Décisions
CA Montpellier, ch. com., 30 janvier 2024, n° 22/01617
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 30 JANVIER 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01617 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLOU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 FEVRIER 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2021 000292
APPELANTS :
Monsieur [G] [O] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé de la SARL TRATTORIA
né le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 13] (34)
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 6]
Représenté par Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS
Monsieur [F] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé de la SARL TRATTORIA
né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMES :
Monsieur [J] [M]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 7]
Assigné à personne le 25 mai 2022
Monsieur [P] [T]
né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représenté par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS
S.A.R.L. [14] prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 9]
[Localité 8]
Assignée à personne habilitée le 25 mai 2022
Ordonnance de clôture du 16 Novembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 DECEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSE DU LITIGE
La S.A.R.L "[14]" au capital de 8 000 euros, a pour objet social l'exploitation d'une brasserie dans la galerie commerciale Auchan à [Localité 8].
Le capital de la société [14] est réparti comme suit :
- M. [P] [T] possède 200 parts,
- M. [G] [O] possède 200 parts,
- M. [F] [S] possède 200 parts,
- M. [J] [M] possède 200 parts.
Son gérant est M. [M].
Un conflit est apparu entre M. [T] et les autres associés de la société.
À la demande de M. [T], le président du tribunal de commerce de Béziers a ordonné le 28 mai 2018 une expertise de gestion des comptes de la société et a désigné Mme [U] [I] en qualité d'expert.
Celle-ci a déposé son rapport le 4 août 2020.
Il ressort du rapport d'expertise de la société [14] que :
- des prestations ont été payées à la S.A.R.L IBC, soit 11 004 euros,
- des sommes ont été versées à M. [S] sur la base d'un contrat de sponsoring, soit 19 000 euros,
- des sommes ont été payées sous la forme de déplacement à M. [M], soit 11 000 euros.
Par exploits d'huissier en date des 2 et 4 février 2021, M. [T] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Béziers d'une part la société [14] et M. [O], et d'autre part M. [M] et M. [S].
Le tribunal de commerce de Béziers, par jugement contradictoire du 28 février 2022 :
- s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers pour toute demande concernant M. [S],
- s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers pour toute demande concernant M. [O],
- dit que l'action à l'encontre de M. [M] n'est pas prescrite au visa de l'article 1223-23 du code de commerce,
- donné acte à M. [M] du remboursement à la société [14], de la somme de 11 000 euros relative à des frais de déplacements fictifs,
- condamné M. [M] au paiement de la somme de 19 000 euros au titre de la faute de gestion en la forme d'une rémunération déguisée du chef de frais de sponsoring injustifiés outre intérêts à compter de la désignation de l'expert,
- condamné M. [M] au paiement de la somme de 11 004 euros au titre de la faute de gestion constitutive du paiement de prestations fictives payées à la SARL Ibc outre les intérêts au taux légal à compter de la désignation de l'expert,
- condamné M. [M] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile,
- condamné M. [M] aux entiers dépens de l'instance,
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées.
Par déclaration du 23 mars 2022, M. [O] et M. [S] ont relevé appel de ce jugement.
Dans leurs conclusions en date du 23 juin 2022, ils demandent à la cour au visa des articles L721-3, L223-22 du code de commerce, et 1240, 1382 du code civil, de :
In limine litis,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande visant à obtenir la nullité du rapport d'expertise produit ou à défaut une contre-expertise ou un nécessaire complément d'expertise,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de déclarer l'irrecevabilité de l'action sociale ut singuli de M. [T] à l'encontre de M. [S] et M. [O] malgré la tentative de dernière minute de changement de fondement juridique,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande liée à la prescription de l'action sociale ut singuli,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a qualifié de prestations fictives et de faute de gestion les prestations correspondants aux conventions de la société Ibc et de M. [S],
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de voir condamner M. [T] à leur verser une indemnité au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
Se faisant, la cour déboutera M. [T] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et condamnera ce dernier à verser 3000 euros à chacun des appelants au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, si le jugement dont appel devait être confirmé sur les prestations reprochées, la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de M. [M] et condamnera ce dernier à rembourser à la société [14] l'ensemble des sommes versées à la société Ibc sur la période retenue.
Au soutien de leur appel, ils font valoir pour l'essentiel que :
- Le rapport d'expertise judiciaire est nul dans la mesure où la mission confiée à l'expert sur le fondement de l'article L.223-37 du code de commerce est générale ;
- En outre, l'expert judiciaire a fait preuve de partialité et n'a pas réalisé sa mission dans les règles de l'Art (elle n'a rencontré les parties qu'une seule fois, ne s'est pas déplacée dans les locaux', et a ainsi été défaillante dans l'exercice de sa mission) ;
- Il sera en conséquence ordonné une mesure de contre-expertise ;
- L'action ut singuli de M. [T] est irrecevable à leur encontre puisqu'elle est réservée aux seuls dirigeants de droit par application de l'article L.223-23 du code de commerce, ce qu'ils ne sont pas ;
- L'action engagée par M. [T] est bien une action ut singuli, puisque le préjudice invoqué est bien celui de la société [14], que les demandes de condamnation le sont au profit de la société et non pas de M. [T] qui n'a subi aucun préjudice direct, et que la faute invoquée est bien celle d'une faute de gestion de la société ;
- Or, MM. [O] et [S] sont uniquement dirigeants de fait ;
- En outre, l'action engagée par M. [T] est irrecevable puisque prescrite par application des dispositions de l'article L.223-23 du code de commerce ;
- Or, au point de départ du délai de prescription court à compter du jour où le demandeur a eu connaissance des faits, ceux-ci se déroulant entre 2012 et 2016, et non pas à compter du dépôt du rapport d'expertise ;
- En sa qualité d'associé de la société [14], M. [T] a été convoqué à l'assemblée générale de la société au mois de mai 2016 et il a eu communication des documents notamment comptables de celle-ci, pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 dont la gérance sollicitait l'approbation ;
- Toutes les liasses fiscales de la société avaient bien été transmises à M. [T] par le comptable ;
- Les prestations correspondant aux conventions de sponsoring et de services ayant donné lieu à condamnation ne sont nullement fictives, ayant au demeurant été approuvées par l'assemblée générale de la société ;
- MM. [O] et [S] ne sont nullement des dirigeants de fait, n'étant jamais présents dans l'établissement et n'ayant signé aucun document pour le compte de la société.
Dans leurs dernières conclusions en date du 15 novembre 2023, MM. [O] et [S] demandent à la cour au visa des articles L721-3, L223-22 du code de commerce, et 1240, 1382 du code civil, de :
In limine litis,
- la cour confirmera le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes à l'encontre de M. [S] et M. [O],
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande visant à obtenir la nullité du rapport d'expertise produit ou à défaut une contre-expertise ou un nécessaire complément d'expertise,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de déclarer l'irrecevabilité de l'action sociale ut singuli de M. [T] à l'encontre de M. [S] et M. [O] malgré la tentative de dernière minute de changement de fondement juridique,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande liée à la prescription de l'action sociale ut singuli,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a qualifié de prestations fictives et de faute de gestion les prestations correspondants aux conventions de la société Ibc et de M. [S],
- la cour constera l'absence d'éléments permettant de qualifier M. [S] et M. [O] de gérants de fait, et se faisant :
- la cour déboutera M. [T] de son appel incident visant à engager la responsabilité de M. [S] et M. [O],
- la cour r2formera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de voir condamner M. [T] à leur verser une indemnité au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
Se faisant, la cour déboutera M. [T] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et condamnera ce dernier à verser 3000 euros à chacun des appelants au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, si le jugement dont appel devait être confirmé sur les prestations reprochées, la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de M. [M] et condamnera ce dernier à rembourser à la société [14] l'ensemble des sommes versées à la société Ibc sur la période retenue.
Dans ses dernières conclusions en date du 26 avril 2023, M. [T] demande à la cour au visa de l'article 1240 du code civil, de /
- Dire et juger que le tribunal de commerce était compétent pour statuer sur les demandes contre les associés s'étant comportés comme des gérants de fait,
En conséquence,
- Condamner M. [S] [F] ès qualités de gérant de fait de la société [14] à payer à la société [14] la somme de 19 000 euros au titre de la faute de gestion constitutive de surcroît d'un abus de bien social et d'une rémunération déguisée du chef de frais de sponsoring injustifiés versés à son père M. [S] [Z] outre intérêts à compter de la désignation de l'expert,
- Condamner M. [O] ès qualités de gérant de fait de la société [14] à payer à la société [14] la somme de 11 004 euros au titre de la faute de gestion constitutive surabondamment au plan pénal d'un de l'abus de bien social du chef de prestations fictives payées à la société IBC outre intérêts au taux légal à compter de la désignation de l'expert judiciaire au terme de l'ordonnance de référé du 28 mai 2018,
Y ajoutant :
- Condamner les requis solidairement au paiement la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris le coût de l'expertise.
Il soutient essentiellement que :
- La mission de l'expert judiciaire qui a été retenue par le tribunal n'est nullement trop large et le rapport n'encourt de ce fait aucun motif de nullité ;
- Les appelants ont délibérément entravé la réalisation des opérations d'expertise, et de manière générale l'expert a parfaitement réalisé sa mission dans les règles de l'Art ;
- Ni le gérant M. [M], ni M. [O] ne se sont présentés aux opérations d'expertise ;
- Selon les dispositions de l'article L.223-22 et suivants du code de commerce, l'action ut singuli a pour objet d'obtenir la réparation de l'entier préjudice que les dirigeants ont causé à la société et à laquelle, le cas échéant, des dommages intérêts sont alloués, ce qui est parfaitement le cas en l'espèce s'agissant de sommes qui ont été versées par la société [14] sans aucune justification;
- Or, les associés se sont comportés en gérants de fait et ont donc commis une faute qui a causé un préjudice à la société, de sorte qu'il est parfaitement en droit d'exercer l'action ut singuli ;
- En outre, un dirigeant de fait est également responsable de ses agissements sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, désormais 1240 et 1241 du même code, de sorte que ses demandes à leur encontre sont parfaitement recevables ;
- En outre, son action engagée contre les appelants ne l'a pas été sur le fondement de l'action ut singuli, mais sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun et celle-ci bénéficie d'un délai de prescription de cinq ans, de sorte que son action n'est nullement prescrite ;
- Or, les agissements des associés ont été dissimulés et n'ont été révélés que par l'expertise judiciaire ;
- Le tribunal de commerce était parfaitement compétent pour connaître des demandes formées à l'encontre de MM. [O] et [S], qui sont dirigeants de fait de la société ;
- M. [S] s'est effectivement immiscé dans la gestion de la société au bénéfice de son père, se comportant ainsi comme dirigeant de fait ; il en est de même s'agissant de M. [O] ;
- le rapport d'expertise a révélé que des prestations fictives au préjudice de la société [14] avait été facturées au bénéfice de la famille [O] via une S.A.R.L IBC entre 2013 et 2017 ; l'expert a constaté la fausseté des factures pour un montant total de 11 004 euros ;
- M. [M], gérant de droit de la société, a consenti à payer à la société IBC des prestations fictives au bénéfice de cette dernière pour un montant de 11 004 euros, avec la complicité de M. [O], gérant de fait ;
- M. [M] sera condamné à payer à M. [T] cette somme, ainsi que celle de 11 000 euros non justifiée correspondant à des paiements effectués entre 2012 et 2016 ;
- Par ailleurs, les sommes versées à M. [S] au titre du contrat de sponsoring ne sont nullement justifiées puisqu'elles ne correspondent à aucune contrepartie pour la société ;
- Ces sommes correspondent un montant global de 19 000 euros que le gérant de droit et M. [S] seront condamnés à payer à la société [14].
L'ordonnance de clôture est datée du 16 novembre 2023.
Par conclusions post-clôture du 17 novembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
- Constater le caractère tardif de la communication des conclusions n°2 et pièces n°13 et 14 effectuée le 15 novembre 2023 à la requête de M. [S] et de M. [O],
- Rejeter des débats les conclusions n°2 et pièces n°13 et 14 effectuée le 15 novembre 2023 à la requête de M. [S] et M. [O].
Par conclusions post-clôture du 7 décembre 2023, MM. [O] et [S] demandent à la cour de :
- Débouter M. [T] de sa demande de rejet des écritures et pièces des appelants transmises le 15 novembre par courriel officiel et RPVA.
A titre subsidiaire :
- Prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture,
- Prononcer la réouverture des débats et la fixation de l'affaire en audience ultérieure.
La société [14] n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu. La déclaration d'appel lui a été signifiée à sa personne morale le 25 mai 2022.
M. [M] n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu. La déclaration d'appel lui a été signifiée à sa personne le 25 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rejet des conclusions signifiées par l'appelant la veille de la clôture des débats
L'article 15 du code de procédure civile enjoint aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, MM. [O] et [S] ont fait signifier le 15 novembre 2023, soit la veille de la clôture de la procédure, de nouvelles conclusions comprenant des demandes nouvelles, outre deux pièces nouvelles, certes connues des intimés pour être des conclusions de première instance.
Cependant, il convient de constater que les intimés n'ont pas disposé du temps utile pour pouvoir répondre aux demandes nouvelles contenues dans ces conclusions in extremis, de sorte que celles-ci seront écartées des débats, et que les dernières conclusions des appelants prises en compte seront celles signifiées le 23 juin 2022.
Sur la nullité du rapport d'expertise
En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il résulte du dispositif de l'ordonnance de référé du 28 mai 2018 que l'expertise n'a nullement porté sur l'ensemble de la comptabilité de la société [14], mais précisément sur le point de savoir si certaines dépenses spécifiques avaient été effectuées dans l'intérêt social de la société ou non, et s'il avait été fait ou non un usage abusif de biens ou de crédit de la société, ainsi que de révéler le cas échéant les éventuelles anomalies résultant de l'examen de la comptabilité.
En second lieu, les appelants arguent des carences de l'expert judiciaire dans l'absence de convocation multiples des parties, dans sa défaillance relative à l'examen des pièces communiquées, ainsi que de sa partialité.
Toutefois, il appert de la lecture du rapport d'expertise, que si une seule réunion d'expertise a eu lieu le 14 septembre 2018, l'experte judiciaire a adressé aux parties au cours des opérations d'expertise de nombreuses demandes de communication de pièces, qui n'ont été que partiellement satisfaites, et que MM. [O] et [S] lui ont adressé par l'intermédiaire de leur conseil de nombreux dires auxquels elle a répondu.
L'experte judiciaire a en outre relevé que le conseil des appelants ne lui communiquait pas certaines pièces importantes sollicitées (telles la comptabilité de la société pour certaines années), mais lui communiquait parfois un ensemble de pièces non classées et difficilement identifiables, concernant parfois les autres sociétés dans lesquelles étaient associées les parties.
Il ne saurait par ailleurs pouvoir être reproché à l'experte de ne pas s'être déplacée dans les locaux de la société [14] ou dans ceux de la société IBC, son expertise portant uniquement sur l'analyse de pièces.
En dernier lieu, si l'experte a constaté que certains documents semblaient présenter des incohérences, notamment d'ordre chronologique, ces constats ne sauraient toutefois être caractérisés de manquement à l'impartialité.
La demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire sera en conséquence rejetée et partant celle également de contre-expertise.
Sur les demandes de M. [T] formé à l'encontre de M. [M]
Aux termes de son rapport judiciaire, fruit d'un travail sérieux, précis et circonstancié, l'experte a conclu (pp.35-36) que malgré plusieurs demandes, plusieurs pièces justificatives n'ont jamais été fournies par le gérant de la société [14], lequel a en revanche communiqué de très nombreuses pièces non classées et non exploitables puisqu'elle indique n'avoir pas été en mesure de pouvoir identifier ni les bénéficiaires, ni l'objet précis de certaines prestations litigieuses comme déjà retenu supra.
L'experte a également relevé que le gérant n'avait pas répondu aux questions précises posées par le pré-rapport.
Elle a en outre constaté le manque de rigueur dans la tenue de la comptabilité de la société et la justification des comptes, et a retenu exactement que certains frais n'étaient pas justifiés :
- S.A.R.L IBC : 11 004 euros,
- M. [Z] [S], sponsoring : 19 000 euros,
- M. [J] [M] : 5 000 euros,
- Non identifiés (frais de déplacement) : 6 000 euros.
Le tribunal de commerce a donné acte à M. [J] [M] du remboursement à la société [14] de la somme de 11 000 euros relative à des frais de déplacements fictifs, et cette disposition n'est nullement critiquée aux termes de l'appel principal et de l'appel incident.
Le litige soumis à la cour porte donc sur les sommes de 11 004 euros et de 19 000 euros.
En premier lieu, M. [T] exerce en sa qualité d'associé l'action ut singuli prévue à l'article L.223-22 du code de commerce à l'encontre du dirigeant de droit, M. [M], de sorte que la cour ne peut que constater que celle-ci est parfaitement recevable compte tenu de la qualité de gérant de la société de ce dernier.
En second lieu, l'article L.223-22 précité dispose que les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par les parties qu'une assemblée générale de la société [14] a été convoquée le 20 février 2017 aux fins d'approbation des comptes 2012 à 2015.
Cette convocation a fait suite à deux tentatives de convocation en 2016 qui n'ont en définitive donné lieu à aucune assemblée générale compte tenu notamment du conflit existant entre les associés de la société et de l'absence de production des pièces sollicitées par M. [T] selon lui.
L'assemblée générale du 20 février 2017 a notamment approuvé les comptes et les rapports de la gérance au titre de deux conventions :
- Convention d'assistance administrative et commerciale de la société IBC dans laquelle M. [G] [O] est intéressé pour 4 000 euros HT par an ;
- Prestations de suivi comptable et financier de la société IBC dans laquelle M. [G] [O] est intéressé pour 6 000 euros HT par an.
Cependant, il convient de constater que d'une part M. [T] a voté contre la résolution relative à l'approbation des comptes annuels, et d'autre part qu'il n'est pas rapporté la preuve par les appelants que ce dernier aurait effectivement eu connaissance, en 2016 comme ils le prétendent, à la fois de l'intégralité des conventions litigieuses sur l'ensemble de la période 2012 à 2015, mais aussi et surtout des pièces justificatives correspondant à la réalité des prestations faisant l'objet des conventions litigieuses de sponsoring et d'assistance comptable et financière (lesquelles en définitives n'ont jamais été produites même au cours des opérations d'expertise judiciaire).
En outre, eu égard au conflit existant entre les différents associés de la société [14], M. [T] a sollicité et obtenu par une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Béziers le 17 février 2017, l'autorisation pour un huissier de justice de se rendre et d'assister à l'assemblée générale de la société [14] du 20 février 2017.
Or, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 20 février 2017, établi par Maître [C], huissier de justice à [Localité 8], que les questions posées par M. [T] relatives à diverses dépenses effectuées par la société [14] et faisant l'objet du présent litige n'ont pas trouvé de réponse.
Il en résulte ainsi que ce n'est que par le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 4 août 2020 que M. [T] a eu connaissance des dépenses qu'il a considérées être injustifiées et qui ont fondées son action.
Ses assignations sont en date des 2 et 4 février 2021, de sorte que son action n'est pas prescrite.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Par ailleurs, l'experte judiciaire a constaté, s'agissant des conventions IBC, que toutes les conventions pour la période 2012 à 2015 n'avaient pas été produites, que les montants des sommes mentionnées dans les conventions n'étaient pas reportés dans la comptabilité de la société [14], que toutes les factures de la société IBC n'étaient pas produites, conduisant l'experte à conclure notamment que « l'analyse des prestations listées par le conseil du gérant pas plus que celles des copies de mails ne nous ont permis d'être convaincues de l'étendue des travaux réalisés et de leur juste rémunération » (p. 19).
En outre, s'agissant des sommes versées à M. [Z] [S] au titre d'un contrat de sponsoring, l'experte a justement constaté que le soutien financier prenait la forme d'une prise en charge de frais de déplacement forfaitaire, mais que la contrepartie n'était pas définie par le contrat en termes de marketing ou de publicité.
Elle a également constaté que les dires et les pièces communiquées par la société [14] n'avaient pas permis d'apporter un caractère probant sur la réalité de la contrepartie en termes de prestations de marketing et de publicité réalisées par M. [S] ainsi que sur leur juste rémunération (p.34).
Elle a ainsi observé au regard des pièces produites par la société [14] au cours de l'expertise (des articles de presse ainsi que certains bilans sportifs), lesquelles sont également présentes dans le dossier des appelants devant la cour, que M. [S] ne portait ni vêtement ni sac ni aucun objet à l'enseigne de la société [14].
Devant la cour, MM. [S] et [O] ne produisent aucune pièce leur permettant de combattre utilement les constatations de l'experte ou dont cette dernière n'aurait pas tenu compte aux fins d'établissement de ses conclusions.
Par ailleurs, la seule approbation postérieure, soit en date du 24 septembre 2018, par une assemblée générale des actionnaires de la société [14], des conventions litigieuses ne sauraient non plus combattre utilement les constatations pertinentes issues du rapport d'expertise judiciaire démontrant l'absence de justification des sommes réglées par la société au titre de ces mêmes conventions, comme le soutiennent également à tort les appelants.
En conséquence, la décision critiquée sera confirmée en ses condamnations prononcées à l'encontre de M. [M].
De surcroît, les appelants seront déboutés de leur demande subsidiaire tendant à ce que M. [M] soit condamné à rembourser à la société [14] l'ensemble des sommes versées par cette dernière à la société IBC sur la période retenue, ne justifiant dans leurs écritures ni du fondement juridique ni du montant de cette demande.
Sur les demandes formées par M. [T] à l'encontre de MM. [S] et [O]
Au préalable, le jugement dont appel ne peut être que réformé en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers s'agissant des demandes concernant MM. [S] et [O], au motif erroné selon lequel ces derniers n'étant pas gérants de fait, les demandes formées à leur encontre échapperaient à la compétence de la juridiction consulaire.
Il doit être rappelé que cette dernière est compétente pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, incluant celles formées à l'encontre des associés de ces dernières, et ce par application des dispositions de l'article 721-3,2° du code de commerce.
Ensuite, il doit être également précisé que l'action ut singuli ne concerne que les agissements commis dans leur gestion par les gérants de droit, et ne concerne pas la gestion des gérants de fait.
M. [T] fonde en conséquence ses demandes à l'égard de MM. [S] et [O] sur les dispositions de l'article 1389 ancien du code civil devenu l'article 1240, et il doit donc démontrer que MM. [S] et [O] ont été gérants de fait pour ce qui concerne l'engagement des sommes pour lesquelles il sollicite leur condamnation.
La cour relève au préalable que les appelants ne soulèvent pas la prescription de l'action formée à leur encontre par M. [T], qui pourtant en discute, fondée sur la responsabilité délictuelle de droit commun qui est soumise à un délai quinquennal nullement atteint à compter de la date de la révélation des faits.
Par ailleurs, il ne résulte ni du rapport d'expertise judiciaire, ni d'aucune autre pièce produite aux débats par M. [T], la démonstration d'aucun acte positif de la part de MM. [S] et [O] consistant en une immixtion dans l'administration, la gestion ou la direction de la société, et dont il ne rapporte pas non plus la preuve comme il le soutient par la seule circonstance que les sommes litigieuses versées l'ont été au titre du contrat IBC au bénéfice d'une société appartenant à la famille [O], et celles versées au titre du contrat de sponsoring l'ont été au père de M. [F] [S].
M. [T] qui ne démontre ainsi pas que MM. [S] et [O] auraient été gérants de fait sera en conséquence débouté de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de ces derniers.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
MM. [S] et [O] qui succombent dans leurs demandes en cause d'appel seront condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [T] ensemble la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
Ecarte des débats les conclusions signifiées par MM. [O] et [S] le 15 novembre 2023 et dit que les conclusions des appelants prises en compte sont celles qui ont été signifiées le 23 juin 2022,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers pour toute demande concernant MM. [S] et [O],
Statuant à nouveau,
Dit que le tribunal de commerce de Béziers est compétent pour statuer sur les demandes formées par M. [P] [T] à l'encontre de MM. [S] et [O],
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute M. [P] [T] de son appel incident,
Déboute MM. [F] [S] et [G] [O] de leur demande subsidiaire,
Condamne MM. [F] [S] et [G] [O] aux dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à M. [P] [T] ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 30 JANVIER 2024
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/01617 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PLOU
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 28 FEVRIER 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEZIERS
N° RG 2021 000292
APPELANTS :
Monsieur [G] [O] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé de la SARL TRATTORIA
né le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 13] (34)
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Localité 6]
Représenté par Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS
Monsieur [F] [S] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'associé de la SARL TRATTORIA
né le [Date naissance 2] 1983 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Gérald ENSENAT, avocat au barreau de BEZIERS
INTIMES :
Monsieur [J] [M]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 10]
[Localité 7]
Assigné à personne le 25 mai 2022
Monsieur [P] [T]
né le [Date naissance 5] 1958 à [Localité 8] (34)
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représenté par Me Pauline AQUILA, avocat au barreau de BEZIERS substituant Me Yannick CAMBON de la SELARL ELEOM BEZIERS-SETE, avocat au barreau de BEZIERS
S.A.R.L. [14] prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 9]
[Localité 8]
Assignée à personne habilitée le 25 mai 2022
Ordonnance de clôture du 16 Novembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 DECEMBRE 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
- Réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSE DU LITIGE
La S.A.R.L "[14]" au capital de 8 000 euros, a pour objet social l'exploitation d'une brasserie dans la galerie commerciale Auchan à [Localité 8].
Le capital de la société [14] est réparti comme suit :
- M. [P] [T] possède 200 parts,
- M. [G] [O] possède 200 parts,
- M. [F] [S] possède 200 parts,
- M. [J] [M] possède 200 parts.
Son gérant est M. [M].
Un conflit est apparu entre M. [T] et les autres associés de la société.
À la demande de M. [T], le président du tribunal de commerce de Béziers a ordonné le 28 mai 2018 une expertise de gestion des comptes de la société et a désigné Mme [U] [I] en qualité d'expert.
Celle-ci a déposé son rapport le 4 août 2020.
Il ressort du rapport d'expertise de la société [14] que :
- des prestations ont été payées à la S.A.R.L IBC, soit 11 004 euros,
- des sommes ont été versées à M. [S] sur la base d'un contrat de sponsoring, soit 19 000 euros,
- des sommes ont été payées sous la forme de déplacement à M. [M], soit 11 000 euros.
Par exploits d'huissier en date des 2 et 4 février 2021, M. [T] a fait assigner devant le tribunal de commerce de Béziers d'une part la société [14] et M. [O], et d'autre part M. [M] et M. [S].
Le tribunal de commerce de Béziers, par jugement contradictoire du 28 février 2022 :
- s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers pour toute demande concernant M. [S],
- s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers pour toute demande concernant M. [O],
- dit que l'action à l'encontre de M. [M] n'est pas prescrite au visa de l'article 1223-23 du code de commerce,
- donné acte à M. [M] du remboursement à la société [14], de la somme de 11 000 euros relative à des frais de déplacements fictifs,
- condamné M. [M] au paiement de la somme de 19 000 euros au titre de la faute de gestion en la forme d'une rémunération déguisée du chef de frais de sponsoring injustifiés outre intérêts à compter de la désignation de l'expert,
- condamné M. [M] au paiement de la somme de 11 004 euros au titre de la faute de gestion constitutive du paiement de prestations fictives payées à la SARL Ibc outre les intérêts au taux légal à compter de la désignation de l'expert,
- condamné M. [M] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile,
- condamné M. [M] aux entiers dépens de l'instance,
- rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires tenues pour injustes ou mal fondées.
Par déclaration du 23 mars 2022, M. [O] et M. [S] ont relevé appel de ce jugement.
Dans leurs conclusions en date du 23 juin 2022, ils demandent à la cour au visa des articles L721-3, L223-22 du code de commerce, et 1240, 1382 du code civil, de :
In limine litis,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande visant à obtenir la nullité du rapport d'expertise produit ou à défaut une contre-expertise ou un nécessaire complément d'expertise,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de déclarer l'irrecevabilité de l'action sociale ut singuli de M. [T] à l'encontre de M. [S] et M. [O] malgré la tentative de dernière minute de changement de fondement juridique,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande liée à la prescription de l'action sociale ut singuli,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a qualifié de prestations fictives et de faute de gestion les prestations correspondants aux conventions de la société Ibc et de M. [S],
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de voir condamner M. [T] à leur verser une indemnité au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
Se faisant, la cour déboutera M. [T] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et condamnera ce dernier à verser 3000 euros à chacun des appelants au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, si le jugement dont appel devait être confirmé sur les prestations reprochées, la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de M. [M] et condamnera ce dernier à rembourser à la société [14] l'ensemble des sommes versées à la société Ibc sur la période retenue.
Au soutien de leur appel, ils font valoir pour l'essentiel que :
- Le rapport d'expertise judiciaire est nul dans la mesure où la mission confiée à l'expert sur le fondement de l'article L.223-37 du code de commerce est générale ;
- En outre, l'expert judiciaire a fait preuve de partialité et n'a pas réalisé sa mission dans les règles de l'Art (elle n'a rencontré les parties qu'une seule fois, ne s'est pas déplacée dans les locaux', et a ainsi été défaillante dans l'exercice de sa mission) ;
- Il sera en conséquence ordonné une mesure de contre-expertise ;
- L'action ut singuli de M. [T] est irrecevable à leur encontre puisqu'elle est réservée aux seuls dirigeants de droit par application de l'article L.223-23 du code de commerce, ce qu'ils ne sont pas ;
- L'action engagée par M. [T] est bien une action ut singuli, puisque le préjudice invoqué est bien celui de la société [14], que les demandes de condamnation le sont au profit de la société et non pas de M. [T] qui n'a subi aucun préjudice direct, et que la faute invoquée est bien celle d'une faute de gestion de la société ;
- Or, MM. [O] et [S] sont uniquement dirigeants de fait ;
- En outre, l'action engagée par M. [T] est irrecevable puisque prescrite par application des dispositions de l'article L.223-23 du code de commerce ;
- Or, au point de départ du délai de prescription court à compter du jour où le demandeur a eu connaissance des faits, ceux-ci se déroulant entre 2012 et 2016, et non pas à compter du dépôt du rapport d'expertise ;
- En sa qualité d'associé de la société [14], M. [T] a été convoqué à l'assemblée générale de la société au mois de mai 2016 et il a eu communication des documents notamment comptables de celle-ci, pour les années 2012, 2013, 2014 et 2015 dont la gérance sollicitait l'approbation ;
- Toutes les liasses fiscales de la société avaient bien été transmises à M. [T] par le comptable ;
- Les prestations correspondant aux conventions de sponsoring et de services ayant donné lieu à condamnation ne sont nullement fictives, ayant au demeurant été approuvées par l'assemblée générale de la société ;
- MM. [O] et [S] ne sont nullement des dirigeants de fait, n'étant jamais présents dans l'établissement et n'ayant signé aucun document pour le compte de la société.
Dans leurs dernières conclusions en date du 15 novembre 2023, MM. [O] et [S] demandent à la cour au visa des articles L721-3, L223-22 du code de commerce, et 1240, 1382 du code civil, de :
In limine litis,
- la cour confirmera le jugement dont appel en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes à l'encontre de M. [S] et M. [O],
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande visant à obtenir la nullité du rapport d'expertise produit ou à défaut une contre-expertise ou un nécessaire complément d'expertise,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de déclarer l'irrecevabilité de l'action sociale ut singuli de M. [T] à l'encontre de M. [S] et M. [O] malgré la tentative de dernière minute de changement de fondement juridique,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande liée à la prescription de l'action sociale ut singuli,
- la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a qualifié de prestations fictives et de faute de gestion les prestations correspondants aux conventions de la société Ibc et de M. [S],
- la cour constera l'absence d'éléments permettant de qualifier M. [S] et M. [O] de gérants de fait, et se faisant :
- la cour déboutera M. [T] de son appel incident visant à engager la responsabilité de M. [S] et M. [O],
- la cour r2formera le jugement dont appel en ce qu'il a débouté les appelants de leur demande de voir condamner M. [T] à leur verser une indemnité au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
Se faisant, la cour déboutera M. [T] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions et condamnera ce dernier à verser 3000 euros à chacun des appelants au titre de l'art 700 du code de procédure civile,
à titre subsidiaire, si le jugement dont appel devait être confirmé sur les prestations reprochées, la cour réformera le jugement dont appel en ce qu'il a limité le montant de la condamnation de M. [M] et condamnera ce dernier à rembourser à la société [14] l'ensemble des sommes versées à la société Ibc sur la période retenue.
Dans ses dernières conclusions en date du 26 avril 2023, M. [T] demande à la cour au visa de l'article 1240 du code civil, de /
- Dire et juger que le tribunal de commerce était compétent pour statuer sur les demandes contre les associés s'étant comportés comme des gérants de fait,
En conséquence,
- Condamner M. [S] [F] ès qualités de gérant de fait de la société [14] à payer à la société [14] la somme de 19 000 euros au titre de la faute de gestion constitutive de surcroît d'un abus de bien social et d'une rémunération déguisée du chef de frais de sponsoring injustifiés versés à son père M. [S] [Z] outre intérêts à compter de la désignation de l'expert,
- Condamner M. [O] ès qualités de gérant de fait de la société [14] à payer à la société [14] la somme de 11 004 euros au titre de la faute de gestion constitutive surabondamment au plan pénal d'un de l'abus de bien social du chef de prestations fictives payées à la société IBC outre intérêts au taux légal à compter de la désignation de l'expert judiciaire au terme de l'ordonnance de référé du 28 mai 2018,
Y ajoutant :
- Condamner les requis solidairement au paiement la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens y compris le coût de l'expertise.
Il soutient essentiellement que :
- La mission de l'expert judiciaire qui a été retenue par le tribunal n'est nullement trop large et le rapport n'encourt de ce fait aucun motif de nullité ;
- Les appelants ont délibérément entravé la réalisation des opérations d'expertise, et de manière générale l'expert a parfaitement réalisé sa mission dans les règles de l'Art ;
- Ni le gérant M. [M], ni M. [O] ne se sont présentés aux opérations d'expertise ;
- Selon les dispositions de l'article L.223-22 et suivants du code de commerce, l'action ut singuli a pour objet d'obtenir la réparation de l'entier préjudice que les dirigeants ont causé à la société et à laquelle, le cas échéant, des dommages intérêts sont alloués, ce qui est parfaitement le cas en l'espèce s'agissant de sommes qui ont été versées par la société [14] sans aucune justification;
- Or, les associés se sont comportés en gérants de fait et ont donc commis une faute qui a causé un préjudice à la société, de sorte qu'il est parfaitement en droit d'exercer l'action ut singuli ;
- En outre, un dirigeant de fait est également responsable de ses agissements sur le fondement des dispositions des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, désormais 1240 et 1241 du même code, de sorte que ses demandes à leur encontre sont parfaitement recevables ;
- En outre, son action engagée contre les appelants ne l'a pas été sur le fondement de l'action ut singuli, mais sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun et celle-ci bénéficie d'un délai de prescription de cinq ans, de sorte que son action n'est nullement prescrite ;
- Or, les agissements des associés ont été dissimulés et n'ont été révélés que par l'expertise judiciaire ;
- Le tribunal de commerce était parfaitement compétent pour connaître des demandes formées à l'encontre de MM. [O] et [S], qui sont dirigeants de fait de la société ;
- M. [S] s'est effectivement immiscé dans la gestion de la société au bénéfice de son père, se comportant ainsi comme dirigeant de fait ; il en est de même s'agissant de M. [O] ;
- le rapport d'expertise a révélé que des prestations fictives au préjudice de la société [14] avait été facturées au bénéfice de la famille [O] via une S.A.R.L IBC entre 2013 et 2017 ; l'expert a constaté la fausseté des factures pour un montant total de 11 004 euros ;
- M. [M], gérant de droit de la société, a consenti à payer à la société IBC des prestations fictives au bénéfice de cette dernière pour un montant de 11 004 euros, avec la complicité de M. [O], gérant de fait ;
- M. [M] sera condamné à payer à M. [T] cette somme, ainsi que celle de 11 000 euros non justifiée correspondant à des paiements effectués entre 2012 et 2016 ;
- Par ailleurs, les sommes versées à M. [S] au titre du contrat de sponsoring ne sont nullement justifiées puisqu'elles ne correspondent à aucune contrepartie pour la société ;
- Ces sommes correspondent un montant global de 19 000 euros que le gérant de droit et M. [S] seront condamnés à payer à la société [14].
L'ordonnance de clôture est datée du 16 novembre 2023.
Par conclusions post-clôture du 17 novembre 2023, M. [T] demande à la cour de :
- Constater le caractère tardif de la communication des conclusions n°2 et pièces n°13 et 14 effectuée le 15 novembre 2023 à la requête de M. [S] et de M. [O],
- Rejeter des débats les conclusions n°2 et pièces n°13 et 14 effectuée le 15 novembre 2023 à la requête de M. [S] et M. [O].
Par conclusions post-clôture du 7 décembre 2023, MM. [O] et [S] demandent à la cour de :
- Débouter M. [T] de sa demande de rejet des écritures et pièces des appelants transmises le 15 novembre par courriel officiel et RPVA.
A titre subsidiaire :
- Prononcer le rabat de l'ordonnance de clôture,
- Prononcer la réouverture des débats et la fixation de l'affaire en audience ultérieure.
La société [14] n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu. La déclaration d'appel lui a été signifiée à sa personne morale le 25 mai 2022.
M. [M] n'a pas constitué avocat et n'a pas comparu. La déclaration d'appel lui a été signifiée à sa personne le 25 mai 2022.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de rejet des conclusions signifiées par l'appelant la veille de la clôture des débats
L'article 15 du code de procédure civile enjoint aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, MM. [O] et [S] ont fait signifier le 15 novembre 2023, soit la veille de la clôture de la procédure, de nouvelles conclusions comprenant des demandes nouvelles, outre deux pièces nouvelles, certes connues des intimés pour être des conclusions de première instance.
Cependant, il convient de constater que les intimés n'ont pas disposé du temps utile pour pouvoir répondre aux demandes nouvelles contenues dans ces conclusions in extremis, de sorte que celles-ci seront écartées des débats, et que les dernières conclusions des appelants prises en compte seront celles signifiées le 23 juin 2022.
Sur la nullité du rapport d'expertise
En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les appelants, il résulte du dispositif de l'ordonnance de référé du 28 mai 2018 que l'expertise n'a nullement porté sur l'ensemble de la comptabilité de la société [14], mais précisément sur le point de savoir si certaines dépenses spécifiques avaient été effectuées dans l'intérêt social de la société ou non, et s'il avait été fait ou non un usage abusif de biens ou de crédit de la société, ainsi que de révéler le cas échéant les éventuelles anomalies résultant de l'examen de la comptabilité.
En second lieu, les appelants arguent des carences de l'expert judiciaire dans l'absence de convocation multiples des parties, dans sa défaillance relative à l'examen des pièces communiquées, ainsi que de sa partialité.
Toutefois, il appert de la lecture du rapport d'expertise, que si une seule réunion d'expertise a eu lieu le 14 septembre 2018, l'experte judiciaire a adressé aux parties au cours des opérations d'expertise de nombreuses demandes de communication de pièces, qui n'ont été que partiellement satisfaites, et que MM. [O] et [S] lui ont adressé par l'intermédiaire de leur conseil de nombreux dires auxquels elle a répondu.
L'experte judiciaire a en outre relevé que le conseil des appelants ne lui communiquait pas certaines pièces importantes sollicitées (telles la comptabilité de la société pour certaines années), mais lui communiquait parfois un ensemble de pièces non classées et difficilement identifiables, concernant parfois les autres sociétés dans lesquelles étaient associées les parties.
Il ne saurait par ailleurs pouvoir être reproché à l'experte de ne pas s'être déplacée dans les locaux de la société [14] ou dans ceux de la société IBC, son expertise portant uniquement sur l'analyse de pièces.
En dernier lieu, si l'experte a constaté que certains documents semblaient présenter des incohérences, notamment d'ordre chronologique, ces constats ne sauraient toutefois être caractérisés de manquement à l'impartialité.
La demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire sera en conséquence rejetée et partant celle également de contre-expertise.
Sur les demandes de M. [T] formé à l'encontre de M. [M]
Aux termes de son rapport judiciaire, fruit d'un travail sérieux, précis et circonstancié, l'experte a conclu (pp.35-36) que malgré plusieurs demandes, plusieurs pièces justificatives n'ont jamais été fournies par le gérant de la société [14], lequel a en revanche communiqué de très nombreuses pièces non classées et non exploitables puisqu'elle indique n'avoir pas été en mesure de pouvoir identifier ni les bénéficiaires, ni l'objet précis de certaines prestations litigieuses comme déjà retenu supra.
L'experte a également relevé que le gérant n'avait pas répondu aux questions précises posées par le pré-rapport.
Elle a en outre constaté le manque de rigueur dans la tenue de la comptabilité de la société et la justification des comptes, et a retenu exactement que certains frais n'étaient pas justifiés :
- S.A.R.L IBC : 11 004 euros,
- M. [Z] [S], sponsoring : 19 000 euros,
- M. [J] [M] : 5 000 euros,
- Non identifiés (frais de déplacement) : 6 000 euros.
Le tribunal de commerce a donné acte à M. [J] [M] du remboursement à la société [14] de la somme de 11 000 euros relative à des frais de déplacements fictifs, et cette disposition n'est nullement critiquée aux termes de l'appel principal et de l'appel incident.
Le litige soumis à la cour porte donc sur les sommes de 11 004 euros et de 19 000 euros.
En premier lieu, M. [T] exerce en sa qualité d'associé l'action ut singuli prévue à l'article L.223-22 du code de commerce à l'encontre du dirigeant de droit, M. [M], de sorte que la cour ne peut que constater que celle-ci est parfaitement recevable compte tenu de la qualité de gérant de la société de ce dernier.
En second lieu, l'article L.223-22 précité dispose que les actions en responsabilité prévues aux articles L. 223-19 et L. 223-22 se prescrivent par trois ans à compter du fait dommageable ou, s'il a été dissimulé, de sa révélation.
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats par les parties qu'une assemblée générale de la société [14] a été convoquée le 20 février 2017 aux fins d'approbation des comptes 2012 à 2015.
Cette convocation a fait suite à deux tentatives de convocation en 2016 qui n'ont en définitive donné lieu à aucune assemblée générale compte tenu notamment du conflit existant entre les associés de la société et de l'absence de production des pièces sollicitées par M. [T] selon lui.
L'assemblée générale du 20 février 2017 a notamment approuvé les comptes et les rapports de la gérance au titre de deux conventions :
- Convention d'assistance administrative et commerciale de la société IBC dans laquelle M. [G] [O] est intéressé pour 4 000 euros HT par an ;
- Prestations de suivi comptable et financier de la société IBC dans laquelle M. [G] [O] est intéressé pour 6 000 euros HT par an.
Cependant, il convient de constater que d'une part M. [T] a voté contre la résolution relative à l'approbation des comptes annuels, et d'autre part qu'il n'est pas rapporté la preuve par les appelants que ce dernier aurait effectivement eu connaissance, en 2016 comme ils le prétendent, à la fois de l'intégralité des conventions litigieuses sur l'ensemble de la période 2012 à 2015, mais aussi et surtout des pièces justificatives correspondant à la réalité des prestations faisant l'objet des conventions litigieuses de sponsoring et d'assistance comptable et financière (lesquelles en définitives n'ont jamais été produites même au cours des opérations d'expertise judiciaire).
En outre, eu égard au conflit existant entre les différents associés de la société [14], M. [T] a sollicité et obtenu par une ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Béziers le 17 février 2017, l'autorisation pour un huissier de justice de se rendre et d'assister à l'assemblée générale de la société [14] du 20 février 2017.
Or, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 20 février 2017, établi par Maître [C], huissier de justice à [Localité 8], que les questions posées par M. [T] relatives à diverses dépenses effectuées par la société [14] et faisant l'objet du présent litige n'ont pas trouvé de réponse.
Il en résulte ainsi que ce n'est que par le dépôt du rapport d'expertise judiciaire le 4 août 2020 que M. [T] a eu connaissance des dépenses qu'il a considérées être injustifiées et qui ont fondées son action.
Ses assignations sont en date des 2 et 4 février 2021, de sorte que son action n'est pas prescrite.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Par ailleurs, l'experte judiciaire a constaté, s'agissant des conventions IBC, que toutes les conventions pour la période 2012 à 2015 n'avaient pas été produites, que les montants des sommes mentionnées dans les conventions n'étaient pas reportés dans la comptabilité de la société [14], que toutes les factures de la société IBC n'étaient pas produites, conduisant l'experte à conclure notamment que « l'analyse des prestations listées par le conseil du gérant pas plus que celles des copies de mails ne nous ont permis d'être convaincues de l'étendue des travaux réalisés et de leur juste rémunération » (p. 19).
En outre, s'agissant des sommes versées à M. [Z] [S] au titre d'un contrat de sponsoring, l'experte a justement constaté que le soutien financier prenait la forme d'une prise en charge de frais de déplacement forfaitaire, mais que la contrepartie n'était pas définie par le contrat en termes de marketing ou de publicité.
Elle a également constaté que les dires et les pièces communiquées par la société [14] n'avaient pas permis d'apporter un caractère probant sur la réalité de la contrepartie en termes de prestations de marketing et de publicité réalisées par M. [S] ainsi que sur leur juste rémunération (p.34).
Elle a ainsi observé au regard des pièces produites par la société [14] au cours de l'expertise (des articles de presse ainsi que certains bilans sportifs), lesquelles sont également présentes dans le dossier des appelants devant la cour, que M. [S] ne portait ni vêtement ni sac ni aucun objet à l'enseigne de la société [14].
Devant la cour, MM. [S] et [O] ne produisent aucune pièce leur permettant de combattre utilement les constatations de l'experte ou dont cette dernière n'aurait pas tenu compte aux fins d'établissement de ses conclusions.
Par ailleurs, la seule approbation postérieure, soit en date du 24 septembre 2018, par une assemblée générale des actionnaires de la société [14], des conventions litigieuses ne sauraient non plus combattre utilement les constatations pertinentes issues du rapport d'expertise judiciaire démontrant l'absence de justification des sommes réglées par la société au titre de ces mêmes conventions, comme le soutiennent également à tort les appelants.
En conséquence, la décision critiquée sera confirmée en ses condamnations prononcées à l'encontre de M. [M].
De surcroît, les appelants seront déboutés de leur demande subsidiaire tendant à ce que M. [M] soit condamné à rembourser à la société [14] l'ensemble des sommes versées par cette dernière à la société IBC sur la période retenue, ne justifiant dans leurs écritures ni du fondement juridique ni du montant de cette demande.
Sur les demandes formées par M. [T] à l'encontre de MM. [S] et [O]
Au préalable, le jugement dont appel ne peut être que réformé en ce que le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers s'agissant des demandes concernant MM. [S] et [O], au motif erroné selon lequel ces derniers n'étant pas gérants de fait, les demandes formées à leur encontre échapperaient à la compétence de la juridiction consulaire.
Il doit être rappelé que cette dernière est compétente pour connaître des contestations relatives aux sociétés commerciales, incluant celles formées à l'encontre des associés de ces dernières, et ce par application des dispositions de l'article 721-3,2° du code de commerce.
Ensuite, il doit être également précisé que l'action ut singuli ne concerne que les agissements commis dans leur gestion par les gérants de droit, et ne concerne pas la gestion des gérants de fait.
M. [T] fonde en conséquence ses demandes à l'égard de MM. [S] et [O] sur les dispositions de l'article 1389 ancien du code civil devenu l'article 1240, et il doit donc démontrer que MM. [S] et [O] ont été gérants de fait pour ce qui concerne l'engagement des sommes pour lesquelles il sollicite leur condamnation.
La cour relève au préalable que les appelants ne soulèvent pas la prescription de l'action formée à leur encontre par M. [T], qui pourtant en discute, fondée sur la responsabilité délictuelle de droit commun qui est soumise à un délai quinquennal nullement atteint à compter de la date de la révélation des faits.
Par ailleurs, il ne résulte ni du rapport d'expertise judiciaire, ni d'aucune autre pièce produite aux débats par M. [T], la démonstration d'aucun acte positif de la part de MM. [S] et [O] consistant en une immixtion dans l'administration, la gestion ou la direction de la société, et dont il ne rapporte pas non plus la preuve comme il le soutient par la seule circonstance que les sommes litigieuses versées l'ont été au titre du contrat IBC au bénéfice d'une société appartenant à la famille [O], et celles versées au titre du contrat de sponsoring l'ont été au père de M. [F] [S].
M. [T] qui ne démontre ainsi pas que MM. [S] et [O] auraient été gérants de fait sera en conséquence débouté de ses demandes de condamnation formées à l'encontre de ces derniers.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
MM. [S] et [O] qui succombent dans leurs demandes en cause d'appel seront condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [T] ensemble la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture,
Ecarte des débats les conclusions signifiées par MM. [O] et [S] le 15 novembre 2023 et dit que les conclusions des appelants prises en compte sont celles qui ont été signifiées le 23 juin 2022,
Infirme le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré incompétent au profit de tribunal judiciaire de Béziers pour toute demande concernant MM. [S] et [O],
Statuant à nouveau,
Dit que le tribunal de commerce de Béziers est compétent pour statuer sur les demandes formées par M. [P] [T] à l'encontre de MM. [S] et [O],
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Déboute M. [P] [T] de son appel incident,
Déboute MM. [F] [S] et [G] [O] de leur demande subsidiaire,
Condamne MM. [F] [S] et [G] [O] aux dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise judiciaire, ainsi qu'à payer à M. [P] [T] ensemble la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
le greffier, le président,