CA Rennes, 1re ch., 6 février 2024, n° 21/07899
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Époux L, Immobilière Blandin Beliard (SNC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Veillard
Vice-président :
M. Bricogne
Conseiller :
Mme Brissiaud
Avocats :
Me Lhermitte, Me Dubois, Me Verrando, Me Buffet, Me Huc
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 5 décembre 2019, M. [X] [H] et Mme [K] [P] ont consenti à l'agence immobilière ILB Associés, SNC Blandin Béliard, un mandat exclusif de vente de leur maison d'habitation sise [Adresse 4] à [Localité 10] cadastrée section EV n° [Cadastre 3], moyennant le prix, hors rémunération du mandataire, de 800.000 €. Le bien y est décrit comme une 'maison à usage d'habitation sur parcelle de 437 m2 cadastrée EV[Cadastre 3] - Jardin avec appentis au fond.'
Le 21 décembre 2019, M. [M] [L] et son épouse Mme [W] [J] ont formulé une offre d'achat à hauteur de 800.000 € net vendeur.
Le 11 janvier 2020, un compromis de vente, rédigé par l'agence immobilière, a été régularisé entre M. [H] et son épouse Mme [P], d'une part, et M. et Mme [L], d'autre part, sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt et comportant une clause pénale en cas de refus d'une des parties de régulariser l'acte authentique. Le bien y est décrit comme comprenant notamment un 'jardin, un chalet habitable avec poêle en fond de parcelle.'
La régularisation devait intervenir au plus tard le 6 mai 2020.
Eu égard à l'état d'urgence sanitaire, les parties ont convenu, par voie d'avenant, de proroger le délai de réalisation du compromis.
Par courrier du 31 juillet 2020, M. et Mme [L], par l'intermédiaire de leur conseil, ont fait savoir au notaire chargé de la réitération de la vente que celle-ci leur paraissait prématurée, en raison principalement de l'irrégularité de la situation administrative de la dépendance.
S'en est suivi un échange de correspondances entre les parties.
Une tentative de conciliation a été initiée par M. [H] et Mme [P], qui a été refusée par M. et Mme [L].
Une sommation d'avoir à réitérer la vente et acquérir a été délivrée à M. et Mme [L] le 31 mars 2021.
Le notaire a dressé un procès-verbal de difficultés le 8 avril 2021.
M. et Mme [L] ayant refusé de réitérer la vente, M. [H] et Mme [P], autorisés par ordonnance du premier vice-président du tribunal judiciaire de Nantes du 21 mai 2021, les ont assignés à jour fixe ainsi que l'agence immobilière en résolution de la vente, paiement de la clause pénale et réparation de leurs préjudices.
Par jugement du 10 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- rejeté la demande avant dire droit de comparution personnelle des parties,
- débouté M. [X] [H] et Mme [K] [P] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné M. [X] [H] et Mme [K] [P] à déposer une demande de permis de construire auprès de la mairie de [Localité 10] aux fins de régularisation de la situation administrative de la dépendance de la maison d'habitation sise [Adresse 4] à [Localité 10], cadastrée section EV n° [Cadastre 3], et ce sous astreinte provisoire de 200 € par jour de retard passé un délai de trente jours à compter de la signification du jugement, pendant un délai de trois mois,
- condamné in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à M. [M] [L] et à son épouse Mme [W] [J] la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
- condamné in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à M. [M] [L] et à son épouse, Mme [W] [J], la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [M] [L] et son épouse Mme [W] [J] du surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à la SNC Immobilière Blandin Béliard la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] aux dépens,
- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit du présent jugement.
Suivant déclaration du 20 décembre 2021, M. [H] et Mme [P] ont fait appel de ce tous les chefs de ce jugement en intimant M. et Mme [L] ainsi que la SNC Immobilière Blandin.
M. et Mme [L] ont relevé appel du jugement le 2 mars 2022 en intimant M. [H] et Mme [P]. Ces appels ont été joints par une ordonnance du 17 mai 2022.
M [H] et Mme [P] ont déposé le 16 décembre 2021 un dossier de permis de construire portant sur la dépendance édifiée en fond de jardin et ont obtenu :
un arrêté de permis de construire délivré par l'adjoint délégué de Mme [R] de [Localité 10] du 5 mai 2022 sous le permis de construire n°44109 21 A0643,
une attestation de non contestation à la conformité des travaux délivrée le 10 août 2022.
Par lettre officielle du 5 septembre 2022, le projet d'acte de vente a été transmis et un rendez-vous de signature proposé pour le 14 septembre 2022.
Par courriel du 10 septembre 2022, l'avocat de M. et Mme [L] a indiqué que la signature de la réitération de la vente lui semblait impossible en raison de la procédure pendante devant la cour d'appel de Rennes. Sur sommation du même jour d'avoir à réitérer la vente et acquérir, la vente a été signée le 14 septembre 2022.
Suivant ordonnance sur requête du 16 septembre 2022, M. et Mme [L] ont été autorisés à pratiquer une saisie-conservatoire à hauteur de la somme de 200.000 € sur le prix de vente revenant aux époux [H]-[P]. Toutefois, le juge de l'exécution a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire suivant ordonnance du 15 décembre 2022.
Par conclusions remises au greffe et notifiées le 17 octobre 2022, complétées par leurs écritures remises au greffe et notifiées le 14 novembre 2022, M. [H] et Mme [P] ont saisi le conseiller de la mise en état d'une demande d'audition de M. et Mme [L], du représentant de l'agence immobilière Blandin Béliard ainsi que de deux personnes travaillant au service de l'urbanisme de la ville de [Localité 10].
Suivant ordonnance du 17 janvier 2023, le conseiller de la mise en état les a déboutés de leurs demandes et les a condamnés aux dépens de l'incident.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 5 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [X] [H] et Mme [K] [P], demandent à la cour d'infirmer l'intégralité du jugement entrepris et, statuant à nouveau de :
I/ Sur les demandes des parties intimées
A titre principal :
- rejeter l'intégralité des demandes et prétentions des parties intimées,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire il était fait droit à certaines demandes des époux [L] :
- limiter l'indemnisation des époux [L] à hauteur de 2.500 €,
II/ Sur les demandes de M. [H] et Mme [P]
- condamner solidairement et à tout le moins in solidum les époux [L] et l'agence Immobilière Blandin Béliard à leur payer la somme de 200.000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi tant par Mme [P] que M. [H],
- condamner solidairement et à tout le moins in solidum les époux [L] et l'agence Immobilière Blandin Béliard à leur payer la somme de :
* 495 € au titre des frais de constat d'huissier relatifs à l'affichage du permis de construire,
* 5.181,64 € au titre des frais de déménagement avortés,
* 936 € au titre des frais de garde meuble exposés du fait du report de la vente,
* 12. 580,50 € au titre du surcoût relatifs au prêt CIC en cours sur le bien du fait du retard de réitération de la vente,
* 11.703,05 € au titre du surcoût relatifs au prêt Crédit Agricole en cours sur le bien du fait du retard de réitération de la vente,
* 2.184,08 € au titre des frais de sommation et de constat d'huissier liés au refus abusif des époux [L] de réitérer la vente,
* 135 € au titre des frais de nouveaux diagnostics rendus nécessaires par le retard de réitération de la vente,
* 220 € au titre des frais de ramonage rendus nécessaires par le retard de réitération de la vente,
* 99 € au titre des frais d'entretien de la chaudière rendus nécessaires par le retard de réitération de la vente.
- condamner l'agence Immobilière Blandin Béliard à les relever et garantir indemne de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre,
- condamner solidairement et à tout le moins in solidum les époux [L] et l'agence Immobilière Blandin Béliard à leur payer la somme de 70.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement et à tout le moins in solidum les époux [L] et l'agence Immobilière Blandin Béliard aux dépens.
*****
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 1er septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, M. [M] [L] et Mme [W] [L] née [J] demandent à la cour de :
- les recevoir en leurs appels principal et incident, les dire bien fondés et y faisant droit,
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a :
* débouté les époux [H] de toutes demandes, fins et conclusions.
* les a condamnés reconventionnellement à déposer une demande de permis de construire pour la régularisation administrative et urbanistique de la construction du chalet habitable situé en fond de parcelle du bien vendu et ceci sous astreinte de 200,00 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
* retenu leur responsabilité,
* retenu le principe de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées et particulièrement en ce qu'il a :
* limité la condamnation in solidum de M. [X] [H] et Mme [K] [P] à leur payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts,
* limité la condamnation in solidum de M. [X] [H] et Mme [K] [P] à leur payer la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* débouté M. [M] [L] et son épouse Mme [W] [J] du surplus de leurs demandes,
Et statuant à nouveau sur les seuls chefs critiqués :
- condamner les époux [H] à leur payer solidairement ou in solidum la somme de 230.533,50 € à titre de dommages et intérêts, toutes causes de préjudice confondues,
- condamner les époux [H] à leur payer solidairement ou in solidum la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux dépens avec distraction au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.
*****
Aux termes de leurs dernières conclusions transmises et notifiées au greffe le 3 juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la SNC immobilière Blandin Beliard demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il l'a mise hors de cause et en ce qu'il a condamné les époux [H] à lui régler la somme de 2500 € pour ses frais de défense de première instance,
En conséquence :
- débouter les époux [H] de leurs demandes de condamnation solidaire ou in solidum avec les époux [L] au paiement de diverses indemnités d'un montant total de 33.534,27 €, de 200.000 € pour préjudice moral et de 70.000 € pour frais de défense outre les dépens,
- débouter les époux [H] de leur demande à se voir relevés et garantis par elle-même de toutes condamnations pouvant être mises à leur charge,
- condamner les époux [H] in solidum à lui payer la somme de 6.000 € pour ses frais de défense en appel,
- condamner les époux [H] in solidum aux dépens de première instance et d'appel,
- condamner toute partie perdante au paiement de la participation aux frais de défense et aux dépens.
MOTIVATION DE LA COUR
1°/ Sur l'imputabilité du retard pris dans la signature de l'acte de vente authentique
En droit, selon l'article 1602 du code civil, le veneur est tenu d'expliquer clairement ce à quoi il s'oblige.
Il en découle un devoir d'information du vendeur vis-à-vis de l'acquéreur, notamment sur les anomalies juridiques qui affecteraient la chose vendue. Il est constant que celui-ci doit informer l'acquéreur de toute construction édifiée sans autorisation administrative.
Par ailleurs, il ressort des articles 1603, 1604 et 1615 du même code que le vendeur est tenu d'une obligation de délivrance, laquelle porte non seulement sur la chose vendue mais aussi sur ses accessoires et tout ce qui a été destiné à son usage perpétuel.
Il en découle que le vendeur s'oblige à délivrer la chose telle qu'elle a été définie par les parties, à savoir une chose conforme aux caractéristiques résultant de manière explicite des stipulations contractuelles ou entrées de manière implicite dans le champ contractuel. En outre, l'obligation de délivrance suppose que le bien vendu est conforme aux normes administratives.
En l'espèce, le compromis de vente du 11 janvier 2020 liant les parties précise que la vente porte sur une maison d'habitation comprenant notamment 'un chalet habitable avec poêle en fond de parcelle.' Par ailleurs, le compromis mentionne en page 13 dans la sous-partie intitulée 'construction - agrandissement - travaux sur le bien' de la partie intitulée 'état du bien', que 'le vendeur déclare que le bien objet des présentes n'a pas fait l'objet de son chef de travaux nécessitant une autorisation administrative et/ou une assurance dommage ouvrage.'
Il ressort du procès-verbal de difficultés dressé le 8 avril 2021 que M. et Mme [L], qui avaient été sommés par exploit du 31 mars 2021 par les demandeurs de procéder à la signature de l'acte authentique de vente, ont refusé de régulariser cet acte aux motifs que la dépendance qui avait été édifiée sans aucune autorisation administrative ne pouvait être considérée comme comprenant une surface habitable de sorte que le prix devait en être diminué, et qu'il appartenait aux vendeurs de déposer une demande de permis de construire de régularisation de cette construction.
De fait, la dépendance litigieuse a été édifiée en 2007 par les époux [H]-[P] sans aucune autorisation administrative alors qu'un certificat de superficie dressé le 6 décembre 2019 par le cabinet Bossard a établi que la surface au sol de cette dépendance est de 20,63 m².
Ainsi que le conseil des acquéreurs l'a indiqué au notaire chargé de la vente par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2020, un permis de construire était nécessaire en application des dispositions des articles L. 421-1 et R. 421-14 du code de l'urbanisme.
Les époux [H] ont donc vendu aux époux [L] une dépendance présentée comme habitable alors qu'elle ne pouvait juridiquement l'être s'agissant d'une construction illégale. Ils ont également porté au compromis une information fausse en indiquant que le bien vendu n'avait pas fait l'objet de son chef de travaux nécessitant une autorisation administrative.
Les vendeurs échouent à faire la démonstration de ce que la situation administrative de la dépendance était parfaitement connue des acquéreurs avant la signature du compromis et que ceux-ci avaient accepté d'en faire leur affaire personnelle.
Au vu de ces éléments, comme l'a justement retenu le tribunal, les époux [L] étaient en droit d'exiger des vendeurs qu'ils régularisent la situation administrative de la dépendance édifiée sans permis de construire, avant la signature de l'acte authentique, afin que leur soit délivré un bien conforme aux stipulations du compromis.
Les époux [H]-[P] ne peuvent d'ailleurs sérieusement contester la légitimité de cette demande dès lors qu'ils ont cherché - avec l'aide de l'agence immobilière - à régulariser la situation de cette dépendance auprès des services de l'urbanisme de [Localité 10], en déposant une demande de déclaration préalable le 29 juin 2020, à laquelle la mairie de [Localité 10] ne s'est pas opposée suivant arrêté du 24 juillet 2020.
Cette décision de non opposition à déclaration préalable a toutefois été retirée par arrêté du 23 septembre 2020 à la demande de M. [H].
En tout état de cause, cette démarche n'était d'aucune utilité pour parvenir à la régularisation de administrative de la dépendance litigieuse dans des conditions régulières puisque la superficie de la construction (20,63m2), pourtant connue depuis 2019, devait conduire M. [H] et Mme [P] à déposer une demande de permis de construire et non pas seulement une déclaration préalable de travaux.
Cette tentative de régularisation totalement infructueuse (voire frauduleuse) est imputable à M. [H] et Mme [P] qui n'ignoraient pas leurs obligations ni les attentes précises des acquéreurs.
La position des acquéreurs leur a été du reste expressément rappelée dans un courrier officiel du 7 novembre 2020 aux termes duquel le conseil des époux [L] leur a clairement indiqué que la résolution du litige passait par :
- 'soit l'obtention d'un permis de construire définitif obtenu dans des conditions régulières, c'est-à-dire par la déclaration sincère du bien objet de la régularisation, demande que doivent formuler vos clients'
- 'soit, mes clients toujours déterminés à en terminer ainsi, par la réduction du prix de 30.000 €, mes clients faisant alors leur affaire personnelle de la régularisation de cette construction située au fond du jardin.'
La cour observe que dans sa lettre officielle datée du 30 septembre suivant, le conseil des époux [H]-[P] a répondu que 'les consorts [H] n'entendent pas donner suite aux demandes infondées des consorts [L]. Par la présente, il est demandé aux consorts [L] de mettre fin à ces complications inutiles et de faire leur affaire personnelle d'une régularisation dont ils font grand cas sur un bâtiment annexe qui n'est même pas visé dans leur offre d'achat. Etant précisé qu'il semble y avoir aucune difficulté au plan de l'urbanisme pour obtenir ladite régularisation.'
Il s'avère donc que de manière incompréhensible, alors qu'ils avaient procédé à une vaine tentative de régularisation de la dépendance en déposant une demande de déclaration préalable auprès des services de l'urbanisme, M. [H] et Mme [P] ont ensuite expressément refusé de déposer une demande de permis de construire, seule démarche de nature à régulariser la construction et à permettre ainsi de résoudre le litige, en estimant à tort, que la demande des époux [L] était illégitime.
Ce refus est injustifié dès lors qu'il leur incombait d'accomplir la démarche de régularisation dans le cadre de leurs obligations légales de vendeurs.
Par ailleurs, leurs moyens et arguments pour tenter de justifier leur position et rejeter la responsabilité du blocage de la vente sur les acquéreurs ne peuvent qu'être écartés, comme étant totalement inopérants.
En premier lieu, la bonne ou la mauvaise foi des vendeurs est ici indifférente.
En effet, il importe peu que M. [H] et Mme [P] aient pu croire qu'aucune autorisation administrative n'était nécessaire lors de la construction de la dépendance, en se référant à la facture relative à ces travaux établie par la SA Tickner en date du 26 février 2007 laquelle mentionnait : 'Permis de construire/ déclaration de travaux : aucune demande nécessaire', dans la mesure où la construction édifiée en 2007 reprenait exactement la même superficie au sol que l'ancien appentis.
Par ailleurs, comme précédemment indiqué, la demande des époux [L] est légitime du seul fait de l'information erronée contenue dans le compromis et de l'obligation légale de délivrance du vendeur, alors même qu'il n'est pas démontré que ceux-ci avaient eu connaissance, avant la signature de l'avant contrat du caractère illégal de la construction. Les développements de M. [H] et de Mme [P] relatifs à l'absence de dol ou de volonté de dissimulation sont donc sans intérêt.
En second lieu, il importe peu que cette dépendance n'ait pas été expressément mentionnée dans l'offre d'achat formulée par M. et Mme [L] dès lors qu'elle l'était dans le compromis de vente, qui constitue la loi des parties. Par ailleurs, les vendeurs ne peuvent invoquer le changement à leur insu de désignation de cette dépendance dans le compromis où elle a été qualifiée de 'chalet habitable', dès lors qu'ils ont accepté de signer celui-ci, avec cette désignation, laquelle n'est au surplus pas l'objet du litige.
En troisième lieu, s'il est acquis que les délais de prescription, tant au plan pénal, fiscal qu'au plan civil, étaient expirés, les travaux réalisés demeuraient illégaux et non régularisés de sorte que pour les raisons déjà exposées, tenant notamment à l'obligation légale du vendeur de délivrer un bien avec toutes les autorisations administratives requises, M. et Mme [L] étaient légitimes à refuser de réitérer la vente par acte authentique, indépendamment d'avoir à justifier d'un quelconque préjudice.
Au total, la cour prend acte de ce que la vente a pu être signée le 14 septembre 2022, après que les consorts [H] -[P] aient accompli les démarches en vue de régulariser la situation administrative de la dépendance, en exécution du jugement critiqué. Il y a lieu de considérer que la situation de blocage de la vente jusqu'à cette date est entièrement imputable aux vendeurs du fait de l'irrégularité de la construction puis de l'absence de régularisation par le dépôt d'une demande de permis de construire.
Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté le caractère fautif du refus des époux [L] de réitérer l'acte authentique, en ce qu'il a en conséquence, débouté M. [H] et Mme [P] de leur demande de résolution du compromis de vente aux torts exclusifs des acquéreurs ainsi que de leurs demandes portant sur la condamnation de M. et Mme [L] au paiement de la clause pénale et à l'indemnisation de leurs préjudices et, enfin, en ce qu'il a condamné M.[H] et Mme [P] sous astreinte à déposer une demande de régularisation de la situation administrative de la dépendance auprès de la mairie de [Localité 10].
Par ailleurs, M. [H] et Mme [P] ne pourront qu'être déboutés de toutes leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires formées en appel à l'encontre de M. et Mme [L].
2°/ Sur les préjudices de M. et Mme [L]
En l'espèce, M. [H] et Mme [P] ont manqué à leur obligation de conseil et de délivrance puis ils ont durablement bloqué la vente en refusant d'effectuer une démarche pourtant simple de régularisation de la construction. Ces manquement contractuels engagent leur responsabilité vis-à-vis des acquéreurs.
M. et Mme [L] ont formé un appel incident s'agissant du montant des dommages et intérêts qui leur ont été accordés par le tribunal. Ils estiment que l'absence de régularisation de la vente dans les délais prévus leur a causé un préjudice total à hauteur de 230.533,50 €.
S'agissant des loyers, le tribunal a retenu à juste titre que les époux [L] ont été contraints de régler des loyers alors que cette dépense aurait pu être évitée si la dépendance avait été bâtie dans des conditions régulières ou si la régularisation était intervenue avant la signature du compromis, ce qui aurait permis de réitérer celle-ci à la date prévue, le 6 août 2020 au plus tard. Les époux [L] ont justifié de la conclusion d'un bail portant sur une maison d'habitation prenant effet le 7 janvier 2019, dont le montant s'élève à 2.000 € par mois. Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné M. [H] et Mme [P] à leur payer des dommages et intérêts correspondant aux loyers acquittés entre le 6 août 2020 et la date du jugement, soit la somme de 30.000 € (15 mois x 2.000 €).
En appel, les époux [L] actualisent ce poste de préjudice correspondant aux loyers réglés entre le jugement du 10 novembre 2021 et la signature de l'acte authentique intervenue le 14 septembre 2022 soit pendant 10 mois supplémentaires.
Il sera fait droit à cette demande. M. [H] et Mme [P] seront condamnés in sodidum à payer à M. et Mme [L] la somme de 20.000 € à ce titre.
S'agissant des frais d'architecte, M. et Mme [L] sollicitent la somme de 10.260 €. Comme en première instance, ils produisent une note d'honoraires n°1 établie par la SARL Vincent de Bourmont le 18 mars 2020 d'un montant de 4.020 € et une seconde facture intitulée note d'honoraires n°3 établie le 8 juin 2020 s'élevant à la somme de 3.240 €.
Cependant, comme l'avaient justement relevé les premiers juges, ces notes d'honoraires concernent l'extension de la maison individuelle sise [Adresse 4] à laquelle la mairie de [Localité 10] ne s'est pas opposée. Ces frais, que les époux [L] ont décidé d'exposer avant même la réitération de l'acte définitif, sont sans rapport avec la situation administrative de la dépendance et il n'est pas établi que la non réalisation des travaux d'extension de la maison présente un quelconque lien de causalité avec les manquements reprochés aux vendeurs. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les époux [L] de cette demande.
S'agissant des frais de paiement de la cotisation pour le cautionnement garantissant leur emprunt, les époux [L] produisent une attestation du Crédit Agricole Atlantique Vendée indiquant qu'ils ont réglés la somme de 210,94 € d'assurance décès invalidité entre juin 2020 et septembre 2022. Ils réclament donc la somme totale de 5.273,50 € au titre des cotisations réglées entre le 6 août 2020 et le 14 septembre 2022 (210,94 € x 25).
Cependant, M. et Mme [L] ne justifient pas que les manquements contractuels des vendeurs présenteraient un lien de causalité quelconque avec le paiement de cette cotisation qui paraît due quel que soit le retard pris dans la réitération de la vente. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il les a déboutés de leur demande de remboursement des frais de paiement de la cotisation pour le cautionnement garantissant leur emprunt.
S'agissant du préjudice moral, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il y a lieu de considérer que le refus injustifié des vendeurs de régulariser la situation administrative de la dépendance puis leur demande en justice tendant à la résolution de la vente aux torts exclusifs des époux [L] ont pu causer à ces derniers des troubles et tracas qu'il convient toutefois d'apprécier à l'aulne du caractère strictement patrimonial du litige. Après infirmation du jugement, M. [H] et Mme [P] seront condamnés in solidum à payer à M. et Mme [L] la somme de 500 € chacun.
En appel, M. et Mme [L] invoquent un nouveau préjudice de restriction d'usage de la dépendance, découlant de la mention figurant sur le permis de construire obtenu le 5 mai 2022 selon laquelle 'la dépendance, telle qu'indiquée dans la demande susvisée, ne pourra être un logement indépendant.' Estimant que cette mention restreint les possibilités d'usage de cette dépendance de 20m2 qui leur a pourtant été vendue comme 'habitable', ils sollicitent la somme de 115.000 € à titre de compensation financière.
Il est exact que l'arrêté de permis de construire obtenu le 5 mai 2022 en vue de régulariser la situation administrative de la dépendance a précisé que 'la dépendance, telle qu'indiquée dans la demande susvisée, ne pourra être un logement indépendant.'
Interrogé sur la portée de cette mention, le service de l'urbanisme de [Localité 10] a précisé que 'en tant que tel, l'utilisation de cette dépendance comme pièce de vie n'est pas remise en question par l'arrêté qui a été délivré (') Si et seulement si, cette dépendance était utilisée dans le futur en tant que logement indépendant, c'est-à-dire louée à un tiers, alors l'unité foncière qui comporterait dès lors deux logements, se devra d'être conforme à la norme de stationnement disposé par le Plan Local d'Urbanisme métropolitain (').'
Il en résulte que 'l'habitabilité' de la dépendance n'est pas remise en question par cette mention qui ne constitue qu'un simple rappel de la situation au regard du Plan Local d'Urbanisme Métropolitain applicable depuis le 23 avril 2019, imposant pour toute création d'un logement indépendant, une place de stationnement.
Cette restriction d'usage est sans lien avec la situation administrative de la dépendance et n'est pas imputables aux vendeurs, dès lors qu'elle découle des règles d'urbanisme préexistante lors de la vente.
En outre, M. et Mme [L] ne peuvent sérieusement se fonder sur la perte d'un usage hypothétique ni soutenir que 'le prix de 800.000 € pour 160 m2 soit 5.000 € le mètre carré n'a plus de sens (') la réfection qui s'impose à titre de dommages et intérêts doit être calculée à hauteur de 23 m2 soit 115.000 €' dès lors la dépendance reste utilisable comme pièce d'appoint de la maison principale et que le projet de création d'un logement indépendant n'est jamais entré dans le champs contractuel.
Enfin, les époux [L] sont d'autant moins fondés en leur demande que l'acte de vente signé en présence de leur propre notaire et de leur avocat précise bien que 'l'acquéreur reconnaît avoir été parfaitement informé dès avant ce jour que la dépendance en fond de jardin ne remplit pas les conditions d'habitabilité au sens de l'article R.311-3 du code de la construction et de l'habitation et de l'article1 du décret n°87-149 du 6 mars 1987, et qu'elle ne peut constituer un logement indépendant, lequel décret fixe les conditions minimales de confort et d'habitabilité auxquelles doivent répondre les locaux mis en location, ce dont reconnaît parfaitement l'acquéreur pour avoir visité dès avant la signature de l'avant-contrat, ladite dépendance ne comprenant pas notamment de sanitaire, ni de cuisine ' L'acquéreur déclare vouloir faire son affaire personnelle de la situation précitée, sans recours contre quiconque.'
M. et Mme [L] seront par conséquent déboutés de cette demande.
3°/ Sur la responsabilité de l'agence immobilière
M. [H] et Mme [P] sollicitent comme en première instance la condamnation de la SNC Immobilière Blandin Béliard à leur payer des dommages et intérêts. En appel, ils sollicitent également sa condamnation à les relever et garantir indemnes de toute condamnation qui pourrait être prononcée à leur encontre.
Ils reprochent à l'agence immobilière d'avoir inséré le vocable 'chalet habitable' dans le compromis de vente. Toutefois, comme l'a justement relevé le tribunal, la dénomination de la construction en fond de jardin n'est ni la cause ni l'objet du litige qui a opposé les acquéreurs à leurs vendeurs, le problème étant la régularité de la construction au regard des règles d'urbanisme et des autorisations nécessaires, ainsi que le rappelait le conseil des époux [L] dans un courrier adressé au conseil des vendeurs le 7 septembre 2020.
Par ailleurs, il ne peut sérieusement être reproché à l'agence immobilière, en sa qualité de professionnel de ne pas avoir vérifié la situation juridique du bien vendu et notamment sa régularité administrative dès lors que les vendeurs lui avaient déclaré ne pas avoir réalisé de leur chef de travaux nécessitant une autorisation administrative et/ou une assurance dommage ouvrage ainsi que cela résulte des termes du compromis de vente. Aucun élément ne lui permettait de douter de la véracité des déclarations des vendeurs.
M. [H] et Mme [P] reprochent encore à l'agence un défaut de conseil pour ne pas avoir pris la précaution de consigner dans le compromis de vente les difficultés soulevées par les acquéreurs lors de la signature de l'avant-contrat et de ne pas avoir repris toutes les déclarations faites en réponse par les vendeurs. Toutefois, la réalité et la teneur des échanges entre les parties que les appelants reprochent à l'agence immobilière de ne pas avoir précisément relatés dans son acte ne résultent que des propres déclarations de M. [H] et ne peuvent être tenues pour acquises. Il n'est pas précisément indiqué quelles informations prétendument communiquées par les époux [H] lors de la signature du compromis de vente auraient dû figurer dans le compromis. Le grief n'est donc pas fondé.
Enfin, M. [H] et Mme [P] font grief à l'agence de leur avoir conseillé de déposer une demande de déclaration préalable alors que celle-ci n'était d'aucune utilité. Ils considèrent que l'agence immobilière est donc au moins pour partie à l'origine du retard de réitération de la vente.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le collaborateur de l'agence immobilière a lui-même déposé la demande de déclaration préalable au service de l'urbanisme (afin de faire jouer une relation et obtenir un traitement accéléré du dossier, selon le souhait de M. [H] ainsi qu'il ressort des échanges de SMS). Toutefois, rien ne permet de considérer que ce professionnel avait connaissance de la superficie réelle de la dépendance, à savoir 20,63 m² au lieu de 20 m², comme faussement indiqué sur le formulaire cerfa signé par M. [H].
Sans la connaissance du caractère erroné de la superficie mentionnée dans la demande, l'agence immobilière ne pouvait se douter du caractère sinon frauduleux, du moins totalement inutile de la demande de déclaration préalable en lieu et place d'une demande de permis de construire.
Le défaut de conseil n'est donc pas avéré.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] et Mme [P] de toutes leurs demandes indemnitaires à l'encontre de la SNC Immobilière Blandin Béliard et ils seront déboutés de leur demande de garantie.
4°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.
Succombant en appel, M. [H] et Mme [P] seront condamnés in solidum au dépens d'appel et déboutés par conséquent de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'est pas inéquitable de les condamnés in solidum à payer sur ce même fondement, au titre des frais irrépétibles d'appel :
- la somme de 3.000 € à M. et Mme [L],
- la somme de 2.500 € à la SNC Immobilière Blandin Béliard.
* * *
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 10 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Nantes, sauf en ce qu'il a débouté M. [M] [L] et Mme [W] [J] épouse [L] de leur demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à M. [M] [L] et Mme [W] [J] épouse [L] la somme de 500 € chacun au titre du préjudice moral,
Condamne in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à M. [M] [L] et Mme [W] [J] épouse [L] la somme complémentaire de 20.000 € au titre des loyers exposés entre le jugement du 10 novembre 2021 et la signature de l'acte authentique le 14 septembre 2022,
Déboute M. [M] [L] et Mme [W] [J] épouse [L] de leur demande de dommages et intérêts à hauteur de 115.000 € au titre de la restriction d'usage,
Déboute M. [X] [H] et Mme [K] [P] de leur demande de garantie,
Déboute M. [X] [H] et Mme [K] [P] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à M. et Mme [M] et [W] [L] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] à payer à la SNC Immobilière Blandin Béliard la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure, au titre des frais irrépétibles d'appel,
Condamne in solidum M. [X] [H] et Mme [K] [P] aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de l'avocat de M. et Mme [L].