Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 4-1, 19 janvier 2024, n° 20/10963
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 19 JANVIER 2024
N° 2024/009
Rôle N° RG 20/10963 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQCM
S.A. LA POSTE
C/
[X] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
19 JANVIER 2024
à :
Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 05 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00125.
APPELANTE
S.A. LA POSTE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMEE
Madame [X] [S], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Laëtitia CUBAUD-MAHUT, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique SOULIER, Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024
Signé par Mme Véronique SOULIER, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [X] [S] a été engagée par la SA LA POSTE suivant contrat de travail à durée déterminée de remplacement, à compter du 28 février 1996, en qualité d'assistante, agent administratif, service central. La relation de travail s'est poursuivie par un contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1998.
Au dernier état des relations contractuelles Mme [S] occupait les fonctions de gestionnaire de clientèle professionnelle.
Mme [S] a été désignée en qualité de représentante syndicale CGT au CHSCT du niveau opérationnel déconcentré (NOD), le 19 décembre 2016.
Par courrier du 19 juillet 2017, Mme [S] a été mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 25 juillet 2017, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé le 9 août 2017 et, par courrier du 10 août 2017, elle a été convoquée devant la commission consultative paritaire le 23 août 2017 en vue de statuer sur la sanction de licenciement.
Par courrier du 12 septembre 2017, Mme [S] a été licenciée pour une cause réelle, pour les motifs suivants :
'Nous avons eu à déplorer de votre part un comportement professionnel de nature à rendre impossible la poursuite de votre contrat de travail.
En effet, le 5 janvier 2017, le Directeur de Secteur (DS) du bureau de [Localité 3] reçoit une cliente qui l'informe qu'elle a déposé une réclamation relative à l'envoi d'un courrier non parvenu à ses destinataires.
Elle relate que le 7 décembre 2016, elle a acheté 2 cartes CADO d'un montant unitaire de 50 € qu'elle a expédiées le 8 décembre 2016 par lettre suivie au bureau de [Localité 3].
Le DS a alors contacté le prestataire CADO qui a indiqué que les cartes CADO ont été utilisées entre le 10 et le 23 décembre 2016.
Les 7 et 10 janvier 2017, deux plaintes contre inconnu sont déposées respectivement par la cliente et le Directeur de Secteur (DS) de La Poste.
Au vu de ces éléments, le Directeur Régional par intérim Alpes Provence demande, le 19 janvier 2017, la saisine du Service National d'Enquêtes (SNE) de La Poste qui y réserve une suite favorable.
Le rapport du SNE en date du 24 juillet 2017 démontre que :
- c'est sous votre identifiant qu'a été enregistrée la lettre suivie.
- celle-ci n'est pas recensée dans l'application Tracéo ce qui signifie que la lettre suivie n'est jamais rentrée dans le circuit de distribution.
- la première carte CADO, dont le numéro correspond à l'une de celles achetées par la cliente, a été utilisée dans son intégralité pour un achat d'un montant de 50 € le 10 décembre 2016 dans le magasin Intersport de [Localité 3]; le commerçant n'a pu fournir d'éléments sur la nature de l'achat.
- la seconde carte CADO, dont le numéro correspond à l'une de celles achetées par la cliente, a été utilisée partiellement le 17 décembre 2016 pour un achat d'un montant de 32,89 € dans ce même magasin; le solde de la carte s'élève à 7,11 €. Le commerçant n'a pu fournir d'éléments sur la nature de l'achat.
- le reliquat de la seconde carte a été utilisé dans le magasin Joué Club Charly de [Localité 3] pour un achat d'un montant de 24,99 € le 23 décembre 2016, pour lequel le commerçant a fourni le ticket de caisse. Celui-ci fait état des sommes réglées et des moyens de paiement utilisés, à savoir: le ticket de paiement de la somme de 17,11 € correspondant au solde de la carte CADO utilisée le 17 décembre 2016 et le ticket de la carte bleue utilisée pour le « reste à régulariser» d'un montant de 7,88 €.
- le Centre Financier de [Localité 4] a établi que cette carte bleue vous appartient.
En conséquence, les griefs retenus à votre encontre sont les suivants :
Atteintes à la probité matérialisées par :
- le détournement et la spoliation d'une lettre suivie contenant 2 cartes CADO d'une valeur totale de 100 € générant un préjudice pour la cliente.
- l'utilisation frauduleuse de ces titres à des fins personnelles.
- contravention aux dispositions de l'article 16 du Règlement Intérieur de La Poste en vigueur au moment des faits.
Ces faits constituent un manquement à vos obligations professionnelles qui exigent :
' que vous exécutiez les tâches qui vous ont été confiées conformément à votre contrat de travail;
' que vous respectiez les engagements pris lors de votre prestation de serment et notamment que vous ne portiez pas atteinte à l'intégrité des envois confiés à La Poste;
' que vous respectiez le secret dû aux correspondances;
' que vous ne tentiez pas de voler le contenu de correspondances.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2017, vous avez été convoquée à un entretien préalable le 9 août 2017 auquel vous vous êtes présentée accompagnée de votre défenseur.
Conformément aux dispositions de la Convention commune, nous avons recueilli l'avis de la Commission Consultative Paritaire le 23 août 2017. Vous vous êtes présentée à cette Commission Consultative Paritaire accompagnée d'un défenseur.
Les explications que vous avez fournies lors de la procédure disciplinaire ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation au regard des faits que vous avez commis.
Par conséquent, au regard des éléments évoqués, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
La date de la première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de 2 mois que nous vous dispensons d'effectuer et qui vous sera néanmoins payé (...)'.
Contestant son licenciement, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains lequel, par jugement du 5 octobre 2020, a :
- dit et jugé que Mme [S] ne bénéfice pas du statut de salariée protégée en sa qualité de représentante syndicale au comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail de la SA La Poste.
- dit et jugé que la SA La Poste n'a pas commis d'erreur de procédure en ne demandant pas l'autorisation de licencier Mme [S] à l'inspection du travail.
- dit et jugé qu'il ne prononce pas la nullité du licenciement.
- débouté Mme [S] sur sa demande de la somme de 33.101,70 euros au titre des salaires dus entre le jour du licenciement et la fin de la période de son statut de salariée protégée.
- débouté Mme [S] sur sa demande de la somme de 39.722,04 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
- débouté Mme [S] sur sa demande de prescription des griefs invoqués à l'appui de son licenciement.
- dit et jugé qu' au vu des griefs invoqués le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.
- condamné la SA La Poste à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros (soit 16 mois d'après le barème 2020 et au vu du salaire moyen de Mme [S] de 2.206,78 euros) au titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- condamné la SA La Poste à verser à Mme [S] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté Mme [S] sur sa demande d'exécution provisoire.
- condamne la SA LA POSTE aux entiers dépens.
La SA LA POSTE a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023, à 11h40, elle demande à la cour de :
Statuant sur l'appel limité formé par la SA LA POSTE à l'encontre du jugement rendu le 5 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
Dit et jugé qu'au vu des griefs le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamné la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Condamné la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné la SA LA POSTE aux entiers dépens.
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
Débouté Mme [S] de sa demande de prescription des griefs invoqués à l'appui de son licenciement.
Débouté Mme [S] du surplus de ses demandes.
Statuant à nouveau sur les chefs de demandes critiqués :
- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
- condamner Mme [S] à payer à la SA La Poste 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Mme [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, avocats associés aux offres de droit.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023 à 16h32, Mme [S] demande à la cour de :
- en tant que de besoin, révoquer ou reporter l'ordonnance de clôture et admettre les écritures notifiées le 2 novembre 2013.
- confirmer le jugement rendu le 5 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains en ce qu'il a :
Dit et jugé que le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- l'infirmer sur le surplus et statuant à nouveau :
- dire et juger que le licenciement de Mme [S] repose sur des faits manifestement prescrits et infondés.
- dire et juger que le licenciement de Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- condamner la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- condamner la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
- condamner la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2023 à 16h34.
Suivant conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 6 novembre 2023, la SA LA POSTE demande de révoquer l'ordonnance de clôture du 2 novembre 2023 et admettre ses nouvelles écritures.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Alors que Mme [S] et la SA LA POSTE ne motivent pas leur demande révocation de l'ordonnance de clôture, il convient de considérer que les conclusions n°3 de l'appelante, qui ont été signifiées par RPVA le 2 novembre 2023 à 11h40, et les conclusions n°3 de l'intimée, qui ont été signifiées le 2 novembre 2023 à 16h32, sont recevables en ce qu'elles ont bien été signifiées avant que ne soit rendue l'ordonnance de clôture, à savoir le 2 novembre 2023 à 16h34.
A défaut de justifier d'une cause grave conformément aux dispositions de l'article 803 du code de procédure civile, les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture seront rejetées.
Ainsi, seules les conclusions signifiées par les parties le 2 novembre 2023 sont retenues par la cour, celles de l'appelante signifiées le 6 novembre 2023 étant irrecevables comme ayant été signifiées après la clôture de l'instruction, et ce conformément aux dispositions l'article 802 du code de procédure civile.
Sur la prescription des fautes invoquées à l'appui du licenciement
Mme [S] fait valoir qu'elle a été licenciée le 12 septembre 2017 au motif qu'elle aurait dérobé deux cartes 'CADO' au préjudice d'une cliente le 7 décembre 2016, soit près de neuf mois auparavant ; que dès le mois de janvier 2017 l'employeur avait une parfaite connaissance des faits suivants : la lettre suivie contenant les cartes 'CADO' avait été 'flashée' sous son identifiant, la lettre de suivie n'était pas entrée dans le circuit de distribution, les cartes cadeaux avaient été utilisées dans des commerces locaux à des dates et heures précises et un paiement complémentaire avait été réalisé dans l'un d'eux par carte bancaire ; que pour autant, la procédure disciplinaire a été engagée contre elle par la remise d'un courrier de convocation à entretien préalable du 19 juillet 2017, soit plus de six mois après la date à laquelle l'employeur a eu connaissance de ces faits relativement simples; que l'employeur disposait de toutes les informations sur le fondement desquels il a entendu la sanctionner sans avoir besoin de diligenter une enquête en saisissant le service national d'enquête (SNE) - qui a attendu près de six mois pour l'auditionner -, et il s'est servi de cette enquête, exclusivement à charge, pour épier sa salariée, y compris ses comptes bancaires, dans l'espoir de trouver d'autres motifs de licenciement.
La SA LA POSTE conclut qu'elle n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à la salariée qu'à l'issue de l'enquête réalisée par le service national d'enquête, et non à compter de la réclamation de la cliente, et qu'elle a engagé la procédure de licenciement dès réception du rapport. Cette enquête n'a pas été simple puisqu'elle a nécessité de longues investigations ayant consisté à remonter la chaîne des faits depuis les envois des cartes 'CADO' jusqu'à leur utilisation, ce que les annexes du rapport établissent. Ainsi, alors que Mme [S] a produit des attestations de salariées de La Poste qui indiquent travailler parfois sous le numéro d'un autre agent de la Poste, c'est précisément pour éviter une erreur dans l'identification de l'agent concerné que l'enquête a pris du temps avant de permettre d'identifier Mme [S] comme étant l'utilisatrice des cartes 'CADO'.
* * *
Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail ' Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.'.
Le point de départ du délai est constitué par le jour où l'agissement fautif est personnalisé, c'est à dire au jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la SA LA POSTE a eu connaissance, le 5 janvier 2017, de faits probables de détournement de deux cartes 'CADO' suite à la réclamation d'une cliente. Les premières vérifications ont permis d'établir que la lettre de suivi contenant les cartes avait été enregistrée sous l'identifiant de Mme [S], que la lettre n'avait pas été recensée dans l'application Tracéo et que les cartes avaient été utilisées entre le 10 et le 23 décembre 2016. La SA LA POSTE a alors déposé plainte auprès des services de police, le 10 janvier 2017 et, au regard des premiers éléments insuffisants pour établir la réalité exacte des faits, leur ampleur et leur imputation à Mme [S], c'est à juste titre que le directeur régional a saisi, la 20 janvier 2017, le service national d'enquêtes (SNE) de La Poste pour qu'il soit procédé à des investigations plus approfondies.
Il ressort du rapport d'enquête et de ses annexes que des investigations ont bien été diligentées: recherches sur le dépôt des lettres suivies, recherches sur l'acheminement de la lettre suivie, recherches sur l'utilisation des cartes 'CADO' auprès du prestataire des cartes et auprès des commerçants et audition de Mme [S].
Ainsi, si dès le mois de janvier 2015, la SA LA POSTE disposait de certaines informations, il n'en reste pas moins que celle-ci a eu une exacte connaissance des faits et de l'implication de Mme [S] dans le déroulement des dits faits, notamment par l'utilisation de sa carte bancaire en complément de l'utilisation d'une carte 'CADO', qu'à l'issue de l'ensemble des investigations menées par le SNE et des ses conclusions consignées dans son rapport déposé le 24 juillet 2017 selon lesquelles 'l'enquête démontre de manière irréfutable que, malgré ses dénégations, Mme [X] [S], Gestionnaire de Clientèle (Gescli), ACC2-3, en fonction au bureau de [Localité 3] RP, a détourné un courrier qui lui avait été remis par une cliente, avant de l'utiliser frauduleusement dans les commerces de [Localité 3] les cartes CADO que cet envoi contenait'.
Ainsi, nonobstant le fait que Mme [S] conteste les conclusions du rapport du SNE, c'est sur la base de ce rapport, déposé le 24 juillet 2017, qui formalise la réalité, la nature et l'ampleur des faits reprochés à Mme [S], que la SA LA POSTE a engagé les poursuites disciplinaires à l'encontre de la salariée, dès le 25 juillet 2017, et dont les conclusions ont servi de fondement à la motivation du licenciement de la salariée.
Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la prescription des faits fautifs sera rejetée.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Pour sa part, l'employeur, pour étayer les motifs du licenciement, produit la prestation de serment de Madame [S] du 12 mars 1996, la plainte de Mme [U], la plainte de la SA La Poste, le mail de M.[Z] à Mme [D], la demande de saisine du service national d'enquête du 19 janvier 2017, l'accusé réception de la demande d'enquête du 20 janvier 2017, la lettre de convocation de Mme [S] à une audition du 17 juillet 2017, la lettre mise à pied conservatoire du 19 juillet 2017et le rapport d'enquête du 24 juillet 2017 et ses annexes.
Mme [S] conteste les faits qui lui sont reprochés. Elle conteste d'une part avoir détourné de la correspondance de Mme [U] expliquant qu'un client peut être servi par n'importe quel agent présent au guichet et qui n'entre pas forcément son numéro d'identification et utilise un numéros qui n'est pas le sien, ce dont attestent Mme [V] et Mme [G]. Son identifiant n'apparaît pas sur le guichet jusqu'à 10 :44 :12 et le relevé des opérations du guichet indique qu'à 10 : 45 elle était en train de vendre une boîte postale à un autre client de sorte que la théorie développée par l'employeur selon laquelle elle aurait 'flashé' le courrier suivi à 10h44 puis détourné ladite lettre en moins d'une minute, alors qu'un autre client attendant et a été servi immédiatement après, lui apparaît improbable. Selon Mme [S], la lettre a très bien pu être 'flashée' par un autre agent ou encore ne pas entrer dans le circuit de distribution sans avoir pour autant été détournée, ce qui arrive très régulièrement.
Elle conteste d'autre part les faits de vols des cartes 'CADO' et les avoir utilisées pour ses besoins personnels. Elle indique qu'elle achetait pour elle-même et ses proches à chaque fin d'année des cartes 'CADO' en vue de les offrir ou d'acheter des cadeaux car cela contribuait à la réalisation de son chiffre d'affaires. Elle indique également qu'il lui arrivait régulièrement de laisser ses cartes sur l'îlot quand elle servait un client et émet l'hypothèse que les cartes 'CADO' achetées par Mme [U] auraient pu être échangées par inadvertance avec celles qu'elle avait elle-même achetées. Mme [S] soutient encore qu'aucun document émanant du prestataire des cartes 'CADO' ne vient confirmer que lesdites cartes auraient bien été activées auprès de commerces aux dates indiquées (magasin INTERSPORT le 10 décembre 2016 et le 17 décembre 2016). Concernant le magasin JOUET CLUB, les tickets fournis ne permettent pas de dire quel est le numéro de la carte 'CADO' ayant permis de financer une partie de l'achat. Enfin, Mme [S] indique que la procédure pénale a fait l'objet d'un classement sans suite.
* * *
Il ressort cependant de la plainte déposée par Mme [U] qu'elle relate avoir acheté deux cartes 'CADO' le 7 décembre 2016 et être revenue le lendemain au bureau de poste, soit le 8 décembre 2016, avec un pli déjà cacheté contenant les deux cartes destiné à être adressé à sa nièce et son neveu qu'elle voulait expédier en lettre suivi. Ainsi, l'hypothèse de Mme [S] d'un échange par inadvertance de cartes posées sur l'îlot de l'accueil, doit être écartée, d'autant que Mme [S] ne rapporte pas la preuve que, dans le même temps des faits, elle avait acheté des cartes 'CADO' pour ses besoins personnels.
Par ailleurs, il ressort de l'annexe 3 du rapport que la lettre suivie a bien été 'flashée' et enregistrée sous le numéro d'identifiant de Mme [S], le 8 décembre 2016 à 10h44, mais n'est pas 'tracée' dans l'application de suivi du courrier 'Traceo', ce qui confirme un détournement de la lettre dès son dépôt le 8 décembre 2016. Mme [S] ne conteste pas sa présence à l'accueil et le fait qu'elle recevait des clients puisqu'elle reconnaît avoir enregistré une prestation pour un autre client à 10h45.
Il ressort à la fois des indications fournies par le distributeur des cartes 'CADO' et des investigations du service d'enquête que l'une carte a été utilisée le 10 décembre 2016 dans le magasin Intersport et l'autre, le 17 décembre 2016, dans le magasin Intersport pour un achat de 32,89 euros et le 23 décembre 2016 dans le magasin Jouet Club pour un achat de 24,99 euros. Ce dernier achat a été financé par le solde de la seconde carte, soit 17,11 euros, et par un complément payé par carte bancaire, soit 7,88 euros. Le rapport d'enquête contient le ticket d'achat de 24,99 euros, le ticket de paiement de la carte de 17,11 euros émis le 23 décembre 2016 à 15h57 et le ticket de la carte bancaire de 7,88 euros émis le 23 décembre 2016 à 15h58. Il n'est pas contesté par Mme [S] que la carte bancaire ayant servie à payer la somme de 7,88 euros, correspondant au complément de l'achat, est bien la sienne, fait confirmé par l'annexe 6 du rapport comportant les numéros de compte de Mme [S].
Ainsi, même si Mme [M] et Mme [G] attestent qu'il peut leur arriver, parfois, de travailler à l'accueil, 'sous le code d'un autre collègue', il est établi que, pour le cas d'espèce, la lettre suivie contenant les cartes a été 'flashée' et enregistrée sous le numéro d'identifiant de Mme [S] et les cartes ont été utilisées pour procéder à des achats dont une partie a été financée avec la carte bancaire personnelle de Mme [S].
Les éléments produits permettent assurément d'établir les motifs du licenciement de Mme [S] à savoir des atteintes à la probité matérialisées par le détournement et la spoliation d'une lettre suivie contenant deux cartes 'CADO', par l'utilisation frauduleuse de ces titres à des fins personnelles et par un manquement à ses obligations professionnelles.
Mme [S] conclut au caractère particulièrement disproportionné de la mesure de licenciement au regard de son ancienneté, de l'absence d'antécédent disciplinaire, de ses promotions professionnelles régulières, des appréciations favorables de ses supérieurs hiérarchiques et de la somme modique en litige (100 euros).
Cependant, nonobstant la valeur des cartes détournées, les faits imputables à Mme [S] constituent une violation caractérisée des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle justifie la mesure de licenciement et ce malgré l'absence de sanction disciplinaire antérieure et malgré l'ancienneté de la salariée.
La cause réelle et sérieuse du licenciement est donc établie.
Ainsi, par infirmation du jugement, il convient de débouter Mme [S] de ses demandes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral
Mme [S] invoque des circonstances vexatoires qui s'apparentent à de la discrimination syndicale, comme l'atteste M. [Y] qui explique dans une attestation qu'elle n'a pas bénéficié du même traitement que d'autres agents, ni de la présomption d'innocence. Mme [S] soutient que la SA LA POSTE a voulu la sanctionner plus lourdement, sans raison objective, dans le but de l'évincer en raison des responsabilités syndicales qu'elle avait acceptées d'assurer au sein du CHSCT. Elle fait encore valoir qu'elle n'a pas été en mesure de préparer sa défense en ce qu'elle a été avisée cinq minutes avant la tenue de l'entretien avec l'employeur et en ce qu'elle n'a pas pu être assistée lors de cetentretien. Par ailleurs, elle indique que la SA LA POSTE l'a espionnée, a fouillé sa vie privée, notamment en consultant ses comptes bancaires avec ses indentifiants personnels, a déposé plainte contre elle, ce qui l'a contrainte à être auditionnée par la police. Elle explique que cette situation l'a profondément affectée et elle a été placée en arrêt de travail.
La SA LA POSTE réplique qu'aucune demande n'est formée au titre d'une prétendue discrimination syndicale, qu'il n'existe aucun lien entre le licenciement de Mme [S] et sa désignation en qualité de représentante syndicale au CHSCT, qu'elle conteste avoir fouillé dans la vie privée de la salariée et que le lien entre le licenciement et la dépression de Mme [S] n'est pas établi.
* * *
S'il est constant que Mme [S] avait été désignée en qualité de représentante syndicale au CHSCT, dès lors qu'il est également établi que le licenciement de la salariée est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, la SA LA POSTE rapporte la preuve que sa décision de licencier Mme [S] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.
Mme [S] produit l'attestation de M. [Y], cadre et défenseur de Mme [S], qui indique 'avoir des doutes sur l'impartialité de cette sanction', considère que Mme [S] n'a 'pas bénéficié de la présomption d'innocence' et invoque une disparité de sanctions entre les agents.
Néanmoins, les affirmations de M. [Y] ne sont justifiées par aucune pièce et constituent de simples allégations imprécises et appréciations subjectives de son auteur.
De plus, Mme [S] ne produit aucun élément établissant que la SA LA POSTE aurait fouillé dans sa vie privée et le seul élément produit dans le rapport d'enquête est la consultation de la liste des numéros des comptes dont elle est titulaire auprès de la SA LA POSTE et qui a permis de déterminer l'imputabilité de la faute à la salariée.
La procédure de licenciement a été respectée et l'entretien évoqué par la salarié est celui du 19 juillet 2017 au cours duquel la mise à pied conservatoire lui a été notifiée oralement puis confirmée par écrit du même jour. La SA La Poste a pu légitimement déposer plainte et elle ne saurait être tenue pour responsable de la convocation de Mme [S] par le service enquêteur.
Ainsi, aucune faute ne peut être reprochée à la SA LA POSTE et, par confirmation du jugement, il convient de débouter Mme [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de laisser à la charge de la SA LA POSTE les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en cause d'appel.
Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Mme [S], partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Rejette les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et déclare irrecevables les conclusions de l'appelante signifiées le 6 novembre 2023,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relative à la cause réelle et sérieuse du licenciement, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [X] [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [X] [S] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute la SA LA POSTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
Condamne Mme [X] [S] aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, avocats associés aux offres de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 19 JANVIER 2024
N° 2024/009
Rôle N° RG 20/10963 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQCM
S.A. LA POSTE
C/
[X] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
19 JANVIER 2024
à :
Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DIGNE-LES-BAINS en date du 05 Octobre 2020 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/00125.
APPELANTE
S.A. LA POSTE, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Françoise BOULAN de la SELARL BOULAN-CHERFILS-IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Chrystelle MICHEL, avocat au barreau D'AVIGNON
INTIMEE
Madame [X] [S], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Layla TEBIEL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Laëtitia CUBAUD-MAHUT, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Véronique SOULIER, Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 19 Janvier 2024
Signé par Mme Véronique SOULIER, Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Mme [X] [S] a été engagée par la SA LA POSTE suivant contrat de travail à durée déterminée de remplacement, à compter du 28 février 1996, en qualité d'assistante, agent administratif, service central. La relation de travail s'est poursuivie par un contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1998.
Au dernier état des relations contractuelles Mme [S] occupait les fonctions de gestionnaire de clientèle professionnelle.
Mme [S] a été désignée en qualité de représentante syndicale CGT au CHSCT du niveau opérationnel déconcentré (NOD), le 19 décembre 2016.
Par courrier du 19 juillet 2017, Mme [S] a été mise à pied à titre conservatoire.
Par courrier du 25 juillet 2017, Mme [S] a été convoquée à un entretien préalable à une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement, fixé le 9 août 2017 et, par courrier du 10 août 2017, elle a été convoquée devant la commission consultative paritaire le 23 août 2017 en vue de statuer sur la sanction de licenciement.
Par courrier du 12 septembre 2017, Mme [S] a été licenciée pour une cause réelle, pour les motifs suivants :
'Nous avons eu à déplorer de votre part un comportement professionnel de nature à rendre impossible la poursuite de votre contrat de travail.
En effet, le 5 janvier 2017, le Directeur de Secteur (DS) du bureau de [Localité 3] reçoit une cliente qui l'informe qu'elle a déposé une réclamation relative à l'envoi d'un courrier non parvenu à ses destinataires.
Elle relate que le 7 décembre 2016, elle a acheté 2 cartes CADO d'un montant unitaire de 50 € qu'elle a expédiées le 8 décembre 2016 par lettre suivie au bureau de [Localité 3].
Le DS a alors contacté le prestataire CADO qui a indiqué que les cartes CADO ont été utilisées entre le 10 et le 23 décembre 2016.
Les 7 et 10 janvier 2017, deux plaintes contre inconnu sont déposées respectivement par la cliente et le Directeur de Secteur (DS) de La Poste.
Au vu de ces éléments, le Directeur Régional par intérim Alpes Provence demande, le 19 janvier 2017, la saisine du Service National d'Enquêtes (SNE) de La Poste qui y réserve une suite favorable.
Le rapport du SNE en date du 24 juillet 2017 démontre que :
- c'est sous votre identifiant qu'a été enregistrée la lettre suivie.
- celle-ci n'est pas recensée dans l'application Tracéo ce qui signifie que la lettre suivie n'est jamais rentrée dans le circuit de distribution.
- la première carte CADO, dont le numéro correspond à l'une de celles achetées par la cliente, a été utilisée dans son intégralité pour un achat d'un montant de 50 € le 10 décembre 2016 dans le magasin Intersport de [Localité 3]; le commerçant n'a pu fournir d'éléments sur la nature de l'achat.
- la seconde carte CADO, dont le numéro correspond à l'une de celles achetées par la cliente, a été utilisée partiellement le 17 décembre 2016 pour un achat d'un montant de 32,89 € dans ce même magasin; le solde de la carte s'élève à 7,11 €. Le commerçant n'a pu fournir d'éléments sur la nature de l'achat.
- le reliquat de la seconde carte a été utilisé dans le magasin Joué Club Charly de [Localité 3] pour un achat d'un montant de 24,99 € le 23 décembre 2016, pour lequel le commerçant a fourni le ticket de caisse. Celui-ci fait état des sommes réglées et des moyens de paiement utilisés, à savoir: le ticket de paiement de la somme de 17,11 € correspondant au solde de la carte CADO utilisée le 17 décembre 2016 et le ticket de la carte bleue utilisée pour le « reste à régulariser» d'un montant de 7,88 €.
- le Centre Financier de [Localité 4] a établi que cette carte bleue vous appartient.
En conséquence, les griefs retenus à votre encontre sont les suivants :
Atteintes à la probité matérialisées par :
- le détournement et la spoliation d'une lettre suivie contenant 2 cartes CADO d'une valeur totale de 100 € générant un préjudice pour la cliente.
- l'utilisation frauduleuse de ces titres à des fins personnelles.
- contravention aux dispositions de l'article 16 du Règlement Intérieur de La Poste en vigueur au moment des faits.
Ces faits constituent un manquement à vos obligations professionnelles qui exigent :
' que vous exécutiez les tâches qui vous ont été confiées conformément à votre contrat de travail;
' que vous respectiez les engagements pris lors de votre prestation de serment et notamment que vous ne portiez pas atteinte à l'intégrité des envois confiés à La Poste;
' que vous respectiez le secret dû aux correspondances;
' que vous ne tentiez pas de voler le contenu de correspondances.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 juillet 2017, vous avez été convoquée à un entretien préalable le 9 août 2017 auquel vous vous êtes présentée accompagnée de votre défenseur.
Conformément aux dispositions de la Convention commune, nous avons recueilli l'avis de la Commission Consultative Paritaire le 23 août 2017. Vous vous êtes présentée à cette Commission Consultative Paritaire accompagnée d'un défenseur.
Les explications que vous avez fournies lors de la procédure disciplinaire ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation au regard des faits que vous avez commis.
Par conséquent, au regard des éléments évoqués, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse.
La date de la première présentation de cette lettre marquera le point de départ de votre préavis de 2 mois que nous vous dispensons d'effectuer et qui vous sera néanmoins payé (...)'.
Contestant son licenciement, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains lequel, par jugement du 5 octobre 2020, a :
- dit et jugé que Mme [S] ne bénéfice pas du statut de salariée protégée en sa qualité de représentante syndicale au comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail de la SA La Poste.
- dit et jugé que la SA La Poste n'a pas commis d'erreur de procédure en ne demandant pas l'autorisation de licencier Mme [S] à l'inspection du travail.
- dit et jugé qu'il ne prononce pas la nullité du licenciement.
- débouté Mme [S] sur sa demande de la somme de 33.101,70 euros au titre des salaires dus entre le jour du licenciement et la fin de la période de son statut de salariée protégée.
- débouté Mme [S] sur sa demande de la somme de 39.722,04 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.
- débouté Mme [S] sur sa demande de prescription des griefs invoqués à l'appui de son licenciement.
- dit et jugé qu' au vu des griefs invoqués le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.
- condamné la SA La Poste à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros (soit 16 mois d'après le barème 2020 et au vu du salaire moyen de Mme [S] de 2.206,78 euros) au titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- condamné la SA La Poste à verser à Mme [S] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- débouté Mme [S] sur sa demande d'exécution provisoire.
- condamne la SA LA POSTE aux entiers dépens.
La SA LA POSTE a interjeté appel de ce jugement.
Suivant conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023, à 11h40, elle demande à la cour de :
Statuant sur l'appel limité formé par la SA LA POSTE à l'encontre du jugement rendu le 5 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains :
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
Dit et jugé qu'au vu des griefs le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamné la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.
Condamné la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné la SA LA POSTE aux entiers dépens.
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
Débouté Mme [S] de sa demande de prescription des griefs invoqués à l'appui de son licenciement.
Débouté Mme [S] du surplus de ses demandes.
Statuant à nouveau sur les chefs de demandes critiqués :
- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires.
- condamner Mme [S] à payer à la SA La Poste 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Mme [S] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, avocats associés aux offres de droit.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2023 à 16h32, Mme [S] demande à la cour de :
- en tant que de besoin, révoquer ou reporter l'ordonnance de clôture et admettre les écritures notifiées le 2 novembre 2013.
- confirmer le jugement rendu le 5 octobre 2020 par le conseil de prud'hommes de Digne-les-Bains en ce qu'il a :
Dit et jugé que le licenciement de Mme [S] est sans cause réelle et sérieuse.
Condamne la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- l'infirmer sur le surplus et statuant à nouveau :
- dire et juger que le licenciement de Mme [S] repose sur des faits manifestement prescrits et infondés.
- dire et juger que le licenciement de Mme [S] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- condamner la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 35.308,48 euros au titre des dommages-intérêts pour licenciement abusif.
- condamner la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
- condamner la SA LA POSTE à verser à Mme [S] la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 novembre 2023 à 16h34.
Suivant conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 6 novembre 2023, la SA LA POSTE demande de révoquer l'ordonnance de clôture du 2 novembre 2023 et admettre ses nouvelles écritures.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Alors que Mme [S] et la SA LA POSTE ne motivent pas leur demande révocation de l'ordonnance de clôture, il convient de considérer que les conclusions n°3 de l'appelante, qui ont été signifiées par RPVA le 2 novembre 2023 à 11h40, et les conclusions n°3 de l'intimée, qui ont été signifiées le 2 novembre 2023 à 16h32, sont recevables en ce qu'elles ont bien été signifiées avant que ne soit rendue l'ordonnance de clôture, à savoir le 2 novembre 2023 à 16h34.
A défaut de justifier d'une cause grave conformément aux dispositions de l'article 803 du code de procédure civile, les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture seront rejetées.
Ainsi, seules les conclusions signifiées par les parties le 2 novembre 2023 sont retenues par la cour, celles de l'appelante signifiées le 6 novembre 2023 étant irrecevables comme ayant été signifiées après la clôture de l'instruction, et ce conformément aux dispositions l'article 802 du code de procédure civile.
Sur la prescription des fautes invoquées à l'appui du licenciement
Mme [S] fait valoir qu'elle a été licenciée le 12 septembre 2017 au motif qu'elle aurait dérobé deux cartes 'CADO' au préjudice d'une cliente le 7 décembre 2016, soit près de neuf mois auparavant ; que dès le mois de janvier 2017 l'employeur avait une parfaite connaissance des faits suivants : la lettre suivie contenant les cartes 'CADO' avait été 'flashée' sous son identifiant, la lettre de suivie n'était pas entrée dans le circuit de distribution, les cartes cadeaux avaient été utilisées dans des commerces locaux à des dates et heures précises et un paiement complémentaire avait été réalisé dans l'un d'eux par carte bancaire ; que pour autant, la procédure disciplinaire a été engagée contre elle par la remise d'un courrier de convocation à entretien préalable du 19 juillet 2017, soit plus de six mois après la date à laquelle l'employeur a eu connaissance de ces faits relativement simples; que l'employeur disposait de toutes les informations sur le fondement desquels il a entendu la sanctionner sans avoir besoin de diligenter une enquête en saisissant le service national d'enquête (SNE) - qui a attendu près de six mois pour l'auditionner -, et il s'est servi de cette enquête, exclusivement à charge, pour épier sa salariée, y compris ses comptes bancaires, dans l'espoir de trouver d'autres motifs de licenciement.
La SA LA POSTE conclut qu'elle n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à la salariée qu'à l'issue de l'enquête réalisée par le service national d'enquête, et non à compter de la réclamation de la cliente, et qu'elle a engagé la procédure de licenciement dès réception du rapport. Cette enquête n'a pas été simple puisqu'elle a nécessité de longues investigations ayant consisté à remonter la chaîne des faits depuis les envois des cartes 'CADO' jusqu'à leur utilisation, ce que les annexes du rapport établissent. Ainsi, alors que Mme [S] a produit des attestations de salariées de La Poste qui indiquent travailler parfois sous le numéro d'un autre agent de la Poste, c'est précisément pour éviter une erreur dans l'identification de l'agent concerné que l'enquête a pris du temps avant de permettre d'identifier Mme [S] comme étant l'utilisatrice des cartes 'CADO'.
* * *
Aux termes de l'article L.1332-4 du code du travail ' Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.'.
Le point de départ du délai est constitué par le jour où l'agissement fautif est personnalisé, c'est à dire au jour où l'employeur a une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés au salarié.
En l'espèce, il ressort des éléments du dossier que la SA LA POSTE a eu connaissance, le 5 janvier 2017, de faits probables de détournement de deux cartes 'CADO' suite à la réclamation d'une cliente. Les premières vérifications ont permis d'établir que la lettre de suivi contenant les cartes avait été enregistrée sous l'identifiant de Mme [S], que la lettre n'avait pas été recensée dans l'application Tracéo et que les cartes avaient été utilisées entre le 10 et le 23 décembre 2016. La SA LA POSTE a alors déposé plainte auprès des services de police, le 10 janvier 2017 et, au regard des premiers éléments insuffisants pour établir la réalité exacte des faits, leur ampleur et leur imputation à Mme [S], c'est à juste titre que le directeur régional a saisi, la 20 janvier 2017, le service national d'enquêtes (SNE) de La Poste pour qu'il soit procédé à des investigations plus approfondies.
Il ressort du rapport d'enquête et de ses annexes que des investigations ont bien été diligentées: recherches sur le dépôt des lettres suivies, recherches sur l'acheminement de la lettre suivie, recherches sur l'utilisation des cartes 'CADO' auprès du prestataire des cartes et auprès des commerçants et audition de Mme [S].
Ainsi, si dès le mois de janvier 2015, la SA LA POSTE disposait de certaines informations, il n'en reste pas moins que celle-ci a eu une exacte connaissance des faits et de l'implication de Mme [S] dans le déroulement des dits faits, notamment par l'utilisation de sa carte bancaire en complément de l'utilisation d'une carte 'CADO', qu'à l'issue de l'ensemble des investigations menées par le SNE et des ses conclusions consignées dans son rapport déposé le 24 juillet 2017 selon lesquelles 'l'enquête démontre de manière irréfutable que, malgré ses dénégations, Mme [X] [S], Gestionnaire de Clientèle (Gescli), ACC2-3, en fonction au bureau de [Localité 3] RP, a détourné un courrier qui lui avait été remis par une cliente, avant de l'utiliser frauduleusement dans les commerces de [Localité 3] les cartes CADO que cet envoi contenait'.
Ainsi, nonobstant le fait que Mme [S] conteste les conclusions du rapport du SNE, c'est sur la base de ce rapport, déposé le 24 juillet 2017, qui formalise la réalité, la nature et l'ampleur des faits reprochés à Mme [S], que la SA LA POSTE a engagé les poursuites disciplinaires à l'encontre de la salariée, dès le 25 juillet 2017, et dont les conclusions ont servi de fondement à la motivation du licenciement de la salariée.
Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de la prescription des faits fautifs sera rejetée.
Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement
Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi, l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
Pour sa part, l'employeur, pour étayer les motifs du licenciement, produit la prestation de serment de Madame [S] du 12 mars 1996, la plainte de Mme [U], la plainte de la SA La Poste, le mail de M.[Z] à Mme [D], la demande de saisine du service national d'enquête du 19 janvier 2017, l'accusé réception de la demande d'enquête du 20 janvier 2017, la lettre de convocation de Mme [S] à une audition du 17 juillet 2017, la lettre mise à pied conservatoire du 19 juillet 2017et le rapport d'enquête du 24 juillet 2017 et ses annexes.
Mme [S] conteste les faits qui lui sont reprochés. Elle conteste d'une part avoir détourné de la correspondance de Mme [U] expliquant qu'un client peut être servi par n'importe quel agent présent au guichet et qui n'entre pas forcément son numéro d'identification et utilise un numéros qui n'est pas le sien, ce dont attestent Mme [V] et Mme [G]. Son identifiant n'apparaît pas sur le guichet jusqu'à 10 :44 :12 et le relevé des opérations du guichet indique qu'à 10 : 45 elle était en train de vendre une boîte postale à un autre client de sorte que la théorie développée par l'employeur selon laquelle elle aurait 'flashé' le courrier suivi à 10h44 puis détourné ladite lettre en moins d'une minute, alors qu'un autre client attendant et a été servi immédiatement après, lui apparaît improbable. Selon Mme [S], la lettre a très bien pu être 'flashée' par un autre agent ou encore ne pas entrer dans le circuit de distribution sans avoir pour autant été détournée, ce qui arrive très régulièrement.
Elle conteste d'autre part les faits de vols des cartes 'CADO' et les avoir utilisées pour ses besoins personnels. Elle indique qu'elle achetait pour elle-même et ses proches à chaque fin d'année des cartes 'CADO' en vue de les offrir ou d'acheter des cadeaux car cela contribuait à la réalisation de son chiffre d'affaires. Elle indique également qu'il lui arrivait régulièrement de laisser ses cartes sur l'îlot quand elle servait un client et émet l'hypothèse que les cartes 'CADO' achetées par Mme [U] auraient pu être échangées par inadvertance avec celles qu'elle avait elle-même achetées. Mme [S] soutient encore qu'aucun document émanant du prestataire des cartes 'CADO' ne vient confirmer que lesdites cartes auraient bien été activées auprès de commerces aux dates indiquées (magasin INTERSPORT le 10 décembre 2016 et le 17 décembre 2016). Concernant le magasin JOUET CLUB, les tickets fournis ne permettent pas de dire quel est le numéro de la carte 'CADO' ayant permis de financer une partie de l'achat. Enfin, Mme [S] indique que la procédure pénale a fait l'objet d'un classement sans suite.
* * *
Il ressort cependant de la plainte déposée par Mme [U] qu'elle relate avoir acheté deux cartes 'CADO' le 7 décembre 2016 et être revenue le lendemain au bureau de poste, soit le 8 décembre 2016, avec un pli déjà cacheté contenant les deux cartes destiné à être adressé à sa nièce et son neveu qu'elle voulait expédier en lettre suivi. Ainsi, l'hypothèse de Mme [S] d'un échange par inadvertance de cartes posées sur l'îlot de l'accueil, doit être écartée, d'autant que Mme [S] ne rapporte pas la preuve que, dans le même temps des faits, elle avait acheté des cartes 'CADO' pour ses besoins personnels.
Par ailleurs, il ressort de l'annexe 3 du rapport que la lettre suivie a bien été 'flashée' et enregistrée sous le numéro d'identifiant de Mme [S], le 8 décembre 2016 à 10h44, mais n'est pas 'tracée' dans l'application de suivi du courrier 'Traceo', ce qui confirme un détournement de la lettre dès son dépôt le 8 décembre 2016. Mme [S] ne conteste pas sa présence à l'accueil et le fait qu'elle recevait des clients puisqu'elle reconnaît avoir enregistré une prestation pour un autre client à 10h45.
Il ressort à la fois des indications fournies par le distributeur des cartes 'CADO' et des investigations du service d'enquête que l'une carte a été utilisée le 10 décembre 2016 dans le magasin Intersport et l'autre, le 17 décembre 2016, dans le magasin Intersport pour un achat de 32,89 euros et le 23 décembre 2016 dans le magasin Jouet Club pour un achat de 24,99 euros. Ce dernier achat a été financé par le solde de la seconde carte, soit 17,11 euros, et par un complément payé par carte bancaire, soit 7,88 euros. Le rapport d'enquête contient le ticket d'achat de 24,99 euros, le ticket de paiement de la carte de 17,11 euros émis le 23 décembre 2016 à 15h57 et le ticket de la carte bancaire de 7,88 euros émis le 23 décembre 2016 à 15h58. Il n'est pas contesté par Mme [S] que la carte bancaire ayant servie à payer la somme de 7,88 euros, correspondant au complément de l'achat, est bien la sienne, fait confirmé par l'annexe 6 du rapport comportant les numéros de compte de Mme [S].
Ainsi, même si Mme [M] et Mme [G] attestent qu'il peut leur arriver, parfois, de travailler à l'accueil, 'sous le code d'un autre collègue', il est établi que, pour le cas d'espèce, la lettre suivie contenant les cartes a été 'flashée' et enregistrée sous le numéro d'identifiant de Mme [S] et les cartes ont été utilisées pour procéder à des achats dont une partie a été financée avec la carte bancaire personnelle de Mme [S].
Les éléments produits permettent assurément d'établir les motifs du licenciement de Mme [S] à savoir des atteintes à la probité matérialisées par le détournement et la spoliation d'une lettre suivie contenant deux cartes 'CADO', par l'utilisation frauduleuse de ces titres à des fins personnelles et par un manquement à ses obligations professionnelles.
Mme [S] conclut au caractère particulièrement disproportionné de la mesure de licenciement au regard de son ancienneté, de l'absence d'antécédent disciplinaire, de ses promotions professionnelles régulières, des appréciations favorables de ses supérieurs hiérarchiques et de la somme modique en litige (100 euros).
Cependant, nonobstant la valeur des cartes détournées, les faits imputables à Mme [S] constituent une violation caractérisée des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle justifie la mesure de licenciement et ce malgré l'absence de sanction disciplinaire antérieure et malgré l'ancienneté de la salariée.
La cause réelle et sérieuse du licenciement est donc établie.
Ainsi, par infirmation du jugement, il convient de débouter Mme [S] de ses demandes au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur la demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral
Mme [S] invoque des circonstances vexatoires qui s'apparentent à de la discrimination syndicale, comme l'atteste M. [Y] qui explique dans une attestation qu'elle n'a pas bénéficié du même traitement que d'autres agents, ni de la présomption d'innocence. Mme [S] soutient que la SA LA POSTE a voulu la sanctionner plus lourdement, sans raison objective, dans le but de l'évincer en raison des responsabilités syndicales qu'elle avait acceptées d'assurer au sein du CHSCT. Elle fait encore valoir qu'elle n'a pas été en mesure de préparer sa défense en ce qu'elle a été avisée cinq minutes avant la tenue de l'entretien avec l'employeur et en ce qu'elle n'a pas pu être assistée lors de cetentretien. Par ailleurs, elle indique que la SA LA POSTE l'a espionnée, a fouillé sa vie privée, notamment en consultant ses comptes bancaires avec ses indentifiants personnels, a déposé plainte contre elle, ce qui l'a contrainte à être auditionnée par la police. Elle explique que cette situation l'a profondément affectée et elle a été placée en arrêt de travail.
La SA LA POSTE réplique qu'aucune demande n'est formée au titre d'une prétendue discrimination syndicale, qu'il n'existe aucun lien entre le licenciement de Mme [S] et sa désignation en qualité de représentante syndicale au CHSCT, qu'elle conteste avoir fouillé dans la vie privée de la salariée et que le lien entre le licenciement et la dépression de Mme [S] n'est pas établi.
* * *
S'il est constant que Mme [S] avait été désignée en qualité de représentante syndicale au CHSCT, dès lors qu'il est également établi que le licenciement de la salariée est bien fondé sur une cause réelle et sérieuse, la SA LA POSTE rapporte la preuve que sa décision de licencier Mme [S] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale.
Mme [S] produit l'attestation de M. [Y], cadre et défenseur de Mme [S], qui indique 'avoir des doutes sur l'impartialité de cette sanction', considère que Mme [S] n'a 'pas bénéficié de la présomption d'innocence' et invoque une disparité de sanctions entre les agents.
Néanmoins, les affirmations de M. [Y] ne sont justifiées par aucune pièce et constituent de simples allégations imprécises et appréciations subjectives de son auteur.
De plus, Mme [S] ne produit aucun élément établissant que la SA LA POSTE aurait fouillé dans sa vie privée et le seul élément produit dans le rapport d'enquête est la consultation de la liste des numéros des comptes dont elle est titulaire auprès de la SA LA POSTE et qui a permis de déterminer l'imputabilité de la faute à la salariée.
La procédure de licenciement a été respectée et l'entretien évoqué par la salarié est celui du 19 juillet 2017 au cours duquel la mise à pied conservatoire lui a été notifiée oralement puis confirmée par écrit du même jour. La SA La Poste a pu légitimement déposer plainte et elle ne saurait être tenue pour responsable de la convocation de Mme [S] par le service enquêteur.
Ainsi, aucune faute ne peut être reprochée à la SA LA POSTE et, par confirmation du jugement, il convient de débouter Mme [S] de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront infirmées.
Il est équitable de laisser à la charge de la SA LA POSTE les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en cause d'appel.
Les dépens de première instance et d'appel seront à la charge de Mme [S], partie succombante par application de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et en matière prud'homale,
Rejette les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture et déclare irrecevables les conclusions de l'appelante signifiées le 6 novembre 2023,
Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relative à la cause réelle et sérieuse du licenciement, à l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [X] [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [X] [S] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Déboute la SA LA POSTE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,
Condamne Mme [X] [S] aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX-EN-PROVENCE, avocats associés aux offres de droit.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT