Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 6, 24 janvier 2024, n° 21/05338
PARIS
Arrêt
Autre
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 24 JANVIER 2024
(n° 2024/ , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05338 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3HX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00539
APPELANTE
Madame [S] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sandrine FARRUGIA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.S. DENTSPLY SIRONA FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par, Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Dentsply sirona (SAS) a employé Mme [S] [N], née en 1960, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 août 2001 en qualité d'attachée commerciale.
Mme [N] a exercé successivement plusieurs mandats de représentant du personnel à compter de 2011 : membre titulaire du comité d'entreprise de 2011 à 2014, elle a été déléguée syndicale du 5 janvier 2015 au 14 mai 2018.
La période de protection spéciale s'est étendue jusqu'au 14 mai 2019.
Des difficultés sont survenues dans les relations de travail et Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 avril 2012.
Le 10 juillet 2012, Mme [N] a déclaré un accident de travail survenu le 19 avril 2012 qui a fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM.
Le 13 octobre 2012, Mme [N] a déclaré une maladie professionnelle en date du 20 avril 2012 qui a fait l'objet d'une décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM.
Les arrêts de travail et les reprises en mi-temps thérapeutique de Mme [N] se sont succédés comme suit :
- du 24 octobre 2013 au 5 janvier 2014 : arrêt complet
- du 6 janvier 2014 au 6 avril 2014 : mi-temps thérapeutique
- du 9 avril 2014 au 11 avril 2014 : arrêt complet
- du 12 avril 2014 au 20 mai 2014 : mi-temps thérapeutique
- du 21 mai 2014 au 1er juin 2014 : arrêt complet
- du 2 janvier 2014 au 26 juin 2014 : mi-temps thérapeutique
- du 27 juin 2014 au 14 juillet 2015 : arrêt complet
- du 15 juillet 2015 au 16 septembre 2015 : mi-temps thérapeutique.
Puis Mme [N] a été placée en arrêt de travail de façon continue à partir du 17 septembre 2015.
Lors de la visite médicale de reprise du 24 mai 2018 de Mme [N], le médecin du travail a établi un avis d'inaptitude et précisé qu'un maintien de la salariée à un emploi serait « gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 12 juin 2018, la DUP a donné son avis sur l'impossibilité de reclassement de Mme [N].
Le 18 juin 2018, la société Dentsply sirona a informé Mme [N] de l'impossibilité de la reclasser.
Mme [N] a saisi le 18 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Meaux d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par lettre notifiée le 21 juin 2018, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 3 juillet 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 juillet 2018, la société Dentsply sirona a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme [N] qui était à cette date, déléguée syndicale.
Aucune décision n'a été rendue par l'inspection du travail à la date du 14 septembre 2018, de sorte qu'il s'agissait d'une décision implicite de rejet ; après un premier recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui donnait une nouvelle fois lieu à une décision implicite de rejet en date du 6 mars 2019, la société Dentsply sirona a saisi le tribunal administratif pour demander l'annulation de la décision implicite de rejet du recours née le 6 mars 2019 du ministre du travail ainsi que la décision implicite de l'inspecteur du travail née le 14 septembre 2018 de refus du licenciement de Mme [N].
La période de protection spéciale de Mme [N] a pris fin le 14 mai 2019.
Lors de la visite médicale du 28 juin 2019, organisée à la demande de l'employeur, le médecin du travail a établi un avis d'inaptitude concernant Mme [N] ; il précisait qu'un maintien de la salariée à un emploi serait « gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 4 juillet 2019, la société Dentsply sirona a informé Mme [N] de l'impossibilité de la reclasser.
Par lettre notifiée le 5 juillet 2019, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2019.
Mme [N] a ensuite été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception le 22 juillet 2019.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [N] avait une ancienneté de 17 ans et 11 mois.
La rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [N] s'élevait en dernier lieu à la somme de 7 259,12 €.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires.
Dentsply sirona occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [N] a in fine formé devant le conseil de prud'hommes de Meaux les demandes suivantes :
« Juger que Madame [N] a été victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale
A titre principal,
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] aux torts exclusifs de la société DENTSPLY SIRONA
Juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] produit les effets d'un licenciement nul,
Indemnité pour licenciement nul : 174 218,88 Euros
Subsidiairement,
Requalifier le licenciement de Madame [N] en licenciement nul
Indemnité pour licenciement nul : 174 218,88 Euros
En tout état de cause,
- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 72 590 Euros
- Dommages-intérêts pour discrimination syndicale : 72 590 Euros
- Dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 87 112,44 Euros
- Dommages-intérêts pour préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation : 43 556,22 Euros
- Rappel de salaire restant dû jusqu'à la fin de sa protection en qualité de délégué syndical : 87 109,44 Euros
- Dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ses commissions : 43 556,22 Euros
- Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 Euros
- Dépens
- Exécution provisoire. »
A titre reconventionnel, la société Dentsply sirona demandait :
« - Remboursement d'un trop perçu sur salaires, commissions et primes : 17 244,65 Euros
- Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 Euros
- Dépens. »
Par jugement du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« DEBOUTE Madame [S] [N] de toutes ses demandes,
CONDAMNE Madame [S] [N] à verser à la société DENTSPLY SIRONA les sommes suivantes :
- 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance,
- 1 200,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
DIT ne pas avoir lieu à exécution provisoire, seules les dispositions de l'article R1454-28 du code du travail s'appliqueront de plein droit,
CONDAMNE Madame [S] [N] aux entiers dépens y compris les honoraires et frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la présente décision. »
Mme [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 11 juin 2021.
La constitution d'intimée de Dentsply sirona a été transmise par voie électronique le 21 juin 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 26 septembre 2023.
L'affaire a été appelée à l'audience du 28 novembre 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 8 septembre 2021, Mme [N] demande à la cour de :
« DECLARER recevable et bien fondé l'appel de Madame [N] ;
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Meaux le 18 mars 2021 ;
Et statuant à nouveau :
JUGER que Madame [N] a été victime de harcèlement moral ;
JUGER que Madame [N] a été victime de discrimination syndicale ;
A TITRE PRINCIPAL
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] aux torts exclusifs de la société DENTSPLY SIRONA ;
JUGER que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] produit les effets d'un licenciement nul ;
En conséquence,
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 174.218,88 € (24 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
REQUALIFIER le licenciement de Madame [N] en licenciement nul ;
En conséquence,
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 174.218,88 € (24 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 72.590 € (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 72.590 € (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 87.112,44 € (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 43.556,22 € (6 mois) pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 87.109,44 € (12 mois) à titre de rappel de salaires restants dus jusqu'à la fin de sa protection en sa qualité de délégué syndical ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 43.556,22 € (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir ses commissions ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA aux entiers dépens ;
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir. . »
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 20 octobre 2021, Dentsply sirona demande à la cour de :
« RECEVOIR la Société DENTPLY SIRONA France en ses présentes conclusions ;
L'en dire bien fondée.
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux en date du 18 mars 2021 en ce qu'il a :
Débouté Madame [S] [N] de toutes ses demandes
Condamné Madame [S] [N] à verser à la Société DENTSPLY SIRONA France les sommes suivantes :
- 17 244,65 euros en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné Madame [S] [N] aux entiers dépens y compris les honoraires et frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la présente décision.
En conséquence,
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 174 218,88 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 72 590 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 72 590 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 87 112,44 euros à titre de dommage et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 43 556,22 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 87 109,44 euros à titre de rappel de salaires restants dus jusqu'à la fin de sa protection en sa qualité de délégué syndical
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 43 556,22 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir ses commissions
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société aux entiers dépens.
DEBOUTER Madame [N] de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNER Madame [N] à payer à la Société DENTSPLY SIRONA France la somme de 17 244,65 euros à titre de trop-perçu sur salaires, commissions et primes ;
CONDAMNER Madame [N] à payer à la Société DENTSPLY SIRONA France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [N] aux entiers dépens »
Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 24 janvier 2024 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Sur la prescription
La société Dentsply sirona soutient que les demandes relatives au harcèlement moral sont prescrites au motif que les faits invoqués par Mme [N] au titre du harcèlement moral remontent à plus de 5 ans avant la date de la saisine (18 juin 2018) ; elle a été peu présente depuis 2012 et n'a plus eu d'activité professionnelle depuis septembre 2015 ; les faits évoqués remontent à 2012 et plus de 6 ans avant la saisine aux fins de résiliation judiciaire.
En défense sur la prescription, Mme [N] soutient qu'elle a adressé une plainte au procureur de la République par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2015 (pièce salarié n° 103) pour harcèlement moral et discrimination « pour les mêmes faits de harcèlements moral, donc les mêmes faits que ceux de l'instance prud'homale, qui plus est fondés sur les mêmes règles de droit », que cette plainte est un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2241 du code civil qui s'étend à son action en résiliation judiciaire, que « les deux actions, une plainte et une saisine du conseil de prud'hommes, bien que différentes, (...) tendent toutes les deux aux mêmes fins, à savoir la condamnation de la société Dentsply sirona pour des faits de harcèlement moral, de sorte que la seconde action à savoir la saisine du conseil de prud'hommes est comprise dans la première à savoir la plainte et que partant les faits invoqués par Madame [N] ne pas prescrits, la plainte de cette dernière datant pour rappel de 2015. »
Elle ajoute « pour vérifier que le délai de prescription n'est pas expiré, le juge se place à la date du dernier fait » sans préciser cependant cette date ou ce fait.
La cour rappelle que les actions prud'homales fondées sur des faits de harcèlement sont soumises à une prescription de 5 ans et que pour déterminer si l'action en réparation du harcèlement est ou non prescrite, il convient de rechercher si le dernier acte de harcèlement allégué est ou non prescrit.
La cour constate que la plainte pénale du 7 décembre 2015 pour harcèlement moral et discrimination, et les conclusions de Mme [N] mentionnent des faits qui, s'agissant de ceux qui la concernent directement, ont commencé en 2008 après qu'elle a refusé de signer l'avenant du 19 décembre 2008 (pièce salarié n° 72) et les « éléments déterminants » suivants, ainsi qu'elle les qualifie, dans la plainte :
« - sa convocation à entretien préalable le 14 février 2012,
- l' avertissement reçu le 17 avril 2012,
- une réunion de CE qu'elle qualifie de houleuse le 19 avril 2012 qui motive la consultation de son médecin traitant et la prescription de l'arrêt de travail du 20 avril 2012. »
La cour constate encore que Mme [N] invoque dans ses conclusions comme fait encore plus tardif la réponse faite le 6 août 2012 (pièce salarié n° 63) à sa lettre de contestation de l'avertissement du 17 avril 2012.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Dentsply sirona est bien fondée dans son moyen tiré de la prescription des demandes de Mme [N] relatives au harcèlement moral au motif que le dernier acte de harcèlement allégué était prescrit quand Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes le 18 juin 2018 et au motif que la plainte pénale adressée au procureur de la République le 7 décembre 2015 n'a pas le caractère d'un acte interruptif de la prescription.
C'est donc en vain que Mme [N] soutient que le délai de prescription de 5 ans de l'action en réparation du harcèlement moral a été interrompu par sa plainte du 7 décembre 2015 étant précisé qu'il n'est pas fait état par ailleurs de l'existence d'un acte interruptif comme le serait une citation directe, une plainte avec constitution de partie civile qui aurait mis l'action publique en mouvement ou une plainte avec constitution de partie civile dans le cadre d'une information judiciaire qui constituent, à la différence d'une plainte adressée au procureur de la République, une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes relatives aux harcèlement moral et statuant à nouveau, la cour déclare que les demandes de Mme [N] relatives au harcèlement moral sont prescrites et donc irrecevables.
Sur la discrimination
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.
En vertu de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [N] invoque les faits suivants :
- la société Dentsply sirona avait la volonté de l'évincer : elle était devenue dérangeante puisqu'activement présente dans la défense des salariés de la société qui faisaient eux aussi face à des conditions de travail anormales et dégradées ;
- elle l'indique lors de son audition par les services de police le 28 janvier 2014 (pièce salarié n° 27) ;
- elle a été convoquée un entretien préalable qui s'est déroulé le 14 février 2012, pour se voir reprocher à des faits remontant à 2010 et elle a été la seule salariée à se voir reprocher de tels faits (pièce salarié n° 99) alors qu'il y avait eu 1 500 dossiers commerciaux où il avait été relevé des erreurs sur les procédures anesthésistes (pièces salarié n° 65, 76, 117) ;
- la société Dentsply sirona a mené une enquête à charge contre elle aux fins d'obtenir des attestations de praticiens de santé qui étaient ses clients (pièces salarié n° 125) ;
- elle a fait l'objet d'un acharnement de la part de son employeur comme M. [O] et Mme [C] en témoignent (pièces salarié n° 81 et 118, 80) ;
- l'inspecteur du travail, alerté et sollicité par Mme [N] a constaté le lien entre la dégradation des conditions de travail, notamment eu égard à son mandat de représentant du personnel (pièces salarié n°227 : courrier de l'inspecteur du travail à l'employeur en date du 25 janvier 2013, n°86 : courrier de l'employeur à la DIRECCTE du 14 février 2013, n°193 : demande d'intervention de l'inspection du travail, n°226 : courrier d'alerte de Mme [N] à l'inspecteur du travail) ;
- le 30 septembre 2015, alors que Mme [N] devait reprendre son poste à mi-temps thérapeutique, l'inspecteur du travail a été contraint de constater des irrégularités (pièces salarié n° 235, 236, 8 et 93) ;
- faute du redécoupage discuté lors d'un entretien du 29 septembre 2015 (pièce salarié n° 9), elle a été placée de nouveau en arrêt de travail ;
- cette situation n'a fait qu'accentuer l'acharnement mais également et surtout la mise à l'écart dont elle faisait l'objet puisque ne bénéficiant pas des moyens de travail adéquates pour exécuter ses missions normalement ;
- l'employeur a tenté de la licencier pour inaptitude en 2018 (pièces salarié n° 215 à 220) mais faute de parvenir à obtenir rapidement en justice l'autorisation nécessaire refusée par l'inspection du travail et le ministre du travail, l'entreprise décidait d'attendre la fin de la période de protection pour pouvoir la licencier (pièces salarié n° 221 à 225) comme elle voulait le faire.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Mme [N] établit l'existence matérielle de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.
En réplique, la société Dentsply sirona fait valoir que :
- l'avertissement du 17 avril 2012 est justifié du fait que Mme [N] n'a pas respecté la procédure interne de prise de commande et a signé en lieu et place des praticiens ; comme élément de preuve, elle mentionne sa « pièce employeur n°29 : Avertissement du 17 avril 2012 + Avis d'expert » ; les attestations partiales de deux de ses collègues ne permettent pas de remettre en question le fait que Mme [N] avait bien manqué à ses obligations contractuelles et se limitent à de simples allégations sans aucun fondement résultant de leur seul ressenti (pièces adverses n°80 et 81) ;
- Mme [N] a eu un rôle important dans le cadre des différentes négociations annuelles auxquelles elle a participé et elle s'est ainsi jointe à la conclusion d'un accord sur le droit d'expression des salariés le 17 novembre 2017 (pièce employeur n° 8) ; le 14 mai 2018, son syndicat lui a retiré ses mandats (pièce employeur n°9) ;
- le fait qu'elle serait devenue dérangeante puisqu'activement présente dans la défense des salariés ne repose sur aucun élément de preuve concret mais sur les seuls propos de Mme [N] lors de son audition, lesquels ne peuvent à eux-seuls suffire ;
- Mme [N] avance que l'inspecteur du travail aurait lui-même constaté le lien entre la dégradation de ses conditions de travail, en raison de son mandat, et la dégradation de son état de santé ; elle fait état d'un courrier de l'inspection du travail en date du 25 janvier 2013 (pièce adverse n°227) dans lequel l'inspection du travail revient sur le sujet de l'avertissement évoqué plus haut, mais ne met en évidence aucune discrimination syndicale ;
- l'entreprise a toujours tenu informée l'inspection du travail de l'évolution de la situation de Mme [N] par la suite, notamment en ce qui concerne le redécoupage de son secteur décidé en accord avec le CHSCT (pièce employeur n° 27) ;
- la procédure de licenciement de 2018 repose uniquement sur son inaptitude et son impossibilité de reclassement, sans lien aucun avec son activité en qualité de représentante du personnel ; l'entreprise a respecté la procédure légale de licenciement puis la procédure d'autorisation applicable compte tenu du statut de Mme [N] mais n'a obtenu aucune décision de la part de l'inspection du travail, ni de la part du ministre, ce qui l'a contraint à saisir la juridiction administrative ;
- par la suite, le 28 juin 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude et Mme [N] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 22 juillet 2019, après que la procédure de licenciement a été régulièrement mise en œuvre ; la procédure d'autorisation de licenciement ne se justifiait plus dans la mesure où Mme [N] ne bénéficiait d'aucune protection spécifique ;
- son inaptitude a été constatée à deux reprises par la médecine du travail : Mme [N] tente de donner une coloration discriminatoire à son licenciement alors même que cette mesure repose sur son inaptitude et l'impossibilité de reclassement.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour retenir que la société Dentsply sirona démontre que les faits matériellement établis par Mme [N] relativement à l'avertissement du 17 avril 2012 et au licenciement du 22 juillet 2019 sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En effet la société Dentsply sirona mentionne, dans ses écritures, qu'elle justifie du bien fondé de l'avertissement du 17 avril 2012 par sa « pièce employeur n°29 : Avertissement du 17 avril 2012 + Avis d'expert », mais elle ne la produit pas et ne la mentionne pas non plus dans son bordereau de communication de pièces ; en effet le bordereau de communication de pièces mentionne que la pièce n°29 est un « courrier CSN à DENTSPLY du 5 janvier 2015 », lequel est d'ailleurs produit ; par ailleurs il ne s'agit pas d'une erreur de numérotation, aucune des pièces produites par la société Dentsply sirona ne correspondant à l'avertissement du 17 avril 2012 et à un avis d'expert graphologue ; par suite la cour retient que l'avertissement du 17 avril 2012 n'est pas justifié.
En outre alors que la société Dentsply sirona a saisi le tribunal administratif pour demander l'annulation de la décision implicite de rejet du recours née le 6 mars 2019 du ministre du travail ainsi que la décision implicite de l'inspecteur du travail née le 14 septembre 2018 de refus du licenciement de Mme [N], elle a, peu après que la période de protection spéciale de Mme [N] a pris fin le 14 mai 2019, organisé la visite médicale du 28 juin 2019, qui était une visite occasionnelle organisée à sa demande comme cela est mentionné sur l'avis d'inaptitude du même jour, engagé une nouvelle procédure de licenciement le 5 juillet 2019 et licencié Mme [N] le 22 juillet 2019 sans attendre l'aboutissement du contentieux précité, et surtout sans démontrer que cette célérité et cette nouvelle procédure de licenciement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La discrimination est donc établie.
Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle a eu pour Mme [N] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 5 000 euros.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination.
Sur la résiliation judiciaire
Mme [N] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Dentsply sirona.
A l'appui de ses demandes Mme [N] soutient qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale et que ces faits caractérisent un manquement suffisamment grave de l'employeur pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
La société Dentsply sirona s'oppose à cette demande du fait que le harcèlement moral et la discrimination qui lui sont reprochés ne sont pas fondés.
La cour rappelle que le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent ; les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
La cour a retenu plus haut que Mme [N] a été victime de discrimination syndicale et la cour retient que ce manquement est d'une gravité telle qu'il fait obstacle à la poursuite du contrat de travail.
En conséquence, la cour dit que la demande de résiliation est fondée, et que la rupture est imputable à l'employeur ; le licenciement prononcé par l'employeur postérieurement à la demande de résiliation doit, par suite, être considéré comme nul en application de l'article L.1132-4 du code du travail.
La date de rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement, le 22 juillet 2019.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de résiliation judiciaire et statuant à nouveau de ce chef, la cour ordonne la résiliation du contrat de travail de Mme [N] aux torts de la société Dentsply sirona, dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N] produit les effets d'un licenciement nul et fixe la date de rupture au 22 juillet 2019.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Tout salarié victime d'un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration à droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [G] doit être évaluée à la somme de 50 000 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne le remboursement par la société Dentsply sirona aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [N], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur la violation du statut protecteur
Mme [N] demande la somme de 87 109,44 euros (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ; elle fait valoir qu'en cas de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le salarié protégé a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale au montant des salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection afférente à son mandat syndical et que son mandat ayant pris fin le 14 mai 2018, sa protection spéciale courait jusqu'au 14 mai 2019.
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que le licenciement est intervenu le 22 juillet 2019, soit postérieurement à l'expiration de la période de protection de sorte que Mme [N] ne peut solliciter l'indemnisation de cette période dans la mesure où :
- il n'y a pas eu de violation du statut protecteur puisque la salariée n'était plus protégée ;
- la date de rupture du contrat de travail est fixée, quand bien même la résiliation judiciaire serait retenue, à la date d'envoi de la notification du licenciement, soit le 22 juillet 2019, et ce, conformément à la jurisprudence (Cass. soc. 15 mai 2007, n°04-43.663) ;
- compte tenu de cette date de rupture, faire droit à cette demande reviendrait à indemniser doublement une même période pour laquelle Mme [N] était indemnisée du fait de ses arrêts de travail pour maladie.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur au motif que la période de protection spéciale était expirée à la date d'effet de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
Sur la perte de chance de percevoir des commissions
Mme [N] demande la somme de 43 556,22 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions ; elle fait valoir que :
- dès lors que la réalisation des objectifs du salarié et partant le versement de la part variable qui s'en suit est compromise du fait de manquements de l'employeur, le salarié est bien fondé à réclamer des dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la rémunération variable ;
- elle a rencontré de nombreuses difficultés à percevoir les commissions qui lui étaient dues et devait, tout comme pour tous les autres sujets, constamment relancer son employeur (pièce salarié n° 194) ;
- compte tenu des agissements de harcèlement moral qu'elle a subis et des manquements aux obligations contractuelles de l'employeur, elle a dû être placée en arrêt maladie à compter du 20 avril 2012 de façon continue avec de brèves reprises en mi-temps thérapeutique ; ainsi, en ne pouvant pas travailler, elle a indubitablement perdu le bénéfice de ses rémunérations variables pour les années 2016, 2017 et 2018 et sa retraite en sera impactée.
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que :
- Mme [N] a perçu les commissions qui lui étaient dues ;
- aucun manquement ne peut lui être reproché, notamment concernant de prétendus agissements de harcèlement moral ;
- elle ne peut valablement faire peser sur son employeur les conséquences de son arrêt maladie en termes de commissions : elle a pu bénéficier de l'indemnisation au titre de la prévoyance et aucun préjudice n'est donc démontré ; il en est de même pour les incidences au titre de sa retraite ;
- de plus, alors que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, Mme [N] ne détaille les calculs permettant de déterminer l'étendue de la perte de chance et se limite à solliciter une indemnisation forfaitaire à hauteur de 6 mois de salaire.
En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions au motif d'une part que le harcèlement moral ne peut être utilement invoqué comme fait générateur de responsabilité du fait de la prescription, au motif d'autre part que Mme [N] invoque tout aussi vainement les manquements aux obligations contractuelles de l'employeur du fait de la généralité de l'allégation qui n'est aucunement explicitée en fait et au motif enfin, s'agissant du préjudice que Mme [N] ne détaille les calculs permettant de déterminer l'étendue de la perte de chance et se limite à solliciter une indemnisation forfaitaire à hauteur de 6 mois de salaire alors que la réparation de la perte de chance, à la supposer été établie, doit être mesurée à la chance perdue et est égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions.
Sur le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées
Mme [N] demande la somme de 43 556,22 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées ; elle fait valoir que :
- elle a rencontré de nombreuses difficultés dans le paiement qui lui était dû au titre de la prévoyance comme cela ressort de ses courriers de relance des 6 octobre 2027 et 18 avril 2028 (pièces salarié n° 11 et 209)
- elle a aussi rencontré de nombreuses difficultés dans le paiement qui lui était dû au titre des heures de délégation du fait que le paiement de ses heures de délégation n'intégrait pas l'allocation au titre de la partie variable de ses salaires, comme cela ressort de ses réclamations des 1er juillet 2012 et du 6 août 2012 (pièces salarié n° 139 : courrier du 1er juillet 2012 et 63 : courrier du 6 août 2012) et ce n'est qu'en décembre 2013 que la société Dentsply sirona a régularisé la situation en lui payant les sommes dues au titre des heures de délégation (pièces salarié n° 66 et 67) ;
- le paiement des heures de délégation a donc été une bataille comme cela l'a été pour la prévoyance. « En conséquence, il est demandé au Conseil de condamner la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 43 556,22 euros (6 mois) pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation. »
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que :
- l'employeur a toujours pris soin de répondre aux demandes de Mme [N] (notamment pièces salarié n°7 à 13) en ce qui concerne la prévoyance et en ce qui concerne les heures de délégation (pièces salarié n° 63, 66 et 67) et elle n'a pas été spoliée dans ses droits ;
- au contraire, elle a perçu plus qu'il ne lui était dû au titre de la prévoyance ; en effet suite à l'alerte de Mme [N] concernant des erreurs qu'elle aurait constatées sur ses bulletins de paie de l'année 2016 et début 2017, l'entreprise a procédé à des vérifications et constaté qu'elle avait payé par erreur à Mme [N] des commissions et primes et maintenu son salaire alors qu'elle ne disposait plus du bénéfice des dispositions conventionnelles qui lui étaient applicables ; ainsi c'était Mme [N] qui est redevable d'un trop perçu à hauteur de 17 244,65 euros (pièce salarié n° 10) ;
- l'ensemble des heures de délégation a été rémunéré (pièces salarié n° 66 et 67) ;
- Mme [N] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice concernant la prévoyance, bien au contraire, il ressort que c'est cette dernière qui est en réalité redevable d'importantes sommes à l'endroit de l'entreprise, ni même concernant les heures de délégation.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées au motif d'une part que les heures de délégation ont été payées, qu'il en est de même pour les sommes dues au titre de la prévoyance, qu'il n'est d'ailleurs pas formé de demandes de rappel de salaire de ces chefs, et au motif d'autre part qu'il n'est pas démontré de comportement fautif de la part de l'employeur quand bien même Mme [N] produit deux lettres de réclamation des 6 octobre 2017 et 18 avril 2018 en ce qui concerne la prévoyance et deux autres des 1er juillet 2012 et 6 août 2012 en ce qui concerne les heures de délégation dès lors que l'employeur a apporté des réponses à toutes ses réclamations étant ajouté que Mme [N] n'articule pas de moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon elle, de la résistance alléguée de son employeur à la remplir de ses droits.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [N] demande la somme de 87 112,44 euros (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; elle fait valoir qu'outre le harcèlement moral et la discrimination dont elle a été victime, l'employeur a été déloyal dans le suivi administratif de sa situation : de ce fait, elle devait multiplier ses réclamations (pièces salarié n° 7, 247 à 249, 253 et 209) et les lenteurs et erreurs de l'entreprise l'ont placée en difficulté financière en 2015 avec certains mois sans aucun salaire (pièce employeur n° 28) ; elle « devait donc constamment relancer son employeur pour obtenir les informations de base dont elle avait besoin mais qui ne lui étaient cependant pas communiqués ».
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que l'exécution déloyale qui lui est imputée n'est pas établie du fait que Mme [N] ne produit que deux courriels de réclamation, l'un du 26 septembre 2014 faisant état de difficultés dans le cadre du paiement de ses indemnités journalières et l'autre du 18 avril 2018 faisant état de difficultés relatives à la prévoyance, et que Mme [N] ne démontre de surcroît aucun préjudice.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au motif d'une part que le préjudice résultant de la discrimination a été réparé et qu'il n'y a pas de préjudice distinct restant à indemniser à cet égard, au motif d'autre part que Mme [N] ne démontre pas que les lenteurs et erreurs alléguées à l'encontre de la société Dentsply sirona ont occasionné un préjudice alors même que les erreurs de l'entreprise lui était en réalité favorables à hauteur de 17 244,65 euros comme cela sera retenu plus loin, et au motif enfin que Mme [N] ne démontre pas en invoquant ses courriers du 26 septembre 2014 faisant état de difficultés relatives aux indemnités journalières (pièce salarié n° 7) et du 18 avril 2018 faisant état de difficultés relatives à la prévoyance (pièce salarié n° 209) qu'elle « devait donc constamment relancer son employeur pour obtenir les informations de base dont elle avait besoin mais qui ne lui étaient cependant pas communiqués » étant ajouté que Mme [N] n'articule pas de moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon elle, de la déloyauté alléguée de son employeur dans le suivi administratif de sa situation.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance
Par confirmation du jugement, la société Dentsply sirona demande la somme de 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance et soutient que suite à l'alerte de Mme [N] concernant des erreurs qu'elle aurait constatées sur ses bulletins de paie de l'année 2016 et début 2017, l'entreprise s'est rendu compte qu'elle avait payé par erreur à Mme [N] des commissions et primes et maintenu son salaire alors qu'elle ne disposait plus du bénéfice des dispositions conventionnelles qui lui étaient applicables, que Mme [N] était ainsi redevable d'un trop-perçu à hauteur de 17 244,65 euros dont le détail est précisé dans le courrier 3 mars 2017 adressé à Mme [N] (pièce salarié n°10).
La cour constate que Mme [N] ne fait pas valoir de moyens de défense sur ce point.
A l'examen du courrier de la société Dentsply sirona à Mme [N] du 3 mars 2017 et des moyens débattus, la cour retient que la société Dentsply sirona est bien fondée dans sa demande non utilement contestée.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [N] à payer à la société Dentsply sirona la somme de 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance.
Sur les autres demandes
La cour condamne la société Dentsply sirona qui succombe à titre prépondérant aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement mais seulement en ce qu'il a :
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions ;
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées ;
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- condamné Mme [N] à payer à la société Dentsply sirona la somme de 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance ;
Infirme le jugement déféré pour le surplus ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Déclare que les demandes de Mme [N] relatives au harcèlement moral sont prescrites et donc irrecevables ;
Condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;
Ordonne la résiliation du contrat de travail de Mme [N] aux torts de la société Dentsply sirona ;
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N] produit les effets d'un licenciement nul et fixe la date de rupture au 22 juillet 2019 ;
Condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société Dentsply sirona aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [N], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société Dentsply sirona aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile ;
Condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 24 JANVIER 2024
(n° 2024/ , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05338 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3HX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mars 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 18/00539
APPELANTE
Madame [S] [N]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Sandrine FARRUGIA, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.S. DENTSPLY SIRONA FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Luc ALEMANY, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 28 novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation
Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par, Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
La société Dentsply sirona (SAS) a employé Mme [S] [N], née en 1960, par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 août 2001 en qualité d'attachée commerciale.
Mme [N] a exercé successivement plusieurs mandats de représentant du personnel à compter de 2011 : membre titulaire du comité d'entreprise de 2011 à 2014, elle a été déléguée syndicale du 5 janvier 2015 au 14 mai 2018.
La période de protection spéciale s'est étendue jusqu'au 14 mai 2019.
Des difficultés sont survenues dans les relations de travail et Mme [N] a été placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 20 avril 2012.
Le 10 juillet 2012, Mme [N] a déclaré un accident de travail survenu le 19 avril 2012 qui a fait l'objet d'une décision de refus de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM.
Le 13 octobre 2012, Mme [N] a déclaré une maladie professionnelle en date du 20 avril 2012 qui a fait l'objet d'une décision de prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la CPAM.
Les arrêts de travail et les reprises en mi-temps thérapeutique de Mme [N] se sont succédés comme suit :
- du 24 octobre 2013 au 5 janvier 2014 : arrêt complet
- du 6 janvier 2014 au 6 avril 2014 : mi-temps thérapeutique
- du 9 avril 2014 au 11 avril 2014 : arrêt complet
- du 12 avril 2014 au 20 mai 2014 : mi-temps thérapeutique
- du 21 mai 2014 au 1er juin 2014 : arrêt complet
- du 2 janvier 2014 au 26 juin 2014 : mi-temps thérapeutique
- du 27 juin 2014 au 14 juillet 2015 : arrêt complet
- du 15 juillet 2015 au 16 septembre 2015 : mi-temps thérapeutique.
Puis Mme [N] a été placée en arrêt de travail de façon continue à partir du 17 septembre 2015.
Lors de la visite médicale de reprise du 24 mai 2018 de Mme [N], le médecin du travail a établi un avis d'inaptitude et précisé qu'un maintien de la salariée à un emploi serait « gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 12 juin 2018, la DUP a donné son avis sur l'impossibilité de reclassement de Mme [N].
Le 18 juin 2018, la société Dentsply sirona a informé Mme [N] de l'impossibilité de la reclasser.
Mme [N] a saisi le 18 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Meaux d'une action en résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par lettre notifiée le 21 juin 2018, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 3 juillet 2018.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 juillet 2018, la société Dentsply sirona a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier Mme [N] qui était à cette date, déléguée syndicale.
Aucune décision n'a été rendue par l'inspection du travail à la date du 14 septembre 2018, de sorte qu'il s'agissait d'une décision implicite de rejet ; après un premier recours hiérarchique auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui donnait une nouvelle fois lieu à une décision implicite de rejet en date du 6 mars 2019, la société Dentsply sirona a saisi le tribunal administratif pour demander l'annulation de la décision implicite de rejet du recours née le 6 mars 2019 du ministre du travail ainsi que la décision implicite de l'inspecteur du travail née le 14 septembre 2018 de refus du licenciement de Mme [N].
La période de protection spéciale de Mme [N] a pris fin le 14 mai 2019.
Lors de la visite médicale du 28 juin 2019, organisée à la demande de l'employeur, le médecin du travail a établi un avis d'inaptitude concernant Mme [N] ; il précisait qu'un maintien de la salariée à un emploi serait « gravement préjudiciable à sa santé ».
Le 4 juillet 2019, la société Dentsply sirona a informé Mme [N] de l'impossibilité de la reclasser.
Par lettre notifiée le 5 juillet 2019, Mme [N] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2019.
Mme [N] a ensuite été licenciée pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement par lettre recommandée avec accusé de réception le 22 juillet 2019.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [N] avait une ancienneté de 17 ans et 11 mois.
La rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [N] s'élevait en dernier lieu à la somme de 7 259,12 €.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires.
Dentsply sirona occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [N] a in fine formé devant le conseil de prud'hommes de Meaux les demandes suivantes :
« Juger que Madame [N] a été victime de harcèlement moral et de discrimination syndicale
A titre principal,
Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] aux torts exclusifs de la société DENTSPLY SIRONA
Juger que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] produit les effets d'un licenciement nul,
Indemnité pour licenciement nul : 174 218,88 Euros
Subsidiairement,
Requalifier le licenciement de Madame [N] en licenciement nul
Indemnité pour licenciement nul : 174 218,88 Euros
En tout état de cause,
- Dommages et intérêts pour préjudice moral : 72 590 Euros
- Dommages-intérêts pour discrimination syndicale : 72 590 Euros
- Dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 87 112,44 Euros
- Dommages-intérêts pour préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation : 43 556,22 Euros
- Rappel de salaire restant dû jusqu'à la fin de sa protection en qualité de délégué syndical : 87 109,44 Euros
- Dommages-intérêts pour perte de chance de percevoir ses commissions : 43 556,22 Euros
- Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 Euros
- Dépens
- Exécution provisoire. »
A titre reconventionnel, la société Dentsply sirona demandait :
« - Remboursement d'un trop perçu sur salaires, commissions et primes : 17 244,65 Euros
- Article 700 du code de procédure civile : 5 000,00 Euros
- Dépens. »
Par jugement du 18 mars 2021, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
« DEBOUTE Madame [S] [N] de toutes ses demandes,
CONDAMNE Madame [S] [N] à verser à la société DENTSPLY SIRONA les sommes suivantes :
- 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance,
- 1 200,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
DIT ne pas avoir lieu à exécution provisoire, seules les dispositions de l'article R1454-28 du code du travail s'appliqueront de plein droit,
CONDAMNE Madame [S] [N] aux entiers dépens y compris les honoraires et frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la présente décision. »
Mme [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 11 juin 2021.
La constitution d'intimée de Dentsply sirona a été transmise par voie électronique le 21 juin 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 26 septembre 2023.
L'affaire a été appelée à l'audience du 28 novembre 2023.
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 8 septembre 2021, Mme [N] demande à la cour de :
« DECLARER recevable et bien fondé l'appel de Madame [N] ;
INFIRMER le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Meaux le 18 mars 2021 ;
Et statuant à nouveau :
JUGER que Madame [N] a été victime de harcèlement moral ;
JUGER que Madame [N] a été victime de discrimination syndicale ;
A TITRE PRINCIPAL
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] aux torts exclusifs de la société DENTSPLY SIRONA ;
JUGER que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [N] produit les effets d'un licenciement nul ;
En conséquence,
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 174.218,88 € (24 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
A TITRE SUBSIDIAIRE
REQUALIFIER le licenciement de Madame [N] en licenciement nul ;
En conséquence,
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 174.218,88 € (24 mois) au titre de l'indemnité pour licenciement nul ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 72.590 € (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 72.590 € (10 mois) à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 87.112,44 € (12 mois) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 43.556,22 € (6 mois) pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 87.109,44 € (12 mois) à titre de rappel de salaires restants dus jusqu'à la fin de sa protection en sa qualité de délégué syndical ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 43.556,22 € (6 mois) à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir ses commissions ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la société DENTSPLY SIRONA aux entiers dépens ;
ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir. . »
Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 20 octobre 2021, Dentsply sirona demande à la cour de :
« RECEVOIR la Société DENTPLY SIRONA France en ses présentes conclusions ;
L'en dire bien fondée.
CONFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes de Meaux en date du 18 mars 2021 en ce qu'il a :
Débouté Madame [S] [N] de toutes ses demandes
Condamné Madame [S] [N] à verser à la Société DENTSPLY SIRONA France les sommes suivantes :
- 17 244,65 euros en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamné Madame [S] [N] aux entiers dépens y compris les honoraires et frais éventuels d'exécution par voie d'huissier de la présente décision.
En conséquence,
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 174 218,88 euros au titre de l'indemnité pour licenciement nul
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 72 590 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 72 590 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 87 112,44 euros à titre de dommage et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 43 556,22 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 87 109,44 euros à titre de rappel de salaires restants dus jusqu'à la fin de sa protection en sa qualité de délégué syndical
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de 43 556,22 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir ses commissions
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société DENTSPLY SIRONA FRANCE à lui verser la somme de de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
DEBOUTER Madame [N] de sa demande de condamnation de la Société aux entiers dépens.
DEBOUTER Madame [N] de l'intégralité de ses demandes ;
CONDAMNER Madame [N] à payer à la Société DENTSPLY SIRONA France la somme de 17 244,65 euros à titre de trop-perçu sur salaires, commissions et primes ;
CONDAMNER Madame [N] à payer à la Société DENTSPLY SIRONA France la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Madame [N] aux entiers dépens »
Lors de l'audience, l'affaire a été examinée et mise en délibéré à la date du 24 janvier 2024 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).
MOTIFS
Sur le harcèlement moral
Sur la prescription
La société Dentsply sirona soutient que les demandes relatives au harcèlement moral sont prescrites au motif que les faits invoqués par Mme [N] au titre du harcèlement moral remontent à plus de 5 ans avant la date de la saisine (18 juin 2018) ; elle a été peu présente depuis 2012 et n'a plus eu d'activité professionnelle depuis septembre 2015 ; les faits évoqués remontent à 2012 et plus de 6 ans avant la saisine aux fins de résiliation judiciaire.
En défense sur la prescription, Mme [N] soutient qu'elle a adressé une plainte au procureur de la République par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 décembre 2015 (pièce salarié n° 103) pour harcèlement moral et discrimination « pour les mêmes faits de harcèlements moral, donc les mêmes faits que ceux de l'instance prud'homale, qui plus est fondés sur les mêmes règles de droit », que cette plainte est un acte interruptif de prescription au sens de l'article 2241 du code civil qui s'étend à son action en résiliation judiciaire, que « les deux actions, une plainte et une saisine du conseil de prud'hommes, bien que différentes, (...) tendent toutes les deux aux mêmes fins, à savoir la condamnation de la société Dentsply sirona pour des faits de harcèlement moral, de sorte que la seconde action à savoir la saisine du conseil de prud'hommes est comprise dans la première à savoir la plainte et que partant les faits invoqués par Madame [N] ne pas prescrits, la plainte de cette dernière datant pour rappel de 2015. »
Elle ajoute « pour vérifier que le délai de prescription n'est pas expiré, le juge se place à la date du dernier fait » sans préciser cependant cette date ou ce fait.
La cour rappelle que les actions prud'homales fondées sur des faits de harcèlement sont soumises à une prescription de 5 ans et que pour déterminer si l'action en réparation du harcèlement est ou non prescrite, il convient de rechercher si le dernier acte de harcèlement allégué est ou non prescrit.
La cour constate que la plainte pénale du 7 décembre 2015 pour harcèlement moral et discrimination, et les conclusions de Mme [N] mentionnent des faits qui, s'agissant de ceux qui la concernent directement, ont commencé en 2008 après qu'elle a refusé de signer l'avenant du 19 décembre 2008 (pièce salarié n° 72) et les « éléments déterminants » suivants, ainsi qu'elle les qualifie, dans la plainte :
« - sa convocation à entretien préalable le 14 février 2012,
- l' avertissement reçu le 17 avril 2012,
- une réunion de CE qu'elle qualifie de houleuse le 19 avril 2012 qui motive la consultation de son médecin traitant et la prescription de l'arrêt de travail du 20 avril 2012. »
La cour constate encore que Mme [N] invoque dans ses conclusions comme fait encore plus tardif la réponse faite le 6 août 2012 (pièce salarié n° 63) à sa lettre de contestation de l'avertissement du 17 avril 2012.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que la société Dentsply sirona est bien fondée dans son moyen tiré de la prescription des demandes de Mme [N] relatives au harcèlement moral au motif que le dernier acte de harcèlement allégué était prescrit quand Mme [N] a saisi le conseil de prud'hommes le 18 juin 2018 et au motif que la plainte pénale adressée au procureur de la République le 7 décembre 2015 n'a pas le caractère d'un acte interruptif de la prescription.
C'est donc en vain que Mme [N] soutient que le délai de prescription de 5 ans de l'action en réparation du harcèlement moral a été interrompu par sa plainte du 7 décembre 2015 étant précisé qu'il n'est pas fait état par ailleurs de l'existence d'un acte interruptif comme le serait une citation directe, une plainte avec constitution de partie civile qui aurait mis l'action publique en mouvement ou une plainte avec constitution de partie civile dans le cadre d'une information judiciaire qui constituent, à la différence d'une plainte adressée au procureur de la République, une demande en justice au sens de l'article 2241 du code civil.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de ses demandes relatives aux harcèlement moral et statuant à nouveau, la cour déclare que les demandes de Mme [N] relatives au harcèlement moral sont prescrites et donc irrecevables.
Sur la discrimination
Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de ses activités syndicales.
En vertu de l'article L. 1134-1 du même code, lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions qui précèdent, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En application des dispositions qui précèdent, lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [N] invoque les faits suivants :
- la société Dentsply sirona avait la volonté de l'évincer : elle était devenue dérangeante puisqu'activement présente dans la défense des salariés de la société qui faisaient eux aussi face à des conditions de travail anormales et dégradées ;
- elle l'indique lors de son audition par les services de police le 28 janvier 2014 (pièce salarié n° 27) ;
- elle a été convoquée un entretien préalable qui s'est déroulé le 14 février 2012, pour se voir reprocher à des faits remontant à 2010 et elle a été la seule salariée à se voir reprocher de tels faits (pièce salarié n° 99) alors qu'il y avait eu 1 500 dossiers commerciaux où il avait été relevé des erreurs sur les procédures anesthésistes (pièces salarié n° 65, 76, 117) ;
- la société Dentsply sirona a mené une enquête à charge contre elle aux fins d'obtenir des attestations de praticiens de santé qui étaient ses clients (pièces salarié n° 125) ;
- elle a fait l'objet d'un acharnement de la part de son employeur comme M. [O] et Mme [C] en témoignent (pièces salarié n° 81 et 118, 80) ;
- l'inspecteur du travail, alerté et sollicité par Mme [N] a constaté le lien entre la dégradation des conditions de travail, notamment eu égard à son mandat de représentant du personnel (pièces salarié n°227 : courrier de l'inspecteur du travail à l'employeur en date du 25 janvier 2013, n°86 : courrier de l'employeur à la DIRECCTE du 14 février 2013, n°193 : demande d'intervention de l'inspection du travail, n°226 : courrier d'alerte de Mme [N] à l'inspecteur du travail) ;
- le 30 septembre 2015, alors que Mme [N] devait reprendre son poste à mi-temps thérapeutique, l'inspecteur du travail a été contraint de constater des irrégularités (pièces salarié n° 235, 236, 8 et 93) ;
- faute du redécoupage discuté lors d'un entretien du 29 septembre 2015 (pièce salarié n° 9), elle a été placée de nouveau en arrêt de travail ;
- cette situation n'a fait qu'accentuer l'acharnement mais également et surtout la mise à l'écart dont elle faisait l'objet puisque ne bénéficiant pas des moyens de travail adéquates pour exécuter ses missions normalement ;
- l'employeur a tenté de la licencier pour inaptitude en 2018 (pièces salarié n° 215 à 220) mais faute de parvenir à obtenir rapidement en justice l'autorisation nécessaire refusée par l'inspection du travail et le ministre du travail, l'entreprise décidait d'attendre la fin de la période de protection pour pouvoir la licencier (pièces salarié n° 221 à 225) comme elle voulait le faire.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que Mme [N] établit l'existence matérielle de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination à son encontre.
En réplique, la société Dentsply sirona fait valoir que :
- l'avertissement du 17 avril 2012 est justifié du fait que Mme [N] n'a pas respecté la procédure interne de prise de commande et a signé en lieu et place des praticiens ; comme élément de preuve, elle mentionne sa « pièce employeur n°29 : Avertissement du 17 avril 2012 + Avis d'expert » ; les attestations partiales de deux de ses collègues ne permettent pas de remettre en question le fait que Mme [N] avait bien manqué à ses obligations contractuelles et se limitent à de simples allégations sans aucun fondement résultant de leur seul ressenti (pièces adverses n°80 et 81) ;
- Mme [N] a eu un rôle important dans le cadre des différentes négociations annuelles auxquelles elle a participé et elle s'est ainsi jointe à la conclusion d'un accord sur le droit d'expression des salariés le 17 novembre 2017 (pièce employeur n° 8) ; le 14 mai 2018, son syndicat lui a retiré ses mandats (pièce employeur n°9) ;
- le fait qu'elle serait devenue dérangeante puisqu'activement présente dans la défense des salariés ne repose sur aucun élément de preuve concret mais sur les seuls propos de Mme [N] lors de son audition, lesquels ne peuvent à eux-seuls suffire ;
- Mme [N] avance que l'inspecteur du travail aurait lui-même constaté le lien entre la dégradation de ses conditions de travail, en raison de son mandat, et la dégradation de son état de santé ; elle fait état d'un courrier de l'inspection du travail en date du 25 janvier 2013 (pièce adverse n°227) dans lequel l'inspection du travail revient sur le sujet de l'avertissement évoqué plus haut, mais ne met en évidence aucune discrimination syndicale ;
- l'entreprise a toujours tenu informée l'inspection du travail de l'évolution de la situation de Mme [N] par la suite, notamment en ce qui concerne le redécoupage de son secteur décidé en accord avec le CHSCT (pièce employeur n° 27) ;
- la procédure de licenciement de 2018 repose uniquement sur son inaptitude et son impossibilité de reclassement, sans lien aucun avec son activité en qualité de représentante du personnel ; l'entreprise a respecté la procédure légale de licenciement puis la procédure d'autorisation applicable compte tenu du statut de Mme [N] mais n'a obtenu aucune décision de la part de l'inspection du travail, ni de la part du ministre, ce qui l'a contraint à saisir la juridiction administrative ;
- par la suite, le 28 juin 2019, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude et Mme [N] a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, le 22 juillet 2019, après que la procédure de licenciement a été régulièrement mise en œuvre ; la procédure d'autorisation de licenciement ne se justifiait plus dans la mesure où Mme [N] ne bénéficiait d'aucune protection spécifique ;
- son inaptitude a été constatée à deux reprises par la médecine du travail : Mme [N] tente de donner une coloration discriminatoire à son licenciement alors même que cette mesure repose sur son inaptitude et l'impossibilité de reclassement.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour retenir que la société Dentsply sirona démontre que les faits matériellement établis par Mme [N] relativement à l'avertissement du 17 avril 2012 et au licenciement du 22 juillet 2019 sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En effet la société Dentsply sirona mentionne, dans ses écritures, qu'elle justifie du bien fondé de l'avertissement du 17 avril 2012 par sa « pièce employeur n°29 : Avertissement du 17 avril 2012 + Avis d'expert », mais elle ne la produit pas et ne la mentionne pas non plus dans son bordereau de communication de pièces ; en effet le bordereau de communication de pièces mentionne que la pièce n°29 est un « courrier CSN à DENTSPLY du 5 janvier 2015 », lequel est d'ailleurs produit ; par ailleurs il ne s'agit pas d'une erreur de numérotation, aucune des pièces produites par la société Dentsply sirona ne correspondant à l'avertissement du 17 avril 2012 et à un avis d'expert graphologue ; par suite la cour retient que l'avertissement du 17 avril 2012 n'est pas justifié.
En outre alors que la société Dentsply sirona a saisi le tribunal administratif pour demander l'annulation de la décision implicite de rejet du recours née le 6 mars 2019 du ministre du travail ainsi que la décision implicite de l'inspecteur du travail née le 14 septembre 2018 de refus du licenciement de Mme [N], elle a, peu après que la période de protection spéciale de Mme [N] a pris fin le 14 mai 2019, organisé la visite médicale du 28 juin 2019, qui était une visite occasionnelle organisée à sa demande comme cela est mentionné sur l'avis d'inaptitude du même jour, engagé une nouvelle procédure de licenciement le 5 juillet 2019 et licencié Mme [N] le 22 juillet 2019 sans attendre l'aboutissement du contentieux précité, et surtout sans démontrer que cette célérité et cette nouvelle procédure de licenciement était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La discrimination est donc établie.
Il résulte de l'examen des pièces versées aux débats et des moyens débattus, compte tenu des circonstances de la discrimination subie, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'elle a eu pour Mme [N] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, que l'indemnité à même de réparer intégralement son préjudice doit être évaluée à la somme de 5 000 euros.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination.
Sur la résiliation judiciaire
Mme [N] demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Dentsply sirona.
A l'appui de ses demandes Mme [N] soutient qu'elle a été victime de faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale et que ces faits caractérisent un manquement suffisamment grave de l'employeur pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
La société Dentsply sirona s'oppose à cette demande du fait que le harcèlement moral et la discrimination qui lui sont reprochés ne sont pas fondés.
La cour rappelle que le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas une ou plusieurs obligations essentielles du contrat qui lui incombent ; les juges du fond disposent alors d'un pouvoir souverain pour apprécier si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.
La cour a retenu plus haut que Mme [N] a été victime de discrimination syndicale et la cour retient que ce manquement est d'une gravité telle qu'il fait obstacle à la poursuite du contrat de travail.
En conséquence, la cour dit que la demande de résiliation est fondée, et que la rupture est imputable à l'employeur ; le licenciement prononcé par l'employeur postérieurement à la demande de résiliation doit, par suite, être considéré comme nul en application de l'article L.1132-4 du code du travail.
La date de rupture est fixée à la date d'envoi de la lettre de licenciement, le 22 juillet 2019.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de résiliation judiciaire et statuant à nouveau de ce chef, la cour ordonne la résiliation du contrat de travail de Mme [N] aux torts de la société Dentsply sirona, dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N] produit les effets d'un licenciement nul et fixe la date de rupture au 22 juillet 2019.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul
Tout salarié victime d'un licenciement nul qui ne réclame pas sa réintégration à droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [N], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l'indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de Mme [G] doit être évaluée à la somme de 50 000 €.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.
Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail
En application de l'article L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne le remboursement par la société Dentsply sirona aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [N], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.
Sur la violation du statut protecteur
Mme [N] demande la somme de 87 109,44 euros (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ; elle fait valoir qu'en cas de résiliation judiciaire de son contrat de travail, le salarié protégé a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale au montant des salaires que le salarié aurait dû percevoir jusqu'à la fin de la période de protection afférente à son mandat syndical et que son mandat ayant pris fin le 14 mai 2018, sa protection spéciale courait jusqu'au 14 mai 2019.
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que le licenciement est intervenu le 22 juillet 2019, soit postérieurement à l'expiration de la période de protection de sorte que Mme [N] ne peut solliciter l'indemnisation de cette période dans la mesure où :
- il n'y a pas eu de violation du statut protecteur puisque la salariée n'était plus protégée ;
- la date de rupture du contrat de travail est fixée, quand bien même la résiliation judiciaire serait retenue, à la date d'envoi de la notification du licenciement, soit le 22 juillet 2019, et ce, conformément à la jurisprudence (Cass. soc. 15 mai 2007, n°04-43.663) ;
- compte tenu de cette date de rupture, faire droit à cette demande reviendrait à indemniser doublement une même période pour laquelle Mme [N] était indemnisée du fait de ses arrêts de travail pour maladie.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur au motif que la période de protection spéciale était expirée à la date d'effet de la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur.
Sur la perte de chance de percevoir des commissions
Mme [N] demande la somme de 43 556,22 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions ; elle fait valoir que :
- dès lors que la réalisation des objectifs du salarié et partant le versement de la part variable qui s'en suit est compromise du fait de manquements de l'employeur, le salarié est bien fondé à réclamer des dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir la rémunération variable ;
- elle a rencontré de nombreuses difficultés à percevoir les commissions qui lui étaient dues et devait, tout comme pour tous les autres sujets, constamment relancer son employeur (pièce salarié n° 194) ;
- compte tenu des agissements de harcèlement moral qu'elle a subis et des manquements aux obligations contractuelles de l'employeur, elle a dû être placée en arrêt maladie à compter du 20 avril 2012 de façon continue avec de brèves reprises en mi-temps thérapeutique ; ainsi, en ne pouvant pas travailler, elle a indubitablement perdu le bénéfice de ses rémunérations variables pour les années 2016, 2017 et 2018 et sa retraite en sera impactée.
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que :
- Mme [N] a perçu les commissions qui lui étaient dues ;
- aucun manquement ne peut lui être reproché, notamment concernant de prétendus agissements de harcèlement moral ;
- elle ne peut valablement faire peser sur son employeur les conséquences de son arrêt maladie en termes de commissions : elle a pu bénéficier de l'indemnisation au titre de la prévoyance et aucun préjudice n'est donc démontré ; il en est de même pour les incidences au titre de sa retraite ;
- de plus, alors que la réparation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et est égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, Mme [N] ne détaille les calculs permettant de déterminer l'étendue de la perte de chance et se limite à solliciter une indemnisation forfaitaire à hauteur de 6 mois de salaire.
En application des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention, en particulier l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et donc d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions au motif d'une part que le harcèlement moral ne peut être utilement invoqué comme fait générateur de responsabilité du fait de la prescription, au motif d'autre part que Mme [N] invoque tout aussi vainement les manquements aux obligations contractuelles de l'employeur du fait de la généralité de l'allégation qui n'est aucunement explicitée en fait et au motif enfin, s'agissant du préjudice que Mme [N] ne détaille les calculs permettant de déterminer l'étendue de la perte de chance et se limite à solliciter une indemnisation forfaitaire à hauteur de 6 mois de salaire alors que la réparation de la perte de chance, à la supposer été établie, doit être mesurée à la chance perdue et est égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions.
Sur le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées
Mme [N] demande la somme de 43 556,22 euros (6 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées ; elle fait valoir que :
- elle a rencontré de nombreuses difficultés dans le paiement qui lui était dû au titre de la prévoyance comme cela ressort de ses courriers de relance des 6 octobre 2027 et 18 avril 2028 (pièces salarié n° 11 et 209)
- elle a aussi rencontré de nombreuses difficultés dans le paiement qui lui était dû au titre des heures de délégation du fait que le paiement de ses heures de délégation n'intégrait pas l'allocation au titre de la partie variable de ses salaires, comme cela ressort de ses réclamations des 1er juillet 2012 et du 6 août 2012 (pièces salarié n° 139 : courrier du 1er juillet 2012 et 63 : courrier du 6 août 2012) et ce n'est qu'en décembre 2013 que la société Dentsply sirona a régularisé la situation en lui payant les sommes dues au titre des heures de délégation (pièces salarié n° 66 et 67) ;
- le paiement des heures de délégation a donc été une bataille comme cela l'a été pour la prévoyance. « En conséquence, il est demandé au Conseil de condamner la société DENTSPLY SIRONA à verser à Madame [N] la somme de 43 556,22 euros (6 mois) pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation. »
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que :
- l'employeur a toujours pris soin de répondre aux demandes de Mme [N] (notamment pièces salarié n°7 à 13) en ce qui concerne la prévoyance et en ce qui concerne les heures de délégation (pièces salarié n° 63, 66 et 67) et elle n'a pas été spoliée dans ses droits ;
- au contraire, elle a perçu plus qu'il ne lui était dû au titre de la prévoyance ; en effet suite à l'alerte de Mme [N] concernant des erreurs qu'elle aurait constatées sur ses bulletins de paie de l'année 2016 et début 2017, l'entreprise a procédé à des vérifications et constaté qu'elle avait payé par erreur à Mme [N] des commissions et primes et maintenu son salaire alors qu'elle ne disposait plus du bénéfice des dispositions conventionnelles qui lui étaient applicables ; ainsi c'était Mme [N] qui est redevable d'un trop perçu à hauteur de 17 244,65 euros (pièce salarié n° 10) ;
- l'ensemble des heures de délégation a été rémunéré (pièces salarié n° 66 et 67) ;
- Mme [N] ne rapporte la preuve d'aucun préjudice concernant la prévoyance, bien au contraire, il ressort que c'est cette dernière qui est en réalité redevable d'importantes sommes à l'endroit de l'entreprise, ni même concernant les heures de délégation.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées au motif d'une part que les heures de délégation ont été payées, qu'il en est de même pour les sommes dues au titre de la prévoyance, qu'il n'est d'ailleurs pas formé de demandes de rappel de salaire de ces chefs, et au motif d'autre part qu'il n'est pas démontré de comportement fautif de la part de l'employeur quand bien même Mme [N] produit deux lettres de réclamation des 6 octobre 2017 et 18 avril 2018 en ce qui concerne la prévoyance et deux autres des 1er juillet 2012 et 6 août 2012 en ce qui concerne les heures de délégation dès lors que l'employeur a apporté des réponses à toutes ses réclamations étant ajouté que Mme [N] n'articule pas de moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon elle, de la résistance alléguée de son employeur à la remplir de ses droits.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [N] demande la somme de 87 112,44 euros (12 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ; elle fait valoir qu'outre le harcèlement moral et la discrimination dont elle a été victime, l'employeur a été déloyal dans le suivi administratif de sa situation : de ce fait, elle devait multiplier ses réclamations (pièces salarié n° 7, 247 à 249, 253 et 209) et les lenteurs et erreurs de l'entreprise l'ont placée en difficulté financière en 2015 avec certains mois sans aucun salaire (pièce employeur n° 28) ; elle « devait donc constamment relancer son employeur pour obtenir les informations de base dont elle avait besoin mais qui ne lui étaient cependant pas communiqués ».
En défense, la société Dentsply sirona s'oppose à cette demande et soutient que l'exécution déloyale qui lui est imputée n'est pas établie du fait que Mme [N] ne produit que deux courriels de réclamation, l'un du 26 septembre 2014 faisant état de difficultés dans le cadre du paiement de ses indemnités journalières et l'autre du 18 avril 2018 faisant état de difficultés relatives à la prévoyance, et que Mme [N] ne démontre de surcroît aucun préjudice.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que Mme [N] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail au motif d'une part que le préjudice résultant de la discrimination a été réparé et qu'il n'y a pas de préjudice distinct restant à indemniser à cet égard, au motif d'autre part que Mme [N] ne démontre pas que les lenteurs et erreurs alléguées à l'encontre de la société Dentsply sirona ont occasionné un préjudice alors même que les erreurs de l'entreprise lui était en réalité favorables à hauteur de 17 244,65 euros comme cela sera retenu plus loin, et au motif enfin que Mme [N] ne démontre pas en invoquant ses courriers du 26 septembre 2014 faisant état de difficultés relatives aux indemnités journalières (pièce salarié n° 7) et du 18 avril 2018 faisant état de difficultés relatives à la prévoyance (pièce salarié n° 209) qu'elle « devait donc constamment relancer son employeur pour obtenir les informations de base dont elle avait besoin mais qui ne lui étaient cependant pas communiqués » étant ajouté que Mme [N] n'articule pas de moyen permettant de caractériser dans son quantum le préjudice découlant, selon elle, de la déloyauté alléguée de son employeur dans le suivi administratif de sa situation.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur la demande reconventionnelle en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance
Par confirmation du jugement, la société Dentsply sirona demande la somme de 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance et soutient que suite à l'alerte de Mme [N] concernant des erreurs qu'elle aurait constatées sur ses bulletins de paie de l'année 2016 et début 2017, l'entreprise s'est rendu compte qu'elle avait payé par erreur à Mme [N] des commissions et primes et maintenu son salaire alors qu'elle ne disposait plus du bénéfice des dispositions conventionnelles qui lui étaient applicables, que Mme [N] était ainsi redevable d'un trop-perçu à hauteur de 17 244,65 euros dont le détail est précisé dans le courrier 3 mars 2017 adressé à Mme [N] (pièce salarié n°10).
La cour constate que Mme [N] ne fait pas valoir de moyens de défense sur ce point.
A l'examen du courrier de la société Dentsply sirona à Mme [N] du 3 mars 2017 et des moyens débattus, la cour retient que la société Dentsply sirona est bien fondée dans sa demande non utilement contestée.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme [N] à payer à la société Dentsply sirona la somme de 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance.
Sur les autres demandes
La cour condamne la société Dentsply sirona qui succombe à titre prépondérant aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du Code de procédure civile.
Le jugement déféré est infirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement mais seulement en ce qu'il a :
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur ;
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de chance de percevoir des commissions ;
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi au titre de la prévoyance et des heures de délégation non payées ;
- débouté Mme [N] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- condamné Mme [N] à payer à la société Dentsply sirona la somme de 17 244,65 € en remboursement du trop-perçu au titre de la prévoyance ;
Infirme le jugement déféré pour le surplus ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :
Déclare que les demandes de Mme [N] relatives au harcèlement moral sont prescrites et donc irrecevables ;
Condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination ;
Ordonne la résiliation du contrat de travail de Mme [N] aux torts de la société Dentsply sirona ;
Dit que la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [N] produit les effets d'un licenciement nul et fixe la date de rupture au 22 juillet 2019 ;
Condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société Dentsply sirona aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à Mme [N], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;
Condamne la société Dentsply sirona aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile ;
Condamne la société Dentsply sirona à payer à Mme [N] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT