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Décisions

CA Orléans, ch. com., 1 février 2024, n° 21/00123

ORLÉANS

Arrêt

Autre

CA Orléans n° 21/00123

1 février 2024

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 01/02/24

la SCP LAVAL - FIRKOWSKI

la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES

de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS

Me Alexis DEVAUCHELLE

ARRÊT du : 01 FEVRIER 2024

N° : 29 - 24

N° RG 21/00123

N° Portalis DBVN-V-B7F-GIY4

DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du TJ de TOURS en date du 17 décembre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262711815305

Monsieur [T] [U]

né le 13 Septembre 1983 à [Localité 11]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS

S.A.R.L. DB SHOP [Localité 14]

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 4]

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie BAUDRY, membre de la SELARL WALTER & GARANCE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS

D'UNE PART

INTIMÉS :

Maître [J] [V] - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263291317846

[Adresse 1]

[Localité 9]

Ayant pour avocat postulant Me Sofia VIGNEUX, membre de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Thierry CABOT de la SELARL EFFICIA, avocat au barreau de RENNES

S.C. SCCV DU BON RAISIN - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265286400946173

Prise en la personne de son gérant, la société HVL, elle-même représentée par son gérant, Monsieur [M] [W], domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 8]

[Localité 14]

Ayant pour avocat postulant Me Sophie GATEFIN, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Michel SAUBOLE, avocat au barreau de POITIERS

S.C.I. [Localité 14] INVEST - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265262046700467

Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 10]

Ayant pour avocat postulant Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Benoit RAIMBERT, membre de la SELARL SIMON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS,

- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263291317846

SELAS MOREAU FRISON GERARD-VEYRAC

Anciennement SCP Frédéric Moreau-[J] [V] et Jean-Charles Gérard-Veyrac, société titulaire d'un office notarial

[Adresse 1]

[Localité 9]

Ayant pour avocat postulant Me Sofia VIGNEUX, membre de la SCP THAUMAS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS, et pour avocat plaidant Me Thierry CABOT de la SELARL EFFICIA, avocat au barreau de RENNES

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 14 Janvier 2021

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 25 mai 2023

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 08 JUIN 2023, à 14 heures, Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,

Madame Fanny CHENOT, Conseiller,

Madame Ferréole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le JEUDI 01 FEVRIER 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant acte du 23 octobre 2013 reçu par Me [C], notaire, la SCCV Du Bon Raisin a donné à bail à la société DB Shop [Localité 14] une cellule commerciale lot n°1 située au [Adresse 13] à [Localité 14] (37). Cet acte stipule au profit du locataire le bénéfice d'un pacte de préférence en cas de vente du lot objet du bail.

Le 9 décembre 2015, la société DB Shop [Localité 14] a été mise en demeure par Me [V], notaire, de prendre position dans un délai de 15 jours sur l'exercice du pacte de préférence stipulé à son profit, en l'informant que la SCCV du Bon Raisin s'est engagée à vendre à la société [Localité 14] Invest la cellule commerciale donnée à bail, moyennant le prix de 2 257 410 euros HT, et que la société DB Shop [Localité 14] a la possibilité, conformément aux stipulations du bail commercial, d'acquérir ledit bien immobilier aux charges et conditions qui y sont relatées.

Par courrier du 21 décembre 2015 adressé à Me [V], la société DB Shop [Localité 14] a sollicité des renseignements complémentaires au motif qu'elle ne disposait pas des éléments nécessaires pour asseoir sa décision, les renseignements fournis portant uniquement sur le lot numéro 1, alors que l'acquéreur s'est positionné sur l'intégralité des 7 lots restant appartenir à la SCCV Du Bon Raisin, et a réclamé qu'il soit porté à sa connaissance les clauses et conditions prévues de la vente, notamment de prix, stipulées au titre de la cession envisagée pour les six autres cellules composant l'ensemble immobilier.

Le notaire lui ayant répondu le 24 décembre 2015 qu'il n'avait pas à lui transmettre d'éléments supplémentaires relatifs au prix de vente des autres cellules, la société DB Shop [Localité 14] a, par courrier du 29 décembre 2015, indiqué qu'elle n'entendait pas dans ces conditions faire jouer son droit de préférence, se réservant toutefois d'actionner la responsabilité du notaire rédacteur de l'acte pour manquement à son obligation de conseil et de mise en garde et celle de la SCCV Du Bon Raisin pour tromperie, subodorant que le prix de sa cellule avait été sur-valorisé afin de la dissuader de mettre en oeuvre le pacte de préférence contenu au bail commercial.

Me [V], notaire, a reçu la vente entre la SCCV Du Bon Raisin et la SCI [Localité 14] Invest le 2 février 2016 portant sur les 7 lots moyennant le prix de 7 050 000 euros HT, soit 8 460 000 euros TTC. L'acte de vente a été notifié à la société DB Shop [Localité 14].

La société DB Shop [Localité 14] s'estimant victime d'une tromperie dès lors que la valorisation de son lot a été arrêtée à 32 % du prix de vente total des 7 lots, a fait procéder à une expertise immobilière amiable par M. [Z] [K], lequel a relevé une anomalie de valorisation au détriment de la société DB Shop [Localité 14].

Par actes en date des 28 avril, 2 et 4 mai 2017, la société DB Shop [Localité 14] et son gérant, M. [T] [U], ont fait assigner la SCCV du Bon Raisin, la SCP Moreau-[V]-Gerard-Veyrac et Me [J] [V], la SCI [Localité 14] Invest devant le tribunal de grande instance de Tours aux fins notamment de voir substituer la société DB Shop [Localité 14] à l'acquéreur à un prix correspondant à la valeur pondérée du bien calculée en fonction du prix relatif à l'ensemble des lots cédés, à titre subsidiaire de voir prononcer la nullité de la vente reçue par acte authentique de Me [V], membre de la SCP Moreau-[V]-Gérard-Veyrac, notaires associés, le 2 février 2016 au profit de la société [Localité 14] Invest au mépris des droits et intérêts de la société demanderesse, et à titre infiniment subsidiaire une expertise judiciaire avant dire droit, avec indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Tours a :

- dit que la société DB Shop [Localité 14] ne rapporte pas la preuve d'une fraude dans la mise en oeuvre de la purge du pacte de préférence dont elle bénéficiait aux termes du contrat de bail du 23 octobre 2013,

- débouté en conséquence la société DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SCCV du Bon Raisin, de la SCI [Localité 14] Invest et de la SELAS Moreau-[V]-Gérard-Veyrac (anciennement SCP Moreau-[V]-Gérard-Veyrac),

- condamné la société DB Shop [Localité 14] aux entiers dépens et autorisé Me [B] de la SCP Referens et Me Schmitt de la SELARL Ferreira-Schmitt-Evreux-Lejeune à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- condamné la société DB Shop [Localité 14] à verser à la SCCV du Bon Raisin, à la SCI [Localité 14] Invest et à la SELAS Moreau-Prison-Gérard-Veyrac (anciennement SCP Moreau-Prison-Gerard-Veyrac) une somme de 3 000 euros à chacun, soit 9 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Suivant déclaration du 14 janvier 2021, la SARL DB Shop et M. [T] [U] ont interjeté appel de l'ensemble des chefs expressément énoncés de ce jugement, en intimant la société SCCV du Bon Raisin, la SCI [Localité 14] Invest, la SCP Moreau-[V]-Gérard-Veyrac et M. [J] [V].

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 8 février 2023, la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] demandent à la cour de :

Vu les dispositions des articles 1134 et suivants et 1147 et suivants anciens du code civil comme les dispositions combinées des articles 1103, 1104 et suivants et 1223 et suivants nouveaux du code civil,

Vu les dispositions des articles 1382 ancien du code civil et 1240 nouveau du code civil et suivants du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence applicable en la matière,

Vu l'adage Nemo auditur propriam turpitudinem allegans,

Vu les pièces versées aux débats, et notamment la clause de pacte de préférence stipulée en pages 22 et 23 (pièce 30) du bail commercial conclu le 23 octobre 2013,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judicaire de Tours en date du 17 décembre 2020 en ce qu'il a statué comme suit :

' dit que la société DB Shop [Localité 14] ne rapporte pas la preuve d'une fraude dans

la mise en œuvre de la purge du pacte de préférence dont elle bénéficiait aux termes du contrat de bail du 23 octobre 2013,

' déboute en conséquence la société DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] de l'ensemble de leurs demandes dirigées à l'encontre de la SCCV du Bon Raisin, de la SCI [Localité 14] Invest et de la SELAS Moreau-[V]-Gérard-Veyrac (anciennement SCP Moreau-[V]-Gérard-Veyrac),

' condamne la société DB Shop [Localité 14] aux entiers dépens et autorise Me [B] de la SCP Referens et Me Schmitt de la SELARL Ferreira- Schmitt-EvreuxLejeune à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

' condamne la société DB Shop [Localité 14] à verser à la SCCV Du Bon Raisin, à la SCI [Localité 14] Invest et à la SELAS Moreau- [V]-Gérard-Veyrac (anciennement SCP Moreau- [V]-Gérard-Veyrac) une somme de 3 000 euros à chacun soit 9 000 euros au total au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

Statuant à nouveau,

Avant dire droit,

- ordonner une expertise judiciaire et commettre pour y procéder tel expert qu'il plaira au tribunal avec pour mission habituelle en la matière et notamment :

' se faire remettre tout document utile et entendre tout sachant,

' voir, visiter et décrire l'ensemble des biens immobiliers ayant fait l'objet de la vente aux termes de l'acte authentique du 2 février 2016 à savoir :

' L'ensemble immobilier, dénommé « Frun Park Loches » situé à [Localité 14] (Indre-et-Loire) [Adresse 7] et cadastré savoir :

Section



Lieudit

Surface

AK

1888

Pièce du bon raisin

00 ha 77 a 52 ca

AK

1889

Pièce du bon raisin

01 ha 94 a 79 ca

AK

1890

Pièce du bon raisin

00 ha 66 a 23 ca

AK

1930

Pièce du bon raisin

00 ha 10 a 28 ca

AK

1931

Pièce du bon raisin

00 ha 07 a 83 ca

AK

1933

Pièce du bon raisin

00 ha 02 a 54 ca

AK

1935

Pièce du bon raisin

00 ha 02 a 30 ca

AK

1937

Pièce du bon raisin

00 ha 03 a 75 ca

AK

1939

Pièce du bon raisin

00 ha 02 a 20 ca

AK

1941

Pièce du bon raisin

00 ha 03 a 24 ca

AK

1943

Pièce du bon raisin

00 ha 84 a 81 ca

AK

1944

Pièce du bon raisin

00 ha 14 a 31 ca

Total surface : 04 ha 69 a 80 ca

Lot numéro un (1) :

' Et notamment une cellule commerciale (cellule n°1) située sous le bâtiment A.

Accès direct à ce lot à partir des espaces communs extérieurs « A » et « B », qui débouche sur le chemin rural n°70 (livraison) et sur [Adresse 12] (en ce qui concerne la clientèle).

D'une superficie de plancher utile entre cloisons mesurée sur plan fourni : 1572 m².

Et les cent vingt-huit millièmes (128/1000 èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales.

Et les cinq cent quatre-vingt-neuf millièmes (589/ 1000èmes) des parties communes du bâtiment A,

Et les cent vingt-huit millièmes (128/1000 èmes) des parties communes espace commun extérieur A,

Et les cent quarante-sept millièmes (147 / 1000 èmes) des parties communes espaces communs extérieur B.

' indiquer les caractéristiques essentielles de cet immeuble et notamment de la cellule n°1

' rechercher tous éléments d'information sur le marché immobilier du secteur considéré avec plusieurs éléments pertinents de comparaison,

' se faire remettre tous documents,

' entendre toute personne,

' donner son avis sur la valeur vénale de cet immeuble et notamment de la cellule n°1 au moment de la vente intervenue le 2 février 2016,

' dire que l'expert devra déposer son rapport écrit, à compter de sa demande de rémunération dans le délai de 4 mois à compter de sa saisine par le greffe, sauf demande de prorogation sollicitée en temps utile,

' dire que l'expert devra adresser à chacune des parties, par tout moyen permettant d'en établir la réception, un exemplaire de son rapport accompagné de sa demande de rémunération,

Subsidiairement,

A titre principal,

- ordonner la substitution de la société DB Shop [Localité 14] à la société [Localité 14] Invest au prix de 1 738 632 euros, correspondant à la valeur retenue selon expertise immobilière sur la base d'un rendement à 7 %, dans le cadre de la vente portant sur l'ensemble immobilier, dénommé « Frun Park [Localité 14] » situé à [Localité 14] (Indre-et-Loire) [Localité 6] et cadastré savoir :

Section



Lieudit

Surface

AK

1888

Pièce du bon raisin

00 ha 77 a 52 ca

AK

1889

Pièce du bon raisin

01 ha 94 a 79 ca

AK

1890

Pièce du bon raisin

00 ha 66 a 23 ca

AK

1930

Pièce du bon raisin

00 ha 10 a 28 ca

AK

1931

Pièce du bon raisin

00 ha 07 a 83 ca

AK

1933

Pièce du bon raisin

00 ha 02 a 54 ca

AK

1935

Pièce du bon raisin

00 ha 02 a 30 ca

AK

1937

Pièce du bon raisin

00 ha 03 a 75 ca

AK

1939

Pièce du bon raisin

00 ha 02 a 20 ca

AK

1941

Pièce du bon raisin

00 ha 03 a 24 ca

AK

1943

Pièce du bon raisin

00 ha 84 a 81 ca

AK

1944

Pièce du bon raisin

00 ha 14 a 31 ca

Total surface : 04 ha 69 a 80 ca

Lot numéro un (1) :

Une cellule commerciale (cellule n°1) située sous le bâtiment A.

Accès direct à ce lot à partir des espaces communs extérieurs « A » et « B », qui débouche sur le chemin rural n°70 (livraison) et sur [Adresse 12] (en ce qui concerne la clientèle).

D'une superficie de plancher utile entre cloisons mesurée sur plan fourni : 1572 m².

Et les cent vingt-huit millièmes (128/1000 èmes) de la propriété du sol et des parties communes générales.

Et les cinq cent quatre-vingt-neuf millièmes (589/1000èmes) des parties communes du bâtiment A,

Et les cent vingt-huit millièmes (128/1000 èmes) des parties communes espace commun extérieur A,

Et les cent quarante-sept millièmes (147/1000 èmes) des parties communes espaces communs extérieur B.

- dire et juger que le prix sera payé par la société DB Shop [Localité 14] le jour de la vente qui devra intervenir dans un délai de trente jours au plus tard courant à compter du jugement à intervenir,

- désigner tel notaire qu'il plaira au tribunal afin de recevoir cette vente et ses suites, à défaut le président de la Chambre des Notaires,

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] au paiement de la somme globale de 338 265,40 euros, arrêtée à mars 2018, à parfaire ou à valoir, à la société DB Shop [Localité 14] au titre des loyers et charges indûment payés depuis le mois de février 2016, avec intérêts au taux légal courant à compter du jugement à intervenir,

A titre subsidiaire,

- ordonner la nullité de la vente intervenue le 2 février 2016 entre les sociétés SCCV du Bon Raisin et la société [Localité 14] Invest et ses suites et portant sur les sept lots de l'ensemble immobilier ci-dessus cadastré,

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] au paiement de la somme globale de 2 992 780 euros à la société DB Shop [Localité 14] correspondant au préjudice financier, constitué par la plus-value dont elle aurait bénéficié par l'adjonction à son actif du bien ayant fait l'objet du pacte de préférence, avec intérêts de droit courant à compter du jugement à intervenir,

En tout état de cause,

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] au paiement de la somme de 50 000 euros à la société DB Shop [Localité 14] en réparation de son préjudice moral, avec intérêts de droit courant à compter du jugement à intervenir,

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] au paiement de la somme de 10 000 euros à M. [T] [U] en réparation de son préjudice moral, avec intérêts de droit courant à compter du jugement à intervenir,

- donner acte aux demandeurs de ce qu'ils se réservent d'introduire toute action ordinale ou pénale à l'encontre de la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » comme de Me [J] [V],

- débouter la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] à exécuter le jugement à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux termes de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, la société [Localité 14] Invest, la SCP « Frédéric Moreau, [J] [V] et Jean-Charles Gerard-Veyrac, notaires associés » et Me [J] [V] au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront le coût des courriers recommandés, des exploits d'huissier, de l'expertise amiable, de la publication foncière du présent acte et de l'ensemble de ceux afférents aux présentes assignations et ses suites, dont distraction au profit de la SCP Laval & Firowski.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 3 mai 2023, la SCI [Localité 14] Invest demande à la cour de :

Vu l'article 910-4 du code de procédure civile,

Vu les articles 143, 144 et 146 du code de procédure civile,

Vu les articles 1142 et suivants du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article 1123 du code civil,

Vu le jugement du 17 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Tours,

Vu les pièces versées aux débats,

A titre liminaire :

- rejeter, comme étant irrecevable, la demande d'expertise sollicitée par la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [U] aux termes de leurs conclusions n° 2 du 30 juin 2021,

Et à défaut,

- rejeter, comme étant non fondée, la demande d'expertise sollicitée par la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [U] aux termes de leurs conclusions n° 2 du 30 juin 2021,

A titre principal :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [U] de toutes leurs entières demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

1°- En cas de condamnation indemnitaire à l'encontre de la SCI [Localité 14] Invest :

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, Me [J] [V] et la SELAS Moreau-[V]-Veyrac à relever et garantir la SCI [Localité 14] Invest de toute condamnation pouvant intervenir à son encontre,

2°- En cas de nullité partielle de la vente en ce qu'elle porte sur la cellule n° 1 :

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, Me [J] [V] et la SELAS Moreau-[V]-Veyrac d'avoir à verser à la SCI [Localité 14] Invest la somme de 2 708 892 euros correspondant au prix versé pour l'acquisition de la cellule n°1,

3°- En cas de substitution de la SARL DB Shop [Localité 14] en tant qu'acquéreur de la cellule n° 1 :

- condamner in solidum la SCCV du Bon Raisin, Me [J] [V] et la SELAS Moreau-[V]-Veyrac d'avoir à verser à la SCI [Localité 14] Invest la différence positive entre la somme de 2 708 892 euros versée par la SCI [Localité 14] Invest à la SCCV du Bon Raisin pour l'acquisition de la cellule n°1et le montant auquel il serait procédé à la substitution de la SARL DB Shop [Localité 14] en tant qu'acquéreur de ladite cellule n° 1,

En tout état de cause :

- condamner la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [U] à payer à la SCI [Localité 14] Invest la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Alexis Devauchelle, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 1er octobre 2021, la société SCCV du Bon Raisin demande à la cour de :

Vu les articles 1142 et suivants (anciens) du code civil,

A titre principal,

- dire et juger qu'il n'y a pas eu violation du pacte de préférence bénéficiant à la SARL DB Shop [Localité 14],

En conséquence,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter la SARL DB Shop [Localité 14] de son appel ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire :

- débouter la SCI [Localité 14] Invest de sa demande à être relevée indemne par la SCCV du Bon Raisin de toutes condamnations qui pourraient, le cas échéant, intervenir,

En tout état de cause,

- condamner in solidum M. [T] [U] et la société DB Shop [Localité 14] à payer à la société SCCV du Bon Raisin la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum M. [T] [U] et la société DB Shop [Localité 14] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Isabelle Turbat - SELARL Lexavoue Poitiers Orléans.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 13 septembre 2022, la SELAS Moreau, [V], Gerard-Veyrac, anciennement SCP Moreau, [V], Gerard-Veyrac, société titulaire d'un office notarial, et Me [J] [V], notaire, demandent à la cour de:

- juger irrecevable la demande d'expertise sollicitée avant dire droit par la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [U],

- à défaut, débouter la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [U] de leur demande d'expertise sollicitée avant dire droit,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Tours en date du 17 décembre 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la SELAS Moreau, [V], Gerard-Veyrac et de Me [V],

- débouter la SCI [Localité 14] Invest de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la SELAS Moreau, [V], Gerard-Veyrac et de Me [V],

- condamner in solidum la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] à payer à la SELAS Moreau, [V], Gerard-Veyrac et à Me [V] une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la SARL DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] aux entiers dépens de l'instance, lesquels seront recouvrés par Me Sonia Vigneux en application de l'article 699 du code de procédure civile.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 25 mai 2023.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de la demande d'expertise sollicitée avant dire droit par la société DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] :

La SCCV Du Bon Raisin et la SCI [Localité 14] Invest soulèvent l'irrecevabilité de cette demande au visa de l'article 910-4 du code de procédure civile qui dispose qu''à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait'.

En l'espèce, les appelants ont d'abord sollicité la désignation d'un expert judiciaire afin qu'il donne son avis sur la valeur vénale de l'immeuble cédé à la SCI [Localité 14] Invest et notamment de la cellule n°1, devant le conseiller de la mise en état, lequel a, par ordonnance du 17 juin 2021, déclaré irrecevable la demande dès lors qu'elle avait déjà été formée à titre infiniment subsidiaire en première instance devant le tribunal statuant au fond -lequel l'avait rejetée dans le dispositif en 'déboutant les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'- et que par l'effet dévolutif de l'appel, la cour était saisie de cette demande d'expertise et avait seule pouvoir pour statuer de ce chef.

Il s'avère que les appelants n'ont formé leur demande d'expertise au fond devant la cour que par conclusions n° 2 du 30 juin 2021 -après l'ordonnance du conseiller de la mise en état- et après l'expiration du délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure par l'article 908 du code de procédure civile.

Les intimés en concluent que cette demande d'expertise est irrecevable pour contrevenir à la concentration des prétentions qui, selon l'article 910-4 précité, doivent être formulées dès les premières conclusions de l'appelant.

C'est à juste titre que les appelants font valoir à cet égard que la demande d'expertise formée avant dire droit ne constitue pas 'une prétention sur le fond' au sens de l'article 910-4 du code de procédure civile, s'agissant d'une demande d'instruction destinée à éclairer la cour sur des éléments de fait nécesaires au succès d'une prétention, et ce d'autant qu'une juridiction peut toujours ordonner d'office une mesure d'expertise conformément à l'article 143 du code de procédure civile.

En conséquence, il ne sera pas fait droit au moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande d'expertise dont le bien fondé sera examiné plus loin.

Sur la mise en oeuvre du pacte de préférence :

Aux termes du bail commercial conclu le 23 octobre 2013 entre la SCCV Du Bon Raisin et la société DB Shop [Localité 14], il a été convenu qu' 'il est conféré, comme condition essentielle et déterminante des présentes, par le bailleur, un droit de préférence à la société DB Shop [Localité 14], preneur.

Pour le cas où le bailleur se déciderait à vendre le lot objet du présent bail, qu'il ait ou non sollicité ou reçu des offres de tiers, le bailleur s'engage durant la durée du présent bail, envers le preneur, qui accepte cet engagement, à lui donner la préférence sur tout amateur ou acquéreur qui se présenterait à lui. Il s'oblige, en conséquence, à lui faire connaître le prix demandé ainsi que les modalités de paiement et toutes autres conditions auxquels il serait disposé à traiter et à les lui notifier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à son domicile ou par exploit d'huissier'.

Il est expressément précisé à l'acte que 'l'immeuble sur lequel porte le droit de préférence ci-dessus conféré consiste en la cellule commerciale située à [Localité 14] cellule n°1 'Libre A' sur le plan demeuré annexé aux présentes'.

Le droit de préférence constitue une limitation pour le propriétaire d'un bien de contracter librement, de sorte que cette limitation contractuelle doit s'appliquer strictement. L'application de la clause instituant un tel droit ne saurait conduire à imposer au propriétaire de diviser son bien en vue de le céder à des personnnes distinctes alors que l'ensemble immobilier constitue une entité autonome.

En l'espèce, la SCCV Du Bon Raisin a souhaité vendre l'intégralité des lots dont elle était restée propriétaire au sein du centre commercial dénommé Frun R Park Loches, parmi lesquels la cellule n°1.

Il n'est pas discuté que le pacte de préférence ne porte que sur la cellule n°1 et non pas sur l'ensemble immobilier dans lequel celle-ci se trouve. Contrairement à ce que soutient la société SCCV Du Bon Raisin, le pacte de préférence -bien que portant sur un bien plus restreint que celui qu'elle a souhaité vendre- est appelé à jouer lors de la vente de l'immeuble dans sa totalité, dès lors que cet ensemble immobilier ne regroupe pas des éléments indivisibles économiquement pour être déjà divisé en cellules commerciales distinctes louées séparément à différents exploitants, outre un lot portant sur une réserve foncière, soumises au régime de la copropriété, seule une ventilation du prix devant être opérée concernant le bien objet du pacte de préférence lors de la mise en oeuvre de celui-ci.

Les appelants font valoir que le bailleur qui s'est engagé aux termes du bail à leur 'faire connaître le prix demandé ainsi que les modalités de paiement et toutes autres conditions auxquels il serait disposé à traiter' ne leur a pas communiqué, en violation de ces stipulations, le prix total de l'ensemble immobilier comprenant la cellule objet du pacte de préférence pas plus que le prix de vente de chacune des autres cellules. Ils soutiennent que ces éléments sont des conditions de la vente du lot litigieux puisque celui-ci était également vendu dans l'ensemble immobilier et que la société SCCV Du Bon Raisin et son notaire se sont refusés à cette communication dans la mesure où cela aurait permis de mettre en évidence la fraude dans la fixation du prix de la cellule litigieuse.

Le pacte de préférence ne portant que sur la cellule n°1, le locataire ne bénéficiait pas d'un tel pacte pour acquérir l'ensemble immobilier, de sorte que seul le prix de vente du bien objet du pacte de préférence devait être porté à sa connaissance, à l'exclusion du prix global de l'opération qui ne saurait constituer une condition à laquelle le vendeur serait disposé à traiter compte tenu du périmètre du pacte de préférence. Au demeurant, ce prix global qui figure dans l'acte devente régularisé le 2 février 2016 -tout comme celui de la cellule n°1- ayant fait l'objet d'une publicité foncière, et notifié au locataire par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 février 2016, n'a pas été caché.

Sur la violation alléguée du pacte de préférence :

Il n'est pas discuté que le pacte de préférence ayant été conclu antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, il convient en conséquence de faire application de la jurisprudence applicable avant l'entrée en vigueur de cette loi, le pacte de préférénce n'étant pas défini dans le code civil antérieurement à cette réforme.

Le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation d'un contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur, à la condition que ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir (Cass. ch. mixte, 26 mai 2006, n° 03-19.376).

S'il ressort de cette jurisprudence constante que la fraude n'est pas requise pour obtenir la nullité de la vente et la substitution à l'acquéreur, comme s'en prévalent les appelants, ce ne peut être que dans l'hypothèse d'une vente conclue sans que le bénéficiaire du pacte ait été mis à même d'exercer son droit de préférence, comme en attestent les faits de l'espèce de l'arrêt susvisé et ceux des arrêts ultérieurs reprenant la même solution. Ainsi l'hypothèse de la vente conclue sans que le bénéficiaire du pacte de préférence n'en soit informé ne peut être assimilée à la fraude consistant à proposer la vente au bénéficiare à un prix excessif pour l'en dissuader.

Or il apparaît en l'espèce que le pacte de préférence dont bénéficiait la société DB Shop [Localité 14] a été purgé puisque le bien lui a été proposé à la vente et que par courrier du 29 décembre 2015, celle-ci a expressément indiqué ne pas faire jouer son droit de préférence, quand bien même elle se réservait la possibilité d'engager des actions en responsabilité. La validité de la purge du droit de préférence n'est dès lors susceptible d'être remise en cause que si une fraude aux droits de la société DB Shop [Localité 14] peut être établie. Aussi les appelants ne sauraient-ils prétendre qu'ils n'ont pas à justifier de l'existence d'une fraude. Au demeurant, ceux-ci allèguent eux-mêmes que le prix de la cellule n°1 a été largement surévalué dans le but de faire obstacle à l'application du pacte de préférence, en fraude des droits de la société DB Shop [Localité 14].

Il est acquis que le fait pour le débiteur d'un pacte de préférence d'offrir au bénéficiaire d'acquérir à un prix exorbitant et dissuasif peut constituer une fraude.

Il appartient au bénéficiaire du pacte de préference de rapporter la preuve que le prix convenu entre le cédant et l'acquéreur a été frauduleusement surévalué en vue de le dissuader d'exercer son droit de préférence.

En l'espèce, les appelants qui considèrent que la valeur du lot n° 1 s'établit à 1 738 632 euros font état d'une valorisation anormalement élevée de la cellule n° 1 (2 257 410 euros HT) au regard de celle de l'ensemble immobilier en son entier (7 050 000 euros HT), soit 32 % de la valeur totale . Ils en veulent pour preuve le rapport d'étude et d'analyse de M. [Z] [K], expert privé, du 6 décembre 2016, qui conclut:

'Après étude et analyse de ce dossier, nous constatons :

- La notification du prix de vente de son lot à la société DB Shop [Localité 14], selon lettre de Me [V] en date du 9 décembre 2015, retenait une valorisation faisant ressortir les prix unitaires suivants : 1436 euros/m² utile ou application d'un taux brut de capitalisation de 5,38 %.

- Le prix de vente stipulé dans l'acte de cession effective de l'ensemble des lots, y compris le lot proposé à la société DB Shop [Localité 14], selon acte de Me [V] du 2 février 2016, faisait ressortir des prix unitaires suivants : 1106 euros/m² utile (voire 1230 euros/m² utile) ou application d'un taux brut de capitalisation de 7 % (voire 6,30 %).

En l'état des éléments fournis et étudiés, et sauf production d'élément contraire ou nouveau, nous estimons que cette différence est non explicable, donc constitutive d'une anomalie de valorisation',

étant rappelé par l'expert que plus le taux de capitalisation retenu est bas, plus la valorisation en découlant est élevée.

Il apparaît que ce rapport a été rédigé à la demande de la société DB Shop [Localité 14] et n'est pas contradictoire. Il ne peut donc à lui seul donner lieu à une condamnation. Il n'est pas corroboré par d'autres éléments de preuve extérieurs, le contrat de bail du 23 octobre 2013 fixant à 85 euros HT pour une superficie de 1620 m² la valeur du m² de la cellule n°1 à la location et la proposition d'achat de la même cellule émise par la société SCCV Du Bon Raisin le 1er juillet 2013, avant la conclusion du bail, au prix de 1 826 000 euros HT étant inopérants à cet égard, l'un pour concerner la fixation du loyer, l'autre certes relatif au prix de vente toutefois un peu ancien puisque remontant au 1er juillet 2023 et surtout que n'accompagne aucune étude de marché.

Les intimés contestant les conclusions du rapport [K], les appelants sollicitent la désignation d'un expert, faisant observer notamment que les premiers juges se sont appuyés pour asseoir le prix proposé à la société DB Shop [Localité 14] sur le rapport du cabinet Cushman & Wakefield, produit par la société SCI [Localité 14] Invest, lequel n'a aucune compétence pour réaliser une analyse de marché, et que la discordance entre les deux rapports privés sur la valeur vénale de la cellule litigieuse nécessite que soient ordonnée une mesure d'expertise judiciaire.

Aux termes de l'article 144 du code de procédure civile, 'les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer'.

En application de l'article 146 du même code, 'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve'.

Il en résulte que si le juge a le pouvoir d'ordonner une mesure d'instruction comme celui d'en rejeter la demande, l'alinéa 2 de l'article 146 énonce toutefois un principe de subsidiarité, corrolaire de l'article 9 du code de procédure civile selon lequel 'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention'.

L'acte de vente du 2 février 2016 fournit les informations suivantes :

lot n°1 : superficie utile 1 572 m², loyer en cours : 121 500 euros/an HT

lot n° 2 : superficie utile 1 097 m², loyer en cours 73 000 euros/an HT

lot n° 3 : superficie utile 576 m², loyer en cours 45 000 euros/an HT

lot n° 5 : superficie utile 1 165 m², loyer en cours 96 000 euros/an HT

lot n° 6 : superficie utile 1 345 m², loyer en cours 97 300 euros/an HT

lot n°11 : superficie utile 331 m², loyer en cours 30 960 euros/an HT

lot n° 12 : superficie utile 286 m², loyer en cours 29 900 euros/an HT

lot n° 10 : réserve foncière avec droits à construire pour une surface utile maximale de 1 446 m².

A titre liminaire, les appelants ne sauraient sérieusement soutenir que les différents lots vendus sont d'égales superficies et mettre sur le même plan la réserve foncière qui ne génère aucun revenu et les cellules commercialiées.

Il en ressort que la cellule n° 1 est la plus grande (1 572 m²) et la plus rentable (121 500 euros). Selon le rapport même de M. [K], la valorisation d'un bien immobilier d'entreprise, commercial en l'occurrence, se fait quasi-exclusivement sur la base du revenu produit, le bien étant occupé sous statut et son propriétaire n'en ayant pas la jouissance autrement que par son revenu. A cet égard, il convient de relever que si l'expert privé a retenu un montant de loyer de 121 500 euros pour la cellule n°1 à la date de la vente, il apparaît que le loyer est fixé aux termes du bail à 85 euros/an HT / m² de SHON, soit 137 700 euros à compter de la 3ème année de location.

Si le deuxième lot le plus rentable est le lot n° 6 d'une superficie de 1345 m² générant un revenu de 97 300 euros, il ressort du rapport de M. [K] que son exploitant se trouve sous procédure de sauvegarde lors de la vente, de sorte que les loyers correspondant pouvaient apparaître non assurés à terme, quand bien même le vendeur à l'acte a consenti à l'acquéreur une garantie locative d'une durée de 9 mois en cas d'éventuelle défaillance. L'expert note d'ailleurs qu'il est possible que préalablement à la définition du prix des correctifs aient été envisagés.

A ce titre, il fait état d'un correctif traditionnel consistant en un 'abattement de masse' lié à l'importance en valeur absolue de la cession et au nombre de lots cédés, 'le prix du tout n'étant pas systématiquement égal à la somme des parties', précisant qu' 'eu égard à la bonne cohérence et à la bonne homogénité des biens vendus, un tel abattement de masse serait néanmoins limité à une fourchette de 5 à 10 %'.

Si l'expert relève dans son rapport que 'la fixation du prix de vente paraît avoir été forfaitaire, résultant purement et simplement de l'application prédéterminée d'un taux de 7 %', soit 493 660 euros (montant total des loyers) / 7 050 000 euros (prix total de cession HT), il ne saurait toutefois être omis que l'acquisition d'un ensemble de biens susceptible d'être amputé, par l'exercice éventuel d'un droit de préférence, de celui qui génère le loyer le plus important peut donner lieu à une valorisation différente desdits biens, et ce sans chercher à frauder les droits du bénéficiaire du pacte de préférence.

La société DB Shop [Localité 14] reconnaît que le prix de vente appliqué à l'ensemble immobilier est un prix normal de marché. La société SCI [Localité 14] Invest fait justement valoir qu'en cas de non-exercice du pacte de préférence, le flux global de loyer initialement attendu sera bien perçu, à hauteur d'un montant suffisant pour justifier la décision d'acquérir la totalité des biens, et qu'à l'inverse, en cas d'exercice du droit de préférence, sa décision d'acquérir ne se justifie plus au regard du trop faible flux financier attendu de l'opération, sauf si le prix de vente des biens restant est suffisamment attractif pour justifier d'un rendement locatif élevé.

Il peut donc arriver que dans le cadre d'une vente de plusieurs actifs, le prix global ne corresponde pas nécessairement à la somme des valeurs individuelles de chaque bien et que ceux générant le plus de revenus, lorsqu'ils sont grevés d'un pacte de préférence et partant susceptibles d'échapper au candidat acquéreur, soient affectés par celui-ci d'une valorisation objectivement supérieure à celle des autres actifs, sans volonté de porter atteinte aux droits du bénéficiaire.

Il résulte de ces éléments -sans qu'il y ait lieu de prendre en considération le rapport du cabinet Cushman & Wakefield et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'expertise avant dire droit, la cour s'estimant suffisamment informée- que les appelants ne rapportent pas la preuve du prix anormalement élevé de la cellule n° 1.

En l'absence de l'existence d'une anomalie de valorisation susceptible de caractériser la fraude dans la purge du droit de préférénce et partant la violation du pacte, la société DB Shop [Localité 14] et son gérant M. [T] [U] seront déboutés, par confirmation du jugement entrepris, de leurs demandes de substitution de la société DB Shop [Localité 14] à l'acquéreur, de nullité de la vente du 2 février 2016 et de

dommages-intérêts afférents, outre de leur demande d'expertise judiciaire.

Sur les demandes accessoires :

Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par les premiers juges.

La société DB Shop [Localité 14], qui succombe, supportera la charge des dépens d'appel et sera condamnée à verser à la SCCV Du Bon Raisin, la SCI [Localité 14] Invest et à la SELAS Moreau-[V]-Gerard-Veyrac une somme de 2 000 euros à chacune, soit 6 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable la demande d'expertise judiciaire sollicitée avant dire droit par la société DB Shop [Localité 14] et M. [T] [U] devant la cour par conclusions n° 2 du 30 juin 2021,

Confirme le jugement du 17 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Tours en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la SARL DB Shop [Localité 14] aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés par Me Alexis Devauchelle, Me Turbat de la Selarl Lexavoue Poitiers Orléans, Me Vigneux, avocats, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SARL DB Shop [Localité 14] à verser à la SCCV Du Bon Raisin, la SCI [Localité 14] Invest et à la SELAS Moreau-[V]-Gerard-Veyrac une somme de 2 000 euros à chacune, soit 6 000 euros au total, au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT