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Décisions

CA Colmar, ch. 1 a, 7 février 2024, n° 21/02335

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 21/02335

7 février 2024

MINUTE N° 63/24

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Thierry CAHN

Le 07.02.2024

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE - SECTION A

ARRET DU 07 Février 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 1 A N° RG 21/02335 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HSQV

Décision déférée à la Cour : 13 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de MULHOUSE - 1ère chambre civile

APPELANTS :

Monsieur [H] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [V] [Z] épouse [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.C.M. SOCAMI ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE venant aux droits de la SCM SOCAMI ALSACE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 13 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRET :

- Contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'assignation délivrée le 15 septembre 2015, par laquelle la société de cautionnement mutuel SCM SOCAMI Alsace, ci-après également dénommée 'la SOCAMI' ou 'la caution', aux droits de laquelle vient la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne, a fait citer M. [H] [N] et Mme [V] [Z], son épouse, ci-après également 'les époux [N]', devant le tribunal de grande instance, devenu le 1er janvier 2020, par application de l'article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 et de ses décrets d'application n° 2019-965 et 2019-966 du 18 septembre 2019, le tribunal judiciaire de Mulhouse,

Vu le jugement rendu le 13 avril 2021, auquel il sera renvoyé pour le surplus de l'exposé des faits, ainsi que des prétentions et moyens des parties en première instance, et par lequel le tribunal judiciaire de Mulhouse a statué comme suit :

'DECLARE recevables les notes en délibéré produites par les époux [H] et [V] [N] née [Z] d'une part et par la Société de caution mutuelle (SCM) SOCAMI ALSACE d'autre part ;

DECLARE la société de caution mutuelle (SCM) SOCAMI ALSACE recevable et bien fondée en ses demandes ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [H] [N] et Madame [V] [N] née [Z] à payer à la Société de caution mutuelle (SCM) SOCAMI ALSACE la somme de 12.023,53 euros (douze mille vingt-trois euros et cinquante-trois cents), majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015 ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [H] [N] et Madame [V] [N] née [Z] à payer à la Société de caution mutuelle (SCM) SOCAMI ALSACE la somme de 4.190,41 euros (quatre mille cent quatre-vingt-dix euros et quarante et un cents), majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015 ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [N] et Madame [V] [N] née [Z] à payer à la Société de caution mutuelle (SCM) SOCAMI ALSACE la somme de 1.200 euros (mille deux cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Monsieur [H] [N] et Madame [V] [N] née [Z] de leur demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [N] et Madame [V] [N] née [Z] aux dépens, à l'exclusion des frais liés à l'exécution forcée ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.'

Vu la déclaration d'appel formée par M. [H] [N] et Mme [V] [Z], épouse [N], contre ce jugement et déposée le 4 mai 2021,

Vu la constitution d'intimée de la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la Société de cautionnement mutuel SCM SOCAMI Alsace en date du 18 octobre 2021,

Vu les dernières conclusions en date du 22 juillet 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles M. [H] [N] et Mme [V] [Z], épouse [N] demandent à la cour de :

'Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Déclarer irrecevable et mal fondée la société SCM SOCAMI ALSACE intimée en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions et l'en débouter,

Condamner la société SCM SOCAMI ALSACE à verser à chacun des époux [N] la somme de 5 000 € au titre de leur préjudice moral,

Condamner la société SCM SOCAMI ALSACE à payer aux époux [N] la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens'

et ce, en invoquant, notamment :

- le mal fondé des demandes de la partie adverse, qui ne serait pas en droit de solliciter le paiement de sommes qui ne sont pas définitivement dues par ces derniers à la Banque Populaire, en raison de la responsabilité de la banque pour défaut de conseil,

- à ce titre, leur droit d'opposer à la caution les exceptions qu'ils sont en droit d'opposer au créancier principal,

- l'engagement de la responsabilité de la banque pour défaut de conseil, dès lors que les prêts en cause ont été accordés pour la construction d'une maison individuelle, impliquant une obligation de vérification des éléments requis par l'article L. 231-2 du code de la construction et de l'habitation (CCH), notamment la référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage, et également, au titre de son devoir d'information et de conseil, attirer l'attention sur le type de contrat afin que l'emprunteur ait pleine connaissance des conséquences de sa conclusion, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce malgré la qualification réelle du contrat de maîtrise d'oeuvre présenté aux concluants par la société Maisons Bogalis, et conclus antérieurement aux contrats de prêt, qualification évidente reconnue par le juge pénal, la banque n'ayant pas davantage recommandé la souscription d'un contrat d'assurance dommages ouvrage à des clients qui n'étaient pas des professionnels du bâtiment, et les ayant privés d'une chance de pouvoir bénéficier de la garantie de livraison à prix et délai convenus pour achever leur maison et percevoir les pénalités de retard,

- un préjudice correspondant d'une part, à la privation de la garantie de livraison et de l'assurance dommages-ouvrage prévues à l'article L 231-2 du CCH, alors qu'ils devaient toutefois rembourser les crédits souscrits pour la construction de l'immeuble et l'achat du terrain, et d'autre part à un préjudice moral, lié aux démarches et à leur volonté de simplement voir achever leur maison d'habitation, outre les pénalités de retard, qu'ils auraient été en droit de solliciter s'ils avaient bénéficié de la garantie de livraison à prix et délai convenus,

- la nécessité, en conséquence, pour la caution de se retourner contre la banque, au regard des sommes qu'elle a indûment versées au titre de caution en cas de condamnation de celle-ci au titre de sa responsabilité pour défaut de conseil, en l'absence d'opposabilité aux concluants des quittances subrogatives si les sommes payées par la caution à la banque ne sont pas dues définitivement à la banque par les concluants,

- le mal fondé de la banque à leur opposer le fait qu'ils aient été obligés d'intégrer la maison d'habitation, alors qu'ils n'avaient d'autre choix,

- la contestation du fait qu'ils auraient déjà obtenu la réparation de leurs préjudices, ce qui n'était, au demeurant, pas soulevé par la banque devant le premier juge qui l'a pourtant retenu, et ce alors que les concluants ne seraient pas en mesure de recouvrer les sommes obtenues sur intérêts civils à l'encontre de Mme [S] et concernant, en outre, un préjudice distinct,

- l'absence d'information et de conseil de la banque au titre du prêt en devises, peu important la possibilité de conversion et la signature des conditions particulières,

- le mal fondé des demandes adverses en paiement et en dommages-intérêts, au regard de la responsabilité de la banque.

Vu les dernières conclusions en date du 21 octobre 2021, auxquelles est joint un bordereau de pièces récapitulatif qui n'a fait l'objet d'aucune contestation des parties, et par lesquelles la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la SCM SOCAMI Alsace, demande à la cour de :

'REJETER l'appel principal.

REFORMER en partie la motivation du jugement sous cette réserve confirmer le jugement entrepris.

REJETER toutes prétentions de Monsieur et Madame [N] à l'encontre de la SOCAMI ALSACE LORRAINE CHAMPAGNE.

DECLARER toutes conclusions augmentatives par rapport aux écritures de première instance irrecevable et bien entendu subsidiairement mal fondés.

TRES SUBSIDIAIREMENT réduire dans une très large mesure les montants sollicités.

CONDAMNER Monsieur et Madame [N] aux entiers dépens ainsi qu'au versement d'un montant de 3.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile'

et ce, en invoquant, notamment :

- le rappel de l'argumentation retenue par le premier juge, en particulier quant à la responsabilité du banquier au titre du CCMI, le jugement entrepris devant, en conséquence, être confirmé, sous réserve des demandes de condamnations accessoires pour la procédure d'appel,

- l'identité de préjudice avec celui déjà indemnisé sur intérêts civils par la juridiction correctionnelle, nonobstant la différence de cause de ce préjudice,

- l'absence de qualification de CCMI du contrat de construction, contrairement à l'opinion des premiers juges, le devis correspondant aux obligations d'un contrat d'entreprise avec des artisans, tout comme le contrat lui-même qui comprend des éléments associés obligatoirement à un contrat d'entreprise mais pas ceux associés à un CCMI, la banque n'étant, en outre, pas tenue à une obligation de requalification,

- une mise en garde donnée aux emprunteurs quant à la nécessité de souscrire une assurance au regard de la qualification du contrat, les intéressés ayant fourni une attestation 'responsabilité civile' et 'décennale' dont ils auraient pu mettre en oeuvre les garanties, et subsidiairement, comme retenu par les premiers juges, l'absence de réunion des conditions de mise en oeuvre de l'assurance dommages ouvrage ;

- la prescription des demandes adverses au regard de la date de conclusion du contrat de construction,

- subsidiairement, l'absence de justification du préjudice qui ne peut correspondre qu'à une perte de chance,

- la régularité du prêt en francs suisses, le contrat rappelant l'information et le conseil et la 'mise en garde était suffisamment éclairée, étant rappelé d'ailleurs [que les appelants] perçoivent des revenus en Francs suisses.'

Vu l'ordonnance de clôture en date du 28 janvier 2022 et le renvoi de l'affaire à l'audience du 21 septembre 2022,

Vu la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 18 janvier 2023,

Vu la note déposée par la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne le 19 septembre 2023, à laquelle est joint l'arrêt rendu par cette cour le 9 novembre 2022, entre les époux [N] et la Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 20 septembre 2023 ;

Vu les débats à l'audience du 13 novembre 2023,

Vu le dossier de la procédure, les pièces versées aux débats et les conclusions des parties auxquelles il est référé, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour l'exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS :

Sur la demande principale en paiement :

La SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne, en tant qu'elle vient aux droits de la SOCAMI Alsace, caution des engagements des époux [N], entend poursuivre le paiement, par ces derniers, des sommes de 12 023,53 euros, et 4 190,41 euros, qu'elle a remboursées à la banque en exécution de sa garantie, recevant quittances subrogatives en date du 12 mai 2015 à hauteur des montants ainsi acquittés. Ces sommes correspondaient à la créance de la banque au titre de deux prêts d'un montant initial respectif de 18 100 euros et 7 400 euros, venant compléter un prêt immobilier principal d'un montant de 306 000 CHF souscrit à la suite de la conclusion, le 22 janvier 2010, d'un contrat par lequel les époux [N] avaient confié à Mme [S], exerçant sous l'enseigne 'Maisons Bogalis', la construction d'une maison à ossature bois.

La caution entend, en conséquence, exercer son recours subrogatoire, sur le fondement des articles 1250 et 1252 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, ce qui implique qu'elle est subrogée dans les droits de la banque, mais également que le débiteur peut opposer au subrogé les exceptions inhérentes à la dette, et en particulier les exceptions qu'il aurait pu opposer au créancier principal.

C'est à ce titre, que les époux [N] entendent opposer à la caution l'engagement de la responsabilité de la banque pour défaut de conseil, au titre de l'obligation de vérification des éléments requis dans le cadre d'un contrat de construction de maison individuelle (CCMI), plus particulièrement s'agissant de la garantie de livraison et de l'assurance dommage ouvrage. Ils invoquent également l'absence d'information et de conseil de la banque au titre du prêt en devises, c'est-à-dire le prêt principal numéroté 09034078 d'un montant initial de 306 000 CHF.

Dans ce contexte, la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne verse aux débats l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, et par lequel la cour de céans :

'Infirme le jugement rendu le 2 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse en ce qu'il a rejeté les demandes indemnitaires des époux [N] au titre d'un préjudice financier pour manquement à l'obligation de conseil, s'agissant des seuls manquements invoqués au titre de l'article L. 231-10 du code de la construction et de l'habitation,

Et statuant à nouveau de ces chefs de demande,

Déclare M. [H] [N] et Mme [V] [Z], épouse [N] recevables en leurs demandes de dommages-intérêts,

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne à payer à M. [H] [N] et Mme [V] [Z], épouse [N] la somme de 150 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne aux dépens de l'appel,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice tant de la SA Banque Populaire Alsace Lorraine Champagne que de M. [H] [N] et Mme [V] [Z], épouse [N].'

Les parties n'ont pas entendu conclure à nouveau à la suite de la production de cet arrêt, qui statue, à la fois sur le bien fondé des demandes résiduelles formées par la banque au titre des différents contrats de prêt souscrit par les époux [N], confirmant sur ce point le jugement de première instance qui y a fait droit, tout en condamnant, sur demande reconventionnelle, la banque à indemniser les époux [N] à hauteur de 150 000 euros au titre du préjudice matériel résultant des manquements de l'établissement à ses obligations de conseil et d'information, au titre, précisément, de l'assurance dommages-ouvrage et de la garantie de livraison, mais aussi à son devoir de mise en garde s'agissant du prêt en devises.

Il convient, toutefois, de relever que cette décision a été soumise au contradictoire.

Ceci rappelé, s'agissant, tout d'abord, du manquement invoqué au titre de l'assurance dommages-ouvrage, si le premier juge a retenu, par des motifs qui seront approuvés, que le contrat de construction revêtait la qualification de CCMI, et qu'un manquement de la banque était caractérisé au titre de ses obligations à ce titre, et s'il est vrai que les conditions, telles que prévues par l'article L. 241-2 du code des assurances n'ont pas été mises en oeuvre, il n'en demeure pas moins, comme cela a été relevé dans l'arrêt précité du 9 novembre 2022, qu'il ressort du jugement civil en date du 17 mai 2016, rendu dans le litige ayant opposé les époux [N], notamment au liquidateur de la société Maison Bogalis et à l'assureur de celle-ci, jugement également produit dans le cadre de la présente instance, que cette société ou en tout cas Mme [E] exerçant sous cette enseigne, a été placée en liquidation judiciaire selon jugement en date du 6 juillet 2011, ce qui mettait en mesure les époux [N], sans mise en demeure préalable ni nécessité de résilier le contrat, d'invoquer le jeu de l'assurance dommages-ouvrage. En conséquence, la cour retiendra que les époux [N] justifient bien d'un préjudice en lien avec le manquement de la banque.

Quant à la garantie de livraison, la cour retient, au vu des éléments dont elle dispose, que c'est à bon droit et par des motifs pertinents qu'il y a lieu d'approuver que le premier juge a retenu, à ce titre, que la banque avait commis un manquement à ses obligations tant lors de la signature du contrat qu'au moment de la libération des fonds. Du reste, ce manquement a également été caractérisé dans le litige opposant les époux [N] à la banque, la cour ayant, à ce titre, relevé que le CCMI litigieux ne comportait pas les justifications exigées.

Cela étant, il n'est pas versé aux débats la décision statuant sur intérêts civils sur l'indemnisation du préjudice subi par les époux [N] par Mme [S], dont il a été déduit par le premier juge que les intéressés avaient été remplis de leurs droits, ce pendant que l'arrêt précité du 9 novembre 2022 a retenu, pour sa part, que la demande des époux [N] au titre du préjudice lié à l'impossibilité pour eux de solliciter des intérêts de retard, avait été rejetée, pour défaut de lien suffisant avec l'infraction de construction d'une maison individuelle sans garantie de livraison, pour laquelle Mme [E] [[S]] avait été condamnée.

En tout état de cause, il sera rappelé que les époux [N] ont été indemnisés, dans le cadre de l'arrêt précité, à hauteur de 150 000 euros au titre du préjudice matériel subi du fait des manquements de la banque, la cour ayant relevé, à ce titre, que le montant du contrat de construction était de 139 540 euros TTC et que le montant des travaux à réaliser pour rendre le bien habitable s'élevait à hauteur de 118 178 euros.

Les époux [N], qui n'ont, par ailleurs, dans le litige les opposant à la banque, pas contesté les montants résiduels mis en compte par la banque dans le cadre des contrats de prêt au titre desquels la partie intimée entend obtenir leur condamnation, ne démontrent pas avoir subi un préjudice distinct, faisant obstacle au paiement des montants sollicités par la caution.

Or, comme l'a rappelé le premier juge, tout préjudice doit être réparé intégralement, mais sans perte, ni profit pour la victime, de sorte que les époux [N], au regard de l'indemnisation déjà mise à la charge de la banque, ne peuvent cumulativement prétendre être dispensés de rembourser les échéances impayées de leur prêt telles que prises en charge par la SCM SOCAMI Alsace, en sa qualité de caution, sous peine d'une double indemnisation prohibée.

Concernant le défaut de mise en garde liée à l'octroi d'un prêt en francs suisses, à savoir le prêt d'un montant en principal de 306 000 CHF, ce qui constitue un moyen non soumis au premier juge pour s'opposer à la demande en paiement, la cour relève que, comme le fait observer la Banque Populaire, les époux [N] percevaient, au moment de la souscription du prêt litigieux, leurs revenus dans cette devise, ce qui n'est pas contesté, dans leur argumentation, par les appelants, qui se bornent essentiellement à remettre en cause la portée, également invoquée par la partie adverse, de la possibilité de conversion et la signature des conditions particulières.

Cela étant, en l'état de cette situation, il apparaît que les époux [N], non seulement n'étaient pas exposés au risque de change, mais, de surcroît, comme cela a été relevé dans l'arrêt précité du 9 novembre 2022, se trouvaient en capacité de comprendre l'incidence des stipulations relatives au risque de change, telles qu'elles étaient détaillées dans le contrat de prêt, sans qu'il n'y ait lieu pour la banque, à les informer plus avant quant à l'existence d'un risque de change et aux conséquences économiques susceptibles d'en résulter en leur faveur ou en leur défaveur, ni à les mettre en garde en leur qualité d'emprunteurs avertis sur ce point.

Au regard de l'ensemble de ce qui précède, et en l'absence, pour le surplus, de contestation quant aux montants mis en compte par la caution, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevables et bien fondées les prétentions de la partie demanderesse et condamné les époux [N] à payer à la SCM SOCAMI Alsace, aux droits de laquelle vient, à hauteur de cour, la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne, les sommes de 12 023,53 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015 et de 4 190,41 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2015.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les époux [N], succombant pour l'essentiel, seront tenus, in solidum, des dépens de l'appel, par application de l'article 696 du code de procédure civile, outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité commande en outre de mettre à la charge des appelants, in solidum, une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 euros au profit de l'intimée, tout en disant n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière et en confirmant les dispositions du jugement déféré de ce chef.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [H] [N] et Mme [V] [Z] épouse [N], aux dépens de l'appel,

Condamne in solidum M. [H] [N] et Mme [V] [Z] épouse [N], à payer à la SCM SOCAMI Alsace Lorraine Champagne, venant aux droits de la SCM SOCAMI Alsace, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de M. [H] [N] et Mme [V] [Z] épouse [N].

La Greffière : le Président :