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Décisions

CA Montpellier, 2e ch. soc., 24 janvier 2024, n° 21/03233

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/03233

24 janvier 2024

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre sociale

ARRET DU 24 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/03233 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PADN

ARRÊT n°

Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 AVRIL 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER - N° RG F 19/00075

APPELANTE :

Madame [X] [O] née [I]

née le 15 Avril 1968 à [Localité 4] (56)

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Gautier DAT, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Mélis ELMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. CHABANNES [R] [Y]

Anciennement dénommée BRG - [G] [R] [Y]

Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE - AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER

Ordonnance de clôture du 13 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 NOVEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre

Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller

Madame Magali VENET, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER

ARRET :

- contradictoire ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président de chambre, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier.

*

* *

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mise à disposition de Maître [B] [R], avocat au barreau de Nîmes, à compter du 4 mars 2002, par l'intermédiaire du Groupement d'employeurs de Professions Libérales 30, Mme [X] [O] était engagée le 23 février 2006, dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel par Maître [R] en qualité de secrétaire juridique, niveau III, échelon 1, coefficient 265, de la convention collective du personnel des cabinets d'avocats.

Victime d'un accident du travail le 23 octobre 2017, Mme [O] était placée en arrêt de travail jusqu'au 18 avril 2018.

À l'issue de la visite de reprise organisée le 19 avril, elle était déclarée par le médecin du travail apte à la reprise de son poste, avec les restrictions suivantes : « Pas de port de charges supérieures à 3 kg. Limiter dans la mesure du possible, la montée et la descente des escaliers. »

Par lettre remise en main propre en date du 20 avril 2018, l'employeur formulait à la salariée les instructions suivantes :

« Afin de limiter au maximum la sollicitation de votre genou, je souhaite que vous restiez au maximum assise à votre poste de travail. Dans ces conditions il vous importera de répondre au téléphone matin et après-midi et de rédiger les actes que nous vous adressons via la dictée vocale.

Afin de limiter la manipulation des dossiers, nous poserons les dossiers sur votre bureau et les mettrez de côté une fois les dictées rédigés pour que nous les rangions à l'étage.

Ainsi je ne veux en aucun cas que vous procédiez au rangement des dossiers à l'étage impliquant que vous souleviez du poids tout en empruntant l'escalier.

En conséquence la sortie du courrier se fera quotidiennement par votre collègue de travail Mme [A] [C] [F]. [...] Bien évidemment et pour le bon fonctionnement du cabinet, j'informerai (cette dernière) par courrier séparé de cette nouvelle répartition des tâches. »

L'employeur prescrivait à la salariée de prendre le solde de ses jours de congés du 14 au 31 mai 2018.

Convoquée le 28 juin 2018, à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 juillet suivant, Mme [O] a été licenciée par lettre du 11 juillet 2018 pour faute grave.

Contestant cette décision, elle a saisi le 21 janvier 2019 le conseil de prud'hommes de Montpellier aux fins d'entendre juger le licenciement dénué de caractère réel et sérieux et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 9 avril 2021, le conseil a statué comme suit :

Déboute Mme [O] de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement pour faute grave,

Condamne la SELARL [G] [R] [Y] à payer à Mme [O] la somme de 1 000 euros à titre du préjudice pour manquement à l'obligation de formation.

Condamne la SELARL [G] [R] [Y] à payer la somme de 960 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute Mme [O] du surplus de ses demandes,

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.

Condamne la SELARL [G] [R] [Y] au paiement des dépens.

Suivant déclaration en date du 18 mai 2021, Mme [O] a régulièrement interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 23 avril précédent.

' suivant ses conclusions en date du 15 novembre 2023, Mme [O] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SELARL [G] [R] [Y] au paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation sur le principe, au paiement des dépens et fixé son salaire mensuel brut de référence à 1 893,89 euros et condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros à titre du préjudice pour manquement à l'obligation de formation et de la somme de 960 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, mais de le réformer en ce qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes relatives au licenciement pour faute grave et du surplus de ses demandes, et de :

Débouter la SELARL [G] [R] [Y] de sa demande de réformation du jugement au titre de son appel incident,

En conséquence :

Constater qu'elle n'a suivi qu'une seule formation durant ses 15 années de collaboration au sein de la société défenderesse, que l'employeur a exécuté le contrat de travail de manière déloyale, qu'elle a été brutalement licenciée pour faute grave à son retour d'arrêt de travail pour accident de travail après 16 ans d'ancienneté et l'absence de faute pouvant justifier la rupture de son contrat de travail,

Fixer le salaire mensuel brut de référence à 1 893,89 euros,

Condamner la SELARL [G] [R] [Y] à lui payer les sommes suivantes :

Dommages et intérêts pour exécution déloyale et manquement à l'obligation de formation et d'adaptation (1 mois) : 1 893,89 euros,

Rappel de salaire - Mise à pied conservatoire du 28/06/2018 au 13/07/2018 : 812,95 euros,

Congés payés sur mise à pied conservatoire : 81,30 euros,

Indemnité de préavis (2 mois) : 3 787,79 euros,

Congés payés sur préavis : 378,78 euros,

Indemnité de licenciement (Légale) : 8 838,17 euros,

Dommages-intérêts pour licenciement abusif (13,5 mois) : 25 567,57 euros,

Dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire au retour d'arrêt pour accident de travail après 15 ans d'ancienneté (1 mois) : 1 893,89 euros,

Article 700 du code de procédure civile : 4 500 euros

Remise des documents sociaux rectifiés sous astreinte de 150 euros / jour de retard à courir 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir,

Dire que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la citation en justice du défendeur.

Dire que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la saisine et s'entendent pour un montant net versé au salarié déduction faite de toute cotisation et notamment CSG CRDS.

Ordonner la remise des bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation pôle emploi rectifiés, faisant apparaître les condamnations qui seront prononcées, et ce, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, commençant à courir 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir.

Se réserver la liquidation éventuelle de l'astreinte.

Condamner la SELARL [G] [R] [Y] aux entiers dépens.

Dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article A 444-32 du code de commerce (anciennement article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 dit « tarif des huissiers »), devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

' aux termes de ses conclusions notifiées le 30 octobre 2023, la société [G] [R] [Y] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [O] de l'ensemble de ses demandes relatives à son licenciement pour faute grave et du surplus de ses demandes, à savoir des dommages-intérêts pour prétendue rupture brutale et vexatoire, la remise de ses documents sociaux sous astreinte, mais de le réformer en ce qu'il l'a condamnée au paiement de 1 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation, fixé le salaire référence de Mme [O] à 1 893,89 euros sur la base d'un temps plein, et l'a condamnée au paiement des dépens, outre 960 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, de :

A titre principal, débouter Mme [O] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions et la condamner aux entiers dépens outre 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire, réduire à de plus juste proportions les condamnations prononcées.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues oralement à l'audience.

La proposition faite par la cour aux parties de recourir à une mesure de médiation judiciaire afin de rechercher, par elles-mêmes, sous l'égide d'un médiateur indépendant, une solution au litige qui les oppose n'a pas reçu leur assentiment unanime.

MOTIFS :

Sur la cause du licenciement :

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les motifs suivants :

« [...] Les faits qui vous ont reprochés sont les suivants :

1/ attitude intolérable à l'égard de votre collègue Mme [A] [C] [F] :

Mme [C] [F] travaille à mi-temps au sein de notre cabinet. Elle nous a transmis un arrêt maladie à compter du lundi 25 juin et jusqu'au 15 juillet 2018.

Nous ignorions les raisons de son absence, jusqu'à ce que nous recevions un courrier du cabinet [V], qui l'emploie également à mi-temps.

M. [V] nous a indiqué que le vendredi 22 juin, il avait constaté que Mme [C] [F] n'allait pas bien. Sur son interrogation, elle s'est immédiatement mise à pleurer et lui a confié être en dépression en raison de votre comportement. Elle a indiqué ne plus supporter l'attitude de dénigrement systématique que vous aviez adoptée à son encontre.

M. [V] nous indiquait son mécontentement et nous demandait de prendre les dispositions qui s'imposent, afin de préserver la santé de Mme [C] [F], puisqu'il subissait également et involontairement les conséquences de son absence.

Dans l'intervalle, nous avons été destinataires d'une correspondance de Mme [C] [F], qui s'est plainte de votre attitude, nous indiquant que vous n'aviez de cesse de la rabaisser en paroles, en acte, et aux yeux des clients.

Dans une correspondance extrêmement circonstanciée, elle se plaint de votre attitude de dénigrement systématique, de vos petites réflexions et « mesquineries ».

Elle nous précise que chaque fois qu'elle travaille ou qu'elle répond au téléphone, vous soupirez, secouez la tête, comme si elle disait d'énormes bêtises, ou marmonnez « c'est ça... n'importe quoi ».

Elle précise être obligée de tout surveiller, vérifier et revérifier en permanence, pour éviter des erreurs et des reproches.

Elle déclare que sa situation est devenue pour elle « invivable » et a eu des conséquences sur sa santé, son autre emploi et sa vie personnelle.

Or, à réception de cette correspondance, nous avons souhaité vérifier le bien-fondé de ces accusations.

Apres enquête, nous avons appris que vous aviez adopté exactement la même attitude avec une précédente collègue, qui a tenu à attirer notre attention sur le fait que vous nous dénigriez également.

Un client important du cabinet nous a confirmé que vous n'aviez pas hésité à dénigrer Mme [C] [F] devant lui, en son absence, ce qui l'avait particulièrement choqué.

Ces faits en soit sont déjà totalement inadmissibles et justifient à eux seuls la rupture de votre contrat de travail, sans préavis. En effet nous sommes tenus de faire en sorte que nos salariés aient une attitude respectueuse entre eux.

Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité [...].

Tout salarié victime de violences morales de la part d'un collègue peut invoquer un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

2/ Cliente Mme [D] :

Mme [D] a appelé sur son portable [S] [Y] le 26 juin pour lui remettre en mains propres des documents.

Maître [Y] n'avait pas d'audience ce jour et a été au cabinet matin et après-midi.

Mme [D] est passée au cabinet l'après-midi du mardi 26 juin.

Or, vous lui avez dit que Maître [Y] n'était pas là et elle est repartie alors que :

- Maître [Y] était dans son bureau à l'étage, ce que vous ne pouviez ignorer,

- vous n'avez pas même pris le soin d'appeler sur son poste téléphonique pour vérifier sa présence,

- vous n'avez pas cru utile de l'informer de cette visite.

3/ Dossier Maif :

La MAIF a pour interlocuteur privilégié au cabinet Maître [S] [Y].

Les dossiers lui sont adressés par mail et ensuite sont répartis en interne (Maître [R] ne s'occupe notamment que des dossiers en droit des assurance, préjudice corporel et dossiers au pénal).

Il est très rare d'être contacté par un gestionnaire de la MAIF avant l'ouverture d'un dossier, sauf caractère d'urgence.

Or, le 26 juin 2018, la MAIF nous a saisi d'un dossier construction dans lequel la garantie de parfait achèvement expirait le 3 juillet 2018 (dossier [Z]).

Lors de l'appel de la MAIF, vous avez pris l'initiative de demander à la MAIF d'adresser le dossier à Maître [R] sur son adresse mail alors que Maître [Y] était présente, sans raison apparente. Vous n'avez pas non plus jugé opportun de la prévenir, pour des raisons qui nous échappent.

Maître [R] a effectivement reçu ce courriel le 26 juin à 13H54 sur sa boîte mail, mais il ne peut traiter tous ses mails à la minute compte tenu du nombre que nous recevons chaque jour, ce que vous savez pertinemment (étant précisé qu'il était en audience ce jour-là).

Vous auriez dû attirer son attention sur cette urgence en lui laissant une alerte dans notre logiciel SECIB, ou en un mot papier, ce dont vous vous êtes également abstenue.

Vous auriez dû également anticiper, en créant immédiatement le dossier sous SECIB et le dossier papier.

Vous deviez surtout en référer à Maître [Y] qui était au cabinet.

Le mercredi 27, la MAIF n'ayant pas de nouvelles, le gestionnaire a appelé Maître [Y], qui a appris à cette occasion seulement l'existence du dossier et son degré d'urgence.

Au regard des enjeux du dossier et des risques de mise en jeu de notre responsabilité en cas de retard dans le traitement de ce dossier urgent, nous ne pouvons tolérer votre attitude, dont nous ne parvenons toujours pas à comprendre les motivations.

4/ Absence injustifiée du 11 mai 2018 :

Le vendredi 11 mai 2018 faisait suite aux mardi et jeudi fériés, étant rappelé le mercredi vous ne travaillez pas.

Vous deviez solder vos congés suite à votre arrêt de travail et aviez posé vos congés pour la période du lundi 14 au 31 mai 2018.

Vous avez contacté Maître [R] le vendredi 11 mai 2018 à 8H30 pour l'informer de ce que vous ne pourriez venir travailler car « vos yeux étaient collés ».

Nous nous attendions à recevoir un justificatif d'arrêt de travail établi par votre médecin ou un spécialiste.

Nous n'avons rien reçu.

A votre retour de congé, vous avez repris votre poste sans la moindre excuse pour votre absence injustifiée qui vous a permis ainsi d'allonger vos congés.

Cette absence injustifiée est intervenue dans une période extrêmement complexe, en raison des nombreuses coupures liées aux jours fériés et vous saviez parfaitement qu'elle engendrerait pour nous des perturbations dans le traitement de nos dossiers.

Nous considérons que l'ensemble de ces faits rendent impossible le maintien de votre contrat, d'autant que vous vous êtes révélées incapable d'apporter la moindre explication plausible à votre comportement. Au contraire, vous avez cru devoir nous adresser le 3 juillet dernier un courrier dont les termes ne tromperont personne.

À suivre ce courrier, vous auriez subi les propos sexistes et dégradants de Maître [B] [R], aujourd'hui à la retraite et auriez déplorer notre propre attitude et celle de Mme [C] [F]. Nous déplorons que vous ayez décidé de proférer de telles accusations totalement dénuées de tout fondement [...] .

Nous considérons que ces faits constituent dans leur ensemble, au regard de leur gravité et des répercussions qu'elles ont eus au sein de notre structure une faute grave rendant impossibles votre maintien même temporaire dans l'entreprise. Votre licenciement est donc immédiat [...] »

Mme [O] critique la décision entreprise en ce qu'elle a considéré établie la matérialité des faits reprochés. Hormis l'absence injustifiée du 11 mai 2018, qui a donné lieu à une retenue sur salaire, elle les conteste.

La société intimée soutient rapporter la preuve des agissements qu'elle reproche à la salariée.

En vertu de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

La faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et la poursuite du contrat. Il incombe à l'employeur qui l'invoque d'en apporter la preuve.

Il est constant que :

- En 2009, Maître [B] [R] intégrait avec Maître [M] [R], qui était alors en contrat de collaboration libérale, la SCP [G] [Y] constituée de Maître [G] et Maître [Y], de sorte que son contrat de travail était transféré au sein de ladite SCP dénommée désormais SELARL [G] [R] [Y]. À cette occasion, la salariée intégrait une nouvelle équipe, qui comptait à part elle deux autres secrétaires juridiques : Mme [C] [F] et Mme [L] [H].

- Début 2011, Mme [C] [F] était licenciée et en mai 2011, Mme [H] était placée en longue maladie. Mme [P] [U] remplaçait Mme [H] de novembre 2012 à novembre 2013.

- En décembre 2013, Mme [C] [F] réintégrait le cabinet à temps partiel (20 heures) toujours en remplacement de Mme [H], qui était licenciée pour inaptitude le 20 juillet 2015.

- Mme [C] [F] était alors engagée en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à raison de 20 heures soit du lundi au vendredi de 14 h à 18h.

- par lettre du 29 septembre 2016, Mme [O] a dénoncé l'attitude de Mme [C] [F] à savoir le fait que sa collègue utilisait sa cigarette électronique dans les locaux et en sa présence et qu'elle tenait des propos dégradants à son encontre. (Pièce 8)

- Après avoir reçu les 2 salariées, l'employeur les sanctionnait toutes les deux d'un avertissement en date du 5 octobre 2016 :

' Mme [O] pour avoir reconnu avoir indiqué à sa collègue qu'elle était une secrétaire juridique alors que Mme [C] [F] ne serait qu'une 'simple secrétaire', de récupérer certains dossiers qui lui semblent urgents, ce qui ne lui est pas reprocher sauf que dans cette hypothèse il lui appartient de l'expliciter à sa collègue de travail pour une bonne organisation des tâches à réaliser [...] et qu'il n'est pas question vis-à-vis de la clientèle d'organiser comme elle le fait une hiérarchie dans le secrétariat, les clients devant être renseignés par l'une ou par l'autre sans distinction et sans préférence que cela leur plaise ou pas', la salariée étant avisée de la sanction prononcée parallèlement contre sa collègue.

' Mme [C] [F] pour avoir accusé Mme [O] de vomir dans les toilettes réservées aux dames ce qui entraînaient une hygiène déplorable des toilettes, sans avoir avisé au préalable l'employeur de cette situation, et lui demandant par ailleurs de cesser de vapoter dans les locaux, la salariée étant avisée de la sanction prononcée parallèlement contre sa collègue.

- Une modification des horaires de Mme [C] [F] intervenait de sorte que l'intéressée travaillait toute la journée du mercredi pour la société d'avocats, jour de repos de Mme [O], et plus le vendredi après-midi, permettant ainsi de limiter leur temps de présence ensemble au bureau.

Pour preuve de la faute grave reprochée à la salariée, l'employeur verse aux débats les éléments suivants :

- le courrier de M. [V], employeur de Mme [C] [F], attirant l'attention de la société d'avocats sur les faits suivants :

« Le mercredi, Mme [C] [F] se trouve la journée entière à votre cabinet et le vendredi la journée entière à mon cabinet, déjà à la demande de Mme [C] [F] pour réduire le temps de confrontation avec Mme [O] qui ne travaille pas le mercredi.

Ce vendredi 22 juin 2018, j'ai constaté à (son) arrivée que quelque chose n'allait pas. Sur mon interrogation elle s'est immédiatement mise à pleurer. Souhaitant comprendre cet état, afin de savoir si j'en étais à l'origine, je l'ai interrogée et elle m'a confié que cet état dépressif avait pour origine exclusive le comportement de votre autre salariée [X] [O].

Elle ne peut plus supporter l'attitude de dénigrement systématique qui a débuté il y a des mois et dont elle m'avait déjà parlé.

Je lui ai demandé de se calmer et que le week-end lui permettrait de se reposer.

Cependant, j'ai été destinataire tout comme vous lundi d'un arrêt de travail s'étalant jusqu'au 15 juillet 2018.

Cette situation ne peut plus perdurer et je suis aujourd'hui également victime du comportement de votre autre salariée puisque je me retrouve sans secrétaire.

Je vous demande donc de prendre les dispositions qui s'imposent afin de préserver la santé de Mme [C] [F] [...] ».

- la correspondance dactylographiée, que Mme [C] [F] atteste avoir rédigée (pièces n° 9 et 9-1), par laquelle la secrétaire du cabinet se plaint du comportement que Mme [O] adopte à son égard depuis sa réintégration dans l'entreprise fin 2013, en ce que :

' elle n'a de cesse de la rabaisser, en paroles, en actes et même aux yeux des clients consistant à ne pas répondre au téléphone l'après-midi au motif qu'elle le faisait seule le matin, lui rétorquant quand elle lui en a fait la remarque 'je ne suis pas standardiste, moi',

' elle établissait une liste des tâches accomplies dans la journée par l'une et par l'autre pour ensuite lui faire le reproche de n' 'avoir quasiment rien fait aujourd'hui',

- pendant une longue période, 'elle ne tapait que les urgences et quelques actes qu'elle venait prendre dans la pile qui était sur son bureau en lui disant qu'elle 'ne savait pas les faire', les dictées s'accumulant dans le placard, elle lui disait quand elle arrivait 'il y a du retard, je me suis faite engueuler à cause de toi', ou 'tu as fait une grosse bêtise, tu vas te faire pourrir' [...] ;

- vers 16H30, elle arrêtait de travailler et lui parlait sans discontinuer durant la demi-heure restante et ne s'arrêtant pas même quand je répondais au téléphone [...] ; le lendemain elle m'ignorait quand je lui parlais [...] 'tu ne m'écoutes pas quand je te parle alors moi non plus'.

- elle me montre son nouveau t-shirt et me demande ce que j'en pense, je lui dis que ce n'est pas mon genre, elle ne l'a plus jamais remis, pendant des semaines j'ai eu des remarques sur mon poids et mon ventre en particulier, du genre 'tu es sure que tu n'es pas enceinte', quand je lui ai dit ça suffit elle a répondu 'y'en a qui n'aiment pas les T-shirts, moi je n'aime pas les ventres'.

- dès que je n'étais pas d'accord avec elle sur un sujet, j'avais droit à des semaines de réflexions et petites crasses mesquines.

Dans le même temps, les appels téléphoniques après 17H00 ont commencé à croître et par ce que disaient les clients, je me suis rendue compte que Mme [O] leur disait systématiquement le matin, de rappeler après 17H00.

Certains soirs je ne pouvais quasiment rien faire d'autre que de répondre au téléphone durant cette heure-là, alors que je devais aussi plier le courrier et éventuellement m'occuper des urgences qu'on me donnait, puis, de plus en plus souvent les courriers que tapait Mme [O], ne rentraient plus dans les

enveloppes à fenêtre, en fait, elle remonte l'adresse d'une ou deux lignes, ce qui a pour effet de m'obliger à écrire l'adresse sur une enveloppe sans fenêtre et de me faire perdre un temps fou, pendant que le téléphone n'arrête pas de sonner, c'est souvent à cette heure-là que les clients viennent pour les rendez-vous.

Je lui ai demandé plusieurs fois de ne plus faire ça, elle maintenait que ce n'était pas elle mais le logiciel.

Un soir que Maître [R] m'avait donné une urgence à faire, elle m'a dit qu'elle se chargeait de plier le courrier, plusieurs courriers datés de ce jour nous sont revenus, ils avaient été mis derrière d'autres dans les mêmes enveloppes et avaient donc été reçus par d'autres personnes que leurs destinataires.

Ce même soir, l'adresse du client auquel on écrivait dans le dossier que je traitais en urgence a été modifiée dans le logiciel pendant que je corrigeais le courrier dans la dictée vocale, le courrier a donc été fusionné avec une adresse fausse, quand j'ai demandé des explications à Mme [O] le lendemain, elle m'a longuement expliqué que lorsqu'on désarchive un dossier dans le logiciel

quelquefois les adresses changent (''').

Et toujours, durant des mois et des mois, ses réflexions, 'tu n'as rien fait hier,

tu n'as rien fait pendant que j'étais en congé, il y a du retard à cause de toi' ou 'tu ne devrais pas signer les fax, tu dois me les donner et c'est moi qui les signe' ou 'il faudra que je t'apprenne le métier, toi tu es simple secrétaire'.

J'ai eu sa fille en stage dans mes deux emplois, une fois le stage fini Mme [O] m'a dit '[J] m'a dit qu'à côté tu ne faisais rien non plus'.

Un jour je me suis rendue compte, (en recevant un accusé de lecture d'un mail que je lui aurai envoyé dans la matinée, alors que je n'étais pas présente) que Mme [O] venait régulièrement sur mon poste de travail pendant mon absence, pour envoyer sur sa propre boîte, tous les mails que je recevais, et par la même occasion effacer intégralement tout ce que contenait ma boîte mail,

Quand j'ai voulu changer le mot de passe, je me suis aperçue que celui-ci avait déjà été changé et que le mail contenant les identifiants du compte que j'avais imprimé et mis dans une pochette dans mon tiroir avait également disparu.

Les accusés de réception des courriers recommandés que je gardais dans montiroir et que j'avais trié ont été mélangés plusieurs fois et agrafés n'importe comment, j'ai dû tout recommencer pendant que Mme [O] me disait 'ce n'est pas comme ça qu'on fait, de toutes façons tout ce que tu fais est débile'.

J'ai donc demandé à changer le mot de passe de l'ordinateur et à fermer mon tiroir à clé.

Lorsqu'elle a appris que j'allais commencer une formation à l'ENADEP, (Me [E], qui est une très grande amie à elle l'aurait appelée personnellement pour dénoncer ma trahison), j'ai eu droit à une véritable crise d'hystérie, elle m'a hurlé dessus en disant que la formation était pour elle et que j'aurais dû lui demander la permission avant de m'inscrire.

Pendant plus d'un an Mme [O] a eu un comportement 'sanitaire' que j'estimais dangereux pour ma santé, je lui ai demande d'arrêter, ce qui a déclenché une réunion et un avertissement pour moi, car je n'avais aucune preuve, personne d'autre que moi n'ayant constaté ce comportement.

À ce moment-là, j'ai décidé, pour mon propre équilibre, de ne plus du tout communiquer avec Mme [O], et de ne décrocher le téléphone qu'un appel sur deux.

Peu après cette réunion, une après-midi, quand je suis arrivée au bureau, son mari et sa fille étaient présents, lorsque j'ai voulu aller faire des photocopies aucun des deux n'a bougé de devant le photocopieur, j'ai dû passer entre les deux et me suis retrouvée face à son mari qui me fixait en plein visage à 20 cm de moi.

Plus tard, j'ai demandé à changer mes jours de travail afin de rencontrer Mme [O] le moins possible.

Depuis, régulièrement en arrivant, je trouve le bouton de ma souris sur off, mon écran débranché, j'ai dû télécharger un logiciel de post-it sur le bureau de mon ordinateur, ceux que je laissais sur mon bureau disparaissant régulièrement.

Très souvent, lorsque je dois scanner des documents, ils se volatilisent à peine arrivés dans le dossier 'scan', je suis donc obligée de scanner après 17H00 ou de scanner à l'étage.

Je tiens à preciser que durant l'absence de Mme [O], le scanner fonctionnait tres bien.

Plusieurs mois avant son accident de travail Mme [O] s'est mise à taper frénétiquement ce qui fait que quand j'arrivais à 14 heures, tous les dossiers à traiter étaient déjà derrière son bureau et à l'étage, les dossiers étaient déjà rangés à l'étage et il n'y avait presque rien à faire.

Pendant ses 6 mois d'arrêt, j'ai dû assumer tout le travail seul avec 20 heures par semaines seulement pour tout faire.

J'ai eu durant cette période également plusieurs appels de clients qui insistaient pour parler directement à Maître [Y] ou à son assistante Mme [O], l'une d'elles m'a même dit 'ne m'en veuillez pas Mademoiselle mais je ne veux pas discuter de mon dossier avec une stagiaire', j'ai dû expliquer que je n'étais pas stagiaire et que ma collègue avait un humour un peu particulier.

Depuis son retour, avec un certificat médical lui interdisant de monter à l'étage, Mme [O] dispose de 28 heures par semaines uniquement pour la frappe, qu'elle effectue de plus en plus vite, (quitte à bâcler son travail, et commencer avant l'heure ou de travailler pendant son heure de repas, voire à se retrouver elle-même sans rien à faire) et se jette quasiment sur le téléphone dès qu'il sonne, ce qui fait qu'il ne me reste quasiment que les courriers et les audiences à sortir, et les dossiers à ranger.

Elle en vient même à réclamer une partie de mon travail (classer les accusés de réception) que jusque-là elle trouvait indigne de ses compétences.

Certains dossiers 'changent de couleur' dans le logiciel (seulement ceux que j'ai moi-même ouverts) ce qui me complique la tâche au moment de /es chercher.

J'ai retrouvé des dossiers, qui avaient pourtant été traités récemment, tout en dessous d'une pile, dans une case OU ils n'avaient rien à faire.

J'ai également retrouvé quelques courriers à sortir et un dossier à ouvrir dans la panière 'sans suite', heureusement assez vite pour que cela ne fasse pas de dégâts.

Lorsque que je suis dans la même pièce que Mme [O], elle 'chantonne' en permanence, il y a quelques temps j'ai sorti mon téléphone que j'ai posé à côté d'elle en lui disant que j'allais l'enregistrer pour que tout le monde en profite, elle a ricané mais s'est arrêtée. Quelques jours plus tard cela a pourtant recommencé.

Quand elle quitte le cabinet, elle retient la porte d'entrée pour que celle-ci ne se ferme pas, je suis donc obligée de me lever pour la fermer.

Lorsque je réponds au téléphone, elle soupire en secouant la tête, comme si je disais d'énormes bêtises, ou dit tout bas 'c'est ça... n'importe quoi'.

Lorsque je fais tomber quelque chose, ou que je tousse, elle soupire également ou ricane.

En bref je suis obligée de tout surveiller, vérifier et revérifier en permanence, pour éviter des erreurs,

Tout cela est tout simplement invivable et a des conséquences sur ma santé, mon autre emploi et ma vie personnelle. »

Force est de constater que pour certains des faits dénoncés, ceux-ci ont été portés à la connaissance de l'employeur et ont donné lieu à sanction à l'encontre de Mme [O] en octobre 2016.

Pour d'autres, postérieurs à la reprise du travail, ils sont en partie liés à la réorganisation du secrétariat - que l'employeur s'était engagé à porter à la connaissance de Mme [C] [F] - décidée afin de respecter son obligation de sécurité à l'égard de Mme [O] et satisfaire aux restrictions ou recommandations émises par le médecin du travail à l'occasion de la visite de reprise faisant suite à son accident du travail.

Par ailleurs, la surcharge de travail dont se plaint Mme [C] [F] durant l'arrêt de travail de la salariée, apparemment non remplacée, n'est pas imputable à Mme [O].

Pour le surplus des reproches formulés par Mme [C] [F] relativement aux tracas et mesquineries quotidiens de sa collègue à son égard, aucun élément probant ne vient les établir dans un contexte de mésentente avérée entre ces deux salariées, que l'employeur n'ignorait pas à tout le moins depuis le mois d'octobre 2016 et les avertissements notifiés à chacune d'elles.

L'employeur se prévaut du témoignage objectif établi par Mme [U], ancienne collaboratrice de cabinet, qui a travaillé d'octobre 2012 à novembre 2013 au côté de l'appelante, qui atteste du comportement puéril et malsain adopté par Mme [O] à son égard en comptabilisant le travail effectué par chacune pour le comparer, en lui adressant un message durant ses congés pour lui annoncer qu'elle serait sanctionner à son retour pour la perte d'un dossier, ou encore en la dénonçant comme étant l'auteur d'une erreur dans un dossier, dont elle était en réalité responsable, ce qui conduira la société d'avocats à lui notifier un avertissement avant qu'elle ne reconnaisse la méprise et le fait que ce grief ne lui était pas imputable, ces derniers éléments étant justifiés par les pièces n°20-1 à 20-2 communiquées.

Pour autant, si Mme [U] décrit des comportements pour certains similaires à ceux dénoncés par Mme [C] [F] et présente la personnalité de la salariée, que ce témoin qualifie de 'mauvaise personne', sous un angle peu flatteur, comme étant quelqu'un qui 'dit toujours du mal des autres', 'toujours à s'inventer des histoires et des vies', capable de 'dénigrer ses employeurs', ce témoignage ne suffit pas à considérer établie la persistance d'un comportement puéril et malsain de Mme [O] à l'égard de sa collègue de travail et la preuve des faits dénoncés par Mme [C] [F]. Au bénéfice du doute qui profite à Mme [O] il n'est pas établi que la salariée aurait, postérieurement à l'avertissement notifié en octobre 2016, exercé vis-à-vis de Mme [C] [F], des comportements harcelants.

En revanche, il ressort des témoignages concordants de deux clients du cabinet d'avocats, à savoir M. [K], qui indique que sans qu'il l'ait interrogée, Mme [O] lui a ouvertement déclaré qu'elle ne s'entendait pas avec sa collègue de travail, qui était absente ce jour-là, qu'il y avait un malaise permanent quand elles travaillaient ensemble et qu'elle regrettait de l'avoir aidé à obtenir son poste de secrétaire, et Mme [D], qui atteste de 'l'ambiance tendue, faible mot, délétère serait plus exact du secrétariat surtout d'une personne vis-à-vis de sa collègue de travail [...] j'ai eu droit à des propos très déplacés de votre secrétaire [...] les propos sur la dénommée [A], ne me regardent en rien et je ne comprends pas cette attitude qui nuit à votre cabinet', que Mme [O] a pu dénigrer [A] [C] [F] en l'absence de cette dernière auprès de la clientèle de la SELARL.

Ce grief sera jugé établi.

En outre, en ce qui concerne la cliente [D], il ressort du message adressé par cette cliente au cabinet qu'elle n'a pu rencontrer Maître [Y] comme elles en avaient convenu pour lui remettre des documents, Mme [O] lui ayant affirmé que l'avocate était absente ce qui n'était pas le cas. Les explications de la salariée selon lesquelles elle ignorait la présence de l'avocate dans son bureau au motif que celle-ci ne lui adressait plus la parole depuis son retour d'arrêt maladie, ne sont étayées par aucun élément. L'explication selon laquelle elle aurait pu croire à son absence dans la mesure où il était mentionné sur son agenda des audiences de mise en état ne sont pas convaincantes eu égard à l'expérience de l'appelante.

En ce qui concerne la gestion du dossier urgent confié par la MAIF, il est établi que le 26 juin 2018, Mme [O] a indiqué à un gestionnaire de la MAIF qui souhaitait saisir le cabinet d'un dossier urgent d'adresser un mail à Maître [R], qui était ce jour là en audience, sans en aviser Maître [Y] présente au cabinet, alors même que cette dernière est plus particulièrement en charge de ce client, ce que Mme [O] ne prétend pas avoir ignoré. En effet, il ressort de la correspondance adressée le 27 juin 2018 par la MAIF à la SELARL qu'elle avait adressé cette mission et les pièces de ce dossier urgent, la veille, par mail à Maître [R], et ce sur les conseils de l'une des assistantes, et du compte-rendu de l'entretien préalable renseigné par le conseiller de la salariée que Mme [O] n'a pas contesté avoir fourni cette instruction au gestionnaire de la MAIF.

Toutefois, la salariée objecte depuis ses conclusions de première instance, contrairement à ce que prétend l'employeur, avoir renseigné le logiciel SECIB afin que les associés du cabinet soient informés de ce dossier. L'employeur le conteste sans pour autant établir l'absence d'alerte posée par la salariée sur ce logiciel. Au bénéfice du doute, le fait pour la salariée de ne pas avoir renseigné ce logiciel ne sera pas considéré comme démontré. Seul sera retenu à l'encontre de la salariée le fait d'avoir orienté le gestionnaire de la MAIF vers Maître [R] et non Maître [Y], sans explication cohérente de la part de cette secrétaire expérimentée.

Enfin, il est constant que Mme [O] n'est pas venue travailler le vendredi 11 mai 2018 sans justifier du motif médical qu'elle a invoqué lorsqu'elle a prévenu par téléphone de son absence le matin à 8H30, observation faite que cette absence est effectivement advenue la veille d'un départ en congés payés, au cours d'un mois où de nombreux jours fériés affectaient l'activité du secrétariat et un vendredi, jour où Mme Mme [C] [F] travaille pour le compte de M. [V], son second employeur, autant d'éléments de nature à accréditer l'impact que cette absence a pu entraîner sur l'activité du cabinet.

Sans caractériser la faute grave rendant impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise, nonobstant l'avertissement dont elle avait fait l'objet en octobre 2016, les seuls griefs ci-avant identifiés comme établis, lesquels se sont produits sur une courte période de temps, constituent des manquements de la salariée à ses obligations contractuelles caractérisant une faute réelle et suffisamment sérieuse pour justifier la rupture du contrat de travail.

Il s'ensuit que, nonobstant la chronologie invoquée par la salariée, son licenciement est sans lien avec les restrictions médicales prescrites par le médecin du travail à l'occasion de la reprise du travail en avril 2018.

Par suite le jugement sera réformé de ce chef, et il sera dit que le licenciement reposait, non pas sur une faute grave privative de l'indemnité de préavis et de licenciement, mais sur une cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnisation du licenciement :

Au jour de la rupture, Mme [O] âgée de 50 ans bénéficiait d'une ancienneté de plus de 16 ans et 4 mois au sein de la SELARL [G] [R] [Y] qui employait moins de onze salariés. Elle percevait un salaire mensuel brut de 1 894,01 euros, primes de 13ème mois et d'ancienneté comprises.

Le licenciement ne reposant pas sur une faute grave, la salariée est fondée à solliciter un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire qui est injustifiée. Au vu des fiches de paye, la société sera condamnée de ce chef au paiement de la somme de 812,95 euros bruts, outre celle de 81,30 euros au titre des congés payés afférents.

La salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, correspondant, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à la rémunération brute qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé pendant la période du délai-congé.

Au vu de la durée du préavis, fixée à deux mois tenant son ancienneté, et du montant de son salaire, il sera alloué à Mme [O] une indemnité compensatrice de préavis de 3 787,79 euros bruts outre 378,78 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Calculée sur la base d'une ancienneté au terme du préavis auquel elle avait droit, de 16 ans et 6 mois, du salaire de référence, l'indemnité de licenciement à laquelle la société sera condamnée sera fixée 8 838,17 euros.

Sur le caractère vexatoire du licenciement :

Le seul fait que l'employeur ait mis à pied conservatoire la salariée et qu'il lui a demandé, à l'occasion de la remise en main propre de sa convocation, de lui remettre la clé de son bureau, ne suffit à établir le caractère brutal ou vexatoire du licenciement et caractériser une faute de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef.

Sur l'indemnisation de l'exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l'obligation de formation :

Suite à l'erreur commise par l'employeur lors de l'établissement de l'attestation de salaire, consécutif à son accident de travail, la salariée a perçu un indu d'indemnités journalières dont le montant lui a été justement réclamé par la CPAM. Alors que l'appelante a obtenu de la commission de recours amiable, une remise partielle de cet indu, Mme [O] ne justifie d'aucun préjudice en lien avec cette simple erreur de l'employeur.

L'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail, et doit veiller à maintenir leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

En l'absence de moyen nouveau et de pièce nouvelle, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges, relevant que la salariée n'avait suivi durant les 16 années de la relation contractuelle qu'une seule formation qualifiante, ont considéré que la société d'avocats n'avait pas satisfait à son obligation de ce chef et ont justement apprécié son préjudice en lui accordant une indemnité de 1 000 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires :

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale portent intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

Il sera ordonné à l'employeur de remettre au salarié les documents de fin de contrat régularisés, mais sans astreinte laquelle n'est pas nécessaire à assurer l'exécution de cette injonction.

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [O] qui succombe en ses prétentions est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme le jugement en ce qu'il a, d'une part, condamné la SELARL [G] [R] [Y] à payer à Mme [O] la somme de 1 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation, outre celle de 960 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, d'autre part débouté Mme [O] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire et pour exécution déloyale du contrat de travail,

L'infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour,

Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,

Juge la faute grave non démontrée et dit que le licenciement repose sur une faute constituant une cause réelle et sérieuse,

Condamne en conséquence la SELARL [G] [R] [Y] à payer à Mme [O] les sommes suivantes :

- 812,95 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre 81,30 euros au titre des congés payés afférents,

- 3 787,79 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 378,78 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 838,17 euros à titre d'indemnité de licenciement,

- 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les créances de nature contractuelle sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues, et à compter de chaque échéance devenue exigible, s'agissant des échéances postérieures à cette date, et que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle-emploi, solde de tout compte et certificat de travail) conformes à la présente décision dans le délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt,

Rejette la demande d'astreinte,

Rejette la demande formulée sur le fondement de l'article 11 du décret n° 2001- 212 du 8 mars 2001, ayant modifié le décret tarifaire du 12 décembre 1996 portant fixation du tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale, abrogé par le décret n°2016-230 du 26 février 2016.

Condamne la SELARL [G] [R] [Y] aux entiers dépens.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Marie-Lydia VIGINIER, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT