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Décisions

CA Papeete, cabinet c, 25 janvier 2024, n° 22/00380

PAPEETE

Arrêt

Autre

CA Papeete n° 22/00380

25 janvier 2024

N° 49

CG

--------------

Copie exécutoire

délivrée à :

- jMe Quinquis,

le 25.01.2024.

Copie authentique

délivrée à

- Me Jourdainne,

le 27.01.2024.

REPUBLIQUE FRANCAISE

COUR D'APPEL DE PAPEETE

Chambre Civile

Audience du 25 janvier 2024

RG 22/00380 ;

Décision déférée à la Cour : jugement n° 568, rg n° 20/00325 du Tribunal Civil de Première Instance de Papeete du 10 octobre 2022 ;

Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d'appel le 23 décembre 2022 ;

Appelantes :

Mme [H] [L], née le [Date naissance 1] 1976, de nationalité française, demeurant à [Adresse 9] ;

La Société Areas Dommages, société d'assurance mutulle, n° Siret 35340864400014 dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal ;

Ayant pour avocat la Selarl Groupavocats, représentée par Me Gilles JOURDAINNE, avocat au barreau de Papeete ;

Intimées :

Mme [T] [G] épouse [U], née le [Date naissance 5] 1981 à [Localité 7], de nationalité française, demeurant à [Adresse 6] ;

M. [B] [U] ;

Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me Robin QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;

Ordonnance de clôture du 9 novembre 2023 ;

Composition de la Cour :

La cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 14 décembre 2023, devant Mme GUENGARD, président de chambre, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l'ordre judiciaire aux fins d'exercer à la cour d'appel de Papeete en qualité d'assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;

Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;

Arrêt contradictoire ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Signé par Mme GUENGARD, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A R R E T,

EXPOSE DU LITIGE :

Le 12 septembre 2017 à 15 h 45 à [Localité 8], le véhicule Mazda immatriculé [Immatriculation 2] appartenant à M. [B] [U], assuré auprès de la société Generali et conduit par Mme [T] [G] épouse [U] est entré en collision avec le véhicule Citroën immatriculé [Immatriculation 3] appartenant à M. [J] [L], assuré auprès de la société Anset assurances par la société Areas Dommages et conduit par [H] [L].

Par requête reçue au greffe le 10 septembre 2020 et assignations des 2 et 10 septembre 2020, Mme [T] [U] a demandé au tribunal de condamner in solidum Mme [H] [L], la société Anset assurances et la société Areas dommages à payer :

- à M. [B] [U] une somme de 368 809 F CFP au titre de son préjudice matériel,

- à Mme [T] [U] une somme de 50 000 F CFP au titre de son préjudice corporel et moral,

- aux consorts [U] une somme de 180 000 F CFP au titre des frais irrépétibles ainsi que les dépens de l'instance.

Par jugement contradictoire en date du 10 octobre 2022 le tribunal de première instance de Papeete a :

Mis hors de cause la société Anset assurances,

Condamné solidairement Mme [H] [L] et la société Areas dommages, au titre de la réparation intégrale des dommages imputables à l'accident du 12 septembre 2017 à payer :

- une somme de 40 000 F CFP à Mme [T] [G] épouse [U] au titre des atteintes à sa personne,

- une somme de 368 509 F CFP à M. [B] [U] au titre de son préjudice matériel,

- une somme globale de 180 000 F CFP à M. et Mme [U] au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

- les dépens de l'instance,

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par requête en date du 23 décembre 2022 Mme [H] [L] et la société Areas dommages ont relevé appel de cette décision en demandant à la cour de :

Déclarer l'appel recevable et bien fondé,

Vu l'article 4 de la loi n°85-677 du 05 juillet 1985,

Réformer le jugement du tribunal civil de première instance en date du 10 octobre 2022,

Vu la faute commise par Mme [U] au regard du code de la route,

Débouter M. et Mme [U] de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

En tout état de cause,

Condamner solidairement Mme et M. [U] à verser à la société Areas dommages la somme de 226 000 F CFP au titre des frais irrépétibles,

Les condamner sous la même solidarité aux entiers dépens d'instance dont distraction d'usage au profit de la Société d'exercice libéral à responsabilité limitée Groupavocats.

Par leurs dernières conclusions en date du 26 juillet 2013 Mme [H] [L] et la société Areas dommages maintiennent leurs demandes ajoutant de voir débouter Mme [T] [U] et M. [B] [U] de leurs demandes plus amples et contraires.

Par leurs dernières conclusions en date du 11 mai 2023 Mme [T] [U] et M. [B] [U] demandent à la cour de :

Confirmer le jugement du 10 octobre 2022 (RG 20/00325) en toutes ses dispositions,

En conséquences,

Confirmer les condamnations in solidum de Mme [H] [L] avec la société Areas dommages à payer les sommes suivantes :

- 368 809 F CFP à M. [B] [U], au titre de son préjudice matériel,

- 40 000 F CFP à Mme [T] [G] épouse [U], au titre de ses préjudices corporels et moraux,

- 180 000 F CFP à M. [B] [U] et Mme [T] [G] épouse [U], au titre des frais irrépétibles,

Et y ajoutant,

Condamner in solidum Mme [H] [L] et la société Anset assurances à payer aux consorts [U] la somme de 250 000 F CFP, au titre des frais irrépétibles en cause d'appel,

Condamner in solidum Mme [H] [L] et la société Anset assurances aux entiers dépens, dont distraction d'usage au profit de la Société d'exercice libéral à responsabilité limitée Jurispol.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 novembre 2023.

Dans le cadre de son délibéré la cour a invité Mme [U] à fournir la copie intégrale de la pièce n° 2 intitulée 'constat amiable d'accident' permettant de visualiser les signatures apposées au bas de ce document.

La cour a également invité les parties à faire part de la recevabilité des demandes formées par M. [U] [B] qui conclut en qualité d'intimé alors qu'il n'était, ni partie en première instance, ni assigné en appel en qualité d'intimé. Les parties étaient également invitées à faire valoir leurs observations sur la recevabilité des demandes au titre du 'préjudice corporel' en l'absence de mise en cause de l'organisme social.

Mme [U] a adressé le 28 décembre 2023 la copie du constat d'accident identique à celle déjà produite dans ses pièces. Aucune observation n'a été faite par les parties sur les autres points soulevés par la cour.

Toujours dans le cadre de son délibéré la cour a sollicité de Mme [U] qu'elle verse le devis objet de la pièce n° 6 en un exemplaire lisible celui figurant à la procédure étant totalement illisible et ce avant le 24 janvier 2024.

Aucune transmission n'a été effectuée dans ce délai.

MOTIFS DE LA DECISION :

La mise hors de cause de la société Anset Assurances n'est pas contestée.

Sur le droit à indemnisation de Mme [G] épouse [U] :

Ainsi que l'a justement rappelé le premier juge, l'indemnisation d'une victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut être fondée que sur les dispositions de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 et la victime d'un tel accident a droit à la réparation de son dommage par le conducteur du véhicule impliqué et de son assureur.

Aux termes des dispositions de l'aricle 4 de cette loi, la faute commise par le conducteur de véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subi.

Selon les dispositions de l'article 5 de cette même loi, seule la faute commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis.

En l'espèce aucune enquête pénale n'a été réalisée. Mme [L] expose que chaque conductrice a établi un constat amiable, réfutant en cela l'argumentation du premier juge qui avait exposé que le seul élément incontestable était le constat établi contradictoirement par les deux conductrices le jour de l'accident. Il ressort de ce constat tel que produit en pièce n° 2 par l'intimée que la signature de Mme [L] n'est pas visible de sorte qu'il ne peut être retenu, à défaut d'apposition des deux signatures des deux conductrices, que ce constat a été établi contradictoirement.

Le constat que Mme [L] produit, pour sa part, aux débats est cependant dépourvu de tout plan et de toute explication quant au mouvement des véhicules lors de l'accident.

Il est constant et non discuté par les parties que Mme [U] sortait d'une voie secondaire pour s'engager sur la route principale entre [Localité 8] et Tautira, voie principle constituée de deux sens de circulation et ce afin de tourner à gauche sur celle-ci. En face de la route secondaire dont elle sortait se trouvait, de l'autre côté de la voie principale, une autre route secondaire menant vers la poste de [Localité 8].

Les véhicules qui circulaient sur la voie principale s'étaient arrêtés tant à la droite qu'à la gauche de Mme [U] afin de la laisser passer. Mme [L] qui arrivait du sens de circulation situé à gauche de la voie secondaire d'où débouchait Mme [U] a dépassé plusieurs véhicules la précédant qui étaient à l'arrêt afin de s'engager sur la voie secondaire menant vers la poste de [Localité 8] et a alors percuté le véhicule de Mme [U]. Le seul plan des lieux établi par Mme [U] sur le constat indique que Mme [L] a dépassé deux véhicules arrêtés.

Deux témoignages sont versés aux débats par l'intimée. Si ces attestations ne répondent pas au formaliste exigé par les dispositions de l'article 111du code de procédure civile de la Polynésie française, ces dispositions ne sont pas prévues à peine de nullité et ces attestations constituent des commencements de preuve par écrit qu' il appartient à la cour d'apprécier au vu de l'ensemble des éléments du débat. Il n'est pas contesté que M. [E] et Mme [C] [K] ont été témoins de l'accident en ce que leurs coordonnées ont été marquées sur le constat établi par Mme [U].

Il ressort du témoignage de M. [E] que Mme [U] était en train de s'engager sur la voie principale lorsque Mme [L] a amorcé sa manoeuvre de dépassement des véhicules arrêtés pour laisser passer Mme [U]. Il n'est dès lors nulement incompatible avec le témoignage de Mme [C] [K] qui affirme que le véhicule conduit par Mme [L] a coupé la route de celui conduit par Mme [U] 'qui était déjà inséré sur sa voie'. En effet, au vu du seul plan des lieux produit aux débats, la fin de manoeuvre de Mme [U] lui ayant permis d'être totalement positionnée dans le couloir de circulation qu'elle devait rejoindre sur la route principale correspondait avec le positionnement du véhicule conduit par Mme [L] dans ce même couloir de circulation, juste avant l'entrée de la voie secondaire menant à la poste de [Localité 8].

Le point de choc à l'avant droit du véhicule conduit par Mme [U], tel qu'illustré sur les photographies versées aux débats et tel que porté sur les deux constats d'accident confirme cette affirmation et concorde pleinement avec le seul plan des circonstances de l'accident établi sur le constat qu'elle présente.

Tel est également le cas des dégats matérialisés sur le véhicule conduit par Mme [L] qui sont situés sur le côté passager du véhicule.

Il ressort donc de ces éléments que la seule faute de conduite est celle de Mme [L] qui a effectué un dépassement de plusieurs véhicules arrêtés sur la chaussée et ce afin pour elle de tourner à gauche sans s'assurer que le couloir de circulation sur lequel elle s'engageait pour effectuer cette manoeuvre était libre de tout occupant.

Le jugement attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a retenu qu'aucune faute de la victime ne pouvait réduire ou exclure son droit à indemnisation.

Sur les demandes de M. [U] [B] :

M. [U] n'était pas partie en première instance tel que cela ressort du jugement attaqué de sorte que le tribunal ne pouvait, comme il l'a fait, condamner Mme [L] à lui payer une quelconque somme au titre de son préjudice matériel et qu'il ne pouvait pas plus lui êtra ccordé une somme au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile.

La décision attaquée ne peut qu'être infirmée de ces chefs, Mme [U] devant être déboutée des demandes formées au nom de M. [U].

N'était pas partie en première instance, il n'est donc pas intimé en appel alors qu'il conclut en cette qualité. Si Mme [L] soulève ce moyen dans ses conclusions, elle n'en tire pas de conséquences procédurales et se borne à solliciter le débouté de ses demandes, formant elle même des demandes à son encontre.

Selon les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile de la Polynésie française le juge ne dispose pas du pouvoir de soulever la fin de non recevoit tirée du défaut de qualité de sorte qu'en l'état des conclusions de Mme [L] et de ses demandes il appartient à la cour d'apprécier le bien fondé de celle de M. [U].

Celui-ci verse une pièce n° 6 intitulée 'devis de réparation' totalement illisible comme le soulève l'appelante.

Nonobstant la demande effectuée en ce sens cette pièce n'a pas été transmise plus lisible à la cour durant le temps du délibéré de sorte qu'il est totalement impossible de vérifier la teneur de ce devis et sa correspondance avec les dégâts relevés.

La demande de M. [U] sera donc rejetée.

Sur le préjudice de Mme [U] :

Celle-ci demande l'indemnisation de son préjudice corporel sans avoir appelé en la cause l'organisme d'assurance maladie.

Elle fait valoir un certificat médical établi le 14 septembre 2017 par le Dr [I] qui décrit une contracture musculaire paravertébrale droite avec une limitation de l'amplitude des mouvements de la tête et légère flexion latérale droite de la tête. Aucune ITT n'a été prescrite.

Elle fait valoir également un préjudice moral lié à l'anxiété générée au moment de l'accident où elle conduisait ses enfants à l'école.

Elle ne précise pas la somme demandée pour chaque poste de préjudice et le tribunal a statué indistinctement 'au titre des atteintes à sa personne'.

Il ne peut être contesté qu'elle a subi un préjudice tant physique tel que décrit par le certificat médical précité qu'au titre de son préjudice moral lié au retentissement psychologique de cet accident étant observé que l'heure de l'accident à savoir 15 h 45 est compatible avec l'horaire de sortie scolaire.

A défaut de pouvoir préciser chaque poste de préjudice le montant sera confirmé en ce qu'il a statué globalement au titre du préjudice corporel et moral et fixé à la somme de 40 000 FCFP le montant global de ce préjudice.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Mme [L] sera condamnée aux dépens d'appel sans qu'il y ait lieu de remettre en cause la charge des dépens de première instance et il est équitable d'allouer à Mme [U] en cause d'appel la somme de 150 000 FCFP au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française, aucune raison d'équité ne commandant de faire droit à la demande de M. [U] à ce titre.

Sur les frais irrépétibles de première instance la somme de 180 000 FCFP sera allouée à Mme [U] seule.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;

Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a :

Condamné solidairement Mme [H] [L] et la société Areas dommages, à payer :

- une somme de 368 509 F CFP à M. [B] [U] au titre de son préjudice matériel,

- une somme globale de 180 000 F CFP à M. et Mme [U] au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute M. [U] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne solidairement Mme [H] [L] et la société Areas dommages, à payer :

à Mme [T] [U] la somme de 180 000 F CFP à au titre de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Confirme pour le surplus le jugement attaqué,

Déboute les parties de toute demande plus ample ou contraire,

Condamne solidairement Mme [H] [L] et la société Areas dommages, à payer à Mme [U] en cause d'appel la somme de 150 000 FCFP au titre des dispositions de l'article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,

Condamne solidairement Mme [H] [L] et la société Areas dommages aux dépens d'appel dont distraction d'usage au profit de la Société d'exercice libéral à responsabilité limitée Jurispol.

Prononcé à Papeete, le 25 janvier 2024.

Le Greffier, Le Président,

signé : M. SUHAS-TEVERO signé : C. GUENGARD