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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 16 janvier 2024, n° 22/02432

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 22/02432

16 janvier 2024

N° RG 22/02432 - N° Portalis DBVM-V-B7G-LNLV

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Martine LEONARD

la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 16 JANVIER 2024

Appel d'un Jugement (N° R.G. 20/01410)

rendu par le Tribunal judiciaire de Valence

en date du 10 mai 2022

suivant déclaration d'appel du 22 juin 2022

APPELANT :

M. [W] [S]

né le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 6]

représenté et plaidant par Me Martine LEONARD, avocat au barreau de VALENCE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/006833 du 09/08/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de GRENOBLE)

INTIMÉ :

M. [I] [J]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté et plaidant par Me Laurence LIGAS de la SELARL L. LIGAS-RAYMOND - JB PETIT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine CLERC, Présidente,

Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,

Mme Véronique LAMOINE, Conseiller,

Assistées lors des débats de Anne Burel, greffier

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 novembre 2023, Madame Lamoine, conseiller, a été entendue en son rapport.

Les avocats ont été entendus en leurs observations.

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Entre 2010 et 2016, M. [W] [S] a sollicité Me [I] [J], avocat au barreau de Grenoble, pour qu'il le conseille, l'assiste ou le représente dans plusieurs affaires le concernant, pour lesquelles des honoraires ont été perçus.

Estimant que Me [J] n'avait, dans quatre de ces dossiers, pas satisfait à ses obligations contractuelles, M. [S] l'en a dessaisi, puis il a contesté les honoraires facturés devant le bâtonnier de l'ordre des avocats de Grenoble qui l'a débouté de ses demandes.

Par acte du 19 juin 2020, M. [S] a assigné Me [J] devant le tribunal judiciaire de Valence aux fins de voir :

ordonner une expertise psychiatrique "pour déterminer les séquelles neuropsychologiques propres aux faits litigieux" (sic),

condamner Me [J] à lui payer les sommes suivantes, outre une indemnité de procédure :

4 569,80 € à titre de restitution d'honoraires,

61,08 € au titre d'une facture d'encre,

15 000 € à titre de perte de chance d'obtenir gain de cause dans différentes affaires par manque de diligences,

10'000 € au titre du préjudice moral et financier subi si, par extraordinaire, il n'était pas fait droit à sa demande d'expertise psychiatrique pour chiffrer ses préjudices.

Me [J] a contesté toute responsabilité, conclu au débouté de M. [S] de l'ensemble de ses demandes, et réclamé des dommages-intérêts pour procédure abusive en demandant le rejet de l'exécution provisoire en l'état de faits contestés et non fondés.

Par jugement du 10 mai 2022, le tribunal a :

dit que Me [J] a engagé sa responsabilité contractuelle dans le traitement des dossiers "CPAM" et "Docteur [L]",

condamné Me [J] à payer à M. [S] les sommes de :

800 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait du versement d'honoraires dans le dossier "CPAM",

2 000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

débouté M. [S] de ses demandes en restitution d'honoraires et d'expertise et du surplus de sa demande d'indemnisation,

débouté Me [J] de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,

dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné Me [J] aux dépens recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

rappelé que le jugement est de droit exécutoire à titre provisoire et dit n'y avoir lieu d'écarter cette exécution provisoire.

Par déclaration au greffe en date du 22 juin 2022, M. [S] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions (n° 2) notifiées le 28 septembre 2023, il demande à cette cour de réformer le jugement déféré, sauf en ce qu'il a retenu la faute de Me [J] dans les dossiers "CPAM" et "Docteur [L]", en ce qu'il a débouté ce dernier de sa demande de dommages-intérêts et en ce qu'il l'a condamné aux dépens de première instance, et, statuant à nouveau, de :

reconnaître la responsabilité professionnelle de Me [J] dans la perte de chance d'obtenir gain de cause dans les dossiers "Commissariat" et "Association PARI",

ordonner une expertise psychiatrique pour 'déterminer les séquelles neuropsychologiques propres aux faits litigieux' (sic), en désignant un expert psychiatre "qui n'appartienne pas à la Drôme-Ardèche" '(sic),

condamner Me [J] à lui payer les sommes suivantes :

4 569,80 € à titre de restitution d'honoraires,

61,08 € au titre d'une facture d'encre,

15 000 € à titre de perte de chance d'obtenir gain de cause dans différentes affaires par manque de diligences,

10'000 € au titre du préjudice moral et financier subi si, par extraordinaire, il n'était pas fait droit à sa demande d'expertise psychiatrique pour chiffrer ses préjudices,

4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance, et 4 000 € au même titre pour la procédure d'appel.

Il fait valoir :

que ses demandes sont fondées sur une absence de moyens suffisants et de diligences suffisantes de son conseil pour défendre ses intérêts ce qu'il démontre parfaitement, alors que ce dernier a reçu des honoraires sans aucune contrepartie,

s'agissant du dossier "Formation" (improprement appelé précédemment "commissariat") (sic) :

qu'il a eu connaissance d'une attestation établie par le commissariat de police de [Localité 6] le 23 janvier 2015 à la demande du Conseil de l'ordre des médecins de la Drôme, contenant diverses allégations le concernant, en particulier celle de s'être fait passer pour un avocat, alors qu'en réalité il s'agissait seulement d'un projet professionnel dont il s'était ouvert à des proches,

qu'il s'est plaint auprès de l'IGPN du mauvais comportement à son égard de policiers du commissariat de [Localité 6], et qu'il a saisi la CNIL par courrier du 12 février 2015 pour que des informations le concernant ne soient plus communiquées aux diverses administrations et soient effacées,

qu'il n'a pu obtenir gain de cause et qu'il a saisi Me [J] de ce problème afin qu'il fasse le nécessaire pour faire effacer les mentions le concernant,

que, cependant, Me [J] n'a accompli aucune diligence alors qu'il avait perçu en contrepartie des honoraires à hauteur de 430 € (chèque + espèces) et 400 € (espèces) sans, pour autant, qu'aucune facture ni reçu soient établis,

s'agissant du dossier "Docteur [L]" :

qu'il a fait l'objet d'une hospitalisation en soins psychiatriques à la demande d'un tiers le 18 août 2014 pour une période de trois jours, sur la base d'un certificat du 12 août 2014 de ce médecin faisant état d'une attitude menaçante de sa part envers ses parents et ses frères et s'ur,

qu'il a sollicité Me [J] par courriers des 12 mars, 14 avril et 27 avril 2015, pour faire citer le Dr [L] pour avoir rédigé, à l'occasion de cette première hospitalisation, un certificat faisant état de faits inexacts, mais qu'il n'a jamais obtenu de réponse,

qu'il a encore été hospitalisé du 26 mai 2016 jusqu'à la mainlevée du placement prononcée par arrêté du maire de [Localité 7] (07) le 13 juillet 2016, sur la base de deux autres certificats du Dr [L] des 13 et 17 mai 2016 qui aurait encore attesté de faits faux alors qu'il ne l'avait jamais vu,

que ce n'est que lorsqu'il s'est adressé à Me [J] pour se faire restituer ses dossiers pour changer d'avocat que ce dernier a établi un acte de citation directe du Dr [L], mais en visant seulement les faits de 2016 et non pas ceux de 2014,

que malgré ses demandes en ce sens, Me [J] n'a pas voulu modifier les termes de cette citation en y ajoutant les faits de 2014, et qu'au final, cette citation n'a jamais été délivrée,

qu'ainsi Me [J] a perçu des honoraires à hauteur de 800 € en espèces dans ce dossier, sans aucune contrepartie puisque la citation n'a jamais été délivrée, et qu'aucune poursuite n'a jamais été engagée,

s'agissant du dossier "CPAM" :

qu'il s'est vu notifier un courrier de la CPAM refusant de lui verser des indemnités journalières, décision qu'il a contestée le 5 juillet 2012 devant la commission de recours amiable,

que suite à un rejet de cette contestation, il a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Valence, à qui il a fait connaître, par lettre du 7 janvier 2014, qu'il serait assisté d'un avocat,

que, suite à l'inscription de l'affaire au rôle, il a chargé Me [J] de demander le renvoi de l'affaire fixée à l'audience du 20 octobre 2015, ce que ce dernier lui a, par courrier 25 septembre 2015, confirmé avoir bien noté en lui indiquant qu'il ferait la démarche nécessaire,

que, cependant, par courrier du 12 novembre 2015, il s'est vu notifier par le tribunal une décision de radiation de l'affaire au motif d'un défaut de comparution du demandeur à l'audience du 29 octobre 2015,

que Me [J] n'a accompli aucune diligences dans le but de faire réinscrire l'affaire alors qu'il a, là encore, perçu des honoraires à hauteur de 800 € pour cette affaire,

s'agissant du dossier "Association PARI' :

qu'il a chargé Me [J] d'engager une procédure à l'encontre de l'association PARI, sa curatrice dans le cadre d'une mesure de curatelle renforcée d'octobre 2006 à septembre 2011, à laquelle il reprochait un certain nombre de fautes,

que, pour ce faire, il a versé à Me [J] une somme de 800 € HT soit 956, 80 € TTC le 16 février 2012,

que, si Me [J] a bien fait délivrer une assignation à l'Association PARI, il n'a, nonobstant les honoraires réglés, pas fait le nécessaire pour obtenir le renvoi de l'affaire à l'audience du 2 février 2016 à laquelle l'affaire a été retenue, de sorte qu'il a finalement été débouté de l'essentiel de ses demandes,

qu'il a relevé appel et a dû s'acquitter du droit de timbre, mais que l'affaire a été reprise devant la cour par un autre avocat dans le cadre d'une aide juridictionnelle totale dont il pouvait bénéficier.

Me [J], par dernières conclusions notifiées le 19 octobre 2023, demande la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il l'a condamné au paiement de 800 € à titre de dommages-intérêts au titre du versement d'honoraires et de 2 000 € au titre d'un préjudice moral, et demande à cette cour, statuant à nouveau, de débouter purement et simplement M. [S] de l'ensemble de ses demandes en ce que ce dernier ne rapporte pas la preuve cumulative d'une faute, d'un préjudice direct et certain ni d'un lien de causalité entre les deux s'agissant des quatre dossiers litigieux.

Il demande encore condamnation de M. [S] à lui payer la somme de 3 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Il est renvoyé à ses conclusions pour plus ample exposé.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 23 octobre 2023.

MOTIFS

Sur les demandes principales de M. [S]

sur la demande au titre du dossier "Formation" (improprement appelé précédemment "commissariat") (sic) :

M. [S] reproche, sur ce point, à son conseil Me [J], de n'avoir entrepris aucune démarche pour 'faire effacer des mentions le concernant' auprès de différentes administrations, suite à :

une attestation établie par le commissariat de [Localité 6] le 23 janvier 2015 faisant état de faits le concernant, et transmise le 25 janvier 2015 à l'ordre national des médecins,

un certificat de son médecin traitant du 5 février 2015 attestant de qu'il a été très déstabilisé avec d'importants troubles du sommeil et angoisses suite à la réception de cette attestation,

une saisine par lui de l'IGPN pour mauvais accueil par un agent du commissariat de police de [Localité 6] qui, le 12 février 2015, aurait refusé de prendre une main courante et l'aurait bousculé et insulté.

Or, ainsi que l'a justement constaté le premier juge après une analyse complète des pièces qui lui étaient soumises, aucune pièce nouvelle pertinente n'étant produite sur ce point en cause d'appel, M.[S] ne justifie pas avoir chargé Me [J] d'effectuer pour son compte quelque démarche que ce soit auprès de la CNIL ou de toute autre administration pour faire effacer des données le concernant, contrairement à ce qu'il prétend à l'appui de sa demande de ce chef.

Ainsi :

les pièces que M. [S] verse au dossier établissent que c'est lui-même qui a saisi la CNIL par courrier du 12 février 2015 (sa pièce n° 4), et toutes les correspondances qu'il produit aux débats, échangées avec cet organisme jusqu'en octobre 2019 (ses pièces n° 126, 127 et 128), l'ont été à son nom et à son adresse personnelle,

aucun document ne vient établir qu'il aurait chargé Me [J] d'une quelconque mission à ce titre, la seule justification du versement d'une somme de 400 € en espèce au titre d'un dossier 'commissariat de [Localité 6]', de même que la lettre du cabinet de Me [J] du 23 décembre 2015 évoquant 'l'affaire de formation' (sic) sans autres précisions, étant beaucoup trop vagues pour établir que Me [J] aurait été chargé d'intervenir pour le compte de son client auprès de la CNIL ou de tout autre organisme compétent pour effacement de données.

C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté toute demande formée de ce chef par M. [S], faute pour ce dernier de justifier, sur ce point, d'une mission confiée à son conseil que ce dernier n'aurait pas rempli.

sur la demande relative au dossier 'Docteur [L]'

Le premier juge a, dans les motifs du jugement déféré sur ce point, complètement rapporté les faits et points de vue de chacune des parties et il convient de s'y référer.

Il en ressort, s'agissant tout d'abord du certificat établi en août 2014, que :

M. [S] estimait que, dans le cadre de son hospitalisation en soins psychiatriques à la demande d'un tiers en août 2014, le Dr [L], psychiatre, aurait fait un faux certificat médical attestant d'une attitude menaçante de sa part envers des membres de sa famille, alors que ces faits étaient inexacts et que ce médecin ne l'avait pas même examiné,

Me [J], estimant qu'il ne détenait alors pas suffisamment d'éléments tangibles lui permettant d'asseoir une action contre le Dr [L] pour faux certificat de ce chef, n'a pas fait délivrer de citation directe contre ce dernier malgré les demandes en ce sens de M. [S].

Le premier juge a justement considéré, au vu de l'ensemble des pièces produites, que Me [J] pouvait, dans son pouvoir d'appréciation, estimer qu'il ne disposait pas d'éléments suffisants pour donner suite à la demande de son client de ce chef, étant souligné :

que le certificat en litige du Dr [L] est daté du 12 août 2014, alors qu'un témoin extérieur à la famille (M. [K], voisin, pièce n° 44 de l'appelant) atteste avoir dû, le 10 août, faire appel à la police suite à des hurlements et coups incessants au domicile de son voisin M. [S],

qu'il ressort du rapport d'hospitalisation versé aux débats par M. [S] (sa pièce n° 38), qu'à son entrée au centre hospitalier [4] le 18 août 2014 à 20 h 55, il présentait, selon le médecin qui l'a examiné, une tachypsychie, un discours à tonalité revendicatrice, se disant persécuté par son frère et sa famille, et se sentant agressé, et que le lendemain 19 août à 11 h 05, un autre psychiatre notait que M. [S] évoquait un conflit familial et des violences subies, se montrait véhément et n'écoutait pas ce qu'on lui disait, que l'examen de son dossier révélait un passé de troubles du comportement avec violence envers autrui, et que ce n'est qu'à partir du 21 août à 11 h 22 que le psychiatre ayant rencontré le père de M. [S] a pu conclure que la mesure d'hospitalisation était basée sur des faits inexacts.

C'est encore à bon droit que le premier juge a considéré que, si Me [J] avait des motifs d'estimer que l'action envisagée par son client avait peu de chances d'aboutir, il avait l'obligation de l'en informer loyalement, de manière à ce que, si M. [S] entendait malgré tout voir engager une action, il puisse, le cas échéant, faire le choix d'un autre conseil. Or, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Me [J] ait fourni à son client une information précise et complète à ce sujet, alors-même que, par courrier du 15 octobre 2014, il lui indiquait au contraire que, selon lui, l'infraction d'établissement d'une attestation faisant état de faits matériellement inexacts paraissait constituée et justifier une procédure pénale, et qu'il demandait à son client ses instructions à ce sujet.

Le tribunal a donc justement retenu que Me [J] avait, sur ce point, manqué à son devoir d'information et de diligence.

S'agissant, ensuite, des certificats établis par le Dr [L] les 13 et 17 mai 2016 :

là encore, M. [S] se prévaut de la fausseté des deux certificats établis par le Dr [L] en mai 2016, en ce que ce praticien y atteste avoir suivi ce patient et avoir constaté, à plusieurs reprises, un comportement agressif de sa part avec insultes, dégradations et tentatives d'incendie, alors que, selon M. [S], il n'était pas suivi par le Dr [L] et que ce dernier, qui ne l'a pas rencontré, n'a pas pu constater personnellement les faits qu'il certifie,

il ressort des pièces produites par M. [S] (notamment ses pièces n° 74 et 79) et de ses propres écritures devant cette cour (3ème paragraphe de la page 26 de ses dernières conclusions), que Me [J] avait établi un projet de citation du Dr [L] devant le tribunal correctionnel de Valence avec constitution de partie civile pour établissement de faux certificats, à savoir ceux des 13 et 17 mai 2016, mais que lui-même n'a jamais souhaité valider ce projet faute, pour Me [J], d'y adjoindre une plainte pour faux concernant le certificat du 12 août 2014.

Il en résulte qu'un désaccord existait entre l'avocat et son client sur le contenu de la citation destinée à être délivrée à l'encontre du Dr [L], et, là encore, si Me [J] estimait que le certificat de ce médecin en date du 12 août 2014 ne devait pas faire l'objet de la citation visant le délit de fausse attestation, il lui appartenait, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, d'en informer clairement son client, ce qu'il n'a pas fait, étant souligné, sur ce point :

que le courrier du 23 novembre 2016 adressé par M. [S] à Me [J], bien qu'un peu confus, évoquait cependant clairement, en haut de la page 3 et à deux reprises, l'hospitalisation dont il avait fait l'objet en août 2014 sur la base d'un certificat selon lui mensonger du Dr [L],

que Me [J] y a répondu par deux lettres qui ne mentionnent pas clairement son refus d'inclure dans la citation projetée les faits survenus en 2014 ni a fortiori les motifs de ce refus, dès lors que sa lettre du 28 novembre 2016 mentionne seulement le refus d'intégrer à la citation des pièces relatives au litige intra-familial, tandis que son courrier du 20 décembre 2016 invite M. [S] à se 'rapprocher d'un huissier pour faire délivrer le projet de citation directe' avec la précision suivante entre parenthèses : 'le projet que j'ai préparé n'a absolument pas à être modifié s'agissant d'une citation', sans autre explication.

C'est donc, là encore, à bon droit que le tribunal a considéré que Me [J] avait manqué à son devoir de diligence et d'information en n'informant pas clairement son client de ses réticences à délivrer une citation concernant les faits d'août 2014 ni des raisons qui les motivaient, ne le mettant ainsi pas en mesure, le cas échéant, de se faire assister par un autre conseil s'il l'estimait utile.

Pour autant, le tribunal a encore retenu, par des motifs pertinents que la cour adopte en l'absence de tout moyen nouveau ou offre de preuve nouvelle en cause d'appel, que M. [S] ne démontrait pas la réalité d'une perte de chance effective d'obtenir gain de cause dans une possible plainte contre le Dr [L], en l'état de la fragilité des éléments de preuve alors produits, étant souligné :

que les attestations produites par M. [S] comme émanant de membres de sa famille, au demeurant difficilement lisibles comme étant manuscrites et rédigées pour la plupart dans un français approximatif, ont une portée limitée en l'état du contentieux familial important décrit par M. [S] lui-même,

que M. [S] reconnaît lui-même dans ses écritures, au premier paragraphe de la page 20 de ses dernières conclusions, qu'il a légèrement aspergé sa soeur d'un gaz lacrymogène parce qu'il se sentait en danger,

que le voisin de M. [S], étranger à toutes relations familiales avait attesté, pour sa part, avoir entendu le 10 août des hurlements et coups répétés provenant de l'appartement de son voisin,

que le Docteur [G], qui a rédigé le bulletin de prise en charge de M. [S] le 18 juin 2016 au centre hospitalier [8] de [Localité 7], signale que ce dernier est suivi depuis l'adolescence pour un délire paranoïaque chronique et a déjà été hospitalisé à plusieurs reprises, qu'il n'a aucune conscience de souffrir d'un trouble psychiatrique et que, selon lui, il est victime d'un complot incluant sa mère et son frère,

que si M. [S] verse aux débats un certificat du Dr [H] du 23 juin 2016 attestant qu'il est son médecin traitant depuis le 13 août 2014 et qu'il le voit régulièrement (jusqu'à deux fois par semaine certaines semaines), cela n'exclut pas que le Dr [L] ait pu, en urgence, être consulté en relais,

que, certes, les relevés de versement CPAM concernant l'appelant du 1er mai 2016 au 31 mai 2016 ne mentionnent aucun remboursement d'honoraires au Dr [L], mais que, pour autant, cela ne constitue pas une preuve suffisante d'une absence de consultation de ce médecin au cours de cette même période, dès lors qu'au vu de ces relevés, des remboursements ont été effectués en mai pour des soins antérieurs (par exemple en page 2/6, somme réglée le 6 mai 2016 à [Y] [U] pour des soins du 23 mars 2016),

que la circonstance que le Dr [L] ait fait l'objet, en 2017, d'une radiation par son ordre professionnel pour des faits relatifs aux conditions de prescriptions de produits médicamenteux de nature à induire une surconsommation et un danger pour ses patients n'est pas de nature, par elle-même, à constituer la preuve de la fausseté des certificats litigieux en l'espèce,

qu'enfin et surtout, M. [S] ne chiffre pas précisément sa demande à ce titre, se contentant de réclamer une somme globale de 15'000 € au titre de 'perte de chance d'obtenir gain de cause dans différentes affaires par manque de diligence'.

Enfin, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte en l'absence de tout moyen nouveau ou offre de preuve nouvelle en appel, que le tribunal a rejeté la demande de remboursement, par M. [S], des honoraires versés au titre de ce dossier soit 800 €, en considérant que ceux-ci n'avaient pas été versés en vain puisque Me [J] avait accompli certaines diligences en établissant un projet de citation et en échangeant diverses correspondances avec son client.

sur la demande au titre du dossier "CPAM" :

C'est par un examen complet et circonstancié des faits et éléments de preuve qui lui étaient soumis, et par des motifs pertinents, que la cour adopte, en l'absence de tout moyen nouveau ou offre de preuve nouvelle en cause d'appel, que le tribunal a considéré que Me [J] avait, dans cette affaire, manqué à ses obligations contractuelles à double titre au vu des pièces du dossier :

tout d'abord en n'assurant pas, par une présence physique à l'audience s'agissant d'une procédure orale, la demande de renvoi de l'affaire qu'il s'était, par lettre du 25 septembre 2015, engagé auprès de M. [S] à soutenir, cette absence entraînant, aux termes mêmes du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du 29 octobre 2015, la radiation de l'affaire pour absence de comparution du demandeur,

ensuite en renvoyant son client, par courrier du 29 juillet 2016, à "renouveler sa demande" s'il souhaitait la maintenir, terme tout à la fois inadéquat vu les circonstances procédurales ci-dessus rappelées et peu compréhensible pour un non professionnel, alors qu'il lui appartenait, au vu du courrier de son client du 24 mai 2016 manifestant sans équivoque son intention de poursuivre l'affaire, de faire procéder lui-même à la réinscription de celle-ci.

C'est donc à bon droit que le tribunal a condamné Me [J] à payer à ce titre à M. [S] la somme de 800 € correspondant au montant des honoraires payés en vain, la réalité du versement effectif de cette somme pour ce dossier ressortant des pièces produites et n'étant, sur le plan factuel, pas contestée par l'intimé.

C'est encore par une juste et complète appréciation des éléments qui lui étaient soumis que le tribunal a cependant, considérant que M. [S] ne rapportait pas la preuve de la chance perdue d'obtenir gain de cause dans cette affaire en ne fournissant ni développement juridique, ni aucune pièce de fond relative au contentieux l'ayant opposé à la CPAM, de sorte qu'il ne mettait pas la juridiction saisie en mesure de vérifier la réalité de la perte de chance invoquée, débouté M. [S] de sa demande à ce dernier titre.

En revanche, il a justement considéré que M. [S] justifiait d'un préjudice moral pour n'avoir pas bénéficié, de la part de son conseil, de toute l'attention et du professionnalisme requis pour traiter son dossier, et qu'il lui a par conséquent alloué des dommages-intérêts à hauteur de 2 000 € tant au titre de ce dossier que s'agissant de celui concernant le Dr [L].

sur la demande au titre du dossier "PARI' :

M. [S] expose avoir chargé Me [J] d'introduire une action en responsabilité contre l'association PARI qui avait été mandatée pour assurer sa curatelle.

Il fait valoir qu'après avoir fait délivrer une assignation en son nom, Me [J] n'a accompli aucune diligence, n'a pas déposé de conclusions ni ne s'est présenté à l'audience pour soutenir son action, de sorte qu'il a été débouté de l'ensemble de ses demandes.

En outre, il indique avoir fait parvenir un certificat médical justifiant de son impossibilité d'être présent à l'audience, et soutient que Me [J] n'a pas fait le nécessaire pour qu'il soit pris en compte.

Or, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, les mentions du jugement du 7 avril 2016 du tribunal de grande instance de Valence saisi de l'instance objet de ce chef de demande révèlent que :

Me [J] avait établi et notifié des conclusions récapitulatives au nom de M. [S] qui sont visées dans le jugement, et le manquement afférent ne peut donc lui être valablement reproché,

l'en-tête du jugement mentionne Me [C] membre de la même société d'exercice que Me [J] comme avocat plaidant, ce qui laisse entendre que cette avocate était physiquement présente à l'audience, la preuve contraire n'en étant, en toute hypothèse, pas rapportée.

Il a encore considéré, à bon escient au vu des éléments fournis et du droit applicable :

que le certificat médical adressé au tribunal en cours de délibéré ne pouvait qu'être écarté,

que même si l'affaire n'avait pas été plaidée, rien ne démontre que cette circonstance ait porté préjudice à M. [S], la procédure étant écrite.

Au demeurant, les motifs du jugement, très développés et circonstanciés, tant sur la procédure que sur le fond, montrent que les demandes de M. [S] ont, tout d'abord, été jugées recevables malgré l'exception invoquée par la partie adverse, puis ont été examinées avec sérieux au vu des conclusions et pièces fournies par les parties, sans qu'aucun manquement de Me [J] puisse être caractérisé à ce stade.

Enfin, M. [S], qui fait valoir qu'il a relevé appel de ce jugement, ne fournit aucun élément sur l'état de la procédure devant la juridiction d'appel, ni ne produit, le cas échéant, la décision rendue sur ce recours formé il y a plus de 7 années.

C'est donc à bon droit que le tribunal, retenant l'absence de preuve d'une faute de Me [J] en lien avec un préjudice, a rejeté toutes demandes de M. [S] de ce chef.

sur la demande tendant à voir instaurer une mesure d'expertise psychiatrique pour "déterminer les séquelles neurologiques propres aux faits litigieux" :

C'est par des motifs pertinents que le tribunal a écarté cette demande, le dossier montrant que M. [S] présente certes un état psychique fragile ainsi qu'il a été développé plus haut, mais aucune des pièces produites ne venant établir que les manquements de Me [J] dans les deux dossiers ci-dessus développés (CPAM et Dr [L]) auraient entraîné une aggravation significative de cet état.

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les demandes accessoires

M. [S], qui succombe en son appel, devra supporter les dépens de la présente instance conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Me [J].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne M. [S] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE