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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 7 février 2024, n° 22/15216

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 22/15216

7 février 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 07 FEVRIER 2024

N° 2024 / 079

N° RG 22/15216

N° Portalis DBVB-V-B7G-BKKPJ

S.A.R.L. FUTUR HABITAT

C/

[F] [R]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Stéphanie BAGNIS

Me Lauriane BUONOMANO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire d'AIX-EN-PROVENCE en date du 13 Octobre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/00417.

APPELANTE

S.A.R.L. FUTUR ECO HABITAT

exerçant sous l'enseigne ECO CONSEIL FRANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 4] [Localité 2]

représentée par Me Stéphanie BAGNIS, membre de la SELARL BAGNIS - DURAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Dalil OUAHMED, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME

Monsieur [F] [R]

né le 29 Janvier 1955 à [Localité 5], demeurant [Adresse 3] [Localité 1]

représenté par Me Lauriane BUONOMANO, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant ayant pour avocat plaidant Me Karine LEBOUCHER, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 07 Février 2024.

ARRÊT

Contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Février 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Monsieur [F] [R] a conclu le 26 septembre 2018 avec la société FUTUR ECO HABITAT, sur un stand de la foire commerciale de [Localité 6], un contrat portant sur la fourniture, l'installation et la mise en service d'un kit de 12 panneaux photovoltaïques destinés à être posés sur la toiture d'un 'carport' (abri de voiture) à édifier sur sa propriété de [Localité 1], moyennant le prix total de 21.000 euros TTC.

Un acompte de 6.300 euros a été versé le 2 octobre 2018, date à laquelle un technicien s'est déplacé au domicile de l'acheteur pour effectuer une visite technique de faisabilité.

La situation est demeurée en l'état jusqu'au 23 janvier 2020, date à laquelle la demande de permis de construire déposée par l'acquéreur a été refusée en raison de sa non-conformité au règlement du plan local d'urbanisme.

Par acte du 25 janvier 2021, Monsieur [F] [R] a assigné la société FUTUR ECO HABITAT à comparaître devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence pour l'entendre condamner à lui restituer la somme de 6.300 euros au titre des acomptes perçus, ainsi qu'à lui verser 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. À l'appui de son action il invoquait principalement la nullité du contrat, subsidiairement sa caducité du fait de la défaillance d'une condition suspensive, et plus subsidiairement encore sa résolution du fait de l'inexécution des obligations incombant au vendeur.

La défenderesse s'est opposée à ces prétentions et a réclamé reconventionnellement paiement d'une somme de 2.472 euros en application de l'article 6 des conditions générales de vente, stipulant que la demande d'autorisation d'urbanisme est à la charge de l'acquéreur et que sa non-obtention entraîne le versement d'une indemnité forfaitaire égale à 40 % du montant de la commande.

Par jugement rendu le 13 octobre 2022, le tribunal, considérant que le bon de commande n'était pas conforme aux dispositions de l'article L 111-1 du code de la consommation en ce qu'il ne précisait pas les caractéristiques essentielles de l'installation, a :

- annulé le contrat conclu entre les parties,

- condamné le vendeur à restituer la somme de 6.300 euros au titre des acomptes perçus, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2019,

- débouté Monsieur [R] de sa demande en dommages-intérêts,

- débouté la société FUTUR ECO HABITAT de sa demande reconventionnelle,

- condamné cette dernière aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et accordé au demandeur le bénéfice de l'article R 631-4 du code de la consommation.

La société FUTUR ECO HABITAT a interjeté appel de cette décision par déclaration adressée le 17 novembre 2022 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 février 2023, la société FUTUR ECO HABITAT soutient que le bon de commande est conforme aux dispositions du code de la consommation et réclame l'application de la clause stipulée à l'article 6 précité des conditions générales de vente, dont le premier juge a admis qu'elle ne présentait aucun caractère abusif.

Elle fait valoir que la condition suspensive stipulée au contrat a bien été accomplie puisqu'elle s'est assurée de la faisabilité du projet au moyen d'une étude technique, mais que l'acquéreur n'a pas obtenu l'autorisation d'urbanisme qui demeurait à sa charge.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

- de débouter Monsieur [R] de l'ensemble de ses prétentions,

- de le condamner en revanche à payer la somme de 2.472 euros lui restant due,

- et de mettre les entiers dépens à la charge de l'intimé, outre une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réplique notifiées le 9 mai 2023, Monsieur [F] [R] soutient pour sa part que la visite effectuée à son domicile le 2 octobre 2018 n'équivaut pas à une étude technique et qu'il ignorait au moment de la commande que le projet était conditionné à l'obtention d'un permis de construire.

Il fait valoir que le contrat est frappé de plusieurs causes de nullité pour défaut d'information, dol et objet illicite, et poursuit en conséquence la confirmation du jugement déféré, sauf en ce qui concerne le rejet de sa demande additionnelle en dommages-intérêts, qu'il réitère dans les mêmes termes en cause d'appel.

Il soutient d'autre part que la clause invoquée par l'appelante doit être réputée non écrite dans la mesure où elle prive de sa substance l'obligation essentielle du vendeur, qu'elle revêt un caractère abusif au sens de l'article L 212-1 du code de la consommation, et qu'elle est contraire à l'article L 480-4 du code de l'urbanisme.

Subsidiairement, il fait valoir que la convention est caduque du fait de la défaillance d'une condition suspensive, en application de l'article 1304 du code civil.

Plus subsidiairement encore, il poursuit la résolution du contrat sur le fondement de l'article 1224 du code civil pour inexécution de l'obligation incombant au vendeur.

Il réclame accessoirement paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre ses dépens, ainsi que le bénéfice des dispositions de l'article R 634-1 du code de la consommation.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 décembre 2023.

DISCUSSION

Sur la validité du contrat :

Contrairement à l'opinion du premier juge, il apparaît que le bon de commande souscrit par Monsieur [F] [R] contient les caractéristiques essentielles du bien ou du service proposé par le professionnel au sens de l'article L 111-1 du code de la consommation, puisqu'il porte sur la fourniture, l'installation et la mise en service d'un kit photovoltaïque en autoconsommation d'une puissance de 3,6 kw en courant triphasé, composé de 12 panneaux de 300 w monocrystallins de marque Solar One, garantis 25 ans, présentant un rendement de 85% sur la production, avec kit de montage sur 'carport' (abri de voiture) de 21 mètres carrés et 6 micro-onduleurs Omnik Solar One double tracker 600 w garantis 20 ans par le fabriquant.

D'autre part, l'objet de ce contrat est parfaitement licite, et l'acquéreur ne démontre pas que son consentement aurait été vicié par des manoeuvres dolosives de la part du vendeur.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé l'annulation du contrat.

Sur le caractère abusif de la clause invoquée par le vendeur :

L'article 6 des conditions générales de vente annexées au bon de commande stipule :

' Le client reconnaît être informé du fait que les travaux d'installation des produits peuvent nécessiter l'obtention préalable d'une autorisation (autorisation d'urbanisme, autorisation de copropriété) ou d'un permis de construire. En conséquence, le client s'engage à faire son affaire personnelle de l'obtention de ladite autorisation ou dudit permis et à fournir à FUTUR ECO HABITAT les justificatifs nécessaires avant le début des travaux. La non-obtention de ladite autorisation ou dudit permis de construire, pour quelque cause que ce soit, ne saurait en aucun cas engager la responsabilité de FUTUR ECO HABITAT et entraîne le versement par l'acheteur d'une somme égale à 40 % du prix toutes taxes comprises à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi par FUTUR ECO HABITAT. Cette indemnité sera retenue en tout ou partie sur les sommes déjà versées par le client à titre d'acompte.'

Cette stipulation équivaut à une clause pénale, alors que le refus d'une autorisation d'urbanisme ne constitue pas une défaillance fautive de l'acquéreur, mais une circonstance extérieure à celui-ci.

Ayant pour effet de contraindre le consommateur à exécuter une partie de ses obligations alors que le professionnel n'a pas exécuté son obligation de délivrance, la clause litigieuse doit être présumée abusive de manière irréfragable en application des articles L 212-1 et R 212-1-5° du code de la consommation, et partant réputée non écrite conformément à l'article L 241-1 du même code.

Sur la caducité du contrat :

En vertu l'article 1304-6 du code civil, il doit être jugé que la convention est devenue caduque du fait de la défaillance de la condition suspensive tenant à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme, de sorte que la société FUTUR ECO HABITAT est tenue de restituer l'intégralité de l'acompte perçu, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20 juin 2019.

Sur la demande additionnelle en dommages-intérêts :

La résistance abusive opposée par la société FUTUR ECO HABITAT a causé à Monsieur [F] [R] un préjudice moral distinct du simple retard de paiement, qui doit être réparé par l'octroi d'une indemnité de 1.000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Juge que la clause figurant à l'article 6 des conditions générales de vente doit être réputée non écrite,

Juge que la vente est devenue caduque du fait de la défaillance de la condition suspensive tenant à l'obtention d'une autorisation d'urbanisme,

Condamne la société FUTUR ECO HABITAT à restituer à Monsieur [F] [R] la somme de 6.300 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 juin 2019,

La condamne également à lui payer la somme de 1.000 euros en réparation de son préjudice moral,

Déboute la société FUTUR ECO HABITAT de sa demande reconventionnelle,

Condamne l'appelante aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser à l'intimé une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En application de l'article R 631-4 du code de la consommation, met à la charge de la société FUTUR ECO HABITAT l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L 111-8 du code des procédures civiles d'exécution.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT