Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 8, 31 janvier 2024, n° 23/00223
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 31 JANVIER 2024
(n° 2024/ 26 , 33 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00223 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3XI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/11705 - Jonction avec le RG 23/04528
APPELANTE
S.A.S. SAPAR
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro : : 746 250 588
Représentée par Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0021 et Me Marie-Alix CANU-BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque D 1821
INTIMÉES
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe BALON de la SELEURL CABINET BALON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0186
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 722 057 460
Représentée par Me Joyce LABI de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023
PARTIES INTERVENANTES SOUS LE RG 23/00223
APPELANTS sous le RG 23/04528
Monsieur [C] [E]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Madame [D] [M] épouse [E]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Tous deux représentés par Me Bertrand CHATELAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0384
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme FAIVRE, Présidente de chambre
M. SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [N], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Sapar dont les associés sont M. et Mme [E], M.[E] étant le dirigeant, a pour objet la fabrication et la commercialisation de produits de charcuterie fine et de spécialités gastronomiques. Elle a procédé en 1992 à la construction d'une nouvelle usine dans une zone industrielle de [Localité 8].
A la suite des travaux, la société Sapar a constaté des désordres sur les panneaux isothermes de marque Plasteurop ayant servi à l'édification des ateliers de fabrication et de stockage de l'usine. Elle a procédé, le 19 septembre 1997, à une déclaration de sinistre auprès de la compagnie MMA, son assureur dommages ouvrage.
Par ordonnance de référé du 9 février 2000, l'assureur DO a été condamné à verser une provision de 840 2283 €, déduction faite de la provision déjà payée s'élevant à 287 637 € et une expertise, confiée à M. [J], a été ordonnée.
Le 21 février 2000, l'usine a été entièrement détruite par un incendie.
PROCÉDURE
Plusieurs actions judiciaires ont été engagées par les différentes parties concernées par ces sinistres.
# Le 25 février 2000, la compagnie Mutuelles du Mans (MMA), tirant les conséquences de la disparition du bien assuré, a assigné la société Sapar à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Meaux en remboursement de la provision versée en exécution de l'ordonnance du 9 février 2000.
Par jugement du 29 juin 2000, le tribunal de grande instance de Meaux a fait droit à cette demande.
# AXA a fait citer SAPAR et MMA devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux en juillet 2000 aux fins de connaître les causes exactes de l'incendie ; le juge des référés a, par ordonnance du 13 juillet 2000, désigné un expert, M. [R], en précisant qu'il était acquis à la suite de l'enquête préliminaire et de l'expertise judiciaire (M. [V]) du parquet près le tribunal de grande instance de Meaux, que l'incendie n'avait pas une cause criminelle et que l'expertise devait donner les éléments techniques nécessaires pour déterminer les responsabilités et les coûts de remise en état.
# SAPAR a assigné MMA et AXA devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'exécution par AXA de l'assurance Incendie et pertes d'exploitation ; le tribunal de grande instance de Meaux a, par jugement du 17 janvier 2001, dit la police MMA résiliée et a condamné AXA au paiement de la somme de 8 384 696 € pour les dommages matériels et de 1'524 490 € pour les dommages immatériels, condamnation exécutée.
Par arrêt du 12 septembre 2003, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement entrepris du chef de la résiliation de l'assurance MMA, et constatant le cumul d'assurances, a prononcé le sursis à statuer sur le surplus des demandes d'indemnisation. L'instance s'est éteinte du fait de la péremption constatée par ordonnance du conseiller de la mise en état en 2009.
# SAPAR a assigné en 2010, MMA et AXA en exécution des contrats d'assurance Incendie et Pertes d'exploitation ; le tribunal de grande instance de Meaux a, par jugement du 7 mars 2019 déclaré irrecevable car prescrite l'action contre AXA et a fixé le montant de l'indemnité à la charge de MMA et a condamné SAPAR à reverser le surplus par rapport à la provision accordée en 2001, aux assureurs. L'instance d'appel a été radiée.
PROCÉDURE ACTUELLE
Dans la présente affaire, SAPAR a fait citer, par assignation du 28 décembre 2006, Axa et MMA devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation des préjudices résultant de l'inexécution fautive des polices d'assurances.
Par décision du 6 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a':
- Déclaré irrecevable la société Sapar en toutes ses demandes, telles que dirigées contre la compagnie Axa en raison de la prescription ;
- Reçu la société Sapar en toutes ses demandes, telles que dirigées contre la compagnie les Mutuelles du Mans dite MMA Iard ;
- Débouté la société Sapar de toutes ses demandes contre les Mutuelles du Mans MMA Iard ;
- Condamné les Mutuelles du Mans MMA Iard à payer à Monsieur [C] [E], et à Madame [D] [M], épouse [E], chacun, la somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice moral ;
- Condamné la compagnie Axa France Iard à payer à Monsieur [C] [E] et à Madame [D] [M], épouse [E], à chacun, la somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice moral ;
- Condamné la compagnie mutuelle du Mans MMA Iard à payer 5000 € à Monsieur [C] [E] et 5 000 € à Madame [D] [M], épouse [E], au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum la compagnie mutuelles du Mans MMA Iard et la compagnie Axa France iard aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Prononcé l'exécution provisoire du jugement sur le tout.
M. et Mme [E] ont interjeté appel par une déclaration en date du 3 janvier 2019. (RG 19/310)
A la suite de l'avis de caducité de la déclaration d'appel adressé par le greffe, AXA a soulevé un incident de caducité de la déclaration d'appel en raison de l'absence de notification des conclusions d'appel dans le délai de trois mois dans l'affaire RG 19/310.
Par ordonnance du 17 juin 2019, le conseiller de la mise en état a':
- Déclaré caduque la déclaration d'appel N° 19/00457, régularisée par M. et Mme [E] le 3 janvier 2019 enrôlée sous le n° RG 19/00310.
La cour d'appel saisie sur déféré, a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état.
La Cour de cassation (2ème chambre civile) a, par arrêt du 30 septembre 2021, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 novembre 2019 entre les parties et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Par arrêt du 11 janvier 2023, la cour d'appel de Paris a constaté que la déclaration d'appel formée par M. et Mme [E] n'était pas caduque.
C'est en cet état que se présente la procédure initiée par M. et Mme [E] qui porte aujourd'hui le n° RG 23/04528.
Le 10 janvier 2019, SAPAR a également formé appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2018. Cette instance est aujourd'hui enrôlée sous le n° RG 23/0223.
LES DEMANDES DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2023, SAPAR demande à la cour :
«'Vu le code des assurances, notamment les articles L.114-1, L114-2, L.121-13, L.121-14 et L.511-1, R112-2,
Vu le code civil, notamment les articles 1103, 1104 1193, 1231-1, 1231-3, 2269,
Vu le code de procédure civile, notamment l'article 700,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
DIRE recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société SAPAR
DEBOUTER la société AXA de ses demandes de rejet
INFIRMER le jugement dont il est fait appel, sauf en ce qu'il a jugé non prescrites les demandes formées à l'encontre de la société MMA
INFIRMER le jugement en ce qu'il a écarté le lien de causalité entre la faute des MMA et le préjudice de SAPAR
DIRE non prescrites les demandes formées à l'encontre de la société AXA
DIRE non prescrites les demandes formées à l'encontre des MMA
REJETER les demandes fondant l'appel incident des MMA et tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il lui a reconnu une faute civile
CONSTATER les fautes commises par les sociétés AXA et MMA':
Pour les MMA':
faute dans la gestion du sinistre Dommage-Ouvrage de 1997 (défaut d'information)
faute dans la gestion du sinistre Dommage-Ouvrage de 1997 (refus d'indemniser, puis indemnisation tardive avec des propositions indemnitaires inacceptables)
faute dans la gestion du sinistre Incendie (refus d'indemniser d'abord parce que la police était prétendument résiliée, puis parce qu'il existait au contraire un cumul d'assurance)
Pour la société AXA':
faute dans la gestion du sinistre Incendie (absence d'information par le mandataire d'AXA, le Cabinet MEAUME, sur sa situation de sous-assurance)
faute dans la gestion du sinistre Incendie (refus d'indemniser, puis indemnisation tardive)
En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL':
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser, à titre de dommages-intérêts, à la société SAPAR les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2000':
9.451.457 € au titre de la perte de résultat subie par la société SAPAR (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'Expert en l'an 2000 de 6.742.000 €)
4.464.979 € au titre des charges d'exploitations supplémentaires supportées par la société SAPAR (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'Expert en l'an 2000 de 3.185.000 €)
28.444.091 € au titre de la perte de marge subie par la société (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'Expert en l'an 2000 de 20.290.000€)
25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR (correspondant au coût de reconstruction de l'outil de production en 2023 calculé par un nouvel Expert pour tenir compte de l'évolution du matériel)
Subsidiairement, 17.924.404€ correspondant à l'actualisation en valeur 2022 (conversion INSEE) du chiffrage de ces surcoûts pour redémarrage d'activité effectué par l'expert en l'an 2000 de 12.786.000€)
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003 et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
3.787.575 € au titre de la perte du bénéfice de l'accord conclu avec le CEPME (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué en l'an 2000 de 2.701.788 €),
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
Soit un total de 68.144.768,20 €
CONDAMNER les MMA à verser à la société SAPAR les sommes suivantes, au titre de dommages-intérêts supplémentaires liés à l'aggravation de l'incendie, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2000':
2.062.860 € au titre des pertes dues à l'extension de l'incendie (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'expert en l'an 2000, de 1.471.498 €)
3.787.575 € au titre de la perte du bénéfice de l'accord conclu avec le CEPME (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 de la somme de 2.701.788 € en l'an 2000)
112.397 € au titre des avoirs consentis aux clients après contamination par la listéria (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 de la somme de 80.176 € en l'an 2000),
Soit un total de 5.962.832 €
PRONONCER la capitalisation des intérêts
A TITRE SUBSIDIAIRE
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
EN TOUT ETAT DE CAUSE':
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense';
DEBOUTER AXA et MMA de l'intégralité de leurs demandes';
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à payer à la société SAPAR 70.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens'; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.'»
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2023, M. et Mme [E] demandent à la cour , tant à titre d'appel principal, que d'appel incident dans la procédure initiée par SAPAR :
«'Vu les articles 624, 625, 631 du code de procédure civile et e l'article L 431-4 du code de l'organisation judiciaire,
Vu les articles 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2021,
Déclarer recevable l'appel interjeté par Monsieur et Madame [E] par déclaration du 3 janvier 2019,
Réformer le jugement entrepris sur l'indemnisation du préjudice moral de Monsieur et Madame [E] en ce qu'il a limité à 15 000 euros le montant de l'indemnisation respectivement accordée à chacun d'eux,
- En conséquence, condamner la Compagnie M.M.A. et la Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- Et condamner la Compagnie M.M.A. la et Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Madame [D] [E] la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur et Madame [E] de condamnation à réparation de leur préjudice matériel
- En conséquence, condamner la Compagnie M.M.A. la et Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 464 128 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
- Condamner la Compagnie M.M.A. à payer à Monsieur [E] la somme de 21 194 euros au titre de la diminution de ses revenus entre 1998 et 1999,
- Condamner la Compagnie M.M.A. à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 737 143 euros en réparation du préjudice patrimonial au titre du retard d'indemnisation du sinistre de l'immeuble de [Localité 9],
- Condamner la Compagnie M.M.A. et la Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Madame [D] [E] la somme de 303 961 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
- Dire que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts porteront intérêt au taux légal à compter du 27 novembre 2008, date de l'intervention volontaire de M. et Mme [E], avec capitalisation,
- Rejeter l'appel incident formé par la société AXA France IARD et la débouter de toutes ses demandes
- Rejeter l'appel incident formé par la société MMA IARD et la débouter de toutes ses demandes,
- Confirmer le jugement entrepris sur la condamnation des compagnies MMA IARD et AXA France au paiement de la somme de 5 000 euros à Monsieur [E] et 5 000 euros à Madame [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner les sociétés M.M.A. IARD et AXA FRANCE à payer chacune à Monsieur et Madame [E] la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la Compagnie M.M.A. au paiement des entiers dépens, que Maître Bertrand Châtelain pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile'»
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2023, MMA demande à la cour :
«'Vu le jugement du tribunal de grande instance de PARIS du 6 novembre 2018 :
Vu l'ordonnance de Monsieur le conseiller de la mise en état du 17 juin 2019
Vu les dispositions des articles16, 1134 et 1351 du code civil,
Vu les dispositions des articles 910-40 et 564 du code de procédure civile
Vu l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 7 juillet 2006,
REJETER des débats comme tardives les conclusions et pièces communiquées sous les RG N°23/00223 & 23/04528 par la société SAPAR le 14 septembre.
Sur l'appel principal de la société SAPAR,
Sur l'irrecevabilité :
JUGER la société SAPAR irrecevable en ses demandes suivantes :
25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003 et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens ; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.
Comme n'ayant pas été formulées au soutien de l'appel principal de la société SAPAR (article 910-4 du code de procédure civile) et comme étant en tout état de cause nouvelles en cause d'appel (article 564 du code de procédure civile).
INFIRMER le jugement dont appel et JUGER que les demandes de la société SAPAR se heurtent, à divers titres, à l'autorité de la chose jugée attachée tant au jugement rendu par le tribunal de grande instance de MEAUX le 29 juin 2000 qu'à celui du même siège du 17 janvier 2001.
JUGER, en l'état de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 juillet 2009, que la péremption de l'instance pendante devant la cour d'appel de Paris a été consacrée.
DIRE et JUGER en conséquence que les demandes de la société SAPAR se heurtent de plus fort à l'autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance de MEAUX de chef des décisions précitées.
En conséquence,
DIRE la société SAPAR irrecevable en ses demandes et l'en débouter.
Subsidiairement sur le fond :
CONFIRMER le jugement dont appel :
en ce qu'aucune faute n'a été retenue à la charge de MMA au titre de l'instruction du sinistre DO en ce que la société SAPAR a été déboutée de ses demandes au titre de ses préjudices de toute nature non justifiés et sans lien avec le sinistre.
Faisant droit à l'appel incident de MMA :
INFIRMER partiellement :
en ce que l'attitude de MMA a été considérée comme fautive au titre de la gestion du sinistre incendie ;
En tant que de besoin :
DEBOUTER SAPAR de toutes demandes contraires.
Sur l'appel incident des Epoux [E] :
Pour les mêmes raisons que ci-dessus, JUGER irrecevables les demandes suivantes de la société SAPAR :
25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003 et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de
87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens, y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.
Comme n'ayant pas été formulées au soutien de l'appel principal de la société SAPAR (article 910-4 du code de procédure civile) et comme étant en tout état de cause nouvelles en cause d'appel (article 564 du code de procédure civile).
CONFIRMER le jugement dont appel :
en ce qu'aucune faute n'a été retenue à la charge de MMA au titre de l'instruction du sinistre DO
en ce que les Epoux [E] ont été déboutés de leurs demandes au titre de leurs préjudices matériels et immatériels comme non justifiés et sans lien avec le sinistre.
Faisant droit à l'appel incident de MMA :
INFIRMER partiellement :
en ce que l'attitude de MMA a été considérée comme fautive au titre de la gestion du sinistre incendie ;
en ce que MMA a été condamnée de ce chef au paiement du somme de 15.000 € à chacun en réparation de leur préjudice moral.
En tant que de besoin,
DEBOUTER les Epoux [E] de toutes demandes contraires
En toutes hypothèses,
CONDAMNER la société SAPAR ou tout succombant, au paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 50.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.'»
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, AXA demande à la cour :
«'Dire et juger la société AXA France IARD recevable et bien fondé en ses conclusions, y faisant droit,
Statuant sur les conclusions aux fins de rejet :
Vu les dispositions des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile,
ECARTER des débats les pièces produites par la société SAPAR et portant les n° 358, 362 à 364,369, 371, 384-1 et 384 -2, 385-1 et 385-2, 388, 390, 393 432, 439, 460, 461, 464, 481,488, 489, 493 à 495.
ECARTER des débats les pièces produites par les époux [E] et portant le n°238
Statuant sur l'appel principal de la société SAPAR:
Vu les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances,
DIRE ET JUGER la société SAPAR irrecevable et en tous cas mal fondée en son appel;
CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la société SAPAR en toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la compagnie AXA France IARD,
Subsidiairement :
DIRE ET JUGER que la société SAPAR n'administre pas la preuve d'une faute causale susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de la société AXA France IARD ;
Vu l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris en date du 2 septembre 2003,
Vu les dispositions des articles L 121-1 et L 121-4 du code des assurances,
CONSTATER qu'il existe entre les contrats d'assurance souscrits par la société SAPAR respectivement auprès de la Compagnie LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES et de la société AXA FRANCE IARD une situation d'assurances cumulatives, ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris aux termes d'un arrêt en date du 2 septembre 2003, aujourd'hui définitif,
DIRE ET JUGER que la société SAPAR ne saurait en conséquence arguer d'une quelconque insuffisance de garantie susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la société AXA FRANCE IARD,
DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause la faute alléguée à raison d'un prétendu manquement au devoir de conseil ne saurait avoir joué un quelconque rôle causal dans la survenance du préjudice dont il est demandé réparation,
DIRE ET JUGER que la société SAPAR n'administre pas davantage la preuve du préjudice dont il est demandé réparation, serait-ce une simple perte de chance ;
En conséquence :
DIRE ET JUGER la société SAPAR mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD ; L'EN DEBOUTER.
CONDAMNER la société SAPAR à payer à la société AXA FRANCE IARD une somme de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNER enfin aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP COURTEAUD-PELLISSIER, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Statuant sur l'appel des époux [E] et l'appel incident de la société AXA France IARD:
DIRE ET JUGER les époux [E] irrecevables et en tous cas mal fondés en leur appel principal ou incident, les en DEBOUTER ;
INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société AXA FRANCE IARD à payer à Madame et Monsieur [E] une somme de 15 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral ;
CONDAMNER les époux [E] in solidum avec la société SAPAR à payer à la société AXA FRANCE IARD une somme de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
LES CONDAMNER enfin aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP COURTEAUD-PELLISSIER, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'»
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2023.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la procédure
I-A Sur la jonction
Il est rappelé que le jugement déféré a donné lieu à deux déclarations d'appel, en premier lieu de M. et Mme [E] et en second lieu de SAPAR. Les instances nées de ces appels ont été instruites séparément en raison des difficultés procédurales rencontrées dans l'instance d'appel initiée par M. et Mme [E].
A ce jour, ces difficultés se sont résorbées et il ne serait pas de bonne justice de juger séparément ces deux instances alors qu'elles portent sur les mêmes faits, que les parties sont les mêmes ainsi que les moyens soulevés.
Il y a donc lieu de prononcer la jonction des affaires 23/00223 et 23/04528 sous le numéro 23/00223.
I-B Sur l'irrecevabilité des dernières conclusions de SAPAR et de ses nouvelles demandes et sur le rejet de ses dernières pièces communiquées
Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées respectivement le 17 septembre 2023 et le 18 septembre 2023, MMA et AXA demandent que :
- les conclusions et les pièces communiquées par SAPAR le 14 septembre 2023 soient rejetées ;
- SAPAR soit déclarée irrecevable en ses demandes suivantes:
«'25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003
et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens ; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.'»
en ce qu'elles n'ont pas été formées en première instance et qu'elles n'ont pas été présentées dès les premières conclusions prises en application de l'article 908 du code de procédure civile.
AXA demande aussi dans les motifs de ses conclusions, le rejet des pièces listées en page 6 de ses dernières conclusions en ce qu'elles consistent en des notes et des tableaux établis par M. [E] constituant des compléments d'argumentation qui ne peuvent être valides, faute d'être intégrés aux conclusions de SAPAR.
Sur ce,
I-B-1 Sur les demandes de rejet des dernières conclusions et pièces
Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile,
Il n'est pas contesté que SAPAR a notifié ses dernières conclusions récapitulatives ainsi que 10 nouvelles pièces le 14 septembre 2023 alors que la clôture était fixée au 18 septembre 2023 .
Dans la mesure où il n'est pas soulevé par les intimées que l'argumentaire développé par SAPAR dans ces conclusions litigieuses, avait profondément été modifié par SAPAR et qu'elles ont elles-mêmes pu y répliquer par conclusions postérieures, il s'en déduit que les intimées ont pu organiser leurs défenses et que le principe de la contradiction n'a pas été méconnu.
En revanche, la communication des pièces 496 à 506, le 14 septembre 2023 à quatre jours de la clôture incluant un jour non ouvrable, ne permettait pas aux intimées d'en prendre connaissance en temps utile avec leur client et d'y répondre avant la date de clôture alors que ces pièces étaient nouvelles.
Elles seront, en conséquence, écartées des débats et du délibéré.
S'agissant des pièces listées en page 6 de ses dernières conclusions dont AXA demande qu'elles soient écartées des débats, la cour relève que cette demande n'est pas reprise au dispositif desdites conclusions.
Dès lors, la cour n'a pas à statuer sur cette demande en application de l'article 954 du code de procédure civile.
I-B-2 Sur la recevabilité des dernières demandes de SAPAR
Vu l'article 908 et 910-4 du code de procédure civile,
Il n'est pas contesté que SAPAR a formé de nouvelles demandes dans ses dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2023.
Il est rappelé que SAPAR a formé appel le 10 janvier 2019.
La cour constate sans être contredite, que les premières conclusions au fond notifiées le 8 avril 2019 par SAPAR ne contiennent pas lesdites demandes.
Il n'est pas non plus établi que ces demandes soient destinées à répliquer aux demandes et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, alors que SAPAR a notifié des conclusions les 16 janvier et 24 mars 2023 qui ne contenaient pas ces demandes et qu'il n'est pas argué du fait que MMA ou AXA auraient formé des demandes ou communiqué des pièces qui auraient nécessité ces demandes en réplique.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs que les demandes rappelées dans la présentation des moyens de AXA et de MMA sont rejetées comme étant irrecevables en application de l'article 910-4 du code de procédure civile.
En définitive, au vu de l'ensemble des motifs des deux paragraphes susvisés, il est jugé que les conclusions notifiées par SAPAR le 14 septembre 2023 sont recevables sous réserve de l'irrecevabilité des demandes susvisées.
Le jugement déféré sera complété sur ces points.
I-C Sur les fins de non-recevoir
I-C-1 Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée
Dans la présente affaire, le tribunal a considéré que la demande dont il est saisi au titre de la gestion du sinistre incendie par MMA, ne se heurte pas à l'autorité des choses jugées par le tribunal de grande instance de Meaux les 29 juin 2000 et le 17 janvier 2001 et il a décidé, en conséquence, de débouter MMA de ses fins de non-recevoir tirées de ces deux jugements.
I-C-1- a) Sur l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 29 juin 2000
A l'appui de son appel incident, MMA fait valoir que SAPAR a évoqué dans l'instance l'opposant à MMA, la faute de cette dernière dans la gestion du sinistre DO, qui aurait eu des conséquences sur son activité industrielle. MMA estime que le litige portait donc sur les conditions éventuellement fautives dans lesquelles elle aurait instruit amiablement le sinistre DO et que le tribunal de Meaux a écarté en 2000 ces allégations et condamné SAPAR à restituer la quasi-intégralité des sommes que MMA lui avait versées. Elle ajoute que l'instance d'appel initiée par SAPAR sur ce jugement a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle le 16 mai 2002, que l'instance d'appel est donc périmée depuis le 17 mai 2004.
En réplique, SAPAR rappelle que la question de l'autorité de chose jugée ne s'est jamais appréciée au regard des éventuelles allégations d'une partie au cours d'un litige mais au regard du dispositif de la décision judiciaire. Elle précise que la restitution prononcée par le tribunal n'est pas la conséquence du caractère infondé de la position de SAPAR par rapport à MMA mais la conséquence de la perte d'objet des indemnités allouées au titre de l'assurance DO, quelques jours avant le sinistre incendie du 21 février 2000 ; celui-ci en détruisant totalement l'usine, rendait de ce fait, caduque la nécessité de remplacer les panneaux isothermes Plasteurop.
Sur ce,
Vu l'article 1355 du code civil ;
Il résulte de cette disposition, que l'autorité de la chose jugée, qui ne s'attache qu'aux chefs du dispositif ayant effectivement tranché une question litigieuse, exige une identité de parties, d'objet et de cause.
Il est constant que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.
En l'espèce, le tribunal de grande instance de Meaux, dans son jugement du 29 juin 2000, faisant droit à la demande de restitution de MMA, a condamné la société SAPAR à restituer, en deniers ou quittances, la somme de5 677 015 francs, soit 865 455,36 euros qui lui a été versée à titre provisionnel par MMA.
S'il ressort du jugement au titre du rappel des moyens de défense, que SAPAR reprochait à MMA son manque de diligence dans la conduite du dossier DO, pour autant, il n'en ressort pas que SAPAR ait formé en réplique à la demande de restitution de MMA, une demande d'indemnisation fondée sur la responsabilité de MMA.
Il y a lieu de rappeler que l'autorité de la chose jugée s'attache au dispositif du jugement et non aux allégations des parties en cours d'instance.
Il ressort donc de ce jugement, que le litige qui oppose MMA à SAPAR, a pour objet la restitution de l'indemnité DO en raison de l'incendie qui a entièrement détruit l'usine et ne permet plus l'affectation de l'indemnité DO à la réparation des panneaux isothermes Plasteurop atteints de désordres décennaux.
Ainsi, l'objet de la demande de MMA dans ce litige de [Localité 8] est différent de l'objet de la demande de SAPAR dans le présent litige qui consiste à rechercher la responsabilité de MMA du fait de fautes qu'elle aurait commises dans la gestion du sinistre DO.
D'ailleurs, le tribunal de Meaux avait rappelé la délimitation de l'objet de sa saisine ainsi: «' la présente juridiction n'est pas saisie d'une demande reconventionnelle de la société SAPAR relative à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la MMA pour insuffisance de diligence dans l'instruction du dossier'».
En conséquence, le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée à l'égard du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 29 juin 2000 est mal fondé.
I-C-1-b) Sur l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 17 janvier 2001
A l'appui de son appel, MMA fait valoir que dans l'instance qui a donné lieu au jugement du 17 janvier 2001, SAPAR poursuivait l'indemnisation de ses entiers préjudices, tant matériels qu'immatériels. Elle estime que SAPAR ne peut donc plus formuler quelque demande que ce soit tendant aux mêmes fins, fût-ce là encore sur un fondement juridique différent. Elle précise que l'instance introduite par SAPAR pour l'indemnisation de ses préjudices et qui a donné lieu au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 janvier 2001, est désormais éteinte à la suite de sa péremption constatée par le conseiller de la mise en état le 2 juillet 2009 et consécutive à l'absence de diligences depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 septembre 2003 qui a infirmé le jugement en reconnaissant le cumul d'assurances et a ordonné le sursis à statuer sur la fixation des préjudices.
En réplique, SAPAR fait valoir qu'il n'y a pas identité d'objet entre l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Meaux et la présente instance: dans le premier cas, elle a demandé une somme d'argent en exécution du contrat d'assurance'; dans la présente instance, elle demande une somme d'argent en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels.
Sur ce,
Concernant cette fin de non-recevoir, il est fait référence aux mêmes règles et principes que dans le paragraphe I-C-1- a
En l'espèce, le tribunal de grande instance de Meaux, dans son jugement du 17 janvier 2001, a constaté la résiliation des police incendie (n° 6054962) et pertes d'exploitation (n° 6054963) souscrites par la société SAPAR auprès de la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES, a constaté qu'il ne saurait y avoir lieu à cumul de garanties et a dit qu'aucune demande, quel qu'en soit l'auteur, ne saurait aujourd'hui prospérer à l'encontre de la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES qui n'était plus l'assureur de la société SAPAR au moment du sinistre.
Outre que la société SAPAR ne formulait, devant cette juridiction, aucune demande en responsabilité à l'égard de MMA, le dispositif du jugement se limite à statuer sur le cumul d'assurances et à dire qu'aucune demande ne peut prospérer contre MMA qui n'est plus l'assureur de SAPAR au moment du sinistre.
MMA soutient vainement que, tant devant le tribunal de grande instance de Meaux que dans le cadre de la présente instance, les demandes de SAPAR tendent aux mêmes fins, à savoir l'indemnisation de ses préjudices, peu importe le changement de fondement juridique.
En réalité, la demande de SAPAR n'a pas le même objet : en effet, dans l'instance ayant donné lieu au jugement de 2001, elle demande l'indemnisation du sinistre telle que résultant de l'exécution du contrat d'assurance alors que dans la présente instance, elle demande une indemnité réparant le préjudice qui aurait été causé par les manquement de l'assureur dans la gestion du sinistre. Ainsi en 2001, il n'était pas question d'une demande en responsabilité mais en exécution des contrats d'assurance, de sorte qu'aucune identité d'objet n'est démontrée par MMA.
Dès lors, le moyen soulevé par MMA de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 janvier 2001, n'est pas fondé.
I-C-2 Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription
I-C-2-a) Sur la prescription de l'action à l'égard de MMA
Il est rappelé que MMA a soulevé cette fin de non-recevoir en première instance et que le tribunal a jugé que MMA ne pouvait opposer à SAPAR la prescription biennale au titre de son action en responsabilité contractuelle relative à la police DO et aux polices d'incendie et pertes d'exploitation et qu'il convenait de débouter MMA de l'ensemble de ses fins de non-recevoir.
En appel, MMA ne demande pas l'infirmation du jugement au titre de la prescription et ne soulève aucun moyen à ce titre.
SAPAR demande la confirmation du jugement sur ce point.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré concernant la prescription.
En définitive, pour l'ensemble des motifs des deux paragraphes précédents I-C-1 , pour le motif précédent et pour ceux retenus par le tribunal de grande instance de Paris, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a reçu SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre MMA.
I-C-2-b) Sur la prescription de l'action à l'égard d' AXA
Le tribunal a constaté en premier lieu, que SAPAR ne contestait pas que les conditions générales de AXA respectaient les exigences informatives sur l'interruption de la prescription, en second lieu, après avoir examiné si AXA avait eu un comportement déloyal, le tribunal a considéré que le dol dans l'exécution du contrat ne pouvait être retenu et qu'il fallait, par conséquent, s'en tenir à la prescription biennale qui avait commencé à courir dès le 27 septembre 2000, date à laquelle SAPAR avait déjà connaissance des fautes reprochées à l'assureur et des préjudices en découlant. Le tribunal en a déduit que le cours de cette prescription n'avait connu d'autre interruption à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 17 janvier 2001, que celle du 28 décembre 2006, date de l'assignation devant lui, qu'il en résultait que l'action de SAPAR contre AXA du chef de ses manquements dans la conclusion et l'exécution du contrat se trouvait donc prescrite. Le tribunal a, en conséquence, déclaré SAPAR irrecevable en toutes ses demandes indemnitaires à l'égard de AXA.
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle que dans la présente instance, elle exerce une action en responsabilité civile fondée sur des fautes de déloyauté commises par les assureurs dans l'exécution de leur contrat respectif. Selon elle, le dol a un sens atténué par rapport au dol du droit des obligations, la déloyauté en droit des assurances est caractérisée par le seul refus de l'assureur d'exécuter ses obligations et au regard de la prescription, le comportement dolosif n'est pas seulement celui qui consiste à endormir la vigilance de l'assuré par rapport au délai de deux ans.
Elle distingue aussi l'action en responsabilité délictuelle exercée contre l'agent de AXA de l'action en responsabilité contractuelle exercée contre AXA elle-même.
Concernant la seconde action, soumise en principe à la prescription biennale, elle estime que le comportement déloyal de AXA exclut cette prescription biennale, que la déloyauté de cet assureur s'est traduite par son refus d'indemniser alors que l'enquête préliminaire était achevée et que le parquet avait décidé de classer sans suite l'affaire de l'incendie.
Concernant le point de départ du délai de prescription, SAPAR fait valoir qu'il doit être reporté au 31 mars 2006, date de dépôt du rapport d'expertise [H] (sapiteur de l'expert judiciaire M. [R] désigné le 13 juillet 2000), car c'est la date à partir de laquelle SAPAR a connaissance de l'étendue du préjudice né du sinistre et a connaissance des conséquences du refus des assureurs de prendre en charge le sinistre.
Concernant l'inopposabilité du délai de prescription biennale, SAPAR fait valoir que AXA n'a pas respecté les exigences d'information relatives aux causes ordinaires de prescription en se limitant à mentionner le principe de l'interruption par une des causes ordinaires de prescription, sans préciser ces causes, qu'il en résulte que la prescription biennale n'est pas opposable par AXA à SAPAR et que le seul délai de prescription pouvant être invoqué est le délai de dix ans.
Elle estime en définitive que la fin de non-recevoir soulevée par AXA n'étant pas fondée, elle doit être rejetée et qu'elle est recevable à agir.
En réplique, AXA rappelle que le délai de prescription de l'action en responsabilité contractuelle exercée par SAPAR a commencé à courir au plus tard, le 27 septembre 2000, date de l'assignation formée par SAPAR devant le tribunal de grande instance de Meaux et date à laquelle SAPAR avait déjà connaissance de l'intégralité des faits qu'elle impute à AXA. Elle ajoute que la prescription est acquise au plus tard le 17 janvier 2003. Elle précise, en s'appuyant sur la jurisprudence, que lorsque la prescription biennale a été acquise par des manoeuvres déloyales, l'assureur est privé du droit de s'en prévaloir et qu'il faut caractériser ces manoeuvres déloyales ; qu'il s'agit, selon AXA, de manoeuvres destinées à laisser délibérément courir le délai de prescription pour ensuite l'opposer à l'assuré ; qu'elles ne doivent pas être confondues avec le dol en tant que condition de fond de mise en cause de la responsabilité de l'assureur, qui vise tout comportement destiné à différer de mauvaise foi le paiement de l'indemnité d'assurance et qui cause à l'assuré un préjudice indépendant du retard au sens de l'article 1153 ancien du code civil. Elle rappelle que SAPAR ne s'était pas laissée surprendre par la prescription biennale puisqu'elle avait assigné ses deux assureurs MMA et AXA devant le tribunal de grande instance de Meaux le 29 septembre 2000 et qu'elle a laissé cette procédure se périmer devant la cour d'appel de Paris. Sur le report du point de départ de la prescription invoqué par SAPAR, elle fait valoir qu'à la date d'assignation de AXA devant le tribunal de grande instance de Meaux le 29 septembre 2000, aux fins de contraindre l'assureur à exécuter ses garanties, SAPAR avait nécessairement connaissance du préjudice résultant de la non-exécution des garanties, à savoir la perte de chance de réaliser sa marge. Elle rappelle que AXA a exécuté dès février 2001, le jugement du tribunal de grande instance de Meaux mais que pour autant, SAPAR n'a pas repris son activité, en raison des actes d'exécution mis en oeuvre par les créanciers de SAPAR sur cette indemnité, à hauteur d'un montant total de 60 %. Concernant le moyen invoqué par SAPAR de la qualité rédactionnelle de la police de AXA, cette dernière précise qu'il est soulevé pour la première fois le 16 janvier 2023, alors qu'il avait été soulevé à l'égard de MMA dès 2011 et que le tribunal de grande instance de Meaux dans son jugement du 23 février 2012 devenu définitif, avait rappelé que «'SAPAR assistée du commissaire à l'exécution du plan, avaient indiqué que la police AXA respecte les exigences de la Cour de cassation et que si AXA peut opposer la prescription biennale, l'action doit se poursuivre à l'égard de MMA'» et avait décidé que l'action engagée par SAPAR assistée du commissaire à l'exécution du plan, était irrecevable car prescrite. AXA estime donc que SAPAR n'est plus recevable à lui opposer ce moyen car elle a expressément et judiciairement reconnu que la prescription biennale des actions dérivant du contrat d'assurance qu'elle a souscrit auprès de AXA lui est opposable et renoncé à se prévaloir de l'inopposabilité du délai biennal.
Sur la gestion du sinistre incendie, elle explique qu'elle n'a été ni fautive, ni dolosive mais que la suspicion d'incendie criminel était légitime car justifiée par des circonstances hors du commun, qu'elle rappelle dans ses conclusions (difficultés financières de SAPAR, mise en cause publique de SAPAR dans l'épidémie de listéria quelques jours avant l'incendie, souscription d'un nouveau contrat d'assurance deux mois avant l'incendie), qu'il ne peut non plus être reproché à AXA d'avoir pris l'initiative après la clôture de l'enquête pénale, d'avoir demandé une expertise judiciaire pour déterminer les causes de l'incendie et chiffrer les préjudices compte tenu des désordres de construction préexistants. Elle précise que SAPAR n'a formé lors de cette instance aucune demande de provision, qui se serait heurtée devant le juge des référés à une contestation sérieuse dans la mesure où les créanciers s'étaient manifestés auprès de l'assureur pour faire opposition à son versement.
AXA ajoute que même si une faute était retenue à son égard, celle-ci serait sans lien causal avec le préjudice car l'important endettement de SAPAR, antérieur à l'incendie qui la privait du bénéfice d'une grande partie (60 %) de l'indemnité d'assurance, ne lui a pas permis de reconstruire son usine.
Sur ce,
Vu les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances,
Il est constant que l'assureur est tenu d'une obligation générale de loyauté dans la mise en oeuvre du processus d'indemnisation.
Il est constant que l'action en réparation des dommages subis en raison des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance dérive de ce contrat et se trouve soumise au délai de prescription biennale dont le point de départ se situe à la date à laquelle l'assuré a eu connaissance des manquements de l'assureur à ses obligations et du préjudice en résultant.
Au regard des moyens soulevés par SAPAR et AXA, il convient de procéder à leur analyse selon le plan ci-après.
I-C-2-b-1) Sur la recevabilité du moyen relatif à la qualité rédactionnelle de la police d'assurance AXA
Vu l'article 1355 du code civil ;
Vu l'article 122 du code de procédure civile ;
Vu l'article R. 112-1 du code des assurances';
Il est constant que l'assureur qui n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 susvisé, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré et ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ainsi que les causes ordinaires de prescription.
En l'espèce, il ressort des conditions générales de la police d'assurance multirisque de l'entreprise n° 39475900152587 souscrite par SAPAR auprès de AXA le 18 octobre 1999 et renouvelée le 18 janvier 2000 pour une durée d'un an, qu'il est stipulé au paragraphe «'Prescription'» (page 13 des conditions générales ) :
«'Toute action dérivant du contrat d'assurance est prescrite par deux ans à compter de l''évènement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par l'article L. 114-1 du code.
La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription ainsi que par:
la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre,
l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur au souscripteur en ce qui concerne l'action en paiement de la cotisation et par le souscripteur à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.'»
Cette formulation contractuelle qui rappelle le principe de l'interruption de la prescription par des causes ordinaires sans préciser le contenu de ces causes ordinaires, ne suffit pas à éclairer l'assuré sur l'étendue de ces droits.
AXA ne peut donc opposer la prescription biennale à SAPAR, ni non plus prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Pour s'opposer à cette sanction, AXA fait valoir d'une part, que SAPAR avait admis en première instance qu'il était certain que la prescription était acquise, d'autre part qu'elle avait en 2011 devant le tribunal de grande instance de Meaux renoncé expressément à invoquer le moyen relatif à la rédaction de la police d'assurance AXA et que le tribunal avait donc jugé que la prescription biennale était opposable à SAPAR et que l'action de cette dernière contre AXA était prescrite et donc irrecevable. AXA estime qu'en raison de l'autorité de chose jugée du jugement du 23 février 2012 du tribunal de grande instance de Meaux du fait de l'identité de parties, de cause et d'objet entre la présente instance et celle qui a conduit à ce jugement de 2012, SAPAR n'est plus recevable à opposer le moyen de la qualité rédactionnelle dans la présente instance à AXA.
Mais l'autorité de la chose jugée, qui ne s'attache qu'aux chefs du dispositif ayant effectivement tranché une question litigieuse, se caractérise par une identité de parties, d'objet et de cause.
Or, en l'espèce, le jugement de 2012 et la présente instance n'ont pas le même objet : en effet, l'objet du jugement de 2012 porte sur une action en exécution du contrat d'assurance souscrit auprès de AXA alors que l'action dont est saisie aujourd'hui la cour d'appel a pour objet une action en responsabilité civile fondée sur des fautes alléguées de déloyauté commises par les assureurs dans l'exécution de leur contrat respectif, ainsi que le rappelle à juste titre SAPAR.
Par conséquent, faute d'identité d'objet, les conditions de l'autorité de chose jugée du jugement de 2012 sur la présente action ne sont pas réunies.
Le moyen d'autorité de chose jugée invoqué par AXA sera donc écarté.
Par ailleurs, s'il est exact que SAPAR n'a pas contesté en première instance, que les conditions générales AXA respectaient les exigences informatives sur l'interruption de prescription, elle est cependant recevable, en application de l'article 563 du code de procédure civile, à invoquer en appel, un nouveau moyen de défense au fond quand bien même il serait en contradiction avec un moyen de défense soulevé en première instance, dès lors qu'elle a soulevé ce moyen plusieurs mois avant la clôture des débats, en l'espèce en janvier 2023, respectant ainsi le principe de loyauté des débats.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs, que SAPAR est recevable à opposer à AXA, le moyen de non-respect par celle-ci des dispositions de l'article R. 112-1 susvisé, lors de la rédaction de la police n° 39475900152587 d'assurance multirisque de l'entreprise.
I-C-2-b-2) Sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir
a) Sur le quantum du délai de prescription
Ainsi qu'il a été démontré précédemment, AXA qui n'a pas respecté les dispositions de l'article R 112-1 susvisé, ne peut opposer à SAPAR la prescription biennale et ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen surabondant soulevé par SAPAR relatif aux manœuvres fautives intentionnellement commises par l'assureur dans le but de retarder le règlement du sinistre et à laisser écouler le délai de la prescription biennale, pour écarter l'application de la prescription biennale.
b) Sur le point de départ du délai de prescription
L'action en responsabilité engagée par l'assuré contre l'assureur en raison d'un manquement à ses obligations se prescrit à compter de la date à laquelle l'assuré a eu connaissance de ce manquement et du préjudice en étant résulté pour lui.
SAPAR fait valoir que le point de départ doit être fixé au 31 mars 2006, date de dépôt du dernier rapport d'expertise judiciaire sur le préjudice (rapport [H]).
Mais, il y a lieu de rappeler que l'ordonnance de référé rendue le 13 juillet 2000 par le président du tribunal de grande instance de Meaux à la demande de AXA à l'égard de SAPAR et de MMA, a limité la mission de l'expert judiciaire à la détermination des différentes responsabilités engagées dans le sinistre Incendie et au chiffrage des préjudices subis par SAPAR, à savoir selon le dispositif: «' donner tous les éléments d'appréciation nécessaires pour évaluer les préjudices, notamment en chiffrant le coût des travaux nécessaires, leurs délais d'exécution et les préjudices annexes et pertes d'exploitation'».
Ainsi cette décision a été rendue en vue d'éclairer les deux assureurs et leur assuré sur les responsabilités dans l'incendie et les dommages résultant directement de cet événement.
Or la présente action a pour objet de déterminer la responsabilité des assureurs dans la gestion notamment du sinistre Incendie et les dommages qui seraient résulté de cette gestion.
Il en résulte que les dommages relevant de la mission d'expertise judiciaire qui sont ceux engendrés directement par l'incendie et indemnisables selon les stipulations des polices d'assurance, ne recouvrent pas les dommages qui seraient nés d'une mauvaise gestion du sinistre et donneraient lieu à une perte de chance de pouvoir obtenir l'indemnisation prévue par les contrats d'assurance.
Il ne peut donc être considéré que la date de connaissance par SAPAR des préjudices résultant de l'incendie, se confond avec la date de connaissance du préjudice qui résulterait de la mauvaise gestion par AXA du contrat d'assurance.
En effet, au titre de la mauvaise gestion du sinistre, SAPAR reproche à AXA d'avoir refusé de l'indemniser alors que l'enquête pénale avait démontré que l'incendie n'avait pas une cause criminelle.
Or, c'est au début de l'été 2000 qu'il est définitivement établi que l'incendie n'a pas une origine volontaire, ce que rappelle d'ailleurs l' ordonnance de référé du 13 juillet 2000.
Il est aussi rappelé que :
* le 27 septembre 2000, SAPAR assigne AXA et MMA aux fins de voir :
constater l'acquisition du fait générateur constitué par l'incendie, «'subordonnant la mise en oeuvre des garanties souscrites auprès de AXA
demander à cette dernières les indemnités dans la limite du plafond de garantie des dommages consécutifs à l'incendie
et demande dans ses dernières conclusions, une provision.
* dans ses dernières conclusions devant le tribunal, SAPAR soutient qu'elle a été contrainte de le saisir à jour fixe pour obtenir la condamnation de l'assureur, AXA, à s'exécuter des obligations contractuellement dues et permettre la reprise d'activité à laquelle les dirigeants n'ont cessé de s'employer (pièce AXA - 29) et ajoute plus loin, «'AXA ne cesse d'agir pour différer le paiement des sommes dues'».
* dans le jugement rendu le 17 janvier 2001, le tribunal de grande instance de Meaux a fait droit aux demandes de provision formées à l'égard de AXA, au motif, s'agissant de la provision pour pertes d'exploitation qu'elles «'n'ont cessé de s'aggraver en raison de l'attitude de refus de garantie manifesté par l'assureur jusqu'au jour de l'audience de plaidoirie.'»
Ainsi, SAPAR avait connaissance dès le 27 septembre 2000, d'un préjudice imputable à la faute de AXA dans la gestion du sinistre.
Il en résulte que la demande de fixation du point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée à l'égard de AXA du fait d'une mauvaise gestion du sinistre Incendie, à la date de dépôt du dernier rapport d'expertise ordonnée le 13 juillet 2000, n'est pas fondée.
En revanche, il convient pour ces motifs et ceux retenus par le tribunal de grande instance de Paris, de fixer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité à l'égard de AXA à la date du 27 septembre 2000.
c) Sur l'interruption du délai de prescription
Dès lors que la prescription biennale n'est pas opposable à SAPAR et que AXA ne peut pas non plus se prévaloir de la prescription de droit commun, les moyens invoqués par SAPAR au titre de l'interruption ou de la suspension de la prescription, sont surabondants. Il n'y a donc pas lieu de les examiner.
Compte tenu du point de départ de la prescription, le 27 septembre 2000 et de l'inopposabilité des délais de prescription de deux ans et de 10 ans du droit commun, il en résulte qu'à la date d'assignation du 28 décembre 2006, l'action en responsabilité contractuelle engagée par SAPAR à l'égard de AXA n'était pas prescrite.
Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par AXA doit être rejetée et il y a lieu de dire que SAPAR est recevable à agir en responsabilité contractuelle à l'égard de AXA.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre la compagnie AXA.
II Sur la responsabilité civile des assureurs à l'égard de SAPAR
A titre préliminaire, il convient de rappeler le cadre juridique de l'action engagée par SAPAR à l'égard de MMA et de AXA, à la suite des sinistres DO et Incendie :
- le 21 décembre 1999, SAPAR a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux d'une action engagée à l'égard de MMA en versement d'une indemnité provisionnelle en application du contrat d'assurance DO. Le juge des référés a, par ordonnance du 9 février 2000, condamné MMA à verser une provision à SAPAR et a ordonné une expertise afin d'apprécier le caractère satisfactoire de la proposition indemnitaire de MMA. Par jugement du 29 juin 2000, le tribunal de grande instance de Meaux a condamné SAPAR, à la demande de MMA, à restituer cette indemnité provisionnelle, en raison de l'incendie du 21 février 2000 qui supprime l'objet de cette indemnité.
Le 27 septembre 2000, SAPAR a engagé une action à l'égard de AXA et de MMA en exécution du contrat d'assurance de AXA, demandé à titre principal, la condamnation au versement des indemnités contractuelles et à titre subsidiaire, une indemnité provisionnelle. Par jugement du 17 janvier 2001, le tribunal de grande instance de Meaux a déclaré résiliées les polices d'assurances Incendie et Pertes d'exploitation de MMA, dit n'y avoir lieu à cumul d'assurances et condamné AXA à verser une indemnité provisionnelle à SAPAR en application du contrat d'assurance. La cour d'appel de Paris a, par arrêt du 12 septembre 2003, infirmé le jugement concernant la résiliation des polices de MMA, dit qu'il y avait cumul d'assurances et réservé la fixation du montant des indemnités, prononçant un sursis à statuer sur ce point. L'instance d'appel a été éteinte par péremption constatée par ordonnance du conseiller de la mise en état en 2009.
Les 18 et 29 juin 2010, SAPAR a engagé une action à l'égard de MMA et de AXA en exécution des contrats d'assurance et versement des indemnités. Par jugement du 7 mars 2019, le tribunal de grande instance de Meaux a déclaré irrecevable car prescrite l'action engagée à l'égard de AXA et a fixé le montant de l'indemnité due par MMA et a condamné SAPAR à rembourser à MMA et AXA le surplus de provision perçue en exécution du jugement susvisé de 2001.
Dans la présente action engagée par assignation du 29 décembre 2006, SAPAR demande de constater la faute de MMA et de AXA dans l'exécution des contrats d'assurance DO et Incendie et Pertes d'exploitation et leur condamnation à l'indemniser du préjudice subi résultant de leur faute.
SAPAR vise à l'appui de son action les dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Mais le législateur a fait le choix de ne soumettre à ces dispositions nouvelles que les contrats conclus après leur date d'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016.
Il en résulte que les dispositions applicables sont les dispositions anciennes du code civil, à savoir les articles 1147 à 1153.
SAPAR invoque la mauvaise foi des assureurs dans l'exécution tardive de leurs obligations contractuelles, dont il résulterait un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires en application de l'article 1153 alinéa 3 ancien du code civil.
C'est donc dans ce cadre juridique que s'inscrit le présent litige.
La cour analysera chacune des conditions de la responsabilité contractuelle en commençant par l'étude des manquements des assureurs, caractérisés par leur mauvaise foi.
S'agissant du manquement, il importe de caractériser outre une inexécution, son imputabilité à l'auteur du dommage.
II-A Sur les manquements reprochés par SAPAR aux assureurs
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle qu'elle agit contre MMA et AXA sur le fondement d'un manquement grave au devoir de loyauté des assureurs dans la gestion des sinistres DO et incendie.
A l'égard de MMA, elle recherche sa responsabilité d'une part, au titre de la gestion du sinistre Plasteurop (dans le présent litige, il sera dénommé sinistre DO), d'autre part, au titre de la gestion du sinistre Incendie.
A l'égard de AXA, elle recherche sa responsabilité au titre de la gestion du sinistre incendie.
Les manquements allégués seront étudiés séparément pour chacun des assureurs.
La définition juridique de la faute dolosive est en revanche la même, quels que soient les assureurs, à savoir que le débiteur commet une faute dolosive lorsque, de propos délibéré, il se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n'est pas caractérisé par l'intention de nuire à son cocontractant.
II-A-1 Sur les manquements imputables à MMA
II-A-1-a) Sur les manquements relatifs à la gestion du sinistre D-O
A titre préliminaire, la cour précise que dans le cadre de l'assurance DO, les montants d'indemnisation seront tous indiqués en francs sans conversion, conformément aux pièces qui lui ont été communiquées.
SAPAR reproche à MMA de lui avoir fait pendant les deux premières années des propositions d'indemnisation totalement décorrélées de la réalité du préjudice qu'elle avait subi : ainsi la première proposition formulée le 30 mars 1998 était de 1 752 000 francs alors que finalement à la suite de la procédure judiciaire de référé qu'elle a engagée, MMA a accepté dans le cadre de cette instance de lui allouer une indemnité de 8 122 946,55 francs, dont le juge des référés a pris acte dans l'ordonnance du 9 février 2000. SAPAR fait observer que c'est ce délai qui est reproché plutôt que le montant de l'ultime proposition. Elle rappelle qu'elle s'est plainte à de multiples reprises de la lenteur dans la gestion de ce sinistre.
SAPAR reproche à MMA des manquements qui reposent sur un comportement déloyal de MMA en ce qu'elle aurait organisé la gestion du dossier en privilégiant ses intérêts personnels au détriment des intérêts de son assuré'; or, SAPAR rappelle que l'objet de l'assurance DO consiste à préfinancer des réparations relevant de la garantie décennale et non à organiser un arbitrage entre les intérêts économiques opposés portés par le même assureur, puisque MMA gérait des sinistres identiques concernant Plasteurop en qualité d'assureur et que son choix a été guidé par la minimisation du montant de l'indemnité. Elle estime que MMA a commis des fautes graves de gestion (propositions d'indemnisation insuffisante, retard d'indemnisation, défaut de partage lors de la construction, des informations qu'elle détenait sur les panneaux Plasteurop), fautes qui sont directement à l'origine de troubles d'ordre financier, sanitaire et commercial et de l'aggravation du sinistre par l'incendie du fait de l'absence de remplacement en temps utile des panneaux Plasteurop dégradés et ainsi de la propagation très rapide de l'incendie.
En réplique, MMA fait valoir que SAPAR n'ayant pas repris son activité après l'incendie bien qu'indemnisée provisionnellement, démontre suffisamment qu'il ne peut exister de lien de causalité entre le préjudice allégué dans le cadre de la présente instance et la gestion du sinistre DO. Elle approuve le tribunal d'avoir rappelé que SAPAR est largement responsable de la longueur du processus amiable d'indemnisation. Elle explique qu'elle n'a cessé de tenter de trouver une solution réparatoire compatible avec les contraintes sanitaires d'exploitation de SAPAR et la poursuite d'activité. Elle estime que l'expert M. [J] a approuvé le caractère satisfactoire de son offre et n'a jamais conclu à la nécessité de reprendre intégralement les panneaux. Elle rappelle la distinction en assurance DO entre les dommages matériels relevant des garanties obligatoires et les dommages immatériels, incluant les pertes d'exploitation, qui relèvent des garanties facultatives pour lesquelles un plafond contractuel peut être opposé à l'assuré.
Sur ce,
Vu les articles 1150 et 1153 anciens du code civil,
Vu l'article L. 242-1 du code des assurances,
S'agissant du dispositif d'indemnisation de l'assurance DO, le tribunal a, par des motifs exacts et pertinents qui ne sont pas contredits et que la cour adopte, exposé le dispositif d'indemnisation de l'assurance DO et rappelé la chronologie de la construction (la souscription d'un contrat d'assurance DO par SAPAR auprès de MMA, la survenance de la détérioration des panneaux d'isolation isotherme Plasteurop, la déclaration de sinistre, la désignation par MMA d'un expert amiable Saretec qui a déposé trois rapports intermédiaires, la demande d'un délai supplémentaire pour poursuivre l' expertise qui a été acceptée par SAPAR, le 19 novembre 1999, l'offre définitive de 7 277 015 francs par MMA).
La cour ajoute que Saretec a déposé son rapport final le 30 décembre 1998, que le rapport de Saretec (M. [B]) sur les pertes d'exploitation a été déposé le 10 mars 1999, que MMA après une première offre faite le 30 mars 1998, de 1 752 000 francs refusée par SAPAR, en a faite une deuxième le 6 janvier 1999 au vu du rapport final de Saretec, de 5 102 550 francs, une troisième, le 6 août 1999, de 7 893 395 francs, une quatrième le 19 novembre 1999, de 5 525 015 francs adressée à l'administrateur judiciaire désigné par le jugement du tribunal de commerce de Meaux le 18 octobre 1999 ouvrant la procédure de redressement judiciaire.
# Sur les propositions d'indemnisation insuffisantes :
Il ressort du rapport de l'expert judiciaire M. [J] que le montant total du coût des travaux de réparations (7 793 027 francs) avec les préjudices immatériels en découlant (650 000 francs), résultant du sinistre DO avant l'incendie, s'élève à 8 443 027 francs et que «' dans les circonstances où les propositions de MMA ont été formulées, SAPAR était fondée à ne pas accepter les propositions MMA relatives à l'ensemble du préjudice.'» (rapport p. 209)
Il ressort du rapport Saretec du 30 décembre 1998 que le coût des travaux comprenant leur réalisation pendant les fins de semaines afin de permettre la poursuite d'activité, avait été évalué à 6 178 071 francs, s'ils n'incluaient pas le remplacement des panneaux M1 d'origine par des panneaux M4 moins inflammables (ce remplacement s'évaluant à 448 290 francs).
Quant au préjudice lié aux pertes d'exploitation, il a été évalué par l'expertise Saretec à 693 498 francs.
Le juge des référés statuant le 9 février 2000 sur la demande de provision de SAPAR et ordonnant l'expertise confiée à M. [J], avait relevé l'accord entre MMA et SAPAR sur un montant provisionnel des dommages matériels et immatériels de 7 385 555 francs.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la troisième offre de MMA du 6 août 1999 est celle qui est la plus proche de l'évaluation de l'expert judiciaire, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal (insuffisance d'estimation peu significative, inférieure à 5 %), étant rappelé que MMA n'a jamais contesté son obligation et a versé une indemnisation provisionnelle en mars 1998 de 1 752 500 francs.
Pour autant, SAPAR n'a pas accepté cette troisième offre, évaluant le coût des travaux de reprise et les frais immatériels à la somme totale de 15 351 351 francs.
A cet égard, il ressort du rapport d'expertise judiciaire, que M. [J] a relevé en étudiant en détail, le déroulement des échanges entre SAPAR et MMA depuis la déclaration de sinistre, qu'un «'blocage est apparu'» entre l'assurée et l'assureur après le dépôt des rapports amiables, lors de la phase d'élaboration de la méthodologie des travaux réparatoires, caractérisé par «'les exigences de SAPAR peu claires et évolutives'», une absence de rigueur de son maître d'oeuvre sur la méthodologie des travaux de reprise et des montants demandés par SAPAR qui «'dérapent'».
Au vu de l'ensemble de ces éléments qui mettent en évidence une offre en août 1999 proche de celle qui sera l'estimation de l'expert judiciaire ainsi qu'un cadre complexe de travaux de reprise demandé par SAPAR et accepté par MMA, permettant la poursuite d'activité, il n'est pas établi que MMA ait fait une proposition d'offre insuffisante, après le dépôt des rapports définitifs de son expert amiable, Saretec.
Le manquement invoqué par SAPAR n'est pas établi.
# Sur le retard d'indemnisation :
Les éléments relevés précédemment ont mis en évidence que la déclaration de sinistre ayant été faite le 19 septembre 1997, MMA a versé une première indemnisation provisionnelle en mars 1998 après qu'un délai supplémentaire pour permettre une première évaluation provisoire des travaux, ait été convenu entre MMA et SAPAR et ce, conformément à l'article L. 242-1 susvisé.
Entre mars 1998 et août 1999, date de la troisième offre, Saretec a déposé ses deux rapports définitifs (le dernier en avril 1999).
Bien que SAPAR ait refusé la troisième offre, elle n'a saisi le juge des référés que le 21 décembre 1999 pour demander une provision de 8 142 183 francs et lors de cette instance, les parties se sont accordées sur un montant provisionnel de 7 385 555 francs dont il a été déduit la provision déjà versée ainsi que les frais de maîtrise d'oeuvre et dont MMA a effectué le versement dans les jours suivants le prononcé de la décision.
Au regard des dispositions légales sur les délais d'indemnisation en cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature et l'importance du sinistre, des conditions dans lesquelles les travaux de reprise devaient se réaliser et des exigences excessives de SAPAR après la troisième offre d'août 1999 qu'elle a refusée, il n'est pas établi de retard d'indemnisation, à caractère dolosif imputable à MMA.
Le manquement invoqué par SAPAR n'est pas établi.
# Sur le défaut de partage, lors de la construction, des informations que MMA détenait sur les panneaux Plasteurop :
Le manquement de MMA à son obligation d'information et de conseil lors de la souscription de l'assurance DO et ensuite lors de la déclaration de sinistre, qui découlerait de la connaissance qu'elle avait de la sinistralité des panneaux Plasteurop et de la dissimulation de cette information à SAPAR, ne peut lui être reproché ainsi que l'a relevé le tribunal.
Ce dernier a, à juste titre, considéré que MMA, en qualité d'assureur DO, n'avait pas à s'immiscer dans les choix de construction de SAPAR et que ces panneaux étaient à la date de construction, conformes à la législation en vigueur ainsi que l'expert judiciaire M. [R] l'a rappelé lorsqu'il a recherché les causes de l'incendie.
Le tribunal a également considéré que MMA n'était pas en conflit d'intérêts avec SAPAR, puisqu'elle était l'assureur de la société chargée de poser les panneaux et non du fabricant desdits panneaux.
La cour ajoute que l'expert judiciaire [J] n'a pas fait valoir son propre avis en page 10 de son rapport mais a rappelé les termes de l'assignation de SAPAR.
Par ailleurs, si l'expert judiciaire dans son rapport déposé en août 2002, a estimé que la détérioration des panneaux Plasteurop avait constitué un facteur aggravant lors du développement de l'incendie et que les autorités sanitaires ont fait observer que du fait de leur détérioration, le nettoyage des panneaux litigieux était rendu difficile et que cette situation était propice au développement de la listéria, pour autant, SAPAR ne justifie pas d'un lien de causalité entre ces risques et le sinistre sériel Plasteurop. Le reproche d'un manquement d'information au titre de ce sinistre sériel, n'est donc pas fondé.
Dès lors, en l'absence d'élément nouveau en appel de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal, la cour considère qu'il n'est pas établi de manquement de MMA à l'obligation d'information et de conseil, lors de la souscription de l'assurance DO et à la suite de la déclaration de sinistre DO.
En définitive, la cour constate que les fautes telles que reprochées par SAPAR à MMA dans la gestion de l'assurance DO ne sont pas établies.
II-A-1-b) Sur les manquements relatifs à la gestion du sinistre Incendie
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle que MMA a résilié par lettre du 23 novembre 1999, les polices de SAPAR dont la garantie incendie mais à la suite de la rétractation, le 21 décembre 1999, par le tribunal de commerce de Meaux de sa décision en date du 18 octobre 1999 de résolution du plan de continuation et d'ouverture du redressement judiciaire, MMA est revenue sur sa décision de résiliation et a mis en demeure SAPAR par lettre du 16 février 2000 de payer les primes d'assurance couvrant les 4e trimestre 1999 et 1er trimestre 2000, manifestant ainsi sa volonté claire et non équivoque d'assurer SAPAR au titre de la période indiquée. Il en est résulté que le contrat d'assurance de MMA était en cours lors de l'incendie comme l'a d'ailleurs jugé la cour d'appel de Paris le 12 septembre 2003, par un arrêt devenu définitif. Elle explique que le jour de l'incendie, elle a donc déclaré le sinistre à MMA qui a dépêché sur les lieux du sinistre trois experts amiables ainsi que son agent d'assurance et que, cependant, le 21 février 2000, MMA a informé SAPAR de son refus d'indemnisation au motif que les polices d'assurances souscrites avaient été résiliées. SAPAR estime que le fait pour MMA d'avoir nié la force juridique de sa propre mise en demeure de payer les primes et de s'être fondée sur l'illégalité du cumul d'assurance lors de l'instance devant le tribunal de grande instance de Meaux qui a donné lieu au jugement du 17 janvier 2001 ainsi que pendant l'instance d'appel qui a donné lieu à l'arrêt du 12 septembre 2003 qui a remis en cause cette position, démontre l'objectif de MMA de gagner du temps pour différer le paiement des primes et que ces manoeuvres caractérisent la faute dolosive de MMA à l'égard de SAPAR dans la gestion du sinistre Incendie.
En réplique, MMA fait valoir qu'elle était légitime à opposer un refus de garantie de l'incendie à la suite de la résiliation des polices qui la liaient à SAPAR et de la rétractation du jugement de redressement judiciaire dès lors qu'elle n'avait pas demandé à SAPAR la prime afférente à la police incendie n° 6 054 962.
Elle précise, à cet égard, que lors de l'instance en référé initiée par AXA sur les causes de l'incendie, ce n'est pas SAPAR qui l'a attraite à la procédure mais AXA et que SAPAR ne lui a pas non plus adressé de demande d'indemnisation après le refus de garantie. Elle explique aussi que lors de l'instance au fond engagée par SAPAR sur l'exécution des garanties, SAPAR n'a formé aucune demande à son égard et qu'en réplique à AXA, elle ne s'est pas opposée au cumul au nom d'un principe de non-cumul mais en raison de la résiliation des polices incendie (n° 6 054 962) et pertes d'exploitation (n° 6054963). S'agissant du reproche sur la durée des expertises judiciaires, elle estime qu'elle résulte des demandes renouvelées de SAPAR pendant les opérations d'expertise. Quant à la volonté des assureurs de provoquer la déconfiture de SAPAR, elle fait siens les motifs du tribunal.
Sur ce,
# Sur la résiliation de la police incendie
C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rappelé la chronologie des faits à l'origine de la résiliation des polices notamment incendie et pertes d'exploitation et la mise en demeure adressée le 16 février par MMA à SAPAR de payer les cotisations de la police n° 101685416 se rapportant à la responsabilité civile industrielle et commerciale précédemment résiliée en même temps que les polices incendie et pertes d'exploitation.
Mais le tribunal rappelle aussi, à juste titre, que l'agent général de MMA (le cabinet Denis) dans une télécopie adressée le 17 février 2000, en réponse à SAPAR sur le sort des polices à la suite de la mise en demeure de MMA, a écrit «[...]'il y a donc retour à la situation précédente, donc appel des cotisations correspondantes. Il en sera bien sûr de même pour les autres contrats. Des courriers seront envoyés à ce sujet. (Mais si tu ne désires pas être repris en MMA, il te suffit de faire un courrier le précisant avec le numéro de contrat RC, incendie, pe).'» et qu'il n'était pas établi que SAPAR aurait refusé l'offre de l'agent général de MMA.
La cour ajoute que la même cour dans une autre composition dans l'arrêt du 12 septembre 2003 aujourd'hui définitif, a décidé que les polices incendie et pertes d'exploitation de MMA n'étaient pas résiliées et qu'il y avait un cumul d'assurances avec celles de AXA.
Au vu de l'ensemble de ces motifs, il se déduit que les polices de MMA incendie (n° 6 054 962) et pertes d'exploitation (n° 6054963) étaient en vigueur à la date de l'incendie.
Pour s'opposer au caractère fautif du refus de garantie opposé à SAPAR jusqu'à la date de prononcé de l'arrêt de 2003, MMA se fonde sur l'avis rendu le 27 juin 2002 par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) à la suite de sa saisine par AXA pendant l'instance d'appel: la FFSA a donné pour avis que «'les polices litigieuses (incendie et pertes d'exploitation) ont bien été résiliées avant le sinistre du 21 février 2000 et que AXA n'est pas fondée à exercer un recours en assurances cumulatives à l'égard de MMA.'» (pièce 2 - MMA)
Compte tenu du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 janvier 2001 qui a constaté que les polices incendie et pertes d'exploitation souscrites par SAPAR auprès de MMA étaient résiliées et qu'il n'y avait pas de cumul d'assurances et de l'avis rendu en 2002 par la FFSA, instance arbitrale des assureurs français, il ne peut être reproché à MMA d'avoir opposé de mauvaise foi, un refus de garantie du sinistre Incendie jusqu'au 12 septembre 2003, date à laquelle la cour d'appel a infirmé le jugement de 2001 sur la résiliation et le cumul d'assurances.
# Sur le cumul d'assurances
Il ressort du jugement de 2001 qui rappelle les demandes formées par MMA quant à la résiliation des polices d'assurance et de la décision de la FFSA susvisée qui a considéré que la contestation de MMA dans le litige entre MMA et AXA sur l'assurance cumulative, n'est pas un problème lié à l'assurance cumulative et à l'application de l'article L. 121-4 du code des assurances mais à l'existence même des contrats litigieux que MMA estime résiliés, que le moyen de SAPAR selon lequel MMA aurait opposé à tort une illégalité du cumul d'assurance, n'est pas fondé.
Il n'est donc pas établi de faute dolosive de MMA au titre du cumul d'assurances.
# Sur la durée de l'attitude fautive de MMA
Il a été établi précédemment que MMA n'était pas de mauvaise foi en opposant un refus de garantie jusqu'en septembre 2003.
SAPAR fait valoir que le refus opposé par MMA a duré cinq ans.
Mais il ne peut être reproché à MMA d'avoir formé un pourvoi en cassation à l'égard de l'arrêt rendu par la cour d'appel en 2003 même si le pourvoi a été déclaré non admis par l'arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2005.
A cet égard, il convient de rappeler qu'à la suite du jugement de 2001 qui a condamné uniquement MMA à verser une indemnité provisionnelle à SAPAR, AXA a exécuté cette décision étant précisé que la plus grande partie de l'indemnité a été saisie par les créanciers de SAPAR, que par ailleurs, les expertises judiciaires ordonnées le 14 juillet 2000 pour évaluer le montant des préjudices résultant de l'incendie se sont achevées le 20 octobre 2005 avec le rapport déposé par M. [U], sapiteur de M. [R], pour le préjudice au bâtiment.
De surcroît, la cour observe que SAPAR a saisi le tribunal en exécution des polices d'assurances incendie et pertes d'exploitation à l'égard de MMA et de AXA en juin 2010, laissant s'écouler un délai de cinq ans entre la date du dépôt du dernier rapport d'expertise judiciaire sur le montant des préjudices, sans s'expliquer sur la durée de ce délai et caractériser ainsi de faute à l'égard de MMA ou de AXA du fait de ce délai.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que MMA ait commis une faute au titre du délai d'exécution de ses obligations d'assurance incendie et pertes d'exploitation.
Sur la volonté de provoquer la déconfiture de SAPAR
Ce manquement qui avait été examiné en première instance n'est pas repris expressément en appel par SAPAR.
Par des motifs circonstanciés et pertinents, non contestés en appel, que la cour adopte, le tribunal a considéré que ce manquement n'était pas fondé.
En définitive, la cour constate que SAPAR ne justifie aucune des fautes dolosives reprochées à MMA au titre de la gestion du sinistre Incendie, contrairement à ce qu'avait constaté le tribunal dans ses motifs.
En l'absence de faute dolosives de MMA aussi bien au titre de la gestion du sinistre DO que du sinistre Incendie, il n'y a pas lieu d'examiner les autres conditions de l'action en responsabilité engagée par SAPAR à l'égard de MMA, à savoir les préjudices et le lien de causalité.
