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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-6, 18 janvier 2024, n° 21/02951

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 21/02951

18 janvier 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 JANVIER 2024

N° RG 21/02951 - N° Portalis DBV3-V-B7F-UYVC

AFFAIRE :

S.A.S.U. IVECO NORD

C/

[N] [S]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Septembre 2021 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 18/00451

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Franck BLIN de

la SAS ACTANCE

Me Céline BORREL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

S.A.S.U. IVECO NORD

N° SIRET : 353 539 380

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Franck BLIN de la SAS ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168 -

APPELANTE

****************

Monsieur [N] [S]

né le 15 Avril 1971 à [Localité 18]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Céline BORREL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Octobre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie COURTOIS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Président,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Madame Véronique PITE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

A compter du 23 novembre 2000, M.[N] [S] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'agent de liaison, par la société anonyme Iveco Nord, qui a pour activité la concession dans l'achat et la vente de véhicules commerciaux et industriels (neufs ou d'occasions) pour les marques Iveco et Fiat Professional, emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective nationale des services automobiles.

En dernier lieu et par avenant du 6 décembre 2010, M.[N] [S] exerçait les fonctions de conseiller de ventes de véhicules d'occasion (ci-après vente de VO), statut cadre.

Convoqué le 28 septembre 2017 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 6 octobre suivant, M.[N] [S] est licencié par courrier du 16 octobre 2017 énonçant une faute grave.

La lettre de licenciement est ainsi libellée:

« Monsieur,

Nous vous avons convoqué par courrier RAR en date du 19 septembre 2017 à un entretien préalable le 26 septembre 2017, en vue d'une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, entretien auquel vous vous êtes présenté seul.

Au cours de cet entretien, nous vous avons fait part des griefs relevés à votre encontre et avons recueilli vos premières observations.

Par courrier RAR en date du 28 septembre 2017, nous vous avons convoqué à un nouvel entretien le 6 octobre 2017 suivant, afin de vous permettre d'apporter des réponses plus précises aux griefs qui vous sont reprochés.

Lors de cet entretien auquel vous étiez assisté de [Y] [A], vous avez toutefois adopté une attitude mutique et refusé de répondre à la moindre de nos questions.

Au regard des éléments détaillés ci-après, nous avons décidé de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Vous occupez aujourd'hui les fonctions de conseiller vente V.O. et avez intégré l'entreprise le 23 novembre 2000, étant rappelé qu'IVECO NORD est successivement venue aux droits de la société Éts. VIDAL S.A. puis de la société UVIF.

Le 8 septembre 2017, Madame [F], qui occupe le poste de secrétaire-comptable au sein de la société, a informé le directeur financier de l'existence d'une situation d'impayés préoccupante, qui s'avère résulter de graves violations des procédures de vente puisque vous avez livré 11 véhicules à un client, la société DISTRI MAT INDUSTRIE, au mépris des règles les plus élémentaires en la matière, et notamment sans percevoir, au préalable, le règlement correspondant et en exposant la société à des risques totalement inacceptables.

Pour rappel, les commandes litigieuses ont été passées entre les mois de juin et juillet 2017 par la société DISTRI MAT INDUSTRIE qui était un nouveau client de la société IVECO NORD.

Le 6 juin 2017, vous avez conclu trois bons de commande avec la société DISTRI MAT pour les véhicules immatriculés [Immatriculation 16], [Immatriculation 13] et [Immatriculation 11]. La valeur de ces véhicules était estimée respectivement à 9.800 euros HT, 11.400 euros HT et 11.200 euros HT.

Vous avez livré le premier de ces véhicules le 27 juin 2017, alors même qu'il n'était pas réglé ni même facturé, tandis que les deux autres ont été livrés et facturés le 30 juin 2017, sans qu'aucun règlement n'ait été enregistré, au préalable, par la société IVECO NORD.

Dans l'intervalle, la société DISTRI MAT INDUSTRIE vous a commandé un nouveau véhicule (immatriculé [Immatriculation 15]), le 7 juin 2017, d'une valeur de 7.700 euros hors taxes, dont le montant a été intégralement payé le 13 juin 2017 par un tiers, la société « MASTER CENTRAL AUTO », ce qui semble ne pas vous avoir alerté sur les dangers encourus en de telles circonstances, a fortiori lorsque le véhicule dont il s'agit a été, comme les 10 autres, vendu en franchise de T.V.A. puisque soi-disant destiné à l'export.

Les 12 et 15 juin 2017, vous avez conclu deux nouveaux bons de commande au bénéfice de la société DISTRI MAT INDUSTRIE, pour les véhicules [Immatriculation 14] et [Immatriculation 9], d'une valeur respective de 8.000 euros HT et 5.785 euros HT.

Il apparaît que vous avez libéré ces deux véhicules et les avez livrés à la société DISTRI MAT INDUSTRIE, les 30 juin et 1e juillet 2017, alors même qu'à ces dates, aucun règlement n'avait été effectué par la société cliente.

La société a perçu, le 6 juillet 2017, un règlement par virement bancaire de la société RENOV IDF NORMANDIE d'un montant de 5.600 euros, réglant partiellement le prix du véhicule [Immatriculation 9]. Là encore, le règlement (partiel) du prix d'un véhicule - a fortiori vendu pour l'export - par un tiers, pour le compte de la société DISTRI MAT INDUSTRIE, ne vous a aucunement alerté.

Suivant le même processus, et alors même que cette société cliente était déjà débitrice de la somme de 40.585 euros HT, vous avez accepté 5 nouvelles commandes au cours du mois de juillet 2017 :

- deux commandes ont en effet été enregistrées de la part de la société DISTRI MAT INDUSTRIE le 10 juillet 2017, portant sur les véhicules immatriculés [Immatriculation 6] (d'une valeur de 583,33 euros HT) et [Immatriculation 10] (d'une valeur de 416,67 euros HT); vous avez à nouveau, accepté de libérer ces véhicules dès le lendemain de leur commande, sans avoir perçu le moindre paiement de la part du Client pour ces véhicules, alors que les précédents demeuraient globalement impayés ;

- une autre l'a été le 25 juillet 2017, cette fois au nom de TRADERS MACHINE OUTILS, pour le véhicule immatriculé [Immatriculation 12] d'une valeur de 2.083,33 euros HT, alors que le véhicule avait été livré la veille (24 juillet 2017) à DISTRI MAT INDUSTRIE, sans facturation. et sans paiement ;

- et deux autres commandes ont été enregistrées le 26 juillet 2017, de nouveau au nom de TRADERS MACHINE OUTILS, portant sur les véhicules immatriculés [Immatriculation 7] et [Immatriculation 8], d'une valeur unitaire de 15.000,00 euros HT, alors qu'ils avaient été livrés à DISTRI MAT INDUSTRIE le 25 juillet, là encore sans facturation et sans le moindre paiement.

En définitive, vous avez non seulement livré ces véhicules à la société DISTRI MAT INDUSTRIE et/ou à la société TRADERS MACHINE OUTILS, toutes deux représentées par la même personne (M. [D] [C]), au mépris des règles applicables, sans recevoir le moindre paiement, mais encore avez-vous remis au client la quasi-totalité des documents permettant le transfert de propriété des véhicules: décharge de responsabilité à la livraison, carte grise, certificat de cession, facture, hormis pour les véhicules suivants :

- aucun certificat de cession ni aucune facture n'ont été établis pour le véhicule DA-740- DH, quoique la carte grise ait été remise au client ce qui permet au véhicule de circuler librement;

- aucun document n'a été établi concernant les deux derniers véhicules immatriculés BA- 007-BV et [Immatriculation 8] et les cartes grises sont toujours en notre possession.

La Direction de la société IVECO NORD a donc été placée, par votre faute, dans une situation gravement préjudiciable, se trouvant dépourvue de moyens de pression pour forcer la société DISTRI MAT INDUSTRIE à honorer ses engagements contractuels.

Enfin, ces négligences gravement fautives se sont manifestées par les circonstances de votre départ en congés à compter du 28 août au 15 septembre 2017 inclus.

En effet, en dépit de cette situation catastrophique pour la société IVECO NORD, vous n'avez pas jugé utile de laisser la moindre consigne spécifique, ni informé quiconque des opérations litigieuses intervenues avec la société DISTRI MAT INDUSTRIE.

C'est pendant vos congés que Madame [F], secrétaire-comptable, a identifié les graves irrégularités entourant ces ventes, qu'elle a portées à la connaissance de la Direction de la société le 8 septembre 2017

De surcroît et de manière largement aussi blâmable, alors que la société DISTRI MAT INDUSTRIE est une société française établie en France, vous avez accepté l'ensemble de ces commandes « pour l'export», c'est-à-dire nettes de toutes taxes, ce qui est tout simplement inconcevable sauf à exposer l'entreprise à un risque de redressement fiscal au titre de la TVA

En juillet 2017, lorsque vous vous êtes aperçu de l'anomalie qui en résultait au regard des facturations émises, vous avez donné instruction à Madame [F] - qui s'est exécutée le 21 juillet 2017 - d'émettre un avoir des factures déjà émises au nom de la société DISTRI MAT INDUSTRIE et de facturer, sous le même régime de franchise de taxes, la société « TRADERS MACHINES OUTILS » (T.M.O.) établie à Ixelles en Belgique, et ce à la demande du client qui, pour ce faire, vous a communiqué un « statut » de cette entreprise belge en date du... 10 août 2013!

Pourtant, vous n'étiez pas sans ignorer que ce type de demande est soumis à l'approbation de la Direction de la société, et à tout le moins, à un contrôle spécifique de votre hiérarchie portant tant sur le bien fondé de l'opération d'émission d'avoirs et de refacturation à un tiers que sur la solvabilité de ce tiers, ainsi que sur son existence juridique.

Or, après vérifications, il est apparu que cette société TRADERS MACHINES OUTILS, basée en Belgique, avait été radiée depuis 2014 de sorte qu'elle n'avait plus d'existence juridique !

Nous ajoutons qu'une simple recherche sur Internet sur le nom du représentant légal de la société DISTRI MAT INDUSTRIE révèle que ce dernier est notoirement et très négativement connu pour ce genre de pratiques.

En tout état de cause, ces refacturations ont été réalisées sans l'accord de la Direction de la société d'IVECO NORD, ce qui caractérise un nouveau manquement grave aux procédures internes.

En définitive, vous avez sciemment décidé de vous affranchir tant des principes de base régissant la vente de véhicules d'occasion que des règles internes en vigueur imposant un paiement intégral du prix d'un véhicule avant de le mettre à la disposition d'un Client, ainsi que l'approbation préalable de la direction avant l'émission d'avoirs, quels qu'ils soient.

Vos manquements graves aux procédures internes ont causé un préjudice financier particulièrement important à la société qui, à la date de la présente, enregistre une perte d'un montant total hors taxes de 73.668,33 euros et toutes taxes comprises de 91.062,00 euros compte-tenu des règlements partiels intervenus.

À cela s'ajoute le risque pénal et fiscal que vous faites encourir à la société en raison de la complicité qui pourrait lui être imputée à raison de la fraude manifeste à la TVA à laquelle la société DISTRI MAT INDUSTRIE et ses représentants se livrent manifestement, quand bien même IVECO NORD est directement victime des agissements délictueux de son client puisque, grâce à la complaisance dont vous avez fait preuve à son égard, non content d'échapper au paiement des taxes qui lui incombent logiquement, il laisse son fournisseur impayé.

Cela est d'autant moins tolérable que vous êtes un professionnel aguerri de la vente des véhicules d'occasion; nous n'avions d'ailleurs, jusqu'à présent, jamais eu à déplorer de tels manquements de votre part de sorte que nous ne pouvons que considérer qu'ils sont délibérés.

Nous vous précisons à toutes fins utiles que la société IVECO NORD a été amenée à déposer une plainte pénale à l'encontre de la société DISTRI MAT INDUSTRIE, pour abus de confiance en date du 28 septembre 2017.

Aussi, au regard de ce qui précède, nous sommes conduits à vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Votre licenciement sera effectif à la date d'envoi du présent courrier, sans préavis ni indemnité de licenciement. »

Le 12 juillet 2018, M.[N] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles aux fins de contester le bien fondé de son licenciement et de solliciter les indemnités afférentes et des dommages-intérêts au titre de l'irrégularité de procédure, du préjudice moral, et de la remise d'une attestation Pôle Emploi erronée.

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 7000 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 15 septembre 2021, notifié le 22 septembre 2021, le conseil a :

déclaré M.[N] [S] recevable en ses demandes,

fixé la rémunération mensuelle moyenne de M.[N] [S] à 5 852 euros,

dit et jugé le licenciement de M.[N] [S] dénué de cause réelle et sérieuse,

en conséquence, condamné la société anonyme Iveco Nord à payer à M.[N] [S] les sommes suivantes:

* 81 928 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 17 556 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 755 euros au titre des congés payés afférents,

* 28 284 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné à la société anonyme Iveco Nord la remise entre les mains de M.[N] [S], prise en son domicile, sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document à compter du 31ème jour suivant la notification de la présente décision, des bulletins de salaire de septembre 2017 et octobre 2017 et d'une attestation pôle emploi conformes à la présente décision,

s'est réservé le droit de liquider l'astreinte,

rappelé qu'aux termes de l'article R1454-28 du code du travail sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance des pièces que l'employeur est tenu de remettre ainsi que le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 du code du travail dans la limite de 9 mensualités,

débouté les parties du surplus de leurs demandes,

débouté la société anonyme Iveco Nord de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société anonyme Iveco Nord aux dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels,

condamné la société anonyme Iveco Nord au remboursement à pôle emploi des indemnités versées à M.[N] [S] dans la limite de 6 mois sur le fondement de l'article L1235-4 du code du travail.

Le 7 octobre 2021, la société Iveco Nord a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par conclusions n°5 transmises par RPVA du 3 octobre 2023, la société anonyme Iveco Nord sollicite de la cour de voir:

infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Versailles du 15 septembre 2021 en

ce qu'il a jugé que la procédure de licenciement serait irrégulière et que le licenciement de M.[N] [S] serait dénué de cause réelle et sérieuse entraînant la condamnation de la Société IVECO NORD au paiement de diverses sommes (notamment indemnité de préavis, indemnité de licenciement, indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, article 700) ainsi qu'à la remise de documents sociaux rectifiés sous astreinte,

juger que le licenciement de M.[N] [S] est justifié et que la procédure de

licenciement est régulière,

confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Versailles du 15 septembre 2021

en ce qu'il a débouté M.[N] [S] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice distinct ainsi que pour la délivrance d'une attestation pôle emploi comportant des erreurs,

débouter M.[N] [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions,

condamner M.[N] [S] à verser à la Société IVECO NORD la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions n°3 transmises par RPVA du 16 octobre 2023, M.[N] [S] sollicite de la cour de voir:

recevoir M.[N] [S] en ses conclusions, l'y déclarer bien fondée et ce faisant,

confirmer le jugement du conseil des prud'hommes de Versailles du 15 septembre 2021 en ce qu'il a :

fixé la rémunération mensuelle moyenne de M.[N] [S] à 5 852 euros,

dit et jugé le licenciement de M.[N] [S] dénué de cause réelle et sérieuse

en conséquence, condamné la société anonyme Iveco Nord à payer à M.[N] [S] les sommes suivantes:

* 81 928 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 17 556 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 755 euros au titre des congés payés afférents,

* 28 284 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

ordonné à la société anonyme Iveco Nord la remise entre les mains de M.[N] [S], prise en son domicile, sous astreinte de 50€ par jour de retard et par document à compter du 31ème jour suivant la notification de la présente décision, des bulletins de salaire de septembre 2017 et octobre 2017 et d'une attestation pôle emploi conformes à la présente décision,

s'est réservé le droit de liquider l'astreinte,

rappelé qu'aux termes de l'article R1454-28 du code du travail sont exécutoires de droit à titre provisoire les condamnations ordonnant la délivrance des pièces que l'employeur est tenu de remettre ainsi que le paiement des sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 du code du travail dans la limite de 9 mensualités,

débouté la société anonyme Iveco Nord de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société anonyme Iveco Nord aux dépens y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels,

condamné la société anonyme Iveco Nord au remboursement à pôle emploi des indemnités versées à M.[N] [S] dans la limite de 6 mois sur le fondement de l'article L1235-4 du code du travail,

infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M.[N] [S] du surplus de ses demandes et statuer à nouveau sur les chefs infirmés,

condamner la société anonyme Iveco Nord à lui payer les sommes suivantes:

* 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct,

* 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour délivrance d'une attestation pôle emploi comportant des mentions erronées,

avec intérêts au taux légal,

ordonner la capitalisation de ces intérêts dans les conditions prévues par l'article 1343-2 (ancien article 1154) du code civil,

à titre subsidiaire, si la cour considérait que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, condamner la société anonyme Iveco Nord à lui payer la somme de 5 852 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de procédure,

en tout état de cause, dire que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation soit le 18 juillet 2018 et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil des prud'hommes de Versailles,

condamner la société anonyme Iveco Nord à lui payer la somme de 3 500 euros TTC au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

condamner la société anonyme Iveco Nord aux dépens de la procédure d'appel comprenant les frais d'exécution de la décision à intervenir.

Par ordonnance rendue le 18 octobre 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 24 octobre 2023.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Sur la cause

Sur la prescription

En application de l'article L1333-2 du code du travail, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie avant le prononcé de la sanction disciplinaire.

Selon les dispositions de l'article L1332-4 du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Il en résulte que l'engagement de poursuites disciplinaires dans le délai de l'article L1332-4 précité interrompt le délai de deux mois et fait courir un nouveau délai.

Aux termes de l'article L1332-2 alinéa 4 du code du travail, la sanction disciplinaire ne peut intervenir plus d'un mois après l'entretien préalable. Elle est notifiée à l'intéressé dans ce délai.

Néanmoins, ces dispositions ne s'opposent pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois si le comportement du salarié s'est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.

Le délai de prescription ne court pas du jour où les faits ont été commis mais du jour où l'employeur en a eu connaissance.

La connaissance des faits par l'employeur s'entend de l'information exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.

S'il subsiste un doute concernant l'un des griefs invoqués par l'employeur, il profite au salarié.

En l'espèce, M.[N] [S] soutient que son employeur a eu connaissance au jour le jour de l'ensemble de ces faits, tous le processus d'achat-vente de véhicules étant informatisé et l'ensemble des documents mis en ligne instantanément via le logiciel PLANET V.O. et le logiciel DM WEB. Il soutient que l'ensemble des documents étant accessibles, en temps réel via ces deux logiciels, aux supérieurs hiérarchiques de M.[N] [S], la société anonyme Iveco Nord a été informée instantanément des commandes de véhicules, des paiements, des livraisons de véhicules et de l'émission des factures et avoirs, ce que la société anonyme Iveco Nord conteste.

Il convient de constater que M.[N] [S] ne démontre pas l'intervention systématique de sa hiérarchie dans le processus de validation des commandes de véhicule et de leur paiement avant livraison et a minima de sa connaissance et de son suivi de chacune des étapes de vente des véhicules par ses salariés dont M.[N] [S]. En qualité de conseiller de vente véhicules d'occasions, statut cadre, M.[N] [S] bénéficiait d'une autonomie lui permettant comme établi par les pièces d'acheter des véhicules à la société de négoce FORUM AUTO lorsqu'il n'avait pas de véhicules en stock, de signer des bons de commande émis par cette société et de suivre l'envoi des véhicules sur le site de [Localité 17] aux fins de livraison. Il ne peut soutenir ne pas avoir accès à certaines informations dont le paiement des commandes alors que les échanges de mails produits aux débats entre M.[N] [S] et la société DISTRI MAT INDUSTRIE (pièce 22) démontrent le contraire. La société anonyme Iveco Nord justifiant avoir été informée pour la première fois d'une situation d'impayés le 8 septembre 2017 par mme [F], secrétaire comptable, les griefs motivant le licenciement ne sont pas prescrits, M.[N] [S] ayant été convoqué en vue de son licenciement une première fois le 19 septembre 2017, de sorte que le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur le fond

Selon l'article L1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

En l'espèce, M.[N] [S] invoque l'absence de procédures de vente à respecter et de formation, la parfaite connaissance par la hiérarchie des pratiques qui lui ont été reprochées à l'occasion de son licenciement, l'absence de gravité des faits et le non respect du délai restreint pour engager la procédure disciplinaire. Il soutient que le réel motif de son licenciement est purement économique sans pour autant invoquer aucun des éléments de qualification du licenciement économique tels que prévus par l'article L1233-3 du code du travail.

Il ne résulte pas des pièces produites par M.[N] [S] qu'il était de pratique courante et validée par la hiérarchie de livrer les véhicules achetés par des clients professionnels avant de recevoir le règlement du prix de vente.

Au contraire et comme relevé par la société anonyme Iveco Nord, il est expressément mentionné sur les bons de commande que le solde du paiement du véhicule doit intervenir à l'enlèvement de celui-ci et que 'par application de la loi n°80-335 du 12 mai 1980, le vendeur se réserve expressément la propriété du matériel objet du présent bon de commande jusqu'au paiement complet et effectif de son prix en principal et intérêts'. L'article 6 figurant au verso des bons de commande précisant également que 'le prix est payable, partie à la commande à hauteur d'au moins 10%, et le solde au moment de la livraison ou avant expédition'.

Les bons de commande produits par M.[N] [S] portent tous sa signature et les mentions précitées et c'est sur la base d'annotations écrites par M.[N] [S] lui-même sur ces bons, pour les besoins de la présente procédure, que M.[N] [S] affirme que les montants n'ont pas été réglés à la livraison (pièces 34a à 38a). La pièce 36 qu'il invoque comme étant la preuve de la connaissance par l'employeur de ces pratiques un an avant son licenciement, ne confirme pas ses allégations. En effet, rien ne permet de déduire de ces pièces que le paiement a eu lieu après la livraison dont la date n'est pas mentionnée outre le fait que la facture est bien datée du 26 septembre 2016, soit trois jours après la commande du véhicule, et alors que M.[N] [S] soutient que l'encaissement n'a eu lieu que le 12 novembre 2016.

Il convient de constater que toutes les pièces produites par M.[N] [S] lui-même sont circonscrites à la période de juin à juillet 2017, ce qui contredit la thèse de l'antériorité des pratiques qu'il dénonce aujourd'hui, alors même qu'il exerçait ses fonctions depuis le 6 décembre 2010.

Par ailleurs, l'attestation du garage Chassagnac (pièce 25) selon laquelle 'avec notre fournisseur IVECO NORD, avec lequel nous étions en relation pour achats de véhicules d'occasion, et d'un commun accord, nous pouvions récupérer des véhicules sur leur parc ou nous en faire livrer-les règlements des véhicules se faisant ultérieurement', outre le fait qu'aucune période n'y est mentionnée ni l'identité du fournisseur, même si l'on peut supposer qu'il s'agit de M.[N] [S], rien ne permet de déduire de cette attestation que cette pratique était portée à la connaissance de la hiérarchie de la société anonyme Iveco Nord.

L'attestation de M.[I] (pièce 43) n'accrédite pas plus la thèse de M.[N] [S], ne confirmant pas le paiement des véhicules après sa livraison et évoquant la remise d'une copie de la carte grise, ce qui signifie que M.[N] [S] conservait bien le titre de propriété.

Il en est de même de l'attestation de M.[L], salarié de la société L.[L] & fils [Localité 2] (pièce 44) qui indique que M.[N] [S] 'mettait le véhicule à ma disposition le temps de percevoir l'argent de la vente à mon client final. Nous avons procédé de nombreuses fois à cette manière de travailler'. Outre le fait qu'il n'y a aucune précision quant à la période concernée, ni confirmation de la connaissance de cette pratique par la hiérarchie de M.[N] [S], il y a lieu de relever que cette attestation porte sur des véhicules non remis directement au client final mais en outre, il n'y est pas mentionné la remise des titres de propriété des véhicules.

Le courriel de M. [Z], directeur général (pièce 38a) produit par M.[N] [S] confirme le principe du paiement du solde à la livraison, écrivant 'on vient d'avoir le client pour lui expliquer nos exigences, il propose un acompte de 30% sur la commande des 57 véhicules et le solde à la livraison (+14 possibles). La livraison interviendrait en moyenne de 10 à 14 jours après'.

M. [N] [S] ne pouvait ignorer les modalités de vente, les bons de commande étant renseignés et signés par lui, ce que son ancien directeur de vente confirme par attestation (pièce 41) indiquant que 'en tant que conseiller vente VO pendant toutes ces années, il a respecté les procédures de vente et de vérification client. Sur les dossiers qu'il a gérés, il a toujours demandé aux acheteurs les garanties nécessaires pour que les véhicules achetés soient réglés. M.[N] [S] connaissant parfaitement nos pratiques commerciales et exigences de garanties avant livraison de véhicules. Raison pour laquelle, quand il n'a pas respecté ces procédures en juin 2017, ce n'était pas par méconnaissance des procédures, mais par faute professionnelle'.

Il ne peut pas soutenir qu'il n'avait pas connaissance des dates de règlement et de l'identité des payeurs alors qu'il était en charge du suivi de la commande et de la livraison des véhicules à [Localité 17]. C'est sous ses directives que la secrétaire comptable établissait ensuite les factures et que le transfert de propriété se faisait. En sa qualité de conseiller des ventes, cadre niveau I A (fiche de poste pièce 27), il se devait d'assurer les tâches liées à la vente, à la conclusion de contrats de vente ou d'achat, à la négociation du prix et des modalités de financement.

Aucune des pièces produites par M.[N] [S] ne démontre une quelconque pratique permettant le paiement différé après livraison des véhicules, la déclaration de cession et le transfert de propriété avant tout règlement et à tout le moins une validation systématique de ce type de pratique par la direction de la société anonyme Iveco Nord, celle-ci démontrant que si exception il y avait, elle était décidée par la direction, après vérification des garanties financières du client (pièce 35). Or, M.[N] [S] n'a jamais sollicité de telles dérogations à sa hiérarchie.

En réalité, M.[N] [S] ne conteste pas sur le fond les griefs formulés dans la lettre de licenciement, se contentant d'invoquer, sans l'établir, la validation implicite de ces griefs par la société anonyme Iveco Nord et de circonscrire son domaine d'intervention à l'établissement des bons de commande. Or, en sa qualité de cadre et au vu de son ancienneté, il ne pouvait pas ignorer les process de vente applicables à l'entreprise y compris les règles relatives à la TVA et il ne démontre pas avoir procédé de cette façon avant juin 2017.

Enfin, la société anonyme Iveco Nord produit l'ordonnance de référé du tribunal de commerce de Bobigny du 13 février 2018 condamnant la SAS DISTRI MAT INDUSTRIE à payer à la société anonyme Iveco Nord notamment la somme de 88 362 euros de provision et la restitution des véhicules restant impayés immatriculés [Immatriculation 16], [Immatriculation 13], [Immatriculation 11], [Immatriculation 14], [Immatriculation 7], [Immatriculation 8], [Immatriculation 9], [Immatriculation 12] et [Immatriculation 15] sous astreinte de 300 euros par jour de retard, démontrant ainsi le préjudice subi.

En conséquence, les faits et leur gravité étant établis, il convient d'infirmer le jugement et de dire le licenciement pour faute grave bien fondé.

Sur l'irrégularité de la procédure

M.[N] [S] conteste la régularité de son licenciement au motif qu'il a fait l'objet d'un licenciement verbal avant la notification de la lettre de licenciement datée du 16 octobre 2017, ce que conteste la société anonyme Iveco Nord.

Il résulte des pièces produites aux débats que :

- par courrier du 8 septembre 2017, la société anonyme Iveco Nord ayant eu connaissance des faits, objet du licenciement, et ne parvenant pas à le joindre par téléphone, lui a demandé de contacter au plus vite M.[Z], directeur général, en raison d'une forte suspicion d'escroquerie de la part de la société DITRI-MAT,

- par courrier du 19 septembre 2017, la société anonyme Iveco Nord a convoqué M [N] [S] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 26 septembre 2017, sans mentionner qu'il pouvait aboutir à un licenciement, l'informant que l'entretien se tiendrait dans le bureau de M. [Z], directeur général, en présence de M.[K] et de la possibilité pour M.[N] [S] d'être assisté par un membre du personnel de son choix

- par un second courrier du 28 septembre 2017, la société anonyme Iveco Nord a convoqué M. [N] [S] pour un entretien préalable à une sanction disciplinaire, fixé au 6 octobre 2017, en précisant qu'elle envisageait une éventuelle mesure de licenciement, que l'entretien se tiendrait dans le bureau de M.[Z], directeur général, en présence de M.[G], directeur financier et de la possibilité pour M.[N] [S] d'être assisté par un membre du personnel de son choix.

Comme rappelé par la société anonyme Iveco Nord, la circulaire n°91-16 du 5 septembre 1991 relative à l'assistance du salarié lors de l'entretien préalable au licenciement dispose que 'L'hypothèse d'une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, sans précision sur la nature de la sanction peut être envisagée. Dans ce cas, s'il apparaît au cours de l'entretien que la sanction retenue est un licenciement, l'employeur doit convoquer à nouveau pour un autre entretien préalable le salarié afin que celui-ci puisse se faire assister par un conseiller'.

Ainsi donc, si les courriers du 8 septembre et 19 septembre 2017 ne sont pas conformes, le premier ne valant pas convocation régulière à un entretien préalable et le second ne respectant pas le délai de 5 jours entre la convocation et la date de l'entretien et ne précisant pas l'éventualité du licenciement, pour autant il convient de dire que la convocation du 28 septembre 2017 a régularisé la procédure, celle-ci respectant le délai de 5 jours et précisant qu'il s'agit un entretien préalable à une sanction disciplinaire, susceptible d'aboutir à un licenciement.

Par ailleurs la présence de M.[G], directeur financier de l'entreprise et de Mme [P], DRH, ne saurait être considérée comme irrégulière, l'employeur pouvant se faire assister de personnes de l'entreprise. M.[N] [S] ne conteste pas que Mme [P] n'ait pas pris la parole durant l'entretien comme celle-ci l'atteste (pièce 32), ne démontre pas que cette assistance ait porté atteinte à ses intérêts, rappelant qu'il était lui-même assisté par une salariée de l'entreprise, Mme [A], dont il ne produit aucune attestation contraire ni compte rendu démontrant que l'entretien ait été dirigé par une autre personne que le directeur et se soit transformé en enquête.

Le fait qu'il lui ait été demandé de rendre les clefs de son véhicule de fonction le 16 octobre 2017 et que la commande de son futur véhicule de fonction ait été annulée à la même date, avant qu'il ait reçu notification officielle de la lettre de licenciement datée du 16 octobre 2017, n'entachent pas la régularité de la procédure. Si M. [N] [S] évoque la visite, avant la réception de sa lettre de licenciement, d'un dénommé Pluyal de la société Fiat France pour lui demander son curriculum vitae afin de le diffuser à ses contacts, il convient de relever qu'il ne donne aucune précision sur la date de cet entretien qu'il situe 'en octobre 2017" outre le fait qu'il ne produit aucune attestation de ce monsieur pour confirmer les termes de cet entretien.

Au vu de ce qui précède, il convient de dire la procédure de licenciement régulière et de débouter M.[N] [S] de sa demande en dommages-intérêts par substitution de motif.

Sur les conséquences financières

Sur les demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au vu de ce qui précède, M.[N] [S] sera débouté de l'ensemble de ses demandes de ce chef et le jugement du conseil des prud'hommes infirmé.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct

Lorsque les circonstances de la rupture occasionnent un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi, le salarié est fondé à demander une indemnisation sur le fondement de l'article 1240 du code civil (anciennement 1382 du code civil).

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.

En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.

A l'examen des pièces versées et des moyens débattus, M.[N] [S] n'établit pas de faits fautifs de nature à justifier une indemnisation.

Sur la demande de liquidation d'astreinte

Au vu de ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre de l'attestation pôle emploi

Selon l'article 1240 du code civil, 'Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer'.

M.[N] [S] expose que la première attestation établie le 17 octobre 2017 par l'employeur omettait d'intégrer dans le salaire de septembre 2017 les commissions d'août 2017 qui représentaient 4 520,30 euros, de sorte que pôle emploi n'a pas pu prendre en compte la moyenne réelle des salaires perçus sur les douze mois. Par ailleurs, l'employeur avait omis de cocher la case 'préavis non effectué non payé', erreur non corrigée sur la 2ème attestation rectificative du 22 octobre 2021 qui comportait également une nouvelle erreur sur la période d'emploi mentionnant un début d'activité le 1er janvier 2015 au lieu du 23 novembre 2000. Il sollicite en réparation la somme de 1 000 euros.

En réponse, la société anonyme Iveco Nord relève que M.[N] [S] ne justifie d'aucun préjudice dès lors qu'il a pu produire l'intégralité de ses bulletins de paie et qu'il n'invoque ni ne justifie d'une diminution de son droit à indemnisation. Par ailleurs, la case de préavis n'avait pas lieu d'être cochée s'agissant d'un licenciement pour faute grave. Enfin, la mention des commissions figurent dans le cadre 6.3 de l'attestation pôle emploi et n'avait pas à apparaître dans le cadre 6.1 qui ne concernait que les salaires perçus sur les mois précédant le terme du contrat de travail soit antérieurs à octobre 2017.

Au vu de ce qui précède et faute pour M.[N] [S] d'évoquer et de justifier d'un préjudice, il convient de le débouter de sa demande par confirmation du jugement querellé.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en première instance

Il convient d'infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de ces chefs, de débouter la société anonyme Iveco Nord de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M.[N] [S] aux dépens de première instance.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens en appel

Il convient de débouter la société anonyme Iveco Nord de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M.[N] [S] aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du conseil des prud'hommes de Versailles en date du 15 septembre 2021 sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'attestation de pôle emploi et par substitution de motif, de sa demande en dommages-intérêts au titre de l'irrégularité de la procédure ;

Statuant à nouveau et y ajoutant;

Dit le licenciement pour faute grave bien fondé;

Déboute M. [N] [S] du surplus de ses demandes;

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel;

Condamne M. [N] [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Président et par Isabelle FIORE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,