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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-5, 1 février 2024, n° 21/02426

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 21/02426

1 février 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 FEVRIER 2024

N° RG 21/02426

N° Portalis DBV3-V-B7F-UVHV

AFFAIRE :

[T] [O]

C/

S.A. SOLOCAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Juillet 2021 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-

BILLANCOURT

N° Section : E

N° RG : 19/01105

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Noémie CAUCHARD

la AARPI C3C

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE UN FEVRIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [T] [O]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Noémie CAUCHARD, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

S.A. SOLOCAL

N° SIRET : 444 21 2 9 55

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Caroline QUENET de l'AARPI C3C, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P138

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Décembre 2023 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 20 juin 1988, M. [T] [O] a été engagé par la société PagesJaunes, aux droits de laquelle vient la société Solocal, en qualité de commercial, statut cadre. En dernier lieu, il occupait les fonctions de directeur d'agence télévente « hors catégorie » selon les dispositions de la convention collective nationale de la publicité française.

Par courrier du 2 avril 2019, le salarié a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 6 avril 2019, puis il a été licencié pour faute grave par courrier du 19 avril 2019.

Par requête reçue au greffe le 1er août 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.

Par jugement du 1er juillet 2021, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- dit que les éléments constitutifs d'une faute grave ne sont pas réunis,

- dit fondé le licenciement de M. [O], celui-ci étant jugé comme basé sur des motifs réels et sérieux,

- condamné la société Solocal à payer à M. [O] au titre des :

* rappel de salaire sur préavis : 9 247,74 euros,

* indemnité conventionnelle de licenciement : 133 089,32 euros,

* dommages et intérêts pour remise forcée du véhicule : 1 500 euros,

* article 700 du code de procédure civile : 1 000 euros,

- débouté M. [O] du reste de ses demandes à ce titre,

- reçu la société Solocal en ses demandes et l'en a débouté,

- mis les éventuels dépens à la charge de la partie qui succombe,

- dit qu'il n'y a pas lieu à intérêts autres que de droit,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,

Par déclaration au greffe le 23 juillet 2021, M. [O] a interjeté appel de cette décision.

Par dernière conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 31 octobre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [O] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

*condamné la société à lui verser l'indemnité conventionnelle de licenciement à hauteur de 133 089, 032 euros,

*condamné la société à lui verser la somme de 9 247,74 euros au titre du rappel de salaire sur préavis,

*condamné la société à lui verser 1 500 euros de dommages et intérêts pour la remise forcée de son véhicule de fonction,

statuer à nouveau,

- condamner la société à lui verser la somme de 350 000 euros pour nullité du licenciement,

à titre subsidiaire, condamner la société Solocal à lui verser la somme de 234 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- condamner la société Solocal à lui verser la somme de 227 000 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires outre 22 700 euros pour les congés payés y afférents et, à titre subsidiaire, la somme de 50 euros de dommages et intérêts de salaire pour exécution déloyale de la convention de forfait jour,

- condamner la société Solocal à lui verser 20 000 euros de dommages et intérêts au titre du caractère vexatoire de la rupture,

- condamner la société à lui verser 50 400 euros de dommages et intérêts pour la privation du bénéfice de son assurance couvrant ses emprunts immobiliers,

- condamner la société Solocal à lui verser 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- prononcer l'exécution provisoire, les intérêts aux taux légaux et la capitalisation des intérêts,

- débouter la société Solocal des demandes formées au titre de son appel incident,

- condamner la société Solocal à rembourser les indemnités versées par pôle emploi.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 20 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Solocal demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de sommes suivantes :

* 9 247, 74 euros au titre d'un rappel de salaire sur préavis,

* 133 098,32 euros à titre d'indemnité de licenciement,

* 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour « remise forcée du véhicule »,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- dire et juger que M. [O] ne verse aux débats aucune pièce constituant ne serait-ce qu'un commencement de preuve de fait précis, concordants et personnellement subis, laissant présumer l'existence d'actes de harcèlement moral ou de discrimination,

- dire et juger qu'aucune discrimination ni aucun acte de harcèlement moral n'a été commis à son encontre,

- constater la carence totale de l'appelant dans l'administration de la preuve d'un droit à heures supplémentaires,

- en conséquence et en tout état de cause, débouter M. [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que M. [O] a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité de préavis et que l'indemnité de licenciement pourrait au mieux s'élever à la somme de 102 257,94 euros,

- débouter M. [O] de ses demandes indemnitaires en ce qu'elles sont injustifiées, excessives et contraires au principe de réparation personnelle et proportionnée,

- en tout état de cause, condamner M. [O] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 21 novembre 2021.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour observe qu'elle n'est saisie d'aucune fin de non-recevoir tirée de la prescription ou de la forclusion par le dispositif des conclusions de l'employeur.

Sur les heures supplémentaires

Le salarié soutient que l'employeur n'a pas organisé d'entretien annuel sur sa charge de travail prévu par l'article L. 3121-46 du code du travail sauf en 2015 en se contentant de mentionner « RAS ». Il en déduit la nullité de la convention de forfait en jours conclue et qu'il est dès lors fondé à réclamer un rappel de salaire correspondant à des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale de travail sur les trois années ayant précédé la rupture de son contrat de travail.

L'employeur réplique qu'en conformité avec l'accord d'entreprise d'aménagement et de réduction du temps de travail du 20 mars 2000, le salarié a établi le déclaratif de ses jours travaillés sur la base duquel, après contrôle et validation, un décompte officiel a été établi et mentionné sur chacun des bulletins de salaire. Il ajoute qu'un entretien professionnel a été organisé chaque année entre le salarié et son supérieur, abordant expressément la question des conditions de travail. Il précise qu'un dispositif d'alerte permettait au salarié de saisir son responsable hiérarchique et le directeur des ressources humaines dans l'hypothèse de difficultés horaires.

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Si le salarié ne développe aucun moyen de nature à entraîner la nullité de la convention de forfait en jours, il se prévaut à raison des dispositions alors en vigueur de l'article L. 3121-46 du code du travail issu de la Loi n° 2008-789 du 20 août 2008, qui prévoient qu'« un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié », dès lors que ces dispositions sont applicables à la convention individuelle de forfait en jours litigieuse qui était en cours d'exécution lors de son entrée en vigueur, peu important l'antériorité à cette loi de l'accord d'entreprise du 20 mars 2000.

L'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de la tenue de tels entretiens notamment à compter de l'année 2016.

A défaut de mise en œuvre de ces entretiens, la convention de forfait en jours est privée d'effet et est inopposable au salarié.

Ce dernier est dès lors en droit de recalculer sa rémunération sur la base d'un temps de travail de 35 heures par semaine et ainsi de revendiquer un rappel d'heures supplémentaires sur les trois dernières années.

Selon l'article L. 3121-22 du code du travail, constituent des heures supplémentaires toutes les heures de travail effectuées au-delà de la durée hebdomadaire du travail fixée par l'article L. 3121-10 du code du travail ou de la durée considérée comme équivalente. Cette durée du travail hebdomadaire s'entend des heures de travail effectif et des temps assimilés.

Les jours fériés ne peuvent, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles, être assimilées à du temps de travail effectif, de sorte qu'ils ne sauraient être pris en compte dans la détermination de l'assiette de calcul des droits à majoration pour heures supplémentaires. Les heures correspondant à la période de congé annuel payé pris par le salarié doivent en revanche être prises en compte en tant qu'heures de travail accomplies pour déterminer si le seuil des heures travaillées au cours de la semaine civile donnant droit à majoration pour heures supplémentaires est atteint.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée du travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, l'employeur tient à la disposition de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Le salarié allègue qu'il arrivait à 9h le matin et partait à 19h45 avec une pause déjeuner de 30 minutes sur site ; il évoque des semaines en moyenne de 52 heures de travail ouvrant droit à un rappel d'heures supplémentaires de 17 heures par semaine sur les 3 années qui précèdent la rupture du contrat de travail.

Cette allégation selon laquelle le salarié a été soumis durant trois années à des horaires constants excédant la durée légale hebdomadaire de 9h à 19h45 avec une pause déjeuner de 30 minutes, et, dans le même temps, à une moyenne hebdomadaire de 52 heures de travail, n'est étayée par aucun décompte précis et détaillé notamment quant aux périodes d'absences et de congés, ni par aucun autre document, la sommation faite à l'employeur de produire les relevés de badgeage ne pouvant dispenser le salarié de sa propre charge dans le partage de la preuve. Il s'ensuit que le salarié ne présente pas d'élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Le salarié sera donc débouté de ses demandes au titre des heures supplémentaires, le jugement étant confirmé de ces chef.

Sur l'exécution déloyale de la clause de forfait en jours

Le fait pour le salarié d'avoir été soumis à une convention de forfait en jours ne respectant pas les exigences légales de garantie d'amplitude et d'une charge de travail raisonnable, d'une bonne répartition, dans le temps, de son travail, et de garantie de la protection de sa sécurité et de sa santé, constitue une exécution déloyale de cette convention qui lui cause un préjudice qui sera, au regard des éléments soumis à l'appréciation de la cour, justement réparé par l'octroi d'une somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est donc infirmé sur ce point.

Sur la discrimination

Le salarié, né en 1965, soutient que son licenciement pour faute grave est lié à l'âge, sa vulnérabilité économique, outre son ancienneté afin de le priver de son indemnité conventionnelle de licenciement, des salariés ayant commis des faits plus graves n'ayant pas été licenciés « et moins encore pour faute grave ».

L'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur, dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, notamment en raison de son âge ou de sa particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique.

Aux termes de l'article L. 1134-1 du code du travail, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions relatives au principe de non-discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est libellée comme suit :

« 'Plus précisément sur ces derniers points, la direction a relevé ces derniers mois de graves manquements à ces obligations contractuelles ayant notamment des conséquences graves sur le climat de l'agence, voire sur l'état de santé des collaborateurs.

A ce titre nous vous rappelons que l'employeur et par conséquent vous, en tant que représentant de ce dernier, êtes spécifiquement en charge de garantir la santé et la sécurité physique et mentale des 80 collaborateurs placés sous votre responsabilité dans le cadre de l'exécution de leur contrat de travail.

Or, à différentes reprises sur ces dernières semaines, et confirmé lors d'une réunion d'équipe organisée le 5 avril 2019 en présence d'[P] [F], vos subordonnés ont tenu à remonter un nombre important de déviances dans votre mode de management.

En effet, il apparait notamment que lors des comités Managers Responsable de Vente, que vous n'avez remis en place que depuis le début de l'année 2019 en y conviant cette fois votre RRH qui jusqu'alors était exclue de ces réunions, vous meniez des discussions sans aucune considération ni de fond, ni de forme rendant impossible la compréhension de la stratégie de l'entreprise par vos équipes et la mise en place d'une cohésion d'équipe pourtant indispensable au développement des Hommes dont vous avez la responsabilité.

Ces réunions n'ont consisté qu'à une redescente des chiffres « top down » en félicitant les meilleurs, et sans aucun soutien à vos Responsables des Ventes en difficultés.

Il nous est remonté que vous ne proposiez aucune démarche, ni mesures consistant à animer et/ou motiver le collectif de travail.

Plus dérangeant, vous ne proposez aucune solution, ni accompagnement aux responsables de ventes qui osent vous remonter leurs difficultés.

Ces derniers nous disent se sentir mis à l'écart, découragés et stigmatisés par ces méthodes.

Votre communication perçue comme autoritaire est exacerbée par le fait que vous ne partagez jamais avec vos équipes sur les informations économiques et stratégiques diffusées à l'ensemble de l'Entreprise par la Direction Générale, ni même sur les Comités bimensuels (prospect/client) organisés par votre manager Monsieur [P] [F].

Ces différents échanges auraient pourtant permis à certains de vos N-1 de faire part de leurs interrogations, de leur ressenti et ils auraient dû être l'occasion pour vous de donner du sens à la stratégie de l'entreprise et de vous assurer de l'adhésion de vos équipes.

Mais votre comportement semble démontrer une volonté délibérée de vous imposer auprès de vos équipes comme le seul interlocuteur et décisionnaire, imposant vos propres règles et mode de fonctionnement en ne laissant aucune place à la discussion de ceux-ci.

Vos décisions entretiennent une situation tellement tendue pour les membres de votre équipe qu'ils considèrent n'avoir aucune liberté de parole compte tenu de l'autorité et de la pression que vous exercez mais également du peu de communication que vous avez avec eux.

Par exemple, suite aux Codirs télévente qui se tiennent avec tous vos homologues DAT, vous avez, après celui du 06/02/2019 envoyez un mail à votre comité Responsable des Ventes en leur précisant : « ne comptez pas sur moi pour pleure » après celui de mars vous avez indiqué à vos RV « j'ai morflé ; vous allez morfler aussi » (avril 2019)

Tout ceci caractérise un manquement flagrant de bienveillance, d'accompagnement et de considération pour vos managers empêchant leur montée en compétence et le développement d'un climat de travail serein pour vos propres collaborateurs et par conséquent pour leurs équipes.

Ce comportement se ressent au quotidien y compris dans la gestion individuelle des collaborateurs placés sous votre responsabilité, comme en témoigne un mail adressé à un de vos N-1 sur une de ses collaboratrices revenue d'une période d'arrêt de travail pour maladie et que vous avez rencontré la veille pour son entretien de reprise au sujet de laquelle vous écrivez : « du coup elle raconte des conneries ' le médecin n'a jamais voulu l'arrêter pour une tension imaginaire, c'est bien cela ' ».

Ces carences dans vos pratiques managériales, au-delà de ne pas permettre aux équipes placées sous votre responsabilité d'acquérir le niveau d'autonomie attendu à leur poste impactent négativement leurs conditions de travail les empêchant d'exercer leur activité dans un climat de confiance indispensable à leur épanouissement. Ce comportement ne correspond pas aux exigences de l'entreprise à l'égard de son équipe managériale.

De la même façon, vous « aménagez à votre guise les Directives de votre propre hiérarchie en programmant une fréquence bimensuelle pour les entretiens individuels avec vos responsables alors que votre hiérarchie avait explicitement demandé d'organiser ces entretiens de manière hebdomadaire ;

Vous demandez aux Formateurs Télévente qui ne sont pas placés sous votre responsabilité hiérarchique de réaliser des missions qui ne sont pas celles demandées par leur propre manager, sans en référer à ce dernier.

Vous décidez seul du transfert d'une équipe de jeunes télévendeurs prospect (encore en formation) dans un groupe de télévendeurs client sans respecter les règles de formes qui s'imposent vis-à-vis de votre hiérarchie, qui n'a d'ailleurs pas approuvé votre décision, totalement en opposition avec la stratégie mise en place.

Votre comportement et vos décisions arbitraires/inappropriées ont engendré un nombre d'escalades important au service RH local et national.

Vos agissements non réfléchis, sans aucun partage avec votre hiérarchie, votre équipe de RV, votre RRH locales, vous conduisent à des décisions qui vont à l'encontre de la politique RH et la stratégie de l'entreprise. De plus votre non remise en cause permanente malgré les alertes et situation de crises accumulées entrainent des situations de danger sur la santé des personnes placées sous votre responsabilité.

Plus globalement vous déléguez à la RRH de votre secteur un certain nombre de missions qui sont de votre responsabilité, entretien de fin de PE, préparation des réponses aux réclamations DP relatifs à la télévente, gestion des conflits interpersonnels interférents sur les conditions de travail.

Ces éléments caractérisent vos manquements en termes de gestion des équipes télévente qui vous sont hiérarchiquement rattachées et plus généralement de l'agence télévente.

Votre posture, fait apparaitre clairement aucune intention de vous impliquer dans le bien-être de l'environnement de travail et de prendre en considération les situations professionnelles individuelles ou collectives des collaborateurs placés sous votre responsabilité dégradant ainsi le climat de l'agence malgré tous les indicateurs alertant et que vous ne pouvez ignorer.

Ce comportement délibéré et répété, sans aucune remise en cause ne peut être toléré au sein de l'entreprise et ce notamment compte tenu des conséquences qu'il a sur la santé au travail de vos collaborateurs.

Des indicateurs chiffrés corroborés par les conclusions de l'enquête paritaire menée avec le

CHSCT de [Localité 5] et restituée le 11 mars 2019 en présence du Directeur Commercial Télévente et de la Directrice des Opérations RH démontrent l'impact direct entre vos méthodes managériales sur le taux d'absentéisme de l'agence.

En effet, ce taux s'est fortement dégradé depuis le début de l'année passant de 13% en janvier 2019 (vs 9% en janvier 2019) à 17,1 % en mars 2019.

De la même manière, le nombre de démission des collaborateurs de vos équipes télévente représente plus de 50% de celles de toute la télévente sur le T1 2019' »

Il en résulte que le salarié, qui bénéficiait d'une délégation de pouvoir de la part de l'employeur notamment pour s'assurer du respect des règles applicables en matière de durée et d'horaires de travail des salariés de son agence placés sous son autorité, et dont il n'est pas utilement contesté qu'il occupait des fonctions d'encadrement et d'animation commerciale d'une agence de télévente à laquelle étaient rattachés près d'une centaine de collaborateurs réunis en équipes animées et encadrées par des responsables de vente, a été licencié pour faute grave en raison d'un management dysfonctionnel par manque réitéré d'implication se traduisant par un comportement autoritaire et stigmatisant et générant des risques psycho-sociaux.

Le salarié, qui invoque le fait d'avoir été licencié quand il avait près de 54 ans et une ancienneté de 30 ans lui ouvrant droit à une indemnité conventionnelle à la mesure de celle-ci, et qui corrélativement allègue une inégalité de traitement dans l'exercice du pouvoir disciplinaire par l'employeur en ce que trois autres salariés ont été licenciés respectivement les 17 octobre 2017, 30 octobre 2017 et 14 novembre 2017 pour cause réelle et sérieuse en raison, notamment, de leurs comportements managériaux, présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination, mais uniquement en raison de l'âge.

L'employeur démontre que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination dès lors que les salariés concernés avaient eux-mêmes une ancienneté non-négligeable allant de 12 à 24 ans, et occupaient des fonctions de moindre niveau en termes de pouvoir hiérarchique et de responsabilités en tant que responsables de télévente ou de ventes chargés du développement et de l'animation de « groupes » de salariés significativement moins nombreux, moins d'une dizaine pour au moins deux d'entre eux.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 de ce code, dans sa rédaction en vigueur du 1er mai 2008 au 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. En vertu de ce même article L. 1154-1, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 applicable aux faits commis à compter de son entrée en vigueur le 10 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui du harcèlement moral qu'il allègue avoir subi, le salarié présente les faits matériellement établis qui suivent :

- le 11 janvier 2019 s'est tenu un CHSCT sur la mission d'enquête votée le 28 juillet 2017 visant la « situation de souffrance de salariés à l'agence télévente d'[Localité 6] ». Plusieurs difficultés et axes d'amélioration ont été relevées et ce notamment concernant le DAT, lui-même :

« - conclusion :

(1) L'humain : remettre l'humain là où il n'y en a plus, afin que les salariés n'aient plus la boule au ventre pour venir travailler le matin, bien que la fonction de télévendeur soit difficile. Elle le restera mais elle sera plus acceptable si le management agence est bienveillant.

a. Constitution d'une vraie équipe managériale, qui travaille en transparence avec le DAT sur les vraies problématiques (') » ;

- le 25 janvier 2019, il a adressé un mail à l'inspectrice du travail, qui était présente lors de cette réunion du CSHT, afin de l'inviter à passer une journée ou une demi-journée sur le site Télévente d'[Localité 6] pour une visite des plateaux d'appels pour être au plus près de l'environnement de travail des collaborateurs puis prendre le temps d'échanger et pour lui de noter ses observations ;

ce à quoi il lui a été répondu par la DRH, Madame [E], le 28 janvier 2019 :

« Bonsoir [T].

Je te remercie de ne pas communiquer directement, ni de prendre des d'initiatives directe avec l'IT sans discussion et coordination préalable avec la DRH.

Ce sont des prérogatives RH.

Cdt

[R] ».

- par mail du même jour, il lui a répondu ce qui suit :

« J'en prends note.

Nous avons un plan d'action à monter et nous devons argumenter des initiatives employeur pour démontrer notre bonne volonté, c'était simplement ça à la base.

J'attends les instructions.

Bonne soirée.

Cdt

[T]. » ;

- le 11 février 2019, une nouvelle réunion « DP » s'est tenue lors de laquelle il n'était pas présent ; sa « RH », Madame [K] [M], lui a adressé les pistes de réflexions adoptées par mail du 12 février. Il y a répondu par mail du 13 février en soumettant sa réponse à son supérieur hiérarchique, Monsieur [F] ;

- le 21 février 2019, une nouvelle réunion « DP » s'est tenue. Madame [K] [M], nouvelle « RH », a décidé de changer les méthodes : « j'ignorais l'organisation précédente (') je me chargeais de traiter les questions comme je l'ai déjà fait dans mes précédentes boites » ;

- le 7 mars 2019, il a reçu, conjointement à d'autres collaborateurs, un mail du 7 mars 2019 ayant pour objet : « Nouvelle alerte sur un projet de réorganisation à la Télévente d'[Localité 6] », et aux termes duquel Mme [K] [M] indique :

« Je pense qu'il ne faut pas forcément annuler cette réorganisation, mais présenter la logique et les bénéfices attendus.

Mix des collaborateurs en fonctions des niveaux

Redynamisation des collaborateurs,

Recalibrage homogène des équipes.

A vous lire,

cordialement' » ;

- par mail du 7 mars 2019, à 21h01, il a envoyé un mail à sa hiérarchie :

« Bonsoir,

Je souhaite déjà porter à votre connaissance le fait que je subi un acharnement « personnalisé » de la part de [N]. J'ai 31 ans d'ancienneté et suis bien placé pour savoir que des élus prennent un malin plaisir à vouloir accrocher à leur trophée certaines têtes.

Je vous redonne le meilleur exemple de ces dernières semaines parmi tant d'autres : alors que l'ensemble des entretiens lors de l'enquête CHSCT ont été menés par [L] [D] et [X] [A] [V], [N] s'est « invité » uniquement pour le mien (à ma demande [K] m'accompagnait ) et j'ai dû recadrer l'entretien pour rappeler qu'il m'entendait sur la souffrance au travail et pas pour un interrogatoire.

J'ai donc besoin d'aide de la part de l'entreprise afin d'endiguer cet acharnement avéré.

Pour le sujet du jour (ci-dessous), je vais déjà rappeler que la mixité a été décidé en comité agence avec [K] et les managers justement suite à la lecture du rapport d'enquête. Les éléments apportés par [K] sont exactement ceux que j'ai porté depuis 2 semaines auprès de chaque groupe lors de mes 360°, seul un groupe, (le RV + les vendeurs) ont tenu à manifester leur réticence et vous comprendrez aisément de qui je parle avec la pièce jointe. Dans les autres groupes nous avons plutôt entendu quelques animosités mais pas de levées de boucliers.

Sur les 4 groupes existants, je vais construire un groupe Kas pour le 1er avril et déjà ça engendre une restructuration des équipes en place.

Je n'ai pas connaissance qu'avec l'arrêt des Bus, des changements de groupes ont été opéré en début d'année, un seul sur 38 vendeurs à ma connaissance.

Les responsables, au moins 3 sur les 4 du renouv, ont re-validé pas plus tard qu'aujourd'hui le mercato à opérer.

Je réinsiste sur le fait que [B] [Z] essaie de globaliser de manière sous terraine des revendications à peine fondées de certains de ses vendeurs.

Dans mes explications auprès des TLVs lors de mes 360° j'ai argumenté la baisse de notre productivité et de notre perf éco qui légitimait un renouveau et que par le passé j'ai démontré que cette méthode avait été porteuse.

Malgré plusieurs tentatives de sa part, je n'ai donc toujours pas besoin de la Co-gestion espérée de [N] pour mener à bien mes actions.

Cdt

[T]. » ;

- le 11 mars 2019, le compte rendu de la réunion du CHSCT du 11 janvier 2019 est de nouveau évoqué en réunion CHSCT ; deux semaines après, le 2 avril 2019, il est mis à pied à titre conservatoire et convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement devant se tenir le 12 avril 2019.

L'employeur démontre que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, dès lors que :

- d'une part, il met en évidence le fait que si M. [N] a participé à la réunion du CHSCT où le salarié était, à sa demande, accompagné par Mme [M], et si le 6 mars 2019 il a envoyé un mail à M. [F] et à la même directrice des ressources humaines qui à ce stade n'évoquait qu'un projet de réorganisation qu'elle considérait devoir être maintenu sous réserve d'en présenter sa logique et ses bénéfices, au sujet de l'annonce par le salarié d'une recomposition prochaine des équipes après que des élus aient été alertés par des télévendeurs, c'est en sa qualité de délégué du personnel et dans le cadre de son mandat ;

- d'autre part, il justifie d'un management défaillant imputable exclusivement au salarié qui a motivé le licenciement de celui-ci et qui a précédé l'annonce du projet sus-évoqué, tel que ce management défaillant résulte du compte-rendu de la mission d'enquête sur la situation de souffrance à l'agence télévente d'[Localité 6] du 11 janvier 2019 réalisé par le CHSCT à l'issue d'entretiens avec 64 salariés de l'agence dont l'effectif présent était de 84 ; les participants ont notamment relaté : un manque de transparence et d'équité dans la distribution par le salarié « de la matière » entraînant un excellent taux de transformation proche de 100% pour le New prospect et une très mauvaise performance pour le groupe Prospect traditionnel et en particulier pour le télévendeur impacté ; des différences de traitement par le salarié entre « managers » notamment dans la distribution de la matière ; un isolement de ceux-ci confrontés à un manque d'animation, de réunions, de suivi de leurs requêtes, par le salarié ; un mode de communication autoritaire avec un contrôle de l'activité par mails péremptoires : « où en es-tu ' », « Pourquoi ce n'est pas fait ' » ; une ambiance anxiogène et délétère au sein de l'agence malgré les efforts déployés par les managers d'équipes auxquels la majorité des télévendeurs ont rendu hommage.

Sur le licenciement

Il résulte de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes au titre d'un licenciement nul, en l'absence de discrimination ou de harcèlement moral.

Il résulte de l'article L. 1235-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

En application de l'article L. 1232-1 du même code, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Le licenciement pour motif disciplinaire doit être fondé sur des éléments objectifs imputables au salarié. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et implique son éviction immédiate. La preuve de son existence incombe exclusivement à l'employeur.

Il résulte de l'article L. 1232-4 qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales, et que c'est le jour où l'employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié, qui marque le point de départ du délai de deux mois. Lorsque les faits sanctionnés par le licenciement ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. Un fait antérieur à deux mois peut être pris en considération si le même comportement fautif du salarié s'est poursuivi dans ce délai.

Le licenciement doit être déclaré sans cause réelle et sérieuse dès lors que l'employeur ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, de sa connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs dans le délai de deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites le 2 avril 2019, et en ce qu'il ne justifie pas non plus d'une réitération de faits de même nature à l'intérieur du délai de prescription.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement

En application de l'article 69 de la convention collective applicable, l'indemnité conventionnelle de licenciement doit être calculée sur la base d'un salaire de référence mensuel brut de 9 062,74 euros calculé sur les douze derniers mois, plus favorable qu'un calcul sur les trois derniers mois, toute prime de caractère annuel versée au cours des trois derniers mois n'étant prise en compte que dans la limite d'un montant calculé prorata temporis.

L'employeur sera donc condamné au paiement de la somme de 102 257,94 euros, retenue par celui-ci, au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement [(9 062,74 € x 33% x 15 ans) + (9 062,74 € x 40 % x 15 ans) + (9 062,74 € x 40% x 10/12)].

Le jugement sera donc infirmé sur le quantum.

Sur le reliquat d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

En application des dispositions des articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, et au vu des éléments d'appréciation, dont les éléments de calcul, le salarié est fondé à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis, pour un préavis de trois mois, d'un montant de 27 188,22 euros brut, soit un reliquat à lui devoir d'un montant de 1 557,72 euros brut ( 27 188,22 € - 25 630,50 €) outre 155,77 euros brut de congés payés afférents.

Le jugement sera infirmé sur le quantum.

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Par application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, le salarié, qui comptait 30 années complètes d'ancienneté au moment de la rupture, peut prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 20 mois de salaire brut.

Eu égard à l'âge du salarié au moment de la rupture, 53 ans, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'il a subi, la somme de 130 000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est dès lors infirmé sur ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

Le salarié ne justifie pas du caractère vexatoire du licenciement ni, en toute hypothèse, de son préjudice. Sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre sera donc en voie de rejet, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour privation du véhicule de fonction durant le préavis

A défaut de preuve d'une remise forcée du véhicule de fonction, ce dont l'employeur se prévaut, le salarié sera, par voie d'infirmation du jugement, débouté de sa demande de dommages-intérêts formée à ce titre.

Sur les dommages-intérêts pour privation du bénéfice de son assurance couvrant ses emprunts immobiliers en cas de licenciement

S'agissant de cette demande, le salarié ne justifie d'aucun préjudice, notamment par perte de chance de pouvoir bénéficier d'une garantie perte d'emploi relative à une assurance de prêt immobilier. Le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute le salarié de ce chef.

Sur les intérêts légaux

Les intérêts au taux légal courront :

- sur les sommes de nature salariale, à compter de la date de présentation de la lettre recommandée de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;

- sur les autres sommes, à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné, des indemnités de chômage versées à la salariée, dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et l'indemnité de procédure.

L'employeur sera condamné aux dépens de première instance et d'appel et il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile qu'au profit du salarié. L'employeur sera condamné à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur les demandes relatives aux heures supplémentaires, sur les demandes au titre d'un licenciement nul, sur le quantum de l'indemnité conventionnelle de licenciement, sur les quanta des reliquats d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et sur la demande de dommages-intérêts pour privation du bénéfice d'une assurance couvrant ses emprunts immobiliers en cas de licenciement ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Dit le licenciement de M. [T] [O] dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Solocal à payer à M. [T] [O] les sommes suivantes :

102 257,94 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

1 557,72 euros brut au titre d'un reliquat d'indemnité compensatrice de préavis,

155,77 euros brut de congés payés afférents,

130 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

50 euros au titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la clause de forfait en jours ;

Dit que les intérêts au taux légal courront :

- sur les sommes de nature salariale, à compter de la date de présentation de la lettre recommandée de convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et d'orientation, ou de la première demande en justice qui en a été faite ;

- sur les autres sommes, à compter du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Ordonne le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné, des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

Condamne la société Solocal à payer à M. [T] [O] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Solocal aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,