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Décisions

CA Metz, ch. soc.-sect. 1, 24 janvier 2024, n° 21/01946

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 21/01946

24 janvier 2024

Arrêt n° 24/00033

24 janvier 2024

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N° RG 21/01946 -

N° Portalis DBVS-V-B7F-FRY3

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Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Metz

02 juillet 2021

19/00796

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE METZ

Chambre Sociale-Section 1

ARRÊT DU

Vingt quatre janvier deux mille vingt quatre

APPELANT :

M. [B] [D]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représenté par Me Marie JUNG, avocat au barreau de METZ

INTIMÉES :

Société UEM, société anonyme d'économie mixte prise en la personne de son Directeur général

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe TOISON, avocat au barreau de PARIS

C.E. COMITÉ SOCIAL ET ECONOMIQUE de la société UEM venant aux droits du CHSCT de la société UEM, pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Stéphane VUILLAUME, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 mai 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, chargée d'instruire l'affaire, en présence de M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre

Mme Anne FABERT, Conseillère

M. Benoit DEVIGNOT, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Catherine MALHERBE

ARRÊT : Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Véronique LAMBOLEY-CUNEY, Présidente de chambre, et par Mme Catherine MALHERBE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 2 septembre 1991, M. [B] [D] a été embauché par la SAEML UEM en contrat à durée indéterminée au service administratif. A compter du 1er août 2005, il a été nommé chef du service logistique, statut cadre, GF 17, NR 290, échelon 10.

Les dispositions du statut national des Industries Electriques et Gazières issu du décret n°46-1541 du 22 juin 1946 s'appliquent à la relation de travail.

A compter du 6 novembre 2017, et jusqu'à la fin de son contrat de travail, M. [D] a été placé en arrêt maladie après un premier arrêt de même nature du 2 mars au 16 août 2016.

Par lettre recommandée datée du 15 janvier 2018, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu'à la mise à la retraite d'office, qui s'est tenu le 26 janvier 2018.

Par lettre recommandée datée du 23 janvier 2018, le syndicat CGT-UFICT du groupe UEM a informé le directeur général de l'UEM de la désignation de M. [D] en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise de l'UES UEM-EFLUID, lequel a alors saisi le tribunal d'instance de Metz par déclaration reçue au greffe le 6 février 2018 afin de contester cette désignation et de la voir annulée.

Par jugement du 22 mai 2018, le tribunal d'instance de Metz a « débout(é) la société UEM prise en la personne de son directeur général et la société Efluid prise en la personne de son président, membres de l'unité économique et sociale UEM-EFLUID de leur demande d'annulation de la désignation de M. [D] en qualité de représentant syndical CGT-UFICT au comité d'entreprise de l'unité économique et sociale UEM-EFLUID ».

Suivant demande introductive d'instance enregistrée au greffe le 30 mai 2018, M. [D] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Metz aux fins d'obtenir sous astreinte la communication de la part de la SAEML UEM de documents internes relatifs à la contribution annuelle des cadres. Par ordonnance prononcée le 8 février 2019, le conseil de prud'hommes de Metz, statuant en référé en sa formation de départage, a ordonné à la SAEML UEM de communiquer sous astreinte à M. [D] les documents suivants :

le document interne instituant la contribution annuelle cadres et des modalités d'attribution ;

les bulletins de paie de 2016 à 2018 des salariés cadres de l'entreprise classés GF17, ou de niveau de rémunération (NR) 220 à 290, embauchés depuis 1991 ;

les outils d'évaluation internes ;

les comptes-rendus d'entretiens annuels d'évaluation établis au cours des années 2015 à 2017 à l'égard des salariés cadres de l'entreprise classés GF17, ou de niveau de rémunération (NR) 220 à 290, embauchés depuis 1991.

Entre temps, par lettre recommandée du 19 octobre 2018, la SAEML UEM a notifié à M. [D] son licenciement pour faute grave après avoir consulté le comité d'entreprise et l'inspecteur du travail.

Le 19 février 2019, M. [D] a fait assigner la SAEML UEM ainsi que le CHSCT de l'UES UEM-EFLUID à l'audience de référé du conseil de prud'hommes de Metz afin de faire ordonner sa réintégration au motif que son licenciement serait nul et constituerait un trouble manifestement illicite.

Par ordonnance de départage prononcée le 6 décembre 2019, le conseil de prud'hommes de Metz a notamment :

mis hors de cause le CHSCT de la SAEML UEM ;

dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par M. [D] ;

ordonné à M. [D] de restituer à la SAEML UEM les deux chéquiers Kadeos d'une valeur unitaire de 500 euros, procédant à leur remise entre les mains de tout Huissier de justice de la SCP Charpentier-Nisi-Henot, huissiers de justice à Metz (57), sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;

condamné M. [D] aux dépens.

Sans attendre l'issue de la procédure de référé, M. [D] a fait citer la SAEML UEM et le Comité Social et Economique (CSE), venant aux droits du CHSCT de la société UEM, devant le conseil de prud'hommes de Metz, statuant au fond, par requête enregistrée au greffe le 18 octobre 2019, aux fins de faire juger son licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse. Aux termes de ses dernières conclusions, M. [D] sollicitait de :

Avant dire droit :

ordonner au CHSCT de l'UEM de lui transmettre la liste des personnes interrogées, les comptes rendus, les résultats de la prétendue enquête, telle que mentionnée dans le PV de la réunion du CHSCT du 9 mars 2018 ;

A titre principal :

dire et juger que son licenciement est nul ;

ordonner à l'UEM de le réintégrer dans ses effectifs sous astreinte dans les 8 jours de la notification de l'ordonnance à venir, assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard que le conseil se réservera de liquider ;

condamner l'UEM à lui payer les sommes suivantes :

. 185 368,85 euros brut à parfaire au jour du jugement à intervenir au titre des salaires qu'il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration effective ;

. 18 536,89 euros à titre de congés payés afférant à parfaire au jour du jugement ;

A titre subsidiaire :

dire et juger que son licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

condamner la SAEML UEM à lui payer les sommes suivantes :

. 491 934,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 62 851,54 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

. 23 171,11 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 2 317,11 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;

En tout état de cause :

condamner la SAEML UEM à lui payer les sommes suivantes :

. 17 900 euros brut à titre de rappel des primes annuelles 2016 à 2018 ;

. 1 790 euros brut au titre des congés payés afférents ;

rappeler l'exécution provisoire en application de l'article L 1454-28 du code du travail et ordonner l'exécution provisoire par application de l'article 515 du code de procédure civile ;

condamner l'UEM au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.

La SAEML UEM s'opposait aux demandes formées contre elle et subsidiairement demandait que soient déduits des rappels de salaires les revenus de remplacement perçus entre la date de la rupture effective du contrat de travail et la réintégration, que soit limitée à 19 mois le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle sollicitait en tout état de cause la condamnation de M. [D] aux dépens et à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le CSE de la société UEM, venant aux droits du CHSCT, soulevait l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal judiciaire de Metz, et subsidiairement s'opposait aux prétentions formées par M. [D] à son encontre sollicitant la condamnation de celui-ci aux dépens et à lui verser 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 2 juillet 2021, le conseil de prud'hommes de Metz, section encadrement, a statué de la façon suivante :

« - Dit que le licenciement de M. [D] n'est pas nul ;

Dit qu'il n'y a lieu de prononcer la réintégration de M. [D] au sein de la SAELM UEM ;

Confirme le licenciement de M. [D] pour faute grave ;

En conséquence,

Déboute M. [D] de toutes ses demandes relatives au licenciement et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAEML UEM, prise en la personne de son représentant légal, à payer à M. [D] les sommes suivantes :

. 7 860 euros brut au titre de rappel de primes pour les années 2016 à 2018 ;

. 786 euros brut au titre des congés payés afférents au rappel de primes pour les années 2016 à 2018 ;

Dit que ces sommes portent intérêts de droit, au taux légal, à compter du 18 octobre 2019, date de saisine du conseil ;

Déboute la SAEML UEM de l'ensemble de ses demandes ;

Déboute le CSE de l'UEM de l'ensemble de ses demandes ;

Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens. »

Par acte enregistré par voie électronique le 29 juillet 2021, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 février 2023, M. [D] demande à la cour de :

Infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [D] n'est pas nul, confirmé le licenciement de M. [D] pour faute grave, débouté M. [D] de ses demandes, limité la condamnation de la société UEM à lui payer 7 860 euros brut à titre de rappel de prime annuelle pour les années 2016 à 2018, ainsi que 786 euros brut de congés payés afférents ;

En conséquence,

Avant dire droit,

Ordonner au Comité Social Economique de l'UEM venant aux droits du CHSCT de l'UEM de transmettre à M. [D] la liste des personnes interrogées, les comptes rendus, les résultats de la prétendue enquête, telle que mentionnée dans le PV de la réunion du CHSCT du 9 mars 2018 ;

A titre principal,

Dire et juger que le licenciement de M. [D] est nul ;

Ordonner à l'UEM de réintégrer M. [D] dans ses effectifs ;

Condamner l'UEM à payer à M. [D] :

. 371 978 euros correspondant aux salaires qu'il aurait dû percevoir entre son licenciement et sa réintégration effective ;

. 37 197,80 euros brut à titre de congés payés afférents ;

A titre subsidiaire,

Dire et juger que le licenciement de M. [D] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamner la société UEM à payer à M. [D] :

. 491 934,28 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

. 62 851,54 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;

. 23 171,11 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

. 2 317,11 euros brut au titre des congés payés sur préavis ;

En tout état de cause,

Condamner la société UEM à payer à M. [D] :

. 17 900 euros brut au titre du rappel de primes annuelles 2016 à 2018

. 1 790 euros brut au titre des congés payés afférents

Condamner l'UEM à payer à M. [D] 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, M. [D] explique :

S'agissant du harcèlement moral,

qu'il est caractérisé par la rétrogradation qu'il a subie en 2009, la surcharge de travail qui lui a été imposée, l'absence de définition de ses fonctions, la diminution injustifiée de ses primes à compter de 2015, la décision de mettre fin à l'audit sur les risques psycho-sociaux confié à un organisme extérieur, l'épuisement professionnel que cela a entraîné pour lui à compter de 2016 et l'absence de prise en compte de son état de santé par l'employeur lors de sa reprise du travail ;

qu'en s'abstenant de réagir avant le 23 janvier 2018 alors qu'il était alerté de sa souffrance au travail, l'employeur a manqué au respect de son obligation de sécurité ;

que l'enquête diligentée par le CHSCT est contestable, en l'absence de décision collégiale, de possibilité pour l'inspecteur du travail et l'agent de la CARSAT d'y siéger et de donner leur avis, et de respect des exigences de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement moral ;

que l'existence d'un lien entre son état de santé et ses conditions de travail ressort de son dossier médical ;

S'agissant de la discrimination,

que la réduction puis la suppression de ses primes coïncide avec ses arrêts maladie et son rapprochement avec les syndicats de l'UEM ;

que les salariés, placés dans une situation comparable à la sienne, ont continué à percevoir leur prime ;

que la procédure disciplinaire a été initiée par l'employeur alors qu'il était sur le point d'être désigné à des fonctions syndicales ;

S'agissant du licenciement pour faute grave dont il a fait l'objet,

que les griefs qui lui sont reprochés ont évolué avec la procédure, sans que l'employeur n'ait repris une procédure sur les nouvelles qualifications ;

que l'imputabilité des griefs à sa personne n'est pas établie ;

que les faits de 2016 sont fondés sur le témoignage de la concierge obtenu dans des circonstances troublantes, et par un second témoignage présentant des incohérences ;

que l'usage et le détournement des chèques cadeaux n'est pas démontré par l'employeur, tant pour l'année 2016 que pour l'année 2017, aucune intention de garder les chèques n'étant par ailleurs prouvée, M. [D] ayant informé sa hiérarchie le 18 juillet 2018 ;

que l'employeur n'a pas formé de plainte pénale ;

que la sanction prononcée est disproportionnée à la faute commise, la Commission Supérieure Nationale du Personnel (CSNP) ayant rendu un avis négatif sur le licenciement de M. [D] ;

que l'inspecteur du travail a rejeté la demande d'autorisation de le licencier ;

que l'employeur avait connaissance du caractère professionnel de sa maladie, de sorte que M. [D] bénéficiait de la protection attachée à l'article L 1226-9 du code du travail, le licenciement devant être déclaré nul en l'absence de faute grave ;

que subsidiairement son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, la sanction disciplinaire ayant été prononcée plus d'un mois après la tenue de l'entretien préalable, en application de l'article L 1332-2 du code du travail.

Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 28 janvier 2022, la SAEML UEM demande à la cour de :

« A TITRE PRINCIPAL,

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

. dit que le licenciement de M. [D] n'est pas nul ;

. dit qu'il n'y a pas lieu de prononcer la réintégration de M. [D] au sein de la SAEML UEM ;

. confirmé le licenciement de M. [D] pour faute grave ;

En conséquence,

. débouté M. [D] de toutes ses demandes relatives au licenciement et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Confirmer le jugement pour le surplus.

Y AJOUTANT :

Condamner M. [D] au paiement de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;

A TITRE SUBSIDIAIRE

Ordonner que devront être déduits des rappels de salaires les revenus de remplacement perçus entre la date de rupture effective du contrat de travail et la réintégration ;

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

Juger que le licenciement de M. [D] est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE

Juger que M. [D], compte tenu de son ancienneté, est mal fondé à solliciter des dommages et intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail qui excéderaient 19 mois de salaires soit 117 260,40 euros conformément à l'article L 1235-3 du code du travail et ramener ses demandes à de bien plus justes proportions ».

La SAEML UEM soutient à l'appui de sa position que :

que le harcèlement moral invoqué n'est pas démontré ;

qu'il n'y a pas de fait objectifs et matériellement vérifiables ;

que la rétrogradation invoquée par M. [D] correspond à une période de moins d'un an pendant laquelle M. [D] a été provisoirement rattaché au directeur général avant d'être à nouveau mis sous l'autorité d'un directeur intermédiaire ;

que le périmètre des fonctions de M. [D] est clairement défini par le catalogue des missions de l'entreprise ;

qu'aucune augmentation de la charge de travail de M. [D] n'est établie, l'employeur n'ayant pas davantage été alerté de cette difficulté par M. [D], par des collègues de celui-ci ou encore par le médecin du travail ;

que l'audit sur les risques psycho-sociaux, réalisé entre 2012 et 2015, a été arrêté car le prestataire qui en avait la charge ne respectait pas la charte de l'entreprise ;

que cet audit n'a pas relevé de signalement de la part de M. [D] de souffrance au travail et n'a pas visé particulièrement le service dirigé par Mme [Z], supérieure hiérarchique de M. [D] ;

que le management autoritaire dénoncé par M. [D] n'est pas établi ;

qu'il n'existe pas de répétition des agissements invoqués ;

que les faits dénoncés n'ont pas pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail, les circonstances entourant la rupture du contrat de travail ne pouvant pas constituer un harcèlement moral ;

que le harcèlement moral n'a été invoqué par M. [D] que suite à l'engagement de la procédure de licenciement ;

que le burn-out subi par M. [D] n'a pas été constaté en mars 2016, et que le dossier médical de M. [D] ne démontre pas l'existence d'un lien entre ses conditions de travail et son état de santé ;

que M. [D] n'a été désigné représentant syndical au comité d'entreprise (CE) de la société que par courrier du 23 janvier 2018, reçu le 26 janvier 2018 par l'employeur alors que la convocation à l'entretien préalable a été envoyée le 15 janvier 2018 ;

qu'avant la réception de ce courrier, l'employeur et les salariés de l'entreprise n'avaient pas connaissance de l'engagement syndical de M. [D] ni de son rapprochement avec les syndicats, à l'exception des délégués syndicaux ;

que l'existence d'une discrimination syndicale n'est pas établie, tout comme celle relative à son état de santé ;

que la preuve du lien entre l'état de santé et son licenciement n'est pas davantage rapporté, les griefs reprochés à M. [D] étant étrangers à son état de santé ;

que la réduction puis la suppression de sa prime sont justifiées par d'autres motifs objectifs étrangers à toute discrimination, et sont intervenues avant l'arrêt maladie de M. [D] ;

que la SAEML UEM n'a pas été informée des causes de l'arrêt maladie de M.[D] avant l'introduction de la procédure prud'homale ;

que la procédure de licenciement est régulière, l'avis de la CSNP et du CE ayant été pris et M. [D] ayant bénéficié de la procédure applicable aux salariés protégés alors qu'il n'y était pas éligible, la décision de l'inspecteur du travail l'ayant confirmé sans que cela ne constitue un rejet de la demande d'autorisation de le licencier ;

que le licenciement pour faute grave est justifié, M. [D] n'ayant pas respecté son obligation de loyauté en détournant ou en retenant des chèques cadeaux Kadéos destinés à la concierge de l'agence de [Localité 7] de la société ;

que les deux témoignages versés aux débats sont probants et cohérents et doivent être retenus ;

que la procédure disciplinaire a été respectée et que subsidiairement la sanction d'une violation de cette procédure est l'allocation d'une indemnité, et non l'invalidation du licenciement, en application de l'article L 1235-2 du code du travail ;

que M. [D] ne pouvait pas bénéficier de la protection syndicale, l'application de celle-ci s'appréciant à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable ;

que M. [D] ne pouvait pas non plus se voir appliquer la protection des salariés victimes d'accidents du travail ou de maladie professionnelle prévue par l'article L 1226-9 du code du travail, l'employeur n'ayant pas eu connaissance de l'origine professionnelle de la maladie de M. [D] au moment de l'introduction de la procédure de licenciement et les demandes de reconnaissance en accident du travail puis en maladie professionnelle ayant été rejetées par la caisse ;

que subsidiairement M. [D] ne peut pas invoquer cette dernière protection puisqu'il l'a évoquée de manière frauduleuse en tentant de manipuler le médecin du travail ;

qu'à titre encore plus subsidiaire, en cas de réintégration, les revenus de remplacement perçus par M. [D] postérieurement à la rupture du contrat devront être déduits des salaires réclamés ;

que les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont plafonnés à 19 mois de salaire brut en application de l'article L 1235-3 du code du travail, et doivent tenir compte de la mauvaise foi dont M. [D] fait preuve, celui-ci ayant en outre retrouvé du travail.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 janvier 2022, le CSE de la société UEM, venant aux droits du CHSCT, demande à la cour de :

Confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 2 juillet 2021 en toutes ses dispositions ;

Débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

Condamner M. [D] à payer au CSE de l'UEM la somme de 2 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamner M. [D] aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Le CSE de la société UEM, venant aux droits du CHSCT, explique :

que suite au signalement de la situation de M. [D] effectué par le délégué syndical le 6 février 2018, le CHSCT a consigné le cas de M. [D] sur le registre des avis de danger grave et imminent et a diligenté immédiatement une enquête ;

que la commission d'enquête a effectué ses investigations en respectant les règles de procédure et a conclu à l'absence de matérialité des faits ou à une divergence d'avis sur la réalité du danger, de sorte que ses membres ont unanimement décidé qu'il n'y avait pas lieu à réunion extraordinaire du CHSCT conformément à l'article L 4132-3 du code du travail ;

que le CHSCT a refusé de communiquer les éléments d'enquête à M. [D] afin de respecter la confidentialité des personnes entendues, mais a communiqué ses conclusions lors de la réunion du CHSCT du 9 mars 2018 ;

qu'il a respecté les dispositions légales, le conseil des prud'hommes de Metz ayant débouté M. [D] de ses demandes de production de documents dans le cadre de l'instance en référé puis de l'instance au fond en première instance ;

que les exigences sur le déroulement de l'enquête telles que visées dans la décision du conseil de prud'hommes de Paris versée aux débats par M. [D] ne s'appliquent pas en l'espèce.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 mai 2023.

Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS

Sur la demande avant-dire droit

M. [D] sollicite avant dire droit qu'il soit ordonné au CSE de l'UEM, venant aux droits du CHSCT, de lui transmettre la liste des personnes interrogées, les comptes rendus et les résultats de la « prétendue enquête » tels que mentionnés dans la réunion du CHSCT du 9 mars 2018.

Il précise que trois membres du CHSCT auraient diligenté une enquête dans des circonstances inconnues, selon toute vraisemblance sans délibération de l'instance, sans aucune confrontation ni recueil de ses observations, et sans établir collégialement une liste des témoins à auditionner. Il ajoute que l'instance a toujours refusé de lui communiquer les résultats de cette enquête.

Le CSE de l'UEM s'oppose à cette demande, invoquant l'absence de fondement légal des moyens de contestation émis par M. [D], et précise :

que les circonstances de l'enquête étaient connues puisque découlant d'une saisine par mail du 6 février 2018 de M. [Y], délégué syndical, adressé aux membres du CHSCT mentionnant «un danger pour la santé d'un agent » et renvoyant à un courrier de M. [D] du 25 janvier 2018 ;

que la commission d'enquête a bien délibéré et a conclu à l'absence de matérialité des faits, ainsi qu'à l'absence de nécessité de réunir dans la foulée un CHSCT extraordinaire, information qui a été communiquée à M. [Y] par mail du 7 février 2018 puis au CHSCT du 9 mars 2018 ;

que la confrontation n'est pas un mode opératoire imposé par la loi et n'était pas opportune en l'espèce ;

que la liste des personnes à auditionner a nécessairement été établie de concert entre les membres de la commission ;

qu'il ne peut pas être reproché aux membres du CHSCT d'avoir agi immédiatement et cherché à déterminer si les faits dénoncés étaient avérés ou non ;

que la commission a examiné toutes les pièces utiles et ses membres ont conclu de façon identique à l'absence de matérialité des faits dénoncés de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché de ne pas avoir convoqué un CHSCT extraordinaire ni avoir informé l'inspecteur du travail et le service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie ;

que la commission a réalisé un travail sérieux et impartial et a respecté les préconisations légales prévues notamment aux articles L 4131-2, L 4131-3 et L 4132-3 du code du travail ;

que les conclusions de son enquête ont été communiquées au CHSCT du 9 mars 2018 dont M. [D] a eu connaissance et sont suffisantes.

Il résulte des dispositions des articles L 4131-2 et L 4132-2 du code du travail que le représentant du personnel au comité social et économique (CSE, anciennement CHSCT), qui constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, en alerte immédiatement l'employeur ('). L'employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du CSE qui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.

En outre, aux termes de l'article L 4132-3 alinéa 1 du même code, ce n'est qu'en cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser (...) que le CSE est réuni en urgence dans un délai n'excédant pas 24 heures. L'employeur informe immédiatement l'agent de contrôle de l'inspection du travail et l'agent de service de prévention de la caisse régionale d'assurance maladie qui peuvent assister à la réunion du CSE.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal de réunion du 9 mars 2018 du CHSCT que suite à la procédure d'alerte déclenchée consécutivement au courriel adressé le 6 février 2018 par M. [Y], délégué syndical, à une partie des membres du CHSCT, relativement à la situation de M. [D], une commission d'enquête a été mise en place dès le lendemain conformément aux articles mentionnés sur le « Registre des avis de danger grave et imminent », composée de M. [J] (directeur général de la société), de M. [V], de Mme [S] et de M. [P] (membres du CHSCT), et qu'après audition des personnes utiles et examen des pièces nécessaires elle a conclu à l'absence de danger sans qu'aucune divergence ne soit apparue dans les avis de ses membres. M. [Y] a été informé des résultats de cette enquête par mail du 7 février 2018 envoyé à 21h14.

Aucune exigence n'étant imposée par les textes législatifs ou réglementaires sur la durée de l'enquête, la nécessité d'une confrontation, la communication de la liste des personnes entendues à la personne concernée, il convient de constater qu'elle a été valablement effectuée, et qu'aucun élément ne permet de douter de l'impartialité de la commission d'enquête, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande avant dire droit formée par M. [D].

L'appelant doit être débouté de sa demande avant-dire droit.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Selon l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement moral s'entend en l'occurrence selon sa définition commune d'agissements malveillants envers un subordonné ou un collègue en vue de le déstabiliser, le tourmenter ou l'humilier.

S'agissant de la preuve du harcèlement, l'article L 1154-1 du même code prévoit que « lorsque survient un litige relatif notamment à l'application de l'article L 1152-1, (...) le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ».

En l'espèce, M. [D] invoque les faits suivants de nature à laisser supposer l'existence d'un harcèlement moral :

la rétrogradation dont il a fait l'objet en 2009 ;

l'absence de définition de ses fonctions dans une fiche de poste ou par des objectifs ;

la surcharge de travail qui lui a été imposée par la prise en charge de nouveaux projets de grande ampleur ;

la diminution puis la suppression injustifiées de sa prime annuelle à compter de 2016 ;

la décision de l'employeur de mettre fin à l'audit sur les risques psycho-sociaux fin 2012 alors que les salariés se plaignaient encore de la « charge mentale » qu'ils devaient supporter ;

l'épuisement professionnel dont il a été victime entre mars et août 2016 ainsi que la dégradation de ses conditions de travail, sans que son employeur qui en était informé, ne mette en place de mesure correctrice pour y remédier ou ne lui apporte son soutien ;

les critiques et reproches injustifiées dont il a fait l'objet par sa supérieure hiérarchique qui pratiquait un management autoritaire ;

l'absence de réaction de l'employeur avant le 23 janvier 2018.

M. [D] produit, au soutien de l'ensemble de ces faits, les procès-verbaux de certaines réunions du CHSCT montrant l'abandon fin 2012 du projet confié à un prestataire extérieur relatif aux risques psycho-sociaux, un document présentant l'évolution de son salaire depuis son entrée dans l'entreprise ainsi que l'évolution de la contribution individuelle cadre dont il a bénéficié entre 2007 et 2018, l'organigramme de l'UEM, la liste des projets importants confiés au service logistique entre 2010 et 2015, une attestation de Mme [M], son ancienne collaboratrice, constatant notamment qu'à compter de 2014-2015 l'état de santé psychique et physique de M. [D] s'est dégradé, des arrêts de travail et certificats médicaux établis entre 2016 et 2018, un courriel du directeur général adressé à M. [D] le 12 mai 2017 relatif à l'inconfort thermique (forte chaleur) dans un bâtiment de la société faisant état qu'il « trouve cette situation lamentable », le courriel d'alerte du CHSCT adressé le 6 février 2018 par le représentant syndical sur la situation de M. [D] et sur l'accident du travail qu'il a subi le 29 janvier 2018.

Ces éléments, pris dans leur ensemble, sont suffisamment précis pour laisser supposer, l'existence d'un harcèlement moral dont aurait été victime M. [D].

Pour démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, l'employeur produit aux débats :

un extrait du procès-verbal du comité d'entreprise du 5 septembre 2008 montrant que le rattachement de M. [D], chef de service logistique, au directeur général n'était que transitoire, compte tenu de la réorganisation de l'entreprise ;

un catalogue des missions de l'UEM précisant les missions des différents services de la société, dont le service logistique placé sous la responsabilité de M. [D], ainsi qu'un courriel adressé à M. [D] par sa supérieure le 5 février 2016 faisant la synthèse des objectifs et points à améliorer ;

une attestation de Mme [I], collègue de M. [D] et déléguée au comité d'entreprise de la société, montrant que celui-ci s'est rapidement plaint de travailler sous l'autorité d'une directrice, Mme [Z], à qui il reprochait notamment qu'elle ne s'intéresse pas suffisamment à son service ;

un courriel de Mme [M], collaboratrice de M. [D], adressé au directeur général, M. [J], l'informant de ce que l'arrêt de travail de M. [D] était prolongé jusqu'au 18 avril 2016 et que le médecin préconisait « pas de contact avec le travail » ;

un courrier d'alerte daté du 25 janvier 2018 adressé par M. [D] à M. [Y], délégué syndical, et un courrier établi par M. [D] à l'adresse du directeur général de l'UEM le 16 mars 2018 faisant état de ce qu'il s'était plaint de Mme [Z] dès 2009 ;

un courrier en réponse rédigé le 27 mars 2018 par l'employeur à destination de M.[D] soulignant que celui-ci a manifesté son insatisfaction de travailler sous la direction de Mme [Z] dès l'annonce en 2008 de la nouvelle organisation de la société et du rattachement du service de M. [D] à la direction tenue par Mme [Z] ;

les conclusions du 7 février 2018 de la commission d'enquête désignée par le CHSCT indiquant que la matérialité des faits dénoncés le 6 février 2018 par le délégué syndical ne lui semblait pas avérée ;

l'avis de l'inspecteur du travail du 27 avril 2018, suite à la dénonciation formée par M. [D] de sa situation de souffrance au travail qu'il impute au comportement de M. [J] et de Mme [Z], précisant que « des différentes personnes entendues lors de l'enquête et des éléments du dossier, il ressort que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis », mais que par contre « lors de l'enquête, nous avons entendu Mme [Z] qui nous a semblé fragilisée et en grande souffrance, en particulier en réaction à ce dossier » ;

la charte du projet Echo sur les risques psycho-sociaux faisant état d'un principe de confidentialité, les questionnaires individuels devant notamment être traités de façon anonyme ;

une attestation de Mme [N], chef de service facturation à l'UEM, et un courriel de M. [D] établi le 17 septembre 2012 à l'attention de M. [J], par lesquels ils se plaignent des méthodes de la société prestataire (L'homme debout) chargé de mettre en œuvre l'audit relatif aux risques psycho-sociaux ;

un courriel du docteur [G], médecin du travail, daté du 6 avril 2018, expliquant la notion de « charge mentale » et précisant que la « charge mentale au travail » n'est pas synonyme de « souffrance au travail » ou d'« épuisement au travail » ;

un procès-verbal de la réunion extra-ordinaire du 1er mars 2019 du CHSCT validant l'enquête effectuée en février 2018 par la commission suite au signalement de souffrance de M. [D], et précisant la façon dont elle s'est déroulée ;

un rapport établi le 26 février 2018 par l'UEM relatif au traitement de l'inconfort thermique du bâtiment Efluid, montrant que la direction de la société a été avertie le 12 mai 2017 du problème et a demandé le jour même à M. [D] de mettre en œuvre un plan d'action contre la chaleur dans le bâtiment ;

une attestation de Mme [I], datée du 5 mars 2019, précisant que la lettre personnelle de soutien qu'elle avait adressée à M. [D] en avril 2016 lors de son premier arrêt maladie, n'accrédite pas la thèse d'un épuisement professionnel ou d'un harcèlement de la part de Mme [Z] ;

un courriel adressé le 10 janvier 2017 par M. [D] à Mme [Z] montrant qu'un intérim-cadre va être recruté sur une durée de 5-6 mois pour que son service « sorte la tête de l'eau », sur la base d'une proposition de Mme [Z], et qu'une réflexion est menée sur l'organisation du service compte tenu du mi-temps thérapeutique de M. [D] ;

des attestations de Mrs [A] et [L], respectivement adjoint au chef du service logistique de 2005 à 2018 et chef de la division achat de 2008 à 2018 au sein de l'UEM, dans lesquelles ils précisent que la liste des dossiers transmise par M. [D] intitulée « projets gérés par le service Logistique au cours des dernières années » ne correspond pas à la charge de travail de M. [D], la plupart des dossiers ayant été pilotés et gérés par eux, et qu'ils ont établi un document complémentaire à la demande de l'employeur sur lequel ils font apparaître qu'ils ont effectué la grande majorité des travaux que M. [D] s'attribue.

Ces éléments objectifs, étrangers à tout fait de harcèlement justifient donc les décisions prises par l'employeur, à l'exception de la suppression de la prime annuelle mais qui ne peut à elle seule constituer un acte de harcèlement moral.

Les pièces médicales versées au dossier montrent que M. [D] a été en arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif en 2016 puis à nouveau fin 2017, que les certificats font un lien avec la situation au travail à compter du 2 mars 2018, et que le directeur général de la société, alerté par le médecin du travail le 16 janvier 2018 de la souffrance morale au travail alléguée par M. [D], propose dès le 23 janvier 2018 au docteur [G] d'affecter le salarié à une autre personne que Mme [Z].

Si le docteur [W], psychiatre, fait état dans un certificat du 12 avril 2018 d'un problème de burn out affectant M. [D] qui a été arrêté du 2 mars au 16 août 2016, avant de revenir en mi-temps thérapeutique jusqu'au 31 décembre 2016, de reprendre à plein temps le 2 janvier 2017, aucune des pièces médicales versées aux débats ne permet de démontrer que l'état de santé de M. [D] résulte de faits de harcèlement moral subis dans le cadre de l'exécution du contrat de travail.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que le harcèlement moral invoqué par le salarié n'est pas caractérisé.

Sur la discrimination

En application de l'article L 1132-1 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de nomination ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3 de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, (') de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique (...), ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

L'article 1 précité de la loi du 27 mai 2008 précise en outre que :

« Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable.

Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. »

S'agissant de la preuve de la discrimination, l'article L 1134-1 du code du travail prévoit que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [D] indique avoir fait l'objet de discrimination liée à son état de santé ainsi qu'à son appartenance syndicale.

Il précise que la diminution puis la suppression de sa prime annuelle coïncide avec son arrêt maladie et son rapprochement avec les syndicats de l'UEM, et ajoute que la procédure disciplinaire ayant abouti à son licenciement a été initiée par la société dans les des circonstances de désignation syndicale imminente.

M. [D] présente les éléments suivants à l'appui de sa prétention :

- ses bulletins de salaire et un tableau synthétique de la prime annuelle perçue entre 2007 et 2018 montrant que M. [D] a perçu jusque 5 000 euros de « prime contribution individuelle cadre » en janvier 2014 et 2015, puis n'a perçu que 3 000 euros en janvier 2016 avant de ne plus rien toucher à ce titre en janvier 2017 et 2018 ;

- une note établie le 12 février 2018 par le directeur général de la SAEML UEM, M.[J], faisant état de ce que si aucun grief particulier n'est reproché à M. [D] avant 2014, des difficultés sont apparues à compter de 2014 et ont été rappelées à M. [D] fin 2015 lors de son entretien de fin d'année, la direction procédant à une baisse de 40% de sa prime par rapport aux deux années antérieures en l'absence de prises en compte par M. [D] des remarques et demandes qui lui étaient faites ;

- des arrêts de travail et un état récapitulatif de tous ses arrêts, non contesté par l'intimée, montrant que M. [D] s'est trouvé en arrêt maladie du 2 mars au 15 août 2016 avant de revenir travailler en mi-temps thérapeutique du 16 août au 31 décembre 2016, puis de travailler à temps complet à compter du 2 janvier 2017 et d'être enfin arrêté à nouveau à compter du 6 novembre 2017 ;

- une attestation de M. [C], salarié de la société EFLUID, datée du 12 février 2018, précisant que M. [D] a évoqué à plusieurs reprises avec lui sa volonté de prendre des fonctions syndicales, au moment des élections professionnelles de 2016 notamment, ajoutant que plusieurs sympathisants CGT étaient informés, M. [Y] lui ayant laissé entendre qu'il pourrait être désigné comme représentant syndical (RS) au comité d'entreprise (CE) et M. [D] lui ayant dit être convaincu que sa désignation devait intervenir dans les meilleurs délais ;

- un courriel adressé le 11 octobre 2016 par M. [D] à Mme [E] de la CFDT, dans lequel il rappelle sa volonté de prendre des responsabilités syndicales, ajoutant cependant que compte tenu de ses problèmes de santé il préfère ne pas se présenter au scrutin, et continuer à travailler en « off » en faisant quelques recherches juridiques pour le compte de la CFDT ;

- un extrait de compte rendu syndical du 27 avril 2017 du syndicat CGT-UFICT du groupe UEM, signé notamment par son secrétaire, M. [Y], dans lequel celui ci précise : « Sur le mandat de RS au CE gelé depuis les élections. Avant les élections contact avec un cadre qui semblait intéressé ; J'ai repris contact dernièrement. Attendons qu'il prenne sa carte. Pour le moment il faut rester discret car cela risque de déplaire à notre Direction. Il rencontre quelques problèmes depuis plusieurs mois. On se doute de qui il s'agit. Restons discret. Stratégie » ;

- le bulletin d'adhésion au syndicat CGT-UFICT du groupe UEM signé le 20 octobre 2017 par M. [D] ;

- un courrier de désignation de M. [D] comme représentant syndical CGT au comité d'entreprise UEM-EFLUID, adressé en lettre recommandée avec accusé de réception par M. [Y], secrétaire général, au directeur général de l'UEM, daté du 23 janvier 2018 et réceptionné le 26 janvier 2018 ;

- une convocation à un entretien préalable 1ère phase, établie par le directeur général de la société le 15 janvier 2018 et adressée en LRAR à M. [D], réceptionnée le 16 janvier 2018 , fixant la date de l'entretien au 26 janvier 2018, et concernant des faits de « détournements et usage pour votre profit personnel de chèque Kadéos achetés par l'entreprise et destinés à la concierge des locaux loués par notre filiale efluid au [Adresse 2] à [Localité 7] », pouvant entraîner une sanction allant jusqu'à la mise à la retraite d'office.

L'examen de ces pièces démontre que le rapprochement par M. [D] des syndicats de l'entreprise s'est effectué à compter de l'automne 2016. Toutefois, aucun élément ne justifie que l'employeur avait connaissance de ce rapprochement avant la désignation de M. [D] comme représentant syndical au comité d'entreprise par courrier reçu par le directeur le 26 janvier 2018, seuls certains salariés sympathisants des syndicats indiquant en avoir été informés préalablement.

Dès lors, la diminution puis la suppression de la prime étant intervenue dès le mois de janvier 2016, les pièces produites par M. [D] ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination syndicale directe ou indirecte.

S'agissant de l'état de santé de M. [D], celui-ci a été en arrêt de travail pour maladie à compter du 2 mars 2016 pour son premier arrêt, soit postérieurement à la première diminution de sa prime, de sorte que la chronologie des événements ne laisse pas davantage supposer l'existence d'une discrimination liée à son état de santé.

Enfin le contenu de la lettre de convocation à un premier entretien préalable, mais aussi de la note de l'employeur datée du 12 février 2018, ne font état à aucun moment de circonstances ou de conséquences liées à l'état de santé ou à l'appartenance syndicale de M. [D], de sorte que ces éléments ne laissent pas non plus supposer l'existence d'une quelconque discrimination.

En définitive, aucun élément ne laisse supposer l'existence d'une discrimination, de sorte qu'il convient de constater que ce manquement reproché par M. [D] à la SAEML UEM n'est pas caractérisé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les éléments apportés par l'employeur.

M. [D] ne formulant, dans le dispositif de ses dernières conclusions, aucune demande de dommages et intérêts en réparation du harcèlement et de la discrimination, il n'y a pas lieu, en application de l'article 954 du code de procédure civile, de statuer sur ces demandes formées dans la seule motivation des conclusions de l'appelant.

Sur la validité du licenciement pour faute grave

La demande aux fins de voir prononcer la nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral ou d'une discrimination doit être rejetée, en l'absence de caractérisation de ces manquements invoqués contre l'employeur, tel que cela résulte des développements qui précèdent.

M. [D] invoque à titre subsidiaire l'absence de faute grave et le non respect de la procédure de licenciement.

Sur le respect de la procédure de licenciement

L'appelant souligne que le licenciement a été prononcé sans autorisation de l'inspecteur du travail qui a rejeté la demande d'autorisation de licencier formée par l'employeur, de sorte que la nullité de son licenciement doit être constatée. Il précise qu'en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, il bénéficiait à ce titre de la protection attachée à ce mandat. Il ajoute que l'article L 1332-2 du code du travail n'a pas été respecté en ce que le licenciement a été prononcé plus de deux mois après la tenue de l'entretien préalable « 2ème phase ».

Selon le dernier alinéa de l'article L 1332-2 du code du travail, la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien.

Il est constant cependant que lorsque l'employeur est tenu de recueillir l'avis d'une instance disciplinaire, le délai d'un mois pour notifier la sanction ne court qu'à compter de l'avis rendu par cette instance. En outre, lorsque l'employeur est tenu de recueillir l'autorisation de l'inspecteur du travail pour licencier un salarié protégé, le délai d'un mois pour notifier le licenciement court à compter du jour où l'employeur a reçu notification de cette autorisation. En cas de dépassement de ce délai le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, M. [D] a été convoqué à l'entretien préalable « 1ère phase » par courrier du 15 janvier 2018 à un entretien fixé au 26 janvier 2018 auquel il s'est présenté.

Conformément au statut national des Industries Électriques et Gazières, la Commission Supérieure Nationale du Personnel a été consultée pour avis sur la procédure disciplinaire engagée à l'encontre de M. [D], et a rendu un avis le 13 février 2018. Elle s'est réunie à nouveau le 30 mai 2018 selon la synthèse de la procédure disciplinaire établie par l'appelant.

Il n'est pas contesté que M. [D] a été convoqué pour le 12 juillet 2018 à l'entretien préalable « 2ème phase » prévu par le statut, qui s'est finalement déroulé le 20 juillet 2018 après nouvelle convocation, et auquel M. [D] ne s'est pas présenté.

L'employeur envisageant le licenciement de M. [D], a saisi également le comité d'entreprise ainsi que l'inspecteur du travail, choisissant de faire bénéficier M. [D] du statut protecteur compte tenu de son mandat syndical, statut revendiqué par M. [D] encore dans le cadre de la présente instance.

Un comité d'entreprise extraordinaire s'est tenu le 6 août 2018 pour entendre le salarié puis le 4 septembre 2018 où a été donné un avis favorable à la demande de licenciement relative à M. [D].

L'inspecteur du travail a rendu le 5 octobre 2018 une décision de rejet pour incompétence matérielle de la demande d'autorisation, estimant que M. [D] ne pouvait se prévaloir de la protection applicable aux représentants du personnel prévue à l'article L 2411-10 du code du travail, la désignation de M. [D] (comme représentant du personnel) ayant été portée à la connaissance de l'employeur postérieurement à sa convocation à l'entretien préalable.

Il est constant que cette décision n'a pas fait l'objet de recours, de sorte que la protection applicable aux représentants du personnel ne s'applique pas à M. [D].

La SAEML UEM ayant notifié sa décision de licencier M. [D] le 19 octobre 2018, soit moins d'un mois après l'avis de l'inspecteur du travail qu'il avait saisi par précaution dans l'hypothèse où le statut protecteur plus favorable au salarié et revendiqué par celui ci viendrait à s'appliquer, il convient de constater qu'il a respecté le délai prévu à l'article L 1332-2 du code du travail.

Le moyen soulevé à ce titre par M. [D] doit donc être écarté.

S'agissant de la faute grave reprochée à M. [D] , il convient de rappeler que selon l'article L 1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié pour prononcer un licenciement avec effet immédiat, il lui incombe d'apporter la preuve des griefs avancés dans les termes énoncés par la lettre de licenciement, à charge ensuite pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux de ces griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, la lettre de licenciement datée du 19 octobre 2018, signée par M.[J], directeur général, est rédigée de la façon suivante :

« Début décembre 2017, j'ai été informé par M. [H] que vos collaborateurs avaient découvert de façon fortuite une anomalie dans la remise de chéquiers Kadéos destinés à Mme [O], concierge de nos locaux parisiens de la [Adresse 2]. Elle n'avait en effet reçu en 2017 qu'un tiers des chèques cadeaux prévus pour ses étrennes.

J'ai demandé l'ouverture d'une enquête interne au terme de laquelle j'ai pu me rendre compte que tant en 2016 qu'en 2017 elle n'avait reçu que 500 € sur les 1 500 € de chéquiers Kadéos que vous aviez commandés pour son compte, dans le cadre de présents d'usage, et que vous aviez souhaité lui remettre personnellement.

Au terme de cette enquête, tout semblait indiquer que vous aviez détourné à votre profit deux fois 1 000 €. C'est pourquoi, le 15 janvier 2018, j'ai engagé à votre encontre une procédure disciplinaire pouvant conduire à votre licenciement en vous convoquant pour le vendredi 28 janvier 2018 à l'entretien préalable prévu par la circulaire pers 846 du Statut des Industries Electriques et Gazières. Le jour même de cet entretien, j'ai reçu notification de votre nomination en tant que représentant syndical au Comité d'Entreprise.

Les éléments que vous avez apportés lors de l'entretien n'ayant pas permis de lever les charges pesant sur vous, j'ai décidé de poursuivre la procédure et de vous déférer devant la Commission Supérieure Nationale du Personnel (CSNP), Sous-Commission des agents Cadres siégeant en matière disciplinaire.

Au terme de cette procédure et de l'enquête contradictoire qui a été menée, apparaissent les faits suivants.

Pour ce qui concerne l'année 2016 :

. Vous reconnaissez avoir reçu les chéquiers en main propre d'un de vos collaborateurs, ayant indiqué que vous souhaitiez vous occuper personnellement de leur remise à la concierge, Mme [O].

. Vous affirmez les avoir remis à votre assistante, après avoir vous-même rempli le formulaire de preuve de distribution afin qu'elle les fasse enregistrer par la section courrier de l'UEM pour expédition par la Poste.

. Votre assistante affirme que vous ne lui avez pas remis ces chéquiers et donc n'avoir pas pu les transmettre au courrier.

. De plus, personne dans cette section ne se rappelle d'un tel envoi assez inhabituel puisqu'il aurait nécessité de scinder le courrier en trois pour assurer les valeurs.

. Par ailleurs, cet envoi par la Poste n'a pu se faire que le 19 ou le 20 décembre 2016, au vu de vos échanges avec Mme [O] ; or les bordereaux d'expédition des lettres recommandées avec accusé de réception relatifs à cette période validés par un agent assermenté de la Poste ne comportent aucune trace d'envoi à la concierge. De plus, l'on ne retrouve aucune trace de l'avis de réception au sein du service Logistique, service expéditeur. De fait il n'est pas envisageable que les chéquiers soient partis de la section courrier de l'UEM.

. Or Mme [O] a bien reçu un des chéquiers, le 21 décembre 2016, par la Poste, pour une valeur de 500 €.

. Il nous faut enfin relever que Mme [O] ne se plaint nullement du montant envoyé ' elle affirme que personne dans l'immeuble ne lui donne autant ' ce qui est contradictoire avec ce que vous avez affirmé à M. [H] et lors de l'entretien du 26 janvier 2018, à savoir que la concierge avait revendiqué 2 000 € lors de vos échanges initiaux, montant qui avait été ramené à 1 500 €.

Pour ce qui concerne l'année 2017 :

. Vous reconnaissez avoir bien reçu les 3 chéquiers commandés, et déclarez les avoir emmenés chez vous afin qu'ils ne soient pas vols, alors que ces valeurs pouvaient être mises en sécurité, simplement sous clé dans votre bureau, ou dans un coffre à l'UEM.

. Ayant été placé en arrêt maladie après avoir ramené chez vous ces chéquiers, vous décidez d'envoyer fin novembre 2017 un seul chéquier sur les trois à Mme [O], pour un montant de 500 €, et assurez vous-même l'envoi depuis la Poste de [Localité 6].

. Vous justifiez l'envoi d'un unique chéquier par votre intention de remettre les deux autres en main propre à l'occasion d'un prochain déplacement sur [Localité 7] car ce serait « la tradition » de remise des étrennes.

. La encore, cette version des faits n'est pas crédible car :

vous retenez exactement le même montant que Mme [O] déclare ne pas avoir reçu l'année précédente ;

la « tradition » évoquée n'a jamais été observée dans les faits puisque l'année précédente (première année d'envoi de chéquiers Kadéos à la concierge), vous ne les avez pas remis en main propre, ayant choisi de rencontrer Mme [O] dans les locaux parisiens sans attendre de recevoir les chéquiers ;

l'argument de vouloir faire à Mme [O] la « surprise » de lui remettre ses deux autres chéquiers en main propre plus tard est inconsistant : si vous aviez envoyé 1500€ à Mme [O] l'année précédente, il est étonnant que vous ne preniez pas soin d'informer Mme [O] lors de l'envoi postal de ce premier chéquier en 2017 que vous lui remettriez les deux autres chéquiers en main propre.

. Lors de l'entretien du 26 janvier, vous indiquez avoir avec vous les 2 chéquiers non-remis. A plusieurs reprises je vous demande de me les remettre. Vous refusez à chaque fois. Lorsque je vous demande alors de me donner les numéros de série des chèques afin d'en vérifier l'authenticité, vous refusez à nouveau.

. Le 12 juillet 2018, je vous mets en demeure, par voie d'huissier, de restituer ces chéquiers. Vous m'envoyez en retour un montage photo de chèques Kadéos en lieu et place des chéquiers demandés.

. A ce jour, les chéquiers ne m'ont toujours pas été restitués et je n'ai eu aucun moyen d'en vérifier l'authenticité.

C'est dans ces conditions et après avoir pris connaissance de l'ensemble des faits susvisés et des éléments du dossier instruit par la CSNP et des avis émis par les membres de cet organisme que je vous ai convoqué, conformément aux procédures statutaires, par courrier en date du 3 juillet 2018 pour la seconde partie de l'entretien préalable, prévue le 12 juillet 2018 (...).

L'ensemble des faits reprochés, de par votre fonction de Chef de Service et de responsable des achats d'UEM, est incontestablement constitutifs de fautes graves rendant impossible votre maintien dans l'entreprise (...) ».

M. [D] conteste les griefs qui lui sont reprochés, indiquant que la lettre de licenciement fixe les termes du litige de sorte que l'employeur ne peut pas après coup justifier la sanction par une autre qualification ou un autre fait. Il précise que la lettre de licenciement vise le « détournement » de chèques cadeaux et non leur vol, et que la proportionnalité entre ces faits et la sanction doit être appréciée, sans tenir compte d'autre justification.

M. [D] souligne les incohérences et doutes qui subsistent concernant les faits qui lui sont reprochés, et invoque l'article L 1235-1 prévoyant in fine que si un doute subsiste il profite au salarié. Il ajoute que la CSNP a donné un avis opposé au licenciement et que la SAEML UEM n'a pas déposé plainte contre lui en dépit de la gravité des faits qu'elle lui reproche.

La SAEML UEM invoque l'obligation de loyauté incombant à M. [D] en application de l'article L 1222-1 du code du travail et l'absence de doute sur les griefs qui lui sont reprochés dans le cadre du licenciement.

La cour entend rappeler que si les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige, la cause alléguée par l'employeur doit correspondre à une faute, indépendamment de la qualification pénale que l'on pourrait lui donner.

En l'espèce, la faute grave reprochée par l'employeur à M. [D] est caractérisée dans la lettre de licenciement par le fait de détourner en 2016 et 2017 des chéquiers Kadéos destinés à Mme [O], concierge d'un immeuble où la SAEML UEM a certains de ses locaux professionnels sur [Localité 7], et de ne pas les avoir restitués à l'employeur après avoir reconnu en avoir conservé deux en sa possession lors de l'entretien du 26 janvier 2018, sans que les notions de vol et d'usage n'aient été reprochés. Ces motifs sont suffisamment précis pour être matériellement vérifiables.

Si aucune pièce versée aux débats ne permet de constater avec certitude que M. [D] a conservé les deux chéquiers manquant de 2016, il convient de souligner que l'appelant a toujours reconnu avoir conservé en sa possession deux des trois chéquiers destinés à Mme [O] pour ses étrennes, dont il n'est pas discuté qu'ils avaient une valeur de 1000 euros, le troisième chéquier d'une valeur de 500 euros ayant été reçu par lettre recommandée par sa destinataire courant novembre 2017.

La qualification de « détournement » et de « réception » des chéquiers utilisée par l'employeur dans la lettre de licenciement n'est pas contraire au fait pour M. [D] d'avoir conservé ces deux chéquiers, et correspond aux mêmes faits que ceux qui sont reconnus et établis en l'espèce.

L'attestation de M. [F], salarié de la SAEML UEM, annexé au rapport du 13 février 2018 de la CNSP, montre que ce n'est que fin novembre 2017, en vérifiant auprès de Mme [O] la réception des trois chéquiers qui lui étaient adressés, que la société s'est rendu compte que la concierge n'en avait reçu qu'un seul.

Il ressort également des pièces figurant au dossier et il n'est pas contesté par M. [D] que celui ci n'a pas prévenu Mme [O] de ce qu'il avait conservé les deux chéquiers qui lui revenaient, et que ce n'est que lorsque la société a procédé à des vérifications qu'il a reconnu les avoir en sa possession.

L'arrêt maladie de M. [D], à compter du 6 novembre 2017, ne l'empêchant pas de restituer les deux chéquiers à la société ou pour le moins d'informer l'employeur qu'il ne pourrait pas les remettre à Mme [O] en main propre, conformément à ce qu'il s'était engagé à faire, ne justifie ni son silence à leur sujet ni l'absence de restitution.

De même, le fait pour M. [D] de conserver les deux chéquiers destinés à Mme [O] pour se défendre des allégations mensongères dont il estimait faire l'objet, tel que cela ressort du courrier adressé par lui le 24 juin 2018 à Mme [O], n'est pas légitime compte tenu de l'existence d'autres moyens de conserver les preuves (constat d'huissier, photographies, ') et non préjudiciables à la bénéficiaire des chéquiers.

La restitution des deux chéquiers de 2017 (à l'exception d'un chèque manquant) n'est intervenue que le 31 décembre 2019 devant huissier de justice, suite à une ordonnance de départage du 6 décembre 2019 prononcée par le conseil de prud'hommes de Metz, statuant en référé, ayant ordonné cette remise sous astreinte.

Indépendamment de la valeur du chèque manquant non restitué par M. [D] (40 euros), le fait non contesté par M. [D] de conserver deux chéquiers Kadéos d'une valeur totale de 1000 euros, destinés à une collaboratrice de la SAEML UEM pour ses étrennes distribuées en novembre 2017, sans avoir prévenu celle-ci ni son employeur de cette démarche pendant plusieurs semaines, et en ayant refusé de les restituer après avoir reconnu les avoir gardés en sa possession, constitue un manquement à son obligation de loyauté prévue à son contrat de travail suffisamment grave pour empêcher toute continuation du contrat de travail, compte tenu du fait qu'il porte atteinte à la confiance nécessaire que doit avoir l'employeur envers son salarié, placé par ailleurs en situation de responsabilité dans l'entreprise en sa qualité de chef de service.

Dès lors, il convient de constater que la faute grave reprochée à M. [D] est caractérisée, et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La faute grave étant justifiée, il est sans objet de statuer sur la méconnaissance de la protection des salariés victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle prévue à l'article L 1226-9 du code du travail, mentionnant notamment que le licenciement ne peut être prononcé les concernant que pour une faute grave.

Sur les conséquences du licenciement :

Le licenciement pour faute grave de M. [D] ayant été valablement prononcé le 19 octobre 2018, l'appelant doit être débouté de sa demande de réintégration ainsi que de ses prétentions financières au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul, et subsidiairement licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité de licenciement et de l'indemnité de préavis outre les congés payés afférents.

La décision des premiers juges est confirmée sur ces points.

Sur la demande en paiement au titre d'un rappel de primes

La rémunération, contrepartie du travail du salarié, résulte en principe du contrat de travail sous réserve d'une part du salaire minimum et d'autre part des avantages résultant des accords collectifs, des usages de l'entreprise ou des engagements unilatéraux de l'employeur.

S'agissant d'avantages consentis aux salariés en vertu d'un usage d'entreprise ou d'engagements unilatéraux de l'employeur, celui-ci ne peut les supprimer unilatéralement et par écrit qu'à la condition d'en informer dans un délai suffisant les représentants du personnel et de manière individuelle chaque salarié.

En l'espèce, aucun contrat de travail ou avenant à celui-ci n'est versé aux débats et les parties n'allèguent pas que le versement de cette prime est prévu par le contrat de travail ou le statut national des Industries Electriques et Gazières.

M. [D] demande le versement d'un rappel de sa prime annuelle pour 2016, 2017 et 2018, calculé sur la moyenne des primes annuelles perçues par ses collègues de travail pendant cette période.

La SAEML UEM explique que cette baisse et cette suppression sont justifiées par des dysfonctionnements de M. [D] dans l'exécution de ses tâches, mais sollicite la confirmation du jugement de première instance qui a accueilli partiellement la demande formée par M. [D].

Il résulte des bulletins de salaire de M. [D] versés aux débats que celui-ci s'est vu attribuer en début de chaque année depuis 2007 une « prime contribution individuelle cadres », allant de 2 500 euros en 2007 et 2008, jusqu'à 5 000 euros en 2014 et 2015 avant de diminuer à 3 000 euros en 2016 pour être finalement supprimée à compter de 2017.

M. [D] produit aux débats, en plus de ses bulletins de paie, un tableau récapitulant ce que perçoivent les autres salariés de sa catégorie (GF 17) au titre de cette prime, document dont le contenu n'est pas contesté par la SAEML UEM.

Ces éléments démontrent la fixité de cette prime, sa constance et son caractère général comme bénéficiant à d'autres cadres de l'entreprise, constituant ainsi un usage dans l'entreprise.

Il n'est pas allégué par la SAEML UEM, et il ne résulte pas des pièces versées aux débats, que l'employeur a informé M. [D] de la fin de cet avantage.

Dès lors, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fait droit à la demande de M. [D], mais seulement à hauteur de la moyenne de ce qu'a reçu l'appelant les précédentes années, soit à la somme de 7 860 euros brut outre 786 euros brut pour les congés payés afférents, à défaut pour la SAEML UEM de préciser et de justifier des critères de calcul de cette prime.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera confirmé sur ses dispositions l'application de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens de première instance.

M. [D] succombant à son appel, il convient de le condamner aux dépens d'appel.

L'équité commande de dire qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute M. [B] [D] de sa demande avant dire droit ;

Sur le fond, confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne M. [B] [D] aux dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente