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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 9, 25 janvier 2024, n° 23/00654

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/00654

25 janvier 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 9

ARRÊT DU 25 JANVIER 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/00654 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG43E

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 décembre 2022 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2021059936

APPELANTS

Monsieur [B] [U]

Né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 11]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Assisté de Me Frédéric FORGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : E2135,

Monsieur [P] [N]

Né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 11] ( 75)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 10]

[Localité 9]

Assisté de Me Margaux SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : G754,

INTIMÉS

Monsieur [P] [N]

Né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 11] ( 75)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 10]

[Localité 9]

Assisté de Me Margaux SPORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : G754,

Monsieur [B] [U]

Né le [Date naissance 5] 1970 à [Localité 11]

De nationalité française

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

Assisté de Me Frédéric FORGUES, avocat au barreau de PARIS, toque : E2135,

S.E.L.A.R.L. BDR & ASSOCIÉS, prise en la perosnne de Maître [A] [H], en qualité de mandataire liquidateur de la société SAS CONCEPT DESIGN,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 844 765 487,

Dont le siège social est situé [Adresse 4]

[Localité 6]

Non constituée

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 3]

[Localité 8]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie MOLLAT-FABIANI, présidente de chambre, et de Madame Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie MOLLATI, présidente de chambre,

Madame Isabelle ROHART, conseillère,

Madame Alexandra PELIER-TETREAU, conseillère.

Un rapport a été présenté à l'audience dans le respect des conditions prévues à l'artcile 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTERE PUBLIC : L'affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par madame Anne-France SARZIER, substitute généréale, qui a fait connaître son avis.

ARRÊT :

- rendu par défaut,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Madame Sophie MOLLAT, présidente, et par Madame Saoussen HAKIRI, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Exposé des faits et de la procédure

La SAS Concept Design a été créée en décembre 2014 et exploitait un fonds de commerce de conseils et études en aménagement intérieur. Monsieur [N] détenait 80% du capital de la société et et M. [U] 20%. Son dirigeant était M. [P] [N]. M. [U] était salarié de la société en qualité de directeur technique du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, puis de nouveau embauché à compter du 3.07.2017.

Le 30.08.2018 Monsieur [N] cédait, pour un euro, 50% des parts de la société à Monsieur [U] et le capital était alors détenu à compter de cette date à hauteur de 30% pour M. [N] et 70% pour M. [U].

Le 9.12.2019, une perquisition était menée au sein des locaux de la société ainsi qu'au domicile de M. [N] dans le cadre d'une procédure pénale et l'ensemble des documents comptables et sociaux de la société étaient saisis.

M. [N] était mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.

M. [U] était mis en examen et placé en détention provisoire.

Par jugement du 29 septembre 2020, sur déclaration de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société et a désigné Me [H], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Concept Design.

La date de cessation des paiements a été fixée au 11.03.2020, soit 6 mois avant la liquidation de la société.

Aux termes des opérations de liquidation, l'insuffisance d'actif hors provisionnel s'établit à 827.758 euros. Aucune insuffisance d'actif n'a été créée pendant la période suspecte.

Par ailleurs, au cours de la procédure de liquidation judiciaire, du 24.09.2020 au 8.06.2021 la société Concept Design a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1.01.2017 au 31.12.2019, prorogée en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31.08.2020.

Le 8.06.2021, une proposition de rectification fiscale a été adressée au liquidateur judiciaire.

Le ministère public a déposé une requête le 7.12.2021 auprès du tribunal de commerce pour voir convoquer en audience de sanction personnelle M. [N] en sa qualité de dirigeant de droit de la SAS Concept Design et M. [U] en sa qualité de dirigeant de fait présumé de la même société, leur reprochant la tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière et le détournement ou la dissimulation d'actif.

Par jugement du 13.12.2022, le tribunal de commerce de Paris a notamment :

Prononcé une interdiction de gérer à l'égard du dirigeant de droit, M. [N], à l'exclusion des entreprises SARL G2 Logistique, SAS AFG et SAS VG Fret pour une durée de 3 ans,

Prononcé la faillite personnelle du dirigeant de fait, M. [U] pour une durée de 12 ans,

Ordonné l'exécution provisoire du jugement.

M. [N] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22.12.2022.

Par déclaration du 24.12.2022, puis du 17.01.2023 en rectification, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 6.04.2023, la jonction des appels formés d'une part par M. [N] et d'autre part par M. [U] a été ordonnée.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21.05.2023, M. [N] demande à la cour de :

ACCUEILLIR Monsieur [P] [N] dans ses écritures et l'y déclarer recevable et bien fondé

Par conséquent :

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris, en date du 13 décembre 2022, en ce qu'il a :

Interdit au dirigeant de droit, M. [P] [N], né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 11] 14ème, de nationalité française, demeurant [Adresse 10] [Localité 9], de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, en tout cas toute personne morale, à l'exclusion des entreprises SARL G2 Logistiques (RCS 850 409 962), SAS AFG (RCS 822 908 133), SAS VG FRET (RCS 851 039 628)

Fixé la durée de cette mesure à 3 ans

dit qu'en application des articles L 128-1 et suivants et R 128-1 et suivants du code de commerce, ces sanctions feront l'objet d'une inscription au Fichier national des interdits de gérer, dont la tenue est assurée par le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce.

Statuant à nouveau :

A titre principal :

REJETER toutes demandes, fins et conclusions tendant à voir condamner Monsieur [P] [N] à une mesure d'interdiction de gérer directement ou indirectement toute entreprise commerciale, artisanale ou agricole

A titre subsidiaire :

CONFIRMER le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13 décembre 2022, en ce qu'il a :

Interdit au dirigeant de droit, M. [P] [N], né le [Date naissance 2] 1943 à [Localité 11] 14ème, de nationalité française, demeurant [Adresse 10] [Localité 9], de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, en tout cas toute personne morale, à l'exclusion des entreprises SARL G2 Logistiques (RCS 850 409 962), SAS AFG (RCS 822 908 133), SAS VG FRET (RCS 851 039 628)

Fixé la durée de cette mesure à 3 ans

En tout état de cause

DIRE et JUGER que chaque partie conservera à sa charge les frais engagés pour les besoins de la procédure.

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 1.06.2023, M. [U] demande à la cour de :

Recevoir les présentes conclusions ;

Infirmer en tous points le jugement du tribunal de commerce du 13 décembre 2022 ;

Et, statuant de nouveau,

A titre principal, constater la nullité des présentes poursuites en sanctions personnelles et inviter le ministère public à mieux se pourvoir ;

Subsidiairement, débouter le ministère public de l'ensemble de ses demandes ;

Réserver les dépens.

Par avis notifié par voie électronique le 17.05.2023, le ministère public invite la Cour à confirmer la décision du 13.12.2022 rendue par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a condamné M. [P] [N] à une interdiction de gérer de 3 ans, à l'exclusion de la SAS AFG sous réserve qu'il soit produit pour l'audience l'extrait de Kbis et une attestation d'un expert-comptable de régularité fiscale et sociale.

Par un second avis notifié par voie électronique le même jour, le ministère public invite la Cour à confirmer la décision du 13.12.2022 rendue par le Tribunal de commerce de Paris en ce qu'elle a retenu la qualité de dirigeant de fait de la société Concept Design de M. [B] [U] et l'a condamné à une sanction de faillite personnelle d'une durée de 12 ans.

Bien que la déclaration d'appel et les conclusions lui aient été régulièrement signifiées par actes de commissaire de justice des 23.02.2023 et 29.03.2023, le liquidateur judiciaire n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de la procédure engagée à l'encontre de Monsieur [U]

En application de l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, M. [U] fait valoir une violation du principe d'égalité des armes par rapport au ministère public.

Il fait valoir deux motifs:

- d'une part il expose qu'il n'a pas pu exercer les voies de recours afférentes au contrôle fiscal de la société Concept Design puisque sa demande de contester le redressement fiscal de la société adressé au liquidateur judiciaire le 21.06.2022 n'a reçu aucune réponse de celui ci.

- d'autre part il soutient que le ministère public vise certains éléments de la procédure pénale pour fonder sa demande de sanction alors que lui même ne peut communiquer les éléments utiles à sa défense, présents dans la procédure pénale, en raison du secret de l'instruction et du secret professionnel qui lui est imposé. Il fait valoir qu'il est défavorisé face à son adversaire pour présenter sa défense. Il indique que les éléments retenus par le tribunal pour rejeter cet argument s'agissant du fait qu'il aurait eu accès à l'ensemble des éléments de la procédure et que les opérations mentionnées par l'administration fiscale sont détaillées dans la proposition de rectification dont il a eu communication, sont sans incidence sur le violation du principe d'égalité des armes.

Il demande à la cour de constater la nullité des poursuites.

Le ministère public rappelle que selon une jurisprudence constante, lorsque la violation de l'article 6§1 de la CESDH est invoquée, il y a lieu de statuer en déterminant si la procédure prise dans son ensemble a revêtu un caractère équitable ou non.

En premier lieu il expose que Monsieur [U] a été informé de la proposition de rectification fiscale en date du 8.06.2021 et du délai de 30 jours qui s'ouvrait pour contester celle ci et n'a pas usé de ce délai, sinon dans un courriel daté du 21.06.2022 envoyé plus d'un an après la réception de la rectification fiscale, qu'il a donc bien eu connaissance de celle ci, que par ailleurs il a reçu le même jour, 8.06.2021, une proposition de rectification de sa situation fiscale personnelle qui s'est inscrit dans la continuité de la rectification fiscale de la société Concept Design, qu'il a contesté celle ci par courriers du 6.08.2021 et 29.06.2022 en particulier sa qualité de 'maitre de l'affaire', qu'il a donc été informé des éléments retenus par l'administration fiscale, a pu les contester et que dès lors aucune atteinte au principe d'égalité des armes n'existe.

En second lieu il expose que le secret de l'instruction n'est pas opposable au ministère public qui peut puiser dans une instruction judiciaire tous les éléments d'information qui lui sont indispensables et que l'utilisation de ces éléments de l'information judiciaire ne porte atteinte ni au principe d'égalité, ni au principe du contradictoire ni aux droits de la défense et exclut toute atteinte aux exigences d'un procès équitable et plus particulièrement au principe de l'égalité des armes, tel que consacré à l'article 6 de la CESDH, ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'en l'espèce il convient en tout état de cause de relever qu'aucune pièce issue de la procédure pénale n'a été versée aux débats et que les éléments de la procédure pénale dont il est fait état dans la requête initiale sont ceux qui figurent dans la proposition de rectification fiscale.

En outre il souligne que Monsieur [U] n'a pas sollicité l'autorisation du procureur de la République pour produire dans le cadre du présent procès des éléments issus de la procédure pénale.

Il conclut à l'absence d'atteinte aux dispositions de l'article 6 de la CESDH et au rejet de l'exception de nullité des poursuites.

Sur ce

Il résulte de l'article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.

S'agissant de la procédure de vérification fiscale et de la rectification fiscale opérée par l'administration de la société Concept Design la cour constate que la proposition de rectification a été adressée le 8.06.2021 par l'administration et qu'un délai de 30 jours s'est alors ouvert pour permettre à la société de faire valoir ses observations.

Le liquidateur a transmis à Monsieur [N], dirigeant de droit, la proposition de l'administration et Monsieur [N] a adressé, sous couvert du liquidateur judiciaire, des observations.

La preuve n'est pas rapportée que le liquidateur a adressé à Monsieur [U] la proposition de rectification fiscale, ce qui au demeurant ne saurait être contestable du fait que Monsieur [U] n'était pas le dirigeant de droit de la société.

Cependant ce dernier a reçu le même jour, 8.06.2021, une proposition personnelle de rectification fiscale découlant du redressement concernant la société, et il a adressé des observations sur ce redressement à l'administration fiscale.

Il en découle que Monsieur [U] non seulement était parfaitement informé des éléments retenus par l'administration fiscale à son encontre et à l'encontre de la société Concept Design mais a également disposé des mêmes délais que Monsieur [N] et le liquidateur pour critiquer la position de l'administration fiscale, de telle sorte qu'il n'existe ni atteinte au principe du contradictoire, ni atteinte au principe de l'égalité des armes.

Par ailleurs aucun élément tiré de la procédure pénale en cours n'a été versé aux débats par le ministère public au soutien de sa demande de condamnation de Monsieur [U]. En effet les seuls éléments de la procédure pénale sont ceux visés par l'administration fiscale dans sa proposition de rectification, suite à la consultation des éléments de la procédure pénale en cours, et l'argumentation articulée par Monsieur [U] d'une inégalité des armes aux motifs de la communication par le ministère public de pièces issues de la procédure pénale soumise au secret de l'instruction est donc inopérante.

Enfin Monsieur [U] ne produit pas de demande adressée au procureur de la République pour produire dans le cadre du présent procès des pièces issues de la procédure pénale qui viendraient infirmer les éléments retenus par l'administration fiscale dans la proposition de rectification s'agissant en particulier du caractère de 'maitre de l'affaire' retenu à son encontre, de telle sorte qu'il est malfondé à faire valoir une inégalité des armes alors qu'il n'a pas usé de celles qui lui étaient reconnues.

Au regard de cette parfaite information de Monsieur [U] des termes des redressements fiscaux opérés, de la possibilité qui lui été ouverte d'en critiquer les éléments et du fait que la demande de condamnation de Monsieur [U] par le ministère public en sanction personnelle est uniquement fondée sur la proposition de rectification fiscale de l'administration,il n'existe aucune inégalité des armes comme soutenu par Monsieur [U] et il y a lieu de rejeter l'exception de nullité de la procédure tirée de la violation des dispositions de l'article 6 de la CESDH.

Sur la qualification de dirigeant de fait de M. [U]

M. [U] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a retenu sa qualité de dirigeant de fait de la société Concept Design à son égard. Il considère que les éléments retenus par le tribunal ne suffisent pas à entrainer sa qualification de dirigeant de fait qui suppose d'établir qu'il a en toute indépendance et liberté exercé une activité positive de gestion et de direction de la société. Il expose qu'aucun des éléments habituellement retenus pour caractériser une administration de fait ne sont établis. Il fait valoir que le fait de retenir qu'il serait un dirigeant de fait reviendrait à conclure que les organes de direction sont des hommes de paille mais il rappelle que M. [N] est un dirigeant expérimenté avec de nombreux mandats sociaux. Il souligne notamment que c'est M. [N] qui a déposé la déclaration de cessation des paiements de la société Concept Design, qu'il a représenté la société devant le tribunal, qu'il était présent pour les opérations de liquidation et que l'administration lui répond en tant que dirigeant.

M. [N] soutient que Monsieur [U] dirigeait la société Concept Design aussi bien vis-à-vis des clients, des fournisseurs, que dans la gestion administrative et financière de la société et que son statut de salarié n'avait que pour objectif d'échapper à tout engagement de responsabilité éventuel du dirigeant d'où son mandat social.

Il fait valoir que M. [U] assurait le suivi de la facturation et de la comptabilité puisqu'il avait accès aux documents comptables de la société et à ses moyens de paiement, et pouvait effectuer des virements et disposait d'une carte bancaire, qu'il a ainsi effectué le règlement courant de charges dont le paiement du loyer.

Il souligne que M. [U] s'est porté garant de l'augmentation de l'autorisation de découvert à hauteur de 50.000 euros.

Il soutient que sa boîte mail était utilisée par M. [U] qui signait les mails de son nom ou de celui de M. [N].

Il ajoute que la rémunération nette de l'intimé était supérieure à la sienne d'un montant de 2.690 euros, démontrant que Monsieur [U] était le gérant de fait de la société, et en outre que Monsieur [U] a perçu des avantages conséquents que lui même n'a jamais perçu, s'agissant en particulier de frais de représentation. Il expose que du propre aveu de celui ci il était l'homme clé de la société.

Il répond que le dépôt de la déclaration de cessation des paiements est une prérogative du gérant de droit.

Il considère que la qualité de dirigeant de fait est établie.

Le ministère public fait valoir qu'il ressort de la proposition de rectification fiscale que Monsieur [U] exerçait seul la responsabilité financière de la société Concept Design en étant le véritable interlocuteur et décisionnaire notamment auprès du chargé d'affaires de la banque, qu'il détenait une carte bancaire pour le compte ouvert auprès du Crédit du Nord mais également d'une carte bancaire pour le compte ouvert à la Bred Banque Populaire et enfin qu'il procédait au paiement des charges et notamment aux virements pour le règlement des loyers.

Il expose qu'il ressort de la proposition de rectification fiscale que Monsieur [N] n'était jamais présent au siège de la société Concept Design à l'inverse de Monsieur [U] qui ouvrait les locaux tous les matins et qu'il apparait en outre que celui ci donnait des instructions au personnel et gérait l'ensemble des problèmes liés aux fiches de paie ainsi que le dispatching des différents salariés au sein des structures, mais également répondait à tous les appels concernant le fonctionnement de la société, du suivi des chantiers, au domaine administratif, en passant par les fournisseurs, voire en se faisant passer pour Monsieur [N] parfois.

Il souligne la différence de revenus entre Monsieur [N] et Monsieur [U] puisque le premier percevait 1300 euros lorsque le second a perçu 15.000 euros par mois puis 17.000 euros par mois, qu'en outre des dépenses personnelles de Monsieur [U] ont été prises en charge par la société, qu'enfin Monsieur [N] indique que la gestion commerciale, financière et technique relevait de la compétence de Monsieur [U].

Sur ce

Au titre de l'article L.653-1 I du code de commerce, lorsqu'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les dispositions du présent chapitre sont applicables :

1° Aux personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs et à toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé;

2° Aux personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

3° Aux personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales définies au 2°.

Ces mêmes dispositions ne sont pas applicables aux personnes physiques ou dirigeants de personne morale, exerçant une activité professionnelle indépendante et, à ce titre, soumises à des règles disciplinaires.

Il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le dirigeant de fait est celui qui exerce une activité positive de gestion et de direction en toute souveraineté et indépendance.

La cour souligne en premier lieu que la déconfiture de la société a été entrainé par l'incarcération de Monsieur [U] le 11.12.2019 en suite de l'enquête pénale, de la perquisition opérée, de l'ouverture d'une information judiciaire qui a vu la mise en examen de Monsieur [U] et de son placement en détention provisoire.

La société, qui avait réalisé 1.281.987 euros de chiffre d'affaires en 2018 et terminait l'année 2019 en réalisant 1.016.360 euros de chiffre d'affaires, cessait ainsi toute activité en 2020.

Cet arrêt brutal et définitif de l'activité de la société démontre le rôle central de Monsieur [U] dans celle ci, rôle qui dépassait les fonctions de directeur technique.

En effet, l'incarcération de Monsieur [U] était de nature à déstabiliser la société, mais si Monsieur [N] en avait réellement assuré la gestion administrative et commerciale, il aurait été à même:

- d'effectuer le recrutement en urgence d'une personne amenée à remplacer Monsieur [U] dans ses fonctions de directeur technique,

- et de poursuivre avec l'équipe en place la réalisation des chantiers, tout en assurant la gestion administrative et le développement commercial de l'activité, personnellement ou avec l'aide de salariés.

Or aucun élément ne démontre que Monsieur [N] a pris les décisions de recrutement de nature à faire face à l'absence pour un temps indéterminé de Monsieur [U].

Au contraire le fait que Monsieur [N], quelques jours, après l'incarcération de Monsieur [U], ait répondu à une demande de 'documents' de la part de Mme [Z] [J], compagne de Monsieur [U], et salariée de la société (bien que cette qualité soit contestée), que théoriquement la société allait être mise en liquidation judiciaire et que les documents seraient établis par le mandataire judiciaire, accrédite le fait que Monsieur [N] ne gérait pas la société Concept Design puisqu'il ne pouvait poursuivre l'activité de celle ci hors la présence de Monsieur [U] et n'était même pas en capacité d'en établir les documents administratifs réclamés par Mme [J] alors que cela relevait directement de ses fonctions de gérant.

Ainsi le fait que Monsieur [U] assurait la gestion de la société est établi par les conséquences de son incarcération sur l'activité de celle ci qui a révélé le stratagème frauduleux mise en place dans la direction de droit de la société confiée à une personne qui a démontré, au moment le plus aigu, son incapacité à exercer les fonctions de dirigeant.

Il ressort par ailleurs des éléments de l'enquête pénale qui ont été consultés par l'administration fiscale dans le cadre de la procédure de vérification de la comptabilité de la société, que lors de la surveillance policière exercée sur les locaux de la société Concept Design Monsieur [N] n'a jamais été vu au siège de la société et c'est Monsieur [U] qui ouvrait les locaux tous les matins. Les policiers en charge de la surveillance ont ajouté que très présent il semblait donner les instructions au personnel et recevait un certain nombre de personnes.

Si on peut envisager qu'un salarié ouvre tous les jours, en lieu et place du dirigeant, les locaux et donne des instructions au personnel, qui plus est lorsqu'il est directeur technique, encore faut il qu'il ait agi sous les ordres du dirigeant de droit. Or en l'espèce, en réponse aux éléments de l'enquête pénale réalisée démontrant son rôle clé, Monsieur [U] ne produit aucun élément établissant qu'il rendait compte à Monsieur [N] chaque jour, ou a minima chaque semaine de l'activité de la société, à tout le moins s'agissant de l'activité technique, et prenait ses instructions, alors qu'il est le seul à détenir ces éléments de preuve de la relation de subordination entre lui et Monsieur [N].

Par ailleurs il est établi que Monsieur [U] disposait de la carte bancaire sur les comptes bancaires de la société et les a utilisés pour effectuer des dépenses qui ont été remises en cause par l'administration fiscale comme n'étant pas dans l'intérêt de la société, ce qui a donné lieu à une réponse de Monsieur [N] indiquant qu'il ne pouvait les justifier puisqu'il ne les avait pas engagés.

Le fait que Monsieur [N] indique ne pouvoir justifier des dépenses, démontre qu'outre le fait qu'il ne les a pas engagées,il ne les a ni autorisées a priori, ni contrôlées a posteriori. Cette utilisation indépendante des fonds de la société caractérise une activité positive de gestion de la part de Monsieur [U].

Celui-ci par ailleurs disposait du droit de procéder à des virements à partir du compte bancaire de la société ouvert auprès du Crédit du Nord et pouvait donc effectuer des opérations de gestion.

En outre la proposition de rectification fiscale rapporte la teneur de l'audition du gestionnaire du compte de la société au Crédit du Nord qui précisait 'connaitre [P] [N] puisqu'il s'agissait du gérant mais lorsqu'il avait besoin de réponses précises sur le fonctionnement des comptes il se présentait avec son associé [B] [U]. Ce dernier menait alors la conversation à la place du gérant'.

Cette audition rappelée par l'administration fiscale démontre que Monsieur [U] assurait la gestion de la société puisqu'il était seul en mesure de répondre aux questions du gestionnaire de compte.

Enfin la très grande différence de salaire entre Monsieur [U] et Monsieur [N], 30.000 par mois en moyenne en 2019 pour Monsieur [U], contre 1600 euros par mois pour Monsieur [N] (net imposable en novembre 2019 pour les deux personnes) constitue un autre élément démontrant la réalité de la gestion de Monsieur [U]. En effet cette différence de 1 à 20 ne peut s'expliquer par le fait que Monsieur [U] assurait l'essentiel de l'apport d'affaires commerciales de la société. Si une rémunération intégrant une commission importante au titre des affaires apportées peut se justifier, la différence de salaires démontre en réalité une différence de responsabilité effective dans la gestion de la société établissant la prééminence de Monsieur [U] dans la gestion de celle ci.

L'ensemble de ces éléments pris ensemble démontre que Monsieur [U] était le dirigeant de fait de la société Concept Design.

La décision est donc confirmée.

Sur les griefs

Sur le grief de tenue d'une comptabilité incomplète ou irrégulière

Sur la tenue de la comptabilité M. [N] soutient que les fautes ont été commises par M. [U] et le cabinet d'expertise comptable. Il fait valoir que la comptabilité annuelle de la société Concept Design est gérée par un cabinet d'expertise comptable (DB Conseils). Il indique que la société n'a jamais été mise en garde sur une éventuelle irrégularité. Il rappelle qu'il n'a pas accès aux comptes bancaires de la société et n'établissait pas les bulletins de paye, l'empêchant de dissimuler le chiffre d'affaires.

Il souligne que la proposition de rectification a eu lieu le 8 juin 2021, soit après le jugement d'ouverture et plusieurs années après l'établissement des comptes vérifiés par un professionnel compétent.

S'agissant des irrégularités soulevées par l'administration fiscale, M. [N] considère qu'il ne peut être tenu responsable d'erreurs de saisie comptable effectuées par le cabinet d'expert-comptable mandaté.

S'agissant des redressements au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 M. [N] soutient qu'il est étranger aux erreurs comptables imputées, ainsi qu'aux redressements liés à l'utilisation des comptes bancaires et des versements à titre personnel dont a bénéficié M. [U].

Par ailleurs, il ajoute que les rectifications conduisant au redressement sont les conséquences des réintégrations des dépenses de M. [U], initialement comptabilisées comme des charges. Il soutient que sans cette réintégration des dépenses le redressement n'aurait pas eu lieu.

S'agissant de l'absence de comptabilité pour l'année 2020 M. [N] explique qu'après la perquisition du 9 décembre 2019, l'activité de la société s'est arrêtée et le cabinet d'expert-comptable a cessé toutes ses diligences, ayant pour conséquence que le bilan partiel arrêté au 29 septembre 2020 n'a pas été établi. Il considère que cette absence n'est pas de son fait et rappelle que les comptes de la société ont été saisis, l'empêchant de désigner un nouveau cabinet d'expertise comptable.

Le ministère public fait valoir que la proposition de rectification fiscale souligne l'existence d'irrégularités telles que des différences de lettrages, différents numéros de pièces, écritures différentes avec des numéros de pièces identiques, écritures sans numéro de pièce, écritures globalisées, écritures globalisées aux libellés erronés, ayant conduit l'administration fiscale à rejeter la comptabilité présentée au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 au motif qu'elle ne présente aucun caractère probant.

Sur les redressements au titre des exercices 2017, 2018 et 2019 le ministère public fait valoir que selon la proposition de rectification fiscale, la société Concept Design a fait l'objet d'un redressement au titre de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 324.036 euros assorti de pénalités pour un montant de 41. 767 euros soit une somme totale de 365.803 euros. Il ajoute que la société a fait l'objet d'un redressement au titre de la TVA à hauteur de 204.451 euros correspondant au montant de la TVA collectée pour le compte de l'administration fiscale non reversée au titre des exercices 2017, 2018 et 2019. Il relève que selon l'état des créances, le passif de la société est constitué majoritairement des créances privilégiées sociales et fiscales pour un montant de 642.210 euros. Il considère que la comptabilité de la société Concept Design est manifestement incomplète et irrégulière et que le grief est caractérisé.

Sur l'absence de comptabilité pour l'année 2020 le ministère public indique qu'aucune comptabilité n'a été présentée lors des opérations de contrôle pour la comptabilité de l'année 2020 malgré deux procès-verbaux de non présentation de comptabilité dressés le 19 novembre 2020. Il rappelle que la comptabilité de l'exercice 2020 n'a pas été présentée au liquidateur judiciaire dans le cadre de la procédure.

Monsieur [U] ne fait valoir aucun moyen sur ce grief.

Sur ce

Selon l'article L. 653-5 6° du code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 contre laquelle a été relevé le fait d'avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

S'agissant de la comptabilité de l'année 2020 il résulte des écritures des parties que l'activité de la société a cessé brutalement du fait de la détention provisoire de Monsieur [U], ce qui explique que lors de l'ouverture de la liquidation judiciaire en septembre 2020 aucune écriture comptable n'ait été passée et aucun document comptable établi et que tant le grand livre que les journaux n'aient pas été produits sans que cette absence de communication puisse être retenue comme fautive.

Il ressort de la proposition de rectification fiscale principalement:

-dans la comptabilité de l'année 2018 un quart des écritures comporte des numéros de 'pièces différentes', c'est à dire qu'à une même écriture sont affectés des numéros de pièces différents qui ne renvoient pas à la pièce justifiant son inscription en comptabilité de telle sorte que le chemin de révision comptable ne peut être assuré,

- que la comptabilité de l'année 2019 présente 80% de ses écritures sans numéro de pièce ne permettant pas le renvoi aux pièces justificatives dédiées. Monsieur [N] explique que cela s'explique par la saisie des pièces comptables qui a été effectuée dans le cadre de la procédure pénale. Cependant il n'est pas reproché l'absence de communication des pièces justificatives mais l'absence d'indication dans les écritures passées du numéro de la pièce justificative.

- pour les comptabilités 2017, 2018 et 2019 les notes de frais remboursés à Monsieur [U] sont globalisées et cette globalisation ne permet pas le contrôle de la validité de l'enregistrement comptable en le comparant au justificatif,

- pour les comptabilités 2017, 2018 et 2019 il existe des écritures non seulement globalisées mais dont les libellés concernant la même opération sont différents.

Il résulte ainsi des constatations de l'administration fiscale que la comptabilité des années 2017, 2018 et 2019 était tenue de façon irrégulière ne permettant pas de vérifier la réalité de toutes les charges, étant précisé qu'elle était tenue en interne par un comptable salarié sous la direction des dirigeants de telle sorte qu'il convient de retenir ce grief tant à l'encontre de Monsieur [N] gérant de droit que de Monsieur [U] gérant de fait.

S'agissant des rappels de TVA qui selon le ministère public rapporterait la preuve de l'irrégularité de la comptabilité la cour souligne que l'administration fiscale a retenu que la société avait émis des factures dans le cadre d'opérations de sous traitance sans collecter la TVA en indiquant 'autoliquidation' et ce en application des dispositions de l'article 242 nonies 1 de l'annexe II du code général des impôts mais qu'elle n'avait pas été en mesure de produire les justificatifs s'agissant des contrats de sous traitance ou des pièces établissant l'existence desdits contrats et donc l'accord des parties sur l'application du principe d'autoliquidation de la TVA. L'administration fiscale précise que les cocontractants auprès desquels elle a exercé son droit de communication pour obtenir les documents n'ont pas pour certains adressé les justificatifs réclamés. Cette absence de justificatifs a amené la rectification de la TVA collectée sur les montants facturés à hauteur de 35.515,83 euros en 2017, 46.254,17 euros en 2018 et 95.977,28 euros en 2019.

Cependant d'une part il ressort de la proposition de rectification fiscale en page 9 que Monsieur [N], sous couvert d'un courrier du 16.12.2020 adressé par Me [H] à l'administration fiscale a informé cette dernière que les pièces comptables avaient été saisies lors de la perquisition effectuée le 9.12.2020 par les services judiciaires.

D'autre part il ressort de la requête même du ministère public que dans le cadre de la procédure pénale l'ensemble des documents de l'entreprise a fait l'objet d'une saisie pénale.

En conséquence postérieurement à cette saisie, l'entreprise ne disposant plus des justificatifs concernant l'autoliquidation dans le cadre de la sous traitance ne pouvait produire ceux ci sans qu'il puisse être retenu que les rectifications de TVA opérés démontrent l'irrégularité de la comptabilité.

Par contre la rectification de TVA a également concerné la TVA déduite sur des dépenses engagées par l'entreprise qui ont été jugées par l'administration fiscale comme n'étant pas nécessaires à l'exploitation s'agissant de dépenses de restaurant en nombre très important (entre 250 et près de 300 factures de restaurant par an, sur trois ans, avec des montants pour certains très élevés), des montants de cadeaux aux clients dépassant les cadeaux d'usage, des achats répétés de matériel électronique en particulier chez Apple, des achats de produits de luxe.

La rectification de TVA opérée atteste de l'irrégularité de la comptabilité.

Le jugement de première instance en ce qu'il a retenu le grief d'une comptabilité irrégulière à l'égard des deux dirigeants est confirmé.

Sur l'utilisation de biens de la société à titre personnel

M. [N] fait valoir que l'enquête pénale et le contrôle fiscale ont démontré qu'il n'avait pas perçu de sommes d'argent ou d'avantages en nature. Il soutient que M. [U] a utilisé les comptes bancaires de la société et réalisé des versements à titre personnel.

M. [U] nie avoir utilisé les moyens de paiement ou actifs de la société pour son propre compte. Il indique que c'est M. [N] qui a donné ses codes à son assistante puis à son comptable, M. [O], pour réaliser les virements nécessaires. Il ajoute que M. [N] détenait à l'époque des faits 13 mandats et percevait un traitement mensuel d'un montant de 2.000 euros au sein de la SAS Concept Design auquel s'ajoute des notes de frais et des retraits d'espèces pour son compte. Il indique que la somme de 265.000 euros qu'il a perçu l'a été en application d'un accord transactionnel.

Le ministère public expose qu'il ressort de la proposition de rectification fiscale:

- que de nombreuses dépenses personnelles engagées par Monsieur [U], non justifiées par l'objet social et non nécessaires à l'exploitation ont été réglées par la société Design Concept,

- que le caractère de dépenses personnelles a été confirmé par Monsieur [N] qui a également indiqué dans son courrier du 6.02.2021 adressé à l'administration fiscale que les véhicules Mini Cooper et Porsche étaient loués par la société pour les besoins personnels de Monsieur [U],

- que Monsieur [U] a perçu au titre d'un accord transactionnel avec la société une somme de 285802,52 euros mais que cette somme n'a pas de cause juridique,

- que Monsieur [U] a perçu au cours de l'année 2019 la somme totale de 214.600 euros au titre d'avances ou d'avances sur prime,

- que le montant total des dépenses ayant exclusivement bénéficé à Monsieur [U] s'établit sur les trois années à 1.128.367 euros,

- qu'enfin la compagne de Monsieur [U] a été salariée de la société pour un emploi fictif et qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [U] a détourné les actifs de la société Concept Design.

Sur ce

Au terme de l'article L. 653-4 du Code de commerce, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale, contre lequel a été relevé l'un des faits ci-après :

1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

5° Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

Il ressort de la liste des dépenses de restaurant, d'achat chez Apple, d'achats divers de produits de luxe sur les trois années, telle que rappelée dans la proposition de rectification fiscale qu'il a été fait du crédit de l'entreprise un usage contraire à l'intérêt de celle ci.

En effet le nombre de factures de restaurant et les montants très élevés d'un grand nombre de ces repas dépassent l'usage d'inviter un client de façon ponctuelle à déjeuner. Le nombre d'achats auprès d'Apple démontre que ces achats étaient supérieurs aux besoins en informatique de la société. Le montant des cadeaux aux clients dépassent largement les seuils admis par l'administration fiscale (plus de 30.000 euros inscrits en comptabilité en 2017, près de 48.000 euros en 2018 et plus de 25.000 euros en 2019). Des achats divers apparaissent sans rapport avec l'activité de la société (achat appareil photo pour plus de 22.000 euros le 31.12.2017 dans l'intérêt de Monsieur [U] ainsi qu'indiqué dans l'écriture comptable).

Il ressort des déclarations de Monsieur [N] que ces dépenses ont bénéficié exclusivement à Monsieur [U] et celui ci ne rapporte aucun élément utile en sens contraire.

Les déclarations de Monsieur [N] sont en outre confirmées par plusieurs écritures comptables de remboursement de dépenses directement effectuées à Monsieur [U] dont l'intitulé indique que les dépenses sont relatives à des cadeaux clients, et des restaurants.

Par ailleurs il apparait dans les comptes de la société des remboursements de frais de mission pour des montants globalisés et importants pour le compte de Monsieur [U] sans détail de ceux ci: plus de 16500 euros en 2017 et sans qu'il puisse en conséquence être établi l'intérêt pour la société de ce remboursement.

Enfin il ressort de la proposition de rectification fiscale que Monsieur [U] a perçu de la société au cours de l'année 2017 une indemnisation pour un montant de 286.000 euros en exécution d'un protocole d'accord transactionnel conclu entre Monsieur [U] et la société Concept Design relatif au versement de commissions dues par la société à celui qui était alors, outre son associé à hauteur de 20%, son salarié en contrat à durée déterminée pendant un an.

Or ce protocole d'accord n'apparait pas avoir été signé dans l'intérêt de la société compte tenu de l'absence de communication d'un contrat de travail prévoyant une commission sur les affaires apportées, de la disproportion entre le salaire perçu pendant la durée du contrat, 10.000 euros brut par mois, et le montant de la commission transigé: 265.000 euros, de la disproportion entre la durée du contrat de travail, CDD d'un an, et le montant de la commission.

La signature de ce protocole et le versement de cette somme n'ont pas été effectués dans l'intérêt de la société, de telle sorte que le grief retenu à l'encontre de Monsieur [U] est de plus fort établi.

La décision de première instance est confirmée sans qu'il soit utile d'examiner les autres éléments de fait caractérisant ledit grief (location de véhicule et emploi fictif de Madame [J]).

Sur la proportionnalité des sanctions

M. [N] soutient qu'aucun grief n'est caractérisé, la comptabilité résultant des manœuvres de M. [U]. Il explique qu'il a 80 ans, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire, devant s'acquitter d'une caution d'un montant de 10.000 euros de manière échelonnée et qu'il souffre notamment d'un cancer de la prostate. Il précise qu'il ne détient plus de mandat social, en dehors des sociétés pour lesquelles l'interdiction de gérer a été écartée. Il demande l'infirmation de la sanction.

A titre subsidiaire, il sollicite la confirmation du jugement.

Le ministère public sollicite la confirmation de la décision en ce qu'elle a condamné M. [N] à une interdiction de gérer de 3 ans.

Il propose l'exclusion de la société AFG dont l'appelant est le dirigeant de droit observant que la communication de l'extrait Kbis de la société AFG et d'une attestation d'un expert-comptable certifient que la société en cause est à jour de ses déclarations fiscales et sociales.

Le ministère public relève que pour les sociétés G2 Logistique et VG Fret, M. [N] n'est pas dirigeant de droit et en conclut que l'exclusion desdites sociétés du périmètre de l'interdiction de gérer apparait sans objet.

Monsieur [U] ne développe pas d'argument sur la nature et la durée de la sanction prononcée.

Sur ce

Monsieur [N] gérant de droit, a accepté un mandat social en sachant qu'il n'exerçait pas celui ci, et n'a donc pas rempli les fonctions qui étaient les siennes trompant ainsi volontairement les tiers. La sanction prononcée en première instance apparait conforme à la nature et l'importance du grief retenu à son encontre.

Il convient d'exclure du périmètre de la sanction la société AFG et de dire n'y avoir lieu d'exclure les deux autres sociétés dont Monsieur [N] n'est pas dirigeant de droit.

Il a été retenu à l'encontre de Monsieur [U] deux griefs outre le fait qu'il a organisé la gestion de la société de façon à ne pas apparaitre comme le responsable de celle ci et ce pour échapper aux éventuelles poursuites. Au regard de l'importance des griefs retenus la sanction prononcée est confirmée.

Sur les dépens

Les appelants sont condamnés aux dépens de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 13.12.2022 sauf en ce qu'il a exclu du périmètre de la sanction prononcée à l'encontre de Monsieur [N] les sociétés G2 Logistique et VG Fret,

Et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu d'exclure du périmètre de la sanction prononcée à l'encontre de Monsieur [N] les sociétés G2 Logistique et VG Fret,

Condamne Monsieur [N] et Monsieur [U] aux dépens de l'instance d'appel.

Le Greffier La Présidente