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Décisions

CA Pau, 1re ch., 6 février 2024, n° 22/02118

PAU

Arrêt

Autre

CA Pau n° 22/02118

6 février 2024

SF/SH

Numéro 24/00408

COUR D'APPEL DE PAU

1ère Chambre

ARRÊT DU 06/02/2024

Dossier : N° RG 22/02118 - N° Portalis DBVV-V-B7G-II3A

Nature affaire :

Demande en réparation des dommages causés par d'autres faits personnels

Affaire :

[N] [X]

C/

[T] [D]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 Février 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 04 Décembre 2023, devant :

Madame de FRAMOND, magistrate chargée du rapport,

assistée de Madame HAUGUEL, greffière présente à l'appel des causes,

Madame de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame FAURE, Présidente

Madame de FRAMOND, Conseillère

Madame BLANCHARD, Conseillère

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [N] [X]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 8] (92)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté et assisté de Maître MACERA, avocat au barreau de BAYONNE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3737 du 16/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

INTIMEE :

Madame [T] [D]

née le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 7] (34)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentée et assistée de Maître MAILHOL, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 13 JUIN 2022

rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE

RG numéro : RG 20/01171

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 23 novembre 2017, le chargé d'accueil de la Brigade de [Localité 9] a reçu 1'appel téléphonique de Mme [T] [D], laquelle indiquait avoir été victime d'une agression physique de la part de M. [N] [X].

M. [N] [X] a été placé en garde a vue.

En raison de son état de santé mentale, il a été transféré au service psychiatrie de 1'étab1issement CAM DE PRATS à [Localité 5].

Placé en psychiatrie, M. [N] [X] a fait l'objet d'un examen qui a révélé un délire de persécution, une psychose, des anomalies mentales en rapport avec un état psychotique ainsi qu'une dangerosité psychiatrique. Le médecin psychiatre a conclu à une abolition du discernement.

Le 12 avril 2018, la plainte déposée par Mme [T] [D] a été classée sans suite.

Par acte du 18 août 2020, Mme [D] a fait assigner M. [X] en responsabilité civile devant le tribunal judiciaire de Bayonne aux fins de le voir condamner à lui payer une somme de 10'000 € au titre de ses préjudices outre 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 13 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bayonne, a :

- déclaré M. [X] responsable du préjudice subi par Mme [D] sur le fondement de l'article 1240 du Code civil ;

- condamné M. [X] à payer à Mme [D] la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice ;

- condamné M. [X] à payer à Mme [D] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [X] aux dépens.

Dans sa motivation, le tribunal a constaté que la responsabilité civile de M. [X] était établie dans l'agression subie par Mme [D] même si il avait été déclaré non responsable sur le plan pénal, que néanmoins celle-ci ne produisait aucune pièce à part le certificat médical initial qui constatait 'un gonflement de la face externe de la cuisse gauche avec plusieurs érosions superficielles correspondant à des égratignures contre le sol' conduisant à limiter son indemnisation à la somme de 1 000 €.

M. [X] a relevé appel par déclaration du 22 juillet 2022, critiquant le jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 octobre 2022, M. [X] appelant, demande à la cour de :

- Infirmer le jugement du 13 juin 2022 dans son intégralité,

Statuant à nouveau,

- débouter Mme [D] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [D] à verser à M. [X] la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

À titre subsidiaire,

- limiter le montant des dommages-intérêts à la somme de 200 €.

Au soutien de ses prétentions M. [X] fait valoir principalement que :

- La responsabilité civile fondée sur l'article 1240 du Code civil implique de caractériser une faute personnelle ayant causé un dommage,

- Or , M. [X] conteste être à l'origine du dommage allégué, il conteste toute violence à l'égard de Mme [D] et soutient que c'est elle qui au contraire l'a agressé en garde à vue,

- aucune faute sur le plan pénal n'a été retenue contre lui, et il n'est pas non plus démontré qu'il est à l'origine de violences contre la plaignante,

- enfin, les lombalgies, céphalées, irradiations dont se plaint Mme [D] ne peuvent être le résultat d'une simple chute, ni justifier l'allocation de la somme de 1 000 € en l'absence de tout examen médical sur les conséquences de cette chute notamment sur le plan physique, moral, professionnel, personnel et familial.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2023, Mme [D] intimée, demande à la cour de :

- débouter M. [X] de toutes ses demandes ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bayonne ;

- condamner M. [X] à lui payer la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles en appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Au soutien de ses prétentions Mme [D] fait valoir principalement, sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, que :

- la responsabilité civile de M. [X] ressort du procès-verbal de synthèse du18 décembre 2017 dans laquelle elle décrit de manière précise son agression, ayant été bousculée avant de tomber au sol puis giflée, saisie par les cheveux et secouée, et des déclarations de la mère de M. [X] sur son état de santé mentale et son agressivité habituelle,

- Que le classement sans suite résulte de la pathologie mentale de l'appelant ce qui ne l'exonère pas de sa responsabilité civile pour les faits qu'il a commis et les blessures qu'elle a subies, médicalement constatées, lui accordant une ITT de 2 jours,

- Elle justifie des répercussions sur son état de santé (suivi ostéopathique et impact psychologique), elle fait valoir également ses difficultés professionnelles, en qualité d'organisatrice de mariage, et les conséquences sur ses relations familiales.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 2 novembre 2023 .

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur'la demande de dommages intérêts présentée par Mme [D] :

*Sur la responsabilité de M. [X]

Selon l'article 1240 du Code civil tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il ressort des procès-verbaux d'interpellation et d'audition des 23 novembre 2017 et 21 décembre 2017 par les gendarmes de [Localité 9] que ceux-ci ont été appelés à intervenir suite à l'agression dénoncée par Mme [D] le 23 novembre 2017 subie de la part d'un des occupants du Village PIERRE et VACANCES où elle se trouvait pour son travail, décrit comme portant un jean gris-bleu et une casquette noire, interpellé par les gendarmes dans la rue peu de temps après, alors qu'il tentait de s'enfuir en les voyant se diriger vers lui. La personne interpellée est identifiée comme étant M. [X].

Il ressort de son audition effectuée par les gendarmes le 21 décembre 2017, que M. [X] reconnaît avoir eu une altercation avec Mme [D] à propos des poubelles renversées, et qu'il admet lui avoir donné des coups et l'avoir attrapé par les cheveux, tout en soutenant qu'elle avait été la première à lui porter des coups.

Il est versé au dossier l'avis du 16 avril 2018 du procureur de la république de classement sans suite de la plainte de Mme [D], pour les violences contre elle ayant entraîné une incapacité de travail n'excédant pas 8 jours, en raison de l'irresponsabilité pénale de l'auteur souffrant d'un trouble mental médicalement constaté.

Ces éléments établissent suffisamment que M. [X] est bien l'auteur d'une agression de Mme [D] et indépendamment des suites pénales, il est tenu civilement, en vertu du texte précité, de réparer le préjudice subi par elle résultant de cette agression.

*Sur le préjudice de Mme [D] :

Il ressort du certificat médical du docteur [E] en date du 23 novembre 2017, jour de l'agression, que ce médecin constate :

« on observe déjà un gonflement de la face externe de la cuisse gauche avec plusieurs érosions superficielles correspondant à des égratignures contre le sol».

Il retient une ITT de 2 jours.

Mme [D] produit également une attestation établie par une ostéopathe Mme [C] le 15 décembre 2017 mentionnant le motif de consultation :

«lombalgies avec irradiation postérieure bilatérale jusqu'à mi-cuisse. L'irradiation prédomine dans le membre inférieur droit.

Secondairement, la patiente se plaint de douleurs de type céphalées occipitales survenues en même temps que sa lombalgie.

Cette patiente est déjà suivie pour des lombalgies.

Il semblerait que sa symptomatologie soit expliquée par une agression récente. »

Mme [D] s'était en effet plainte le jour même de l'agression de souffrir de lombalgies.

Mais dans sa plainte adressée le 20 décembre 2017 au procureur de la république, Mme [D] indiquait souffrir d'une scoliose depuis l'âge de 16 ans, avec des douleurs cervicales et lombalgies, aggravées par la chute lors de son agression. Elle ne produit cependant aucun document médical sur son état antérieur à celle-ci et l'évolution de sa pathologie postérieurement.

Elle invoquait par ailleurs des pertes d'appétit, des crises d'angoisse, et d'agoraphobie depuis l'agression, alors qu'elle travaille dans l'événementiel comme organisatrice de mariage, et invoque donc un stress et une grande fatigue.

Cependant, Mme [D] ne produit aucun autre document médical démontrant une aggravation de son état de santé antérieur, ni relatif à ses revenus permettant de constater un préjudice économique ou professionnel.

Au regard des constatations médicales faites le jour de l'agression, la cour considère comme le premier juge que son préjudice doit être indemnisé par la somme de 1 000 € au titre de son préjudice moral et psychologique, les autres préjudices allégués n'étant pas démontrés.

Sur les mesures accessoires':

Le tribunal a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.

En conséquence, le jugement déféré doit être confirmé sur ces dispositions.

Y ajoutant :

M. [X] devra payer à Mme [D] une indemnité complémentaire de 1 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, et supporter les dépens d'appel.

La cour déboute M. [X] de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par mise à disposition, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 13 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

et y ajoutant,

Condamne M. [N] [X] à payer à Mme [T] [D] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande de M. [N] [X] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [N] [X] aux entiers dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions en matière d'aide juridictionnelle.

Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par Mme HAUGUEL, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

Sylvie HAUGUEL Caroline FAURE