Décisions
CA Pau, 1re ch., 16 janvier 2024, n° 22/01614
PAU
Arrêt
Autre
BR/CD
Numéro 24/00124
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 16/01/2024
Dossier : N° RG 22/01614 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHOF
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels
Affaire :
[BP] [D],
[R] [Z] [T] [A],
[OO] [H],
[I] [M],
[L] [MH],
[W] [BF],
[J] [C],
[KS] [O],
[N] [E],
[B] [K]
C/
Association DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES (DMA)
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 14 Novembre 2023, devant :
Madame FAURE, Présidente
Madame BLANCHARD, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire, chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [BP] [D]
né le [Date naissance 6] 1960
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 16]
Monsieur [R] [Z] [T] [A]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 31] (Portugal)
de nationalité Portugaise
[Adresse 25]
[Localité 18]
Monsieur [OO] [H]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 19]
Monsieur [I] [M]
né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Localité 17]
Monsieur [L] [MH]
né le [Date naissance 8] 1987 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 30]
[Localité 16]
Monsieur [W] [BF]
né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 24]
[Localité 16]
Monsieur [J] [C]
né le [Date naissance 9] 1967 à [Localité 32]
de nationalité Française
[Adresse 22]
[Localité 20]
Monsieur [KS] [O]
né le [Date naissance 12] 1966 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 16]
Monsieur [N] [E]
né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 21]
[Localité 19]
Monsieur [B] [K]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 19]
Représentés et assistés de Maître LABARTHETTE de la SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
Association DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES (DMA), association déclarée, numéro RNA W332021802, immatriculée sous le SIREN 890775869, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 15]
Représentée et assistée de Maître CHATEAU de la SCP JL SCHNERB - J CHATEAU - anc. D LACLAU, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 04 AOUT 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX
RG numéro : 19/01495
EXPOSE DU LITIGE
L'association de défense des ressources marines (ci-après l'ADRM) devenue depuis le 13 juin 2020 association de défense des milieux aquatiques (ci-après l'association DMA) est une association relevant de la loi de 1901 qui a pour but la défense des ressources aquatiques et marines.
Elle a publié sur son site internet un article intitulé 'les dérives de la vente directe' dénonçant certaines pratiques de vente de produits de la pêche, en l'espèce la vente directe à la table, dont elle reconnaît cependant qu'elle est autorisée par l'article 59 du règlement CE 1924-2009.
Il est notamment écrit : « 'Ces pêcheurs amenés à vendre leur pêche directement, opèrent sur de petits bateaux, inférieurs à 12 mètres et très majoritairement 10 mètres. Ils sont donc soumis à une simple déclaration de leurs prises en renseignant manuellement des fiches de pêche qu'ils remettent tous les 8 ou 10 jours aux affaires maritimes locales. Le poisson vendu et consommé n'est alors plus vérifiable. De plus, dans de nombreux cas, la pêche ne passant pas par la criée, la pesée est de la seule responsabilité du pêcheur et il n'y a donc pas de contrôle automatique comme c'est le cas à la criée.'
Cet article poursuit en indiquant 'Le contrôle aléatoire des milliers de bateaux français de moins de 10 ou 12 mètres aboutit de fait à la situation suivante : la pratique quotidienne est celle d'une sous-déclaration chronique, importante et généralisée qui fait la fortune de ces pêcheurs. Tel pêcheur professionnel déclare en aparté 'Nous trichons tous, tout le monde le fait, beaucoup et tous les jours'. La déclaration correspondrait régulièrement à seulement 20 ou 30 % des captures réelles.
A l'étal des poissons, on observe aussi que le client est rarement averti par affichage qu'ici « la carte bleue est acceptée ». La refuser est encore légal en France à condition d'en informer le client au préalable. Quand l'acheteur occasionnel sort sa carte bleue, la pratique montre qu'il s'entend répondre que la carte de paiement n'est pas acceptée, mais que le distributeur d'à côté fonctionne très bien. Curieusement à [Localité 16], ce distributeur n'est jamais en panne ni jamais à court de billets, même en fin de week-end prolongé. De sorte que les achats se règlent presque tous en espèces, ce qui semble convenir aussi à certains gros acheteurs assidus.
Ceci rend extrêmement attractives ces pratiques qui s'en trouvent renforcées, d'autant que le plafond de 100 kg régulièrement dépassé n'est manifestement jamais contrôlé.
On n'a jamais constaté qu'un de ces stands de vente directe stoppe sa vente pour cause d'atteinte au plafond journalier, fixé par cet arrêté (100 kg). Par exemple à [Localité 16], les chiffres d'affaires journaliers en juillet et août sont couramment de l'ordre de plusieurs milliers d'euros par bateau, ce qui correspond à plusieurs centaines de kilos vendus. Le succès commercial de ces ventes qui attirent autant les particuliers que les professionnels de la restauration, parfois de très loin, explique que ces ventes se généralisent avec certaines conséquences dommageables. L'ADRM s'inquiète d'une généralisation sur le territoire avec pour conséquence, entre autres :
- Une économie sous-terraine et une injustice fiscale : ces ventes directes ne générant presque que des espèces, elles autorisent un marché parallèle considérable et proposent ainsi aux consommateurs un moyen quotidien de blanchir de l'argent, elles lèsent les marins qui travaillent sur des gros bateaux obligés de passer par une criée vu l'ampleur de leur débarquement et les autres citoyens en général, tenus à juste titre de se soumettre aux contrôles fiscaux généralisés qui font manifestement défaut dans ce secteur de la petite pêche côtière.
- Une atteinte grave à l'objectif de pêche durable que s'est fixé la politique commune de la pêche avec PCP : parce que les débarquements sont systématiquement sous déclarés, les données recueillies sont sous évaluées et ne permettent plus d'évaluer correctement les stocks. C'est particulièrement grave pour la sole du golfe de Gascogne qui reste dans un état biologique mauvais malgré 15 ans de mesures communautaires tous azimuts.
- Une incitation puissante pour stimuler l'effort de pêche puisque le poisson se vend en moyenne 3 à 5 fois plus cher qu'en criée. La pression de pêche est globalement stimulée, indépendamment de la sélectivité de l'engin mis en œuvre et malheureusement ceci se fait souvent au mépris des règles pour la protection des ressources et même de la sécurité des hommes. C'est le cas à [Localité 16] par exemple pour la pêche du bar dans les baïnes qui n'est pas durable parce qu'elle est illégale »
A la suite de la parution de cet article, par exploit du 19 novembre 2019, Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [F] [G], Madame [S] [G], Monsieur [P] [X], Monsieur [J] [C], Monsieur [FX] [Y], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [U] [V], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [UJ] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF], qui exercent la profession de marins pêcheurs au large du port de [Localité 16] (40), estimant que cet article portait atteinte à leur honneur et leur causait un préjudice moral, ont fait assigner l'ADRM devant le tribunal de grande instance de Dax, devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020, aux fins de voir, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil :
- constater la commission d'une faute par l'association ADRM à l'occasion de la rédaction et de la publication sur son site internet http://www.adrmarine.org/ de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe',
En conséquence :
- ordonner la suppression de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe' sur son site http://www.adrmarine.org/ par l'association ADRM, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- condamner l'association ADRM à verser à chacun des demandeurs la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral causé,
- la condamner à verser à chacun des demandeurs la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par jugement contradictoire en date du 04 août 2021, le tribunal judiciaire de Dax :
- a déclaré recevables [BP] [D], [B] [K], [F] [G], [S] [G], [P] [X], [J] [C], [FX] [Y], [KS] [O], [N] [E], [U] [V], [R] [Z] [T] [A], [OO] [H], [I] [M], [UJ] [M], [L] [MH] et [W] [BF] en leurs demandes,
- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- a débouté l'association de défense des milieux aquatiques de sa demande de dommages et intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné solidairement [BP] [D], [B] [K], [F] [G], [S] [G], [P] [X], [J] [C], [FX] [Y], [KS] [O], [N] [E], [U] [V], [R] [Z] [T] [A], [OO] [H], [I] [M], [UJ] [M], [L] [MH] et [W] [BF] aux entiers dépens.
Devant le premier juge, l'association DMA avait fait valoir que l'ensemble des demandeurs n'avaient pas qualité à agir et ne justifiaient pas d'un intérêt légitime, alors que la demande de suppression d'un article d'information met en cause la liberté d'expression telle qu'elle est instituée depuis la loi de 1881, laquelle pose en son article premier le principe de la libre expression de tout avis, dès lors que celui-ci ne porte pas atteinte à des intérêts particuliers ou généraux de manière illégitime et que les demandeurs se contentaient d'affirmer qu'il était porté atteinte à leur honneur professionnel, sans autre précision.
Le tribunal a rejeté cette fin de non-recevoir, considérant que l'article litigieux dénonçant les dérives de la pêche directe stigmatisait particulièrement les pêcheurs du port de [Localité 16] et que tous les demandeurs étant tous pêcheurs à [Localité 16] pouvaient se sentir légitimement visés par les pratiques irrégulières dénoncées par l'association, de sorte qu'ils justifiaient d'un intérêt à agir dans la procédure tendant à la suppression de cet article.
Après avoir rappelé que l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme protégeait la liberté d'expression, le tribunal a toutefois débouté les demandeurs de leurs prétentions, considérant que les abus à la liberté d'expression ne pouvaient être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881 et hors les restrictions légalement prévues, et que la liberté d'expression était un droit qui ne pouvait être contesté sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Le tribunal a par ailleurs débouté l'association DMA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, la volonté de nuire des demandeurs n'étant pas démontrée.
Par déclaration du 10 juin 2022, Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] ont relevé appel de cette décision, intimant l'association de défense des milieux aquatiques (DMA) venant aux droits de l'association de défense des ressources marines (ADRM), critiquant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celles les ayant déclarés recevables en leurs demandes et ayant débouté l'association DMA de sa demande de dommages et intérêts.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par la voie du RPVA le 02 mai 2023, Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 04 août 2021 en ce qu'il a déclaré recevables Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] en leurs demandes,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 04 août 2021 en ce qu'il a débouté l'association DMA de sa demande de dommages et intérêts,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 04 août 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] de l'ensemble de leurs demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau :
- constater la commission d'une faute par l'association ADRM à l'occasion de la rédaction et de la publication sur son site internet http://www.adrmarine.org/ de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe',
En conséquence :
- ordonner la suppression de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe' sur son site http://www.adrmarine.org/ par l'association ADRM, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- condamner l'association ADRM à verser à chacun des appelants la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral causé,
- débouter l'association ADRM devenue l'association DMA, de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions notamment indemnitaires,
- la condamner à verser à chacun des appelants la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées par le RPVA le 10 octobre 2023, l'association DMA demande à la cour, sur le fondement de l'article 31 et des articles 122 et 125 du code de procédure civile, de l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
A TITRE PRINCIPAL :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a jugé recevables les demandes des appelants,
En conséquence,
- juger irrecevables Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], en leurs demandes,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E] de l'ensemble de leurs demandes,
En conséquence,
- rejeter toutes demandes à l'encontre de l'Association DMA venant au droit de l'Association de défense des ressources marines (ADRM),
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté l'association DMA venant au droit de l'association de défense des ressources marines (ADRM) de sa demande de dommages et intérêts,
En conséquence,
- condamner solidairement Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E] à payer à l'Association DMA la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,
- condamner solidairement Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E] à payer à l'association DMA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP SCHNERB ' CHATEAU anc D. LACLAU, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. ».
Les appelants sollicitent la confirmation de la décision entreprise qui a déclaré leur action recevable.
L'association DMA conclut à l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir que les appelants ne justifient ni de leur intérêt ni de leur qualité à agir, se contentant d'indiquer que l'article litigieux porte atteinte à leur honneur professionnel et elle sollicite la réformation du jugement de ce chef.
En l'espèce, c'est justement que le premier juge a retenu que les exemples donnés par l'article publié par l'association DMA dénonçant les dérives de la pêche directe, ne concernaient que le port de [Localité 16] et stigmatisaient particulièrement les pêcheurs de ce port, de sorte que tous les demandeurs à la procédure étant tous marins pêcheurs au large du port de [Localité 16] ont pu se sentir légitimement visés par les pratiques irrégulières dénoncées par cet article et justifient ainsi d'un intérêt à agir.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2°) Sur le fond
Les appelants soutiennent que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, une information délivrée peut être fautive et de nature à engager la responsabilité civile de son auteur sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, notamment pour une information inexacte ou ambiguë, ce qui est le cas en l'espèce au sujet des pratiques de l'ensemble des pêcheurs de [Localité 16], l'association DMA alléguant sans preuve un irrespect des quotas de pêche et des obligations déclaratives ainsi que la commission du délit de fraude fiscale ; elle fait valoir que la liberté d'expression n'est pas absolue et connaît des limites parmi lesquelles figure la délivrance de fausses informations, ce qui est le cas en l'espèce.
Ils font valoir que ces propos causent un préjudice moral à l'ensemble des appelants compte tenu de l'importance de la diffusion de ces informations.
L'association DMA soutient que l'article litigieux traite d'un problème qui ne concerne pas uniquement le port de [Localité 16] mais également la Nouvelle Aquitaine et même toute la France, concernant des méthodes de vente qui sévissent dans toute l'Union Européenne et que cet article a une portée communautaire indiscutable, en soulignant que l'analyse à laquelle se livre l'association est confirmée, puisque les trois préconisations que suggère à la fin de son article l'association, ont été retenues par le Parlement Européen, à savoir :
* le seuil de 50 kg par espèce en deçà duquel les navires de plus de 10 mètres sont exonérés de déclaration est annulé ;
* le seuil de 30 kg en deçà duquel un acheteur est exonéré des formalités d'enregistrement si l'achat est réalisé « à des fins de consommation privée » est abaissé à 5 kg ;
* les « fiches de pêche » sont définitivement remplacées par la généralisation du journal de pêche pour tous les navires de pêche, y compris ceux de moins de 10 mètres.
Elle expose que les informations contenues dans cet article visent des pratiques générales de certains pêcheurs et que les trois mentions de [Localité 16] correspondent à des faits établis, les appelants étant totalement défaillants dans l'administration de la preuve que ces affirmations seraient mensongères et pourraient donc leur porter un préjudice.
Elle soutient que la procédure abusive engagée par les appelants lui a causé un préjudice et sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle sollicite donc la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a retenu que les demandeurs se plaignaient d'abus à la liberté d'expression commis par l'association DMA et que les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil ne permettaient pas de sanctionner d'éventuels abus à la liberté d'expression qui ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881.
Il est constant que le principe de la liberté d'expression n'est pas contesté par les parties.
La liberté d'expression et de critique est garantie par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme qui dispose que :
' 1- Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2- L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité nationale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des crimes, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.'
En application de cet article est consacré le droit à la liberté d'expression, lequel comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées.
La liberté d'expression intègre la liberté de critiquer les marques et produits mis sur le marché.
Cependant, selon la jurisprudence constante de la cour de cassation, hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Ainsi, lorsque les faits constituent une atteinte à la réputation d'une personne y compris une personne morale, ils doivent être sanctionnés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les dispositions de l'article 1240 du code civil ne pouvant s'appliquer qu'aux seules mises en cause des produits et services.
En l'espèce, les appelants reprochent à l'article incriminé de faire état 'd'une sous déclaration chronique, importante et généralisée, d'une économie souterraine, d'un marché parallèle considérable, d'un moyen quotidien de blanchir de l'argent' et indique dans ses écritures que 'l'association DMA se permet de délivrer des informations à la fois inexactes et ambiguës au sujet de l'ensemble des pêcheurs capbretonnais, en alléguant sans preuve, un irrespect des quotas de pêche et des obligations déclaratives posées par les textes, de même que la commission du délit de fraude fiscale' ; les appelants font par ailleurs valoir que l'association DMA salit leur honneur professionnel et indiquent que cet article porte une atteinte injustifiée à leur réputation et à leur considération.
Il est constant que ces griefs ne font pas référence à des dénigrements de produits ou de services mais à des diffamations, rappel étant fait que la diffamation est définie comme toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé, pénalement sanctionnée par la loi du 29 juillet 1881.
Comme cela a été indiqué, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de 1240 du code civil (Cass. 1er civ. 29 novembre 2005 n° 04-16.508 ; Cass. 3ème civ.14. janvier 2016, n° 14-26.313 ; Cass. 1er civ. 6 mai 2010, n° 09-67.624), l'objectif étant d'interdire aux parties de contourner, en se fondant sur le droit commun, les dispositions protectrices de la liberté d'information et d'expression de la loi de 1881.
En l'espèce, il est constant que les appelants fondent leur action sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil.
C'est donc justement que le premier juge, retenant que les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil ne permettaient pas de sanctionner les abus à la liberté d'expression, a débouté les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
3°) Sur la demande de dommages et intérêts formée par l'association DMA
L'association DMA a formé un appel incident et demande à la cour de réformer la décision entreprise qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, le droit d'ester en justice ne dégénérant en abus de nature à justifier l'allocation de dommages et intérêts que dans l'hypothèse d'une attitude fautive génératrice d'un dommage ; la preuve d'une telle faute de la part des appelants n'est pas rapportée.
4°) Sur les demandes annexes
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qui concerne les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les appelants seront condamnés in solidum à payer à l'association DMA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande à ce titre.
Les appelants seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant :
Condamne in solidum Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] à payer à l'association DMA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE
Numéro 24/00124
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 16/01/2024
Dossier : N° RG 22/01614 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHOF
Nature affaire :
Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels
Affaire :
[BP] [D],
[R] [Z] [T] [A],
[OO] [H],
[I] [M],
[L] [MH],
[W] [BF],
[J] [C],
[KS] [O],
[N] [E],
[B] [K]
C/
Association DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES (DMA)
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 16 Janvier 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 14 Novembre 2023, devant :
Madame FAURE, Présidente
Madame BLANCHARD, Conseillère
Madame REHM, Magistrate honoraire, chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [BP] [D]
né le [Date naissance 6] 1960
de nationalité Française
[Adresse 13]
[Localité 16]
Monsieur [R] [Z] [T] [A]
né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 31] (Portugal)
de nationalité Portugaise
[Adresse 25]
[Localité 18]
Monsieur [OO] [H]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 19]
Monsieur [I] [M]
né le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 29]
de nationalité Française
[Adresse 23]
[Localité 17]
Monsieur [L] [MH]
né le [Date naissance 8] 1987 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 30]
[Localité 16]
Monsieur [W] [BF]
né le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 24]
[Localité 16]
Monsieur [J] [C]
né le [Date naissance 9] 1967 à [Localité 32]
de nationalité Française
[Adresse 22]
[Localité 20]
Monsieur [KS] [O]
né le [Date naissance 12] 1966 à [Localité 26]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 16]
Monsieur [N] [E]
né le [Date naissance 6] 1972 à [Localité 27]
de nationalité Française
[Adresse 21]
[Localité 19]
Monsieur [B] [K]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 28]
de nationalité Française
[Adresse 14]
[Localité 19]
Représentés et assistés de Maître LABARTHETTE de la SELARL PICOT VIELLE & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMEE :
Association DEFENSE DES MILIEUX AQUATIQUES (DMA), association déclarée, numéro RNA W332021802, immatriculée sous le SIREN 890775869, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 15]
Représentée et assistée de Maître CHATEAU de la SCP JL SCHNERB - J CHATEAU - anc. D LACLAU, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 04 AOUT 2021
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DAX
RG numéro : 19/01495
EXPOSE DU LITIGE
L'association de défense des ressources marines (ci-après l'ADRM) devenue depuis le 13 juin 2020 association de défense des milieux aquatiques (ci-après l'association DMA) est une association relevant de la loi de 1901 qui a pour but la défense des ressources aquatiques et marines.
Elle a publié sur son site internet un article intitulé 'les dérives de la vente directe' dénonçant certaines pratiques de vente de produits de la pêche, en l'espèce la vente directe à la table, dont elle reconnaît cependant qu'elle est autorisée par l'article 59 du règlement CE 1924-2009.
Il est notamment écrit : « 'Ces pêcheurs amenés à vendre leur pêche directement, opèrent sur de petits bateaux, inférieurs à 12 mètres et très majoritairement 10 mètres. Ils sont donc soumis à une simple déclaration de leurs prises en renseignant manuellement des fiches de pêche qu'ils remettent tous les 8 ou 10 jours aux affaires maritimes locales. Le poisson vendu et consommé n'est alors plus vérifiable. De plus, dans de nombreux cas, la pêche ne passant pas par la criée, la pesée est de la seule responsabilité du pêcheur et il n'y a donc pas de contrôle automatique comme c'est le cas à la criée.'
Cet article poursuit en indiquant 'Le contrôle aléatoire des milliers de bateaux français de moins de 10 ou 12 mètres aboutit de fait à la situation suivante : la pratique quotidienne est celle d'une sous-déclaration chronique, importante et généralisée qui fait la fortune de ces pêcheurs. Tel pêcheur professionnel déclare en aparté 'Nous trichons tous, tout le monde le fait, beaucoup et tous les jours'. La déclaration correspondrait régulièrement à seulement 20 ou 30 % des captures réelles.
A l'étal des poissons, on observe aussi que le client est rarement averti par affichage qu'ici « la carte bleue est acceptée ». La refuser est encore légal en France à condition d'en informer le client au préalable. Quand l'acheteur occasionnel sort sa carte bleue, la pratique montre qu'il s'entend répondre que la carte de paiement n'est pas acceptée, mais que le distributeur d'à côté fonctionne très bien. Curieusement à [Localité 16], ce distributeur n'est jamais en panne ni jamais à court de billets, même en fin de week-end prolongé. De sorte que les achats se règlent presque tous en espèces, ce qui semble convenir aussi à certains gros acheteurs assidus.
Ceci rend extrêmement attractives ces pratiques qui s'en trouvent renforcées, d'autant que le plafond de 100 kg régulièrement dépassé n'est manifestement jamais contrôlé.
On n'a jamais constaté qu'un de ces stands de vente directe stoppe sa vente pour cause d'atteinte au plafond journalier, fixé par cet arrêté (100 kg). Par exemple à [Localité 16], les chiffres d'affaires journaliers en juillet et août sont couramment de l'ordre de plusieurs milliers d'euros par bateau, ce qui correspond à plusieurs centaines de kilos vendus. Le succès commercial de ces ventes qui attirent autant les particuliers que les professionnels de la restauration, parfois de très loin, explique que ces ventes se généralisent avec certaines conséquences dommageables. L'ADRM s'inquiète d'une généralisation sur le territoire avec pour conséquence, entre autres :
- Une économie sous-terraine et une injustice fiscale : ces ventes directes ne générant presque que des espèces, elles autorisent un marché parallèle considérable et proposent ainsi aux consommateurs un moyen quotidien de blanchir de l'argent, elles lèsent les marins qui travaillent sur des gros bateaux obligés de passer par une criée vu l'ampleur de leur débarquement et les autres citoyens en général, tenus à juste titre de se soumettre aux contrôles fiscaux généralisés qui font manifestement défaut dans ce secteur de la petite pêche côtière.
- Une atteinte grave à l'objectif de pêche durable que s'est fixé la politique commune de la pêche avec PCP : parce que les débarquements sont systématiquement sous déclarés, les données recueillies sont sous évaluées et ne permettent plus d'évaluer correctement les stocks. C'est particulièrement grave pour la sole du golfe de Gascogne qui reste dans un état biologique mauvais malgré 15 ans de mesures communautaires tous azimuts.
- Une incitation puissante pour stimuler l'effort de pêche puisque le poisson se vend en moyenne 3 à 5 fois plus cher qu'en criée. La pression de pêche est globalement stimulée, indépendamment de la sélectivité de l'engin mis en œuvre et malheureusement ceci se fait souvent au mépris des règles pour la protection des ressources et même de la sécurité des hommes. C'est le cas à [Localité 16] par exemple pour la pêche du bar dans les baïnes qui n'est pas durable parce qu'elle est illégale »
A la suite de la parution de cet article, par exploit du 19 novembre 2019, Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [F] [G], Madame [S] [G], Monsieur [P] [X], Monsieur [J] [C], Monsieur [FX] [Y], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [U] [V], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [UJ] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF], qui exercent la profession de marins pêcheurs au large du port de [Localité 16] (40), estimant que cet article portait atteinte à leur honneur et leur causait un préjudice moral, ont fait assigner l'ADRM devant le tribunal de grande instance de Dax, devenu tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020, aux fins de voir, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil :
- constater la commission d'une faute par l'association ADRM à l'occasion de la rédaction et de la publication sur son site internet http://www.adrmarine.org/ de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe',
En conséquence :
- ordonner la suppression de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe' sur son site http://www.adrmarine.org/ par l'association ADRM, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- condamner l'association ADRM à verser à chacun des demandeurs la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral causé,
- la condamner à verser à chacun des demandeurs la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Par jugement contradictoire en date du 04 août 2021, le tribunal judiciaire de Dax :
- a déclaré recevables [BP] [D], [B] [K], [F] [G], [S] [G], [P] [X], [J] [C], [FX] [Y], [KS] [O], [N] [E], [U] [V], [R] [Z] [T] [A], [OO] [H], [I] [M], [UJ] [M], [L] [MH] et [W] [BF] en leurs demandes,
- les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- a débouté l'association de défense des milieux aquatiques de sa demande de dommages et intérêts,
- a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné solidairement [BP] [D], [B] [K], [F] [G], [S] [G], [P] [X], [J] [C], [FX] [Y], [KS] [O], [N] [E], [U] [V], [R] [Z] [T] [A], [OO] [H], [I] [M], [UJ] [M], [L] [MH] et [W] [BF] aux entiers dépens.
Devant le premier juge, l'association DMA avait fait valoir que l'ensemble des demandeurs n'avaient pas qualité à agir et ne justifiaient pas d'un intérêt légitime, alors que la demande de suppression d'un article d'information met en cause la liberté d'expression telle qu'elle est instituée depuis la loi de 1881, laquelle pose en son article premier le principe de la libre expression de tout avis, dès lors que celui-ci ne porte pas atteinte à des intérêts particuliers ou généraux de manière illégitime et que les demandeurs se contentaient d'affirmer qu'il était porté atteinte à leur honneur professionnel, sans autre précision.
Le tribunal a rejeté cette fin de non-recevoir, considérant que l'article litigieux dénonçant les dérives de la pêche directe stigmatisait particulièrement les pêcheurs du port de [Localité 16] et que tous les demandeurs étant tous pêcheurs à [Localité 16] pouvaient se sentir légitimement visés par les pratiques irrégulières dénoncées par l'association, de sorte qu'ils justifiaient d'un intérêt à agir dans la procédure tendant à la suppression de cet article.
Après avoir rappelé que l'article 10 de la convention européenne des droits de l'Homme protégeait la liberté d'expression, le tribunal a toutefois débouté les demandeurs de leurs prétentions, considérant que les abus à la liberté d'expression ne pouvaient être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881 et hors les restrictions légalement prévues, et que la liberté d'expression était un droit qui ne pouvait être contesté sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Le tribunal a par ailleurs débouté l'association DMA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, la volonté de nuire des demandeurs n'étant pas démontrée.
Par déclaration du 10 juin 2022, Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] ont relevé appel de cette décision, intimant l'association de défense des milieux aquatiques (DMA) venant aux droits de l'association de défense des ressources marines (ADRM), critiquant le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exception de celles les ayant déclarés recevables en leurs demandes et ayant débouté l'association DMA de sa demande de dommages et intérêts.
Aux termes de leurs conclusions signifiées par la voie du RPVA le 02 mai 2023, Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] demandent à la cour, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 04 août 2021 en ce qu'il a déclaré recevables Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] en leurs demandes,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 04 août 2021 en ce qu'il a débouté l'association DMA de sa demande de dommages et intérêts,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dax le 04 août 2021 en ce qu'il a débouté Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] de l'ensemble de leurs demandes,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] aux entiers dépens,
Statuant à nouveau :
- constater la commission d'une faute par l'association ADRM à l'occasion de la rédaction et de la publication sur son site internet http://www.adrmarine.org/ de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe',
En conséquence :
- ordonner la suppression de l'article intitulé 'Les dérives de la vente directe' sur son site http://www.adrmarine.org/ par l'association ADRM, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification du jugement à intervenir,
- condamner l'association ADRM à verser à chacun des appelants la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral causé,
- débouter l'association ADRM devenue l'association DMA, de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions notamment indemnitaires,
- la condamner à verser à chacun des appelants la somme de 400 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses conclusions signifiées par le RPVA le 10 octobre 2023, l'association DMA demande à la cour, sur le fondement de l'article 31 et des articles 122 et 125 du code de procédure civile, de l'article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 1240 et 1241 du code civil, de :
A TITRE PRINCIPAL :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a jugé recevables les demandes des appelants,
En conséquence,
- juger irrecevables Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], en leurs demandes,
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- confirmer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E] de l'ensemble de leurs demandes,
En conséquence,
- rejeter toutes demandes à l'encontre de l'Association DMA venant au droit de l'Association de défense des ressources marines (ADRM),
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- réformer la décision dont appel en ce qu'elle a débouté l'association DMA venant au droit de l'association de défense des ressources marines (ADRM) de sa demande de dommages et intérêts,
En conséquence,
- condamner solidairement Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E] à payer à l'Association DMA la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts,
- condamner solidairement Monsieur [BP] [D], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH], Monsieur [W] [BF], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E] à payer à l'association DMA la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP SCHNERB ' CHATEAU anc D. LACLAU, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 octobre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1°) Sur la recevabilité de la demande
Aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, « L'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. ».
Les appelants sollicitent la confirmation de la décision entreprise qui a déclaré leur action recevable.
L'association DMA conclut à l'irrecevabilité de la demande en faisant valoir que les appelants ne justifient ni de leur intérêt ni de leur qualité à agir, se contentant d'indiquer que l'article litigieux porte atteinte à leur honneur professionnel et elle sollicite la réformation du jugement de ce chef.
En l'espèce, c'est justement que le premier juge a retenu que les exemples donnés par l'article publié par l'association DMA dénonçant les dérives de la pêche directe, ne concernaient que le port de [Localité 16] et stigmatisaient particulièrement les pêcheurs de ce port, de sorte que tous les demandeurs à la procédure étant tous marins pêcheurs au large du port de [Localité 16] ont pu se sentir légitimement visés par les pratiques irrégulières dénoncées par cet article et justifient ainsi d'un intérêt à agir.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
2°) Sur le fond
Les appelants soutiennent que contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, une information délivrée peut être fautive et de nature à engager la responsabilité civile de son auteur sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, notamment pour une information inexacte ou ambiguë, ce qui est le cas en l'espèce au sujet des pratiques de l'ensemble des pêcheurs de [Localité 16], l'association DMA alléguant sans preuve un irrespect des quotas de pêche et des obligations déclaratives ainsi que la commission du délit de fraude fiscale ; elle fait valoir que la liberté d'expression n'est pas absolue et connaît des limites parmi lesquelles figure la délivrance de fausses informations, ce qui est le cas en l'espèce.
Ils font valoir que ces propos causent un préjudice moral à l'ensemble des appelants compte tenu de l'importance de la diffusion de ces informations.
L'association DMA soutient que l'article litigieux traite d'un problème qui ne concerne pas uniquement le port de [Localité 16] mais également la Nouvelle Aquitaine et même toute la France, concernant des méthodes de vente qui sévissent dans toute l'Union Européenne et que cet article a une portée communautaire indiscutable, en soulignant que l'analyse à laquelle se livre l'association est confirmée, puisque les trois préconisations que suggère à la fin de son article l'association, ont été retenues par le Parlement Européen, à savoir :
* le seuil de 50 kg par espèce en deçà duquel les navires de plus de 10 mètres sont exonérés de déclaration est annulé ;
* le seuil de 30 kg en deçà duquel un acheteur est exonéré des formalités d'enregistrement si l'achat est réalisé « à des fins de consommation privée » est abaissé à 5 kg ;
* les « fiches de pêche » sont définitivement remplacées par la généralisation du journal de pêche pour tous les navires de pêche, y compris ceux de moins de 10 mètres.
Elle expose que les informations contenues dans cet article visent des pratiques générales de certains pêcheurs et que les trois mentions de [Localité 16] correspondent à des faits établis, les appelants étant totalement défaillants dans l'administration de la preuve que ces affirmations seraient mensongères et pourraient donc leur porter un préjudice.
Elle soutient que la procédure abusive engagée par les appelants lui a causé un préjudice et sollicite la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Elle sollicite donc la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il a retenu que les demandeurs se plaignaient d'abus à la liberté d'expression commis par l'association DMA et que les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil ne permettaient pas de sanctionner d'éventuels abus à la liberté d'expression qui ne peuvent être réprimés que par la loi du 29 juillet 1881.
Il est constant que le principe de la liberté d'expression n'est pas contesté par les parties.
La liberté d'expression et de critique est garantie par l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme qui dispose que :
' 1- Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations.
2- L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité nationale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des crimes, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire.'
En application de cet article est consacré le droit à la liberté d'expression, lequel comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées.
La liberté d'expression intègre la liberté de critiquer les marques et produits mis sur le marché.
Cependant, selon la jurisprudence constante de la cour de cassation, hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1240 du code civil.
Ainsi, lorsque les faits constituent une atteinte à la réputation d'une personne y compris une personne morale, ils doivent être sanctionnés sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les dispositions de l'article 1240 du code civil ne pouvant s'appliquer qu'aux seules mises en cause des produits et services.
En l'espèce, les appelants reprochent à l'article incriminé de faire état 'd'une sous déclaration chronique, importante et généralisée, d'une économie souterraine, d'un marché parallèle considérable, d'un moyen quotidien de blanchir de l'argent' et indique dans ses écritures que 'l'association DMA se permet de délivrer des informations à la fois inexactes et ambiguës au sujet de l'ensemble des pêcheurs capbretonnais, en alléguant sans preuve, un irrespect des quotas de pêche et des obligations déclaratives posées par les textes, de même que la commission du délit de fraude fiscale' ; les appelants font par ailleurs valoir que l'association DMA salit leur honneur professionnel et indiquent que cet article porte une atteinte injustifiée à leur réputation et à leur considération.
Il est constant que ces griefs ne font pas référence à des dénigrements de produits ou de services mais à des diffamations, rappel étant fait que la diffamation est définie comme toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé, pénalement sanctionnée par la loi du 29 juillet 1881.
Comme cela a été indiqué, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés sur le fondement de 1240 du code civil (Cass. 1er civ. 29 novembre 2005 n° 04-16.508 ; Cass. 3ème civ.14. janvier 2016, n° 14-26.313 ; Cass. 1er civ. 6 mai 2010, n° 09-67.624), l'objectif étant d'interdire aux parties de contourner, en se fondant sur le droit commun, les dispositions protectrices de la liberté d'information et d'expression de la loi de 1881.
En l'espèce, il est constant que les appelants fondent leur action sur les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil.
C'est donc justement que le premier juge, retenant que les dispositions des articles 1240 et 1241 du code civil ne permettaient pas de sanctionner les abus à la liberté d'expression, a débouté les demandeurs de l'intégralité de leurs demandes.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
3°) Sur la demande de dommages et intérêts formée par l'association DMA
L'association DMA a formé un appel incident et demande à la cour de réformer la décision entreprise qui l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef, le droit d'ester en justice ne dégénérant en abus de nature à justifier l'allocation de dommages et intérêts que dans l'hypothèse d'une attitude fautive génératrice d'un dommage ; la preuve d'une telle faute de la part des appelants n'est pas rapportée.
4°) Sur les demandes annexes
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qui concerne les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Les appelants seront condamnés in solidum à payer à l'association DMA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande à ce titre.
Les appelants seront condamnés in solidum aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant :
Condamne in solidum Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] à payer à l'association DMA la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur [BP] [D], Monsieur [B] [K], Monsieur [J] [C], Monsieur [KS] [O], Monsieur [N] [E], Monsieur [R] [Z] [T] [A], Monsieur [OO] [H], Monsieur [I] [M], Monsieur [L] [MH] et Monsieur [W] [BF] aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit des avocats qui en ont fait la demande.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Carole DEBON Caroline FAURE