'existence d'un contrat de travail :

L'AGS conclut à la réformation du jugement qui a conclu à l'existence d'un contrat de travail liant les parties. Elle s'en rapporte à l'argumentation soutenue par la société devant le conseil de prud'hommes qui faisait valoir que M. [W] n'était pas salarié mais associé de la société et gérant de fait. Elle soutenait également que le contrat de travail produit aux débats est un faux, qui n'avait pas été signé par la direction.

Le contrat de travail est celui par lequel une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la subordination d'une autre, moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.

En l'absence d'écrit, il incombe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en rapporter la preuve. À l'inverse, en présence d'un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d'en justifier.

Par jugement en date du 25 mars 2019, le tribunal correctionnel de Montpellier a relaxé M. [W], qui était prévenu des chefs de faux et usage de faux relativement au contrat de travail.

Par ailleurs, M. [W] produit, outre le contrat de travail daté du 1er mai 2013 qui comporte outre la signature des parties, le cachet de la société, un courrier de l'URSSAF attestant de ce que son embauche a donné lieu à déclaration préalable à l'embauche reçue, le 29 mai 2013, ses bulletins de paie pour la période du 1er mai 2014 au 31 mai 2015 et son certificat de travail faisant état de son statut de salarié de la société.

Ces éléments suffisent à établir l'existence d'un contrat de travail apparent, dont le caractère fictif n'est en aucune façon démontré par l'employeur. C'est donc à bon droit que le premier juge a dit que M. [W] était salarié de la société. Il y a lieu de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des minima conventionnels :

Au soutien de sa demande d'infirmation du jugement qui l'a débouté de ses demandes de rappel de salaire au titre des minima conventionnels, le salarié fait valoir qu'il percevait une rémunération inférieure aux minimums conventionnels qui lui étaient applicables, sans rapport avec son statut de cadre et les fonctions de direction qu'il exerçait effectivement, et revendique le salaire minimum correspondant au positionnement C échelon 1 coefficient 130 de la convention collective des cadres du bâtiment correspondant aux cadres techniques, administratifs ou commerciaux ayant la direction ou la coordination des travaux des ETDAM ou des responsabilités équivalentes.

L'AGS s'en rapporte à l'argumentation développée en première instance par la société laquelle contestait son statut de cadre salarié.

Pour débouter le salarié de sa réclamation le conseil a retenu que :

- les bulletins de salaire de M. [W] remis au Conseil laissent apparaître deux conventions collectives applicables, l'IDCC 3193 puis l'IDCC 3005.

- les documents remis au Conseil suite a sa requête citent une troisième convention collective applicable, l'IDCC 2420.

- le coefficient indiqué sur les bulletins de salaire est introuvable.

- le poste de Directeur indiqué au contrat de travail n'est assorti d'aucune précision, aucune fiche de poste n'est remise au Conseil, le tout alors que la société a moins de 10 salariés.

- le contrat de travail de M. [W] fixant la rémunération est signé par les parties.

- le Conseil constate enfin que M. [W] n'a jamais contesté sa rémunération avant la prise d'acte de rupture, alors même que son ancienneté est alors supérieure à deux ans et demi.

En conséquence, le Conseil rejette la demande de M. [W] en ce qui concerne le non-respect des minima conventionnels et les rappels de salaire en découlant.

La classification des emplois est déterminée par la convention collective de branche applicable à l'entreprise.

M. [W] expose qu'il relevait de la classification cadre position C, échelon 1, coefficient 130 de la convention collective des cadres du bâtiment du 1er juin 2004 (IDCC 2420), le coefficient 500 indiqué au sein de son contrat étant pas prévu par cette convention.

Il produit aux débats :

- un extrait de la classification des emplois issue de la convention collective des cadres du bâtiment du 1er juin 2004. Elle définit le cadre position C, échelon 1, coefficient 130 comme suit:«Cadres techniques, administratifs ou commerciaux ayant la direction ou la coordination des travaux des ETDAM ou des responsabilités équivalentes»,

- les barèmes nationaux fixant les salaires minima des cadres du bâtiment et les avenants applicables pour les années 2013, 2014 et 2015, lesquels prévoient :

- Une rémunération mensuelle brute minimale de 3 769 euros pour 39h de travail hebdomadaire soit 3 297,96 euros pour 35h pour l'année 2013,

- Une rémunération mensuelle brute minimale de 3 803 euros pour 39h de travail hebdomadaire soit 3 327,71 euros pour 35h pour l'année 2014,

- Une rémunération mensuelle brute minimale de 3 814 € pour 39h de travail hebdomadaire soit 3 337,33 euros pour 35h pour l'année 2015

En l'espèce, la société Aménagement Terrassement Sud exerçait une activité de travaux de terrassement courants et travaux préparatoires.

Au regard de cet objet social, la convention collective applicable au litige est la convention collective nationale relative aux appointements minima des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment et des travaux publics du 30 avril 1951. La classification est échelonné en quatre niveaux (A, B, C, D), eux-mêmes divisés en un ou deux échelons, puis une ou deux catégories. Le statut cadre, position C, échelon 1 est définit comme suit :

' Cadres techniques, administratifs ou commerciaux placés généralement sous les ordres d'un cadre supérieur ou, dans les entreprises à structure simple, de l'employeur et :

- qui ont à diriger ou à coordonner les travaux des ouvriers, employés, techniciens, agents de maîtrise, ingénieurs ou assimilés des positions précédentes placés sous leur autorité ;

- ou qui ont des responsabilités équivalentes (6).

Ils doivent assumer la pleine responsabilité de la conception, de l'organisation et du commandement du travail effectué par leur service.

Dans les entreprises à structure simple, ils doivent avoir reçu du chef d'entreprise une délégation permanente pour un ou plusieurs objets spéciaux et limités leur permettant d'agir en ses lieu et place dans la gestion courante de l'entreprise.

Il ressort de ces dispositions que la qualification de cadre classé en position C, 1er échelon se définit par les fonctions d'encadrement et de suppléance du chef d'entreprise. Il s'agit du premier niveau de direction prévue par cette convention.

Or, au cas d'espèce, le contrat de travail prévoit que le salarié est engagé en qualité de directeur - cadre - coefficient 500, position 5, de la convention collective du BTP.

Les bulletins de paie conservent les mêmes mentions s'agissant de l'emploi et de la classification (directeur, coefficient 500, position 5) mais font apparaître deux conventions collectives différentes :

- 'la convention collective du bâtiment - ouvriers nationale' (- 10 salariés) (IDCC 3193),

- 'la convention collective des travaux publics - ouvriers' (IDCC 3005), mentionnée sur le dernier bulletin de paie de décembre 2015.

Le certificat de travail signé par l'employeur énonce encore que M. [W] a exercé les fonctions de directeur.

Compte tenu de l'emploi pour lequel M. [W] a été recruté, à savoir de directeur statut cadre, et au regard de la grille conventionnelle applicable à la relation de travail, à savoir celle de Convention collective nationale relative aux appointements minima des ingénieurs, assimilés et cadres du bâtiment et des travaux publics du 30 avril 1951, l'appelant est bien fondé à solliciter un rappel de salaire sur la base du coefficient 130 position C qui est le premier niveau de direction prévue par cette grille.

La cour relève que, l'avenant n°63 du 13 janvier 2011 relatif aux salaires minimaux, ayant pris effet au 1er février 2011 et applicable sur toute la période litigieuse, prévoit un appointement minimal de 3 623 euros pour 39 heures, soit 3 251,41 euros pour 35 heures.

Le salarié est ainsi fondé à obtenir une somme correspondant à la différence entre les salaires perçus sur la base d'un salaire mensuel brut de 1 562,20 euros et les salaires qu'il aurait du percevoir sur la base d'un salaire mensuel brut de 3 251,41 euros.

Après rectificatifs des calculs opérés par l'appelant, il convient de fixer sa créance aux sommes suivantes :

- 13 513, 68 euros, outre 1 351,36 euros de congés payés afférents pour 2013,

- 20 270, 52 euros, outre 2 027,05 euros de congés payés afférents pour 2014,

- 19 556, 73 euros, outre 1 955,67 euros de congés payés afférents pour 2015.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts au titre des minima conventionnels :

M. [W] ne justifie d'aucun préjudice distinct et qui ne serait pas réparé au titre de la classification conventionnelle accordée de sorte que cette demande sera rejetée, par confirmation du jugement déféré.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

M. [W] conclut à la réformation du jugement sur le quantum des dommages et intérêts qui lui ont été alloués au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Alors que les premiers juges lui ont alloués la somme de 1 500 euros, il sollicite la somme de 3 000 euros.

Il ressort du jugement du tribunal de police du 25 mai 2018 que M. [T] a été reconnu coupable d'avoir volontairement dégradé le véhicule appartenant à M. [W] le 12 novembre 2015 et a été condamné au paiement d'une amende de 200 euros ainsi qu'à lui verser la somme de 716,64 euros en réparation du préjudice matériel subi.

C'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que ces faits, commis par le gérant de l'entreprise, caractérisaient un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et ils ont fait une juste appréciation du préjudice subi en condamnant la société à lui verser une somme de 1 500 euros en réparation du préjudice subi à ce titre. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Sur le droit de retrait :

Comme l'ont justement retenu les premiers juges, les faits susvisés justifiaient que M. [W] mettent en oeuvre son droit de retrait et aucune retenue sur salaire ne pouvait être opérée à ce titre.

Or, en l'espèce, la société a opéré deux retenues sur salaire qui portent sur des montants de 1069,84 euros pour la période du 11 au 30 novembre 2015 et 1225,70 euros pour la période allant du 1er au 23 décembre 2015. C'est à bon droit que les premiers juges ont dit que le salarié était fondé à réclamer les sommes retenues du 11 novembre au 10 décembre 2015, date d'envoi du courrier de prise d'acte.

Il y a lieu de confirmer le jugement qui a condamné l'employeur à lui verser la somme de 1 602,75 euros bruts au titre du règlement des salaires retenus lors de l'exercice du droit de retrait (1069,84 euros + 532,91 euros) outre la somme de 160,28 euros au titre des congés payés y afférents.

Sur les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de formation :

Au soutien de sa demande de 3 337 euros à titre de dommages et intérêts, le salarié reproche à l'employeur de ne l'avoir fait bénéficier d'aucune formation au cours de la relation de travail et de ne pas l'avoir informé sur ses droits à la formation.

Selon l'article L. 6321-1 du code du travail, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2008, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille notamment au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l'espèce, l'employeur ne justifie du suivi par le salarié d'aucune formation sur l'ensemble de la période d'emploi.

Cependant, le salarié, ne justifie d'aucun préjudice directement lié à ce manquement en ne produisant notamment aucun élément pour apprécier l'évolution de sa situation professionnelle. La demande sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la portabilité des garanties de prévoyance :

Au soutien de sa demande de 3 337 euros à titre de dommages et intérêts, le salarié reproche à l'employeur, au visa de l'article L.911-8 du code de la sécurité sociale, de ne pas l'avoir informé de la portabilité de ses droits au moment de la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, l'employeur justifie avoir signalé les garanties dans le certificat de travail remis au salarié le 11 janvier 2016. Ce grief n'est donc pas établi et le salarié ne justifie d'aucun préjudice à ce titre. La demande sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur la rupture du contrat de travail :

L'AGS conclut à la réformation du jugement qui a requalifié la prise d'acte en démission. Elle s'en rapporte aux explications de la société qui contestait en première instance les griefs reprochés, relevait que le salarié n'a pas contesté le montant de sa rémunération au cours de la relation de travail et soutenait que le véritable motif de sa prise d'acte était lié à un différend personnel l'opposant à M. [T].

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite de la relation contractuelle. Elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul, si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission.

En l'espèce, la lettre de prise d'acte de la rupture du contrat, datée du 8 décembre 201 et expédiée le 10 décembre 2015, est rédigée comme suit :

'Je me vois contraints de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts et ce, pour les raisons suivantes :

- d'une part, violence et agressions à mon égard,

- d'autre part, le salaire que je perçois n'est pas conforme aux dispositions de la convention collective.

Cette prise d'acte a un effet immédiat. Je me réserve bien évidemment la possibilité de saisir le conseil de prud'hommes. Dès lors, je vous demande de m'adresser au plus vite mes documents de fin de contrat et mon bulletin de salaire du mois de novembre 2015.

Je profite enfin de la présente pour vous mettre en demeure ; d'une part, de me restituer les 1900 euros que l'on vous a prêté personnellement.

D'autre part, de me rendre le camion 6/4 qui est à mon nom et dont vous détenez la carte grise.

Veuillez agréer Mr le dirigeant de la société, mes salutations distinguées'.

Il suit de ce qui précède que les manquements visés dans la lettre de rupture sont établis.

Ces manquements, portant sur le non respect de la rémunération conventionnelle minimum et la violation de l'obligation de sécurité, présentent un caractère de gravité qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail en sorte que cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les conséquences pécunaires de la rupture :

Compte tenu du salaire mensuel brut du salarié tel que précédemment fixé (3 251,41 euros), de son ancienneté (2 ans et 7 mois), de son âge au moment de la rupture (46 ans), du nombre de salariés dans l'entreprise (moins de 11) et de l'absence de justification sur sa situation professionnelle postérieure à la rupture, il y a lieu de lui allouer la somme de 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera réformé uniquement sur le quantum des dommages et intérêts alloués.

En vertu des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, dans sa version issue du décret du 18 juillet 2008, le salarié peut prétendre à une indemnité de licenciement qui ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté, auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà de dix ans d'ancienneté.

Selon l'article 7.5 de la convention collective nationale des cadres des travaux publics, le montant de l'indemnité de licenciement est calculé selon l'ancienneté du cadre, selon le barème suivant : 3/10ème de mois par année d'ancienneté, à partir de 2 ans révolus et jusqu'à 10 ans d'ancienneté ; 6/10ème de mois par année d'ancienneté, pour les années au-delà de 10 ans d'ancienneté.

Application faite de ces dispositions conventionnelles, plus favorables pour le salarié, de son ancienneté, délai congé compris, et compte tenu des éléments précédemment retenus, l'indemnité de licenciement sera fixée, dans la limite de sa réclamation, à la somme de 2 670 euros.

Compte tenu du statut de cadre du salarié et de l'ancienneté de l'intéressé, l'indemnité compensatrice de préavis s'élève donc à 9 754, 23 euros (3 251,41 x 3) outre 975,42 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la remise des documents sociaux :

M. [W] sollicite la remise par Maître [X], ès-qualités, des documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de 8 jours à compter de la notification ou de la signification du jugement. Il demande également à la Cour de se réserver le droit de liquider l'astreinte.

Il est de droit que le salarié puisse disposer de ces documents, de sorte que Maître [X], ès-qualités, devra remettre à M. [W], sans qu'il soit fait droit à sa demande d'astreinte, les documents susvisés. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la mise en cause de l'AGS CGEA :

L'UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 8] sollicite sa mise hors de cause en soulevant l'absence de contrat de travail liant M. [W] à la société.

Les développements qui précèdent ont permis d'établir l'existence d'un contrat de travail liant les parties.

Par ailleurs, l'AGS doit garantir les créances résultant de la rupture du contrat de travail consécutive à la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, aux torts de l'employeur, laquelle est en l'espèce intervenue avant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.

L'UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 8] sera dès lors déboutée de sa demande tendant à la mettre hors de cause.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement entre pris en ce qu'il a jugé que M. [W] a été salarié de la Société ATS, dit que l'exercice du droit de retrait était légitime, que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité de résultat, que la prise d'acte était fondée et débouté M. [W] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, pour non respect des minima conventionnels, pour manquement à l'obligation de formation et au titre de la portabilité des garanties de prévoyance,

L'infirme seulement en ce qu'il a fixé le salaire mensuel brut de M. [W] à la somme de 1 562,20 euros, calculé le quantum des indemnités de rupture allouées au salarié sur la base de ce salaire de référence erroné et débouté M. [W] de ses demandes de rappel de salaire au titre des minima conventionnels,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Fixe le salaire mensuel brut de M. [W] à la somme de 3 251,41 euros,

Dit que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 10 décembre 2015,

Fixe les créances de M. [W] au passif de la société Aménagement Terrassement Sud aux sommes suivantes :

- 13 513, 68 euros de rappel de salaire, outre 1 351,36 euros de congés payés afférents pour l'année 2013,

- 20 270, 52 euros de rappel de salaire, outre 2 027,05 euros de congés payés afférents pour l'année 2014,

- 19 556, 73 euros de rappel de salaire, outre 1 955,67 euros de congés payés afférents pour l'année 2015,

- 7 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2 670 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 9 754,23 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 975,42 euros bruts au titre des congés payés afférents,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Enjoint Maître [X], ès qualités, de délivrer à M. [W], dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, les documents de fin de conformes au présent arrêt ainsi qu'un bulletin de paie de régularisation,

Rejette la demande d'astreinte.

Dit qu'en application des articles L 622-28 et L 641-3 du Code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,

Juge la présente décision opposable à l'AGS-CGEA de [Localité 8],

Donne acte à l'AGS-CGEA de [Localité 8] de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en oeuvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L. 3253-8 , L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

Signé par Monsieur Thomas Le Monnyer, Président, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, greffier auquel la minute la décision à été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT