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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 1 février 2024, n° 22/04541

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 22/04541

1 février 2024

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 01/02/2024

****

N° de MINUTE :

N° RG 22/04541 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UQE3

Jugement (N° 2022000336) rendu le 21 juin 2022 par le tribunal de commerce de Lille Métropole

APPELANT

Monsieur [I] [X]

né le 06 mars 1967 à [Localité 4]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Sylviane Mazard, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

SARL Moscion prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

ayant son siège social, [Adresse 1]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Eric Demey, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 14 novembre 2023 tenue par Nadia Cordier magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Agnès Fallenot, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 01 février 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2023

****

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] exerce l'activité de professeur de sport en qualité d'autoentrepreneur.

La SARL Moscion, créée en février 2016, est une entreprise spécialisée dans le secteur des activités des centres de culture physique.

De 2012 à 2015, M. [X] a entretenu des relations commerciales avec MM. [K] et [C], ces deux derniers étant par la suite devenus associés de la SARL Moscion.

M. [X] est ainsi devenu prestataire pour cette société, mettant à sa disposition le matériel nécessaire à l'exécution des prestations, en contrepartie du versement d'une indemnité mensuelle par la société.

En août 2018, à la suite d'un désaccord entre les parties, la SARL Moscion a mis fins aux prestations de M. [X], lequel a adressé une sommation interpellative d'avoir à lui restituer le matériel le 30 novembre 2018.

Face au refus de la SARL Moscion, M. [X] a saisi le tribunal de commerce Lille Métropole, qui, par jugement du 21 juin 2022, a notamment :

- débouté M. [X] de sa demande de condamnation sous astreinte de la SARL Moscion à lui restituer le matériel listé dans la sommation interpellative ;

- débouté M. [X] de ses demandes à titre subsidiaire de condamnation de la SARL Moscion à lui payer un arriéré d'indemnité pour la rétention du matériel, la somme de 25 515 euros au titre de la perte de chiffre d'affaires engendrée par la rétention du matériel et la somme de 6 800 euros au titre de la dépréciation du matériel ;

- débouté M. [X] de sa demande de condamnation de la SARL Moscion à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice ;

- débouté la SARL Moscion de sa demande de condamnation de M. [X] au paiement de la somme de 882 euros au titre du remboursement des loyers ;

- débouté la SARL Moscion de sa demande de condamnation de M. [X] au paiement de la somme de 6 507 euros au titre des dommages et intérêts ;

- condamné M. [X] à verser à la SARL Moscion la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [X] à la prise charge des frais et dépens.

Par déclaration du 28 septembre 2022, M. [X] a interjeté appel de l'ensemble des chefs le déboutant de ses demandes et le condamnant à une indemnité procédurale et aux dépens.

PRÉTENTIONS

Par conclusions signifiées par voie électronique le 19 décembre 2022, M.[X] demande à la cour, de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes ;

statuant à nouveau,

- ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la délivrance de la présente assignation, la restitution du matériel dont la liste figure sur la sommation interpellative faite par l'huissier le 30 novembre 2018 ;

- condamner la société Moscion à lui payer un arriéré d'indemnité arrêté au 30 décembre 2022 à 4 900 euros ( 98 X50 mois) outre le mois courant jusqu'à la restitution intégrale du matériel avec intérêts légaux calculés à compter de la décision à intervenir, celle-ci utilisant le matériel depuis ;

- condamner la SARL Moscion à lui payer 25 515 euros au titre de la perte du chiffre d'affaires, le tout avec intérêts légaux courant à compter du 30 novembre 2018 ;

- condamner la SARL Moscion à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de la dépréciation du matériel utilisé illégalement, le tout avec intérêts légaux courant à compter de la mise en demeure du 30 novembre 2018 ;

- condamner la SARL Moscion à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

à titre subsidiaire, si il était retenu qu'un contrat de location existait entre les parties :

- déclarer la résiliation judiciaire du contrat à compter du 30 novembre 2018 ;

- condamner la SARL Moscion à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 16 mars 2023, la société Moscion demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1241 et suivants, 1303 et suivants du code civil, de l'article L 642-3 du code de commerce, de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il déboute M.[X] de ses demandes et le condamne aux dépens et à une indemnité procédurale;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il la déboute de sa demande de condamnation de M. [X] à lui payer la somme de 882 euros au titre du remboursement des loyers et en ce qu'il la déboute de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 6 507 euros à titre de dommages et intérêts ;

et statuant de nouveau de ces chefs,

- condamner M. [X] au paiement de la somme de 882 euros au titre du remboursement des loyers indus ;

- condamner M.[X] au paiement de la somme de 6 507 euros au titre des dommages et intérêts,

en toute hypothèse

- débouter M.[X] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M.[X] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil au titre de l'appel;

- le condamner au paiement des entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

MOTIVATION

La remarque préliminaire de M.[X] sur le déroulé de l'audience tenue le10 mai 2022 devant le tribunal de commerce est sans emport, faute pour l'appelant d'en tirer de quelconques conséquences juridiques et de saisir la cour de prétentions en conséquence, étant observé que, s'agissant d'une procédure orale, les juges, quand bien même ils eussent été en possession des pièces et écritures de M. [X], ne pouvaient en tenir compte, faute de comparution de cette dernière à l'audience.

I ' Sur la relation existante entre les parties

M. [X] expose que la preuve de sa propriété mobilière, laquelle peut s'effectuer par tout moyen, est établie, dès lors que le matériel existe bien et est en possession de la SARL Moscion, laquelle a indiqué le conserver à titre de garantie lors de la sommation interpellative. M. [X] estime que cette preuve parfaite consigne l'aveu de la société Moscion qu'il est bien le propriétaire du matériel.

Il souligne, en outre, verser aux débats d'autres éléments de preuve qui sont des indices confirmant le constat d'huissier. Les factures d'achats de matériels sont probantes, peu important que certaines soient libellées à l'ordre de la société Perfect line gym, dès lors qu'il est avéré que M. [X] était le détenteur du matériel concerné, qu'il l'a apporté à la société Moscion et que la possession vaut titre. Il réplique que les considérations sur la nullité de la transaction passée en contravention de l'article L 642-3 du code de commerce n'ont pas lieu d'être, dès lors que la nullité ne peut être poursuivie que dans le délai de 3 ans à compter de l'acquisition et que la société litigieuse a été liquidée en 2010.

Il ajoute qu'en sus de la rémunération des heures de travail, la société lui versait chaque mois une redevance de 98 euros pour le matériel.

M. [X] conteste avoir donné le matériel litigieux en location à la société Moscion, aucun contrat, aucun échange n'étant produit pour démontrer cette allégation. Depuis l'arrêt de ses prestations, la société Moscion n'a jamais réglé de loyers pour le matériel, ce qui démontre bien l'inexistence d'un contrat de location.

Si un tel contrat était reconnu par la cour, M. [X] soutient qu'il devra en être prononcé la résiliation depuis le 30 novembre 2018, faute de restitution du matériel en l'absence de contrepartie financière réglée.

M. [X] estime que la société Moscion ne peut se retrancher derrière un droit de rétention, lequel est strictement encadré, aucune créance certaine, liquide et exigible ne pouvant être légitimement opposée par la société Moscion.

En réplique, la société Moscion fait valoir que le tribunal a justement pointé que les factures n'étaient, pour beaucoup, pas au nom de M.[X] et qu'il n'y avait pas de correspondance entre le matériel, objet de la sommation, et celui concerné par les factures d'achat de matériel. Nombre de factures concernent du petit matériel, à la valeur réduite après 10 ans d'utilisation

Il n'est pas justifié de la cession à M.[X] des matériels, objets des factures d'achat de la société Perfect line gym. La société Moscion estime que n'est pas apportée la preuve de la propriété de M.[X] et de la cession, mais au contraire que se trouve établi le fait que M.[X] lui a mis à disposition du matériel qui ne lui appartenait pas et dont il n'avait pas la jouissance.

La société Moscion ajoute que M.[X] a donc de manière illégitime perçu des loyers qu'il doit restituer au titre de ce matériel.

La société Moscion considère que la sommation, qui n'est pas un constat mais un acte comminatoire, est qu'une simple mise en demeure de restituer et que l'huissier n'a pas fait le constat du droit de propriété des biens réclamés par l'appelant. Elle souligne avoir été trompée par ce dernier, qu'elle croyait le légitime propriétaire, ce qui expliquait le versement des loyers.

Elle ajoute que la qualification de contrat de location trouve à s'appliquer et le fait que nombre de factures concernent du petit matériel, à la valeur réduite après 10 ans d'utilisation. Le fait que M. [X] n'établissait qu'une seule facture, et non point deux, ne présente aucun intérêt.

Elle conteste toute faute et rappelle qu'il n'existe aucun contrat de dépôt, l'obligeant à la restitution du matériel.

1) sur la qualification de la relation liant les parties

Réponse de la cour

Aux termes de l'article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d'un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l'ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

L'article 1709 du code civil précise que le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

Selon l'article 1713 du même code, on peut louer toutes sortes de bien meubles ou immeubles.

Il est de jurisprudence constante que les règles générales applicables au louage de biens immeubles le sont également au louage de bien meuble, pour autant qu'elles sont compatible avec la nature des choses et que le bail de la chose d'autrui, qui est inopposable au propriétaire, produit effet entre le bailleur et le preneur tant que celui-ci a la jouissance paisible des biens meubles ou immeubles loués.

Aucun accord n'existe entre les parties sur la nature de leurs relations, puisqu'elles évoquent pèle-mêle, pour la société Moscion, une convention de location, et pour M. [X], lequel conteste toute location à titre principal, une convention de mise à disposition ou encore un contrat de dépôt.

Compte tenu des pièces versées aux débats, dont le caractère lacunaire ne peut qu'être souligné, au vu des explications des parties, il appartient à la cour de restituer aux faits leur exacte qualification juridique et de déterminer la nature de la relation contractuelle unissant les parties.

Le seul non-respect des obligations liées au contrat en cause ne saurait influer sur la qualification même de ce contrat, laquelle dépend de l'examen des obligations respectives pesant sur les parties, peu important leur inexécution éventuelle.

Il n'existe pas de convention écrite. Cependant, on peut retenir des pièces du dossier :

- l'existence de factures mensuelles émises à compter de décembre 2017 jusqu'à fin août 2018 par M. [X] dont l'objet est ainsi décrit :

- « Prestation de coaching [X]heures à 7.52 euros net/H » avec un montant variant en fonction du nombre d'heures répertoriées

-« Mise à disposition de matériel » avec une quantité de 1 et un prix unitaire de 98 euros

- une liste de matériels dont M. [X] a sollicité la restitution dans le cadre d'une sommation interpellative du 30 novembre 2018 ;

- la réponse donnée à cette sommation par la société Moscion : « M. [X] a procédé à près de 6500 euros d'encaissement illégitime. Il a refusé de me rembourser. J'émets une réserve concernant le matériel en ma possession (Point 1 et 2 = nombre différent) Je considère le reste du matériel comme un gage jusqu'à remboursement des sommes dues. J'ai essayé à plusieurs reprises d'obtenir un règlement amiable du litige. S'il n'est pas possible de trouver un règlement avec M. [X] j'envisage d'engager une action en justice ».

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que la relation contractuelle liant M. [X] et la société Moscion comporte deux volets distincts, ce que confirment les factures établies par ce dernier, sans que l'émission d'une seule facture présente un quelconque obstacle à la reconnaissance d'obligations distinctes relatives à des objets différents dans le cadre d'une convention générale unique.

Ainsi, les parties étaient liées par, d'une part, une convention de prestations de service par lequel M. [X] réalisait des interventions pour une activité de coaching « Pilates » dans les locaux de la société Moscion, d'autre part, une convention relative au matériel, intitulée « mise à disposition » sur les factures, pour un montant de 98 euros par mois.

Compte tenu du principe ci-dessus rappelé, M. [X] ne peut déduire de l'absence de règlement de la somme de 98 euros par mois à partir d'une certaine date l'absence de tout contrat de location.

Si M. [X] conteste tout contrat de location du matériel au profit d'une convention de mise à disposition, il n'explicite pas la distinction qu'il effectue entre ces deux qualifications et les conséquences juridiques qui seraient susceptibles d'en découler.

De ces explications peu claires, la cour déduit qu'il fonde cette distinction sur le lien existant entre la prestation de coaching qu'il délivrait et le matériel qui devait servir à la réalisation de sa propre prestation, rapprochant alors cette convention d'un dépôt à titre onéreux.

Néanmoins, le dépôt à titre onéreux se caractérise par la remise d'un bien au dépositaire pour qu'il le conserve et exclut l'utilisation dudit bien par ce dernier.

Or l'emploi sur la facturation du terme même de « mise à disposition » recouvre une notion plus large que celle de simple dépôt, à savoir la disposition d'un bien, qui comprend celle d'en user.

En outre, aucun élément ne permet d'accréditer la thèse de M. [X] selon laquelle les biens mis à la disposition de la société Moscion contre rémunération le seraient pour les seuls besoins de son activité de coaching.

Or, la mise à disposition de matériel par M. [X] à la société Moscion lui permettant de jouir des biens, pour permettre éventuellement à ce dernier de réaliser ses activités, contre une rémunération arrêtée à la somme de 98 euros par mois, ne peut s'analyser qu'en une convention de louage de matériel.

Il importe peu de ce chef que M. [X] soit propriétaire ou pas dudit matériel, le détenteur pouvant parfaitement conclure un tel contrat, ce qui rend les développements en sens contraire de la société Moscion inopérants.

La relation contractuelle des parties, concernant les matériels, ne peut s'analyser que comme une convention de louage de biens à durée indéterminée, faute de durée contractuellement prévue entre les parties.

2) sur la demande de restitution du matériel et de prononcé d'une astreinte

A titre principal, M. [X] sollicite exclusivement sur le fondement de son droit de propriété la restitution du matériel, objet de la sommation de restituer, qui serait en possession de la société Moscion.

S'agissant d'un matériel très particulier et nécessaire à l'exercice de ses mission et profession, M. [X] estime que le prononcé d'une condamnation à restituer sous astreinte se justifie.

La société Moscion s'oppose à cette demande, soulignant l'absence de tout droit de propriété sur le matériel concerné.

Réponse de la cour

Le seul droit de propriété de M. [X] sur le matériel détenu par la société Moscion, à le supposer établi, n'est pas de nature à fonder la restitution sollicitée, alors qu'existe une convention à durée indéterminée entre les parties de louage du matériel, dont la validité est en cours et la régularité non contestée.

Au surplus, il sera observé que, contrairement à ce que soutient M. [X], la sommation de restituer n'est pas de nature à établir son droit de propriété, cet acte valant uniquement reconnaissance par la société Moscion de ce qu'elle détient des biens dont M. [X] se dit propriétaire.

Par ailleurs, à juste titre, les premiers juges ont souligné que M. [X], qui se prévaut de sa propriété, n'en rapportait pas la preuve, nombre de pièces versées pour attester de ce fait n'étant à son nom ( facture Sissel au nom de « Client Pilates » [par exemple FA289307] ; au nom de Perfect line gym [par exemple Facture Sissel FA209012, FA209937, FA 211792, FA217741 FA 215383) au nom de Mme [P] [N] ( facture commissaire-priseur) ou portant des mentions ambiguës, telles que « Moscion Training stutio [X] [I] » (facture Sissel FA 501317 par exemple) ou « M. [X] centre BE Well » ( Facture Cress FVE 143946).

Pour les factures au nom de M. [X], il ne peut qu'être noté l'absence de toute correspondance entre le matériel référencé sur lesdites factures et la liste de matériel, objet de la sommation de payer.

Cela ne peut que conduire, de plus fort, au rejet de la demande M. [X] en restitution du matériel fondée exclusivement sur le droit de propriété et de la demande de condamnation de la société Moscion à restituer sous astreinte.

La décision des premiers juges est donc confirmée de ces chefs.

3) sur les demandes complémentaires

M.[X] sollicite la réparation de différents préjudices. Il expose qu'il travaille désormais à la clinique de la [3] mais se voit contraint de refuser des patients (15 environ par semaines à 21 euros de l'heure) faute de disposer du matériel, tandis que la société Moscion continue à facturer ses clients en utilisant son matériel.

Il ajoute qu'en 48 mois d'utilisation par la société Moscion, le matériel a perdu de sa valeur, ce qui justifie l'octroi d'un dédommagement forfaitaire de 2 000 euros.

M.[X] estime subir un préjudice moral lié à la résistance abusive dont la société Moscion a fait preuve dans la restitution de son matériel.

En réponse, la société Moscion qualifie ces demandes de fantaisistes et souligne l'absence de justificatif des prétendus préjudices.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de leurs prétentions.

Ces demandes, qui sont toutes formées par M. [X] sur le fondement du non-respect de son droit de propriété par la société Moscion, ne sauraient, au vu de ce qui précède, prospérer, étant en outre observé qu'aucune pièce ne vient établir l'existence comme le quantum des préjudices invoqués.

Ces demandes sont rejetées, ce qui justifie la confirmation de la décision entreprise de ces chefs.

4) sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire

M. [X] expose qu'il n'a jamais mis en demeure la société Moscion de lui régler quelques loyers que ce soit mais de lui restituer le matériel.

Il estime que, si la cour devait considérer qu'il existe un contrat de location entre les parties, elle devrait déclarer sa résiliation de plein droit depuis le 30 novembre 2018. Il souligne que, depuis plus de deux ans, la société Moscion retient abusivement le matériel mais qu'en plus, elle l'utilise sans rien payer, alors qu'elle a brusquement rompu leurs relations contractuelles, l'empêchant d'accéder aux locaux pour y donner ses cours.

En réponse, la société Moscion réplique que le contrat conclu entre les parties sur le matériel est en suspens. Il n'a fait l'objet d'aucune résiliation par ses soins ou par celui de M. [X]. S'agissant d'un contrat verbal, il n'existe pas de clause résolutoire et M. [X] ne fait pas état d'une réclamation au titre des loyers dus depuis le mois de septembre 2018. Elle souligne qu'elle ignorait en outre, à l'époque où elle payait la redevance, que M. [X] ne disposait alors en réalité d'aucun droit sur ce dernier.

La société Moscion indique ne pas comprendre l'inexécution fautive qui lui serait reprochée et l'obligeant à restituer le matériel, dès lors que n'était pas sollicitée la résolution du contrat devant les premiers juges.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions de l'article 1217 du code civil, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

Il a été jugé préalablement que la convention portant sur le matériel était une convention de louage de biens, laquelle prévoyait une redevance mensuelle de 98 euros en contrepartie de la mise à disposition du matériel sportif.

La société Moscion ne peut raisonnablement soutenir qu'elle n'a commis aucune inexécution fautive, alors même qu'il appartient au preneur de régler le loyer mensuel dû à titre de contrepartie de la jouissance du bien, sans qu'il soit nécessaire d'attendre une mise en demeure.

Il n'est discuté ni la délivrance du matériel ni la réalité de la mise à disposition, la société Moscion invoquant uniquement l'absence de résiliation en bonne et due forme de la convention, ni le prix convenu entre les parties à titre de contrepartie, soit la somme de 98 euros par mois.

Le seul fait que M. [X] ne soit éventuellement pas propriétaire du bien est sans incidence sur l'obligation du preneur de régler la contrepartie convenue, dès lors que le bien loué a été délivré, ce qui n'est en l'espèce pas contesté.

Il a en effet été jugé que, si le contrat de bail consenti par quelqu'un qui ne possède aucun droit de propriété sur le bien loué, ou ne possède que partiellement ces droits, perd sa validité lorsque celui dont le droit de propriété est ignoré forme une telle demande, le bail de la chose d'autrui produit ses effets tant que le preneur à la jouissance paisible du bien loué, c'est-à-dire tant qu'il n'est pas troublé par le véritable propriétaire (Civ, 17 mai 1927).

De la sommation interpellative et des factures produites par M. [X], il se déduit que du matériel sportif est bien en possession de la société Moscion suivant la convention précitée et le demeure même depuis novembre 2018, sans que cette société ne verse les redevances mensuelles depuis cette date. Cette faute est suffisamment grave pour justifier, aux torts de cette dernière, la résiliation de la convention, laquelle doit être prononcée à compter du manquement constitué par le défaut de paiement des loyers, soit le 30 novembre 2018.

Néanmoins, la cour ne peut que constater que M. [X] ne forme aucune demande de condamnation au titre des loyers échus depuis novembre 2018, pas plus qu'il ne sollicite la restitution du matériel mis à disposition par la convention, résiliée depuis le 30 novembre 2018.

Le dispositif des écritures de l'appelant ne comprend, à titre subsidiaire, aucune demande de restitution du matériel sous astreinte de ce chef, demande à laquelle il ne pourrait,de toute évidence, être fait droit, faute de détermination précise des objets concernés par la convention.

Il sera statué sur cette demande en ajoutant à la décision entreprise.

II- Sur l'appel incident de la société Moscion

1) sur la demande de dommages et intérêts

M. [X] estime qu'aucun élément ne démontre un détournement des encaissements d'un client pour plus de 6 500 euros, soulignant que la société Moscion se base sur un listing établi unilatéralement et remontant à 2016, date à laquelle il n'intervenait pas auprès de cette société.

Il ajoute que la société Moscion n'a pas déposé plainte contre lui.

La société Moscion observe que la victime d'une faute civile n'est jamais tenue de déposer une plainte pénale pour obtenir la reconnaissance de cette faute, ce qui invalide le rejet sur ce fondement de sa demande par les premiers juges.

Elle précise agir sur le fondement de la responsabilité civile ou à titre subsidiaire celui de l'enrichissement injustifié. Elle soutient que l'ensemble des pièces établit que M. [X] a perçu les règlements effectués par les consorts [H] qui devaient lui revenir. M.[X] a commis une faute en encaissant des chèques pour des prestations de coaching pilate au sein de son établissement, alors qu'il lui avait loué la jouissance du matériel et ne pouvait en jouir lui-même.

Réponse de la cour

En vertu des dispositions de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Doit être apportée par celui qui l'invoque la preuve d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute et ce préjudice.

A juste titre, la société Moscion critique les premiers juges en ce qu'ils ne pouvaient retenir l'absence de plainte pénale pour estimer non établie la faute dont elle se prévaut.

Il lui appartient néanmoins d'apporter la preuve du détournement par M. [X] des versements effectués par un client sur la période de janvier 2016 à novembre 2018.

En l'espèce, pour attester de cette allégation, sont versés aux débats un listing extrait d'un logiciel relatif à des rechargements et des réservations de cours, un listing réalisé manuellement pour chacun des époux [H] des règlements perçus et des impayés, un mail de M. [H] faisant suite à une relance indiquant joindre « les preuves de nos règlements pour l'ensemble des prestations pratiquées avec [I] [X] pour le pilates et le Coaching pendant les périodes d'avril 2016 à septembre 2018. Nous pensons avoir retrouvé l'essentiel de nos talons. L'ensemble de ces chèques ont été débités », avec en pièce jointe une liste comportant le numéro de chèque, la date, la banque concerné et le montant.

Il n'est nullement produit la copie des chèques débités permettant de déterminer quel en a été le destinataire.

Il s'ensuit que les pièces produites sont insuffisantes à établir la réalité des faits et surtout leur imputabilité à M. [X], le client se référant d'ailleurs non à ce dernier, mais à un certain [I] [X].

Au vu de ces seuls motifs, la décision est confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par la société Moscion.

Les mêmes pièces étant versées au soutien de la demande en remboursement au titre de l'enrichissement sans cause, elles ne sont pas plus de nature à établir l'enrichissement indu de M. [X].

2) sur la demande de remboursement des loyers

M.[X] conteste avoir donné le matériel litigieux en location à la société Moscion, aucun contrat, aucun échange n'étant produit pour démontrer cette allégation. Depuis l'arrêt des prestations de M. [X], la société Moscion n'a jamais réglé de loyers pour le matériel, ce qui démontre bien l'inexistence d'un contrat de location.

En réponse, la société Moscion estime que M.[X] s'étant accaparé du matériel appartenant à une société liquidée et ce en contradiction avec la loi, et l'ayant mis à disposition, il a donc de manière illégitime perçu des loyers qu'il doit restituer.

Réponse de la cour

Il est de jurisprudence constante que le bail de la chose d'autrui, qui est inopposable au propriétaire, produit effet entre le bailleur et le preneur tant que celui-ci a la jouissance paisible.

Le preneur ne peut donc exciper du défaut de pouvoir de son bailleur pour se soustraire au paiement de son loyer (3e Civ, 7 octobre 1998 n°96-20.409), ni s'opposer à une demande de résiliation (3e Civ, 24 janvier 2001, n°99-14.426).

La relation contractuelle unissant les parties en ce qui concerne le matériel a été précédemment qualifiée de convention de louage et sa validité n'est pas contestée, rendant inopérant le moyen tiré d'une perception illégitime des loyers, compte tenu du fait que le matériel loué aurait été accaparé à la suite de la liquidation judiciaire d'une société, ce qui n'est d'ailleurs nullement établi.

En conséquence, la demande de ce chef ne peut qu'être rejetée.

III ' Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, chacune des parties succombant partiellement en ses prétentions en appel, elles conserveront la charge de leurs propres dépens d'appel.

Les chefs de la décision de première instance relatifs aux dépens et à l'indemnité procédurale sont confirmés.

Les demandes d'indemnités procédurales au titre de la procédure d'appel sont rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Lille Métropole en date du 21 juin 2022 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de location portant sur le matériel mis à disposition par M. [X] à la société Moscion aux torts de cette dernière à compter du 30 novembre 2018 ;

DEBOUTE chacune des parties de sa demande d'indemnité procédurale en cause d'appel ;

LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens d'appel ;

Le greffier

Marlène Tocco

La présidente

Stéphanie Barbot