En conséquence, il y a lieu de débouter SAPAR de ses demandes d'indemnisation à l'égard de MMA.
Le jugement déféré qui a débouté SAPAR de ses demandes d'indemnisation à l'égard de MMA, sera confirmé par substitution de motifs concernant la faute dolosive reprochée par SAPAR à MMA dans la gestion du sinistre Incendie.
II-A-2 Sur les fautes imputables à AXA ou à son agent général
SAPAR met en cause la responsabilité de AXA à un double titre, d'une part au titre de la gestion du sinistre Incendie, d'autre part au titre de fautes reprochées à son agent général, le cabinet MEAUME, lors de la souscription des contrats d'assurance.
Dans le premier cas, il s'agit d'une faute contractuelle dans l'exécution du contrat d'assurance ; dans le second cas, il s'agit d'une faute délictuelle du mandataire de AXA, qui aurait commis un manquement à l'obligation d'information et de conseil lors de la souscription du contrat. Il convient de préciser que dans ce cas, il y a lieu de rechercher si le manquement reproché est imputable à l'agent général, d'où découlera l'éventuelle responsabilité du mandant AXA à l'égard de SAPAR.
II-A-2-a) Sur les fautes contractuelles de AXA relatives à la gestion du sinistre incendie
A l'appui de son appel, SAPAR fait valoir que AXA a manqué de loyauté à son égard en soupçonnant un incendie volontaire et en ayant persisté à refuser sa garantie jusqu'au jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 17 janvier 2001 alors que dès mars 2000, date d'achèvement des investigations de la police scientifique mandatée par le procureur de la République ou au plus tard à la date de l'ordonnance de référé du 13 juillet 2000 qui a considéré qu'il était établi que l'incendie n'avait pas une cause volontaire, elle aurait dû mettre en oeuvre les moyens d'indemnisation propres à réparer les préjudices subis. Elle ajoute que dans l'instance engagée en septembre 2000 par SAPAR pour demander l'exécution du contrat et le versement d'une provision, AXA a commencé par soulever la nullité du contrat avant d'y renoncer.
En réplique, AXA fait valoir qu'au regard des circonstances faisant obstacle à l'exécution des garanties, les fautes alléguées ne sont pas établies. En effet, selon elle, la suspicion d'incendie volontaire était légitime et partagée, compte tenu du contexte dans lequel est survenu l'incendie : à cet égard, AXA rappelle que SAPAR rencontrait des difficultés financières qui ont entraîné une troisième mise en redressement judiciaire en octobre 1999, qu'immédiatement après la rétractation en décembre 1999 de ce jugement, SAPAR était mise en cause dans l'épidémie de listéria qui se développait en France, donnant lieu à une large couverture médiatique ruinant sa réputation, alors même qu'il était ultérieurement établi que le germe de listéria découvert dans ses locaux n'était pas le même que celui qui avait causé des décès, que par ailleurs, SAPAR venait de souscrire son contrat d'assurance auprès de AXA. L'assureur estime que dans ce contexte exceptionnel, il était légitime à diligenter une expertise amiable pour déterminer les causes de l'incendie. Il ajoute qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert judiciaire, M. [V], désigné par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux, il a admis que les conclusions de cet expert étaient indiscutables et il s'est incliné. il explique que lorsqu'il a demandé en juillet 2000 une expertise au juge civil, celle-ci était nécessaire pour déterminer quels étaient les préjudices résultant directement de l'incendie compte tenu des désordres antérieurs des panneaux Plasteurop et le coût de réparation. Il ajoute que lors de cette instance, SAPAR n'a demandé aucune provision à AXA. Cette dernière précise aussi que depuis mars 2000, les créanciers de SAPAR avaient fait diligence auprès de AXA pour interdire tout commencement d'exécution des garanties au bénéfice de SAPAR et que notamment le CEPME qui détenait la créance la plus élevée, a sans cesse renouvelé ses mesures d'exécution jusqu'à l'exécution du jugement du 17 janvier 2001 par la décision du juge de l'exécution.
Sur ce,
Vu l'article L. 121-13 du code des assurances, et notamment son alinéa 2 qui énonce, «'Néanmoins, les paiements d'indemnité faits de bonne foi avant opposition sont valables.'»
Il y a lieu de rappeler que SAPAR assistée de l'administrateur judiciaire a souscrit une police multirisque de l'entreprise auprès de AXA le 18 octobre 1999 pour une durée de trois mois et a renouvelé, seule, le 18 janvier 2000, cette police auprès de AXA pour une durée d'un an.
Au vu des pièces communiquées, il est avéré que l'incendie du bâtiment industriel, le 21 février 2000 est survenu dans le contexte :
- des difficultés financières de SAPAR, et ce malgré les négociations en cours avec son principal créancier CEPME qui ont permis de donner lieu au jugement de rétractation de la procédure de redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Meaux en décembre 1999,
- de la crise sanitaire de la listériose qui a éclaté en janvier 2000 et qui a exposé SAPAR à des contrôles sanitaires importants en février 2000 ainsi qu'à des poursuites pénales (arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2003).
C'est dans ce contexte et au regard de l'ampleur de l'incendie qui a détruit la totalité du bâtiment, qu'une enquête pénale a été ouverte par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux pour déterminer les causes de l'incendie et qu'un expert judiciaire, M. [V], a été désigné puis a déposé un premier rapport le 3 mars 2000 et le 26 juin 2000, un second rapport complété par les éléments de police judiciaire que lui a communiqués le parquet en mai 2000, rapport dans lequel il conclut qu'il maintient la conclusion de son rapport du 3 mars 2000, à savoir qu''«'il s'agit d'un incendie vraisemblablement accidentel'».
Au regard de ces éléments de contexte, il ne peut être reproché à l'assureur des garanties incendie et pertes d'exploitation de SAPAR souscrites quelques mois plus tôt, d'avoir été de mauvaise foi, en diligentant une expertise amiable parallèlement à l'enquête pénale, afin de parvenir à déterminer, par un argumentaire circonstancié, les premières conclusions de l'expert judiciaire, du 3 mars 2000, sur les causes de l'incendie.
A la suite du dépôt des résultats de l'enquête pénale préliminaire et de l'expertise judiciaire, il est constant que le procureur de la République a pris le 30 juin 2000, une décision de classement sans suite au motif qu'il n'y avait pas d'infraction et en précisant qu'il n'y avait pas de plaignant.
La cour relève que si AXA a saisi le juge des référés en juillet 2000 d'une demande d'expertise pour déterminer les causes de l'incendie et le montant des préjudices, pour autant, elle n'a pas contesté la décision du juge des référés du 13 juillet 2000 qui a ordonné une expertise en considérant que «'la cause criminelle avait été écartée par M. [V] après avoir pris connaissance des conclusions des experts mandatés par AXA, et il n'y a pas lieu de remettre en cause les conclusions de l'expert'» et a précisé que l'expertise qu'il ordonnait «'n'aura pas pour but de définir le caractère accidentel ou criminel du sinistre mais devra déterminer les différentes responsabilités engagées [...] et devra permettre de chiffrer les préjudices subis par SAPAR'».
Ainsi, la cour approuve les motifs du jugement déféré qui a considéré qu'il ne peut être fait grief de déloyauté contractuelle à AXA d'avoir cherché à déterminer les causes exactes d'un incendie survenu moins de deux mois après la souscription des polices.
A cet égard, la cour observe que SAPAR n'a pas sollicité de provision lors de l'instance en référé, elle ne saurait donc aujourd'hui reprocher à AXA de ne pas avoir versé d'acompte sur les garanties entre le 3 mars et le 13 juillet 2000.
C'est à juste titre que AXA rappelle et justifie de la chronologie des oppositions et saisie-attributions qui lui ont été notifiées par les créanciers de SAPAR à compter de mars 2000 dont le CEPME. (pièces 30 à 35, 83 - AXA)
En effet, informée de ces mesures conservatoires prises par les créanciers, dès mars 2000, sa bonne foi dans le versement des indemnités à SAPAR devenait discutable, y compris s'agissant de l'indemnité au titre des pertes d'exploitation puisque le CEPME avait, outre la saisie-exécution de l'article L.'121-13 susvisé, notifié à AXA une saisie-exécution de droit commun et avait maintenu ses poursuites immédiatement après le jugement du 17 janvier 2001.
D'ailleurs, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui a statué, le 8 février 2001, sur requête de AXA en exécution du jugement du 17 janvier 2001, a admis le séquestre d'une partie de l'indemnité due par AXA à SAPAR au titre du jugement du 17 janvier 2001, considérant que les délais d'exécution de la saisie-attribution diligentée par le CEPME auprès de AXA, immédiatement après le jugement, n'étaient pas expirés.
Dans ces conditions, il ne peut non plus être reproché à AXA d'avoir été de mauvaise foi, en ne versant pas à SAPAR d'indemnité au titre du contrat d'assurance, avant l' ordonnance du juge de l'exécution, susvisée.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs que les fautes de déloyauté invoquées par SAPAR à l'égard de AXA au titre de la gestion de l'exécution du contrat d'assurance ne sont pas établies.
Le jugement déféré sera complété sur ce point.
II-A-2-b) Sur le manquement délictuel à l'obligation d'information et de conseil de l'agent général de AXA
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle qu'en application du principe général de responsabilité du fait du préposé, en l'occurrence du mandataire, AXA doit répondre envers SAPAR des manquements de son agent général, le cabinet Meaume, lorsque celui-ci procède à un diagnostic erroné des conditions d'assurance. SAPAR reproche au cabinet Meaume de ne pas avoir recherché les coûts de reconstruction de l'usine et de ne pas avoir attiré l'attention de SAPAR sur l'existence d'une différence importante entre les valeurs à assurer et le plafond contractuel de garantie, aboutissant ainsi à une insuffisance de garantie.
En réplique, AXA rappelle que le cabinet MEAUME est intervenu dans le cadre d'une mission d'audit des contrats d'assurance de SAPAR, que lui avait confiée l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Meaux le 18 octobre 1999 et qu'à ce titre il n'engage pas la responsabilité de AXA au titre de l'évaluation des valeurs à assurer faite dans ce contexte. AXA ajoute qu'en tout état de cause, ce n'est pas l'insuffisance de garantie qui faisait obstacle au versement d'un acompte d'indemnité mais l'opposition des créanciers dont le montant des créances s'élevait à environ 33 millions de francs.
Sur ce,
La cour relève que les moyens soulevés par SAPAR à l'appui des fautes reprochées au cabinet MEAUME ne font pas la distinction entre les fautes commises dans l'exercice de la mission d'audit du cabinet MEAUME mandaté par l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce dans le cadre du redressement judiciaire de SAPAR et les fautes commises en qualité d'agent général de AXA.
Or, il n'est pas contesté que le cabinet MEAUME a exercé successivement ces deux fonctions.
Il est constant que seules les fautes commises en qualité d'agent général de AXA, sont susceptibles d'engager la responsabilité de AXA sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des assurances.
S'agissant de la sous-évaluation par le cabinet MEAUME agissant en qualité d'agent mandataire de AXA, des capitaux à assurer, c'est par des motifs circonstanciés et pertinents non remis en cause en appel, que le tribunal a considéré que les valeurs assurées auprès de AXA en décembre 1999, 25 816 514 francs, soit 3 935 702 euros pour le bâtiment d'une part, et 23 665 138 francs, soit 3 607 727 euros pour les matériels d'autre part, étaient cohérentes par rapport à des valeurs d'actif net comptables contemporaines, nécessairement inférieures compte tenu des amortissements pratiqués depuis l'origine et a déduit qu'aucune erreur grossière du mandataire de AXA ne peut être retenue à ce stade.
En l'absence d'élément nouveau en appel, la cour adopte les motifs du tribunal concernant l'absence d'erreur de l'agent général de AXA au titre de l'évaluation des capitaux.
S'agissant du manquement concernant l'absence d'information et de conseil sur l'insuffisance des garanties, SAPAR qui était en redressement judiciaire lors de la souscription de la première police d'assurance auprès de AXA et qui avait accepté avec l'assistance de l'administrateur judiciaire la résiliation des polices souscrites auprès de MMA à cette même période, avait connaissance de son impossibilité à assumer des primes plus élevées pour une couverture plus étendue. Il n'est donc pas fondé à reprocher à l'agent général de ne pas l'avoir alerté sur une éventuelle insuffisance de couverture.
Au vu de l'ensemble de ces motifs, la cour constate que SAPAR ne caractérise pas les manquements reprochés à l'agent général de AXA au titre de son obligation d'information et de conseil lors de la souscription auprès de AXA de la police d'assurance et de son renouvellement.
Le jugement déféré sera complété sur ce point.
En définitive, il n'est pas établi que la responsabilité de AXA soit fondée en l'absence de faute dolosive personnelle ou de faute de son agent général. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les conditions de responsabilité tenant aux préjudices et au lien de causalité.
En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes de dommage-intérêts formées par SAPAR à l'égard de AXA.
III Sur la responsabilité civile des assureurs à l'égard de M. et Mme [E]
Au préalable, AXA sollicite le rejet de la pièce n° 238 communiquée par M. et Mme [E] mais ne fait valoir aucun moyen spécifique à l'appui de cette demande.
La pièce 238 porte sur la retranscription d'une conversation téléphonique des 13 et 15 décembre 1999 avec J-P B. Direction financière CEPME.
Il s'agit donc d'une pièce constituée par une partie à l'appui de sa défense. Sa valeur probante est laissée à l'appréciation de la cour, sans qu'il soit nécessaire de la rejeter des débats.
Dès lors, il y a lieu de débouter AXA de sa demande de voir écarter des débats la pièce communiquée par M. et Mme [E] portant le n° 238.
III-A Sur la responsabilité civile de MMA et d'AXA à l'égard de M. et Mme [E] au titre du bâtiment situé à [Localité 8]
M.et Mme [E] font valoir que ce sont les mêmes fautes que celles invoquées par SAPAR, qu'ils reprochent à MMA et AXA, mais que ces fautes leur ont causé des préjudices distincts de ceux subis par SAPAR. Ils fondent leurs demandes sur le principe jurisprudentiel selon lequel un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. En l'espèce, ils reprochent à MMA et à AXA de leur avoir causé un dommage en différant par des procédés dilatoires l'indemnisation de l'assurée, SAPAR.
En réplique, AXA fait valoir que la réparation d'une atteinte à l'honneur et à la considération ne peut jamais être fondée sur les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, qu'elle est constitutive d'une diffamation qui ne peut être réparée que sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881.
Sur ce,
Sur les manquements de MMA au titre de la gestion du sinistre DO et de la gestion du sinistre Incendie et de AXA au titre du sinistre Incendie, il a été constaté qu'il n'était pas établi de faute dolosive à l'égard de MMA et à l'égard de AXA.
Dès lors que les fautes invoquées par M. et Mme [E] sont identiques à celles invoquées par SAPAR, il y a lieu de constater l'absence de faute également à l'égard de M.et Mme [E].
Dans ces conditions, ces derniers ne sont pas fondés à demander la réparation de leurs préjudices à MMA et à AXA, y compris de leur préjudice moral, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen de AXA sur la diffamation non fondée en l'espèce.
Pour ces motifs, il y a lieu de débouter M. et Mme [E] de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices formées à l'égard de MMA et de AXA et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné MMA à payer à M. et Mme [E], chacun, la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral et en ce qu'il a condamné AXA à payer à M.et Mme [E], chacun, la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral .
III-B Sur la responsabilité civile de MMA au titre de l'immeuble de [Localité 9] (77)
M. [E] sollicite l'indemnisation du préjudice matériel que lui a causé MMA en différant l'indemnisation due à SAPAR sur un autre bâtiment que celui qui a été détruit par l'incendie du 21 février 2000.
M.[E] fait valoir que cet autre bâtiment situé à [Localité 9] (77), lui appartient et qu'il l'a donné en location à SAPAR qui l'a assuré auprès de MMA. M.[E] expose que ce bâtiment a subi deux sinistres successifs : un incendie le 25 février 1999 et des destructions supplémentaires du fait de la tempête de décembre 1999. M. [E] fait valoir que MMA n'a versé les indemnités que le 21 avril 2008 à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 21 février 2008. Il reproche à MMA, son refus persistant pendant neuf années de reconnaître que la résiliation des polices avait été annulée par leur remise en vigueur. Il estime qu'est ainsi caractérisée une inexécution déloyale de ses obligations par MMA. Il explique que cette faute lui a occasionné un préjudice consistant dans un manque à gagner en loyers et en outre, un préjudice lié aux actes de malveillance commis dans ce bâtiment non remis en état, faute d'indemnisation.
MMA a conclu au débouté de ces demandes sans invoquer de moyen particulier.
Sur ce,
Il ressort du jugement rendu le 21 février 2008 par le tribunal de grande instance de Meaux (pièce 168 ' M.et Mme [E] ), que SAPAR a assigné le 7 novembre 2006, MMA en exécution des deux polices d'assurance souscrites le 6 mars 1996 pour garantir les locaux situés à Varrèddes des risques incendie et tempêtes, notamment, que le tribunal a fait droit aux demandes en condamnant MMA à payer à SAPAR la somme de 74 098,30 euros en indemnisation du sinistre Incendie et la somme de 7 752,65 euros en indemnisation du sinistre Tempête.
M. [E] reconnaît que MMA a exécuté cette décision en avril 2008.
La cour observe au préalable que M.[E] ne justifie ni être propriétaire de l'immeuble de Varrèdes, ni l'avoir donné en location à SAPAR.
S'agissant de la faute de déloyauté reprochée à MMA, il a été établi précédemment que MMA n'avait pas commis de faute déloyale en n'exécutant pas les contrats jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Paris de 2003 qui a décidé que les contrats d'assurance souscrits par SAPAR auprès de MMA n'étaient pas résiliés.
Il n'est pas contesté que l'arrêt d'appel est devenu définitif à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2005 et que SAPAR a assigné MMA au titre de l'immeuble de [Localité 9] en novembre 2006.
La résistance abusive reprochée à MMA ne pourrait donc être retenue qu'au titre du délai compris entre le 24 février 2005 et le 7 novembre 2006.
Mais M. [E] ne caractérise pas de faute de MMA, liée à un refus injustifié, pendant cette période.
Il y a donc lieu de débouter M. [E] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices au titre de l'immeuble de [Localité 9].
Par ces motifs substitués à ceux du tribunal de grande instance de Paris, le jugement déféré sera confirmé de ce chef de demande.
IV Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
En première instance,
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné MMA et AXA aux dépens de première instance.
En revanche, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné MMA à payer à M. et Mme [E] , chacun, une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, la cour rejette les demandes de MMA et de M. et Mme [E] formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et confirme le jugement pour le surplus des demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En appel,
Compte tenu de la solution retenue en appel, il convient de laisser à chacune des parties, la charge des dépens qu'elles ont exposés en appel et de rejeter toutes les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition de la décision au greffe,
Dans les limites des appels formés,
Prononce la jonction des affaires 23/00223 et 23/04528 sous le numéro 23/00223 ;
Dit que les pièces 496 à 506 communiquées en appel par SAPAR sont écartées des débats et du délibéré ;
Dit que les conclusions notifiées par SAPAR le 14 septembre 2023 sont recevables sous réserve de l'irrecevabilité des demandes susvisées ;
Dit irrecevables les demandes suivantes formées par SAPAR dans ses dernières conclusions récapitulatives:
«'25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003
et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens ; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.'»
Rejette des débats les pièces 496 à 506 communiquées par SAPAR pour la première fois le 14 septembre 2023 ;
Déboute AXA de sa demande de voir écarter des débats la pièce produite par M. et Mme [E], portant le n°238 ;
Confirme le jugement déféré:
- en ce qu'il a reçu SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre MMA ;
- en ce qu'il a débouté SAPAR de ses demandes d'indemnisation à l'égard de MMA, par substitution de motifs concernant la faute reprochée par SAPAR à MMA dans la gestion du sinistre Incendie ;
- en ce qu'il a débouté M.[E] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices au titre de l'immeuble de [Localité 9], par substitution de motifs ;
Infirme le jugement déféré :
- en ce qu'il a déclaré irrecevable SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre la compagnie AXA ;
- en ce qu'il a condamné MMA à payer à M. et Mme [E], chacun, la somme de
15 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- en ce qu'il a condamné AXA à payer à M. et Mme [E], chacun, la somme de
15 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- en ce qu'il a condamné MMA, à payer à M. et Mme [E] , chacun une indemnité de
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir au titre de la prescription soulevée par AXA ;
Dit que SAPAR est recevable à agir en responsabilité contractuelle à l'égard de AXA ;
Déboute M. et Mme [E] de leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice moral formées à l'égard de MMA et de AXA ;
Rejette les demandes formées en première instance par M. et Mme [E] et MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Constate l'absence de faute de AXA au titre de la gestion de l'exécution du contrat d'assurance;
Constate l'absence de faute du cabinet MEAUME agent général de AXA au titre de son obligation d'information et de conseil lors de la souscription auprès de AXA de la police d'assurance et de son renouvellement ;
Rejette les demandes de dommage-intérêts formées par SAPAR à l'égard de AXA ;
Déboute M. et Mme [E] des demandes d'indemnisation de leurs préjudices matériels formées à l'égard de MMA et de AXA ;
Laisse à chacune des parties, la charge des dépens qu'elles ont exposés en appel ;
Rejette toutes les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 31 JANVIER 2024
(n° 2024/ 26 , 33 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00223 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG3XI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 16/11705 - Jonction avec le RG 23/04528
APPELANTE
S.A.S. SAPAR
[Adresse 1]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro : : 746 250 588
Représentée par Me Jérémie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0021 et Me Marie-Alix CANU-BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque D 1821
INTIMÉES
MUTUELLES DU MANS ASSURANCES IARD
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe BALON de la SELEURL CABINET BALON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0186
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 3]
[Localité 6]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro : 722 057 460
Représentée par Me Joyce LABI de la SCP COURTEAUD PELLISSIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0023
PARTIES INTERVENANTES SOUS LE RG 23/00223
APPELANTS sous le RG 23/04528
Monsieur [C] [E]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Madame [D] [M] épouse [E]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Tous deux représentés par Me Bertrand CHATELAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0384
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre
Mme FAIVRE, Présidente de chambre
M. SENEL, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme [N], dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame POUPET
ARRÊT : Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme CHAMPEAU-RENAULT, Présidente de chambre et par Mme POUPET, Greffière présente lors de la mise à disposition.
***
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société Sapar dont les associés sont M. et Mme [E], M.[E] étant le dirigeant, a pour objet la fabrication et la commercialisation de produits de charcuterie fine et de spécialités gastronomiques. Elle a procédé en 1992 à la construction d'une nouvelle usine dans une zone industrielle de [Localité 8].
A la suite des travaux, la société Sapar a constaté des désordres sur les panneaux isothermes de marque Plasteurop ayant servi à l'édification des ateliers de fabrication et de stockage de l'usine. Elle a procédé, le 19 septembre 1997, à une déclaration de sinistre auprès de la compagnie MMA, son assureur dommages ouvrage.
Par ordonnance de référé du 9 février 2000, l'assureur DO a été condamné à verser une provision de 840 2283 €, déduction faite de la provision déjà payée s'élevant à 287 637 € et une expertise, confiée à M. [J], a été ordonnée.
Le 21 février 2000, l'usine a été entièrement détruite par un incendie.
PROCÉDURE
Plusieurs actions judiciaires ont été engagées par les différentes parties concernées par ces sinistres.
# Le 25 février 2000, la compagnie Mutuelles du Mans (MMA), tirant les conséquences de la disparition du bien assuré, a assigné la société Sapar à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Meaux en remboursement de la provision versée en exécution de l'ordonnance du 9 février 2000.
Par jugement du 29 juin 2000, le tribunal de grande instance de Meaux a fait droit à cette demande.
# AXA a fait citer SAPAR et MMA devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux en juillet 2000 aux fins de connaître les causes exactes de l'incendie ; le juge des référés a, par ordonnance du 13 juillet 2000, désigné un expert, M. [R], en précisant qu'il était acquis à la suite de l'enquête préliminaire et de l'expertise judiciaire (M. [V]) du parquet près le tribunal de grande instance de Meaux, que l'incendie n'avait pas une cause criminelle et que l'expertise devait donner les éléments techniques nécessaires pour déterminer les responsabilités et les coûts de remise en état.
# SAPAR a assigné MMA et AXA devant le tribunal de grande instance de Meaux aux fins d'exécution par AXA de l'assurance Incendie et pertes d'exploitation ; le tribunal de grande instance de Meaux a, par jugement du 17 janvier 2001, dit la police MMA résiliée et a condamné AXA au paiement de la somme de 8 384 696 € pour les dommages matériels et de 1'524 490 € pour les dommages immatériels, condamnation exécutée.
Par arrêt du 12 septembre 2003, la cour d'appel de Paris a infirmé le jugement entrepris du chef de la résiliation de l'assurance MMA, et constatant le cumul d'assurances, a prononcé le sursis à statuer sur le surplus des demandes d'indemnisation. L'instance s'est éteinte du fait de la péremption constatée par ordonnance du conseiller de la mise en état en 2009.
# SAPAR a assigné en 2010, MMA et AXA en exécution des contrats d'assurance Incendie et Pertes d'exploitation ; le tribunal de grande instance de Meaux a, par jugement du 7 mars 2019 déclaré irrecevable car prescrite l'action contre AXA et a fixé le montant de l'indemnité à la charge de MMA et a condamné SAPAR à reverser le surplus par rapport à la provision accordée en 2001, aux assureurs. L'instance d'appel a été radiée.
PROCÉDURE ACTUELLE
Dans la présente affaire, SAPAR a fait citer, par assignation du 28 décembre 2006, Axa et MMA devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation des préjudices résultant de l'inexécution fautive des polices d'assurances.
Par décision du 6 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a':
- Déclaré irrecevable la société Sapar en toutes ses demandes, telles que dirigées contre la compagnie Axa en raison de la prescription ;
- Reçu la société Sapar en toutes ses demandes, telles que dirigées contre la compagnie les Mutuelles du Mans dite MMA Iard ;
- Débouté la société Sapar de toutes ses demandes contre les Mutuelles du Mans MMA Iard ;
- Condamné les Mutuelles du Mans MMA Iard à payer à Monsieur [C] [E], et à Madame [D] [M], épouse [E], chacun, la somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice moral ;
- Condamné la compagnie Axa France Iard à payer à Monsieur [C] [E] et à Madame [D] [M], épouse [E], à chacun, la somme de 15 000 € en réparation de leur préjudice moral ;
- Condamné la compagnie mutuelle du Mans MMA Iard à payer 5000 € à Monsieur [C] [E] et 5 000 € à Madame [D] [M], épouse [E], au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné in solidum la compagnie mutuelles du Mans MMA Iard et la compagnie Axa France iard aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
- Prononcé l'exécution provisoire du jugement sur le tout.
M. et Mme [E] ont interjeté appel par une déclaration en date du 3 janvier 2019. (RG 19/310)
A la suite de l'avis de caducité de la déclaration d'appel adressé par le greffe, AXA a soulevé un incident de caducité de la déclaration d'appel en raison de l'absence de notification des conclusions d'appel dans le délai de trois mois dans l'affaire RG 19/310.
Par ordonnance du 17 juin 2019, le conseiller de la mise en état a':
- Déclaré caduque la déclaration d'appel N° 19/00457, régularisée par M. et Mme [E] le 3 janvier 2019 enrôlée sous le n° RG 19/00310.
La cour d'appel saisie sur déféré, a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état.
La Cour de cassation (2ème chambre civile) a, par arrêt du 30 septembre 2021, cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 19 novembre 2019 entre les parties et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Par arrêt du 11 janvier 2023, la cour d'appel de Paris a constaté que la déclaration d'appel formée par M. et Mme [E] n'était pas caduque.
C'est en cet état que se présente la procédure initiée par M. et Mme [E] qui porte aujourd'hui le n° RG 23/04528.
Le 10 janvier 2019, SAPAR a également formé appel du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris du 6 novembre 2018. Cette instance est aujourd'hui enrôlée sous le n° RG 23/0223.
LES DEMANDES DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 septembre 2023, SAPAR demande à la cour :
«'Vu le code des assurances, notamment les articles L.114-1, L114-2, L.121-13, L.121-14 et L.511-1, R112-2,
Vu le code civil, notamment les articles 1103, 1104 1193, 1231-1, 1231-3, 2269,
Vu le code de procédure civile, notamment l'article 700,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces,
DIRE recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société SAPAR
DEBOUTER la société AXA de ses demandes de rejet
INFIRMER le jugement dont il est fait appel, sauf en ce qu'il a jugé non prescrites les demandes formées à l'encontre de la société MMA
INFIRMER le jugement en ce qu'il a écarté le lien de causalité entre la faute des MMA et le préjudice de SAPAR
DIRE non prescrites les demandes formées à l'encontre de la société AXA
DIRE non prescrites les demandes formées à l'encontre des MMA
REJETER les demandes fondant l'appel incident des MMA et tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il lui a reconnu une faute civile
CONSTATER les fautes commises par les sociétés AXA et MMA':
Pour les MMA':
faute dans la gestion du sinistre Dommage-Ouvrage de 1997 (défaut d'information)
faute dans la gestion du sinistre Dommage-Ouvrage de 1997 (refus d'indemniser, puis indemnisation tardive avec des propositions indemnitaires inacceptables)
faute dans la gestion du sinistre Incendie (refus d'indemniser d'abord parce que la police était prétendument résiliée, puis parce qu'il existait au contraire un cumul d'assurance)
Pour la société AXA':
faute dans la gestion du sinistre Incendie (absence d'information par le mandataire d'AXA, le Cabinet MEAUME, sur sa situation de sous-assurance)
faute dans la gestion du sinistre Incendie (refus d'indemniser, puis indemnisation tardive)
En conséquence,
A TITRE PRINCIPAL':
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser, à titre de dommages-intérêts, à la société SAPAR les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2000':
9.451.457 € au titre de la perte de résultat subie par la société SAPAR (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'Expert en l'an 2000 de 6.742.000 €)
4.464.979 € au titre des charges d'exploitations supplémentaires supportées par la société SAPAR (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'Expert en l'an 2000 de 3.185.000 €)
28.444.091 € au titre de la perte de marge subie par la société (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'Expert en l'an 2000 de 20.290.000€)
25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR (correspondant au coût de reconstruction de l'outil de production en 2023 calculé par un nouvel Expert pour tenir compte de l'évolution du matériel)
Subsidiairement, 17.924.404€ correspondant à l'actualisation en valeur 2022 (conversion INSEE) du chiffrage de ces surcoûts pour redémarrage d'activité effectué par l'expert en l'an 2000 de 12.786.000€)
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003 et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
3.787.575 € au titre de la perte du bénéfice de l'accord conclu avec le CEPME (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué en l'an 2000 de 2.701.788 €),
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
Soit un total de 68.144.768,20 €
CONDAMNER les MMA à verser à la société SAPAR les sommes suivantes, au titre de dommages-intérêts supplémentaires liés à l'aggravation de l'incendie, avec intérêt au taux légal à compter du 21 février 2000':
2.062.860 € au titre des pertes dues à l'extension de l'incendie (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 du chiffrage effectué par l'expert en l'an 2000, de 1.471.498 €)
3.787.575 € au titre de la perte du bénéfice de l'accord conclu avec le CEPME (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 de la somme de 2.701.788 € en l'an 2000)
112.397 € au titre des avoirs consentis aux clients après contamination par la listéria (correspondant à l'actualisation en valeur 2022 de la somme de 80.176 € en l'an 2000),
Soit un total de 5.962.832 €
PRONONCER la capitalisation des intérêts
A TITRE SUBSIDIAIRE
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
EN TOUT ETAT DE CAUSE':
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense';
DEBOUTER AXA et MMA de l'intégralité de leurs demandes';
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à payer à la société SAPAR 70.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens'; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.'»
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2023, M. et Mme [E] demandent à la cour , tant à titre d'appel principal, que d'appel incident dans la procédure initiée par SAPAR :
«'Vu les articles 624, 625, 631 du code de procédure civile et e l'article L 431-4 du code de l'organisation judiciaire,
Vu les articles 1382, devenu 1240 du code civil, ensemble le principe de la réparation intégrale,
Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2021,
Déclarer recevable l'appel interjeté par Monsieur et Madame [E] par déclaration du 3 janvier 2019,
Réformer le jugement entrepris sur l'indemnisation du préjudice moral de Monsieur et Madame [E] en ce qu'il a limité à 15 000 euros le montant de l'indemnisation respectivement accordée à chacun d'eux,
- En conséquence, condamner la Compagnie M.M.A. et la Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
- Et condamner la Compagnie M.M.A. la et Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Madame [D] [E] la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de Monsieur et Madame [E] de condamnation à réparation de leur préjudice matériel
- En conséquence, condamner la Compagnie M.M.A. la et Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 464 128 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
- Condamner la Compagnie M.M.A. à payer à Monsieur [E] la somme de 21 194 euros au titre de la diminution de ses revenus entre 1998 et 1999,
- Condamner la Compagnie M.M.A. à payer à Monsieur [C] [E] la somme de 737 143 euros en réparation du préjudice patrimonial au titre du retard d'indemnisation du sinistre de l'immeuble de [Localité 9],
- Condamner la Compagnie M.M.A. et la Compagnie AXA FRANCE IARD à payer à Madame [D] [E] la somme de 303 961 euros en réparation de son préjudice patrimonial,
- Dire que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts porteront intérêt au taux légal à compter du 27 novembre 2008, date de l'intervention volontaire de M. et Mme [E], avec capitalisation,
- Rejeter l'appel incident formé par la société AXA France IARD et la débouter de toutes ses demandes
- Rejeter l'appel incident formé par la société MMA IARD et la débouter de toutes ses demandes,
- Confirmer le jugement entrepris sur la condamnation des compagnies MMA IARD et AXA France au paiement de la somme de 5 000 euros à Monsieur [E] et 5 000 euros à Madame [E] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner les sociétés M.M.A. IARD et AXA FRANCE à payer chacune à Monsieur et Madame [E] la somme de 25 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la Compagnie M.M.A. au paiement des entiers dépens, que Maître Bertrand Châtelain pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile'»
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2023, MMA demande à la cour :
«'Vu le jugement du tribunal de grande instance de PARIS du 6 novembre 2018 :
Vu l'ordonnance de Monsieur le conseiller de la mise en état du 17 juin 2019
Vu les dispositions des articles16, 1134 et 1351 du code civil,
Vu les dispositions des articles 910-40 et 564 du code de procédure civile
Vu l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation en date du 7 juillet 2006,
REJETER des débats comme tardives les conclusions et pièces communiquées sous les RG N°23/00223 & 23/04528 par la société SAPAR le 14 septembre.
Sur l'appel principal de la société SAPAR,
Sur l'irrecevabilité :
JUGER la société SAPAR irrecevable en ses demandes suivantes :
25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003 et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens ; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.
Comme n'ayant pas été formulées au soutien de l'appel principal de la société SAPAR (article 910-4 du code de procédure civile) et comme étant en tout état de cause nouvelles en cause d'appel (article 564 du code de procédure civile).
INFIRMER le jugement dont appel et JUGER que les demandes de la société SAPAR se heurtent, à divers titres, à l'autorité de la chose jugée attachée tant au jugement rendu par le tribunal de grande instance de MEAUX le 29 juin 2000 qu'à celui du même siège du 17 janvier 2001.
JUGER, en l'état de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 6 juillet 2009, que la péremption de l'instance pendante devant la cour d'appel de Paris a été consacrée.
DIRE et JUGER en conséquence que les demandes de la société SAPAR se heurtent de plus fort à l'autorité de la chose jugée par le tribunal de grande instance de MEAUX de chef des décisions précitées.
En conséquence,
DIRE la société SAPAR irrecevable en ses demandes et l'en débouter.
Subsidiairement sur le fond :
CONFIRMER le jugement dont appel :
en ce qu'aucune faute n'a été retenue à la charge de MMA au titre de l'instruction du sinistre DO en ce que la société SAPAR a été déboutée de ses demandes au titre de ses préjudices de toute nature non justifiés et sans lien avec le sinistre.
Faisant droit à l'appel incident de MMA :
INFIRMER partiellement :
en ce que l'attitude de MMA a été considérée comme fautive au titre de la gestion du sinistre incendie ;
En tant que de besoin :
DEBOUTER SAPAR de toutes demandes contraires.
Sur l'appel incident des Epoux [E] :
Pour les mêmes raisons que ci-dessus, JUGER irrecevables les demandes suivantes de la société SAPAR :
25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003 et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de
87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens, y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.
Comme n'ayant pas été formulées au soutien de l'appel principal de la société SAPAR (article 910-4 du code de procédure civile) et comme étant en tout état de cause nouvelles en cause d'appel (article 564 du code de procédure civile).
CONFIRMER le jugement dont appel :
en ce qu'aucune faute n'a été retenue à la charge de MMA au titre de l'instruction du sinistre DO
en ce que les Epoux [E] ont été déboutés de leurs demandes au titre de leurs préjudices matériels et immatériels comme non justifiés et sans lien avec le sinistre.
Faisant droit à l'appel incident de MMA :
INFIRMER partiellement :
en ce que l'attitude de MMA a été considérée comme fautive au titre de la gestion du sinistre incendie ;
en ce que MMA a été condamnée de ce chef au paiement du somme de 15.000 € à chacun en réparation de leur préjudice moral.
En tant que de besoin,
DEBOUTER les Epoux [E] de toutes demandes contraires
En toutes hypothèses,
CONDAMNER la société SAPAR ou tout succombant, au paiement d'une somme qui ne saurait être inférieure à 50.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.'»
Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, AXA demande à la cour :
«'Dire et juger la société AXA France IARD recevable et bien fondé en ses conclusions, y faisant droit,
Statuant sur les conclusions aux fins de rejet :
Vu les dispositions des articles 15, 16 et 135 du code de procédure civile,
ECARTER des débats les pièces produites par la société SAPAR et portant les n° 358, 362 à 364,369, 371, 384-1 et 384 -2, 385-1 et 385-2, 388, 390, 393 432, 439, 460, 461, 464, 481,488, 489, 493 à 495.
ECARTER des débats les pièces produites par les époux [E] et portant le n°238
Statuant sur l'appel principal de la société SAPAR:
Vu les dispositions de l'article L 114-1 du code des assurances,
DIRE ET JUGER la société SAPAR irrecevable et en tous cas mal fondée en son appel;
CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevable la société SAPAR en toutes ses demandes dirigées à l'encontre de la compagnie AXA France IARD,
Subsidiairement :
DIRE ET JUGER que la société SAPAR n'administre pas la preuve d'une faute causale susceptible d'engager la responsabilité contractuelle de la société AXA France IARD ;
Vu l'arrêt définitif de la cour d'appel de Paris en date du 2 septembre 2003,
Vu les dispositions des articles L 121-1 et L 121-4 du code des assurances,
CONSTATER qu'il existe entre les contrats d'assurance souscrits par la société SAPAR respectivement auprès de la Compagnie LES MUTUELLES DU MANS ASSURANCES et de la société AXA FRANCE IARD une situation d'assurances cumulatives, ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris aux termes d'un arrêt en date du 2 septembre 2003, aujourd'hui définitif,
DIRE ET JUGER que la société SAPAR ne saurait en conséquence arguer d'une quelconque insuffisance de garantie susceptible d'engager la responsabilité délictuelle de la société AXA FRANCE IARD,
DIRE ET JUGER qu'en tout état de cause la faute alléguée à raison d'un prétendu manquement au devoir de conseil ne saurait avoir joué un quelconque rôle causal dans la survenance du préjudice dont il est demandé réparation,
DIRE ET JUGER que la société SAPAR n'administre pas davantage la preuve du préjudice dont il est demandé réparation, serait-ce une simple perte de chance ;
En conséquence :
DIRE ET JUGER la société SAPAR mal fondée en toutes ses demandes, fins et prétentions dirigées à l'encontre de la société AXA FRANCE IARD ; L'EN DEBOUTER.
CONDAMNER la société SAPAR à payer à la société AXA FRANCE IARD une somme de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
LA CONDAMNER enfin aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP COURTEAUD-PELLISSIER, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
Statuant sur l'appel des époux [E] et l'appel incident de la société AXA France IARD:
DIRE ET JUGER les époux [E] irrecevables et en tous cas mal fondés en leur appel principal ou incident, les en DEBOUTER ;
INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société AXA FRANCE IARD à payer à Madame et Monsieur [E] une somme de 15 000 € chacun en réparation de leur préjudice moral ;
CONDAMNER les époux [E] in solidum avec la société SAPAR à payer à la société AXA FRANCE IARD une somme de 50.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
LES CONDAMNER enfin aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP COURTEAUD-PELLISSIER, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.'»
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 septembre 2023.
Il convient de se reporter aux dernières conclusions susvisées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I Sur la procédure
I-A Sur la jonction
Il est rappelé que le jugement déféré a donné lieu à deux déclarations d'appel, en premier lieu de M. et Mme [E] et en second lieu de SAPAR. Les instances nées de ces appels ont été instruites séparément en raison des difficultés procédurales rencontrées dans l'instance d'appel initiée par M. et Mme [E].
A ce jour, ces difficultés se sont résorbées et il ne serait pas de bonne justice de juger séparément ces deux instances alors qu'elles portent sur les mêmes faits, que les parties sont les mêmes ainsi que les moyens soulevés.
Il y a donc lieu de prononcer la jonction des affaires 23/00223 et 23/04528 sous le numéro 23/00223.
I-B Sur l'irrecevabilité des dernières conclusions de SAPAR et de ses nouvelles demandes et sur le rejet de ses dernières pièces communiquées
Dans leurs dernières conclusions récapitulatives notifiées respectivement le 17 septembre 2023 et le 18 septembre 2023, MMA et AXA demandent que :
- les conclusions et les pièces communiquées par SAPAR le 14 septembre 2023 soient rejetées ;
- SAPAR soit déclarée irrecevable en ses demandes suivantes:
«'25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003
et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens ; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.'»
en ce qu'elles n'ont pas été formées en première instance et qu'elles n'ont pas été présentées dès les premières conclusions prises en application de l'article 908 du code de procédure civile.
AXA demande aussi dans les motifs de ses conclusions, le rejet des pièces listées en page 6 de ses dernières conclusions en ce qu'elles consistent en des notes et des tableaux établis par M. [E] constituant des compléments d'argumentation qui ne peuvent être valides, faute d'être intégrés aux conclusions de SAPAR.
Sur ce,
I-B-1 Sur les demandes de rejet des dernières conclusions et pièces
Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile,
Il n'est pas contesté que SAPAR a notifié ses dernières conclusions récapitulatives ainsi que 10 nouvelles pièces le 14 septembre 2023 alors que la clôture était fixée au 18 septembre 2023 .
Dans la mesure où il n'est pas soulevé par les intimées que l'argumentaire développé par SAPAR dans ces conclusions litigieuses, avait profondément été modifié par SAPAR et qu'elles ont elles-mêmes pu y répliquer par conclusions postérieures, il s'en déduit que les intimées ont pu organiser leurs défenses et que le principe de la contradiction n'a pas été méconnu.
En revanche, la communication des pièces 496 à 506, le 14 septembre 2023 à quatre jours de la clôture incluant un jour non ouvrable, ne permettait pas aux intimées d'en prendre connaissance en temps utile avec leur client et d'y répondre avant la date de clôture alors que ces pièces étaient nouvelles.
Elles seront, en conséquence, écartées des débats et du délibéré.
S'agissant des pièces listées en page 6 de ses dernières conclusions dont AXA demande qu'elles soient écartées des débats, la cour relève que cette demande n'est pas reprise au dispositif desdites conclusions.
Dès lors, la cour n'a pas à statuer sur cette demande en application de l'article 954 du code de procédure civile.
I-B-2 Sur la recevabilité des dernières demandes de SAPAR
Vu l'article 908 et 910-4 du code de procédure civile,
Il n'est pas contesté que SAPAR a formé de nouvelles demandes dans ses dernières conclusions notifiées le 14 septembre 2023.
Il est rappelé que SAPAR a formé appel le 10 janvier 2019.
La cour constate sans être contredite, que les premières conclusions au fond notifiées le 8 avril 2019 par SAPAR ne contiennent pas lesdites demandes.
Il n'est pas non plus établi que ces demandes soient destinées à répliquer aux demandes et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, alors que SAPAR a notifié des conclusions les 16 janvier et 24 mars 2023 qui ne contenaient pas ces demandes et qu'il n'est pas argué du fait que MMA ou AXA auraient formé des demandes ou communiqué des pièces qui auraient nécessité ces demandes en réplique.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs que les demandes rappelées dans la présentation des moyens de AXA et de MMA sont rejetées comme étant irrecevables en application de l'article 910-4 du code de procédure civile.
En définitive, au vu de l'ensemble des motifs des deux paragraphes susvisés, il est jugé que les conclusions notifiées par SAPAR le 14 septembre 2023 sont recevables sous réserve de l'irrecevabilité des demandes susvisées.
Le jugement déféré sera complété sur ces points.
I-C Sur les fins de non-recevoir
I-C-1 Sur la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée
Dans la présente affaire, le tribunal a considéré que la demande dont il est saisi au titre de la gestion du sinistre incendie par MMA, ne se heurte pas à l'autorité des choses jugées par le tribunal de grande instance de Meaux les 29 juin 2000 et le 17 janvier 2001 et il a décidé, en conséquence, de débouter MMA de ses fins de non-recevoir tirées de ces deux jugements.
I-C-1- a) Sur l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 29 juin 2000
A l'appui de son appel incident, MMA fait valoir que SAPAR a évoqué dans l'instance l'opposant à MMA, la faute de cette dernière dans la gestion du sinistre DO, qui aurait eu des conséquences sur son activité industrielle. MMA estime que le litige portait donc sur les conditions éventuellement fautives dans lesquelles elle aurait instruit amiablement le sinistre DO et que le tribunal de Meaux a écarté en 2000 ces allégations et condamné SAPAR à restituer la quasi-intégralité des sommes que MMA lui avait versées. Elle ajoute que l'instance d'appel initiée par SAPAR sur ce jugement a fait l'objet d'une ordonnance de retrait du rôle le 16 mai 2002, que l'instance d'appel est donc périmée depuis le 17 mai 2004.
En réplique, SAPAR rappelle que la question de l'autorité de chose jugée ne s'est jamais appréciée au regard des éventuelles allégations d'une partie au cours d'un litige mais au regard du dispositif de la décision judiciaire. Elle précise que la restitution prononcée par le tribunal n'est pas la conséquence du caractère infondé de la position de SAPAR par rapport à MMA mais la conséquence de la perte d'objet des indemnités allouées au titre de l'assurance DO, quelques jours avant le sinistre incendie du 21 février 2000 ; celui-ci en détruisant totalement l'usine, rendait de ce fait, caduque la nécessité de remplacer les panneaux isothermes Plasteurop.
Sur ce,
Vu l'article 1355 du code civil ;
Il résulte de cette disposition, que l'autorité de la chose jugée, qui ne s'attache qu'aux chefs du dispositif ayant effectivement tranché une question litigieuse, exige une identité de parties, d'objet et de cause.
Il est constant que s'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à justifier celle-ci, il n'est pas tenu de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur les mêmes faits.
En l'espèce, le tribunal de grande instance de Meaux, dans son jugement du 29 juin 2000, faisant droit à la demande de restitution de MMA, a condamné la société SAPAR à restituer, en deniers ou quittances, la somme de5 677 015 francs, soit 865 455,36 euros qui lui a été versée à titre provisionnel par MMA.
S'il ressort du jugement au titre du rappel des moyens de défense, que SAPAR reprochait à MMA son manque de diligence dans la conduite du dossier DO, pour autant, il n'en ressort pas que SAPAR ait formé en réplique à la demande de restitution de MMA, une demande d'indemnisation fondée sur la responsabilité de MMA.
Il y a lieu de rappeler que l'autorité de la chose jugée s'attache au dispositif du jugement et non aux allégations des parties en cours d'instance.
Il ressort donc de ce jugement, que le litige qui oppose MMA à SAPAR, a pour objet la restitution de l'indemnité DO en raison de l'incendie qui a entièrement détruit l'usine et ne permet plus l'affectation de l'indemnité DO à la réparation des panneaux isothermes Plasteurop atteints de désordres décennaux.
Ainsi, l'objet de la demande de MMA dans ce litige de [Localité 8] est différent de l'objet de la demande de SAPAR dans le présent litige qui consiste à rechercher la responsabilité de MMA du fait de fautes qu'elle aurait commises dans la gestion du sinistre DO.
D'ailleurs, le tribunal de Meaux avait rappelé la délimitation de l'objet de sa saisine ainsi: «' la présente juridiction n'est pas saisie d'une demande reconventionnelle de la société SAPAR relative à la mise en jeu de la responsabilité contractuelle de la MMA pour insuffisance de diligence dans l'instruction du dossier'».
En conséquence, le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée à l'égard du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 29 juin 2000 est mal fondé.
I-C-1-b) Sur l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 17 janvier 2001
A l'appui de son appel, MMA fait valoir que dans l'instance qui a donné lieu au jugement du 17 janvier 2001, SAPAR poursuivait l'indemnisation de ses entiers préjudices, tant matériels qu'immatériels. Elle estime que SAPAR ne peut donc plus formuler quelque demande que ce soit tendant aux mêmes fins, fût-ce là encore sur un fondement juridique différent. Elle précise que l'instance introduite par SAPAR pour l'indemnisation de ses préjudices et qui a donné lieu au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 janvier 2001, est désormais éteinte à la suite de sa péremption constatée par le conseiller de la mise en état le 2 juillet 2009 et consécutive à l'absence de diligences depuis l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 septembre 2003 qui a infirmé le jugement en reconnaissant le cumul d'assurances et a ordonné le sursis à statuer sur la fixation des préjudices.
En réplique, SAPAR fait valoir qu'il n'y a pas identité d'objet entre l'instance introduite devant le tribunal de grande instance de Meaux et la présente instance: dans le premier cas, elle a demandé une somme d'argent en exécution du contrat d'assurance'; dans la présente instance, elle demande une somme d'argent en réparation du préjudice causé par les manquements contractuels.
Sur ce,
Concernant cette fin de non-recevoir, il est fait référence aux mêmes règles et principes que dans le paragraphe I-C-1- a
En l'espèce, le tribunal de grande instance de Meaux, dans son jugement du 17 janvier 2001, a constaté la résiliation des police incendie (n° 6054962) et pertes d'exploitation (n° 6054963) souscrites par la société SAPAR auprès de la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES, a constaté qu'il ne saurait y avoir lieu à cumul de garanties et a dit qu'aucune demande, quel qu'en soit l'auteur, ne saurait aujourd'hui prospérer à l'encontre de la MUTUELLE DU MANS ASSURANCES qui n'était plus l'assureur de la société SAPAR au moment du sinistre.
Outre que la société SAPAR ne formulait, devant cette juridiction, aucune demande en responsabilité à l'égard de MMA, le dispositif du jugement se limite à statuer sur le cumul d'assurances et à dire qu'aucune demande ne peut prospérer contre MMA qui n'est plus l'assureur de SAPAR au moment du sinistre.
MMA soutient vainement que, tant devant le tribunal de grande instance de Meaux que dans le cadre de la présente instance, les demandes de SAPAR tendent aux mêmes fins, à savoir l'indemnisation de ses préjudices, peu importe le changement de fondement juridique.
En réalité, la demande de SAPAR n'a pas le même objet : en effet, dans l'instance ayant donné lieu au jugement de 2001, elle demande l'indemnisation du sinistre telle que résultant de l'exécution du contrat d'assurance alors que dans la présente instance, elle demande une indemnité réparant le préjudice qui aurait été causé par les manquement de l'assureur dans la gestion du sinistre. Ainsi en 2001, il n'était pas question d'une demande en responsabilité mais en exécution des contrats d'assurance, de sorte qu'aucune identité d'objet n'est démontrée par MMA.
Dès lors, le moyen soulevé par MMA de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 janvier 2001, n'est pas fondé.
I-C-2 Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription
I-C-2-a) Sur la prescription de l'action à l'égard de MMA
Il est rappelé que MMA a soulevé cette fin de non-recevoir en première instance et que le tribunal a jugé que MMA ne pouvait opposer à SAPAR la prescription biennale au titre de son action en responsabilité contractuelle relative à la police DO et aux polices d'incendie et pertes d'exploitation et qu'il convenait de débouter MMA de l'ensemble de ses fins de non-recevoir.
En appel, MMA ne demande pas l'infirmation du jugement au titre de la prescription et ne soulève aucun moyen à ce titre.
SAPAR demande la confirmation du jugement sur ce point.
Au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement déféré concernant la prescription.
En définitive, pour l'ensemble des motifs des deux paragraphes précédents I-C-1 , pour le motif précédent et pour ceux retenus par le tribunal de grande instance de Paris, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a reçu SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre MMA.
I-C-2-b) Sur la prescription de l'action à l'égard d' AXA
Le tribunal a constaté en premier lieu, que SAPAR ne contestait pas que les conditions générales de AXA respectaient les exigences informatives sur l'interruption de la prescription, en second lieu, après avoir examiné si AXA avait eu un comportement déloyal, le tribunal a considéré que le dol dans l'exécution du contrat ne pouvait être retenu et qu'il fallait, par conséquent, s'en tenir à la prescription biennale qui avait commencé à courir dès le 27 septembre 2000, date à laquelle SAPAR avait déjà connaissance des fautes reprochées à l'assureur et des préjudices en découlant. Le tribunal en a déduit que le cours de cette prescription n'avait connu d'autre interruption à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 17 janvier 2001, que celle du 28 décembre 2006, date de l'assignation devant lui, qu'il en résultait que l'action de SAPAR contre AXA du chef de ses manquements dans la conclusion et l'exécution du contrat se trouvait donc prescrite. Le tribunal a, en conséquence, déclaré SAPAR irrecevable en toutes ses demandes indemnitaires à l'égard de AXA.
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle que dans la présente instance, elle exerce une action en responsabilité civile fondée sur des fautes de déloyauté commises par les assureurs dans l'exécution de leur contrat respectif. Selon elle, le dol a un sens atténué par rapport au dol du droit des obligations, la déloyauté en droit des assurances est caractérisée par le seul refus de l'assureur d'exécuter ses obligations et au regard de la prescription, le comportement dolosif n'est pas seulement celui qui consiste à endormir la vigilance de l'assuré par rapport au délai de deux ans.
Elle distingue aussi l'action en responsabilité délictuelle exercée contre l'agent de AXA de l'action en responsabilité contractuelle exercée contre AXA elle-même.
Concernant la seconde action, soumise en principe à la prescription biennale, elle estime que le comportement déloyal de AXA exclut cette prescription biennale, que la déloyauté de cet assureur s'est traduite par son refus d'indemniser alors que l'enquête préliminaire était achevée et que le parquet avait décidé de classer sans suite l'affaire de l'incendie.
Concernant le point de départ du délai de prescription, SAPAR fait valoir qu'il doit être reporté au 31 mars 2006, date de dépôt du rapport d'expertise [H] (sapiteur de l'expert judiciaire M. [R] désigné le 13 juillet 2000), car c'est la date à partir de laquelle SAPAR a connaissance de l'étendue du préjudice né du sinistre et a connaissance des conséquences du refus des assureurs de prendre en charge le sinistre.
Concernant l'inopposabilité du délai de prescription biennale, SAPAR fait valoir que AXA n'a pas respecté les exigences d'information relatives aux causes ordinaires de prescription en se limitant à mentionner le principe de l'interruption par une des causes ordinaires de prescription, sans préciser ces causes, qu'il en résulte que la prescription biennale n'est pas opposable par AXA à SAPAR et que le seul délai de prescription pouvant être invoqué est le délai de dix ans.
Elle estime en définitive que la fin de non-recevoir soulevée par AXA n'étant pas fondée, elle doit être rejetée et qu'elle est recevable à agir.
En réplique, AXA rappelle que le délai de prescription de l'action en responsabilité contractuelle exercée par SAPAR a commencé à courir au plus tard, le 27 septembre 2000, date de l'assignation formée par SAPAR devant le tribunal de grande instance de Meaux et date à laquelle SAPAR avait déjà connaissance de l'intégralité des faits qu'elle impute à AXA. Elle ajoute que la prescription est acquise au plus tard le 17 janvier 2003. Elle précise, en s'appuyant sur la jurisprudence, que lorsque la prescription biennale a été acquise par des manoeuvres déloyales, l'assureur est privé du droit de s'en prévaloir et qu'il faut caractériser ces manoeuvres déloyales ; qu'il s'agit, selon AXA, de manoeuvres destinées à laisser délibérément courir le délai de prescription pour ensuite l'opposer à l'assuré ; qu'elles ne doivent pas être confondues avec le dol en tant que condition de fond de mise en cause de la responsabilité de l'assureur, qui vise tout comportement destiné à différer de mauvaise foi le paiement de l'indemnité d'assurance et qui cause à l'assuré un préjudice indépendant du retard au sens de l'article 1153 ancien du code civil. Elle rappelle que SAPAR ne s'était pas laissée surprendre par la prescription biennale puisqu'elle avait assigné ses deux assureurs MMA et AXA devant le tribunal de grande instance de Meaux le 29 septembre 2000 et qu'elle a laissé cette procédure se périmer devant la cour d'appel de Paris. Sur le report du point de départ de la prescription invoqué par SAPAR, elle fait valoir qu'à la date d'assignation de AXA devant le tribunal de grande instance de Meaux le 29 septembre 2000, aux fins de contraindre l'assureur à exécuter ses garanties, SAPAR avait nécessairement connaissance du préjudice résultant de la non-exécution des garanties, à savoir la perte de chance de réaliser sa marge. Elle rappelle que AXA a exécuté dès février 2001, le jugement du tribunal de grande instance de Meaux mais que pour autant, SAPAR n'a pas repris son activité, en raison des actes d'exécution mis en oeuvre par les créanciers de SAPAR sur cette indemnité, à hauteur d'un montant total de 60 %. Concernant le moyen invoqué par SAPAR de la qualité rédactionnelle de la police de AXA, cette dernière précise qu'il est soulevé pour la première fois le 16 janvier 2023, alors qu'il avait été soulevé à l'égard de MMA dès 2011 et que le tribunal de grande instance de Meaux dans son jugement du 23 février 2012 devenu définitif, avait rappelé que «'SAPAR assistée du commissaire à l'exécution du plan, avaient indiqué que la police AXA respecte les exigences de la Cour de cassation et que si AXA peut opposer la prescription biennale, l'action doit se poursuivre à l'égard de MMA'» et avait décidé que l'action engagée par SAPAR assistée du commissaire à l'exécution du plan, était irrecevable car prescrite. AXA estime donc que SAPAR n'est plus recevable à lui opposer ce moyen car elle a expressément et judiciairement reconnu que la prescription biennale des actions dérivant du contrat d'assurance qu'elle a souscrit auprès de AXA lui est opposable et renoncé à se prévaloir de l'inopposabilité du délai biennal.
Sur la gestion du sinistre incendie, elle explique qu'elle n'a été ni fautive, ni dolosive mais que la suspicion d'incendie criminel était légitime car justifiée par des circonstances hors du commun, qu'elle rappelle dans ses conclusions (difficultés financières de SAPAR, mise en cause publique de SAPAR dans l'épidémie de listéria quelques jours avant l'incendie, souscription d'un nouveau contrat d'assurance deux mois avant l'incendie), qu'il ne peut non plus être reproché à AXA d'avoir pris l'initiative après la clôture de l'enquête pénale, d'avoir demandé une expertise judiciaire pour déterminer les causes de l'incendie et chiffrer les préjudices compte tenu des désordres de construction préexistants. Elle précise que SAPAR n'a formé lors de cette instance aucune demande de provision, qui se serait heurtée devant le juge des référés à une contestation sérieuse dans la mesure où les créanciers s'étaient manifestés auprès de l'assureur pour faire opposition à son versement.
AXA ajoute que même si une faute était retenue à son égard, celle-ci serait sans lien causal avec le préjudice car l'important endettement de SAPAR, antérieur à l'incendie qui la privait du bénéfice d'une grande partie (60 %) de l'indemnité d'assurance, ne lui a pas permis de reconstruire son usine.
Sur ce,
Vu les articles L. 114-1 et L. 114-2 du code des assurances,
Il est constant que l'assureur est tenu d'une obligation générale de loyauté dans la mise en oeuvre du processus d'indemnisation.
Il est constant que l'action en réparation des dommages subis en raison des fautes commises par l'assureur dans l'exécution du contrat d'assurance dérive de ce contrat et se trouve soumise au délai de prescription biennale dont le point de départ se situe à la date à laquelle l'assuré a eu connaissance des manquements de l'assureur à ses obligations et du préjudice en résultant.
Au regard des moyens soulevés par SAPAR et AXA, il convient de procéder à leur analyse selon le plan ci-après.
I-C-2-b-1) Sur la recevabilité du moyen relatif à la qualité rédactionnelle de la police d'assurance AXA
Vu l'article 1355 du code civil ;
Vu l'article 122 du code de procédure civile ;
Vu l'article R. 112-1 du code des assurances';
Il est constant que l'assureur qui n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 112-1 susvisé, ne peut pas opposer la prescription biennale à son assuré et ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Il en résulte que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ainsi que les causes ordinaires de prescription.
En l'espèce, il ressort des conditions générales de la police d'assurance multirisque de l'entreprise n° 39475900152587 souscrite par SAPAR auprès de AXA le 18 octobre 1999 et renouvelée le 18 janvier 2000 pour une durée d'un an, qu'il est stipulé au paragraphe «'Prescription'» (page 13 des conditions générales ) :
«'Toute action dérivant du contrat d'assurance est prescrite par deux ans à compter de l''évènement qui y donne naissance, dans les conditions déterminées par l'article L. 114-1 du code.
La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription ainsi que par:
la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre,
l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception adressée par l'assureur au souscripteur en ce qui concerne l'action en paiement de la cotisation et par le souscripteur à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.'»
Cette formulation contractuelle qui rappelle le principe de l'interruption de la prescription par des causes ordinaires sans préciser le contenu de ces causes ordinaires, ne suffit pas à éclairer l'assuré sur l'étendue de ces droits.
AXA ne peut donc opposer la prescription biennale à SAPAR, ni non plus prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Pour s'opposer à cette sanction, AXA fait valoir d'une part, que SAPAR avait admis en première instance qu'il était certain que la prescription était acquise, d'autre part qu'elle avait en 2011 devant le tribunal de grande instance de Meaux renoncé expressément à invoquer le moyen relatif à la rédaction de la police d'assurance AXA et que le tribunal avait donc jugé que la prescription biennale était opposable à SAPAR et que l'action de cette dernière contre AXA était prescrite et donc irrecevable. AXA estime qu'en raison de l'autorité de chose jugée du jugement du 23 février 2012 du tribunal de grande instance de Meaux du fait de l'identité de parties, de cause et d'objet entre la présente instance et celle qui a conduit à ce jugement de 2012, SAPAR n'est plus recevable à opposer le moyen de la qualité rédactionnelle dans la présente instance à AXA.
Mais l'autorité de la chose jugée, qui ne s'attache qu'aux chefs du dispositif ayant effectivement tranché une question litigieuse, se caractérise par une identité de parties, d'objet et de cause.
Or, en l'espèce, le jugement de 2012 et la présente instance n'ont pas le même objet : en effet, l'objet du jugement de 2012 porte sur une action en exécution du contrat d'assurance souscrit auprès de AXA alors que l'action dont est saisie aujourd'hui la cour d'appel a pour objet une action en responsabilité civile fondée sur des fautes alléguées de déloyauté commises par les assureurs dans l'exécution de leur contrat respectif, ainsi que le rappelle à juste titre SAPAR.
Par conséquent, faute d'identité d'objet, les conditions de l'autorité de chose jugée du jugement de 2012 sur la présente action ne sont pas réunies.
Le moyen d'autorité de chose jugée invoqué par AXA sera donc écarté.
Par ailleurs, s'il est exact que SAPAR n'a pas contesté en première instance, que les conditions générales AXA respectaient les exigences informatives sur l'interruption de prescription, elle est cependant recevable, en application de l'article 563 du code de procédure civile, à invoquer en appel, un nouveau moyen de défense au fond quand bien même il serait en contradiction avec un moyen de défense soulevé en première instance, dès lors qu'elle a soulevé ce moyen plusieurs mois avant la clôture des débats, en l'espèce en janvier 2023, respectant ainsi le principe de loyauté des débats.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs, que SAPAR est recevable à opposer à AXA, le moyen de non-respect par celle-ci des dispositions de l'article R. 112-1 susvisé, lors de la rédaction de la police n° 39475900152587 d'assurance multirisque de l'entreprise.
I-C-2-b-2) Sur le bien-fondé de la fin de non-recevoir
a) Sur le quantum du délai de prescription
Ainsi qu'il a été démontré précédemment, AXA qui n'a pas respecté les dispositions de l'article R 112-1 susvisé, ne peut opposer à SAPAR la prescription biennale et ne peut pas prétendre à l'application de la prescription de droit commun.
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen surabondant soulevé par SAPAR relatif aux manœuvres fautives intentionnellement commises par l'assureur dans le but de retarder le règlement du sinistre et à laisser écouler le délai de la prescription biennale, pour écarter l'application de la prescription biennale.
b) Sur le point de départ du délai de prescription
L'action en responsabilité engagée par l'assuré contre l'assureur en raison d'un manquement à ses obligations se prescrit à compter de la date à laquelle l'assuré a eu connaissance de ce manquement et du préjudice en étant résulté pour lui.
SAPAR fait valoir que le point de départ doit être fixé au 31 mars 2006, date de dépôt du dernier rapport d'expertise judiciaire sur le préjudice (rapport [H]).
Mais, il y a lieu de rappeler que l'ordonnance de référé rendue le 13 juillet 2000 par le président du tribunal de grande instance de Meaux à la demande de AXA à l'égard de SAPAR et de MMA, a limité la mission de l'expert judiciaire à la détermination des différentes responsabilités engagées dans le sinistre Incendie et au chiffrage des préjudices subis par SAPAR, à savoir selon le dispositif: «' donner tous les éléments d'appréciation nécessaires pour évaluer les préjudices, notamment en chiffrant le coût des travaux nécessaires, leurs délais d'exécution et les préjudices annexes et pertes d'exploitation'».
Ainsi cette décision a été rendue en vue d'éclairer les deux assureurs et leur assuré sur les responsabilités dans l'incendie et les dommages résultant directement de cet événement.
Or la présente action a pour objet de déterminer la responsabilité des assureurs dans la gestion notamment du sinistre Incendie et les dommages qui seraient résulté de cette gestion.
Il en résulte que les dommages relevant de la mission d'expertise judiciaire qui sont ceux engendrés directement par l'incendie et indemnisables selon les stipulations des polices d'assurance, ne recouvrent pas les dommages qui seraient nés d'une mauvaise gestion du sinistre et donneraient lieu à une perte de chance de pouvoir obtenir l'indemnisation prévue par les contrats d'assurance.
Il ne peut donc être considéré que la date de connaissance par SAPAR des préjudices résultant de l'incendie, se confond avec la date de connaissance du préjudice qui résulterait de la mauvaise gestion par AXA du contrat d'assurance.
En effet, au titre de la mauvaise gestion du sinistre, SAPAR reproche à AXA d'avoir refusé de l'indemniser alors que l'enquête pénale avait démontré que l'incendie n'avait pas une cause criminelle.
Or, c'est au début de l'été 2000 qu'il est définitivement établi que l'incendie n'a pas une origine volontaire, ce que rappelle d'ailleurs l' ordonnance de référé du 13 juillet 2000.
Il est aussi rappelé que :
* le 27 septembre 2000, SAPAR assigne AXA et MMA aux fins de voir :
constater l'acquisition du fait générateur constitué par l'incendie, «'subordonnant la mise en oeuvre des garanties souscrites auprès de AXA
demander à cette dernières les indemnités dans la limite du plafond de garantie des dommages consécutifs à l'incendie
et demande dans ses dernières conclusions, une provision.
* dans ses dernières conclusions devant le tribunal, SAPAR soutient qu'elle a été contrainte de le saisir à jour fixe pour obtenir la condamnation de l'assureur, AXA, à s'exécuter des obligations contractuellement dues et permettre la reprise d'activité à laquelle les dirigeants n'ont cessé de s'employer (pièce AXA - 29) et ajoute plus loin, «'AXA ne cesse d'agir pour différer le paiement des sommes dues'».
* dans le jugement rendu le 17 janvier 2001, le tribunal de grande instance de Meaux a fait droit aux demandes de provision formées à l'égard de AXA, au motif, s'agissant de la provision pour pertes d'exploitation qu'elles «'n'ont cessé de s'aggraver en raison de l'attitude de refus de garantie manifesté par l'assureur jusqu'au jour de l'audience de plaidoirie.'»
Ainsi, SAPAR avait connaissance dès le 27 septembre 2000, d'un préjudice imputable à la faute de AXA dans la gestion du sinistre.
Il en résulte que la demande de fixation du point de départ de la prescription de l'action en responsabilité engagée à l'égard de AXA du fait d'une mauvaise gestion du sinistre Incendie, à la date de dépôt du dernier rapport d'expertise ordonnée le 13 juillet 2000, n'est pas fondée.
En revanche, il convient pour ces motifs et ceux retenus par le tribunal de grande instance de Paris, de fixer le point de départ de la prescription de l'action en responsabilité à l'égard de AXA à la date du 27 septembre 2000.
c) Sur l'interruption du délai de prescription
Dès lors que la prescription biennale n'est pas opposable à SAPAR et que AXA ne peut pas non plus se prévaloir de la prescription de droit commun, les moyens invoqués par SAPAR au titre de l'interruption ou de la suspension de la prescription, sont surabondants. Il n'y a donc pas lieu de les examiner.
Compte tenu du point de départ de la prescription, le 27 septembre 2000 et de l'inopposabilité des délais de prescription de deux ans et de 10 ans du droit commun, il en résulte qu'à la date d'assignation du 28 décembre 2006, l'action en responsabilité contractuelle engagée par SAPAR à l'égard de AXA n'était pas prescrite.
Par conséquent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par AXA doit être rejetée et il y a lieu de dire que SAPAR est recevable à agir en responsabilité contractuelle à l'égard de AXA.
Le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre la compagnie AXA.
II Sur la responsabilité civile des assureurs à l'égard de SAPAR
A titre préliminaire, il convient de rappeler le cadre juridique de l'action engagée par SAPAR à l'égard de MMA et de AXA, à la suite des sinistres DO et Incendie :
- le 21 décembre 1999, SAPAR a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Meaux d'une action engagée à l'égard de MMA en versement d'une indemnité provisionnelle en application du contrat d'assurance DO. Le juge des référés a, par ordonnance du 9 février 2000, condamné MMA à verser une provision à SAPAR et a ordonné une expertise afin d'apprécier le caractère satisfactoire de la proposition indemnitaire de MMA. Par jugement du 29 juin 2000, le tribunal de grande instance de Meaux a condamné SAPAR, à la demande de MMA, à restituer cette indemnité provisionnelle, en raison de l'incendie du 21 février 2000 qui supprime l'objet de cette indemnité.
Le 27 septembre 2000, SAPAR a engagé une action à l'égard de AXA et de MMA en exécution du contrat d'assurance de AXA, demandé à titre principal, la condamnation au versement des indemnités contractuelles et à titre subsidiaire, une indemnité provisionnelle. Par jugement du 17 janvier 2001, le tribunal de grande instance de Meaux a déclaré résiliées les polices d'assurances Incendie et Pertes d'exploitation de MMA, dit n'y avoir lieu à cumul d'assurances et condamné AXA à verser une indemnité provisionnelle à SAPAR en application du contrat d'assurance. La cour d'appel de Paris a, par arrêt du 12 septembre 2003, infirmé le jugement concernant la résiliation des polices de MMA, dit qu'il y avait cumul d'assurances et réservé la fixation du montant des indemnités, prononçant un sursis à statuer sur ce point. L'instance d'appel a été éteinte par péremption constatée par ordonnance du conseiller de la mise en état en 2009.
Les 18 et 29 juin 2010, SAPAR a engagé une action à l'égard de MMA et de AXA en exécution des contrats d'assurance et versement des indemnités. Par jugement du 7 mars 2019, le tribunal de grande instance de Meaux a déclaré irrecevable car prescrite l'action engagée à l'égard de AXA et a fixé le montant de l'indemnité due par MMA et a condamné SAPAR à rembourser à MMA et AXA le surplus de provision perçue en exécution du jugement susvisé de 2001.
Dans la présente action engagée par assignation du 29 décembre 2006, SAPAR demande de constater la faute de MMA et de AXA dans l'exécution des contrats d'assurance DO et Incendie et Pertes d'exploitation et leur condamnation à l'indemniser du préjudice subi résultant de leur faute.
SAPAR vise à l'appui de son action les dispositions issues de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations. Mais le législateur a fait le choix de ne soumettre à ces dispositions nouvelles que les contrats conclus après leur date d'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016.
Il en résulte que les dispositions applicables sont les dispositions anciennes du code civil, à savoir les articles 1147 à 1153.
SAPAR invoque la mauvaise foi des assureurs dans l'exécution tardive de leurs obligations contractuelles, dont il résulterait un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires en application de l'article 1153 alinéa 3 ancien du code civil.
C'est donc dans ce cadre juridique que s'inscrit le présent litige.
La cour analysera chacune des conditions de la responsabilité contractuelle en commençant par l'étude des manquements des assureurs, caractérisés par leur mauvaise foi.
S'agissant du manquement, il importe de caractériser outre une inexécution, son imputabilité à l'auteur du dommage.
II-A Sur les manquements reprochés par SAPAR aux assureurs
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle qu'elle agit contre MMA et AXA sur le fondement d'un manquement grave au devoir de loyauté des assureurs dans la gestion des sinistres DO et incendie.
A l'égard de MMA, elle recherche sa responsabilité d'une part, au titre de la gestion du sinistre Plasteurop (dans le présent litige, il sera dénommé sinistre DO), d'autre part, au titre de la gestion du sinistre Incendie.
A l'égard de AXA, elle recherche sa responsabilité au titre de la gestion du sinistre incendie.
Les manquements allégués seront étudiés séparément pour chacun des assureurs.
La définition juridique de la faute dolosive est en revanche la même, quels que soient les assureurs, à savoir que le débiteur commet une faute dolosive lorsque, de propos délibéré, il se refuse à exécuter ses obligations contractuelles, même si ce refus n'est pas caractérisé par l'intention de nuire à son cocontractant.
II-A-1 Sur les manquements imputables à MMA
II-A-1-a) Sur les manquements relatifs à la gestion du sinistre D-O
A titre préliminaire, la cour précise que dans le cadre de l'assurance DO, les montants d'indemnisation seront tous indiqués en francs sans conversion, conformément aux pièces qui lui ont été communiquées.
SAPAR reproche à MMA de lui avoir fait pendant les deux premières années des propositions d'indemnisation totalement décorrélées de la réalité du préjudice qu'elle avait subi : ainsi la première proposition formulée le 30 mars 1998 était de 1 752 000 francs alors que finalement à la suite de la procédure judiciaire de référé qu'elle a engagée, MMA a accepté dans le cadre de cette instance de lui allouer une indemnité de 8 122 946,55 francs, dont le juge des référés a pris acte dans l'ordonnance du 9 février 2000. SAPAR fait observer que c'est ce délai qui est reproché plutôt que le montant de l'ultime proposition. Elle rappelle qu'elle s'est plainte à de multiples reprises de la lenteur dans la gestion de ce sinistre.
SAPAR reproche à MMA des manquements qui reposent sur un comportement déloyal de MMA en ce qu'elle aurait organisé la gestion du dossier en privilégiant ses intérêts personnels au détriment des intérêts de son assuré'; or, SAPAR rappelle que l'objet de l'assurance DO consiste à préfinancer des réparations relevant de la garantie décennale et non à organiser un arbitrage entre les intérêts économiques opposés portés par le même assureur, puisque MMA gérait des sinistres identiques concernant Plasteurop en qualité d'assureur et que son choix a été guidé par la minimisation du montant de l'indemnité. Elle estime que MMA a commis des fautes graves de gestion (propositions d'indemnisation insuffisante, retard d'indemnisation, défaut de partage lors de la construction, des informations qu'elle détenait sur les panneaux Plasteurop), fautes qui sont directement à l'origine de troubles d'ordre financier, sanitaire et commercial et de l'aggravation du sinistre par l'incendie du fait de l'absence de remplacement en temps utile des panneaux Plasteurop dégradés et ainsi de la propagation très rapide de l'incendie.
En réplique, MMA fait valoir que SAPAR n'ayant pas repris son activité après l'incendie bien qu'indemnisée provisionnellement, démontre suffisamment qu'il ne peut exister de lien de causalité entre le préjudice allégué dans le cadre de la présente instance et la gestion du sinistre DO. Elle approuve le tribunal d'avoir rappelé que SAPAR est largement responsable de la longueur du processus amiable d'indemnisation. Elle explique qu'elle n'a cessé de tenter de trouver une solution réparatoire compatible avec les contraintes sanitaires d'exploitation de SAPAR et la poursuite d'activité. Elle estime que l'expert M. [J] a approuvé le caractère satisfactoire de son offre et n'a jamais conclu à la nécessité de reprendre intégralement les panneaux. Elle rappelle la distinction en assurance DO entre les dommages matériels relevant des garanties obligatoires et les dommages immatériels, incluant les pertes d'exploitation, qui relèvent des garanties facultatives pour lesquelles un plafond contractuel peut être opposé à l'assuré.
Sur ce,
Vu les articles 1150 et 1153 anciens du code civil,
Vu l'article L. 242-1 du code des assurances,
S'agissant du dispositif d'indemnisation de l'assurance DO, le tribunal a, par des motifs exacts et pertinents qui ne sont pas contredits et que la cour adopte, exposé le dispositif d'indemnisation de l'assurance DO et rappelé la chronologie de la construction (la souscription d'un contrat d'assurance DO par SAPAR auprès de MMA, la survenance de la détérioration des panneaux d'isolation isotherme Plasteurop, la déclaration de sinistre, la désignation par MMA d'un expert amiable Saretec qui a déposé trois rapports intermédiaires, la demande d'un délai supplémentaire pour poursuivre l' expertise qui a été acceptée par SAPAR, le 19 novembre 1999, l'offre définitive de 7 277 015 francs par MMA).
La cour ajoute que Saretec a déposé son rapport final le 30 décembre 1998, que le rapport de Saretec (M. [B]) sur les pertes d'exploitation a été déposé le 10 mars 1999, que MMA après une première offre faite le 30 mars 1998, de 1 752 000 francs refusée par SAPAR, en a faite une deuxième le 6 janvier 1999 au vu du rapport final de Saretec, de 5 102 550 francs, une troisième, le 6 août 1999, de 7 893 395 francs, une quatrième le 19 novembre 1999, de 5 525 015 francs adressée à l'administrateur judiciaire désigné par le jugement du tribunal de commerce de Meaux le 18 octobre 1999 ouvrant la procédure de redressement judiciaire.
# Sur les propositions d'indemnisation insuffisantes :
Il ressort du rapport de l'expert judiciaire M. [J] que le montant total du coût des travaux de réparations (7 793 027 francs) avec les préjudices immatériels en découlant (650 000 francs), résultant du sinistre DO avant l'incendie, s'élève à 8 443 027 francs et que «' dans les circonstances où les propositions de MMA ont été formulées, SAPAR était fondée à ne pas accepter les propositions MMA relatives à l'ensemble du préjudice.'» (rapport p. 209)
Il ressort du rapport Saretec du 30 décembre 1998 que le coût des travaux comprenant leur réalisation pendant les fins de semaines afin de permettre la poursuite d'activité, avait été évalué à 6 178 071 francs, s'ils n'incluaient pas le remplacement des panneaux M1 d'origine par des panneaux M4 moins inflammables (ce remplacement s'évaluant à 448 290 francs).
Quant au préjudice lié aux pertes d'exploitation, il a été évalué par l'expertise Saretec à 693 498 francs.
Le juge des référés statuant le 9 février 2000 sur la demande de provision de SAPAR et ordonnant l'expertise confiée à M. [J], avait relevé l'accord entre MMA et SAPAR sur un montant provisionnel des dommages matériels et immatériels de 7 385 555 francs.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la troisième offre de MMA du 6 août 1999 est celle qui est la plus proche de l'évaluation de l'expert judiciaire, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal (insuffisance d'estimation peu significative, inférieure à 5 %), étant rappelé que MMA n'a jamais contesté son obligation et a versé une indemnisation provisionnelle en mars 1998 de 1 752 500 francs.
Pour autant, SAPAR n'a pas accepté cette troisième offre, évaluant le coût des travaux de reprise et les frais immatériels à la somme totale de 15 351 351 francs.
A cet égard, il ressort du rapport d'expertise judiciaire, que M. [J] a relevé en étudiant en détail, le déroulement des échanges entre SAPAR et MMA depuis la déclaration de sinistre, qu'un «'blocage est apparu'» entre l'assurée et l'assureur après le dépôt des rapports amiables, lors de la phase d'élaboration de la méthodologie des travaux réparatoires, caractérisé par «'les exigences de SAPAR peu claires et évolutives'», une absence de rigueur de son maître d'oeuvre sur la méthodologie des travaux de reprise et des montants demandés par SAPAR qui «'dérapent'».
Au vu de l'ensemble de ces éléments qui mettent en évidence une offre en août 1999 proche de celle qui sera l'estimation de l'expert judiciaire ainsi qu'un cadre complexe de travaux de reprise demandé par SAPAR et accepté par MMA, permettant la poursuite d'activité, il n'est pas établi que MMA ait fait une proposition d'offre insuffisante, après le dépôt des rapports définitifs de son expert amiable, Saretec.
Le manquement invoqué par SAPAR n'est pas établi.
# Sur le retard d'indemnisation :
Les éléments relevés précédemment ont mis en évidence que la déclaration de sinistre ayant été faite le 19 septembre 1997, MMA a versé une première indemnisation provisionnelle en mars 1998 après qu'un délai supplémentaire pour permettre une première évaluation provisoire des travaux, ait été convenu entre MMA et SAPAR et ce, conformément à l'article L. 242-1 susvisé.
Entre mars 1998 et août 1999, date de la troisième offre, Saretec a déposé ses deux rapports définitifs (le dernier en avril 1999).
Bien que SAPAR ait refusé la troisième offre, elle n'a saisi le juge des référés que le 21 décembre 1999 pour demander une provision de 8 142 183 francs et lors de cette instance, les parties se sont accordées sur un montant provisionnel de 7 385 555 francs dont il a été déduit la provision déjà versée ainsi que les frais de maîtrise d'oeuvre et dont MMA a effectué le versement dans les jours suivants le prononcé de la décision.
Au regard des dispositions légales sur les délais d'indemnisation en cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature et l'importance du sinistre, des conditions dans lesquelles les travaux de reprise devaient se réaliser et des exigences excessives de SAPAR après la troisième offre d'août 1999 qu'elle a refusée, il n'est pas établi de retard d'indemnisation, à caractère dolosif imputable à MMA.
Le manquement invoqué par SAPAR n'est pas établi.
# Sur le défaut de partage, lors de la construction, des informations que MMA détenait sur les panneaux Plasteurop :
Le manquement de MMA à son obligation d'information et de conseil lors de la souscription de l'assurance DO et ensuite lors de la déclaration de sinistre, qui découlerait de la connaissance qu'elle avait de la sinistralité des panneaux Plasteurop et de la dissimulation de cette information à SAPAR, ne peut lui être reproché ainsi que l'a relevé le tribunal.
Ce dernier a, à juste titre, considéré que MMA, en qualité d'assureur DO, n'avait pas à s'immiscer dans les choix de construction de SAPAR et que ces panneaux étaient à la date de construction, conformes à la législation en vigueur ainsi que l'expert judiciaire M. [R] l'a rappelé lorsqu'il a recherché les causes de l'incendie.
Le tribunal a également considéré que MMA n'était pas en conflit d'intérêts avec SAPAR, puisqu'elle était l'assureur de la société chargée de poser les panneaux et non du fabricant desdits panneaux.
La cour ajoute que l'expert judiciaire [J] n'a pas fait valoir son propre avis en page 10 de son rapport mais a rappelé les termes de l'assignation de SAPAR.
Par ailleurs, si l'expert judiciaire dans son rapport déposé en août 2002, a estimé que la détérioration des panneaux Plasteurop avait constitué un facteur aggravant lors du développement de l'incendie et que les autorités sanitaires ont fait observer que du fait de leur détérioration, le nettoyage des panneaux litigieux était rendu difficile et que cette situation était propice au développement de la listéria, pour autant, SAPAR ne justifie pas d'un lien de causalité entre ces risques et le sinistre sériel Plasteurop. Le reproche d'un manquement d'information au titre de ce sinistre sériel, n'est donc pas fondé.
Dès lors, en l'absence d'élément nouveau en appel de nature à remettre en cause l'appréciation du tribunal, la cour considère qu'il n'est pas établi de manquement de MMA à l'obligation d'information et de conseil, lors de la souscription de l'assurance DO et à la suite de la déclaration de sinistre DO.
En définitive, la cour constate que les fautes telles que reprochées par SAPAR à MMA dans la gestion de l'assurance DO ne sont pas établies.
II-A-1-b) Sur les manquements relatifs à la gestion du sinistre Incendie
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle que MMA a résilié par lettre du 23 novembre 1999, les polices de SAPAR dont la garantie incendie mais à la suite de la rétractation, le 21 décembre 1999, par le tribunal de commerce de Meaux de sa décision en date du 18 octobre 1999 de résolution du plan de continuation et d'ouverture du redressement judiciaire, MMA est revenue sur sa décision de résiliation et a mis en demeure SAPAR par lettre du 16 février 2000 de payer les primes d'assurance couvrant les 4e trimestre 1999 et 1er trimestre 2000, manifestant ainsi sa volonté claire et non équivoque d'assurer SAPAR au titre de la période indiquée. Il en est résulté que le contrat d'assurance de MMA était en cours lors de l'incendie comme l'a d'ailleurs jugé la cour d'appel de Paris le 12 septembre 2003, par un arrêt devenu définitif. Elle explique que le jour de l'incendie, elle a donc déclaré le sinistre à MMA qui a dépêché sur les lieux du sinistre trois experts amiables ainsi que son agent d'assurance et que, cependant, le 21 février 2000, MMA a informé SAPAR de son refus d'indemnisation au motif que les polices d'assurances souscrites avaient été résiliées. SAPAR estime que le fait pour MMA d'avoir nié la force juridique de sa propre mise en demeure de payer les primes et de s'être fondée sur l'illégalité du cumul d'assurance lors de l'instance devant le tribunal de grande instance de Meaux qui a donné lieu au jugement du 17 janvier 2001 ainsi que pendant l'instance d'appel qui a donné lieu à l'arrêt du 12 septembre 2003 qui a remis en cause cette position, démontre l'objectif de MMA de gagner du temps pour différer le paiement des primes et que ces manoeuvres caractérisent la faute dolosive de MMA à l'égard de SAPAR dans la gestion du sinistre Incendie.
En réplique, MMA fait valoir qu'elle était légitime à opposer un refus de garantie de l'incendie à la suite de la résiliation des polices qui la liaient à SAPAR et de la rétractation du jugement de redressement judiciaire dès lors qu'elle n'avait pas demandé à SAPAR la prime afférente à la police incendie n° 6 054 962.
Elle précise, à cet égard, que lors de l'instance en référé initiée par AXA sur les causes de l'incendie, ce n'est pas SAPAR qui l'a attraite à la procédure mais AXA et que SAPAR ne lui a pas non plus adressé de demande d'indemnisation après le refus de garantie. Elle explique aussi que lors de l'instance au fond engagée par SAPAR sur l'exécution des garanties, SAPAR n'a formé aucune demande à son égard et qu'en réplique à AXA, elle ne s'est pas opposée au cumul au nom d'un principe de non-cumul mais en raison de la résiliation des polices incendie (n° 6 054 962) et pertes d'exploitation (n° 6054963). S'agissant du reproche sur la durée des expertises judiciaires, elle estime qu'elle résulte des demandes renouvelées de SAPAR pendant les opérations d'expertise. Quant à la volonté des assureurs de provoquer la déconfiture de SAPAR, elle fait siens les motifs du tribunal.
Sur ce,
# Sur la résiliation de la police incendie
C'est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que le tribunal a rappelé la chronologie des faits à l'origine de la résiliation des polices notamment incendie et pertes d'exploitation et la mise en demeure adressée le 16 février par MMA à SAPAR de payer les cotisations de la police n° 101685416 se rapportant à la responsabilité civile industrielle et commerciale précédemment résiliée en même temps que les polices incendie et pertes d'exploitation.
Mais le tribunal rappelle aussi, à juste titre, que l'agent général de MMA (le cabinet Denis) dans une télécopie adressée le 17 février 2000, en réponse à SAPAR sur le sort des polices à la suite de la mise en demeure de MMA, a écrit «[...]'il y a donc retour à la situation précédente, donc appel des cotisations correspondantes. Il en sera bien sûr de même pour les autres contrats. Des courriers seront envoyés à ce sujet. (Mais si tu ne désires pas être repris en MMA, il te suffit de faire un courrier le précisant avec le numéro de contrat RC, incendie, pe).'» et qu'il n'était pas établi que SAPAR aurait refusé l'offre de l'agent général de MMA.
La cour ajoute que la même cour dans une autre composition dans l'arrêt du 12 septembre 2003 aujourd'hui définitif, a décidé que les polices incendie et pertes d'exploitation de MMA n'étaient pas résiliées et qu'il y avait un cumul d'assurances avec celles de AXA.
Au vu de l'ensemble de ces motifs, il se déduit que les polices de MMA incendie (n° 6 054 962) et pertes d'exploitation (n° 6054963) étaient en vigueur à la date de l'incendie.
Pour s'opposer au caractère fautif du refus de garantie opposé à SAPAR jusqu'à la date de prononcé de l'arrêt de 2003, MMA se fonde sur l'avis rendu le 27 juin 2002 par la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) à la suite de sa saisine par AXA pendant l'instance d'appel: la FFSA a donné pour avis que «'les polices litigieuses (incendie et pertes d'exploitation) ont bien été résiliées avant le sinistre du 21 février 2000 et que AXA n'est pas fondée à exercer un recours en assurances cumulatives à l'égard de MMA.'» (pièce 2 - MMA)
Compte tenu du jugement rendu par le tribunal de grande instance de Meaux le 17 janvier 2001 qui a constaté que les polices incendie et pertes d'exploitation souscrites par SAPAR auprès de MMA étaient résiliées et qu'il n'y avait pas de cumul d'assurances et de l'avis rendu en 2002 par la FFSA, instance arbitrale des assureurs français, il ne peut être reproché à MMA d'avoir opposé de mauvaise foi, un refus de garantie du sinistre Incendie jusqu'au 12 septembre 2003, date à laquelle la cour d'appel a infirmé le jugement de 2001 sur la résiliation et le cumul d'assurances.
# Sur le cumul d'assurances
Il ressort du jugement de 2001 qui rappelle les demandes formées par MMA quant à la résiliation des polices d'assurance et de la décision de la FFSA susvisée qui a considéré que la contestation de MMA dans le litige entre MMA et AXA sur l'assurance cumulative, n'est pas un problème lié à l'assurance cumulative et à l'application de l'article L. 121-4 du code des assurances mais à l'existence même des contrats litigieux que MMA estime résiliés, que le moyen de SAPAR selon lequel MMA aurait opposé à tort une illégalité du cumul d'assurance, n'est pas fondé.
Il n'est donc pas établi de faute dolosive de MMA au titre du cumul d'assurances.
# Sur la durée de l'attitude fautive de MMA
Il a été établi précédemment que MMA n'était pas de mauvaise foi en opposant un refus de garantie jusqu'en septembre 2003.
SAPAR fait valoir que le refus opposé par MMA a duré cinq ans.
Mais il ne peut être reproché à MMA d'avoir formé un pourvoi en cassation à l'égard de l'arrêt rendu par la cour d'appel en 2003 même si le pourvoi a été déclaré non admis par l'arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2005.
A cet égard, il convient de rappeler qu'à la suite du jugement de 2001 qui a condamné uniquement MMA à verser une indemnité provisionnelle à SAPAR, AXA a exécuté cette décision étant précisé que la plus grande partie de l'indemnité a été saisie par les créanciers de SAPAR, que par ailleurs, les expertises judiciaires ordonnées le 14 juillet 2000 pour évaluer le montant des préjudices résultant de l'incendie se sont achevées le 20 octobre 2005 avec le rapport déposé par M. [U], sapiteur de M. [R], pour le préjudice au bâtiment.
De surcroît, la cour observe que SAPAR a saisi le tribunal en exécution des polices d'assurances incendie et pertes d'exploitation à l'égard de MMA et de AXA en juin 2010, laissant s'écouler un délai de cinq ans entre la date du dépôt du dernier rapport d'expertise judiciaire sur le montant des préjudices, sans s'expliquer sur la durée de ce délai et caractériser ainsi de faute à l'égard de MMA ou de AXA du fait de ce délai.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas établi que MMA ait commis une faute au titre du délai d'exécution de ses obligations d'assurance incendie et pertes d'exploitation.
Sur la volonté de provoquer la déconfiture de SAPAR
Ce manquement qui avait été examiné en première instance n'est pas repris expressément en appel par SAPAR.
Par des motifs circonstanciés et pertinents, non contestés en appel, que la cour adopte, le tribunal a considéré que ce manquement n'était pas fondé.
En définitive, la cour constate que SAPAR ne justifie aucune des fautes dolosives reprochées à MMA au titre de la gestion du sinistre Incendie, contrairement à ce qu'avait constaté le tribunal dans ses motifs.
En l'absence de faute dolosives de MMA aussi bien au titre de la gestion du sinistre DO que du sinistre Incendie, il n'y a pas lieu d'examiner les autres conditions de l'action en responsabilité engagée par SAPAR à l'égard de MMA, à savoir les préjudices et le lien de causalité.
En conséquence, il y a lieu de débouter SAPAR de ses demandes d'indemnisation à l'égard de MMA.
Le jugement déféré qui a débouté SAPAR de ses demandes d'indemnisation à l'égard de MMA, sera confirmé par substitution de motifs concernant la faute dolosive reprochée par SAPAR à MMA dans la gestion du sinistre Incendie.
II-A-2 Sur les fautes imputables à AXA ou à son agent général
SAPAR met en cause la responsabilité de AXA à un double titre, d'une part au titre de la gestion du sinistre Incendie, d'autre part au titre de fautes reprochées à son agent général, le cabinet MEAUME, lors de la souscription des contrats d'assurance.
Dans le premier cas, il s'agit d'une faute contractuelle dans l'exécution du contrat d'assurance ; dans le second cas, il s'agit d'une faute délictuelle du mandataire de AXA, qui aurait commis un manquement à l'obligation d'information et de conseil lors de la souscription du contrat. Il convient de préciser que dans ce cas, il y a lieu de rechercher si le manquement reproché est imputable à l'agent général, d'où découlera l'éventuelle responsabilité du mandant AXA à l'égard de SAPAR.
II-A-2-a) Sur les fautes contractuelles de AXA relatives à la gestion du sinistre incendie
A l'appui de son appel, SAPAR fait valoir que AXA a manqué de loyauté à son égard en soupçonnant un incendie volontaire et en ayant persisté à refuser sa garantie jusqu'au jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 17 janvier 2001 alors que dès mars 2000, date d'achèvement des investigations de la police scientifique mandatée par le procureur de la République ou au plus tard à la date de l'ordonnance de référé du 13 juillet 2000 qui a considéré qu'il était établi que l'incendie n'avait pas une cause volontaire, elle aurait dû mettre en oeuvre les moyens d'indemnisation propres à réparer les préjudices subis. Elle ajoute que dans l'instance engagée en septembre 2000 par SAPAR pour demander l'exécution du contrat et le versement d'une provision, AXA a commencé par soulever la nullité du contrat avant d'y renoncer.
En réplique, AXA fait valoir qu'au regard des circonstances faisant obstacle à l'exécution des garanties, les fautes alléguées ne sont pas établies. En effet, selon elle, la suspicion d'incendie volontaire était légitime et partagée, compte tenu du contexte dans lequel est survenu l'incendie : à cet égard, AXA rappelle que SAPAR rencontrait des difficultés financières qui ont entraîné une troisième mise en redressement judiciaire en octobre 1999, qu'immédiatement après la rétractation en décembre 1999 de ce jugement, SAPAR était mise en cause dans l'épidémie de listéria qui se développait en France, donnant lieu à une large couverture médiatique ruinant sa réputation, alors même qu'il était ultérieurement établi que le germe de listéria découvert dans ses locaux n'était pas le même que celui qui avait causé des décès, que par ailleurs, SAPAR venait de souscrire son contrat d'assurance auprès de AXA. L'assureur estime que dans ce contexte exceptionnel, il était légitime à diligenter une expertise amiable pour déterminer les causes de l'incendie. Il ajoute qu'à la suite du dépôt du rapport de l'expert judiciaire, M. [V], désigné par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux, il a admis que les conclusions de cet expert étaient indiscutables et il s'est incliné. il explique que lorsqu'il a demandé en juillet 2000 une expertise au juge civil, celle-ci était nécessaire pour déterminer quels étaient les préjudices résultant directement de l'incendie compte tenu des désordres antérieurs des panneaux Plasteurop et le coût de réparation. Il ajoute que lors de cette instance, SAPAR n'a demandé aucune provision à AXA. Cette dernière précise aussi que depuis mars 2000, les créanciers de SAPAR avaient fait diligence auprès de AXA pour interdire tout commencement d'exécution des garanties au bénéfice de SAPAR et que notamment le CEPME qui détenait la créance la plus élevée, a sans cesse renouvelé ses mesures d'exécution jusqu'à l'exécution du jugement du 17 janvier 2001 par la décision du juge de l'exécution.
Sur ce,
Vu l'article L. 121-13 du code des assurances, et notamment son alinéa 2 qui énonce, «'Néanmoins, les paiements d'indemnité faits de bonne foi avant opposition sont valables.'»
Il y a lieu de rappeler que SAPAR assistée de l'administrateur judiciaire a souscrit une police multirisque de l'entreprise auprès de AXA le 18 octobre 1999 pour une durée de trois mois et a renouvelé, seule, le 18 janvier 2000, cette police auprès de AXA pour une durée d'un an.
Au vu des pièces communiquées, il est avéré que l'incendie du bâtiment industriel, le 21 février 2000 est survenu dans le contexte :
- des difficultés financières de SAPAR, et ce malgré les négociations en cours avec son principal créancier CEPME qui ont permis de donner lieu au jugement de rétractation de la procédure de redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Meaux en décembre 1999,
- de la crise sanitaire de la listériose qui a éclaté en janvier 2000 et qui a exposé SAPAR à des contrôles sanitaires importants en février 2000 ainsi qu'à des poursuites pénales (arrêt de la cour d'appel de Paris du 7 février 2003).
C'est dans ce contexte et au regard de l'ampleur de l'incendie qui a détruit la totalité du bâtiment, qu'une enquête pénale a été ouverte par le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Meaux pour déterminer les causes de l'incendie et qu'un expert judiciaire, M. [V], a été désigné puis a déposé un premier rapport le 3 mars 2000 et le 26 juin 2000, un second rapport complété par les éléments de police judiciaire que lui a communiqués le parquet en mai 2000, rapport dans lequel il conclut qu'il maintient la conclusion de son rapport du 3 mars 2000, à savoir qu''«'il s'agit d'un incendie vraisemblablement accidentel'».
Au regard de ces éléments de contexte, il ne peut être reproché à l'assureur des garanties incendie et pertes d'exploitation de SAPAR souscrites quelques mois plus tôt, d'avoir été de mauvaise foi, en diligentant une expertise amiable parallèlement à l'enquête pénale, afin de parvenir à déterminer, par un argumentaire circonstancié, les premières conclusions de l'expert judiciaire, du 3 mars 2000, sur les causes de l'incendie.
A la suite du dépôt des résultats de l'enquête pénale préliminaire et de l'expertise judiciaire, il est constant que le procureur de la République a pris le 30 juin 2000, une décision de classement sans suite au motif qu'il n'y avait pas d'infraction et en précisant qu'il n'y avait pas de plaignant.
La cour relève que si AXA a saisi le juge des référés en juillet 2000 d'une demande d'expertise pour déterminer les causes de l'incendie et le montant des préjudices, pour autant, elle n'a pas contesté la décision du juge des référés du 13 juillet 2000 qui a ordonné une expertise en considérant que «'la cause criminelle avait été écartée par M. [V] après avoir pris connaissance des conclusions des experts mandatés par AXA, et il n'y a pas lieu de remettre en cause les conclusions de l'expert'» et a précisé que l'expertise qu'il ordonnait «'n'aura pas pour but de définir le caractère accidentel ou criminel du sinistre mais devra déterminer les différentes responsabilités engagées [...] et devra permettre de chiffrer les préjudices subis par SAPAR'».
Ainsi, la cour approuve les motifs du jugement déféré qui a considéré qu'il ne peut être fait grief de déloyauté contractuelle à AXA d'avoir cherché à déterminer les causes exactes d'un incendie survenu moins de deux mois après la souscription des polices.
A cet égard, la cour observe que SAPAR n'a pas sollicité de provision lors de l'instance en référé, elle ne saurait donc aujourd'hui reprocher à AXA de ne pas avoir versé d'acompte sur les garanties entre le 3 mars et le 13 juillet 2000.
C'est à juste titre que AXA rappelle et justifie de la chronologie des oppositions et saisie-attributions qui lui ont été notifiées par les créanciers de SAPAR à compter de mars 2000 dont le CEPME. (pièces 30 à 35, 83 - AXA)
En effet, informée de ces mesures conservatoires prises par les créanciers, dès mars 2000, sa bonne foi dans le versement des indemnités à SAPAR devenait discutable, y compris s'agissant de l'indemnité au titre des pertes d'exploitation puisque le CEPME avait, outre la saisie-exécution de l'article L.'121-13 susvisé, notifié à AXA une saisie-exécution de droit commun et avait maintenu ses poursuites immédiatement après le jugement du 17 janvier 2001.
D'ailleurs, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui a statué, le 8 février 2001, sur requête de AXA en exécution du jugement du 17 janvier 2001, a admis le séquestre d'une partie de l'indemnité due par AXA à SAPAR au titre du jugement du 17 janvier 2001, considérant que les délais d'exécution de la saisie-attribution diligentée par le CEPME auprès de AXA, immédiatement après le jugement, n'étaient pas expirés.
Dans ces conditions, il ne peut non plus être reproché à AXA d'avoir été de mauvaise foi, en ne versant pas à SAPAR d'indemnité au titre du contrat d'assurance, avant l' ordonnance du juge de l'exécution, susvisée.
Il résulte de l'ensemble de ces motifs que les fautes de déloyauté invoquées par SAPAR à l'égard de AXA au titre de la gestion de l'exécution du contrat d'assurance ne sont pas établies.
Le jugement déféré sera complété sur ce point.
II-A-2-b) Sur le manquement délictuel à l'obligation d'information et de conseil de l'agent général de AXA
A l'appui de son appel, SAPAR rappelle qu'en application du principe général de responsabilité du fait du préposé, en l'occurrence du mandataire, AXA doit répondre envers SAPAR des manquements de son agent général, le cabinet Meaume, lorsque celui-ci procède à un diagnostic erroné des conditions d'assurance. SAPAR reproche au cabinet Meaume de ne pas avoir recherché les coûts de reconstruction de l'usine et de ne pas avoir attiré l'attention de SAPAR sur l'existence d'une différence importante entre les valeurs à assurer et le plafond contractuel de garantie, aboutissant ainsi à une insuffisance de garantie.
En réplique, AXA rappelle que le cabinet MEAUME est intervenu dans le cadre d'une mission d'audit des contrats d'assurance de SAPAR, que lui avait confiée l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce de Meaux le 18 octobre 1999 et qu'à ce titre il n'engage pas la responsabilité de AXA au titre de l'évaluation des valeurs à assurer faite dans ce contexte. AXA ajoute qu'en tout état de cause, ce n'est pas l'insuffisance de garantie qui faisait obstacle au versement d'un acompte d'indemnité mais l'opposition des créanciers dont le montant des créances s'élevait à environ 33 millions de francs.
Sur ce,
La cour relève que les moyens soulevés par SAPAR à l'appui des fautes reprochées au cabinet MEAUME ne font pas la distinction entre les fautes commises dans l'exercice de la mission d'audit du cabinet MEAUME mandaté par l'administrateur judiciaire désigné par le tribunal de commerce dans le cadre du redressement judiciaire de SAPAR et les fautes commises en qualité d'agent général de AXA.
Or, il n'est pas contesté que le cabinet MEAUME a exercé successivement ces deux fonctions.
Il est constant que seules les fautes commises en qualité d'agent général de AXA, sont susceptibles d'engager la responsabilité de AXA sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des assurances.
S'agissant de la sous-évaluation par le cabinet MEAUME agissant en qualité d'agent mandataire de AXA, des capitaux à assurer, c'est par des motifs circonstanciés et pertinents non remis en cause en appel, que le tribunal a considéré que les valeurs assurées auprès de AXA en décembre 1999, 25 816 514 francs, soit 3 935 702 euros pour le bâtiment d'une part, et 23 665 138 francs, soit 3 607 727 euros pour les matériels d'autre part, étaient cohérentes par rapport à des valeurs d'actif net comptables contemporaines, nécessairement inférieures compte tenu des amortissements pratiqués depuis l'origine et a déduit qu'aucune erreur grossière du mandataire de AXA ne peut être retenue à ce stade.
En l'absence d'élément nouveau en appel, la cour adopte les motifs du tribunal concernant l'absence d'erreur de l'agent général de AXA au titre de l'évaluation des capitaux.
S'agissant du manquement concernant l'absence d'information et de conseil sur l'insuffisance des garanties, SAPAR qui était en redressement judiciaire lors de la souscription de la première police d'assurance auprès de AXA et qui avait accepté avec l'assistance de l'administrateur judiciaire la résiliation des polices souscrites auprès de MMA à cette même période, avait connaissance de son impossibilité à assumer des primes plus élevées pour une couverture plus étendue. Il n'est donc pas fondé à reprocher à l'agent général de ne pas l'avoir alerté sur une éventuelle insuffisance de couverture.
Au vu de l'ensemble de ces motifs, la cour constate que SAPAR ne caractérise pas les manquements reprochés à l'agent général de AXA au titre de son obligation d'information et de conseil lors de la souscription auprès de AXA de la police d'assurance et de son renouvellement.
Le jugement déféré sera complété sur ce point.
En définitive, il n'est pas établi que la responsabilité de AXA soit fondée en l'absence de faute dolosive personnelle ou de faute de son agent général. Il n'y a donc pas lieu d'examiner les conditions de responsabilité tenant aux préjudices et au lien de causalité.
En conséquence, il y a lieu de rejeter les demandes de dommage-intérêts formées par SAPAR à l'égard de AXA.
III Sur la responsabilité civile des assureurs à l'égard de M. et Mme [E]
Au préalable, AXA sollicite le rejet de la pièce n° 238 communiquée par M. et Mme [E] mais ne fait valoir aucun moyen spécifique à l'appui de cette demande.
La pièce 238 porte sur la retranscription d'une conversation téléphonique des 13 et 15 décembre 1999 avec J-P B. Direction financière CEPME.
Il s'agit donc d'une pièce constituée par une partie à l'appui de sa défense. Sa valeur probante est laissée à l'appréciation de la cour, sans qu'il soit nécessaire de la rejeter des débats.
Dès lors, il y a lieu de débouter AXA de sa demande de voir écarter des débats la pièce communiquée par M. et Mme [E] portant le n° 238.
III-A Sur la responsabilité civile de MMA et d'AXA à l'égard de M. et Mme [E] au titre du bâtiment situé à [Localité 8]
M.et Mme [E] font valoir que ce sont les mêmes fautes que celles invoquées par SAPAR, qu'ils reprochent à MMA et AXA, mais que ces fautes leur ont causé des préjudices distincts de ceux subis par SAPAR. Ils fondent leurs demandes sur le principe jurisprudentiel selon lequel un tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. En l'espèce, ils reprochent à MMA et à AXA de leur avoir causé un dommage en différant par des procédés dilatoires l'indemnisation de l'assurée, SAPAR.
En réplique, AXA fait valoir que la réparation d'une atteinte à l'honneur et à la considération ne peut jamais être fondée sur les dispositions de l'article 1382 ancien du code civil, qu'elle est constitutive d'une diffamation qui ne peut être réparée que sur le fondement des dispositions de la loi du 29 juillet 1881.
Sur ce,
Sur les manquements de MMA au titre de la gestion du sinistre DO et de la gestion du sinistre Incendie et de AXA au titre du sinistre Incendie, il a été constaté qu'il n'était pas établi de faute dolosive à l'égard de MMA et à l'égard de AXA.
Dès lors que les fautes invoquées par M. et Mme [E] sont identiques à celles invoquées par SAPAR, il y a lieu de constater l'absence de faute également à l'égard de M.et Mme [E].
Dans ces conditions, ces derniers ne sont pas fondés à demander la réparation de leurs préjudices à MMA et à AXA, y compris de leur préjudice moral, sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen de AXA sur la diffamation non fondée en l'espèce.
Pour ces motifs, il y a lieu de débouter M. et Mme [E] de leurs demandes d'indemnisation de leurs préjudices formées à l'égard de MMA et de AXA et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné MMA à payer à M. et Mme [E], chacun, la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral et en ce qu'il a condamné AXA à payer à M.et Mme [E], chacun, la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice moral .
III-B Sur la responsabilité civile de MMA au titre de l'immeuble de [Localité 9] (77)
M. [E] sollicite l'indemnisation du préjudice matériel que lui a causé MMA en différant l'indemnisation due à SAPAR sur un autre bâtiment que celui qui a été détruit par l'incendie du 21 février 2000.
M.[E] fait valoir que cet autre bâtiment situé à [Localité 9] (77), lui appartient et qu'il l'a donné en location à SAPAR qui l'a assuré auprès de MMA. M.[E] expose que ce bâtiment a subi deux sinistres successifs : un incendie le 25 février 1999 et des destructions supplémentaires du fait de la tempête de décembre 1999. M. [E] fait valoir que MMA n'a versé les indemnités que le 21 avril 2008 à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Meaux du 21 février 2008. Il reproche à MMA, son refus persistant pendant neuf années de reconnaître que la résiliation des polices avait été annulée par leur remise en vigueur. Il estime qu'est ainsi caractérisée une inexécution déloyale de ses obligations par MMA. Il explique que cette faute lui a occasionné un préjudice consistant dans un manque à gagner en loyers et en outre, un préjudice lié aux actes de malveillance commis dans ce bâtiment non remis en état, faute d'indemnisation.
MMA a conclu au débouté de ces demandes sans invoquer de moyen particulier.
Sur ce,
Il ressort du jugement rendu le 21 février 2008 par le tribunal de grande instance de Meaux (pièce 168 ' M.et Mme [E] ), que SAPAR a assigné le 7 novembre 2006, MMA en exécution des deux polices d'assurance souscrites le 6 mars 1996 pour garantir les locaux situés à Varrèddes des risques incendie et tempêtes, notamment, que le tribunal a fait droit aux demandes en condamnant MMA à payer à SAPAR la somme de 74 098,30 euros en indemnisation du sinistre Incendie et la somme de 7 752,65 euros en indemnisation du sinistre Tempête.
M. [E] reconnaît que MMA a exécuté cette décision en avril 2008.
La cour observe au préalable que M.[E] ne justifie ni être propriétaire de l'immeuble de Varrèdes, ni l'avoir donné en location à SAPAR.
S'agissant de la faute de déloyauté reprochée à MMA, il a été établi précédemment que MMA n'avait pas commis de faute déloyale en n'exécutant pas les contrats jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel de Paris de 2003 qui a décidé que les contrats d'assurance souscrits par SAPAR auprès de MMA n'étaient pas résiliés.
Il n'est pas contesté que l'arrêt d'appel est devenu définitif à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2005 et que SAPAR a assigné MMA au titre de l'immeuble de [Localité 9] en novembre 2006.
La résistance abusive reprochée à MMA ne pourrait donc être retenue qu'au titre du délai compris entre le 24 février 2005 et le 7 novembre 2006.
Mais M. [E] ne caractérise pas de faute de MMA, liée à un refus injustifié, pendant cette période.
Il y a donc lieu de débouter M. [E] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices au titre de l'immeuble de [Localité 9].
Par ces motifs substitués à ceux du tribunal de grande instance de Paris, le jugement déféré sera confirmé de ce chef de demande.
IV Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
En première instance,
Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné MMA et AXA aux dépens de première instance.
En revanche, il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné MMA à payer à M. et Mme [E] , chacun, une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau, la cour rejette les demandes de MMA et de M. et Mme [E] formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et confirme le jugement pour le surplus des demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En appel,
Compte tenu de la solution retenue en appel, il convient de laisser à chacune des parties, la charge des dépens qu'elles ont exposés en appel et de rejeter toutes les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition de la décision au greffe,
Dans les limites des appels formés,
Prononce la jonction des affaires 23/00223 et 23/04528 sous le numéro 23/00223 ;
Dit que les pièces 496 à 506 communiquées en appel par SAPAR sont écartées des débats et du délibéré ;
Dit que les conclusions notifiées par SAPAR le 14 septembre 2023 sont recevables sous réserve de l'irrecevabilité des demandes susvisées ;
Dit irrecevables les demandes suivantes formées par SAPAR dans ses dernières conclusions récapitulatives:
«'25.913.416,71 € au titre des surcoûts liés au redémarrage de l'activité supportés par SAPAR
Très subsidiairement, dans l'hypothèse où la cour considérerait qu'il n'y a pas lieu d'indemniser SAPAR du poste des surcoûts liés au redémarrage en intégralité, il est demandé à titre subsidiaire, d'indemniser SAPAR de la différence de coût entre 2003
et 2023, soit de 14.861.510,45 €.
4.072.262,18 € au titre du préjudice fiscal
CONDAMNER solidairement AXA et MMA à verser à SAPAR la somme de 87.039.739 € au titre de son replacement dans la situation qui était la sienne avant la survenance du sinistre incendie le 21 février 2000.
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA à verser à la société SAPAR la somme de 12.659.000 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux frais exposés par SAPAR pour sa défense ;
CONDAMNER in solidum les sociétés AXA et MMA en tous les dépens ; y compris les droits proportionnels au titre des frais de recouvrement tels que fixés par les articles A444-32 et A444-33 du code de commerce.'»
Rejette des débats les pièces 496 à 506 communiquées par SAPAR pour la première fois le 14 septembre 2023 ;
Déboute AXA de sa demande de voir écarter des débats la pièce produite par M. et Mme [E], portant le n°238 ;
Confirme le jugement déféré:
- en ce qu'il a reçu SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre MMA ;
- en ce qu'il a débouté SAPAR de ses demandes d'indemnisation à l'égard de MMA, par substitution de motifs concernant la faute reprochée par SAPAR à MMA dans la gestion du sinistre Incendie ;
- en ce qu'il a débouté M.[E] de sa demande d'indemnisation de ses préjudices au titre de l'immeuble de [Localité 9], par substitution de motifs ;
Infirme le jugement déféré :
- en ce qu'il a déclaré irrecevable SAPAR en toutes ses demandes telles que dirigées contre la compagnie AXA ;
- en ce qu'il a condamné MMA à payer à M. et Mme [E], chacun, la somme de
15 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- en ce qu'il a condamné AXA à payer à M. et Mme [E], chacun, la somme de
15 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
- en ce qu'il a condamné MMA, à payer à M. et Mme [E] , chacun une indemnité de
5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
Rejette la fin de non-recevoir au titre de la prescription soulevée par AXA ;
Dit que SAPAR est recevable à agir en responsabilité contractuelle à l'égard de AXA ;
Déboute M. et Mme [E] de leurs demandes d'indemnisation de leur préjudice moral formées à l'égard de MMA et de AXA ;
Rejette les demandes formées en première instance par M. et Mme [E] et MMA au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
Constate l'absence de faute de AXA au titre de la gestion de l'exécution du contrat d'assurance;
Constate l'absence de faute du cabinet MEAUME agent général de AXA au titre de son obligation d'information et de conseil lors de la souscription auprès de AXA de la police d'assurance et de son renouvellement ;
Rejette les demandes de dommage-intérêts formées par SAPAR à l'égard de AXA ;
Déboute M. et Mme [E] des demandes d'indemnisation de leurs préjudices matériels formées à l'égard de MMA et de AXA ;
Laisse à chacune des parties, la charge des dépens qu'elles ont exposés en appel ;
Rejette toutes les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE