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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 25 janvier 2024, n° 22/02263

TOULOUSE

Arrêt

Autre

CA Toulouse n° 22/02263

25 janvier 2024

25/01/2024

ARRÊT N° 50/2024

N° RG 22/02263 - N° Portalis DBVI-V-B7G-O23J

OS/MB

Décision déférée du 11 Mai 2022 - TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Foix - 20/01289

V. ANIERE

[X] [R]

C/

Compagnie d'assurance SURAVENIR ASSURANCES

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D'APPEL DE TOULOUSE

3ème chambre

***

ARRÊT DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE

***

APPELANT

Monsieur [X] [R]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représenté par Me Bernard DE LAMY, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Stella BISSEUIL, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE

Compagnie d'assurance SURAVENIR ASSURANCES

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu MAUREL-FIORENTINI de la SELARL MONTARRY-MAUREL-FIORENTINI AVOCATS ASSOCIES, avocat postulant au barreau de TOULOUSE et Me Olivier COULEAU de la SELARL GUIGNARD & COULEAU, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant O. STIENNE et E. VET Conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. BENEIX-BACHER, président

O. STIENNE, conseiller

E.VET, conseiller

Greffier, lors des débats : M. BUTEL

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

- signé par C. BENEIX-BACHER, président, et par M. BUTEL, greffier de chambre.

FAITS

Le 24 juillet 2016, M. [X] [R], majeur, conduisait un véhicule Renault Clio appartenant à sa mère et assuré auprès de la SA Suravenir Assurances.

M. [X] [R] transportait sept passagers lorsqu'il a perdu le contrôle de son véhicule.

[U] [H], mineur, est décédé.

M. [K] [H] a été blessé.

Par jugement correctionnel du 6 février 2018, M. [X] [R] a été reconnu coupable d'homicide involontaire par conducteur d'un véhicule terrestre à moteur commis avec au moins deux circonstances aggravantes et de blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois avec les mêmes circonstances aggravantes, et l'a condamné pénalement.

Sur l'action civile, le tribunal a reçu les constitutions de diverses parties civiles, condamné in solidum M. [X] [R] et la SA Suravenir à payer diverses sommes à titre provisionnel aux victimes ; avant dire droit, le tribunal ordonnait une expertise de certaines victimes et renvoyait l'affaire sur intérêts civils.

PROCEDURE

Par actes du 23 novembre 2020 , M. [K] [H], Mme [J] [F], M. [T] [H], Mme [N] [P] ont fait assigner la SA Suravenir Assurances, la CPAM de l'Ariège et Harmonie Mutuelle devant le tribunal judiciaire de Foix en réparation de leurs préjudices.

Par acte du 16 mars 2021, la SA Suravenir Assurances a appelé dans la cause M. [X] [R].

Par jugement réputé contradictoire du 11 mai 2022, le tribunal judiciaire de Foix a :

-fixé le préjudice de M. [K] [H] ainsi qu'il suit :

*dépenses de santé actuelles : 48 752,02 €

*frais divers: 4181,76 €

*assistance tierce personne avant consolidation: 8 636,20 €

*perte de gains professionnels actuels : 25 000 €

*incidence professionnelle : 10 000 €

*déficit fonctionnel temporaire : 7632,50 €

*souffrances endurées : 20 000 €

*préjudice esthétique temporaire : 500 €

*déficit fonctionnel permanent : 42 000 €

*préjudice esthétique permanent :2 000 €

*préjudice d'agrément : 5 000 €

-condamné la Cie Suravenir à payer à M. [K] [H] en réparation de son préjudice corporel, après imputation de la créance des tiers payeurs de 48 527,02 € et de la provision de 16200 €, la somme de 108 705,46 €,

-condamné la Cie Suravenir à payer à M. [T] [H] la somme de 10000€ au titre du préjudice d'affection,

-condamné la Cie Suravenir à payer à Mme [J] [F] la somme de 10 000 € au titre du préjudice d'affection et rejeté la demande de perte de salaires,

-condamné la Cie Suravenir à payer à Mme [N] [P] la somme de 5000 € au titre du préjudice d'affection,

-dit que les intérêts échus au moins pour une année entière produiront intérêts au taux légal,

-condamné la Cie Suravenir à payer à M. [T] [H], Mme [J] [F], Mme [N] [P], chacun, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et celle de 3 000 € à M. [K] [H] sur le même fondement,

-condamné M.[X] [R] à rembourser à la Cie Suravenir les sommes versées aux consorts [H]-[F]-[P] dans le cadre du présent jugement,

-condamné M. [X] [R] aux entiers dépens.

Le Tribunal, s'agissant de la condamnation de M. [X] [R] à rembourser à l'assureur les sommes versées dans le cadre de la décision, a retenu que les conditions générales du contrat d'assurance en page 11 et l'article R 211-10 du code des assurances permettaient à la Cie Suravenir de lui opposer une exclusion de garantie, du fait qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire.

**

Par déclaration du 16 juin 2022, M. [X] [R] a formé appel en ce que le tribunal l'a condamné à rembourser à la Cie Suravenir les sommes versées aux consorts [H]-[F]-[P] dans le cadre du jugement dont appel et l'a condamné aux dépens.

*

Par dernières conclusions du 14 octobre 2022, M. [X] [R] demande à la cour, au visa des articles L 211-1, R211-10 et R 211-13 du code des assurances et L 211-1 du dit code, de :

-constater que le véhicule appartenant à Mme [I] et assuré par elle auprès de la Cie Suravenir Assurance a été conduit par M. [X] [R] à l'insu de l'assurée,

-dans ces conditions, débouter la société Suravenir Assurances de sa demande aux fins de remboursement sur le fondement de l'exclusion de garantie prévue au contrat en cas de conduite sans permis,

A titre subsidiaire, sur l'action subrogatoire invoquée, constater que le véhicule n'a pas été utilisé contre le gré de l'assurée mais seulement à son insu et par conséquent débouter la Cie de son action subrogatoire,

-débouter la Cie Suravenir Assurances de toute autre demande, y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou des dépens.

Il fait valoir essentiellement que :

* sur l'exclusion de garantie prévue par les conditions générales du contrat d'assurance ( article 3.1.4) et par l'article R 211-10 du code des assurances:

La loi a autorisé les exclusions de garantie et l'action en remboursement corrélative en cas de conduite sans permis sauf lorsque le véhicule assuré a été utilisé par un tiers à l'insu de l'assuré.

Tel est le cas en l'espèce ; dans la mesure où il a utilisé le véhicule assuré par sa mère durant la nuit sans qu'elle en soit avertie et donc à son insu, la clause d'exclusion ne peut utilement être invoquée.

*sur l'action subrogatoire de l'article L 211-1 du code des assurances :

Il a utilisé le véhicule que sa mère venait d'acheter pour lui dans la perspective de l'obtention de son permis qu'il devait passer très prochainement, sans que celle-ci s'y oppose.Si cette utilisation s'est faite durant la nuit sans en demander l'autorisation à sa mère, il ne saurait en être déduit que cette utilisation a été faite contre son gré, ce qui implique un refus explicite de sa part. Il faut distinguer l'utilisation à l'insu du propriétaire de l'utilisation contre son gré.

L'absence d'autorisation ne peut s'assimiler à une conduite contre la volonté expresse du propriétaire au sens de l'article L 211-1 du code des assurances et il appartient à l'assureur de prouver que l'usage de la voiture a été effectuée contre le gré de l'assuré.

Cette preuve n'étant pas rapportée, l'action subrogatoire sera rejetée.

*

Par dernières conclusions du 24 octobre 2022, la SA Suravenir Assurances, au visa des articles R211-10, R211-13 et L211-1 du code des assurances et des conditions générales du contrat d'assurance, sollicite la cour de :

A titre principal :

-confirmer le jugement du 11 avril 2022 du tribunal judiciaire de Foix en ce qu'il a condamné M. [R] à rembourser à la compagnie Suravenir les sommes versées aux consorts [H]-[F]-[P], soit :

* 124.680,46 € à M. [K] [H] au titre du préjudice corporel

*10.000 € à M. [T] [H] au titre du préjudice d'affection

* 10.000 € à Mme [F] au titre du préjudice d'affection

* 5.000 € à Mme [P] au titre du préjudice d'affection

* 3.000 € à M. [K] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.000 € à M. [T] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.000 € à Mme [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.000 € à Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

A titre subsidiaire :

- dire que la compagnie Suravenir est bien fondée à exercer l'action subrogatoire de l'article L211-1 du Code des assurances à l'encontre de M. [R],

- condamner, en conséquence, M. [R] à verser à la compagnie Suravenir les sommes suivantes :

* 124.680,46 € à M. [K] [H] au titre du préjudice corporel

* 10.000 € à M. [T] [H] au titre du préjudice d'affection

* 10.000 € à Mme [F] au titre du préjudice d'affection

* 5.000 € à Mme [P] au titre du préjudice d'affection

* 3.000 € à M. [K] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.000 € à M. [T] [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.000 € à Mme [F] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

* 1.000 € à Mme [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

En tout état de cause :

- condamner M. [R] à verser à Suravenir une indemnité de

3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [R] aux dépens.

Elle fait valoir essentiellement que :

*à titre principal, sur le fondement de l'article R 211-13 du code des assurances :

-M. [R] circulait au moment des faits sans être titulaire du permis de conduire ; il a d'ailleurs été condamné à ce titre,

-l'exclusion de garantie de l'assuré ne joue pas en cas de vol, de violence ou d'utilisation du véhicule à l'insu de l'assuré mais ce retour à la garantie ne profite qu'à l'assuré lui-même, en l'espèce Mme [I], la mère et non au conducteur responsable,

-la conduite à l'insu du propriétaire n'empêche pas l'assureur d'agir contre M. [R] en tant que conducteur non assuré et responsable de l'accident.

*à titre subsidiaire,elle entend exercer l'action subrogatoire de l'article L 211-1 al 3 du code des assurances ; le conducteur n'était pas autorisé à conduire le véhicule assuré ; il a subtilisé les clefs en pleine nuit alors que les époux [I] dormaient ; sa mère n'a pu être en mesure d'opposer un refus explicite puisqu'elle n'avait pas connaissance de l'utilisation de sa voiture par celui-ci ; il est évident que si elle avait eu connaissance de l'intention de M.[R], elle s'y serait opposée puisqu'il n'était pas titulaire du permis. La conduite a nécessairement été faite contre le gré de Mme [I].

-rien ne permet d'affirmer que le véhicule lui a été remis volontairement. M.[R] a soustrait frauduleusement la voiture de sa mère.

- l'assureur ayant réparé les préjudices des victimes, elle est bien fondée à obtenir la condamnation de M. [R] à lui rembourser l'intégralité des indemnités.

*

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 mai 2023.

La cour, pour un plus ample exposé des faits,moyens et prétentions des parties se réfère aux dernières conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS

Sur l'action de la Cie Suravenir envers M. [X] [R]

Le contrat d'assurance souscrit par Mme [I], propriétaire du véhicule, comprend la clause suivante (article 3.1.4 P) intitulée « Préservation des droits des victimes à la suite de dommages non couverts » :

« Dans les cas suivants, nous procédons au paiement des indemnités dues aux tiers mais demandons ensuite au responsable le remboursement de toutes les sommes ainsi réglées :

'Lorsque le conducteur ou gardien de votre véhicule :

-ne possède pas les certificats, en état de validité exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule ».

En vertu des dispositions de l'article L 211-1 du code des assurances, toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité sus mentionnée doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l'automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance. Toutefois, en cas de vol d'un véhicule, ces contrats ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol.

En vertu de l'alinéa 3 de cet article L 211-1, l'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire.

Par ailleurs, l'article R211-10 du code des assurances prévoit :

« Le contrat d'assurance peut, sans qu'il soit contrevenu aux dispositions de l'article L. 211-1 comporter des clauses prévoyant une exclusion de garantie dans les cas suivants :

1° Lorsque au moment du sinistre, le conducteur n'a pas l'âge requis ou ne possède pas les certificats, en état de validité, exigés par la réglementation en vigueur pour la conduite du véhicule, sauf en cas de vol, de violence ou

d'utilisation du véhicule à l'insu de l'assuré ;... »

L'article R211-13 du code des assurances dans sa version applicable à la cause dispose que :

« Ne sont pas opposables aux victimes ou à leurs ayants droit :

4° Les exclusions de garanties prévues aux articles R. 211-10 et R. 211-11.

Dans les cas susmentionnés, l'assureur procède au paiement de l'indemnité pour le compte du responsable.

Il peut exercer contre ce dernier une action en remboursement pour toutes les sommes qu'il a ainsi payées ou mises en réserve à sa place. »

Il est constant qu'au moment de l'accident, M. [X] [R] n'était pas titulaire du permis de conduire, fait qu'il a reconnu et pour lequel il a été condamné.

Il ressort du jugement du tribunal correctionnel que M. [R] était de nuit rentré à son domicile prendre les clefs, personne ne l'ayant entendu.Tant l'assureur que M. [R] reconnaissent que la conduite du véhicule a eu lieu à l'insu de la propriétaire.

L'exclusion de garantie contractuelle due à l'absence de permis de M.[X] [R], conducteur, ne peut être opposée en vertu des dispositions sus visées aux victimes et à l'assurée Mme [I], dès lors que le véhicule a été utilisé à l'insu de la propriétaire.

Cependant,dans l'hypothèse de cette exclusion de garantie, l'assureur, en vertu des dispositions de l'article R 211-13, est en droit de demander à M.[R], conducteur sans permis et seul responsable devant indemniser les préjudices subis par les victimes, le remboursement de l'intégralité des sommes versées dans le cadre de la décision entreprise.

La décision déférée doit être en conséquence confirmée en ce qu'elle a condamné M. [X] [R] à rembourser à la Sa Suravenir les sommes versées aux consorts [H]-[F]-[P] dans le cadre de sa décision, précision étant faite qu'aucun appel n'est formé s'agissant du montant des sommes allouées, en ce compris les sommes dues aux victimes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur dépens et article 700 du code de procédure civile

La décision entreprise doit êtrre confirmée s'agissant de la condamnation de M. [R] aux dépens et y ajoutant, dit qu'il doit également supporter les dépens en cause d'appel.

L'équité ne commande pas de faire droit à la demande formée par la SA Suravenir au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limitres de sa saisine :

Confirme la décision entreprise,

Y ajoutant,

Déboute la SA Suravenir de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [X] [R] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

M. BUTEL C. BENEIX-BACHER