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Décisions

CA Colmar, ch. 2 a, 2 février 2024, n° 23/00309

COLMAR

Arrêt

Autre

CA Colmar n° 23/00309

2 février 2024

MINUTE N° 43/2024

Copie exécutoire

aux avocats

Le 2 février 2024

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 02 FÉVRIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 23/00309 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7WZ

Décision déférée à la cour : 25 Octobre 2022 par le président du tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE et intimée sur incident :

La S.A.S. PH PISCINES, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me Tanguy GERARD, avocat à Colmar

INTIMÉS et appelants sur incident :

1/ Monsieur [F] [N]

2/ Madame [V] [W]

demeurant [Adresse 2]

représentés par la SCP CAHN ET ASSOCIES, société d'avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Murielle ROBERT-NICOUD, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 14 décembre 2020, M. [N] et Mme [W] ont passé commande auprès de la société PH Piscines de la fourniture et pose d'une piscine avec divers équipements et réalisation d'un terrassement préalable et d'un escalier, pour le prix de 38 792 euros TTC.

Une somme totale de 22 080 euros a été versée.

Invoquant des malfaçons, non-façons et désordres, ils ont assigné la société PH Piscines devant la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse afin de voir ordonner une expertise. Ils ont également sollicité qu'il lui soit enjoint de produire, sous astreinte, son attestation décennale au jour de l'ouverture du chantier.

Par ordonnance du 25 octobre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- ordonné une expertise judiciaire et commis pour y procéder M. [P] [T],

- ordonné diverses mesures relatives à la réalisation de ladite expertise, détaillées dans le dispositif de l'ordonnance,

- rejeté les demandes de la société PH Piscines,

- enjoint à la société PH Piscines de produire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de trente jours suivant la signification de l'ordonnance, une attestation décennale à jour au jour de l'ouverture du chantier,

- dit que les dépens suivront le sort de l'instance principale, ou à défaut seront supportés par M. [N] et Mme [W].

Par déclaration effectuée le 14 janvier 2023 par voie électronique, la société PH Piscines a interjeté appel de cette décision, mais seulement en ce qu'elle a prononcé l'injonction précitée sous astreinte.

Le 30 janvier 2023, l'ordonnance de fixation de l'affaire à l'audience de plaidoirie a été rendue et le greffe a délivré l'avis de fixation de l'affaire à bref délai.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 avril 2022, la société PH Piscines demande à la cour de :

Sur l'appel principal :

- déclarer l'appel principal recevable et bien fondé,

- faire droit à l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- déclarer irrecevables en tous cas mal fondées les demandes des intimés, y compris s'agissant d'un appel incident,

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

Corrélativement,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a enjoint la société PH Piscines de produire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de trente jours suivant la signification de l'ordonnance, une attestation décennale à jour au jour de l'ouverture du chantier,

Et statuant à nouveau :

- lui donner acte de ce qu'elle confirme ne pas disposer d'une attestation décennale à jour au jour de l'ouverture du chantier,

- déclarer n'y avoir lieu à enjoindre ou condamner la SAS PH Piscines à produire un document qu'elle n'a pas,

- débouter en conséquence M. [N] et Mme [W] de leur demande tendant à obtenir la transmission d'une attestation décennale,

- confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus.

Sur l'appel incident :

- déclarer l'appel incident irrecevable, en tous cas mal fondé, le rejeter,

- déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée, la demande de M. [N] et de Mme [W] visant à faire condamner la SAS PH Piscines au paiement d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- débouter M. [N] et Mme [W] de leur appel incident et de l'ensemble de leurs demandes,

En tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus.

- dire et juger que chacune des parties conserva ses propres dépens au titre de la présente procédure d'appel.

Elle soutient, en substance, ne pas disposer de ladite attestation, ce qu'elle avait confirmé à la barre devant la juridiction de première instance. Elle évoque le courrier officiel du conseil des intimés du 23 janvier 2023 confirmant qu'ils ne solliciteraient pas la liquidation de l'astreinte, l'absence de réponse à sa propre correspondance officielle et la soudaine volte-face des intimés qui concluent à la confirmation de l'ordonnance. Elle considère que la demande de fixation d'une astreinte provisoire est sans objet, et fait, par conséquent, l'objet de contestations sérieuses.

Sur la demande de dommages-intérêts formée à son encontre, elle réplique n'avoir jamais laissé entendre qu'elle aurait souscrit à une assurance décennale et avoir toujours fait preuve de transparence. Elle ajoute qu'il n'existe aucun désordre manifeste et que rien ne s'oppose à la finalisation des travaux. Elle évoque l'objectif des intimés de retirer l'ouvrage et de ne jamais reprendre les travaux de construction de la piscine. Enfin, elle soutient que la garantie décennale n'a vocation à jouer qu'à la condition que l'ouvrage soit achevé et ait fait l'objet d'une réception, puis que des désordres se soient manifestés avec certaines caractéristiques, ce qui n'est pas le cas. Elle conclut que la demande incidente est non-fondée en son principe et est manifestement exorbitante en son montant, tout en ajoutant que la cour statue dans les limites des pouvoirs du juge des référés et que la demande se heurte à des contestations sérieuses. Enfin, elle soutient que cette demande est irrecevable en tant qu'elle est formée pour la première fois à hauteur d'appel.

Par leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 mai 2023, M. [N] et Mme [W] demandent à la cour de :

- débouter la société PH Piscines de toutes ses fins et conclusions,

Au titre de l'appel incident :

- condamner la société PH Piscines à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-souscription de l'assurance décennale,

A titre subsidiaire :

- condamner la société PH Piscines à payer une astreinte de 50 euros par jour de retard jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir,

- confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus, c'est-à-dire tout ce qui ne concerne pas l'astreinte,

- condamner la société PH Piscines au paiement de la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers frais et dépens.

Ils soutiennent, en substance, que la société PH Piscines n'a jamais indiqué dans ses conclusions qu'elle n'avait aucune assurance décennale et que ce n'est que par courrier officiel du 18 janvier 2023 que son conseil l'a précisé.

Ils font valoir qu'elle a l'obligation légale, sanctionnée pénalement, de souscrire une assurance décennale, compte tenu de son activité, qu'elle a hésité longtemps avant d'affirmer qu'elle ne l'avait pas souscrite et qu'elle les a placés dans une situation d'incertitude, puisque l'ouvrage tel qu'exécuté, c'est-à-dire non conforme, n'est pas assuré, de sorte que si elle venait à disparaître, ils se retrouveraient sans aucun recours. Ils indiquent que l'expert préconise une démolition complète ; que la valeur de l'ouvrage n'est pas la même s'il est assuré ou non ; qu'il s'agit d'un élément minorateur du prix de vente de leur maison qu'ils ne pourront jamais vendre en l'état ; que le chantier est dangereux empêchant la jouissance paisible de leur jardin ; qu'ils ont payé 22 000 euros d'acompte pour des éléments non posés ou qui devront être retirés, outre des frais de justice ; qu'ils ont aussi subi du stress, de la colère et du temps passé à oeuvrer dans le cadre de la procédure judiciaire. Ils font valoir que l'absence de souscription de l'assurance leur créé forcément un préjudice, même en l'absence de dommage.

Ils ajoutent que l'attitude de la société est fautive, que si elle avait été plus scrupuleuse dans le cadre de sa défense, il n'aurait pas été nécessaire d'interjeter cet appel pour lequel ils ont dû constituer avocat et exposer des frais de procédure. Ils évoquent l'échange de courriers officiels des 18 et 23 janvier 2023, le rappel du 1er février 2023 et le courrier officiel du 2 février 2023, soutenant qu'ils montrent que la société PH Piscines a décidé de poursuivre la procédure d'appel et donc de rompre les discussions existantes sur la renonciation à la liquidation d'astreinte et le désistement d'appel.

A titre subsidiaire, ils demandent de considérer que, compte tenu de l'attitude de la société dans la procédure, l'astreinte sera bien due jusqu'au jour de l'arrêt, l'ordonnance étant exécutoire.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1. Sur l'injonction à produire l'attestation d'assurance décennale à jour au jour de l'ouverture du chantier :

La société PH Piscines affirme ne pas avoir souscrit une telle assurance et, en conséquence, ne pas être en mesure de produire une telle attestation.

Il peut, d'ailleurs, être relevé qu'elle l'avait déjà affirmé lors de l'audience du 27 septembre 2022 devant le tribunal comme il résulte de la note d'audience figurant au dossier.

Dès lors qu'il ne peut être enjoint à une partie de produire un document dont elle ne dispose pas, il convient d'infirmer l'ordonnance de ce chef, et, statuant à nouveau, de rejeter cette demande, et par voie de conséquence, la demande accessoire d'astreinte.

2. Sur la demande reconventionnelle :

Il résulte des articles 70 et 567 du code de procédure civile, que les demandes reconventionnelles sont recevables en appel, à la condition de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

La demande visant à réparer le préjudice résultant de la non-souscription de l'assurance décennale se rattache par un lien suffisant aux prétentions originaires tendant à obtenir la production d'une attestation décennale.

La fin de non-recevoir opposée à la demande reconventionnelle sera donc rejetée.

L'article L. 242-1, alinéa 1er, du code des assurances prévoit que toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

En l'espèce, il résulte des conclusions des parties, et notamment de M. [N] et de Mme [W] qui n'invoquent pas l'existence de désordres de nature décennale, qu'il existe une contestation sérieuse sur les conditions d'une éventuelle mise en oeuvre de la garantie décennale, ce qui est d'ailleurs corroboré par le fait qu'une expertise est en cours, notamment afin de déterminer et décrire l'existence de désordres et le cas échéant, s'ils rendent le bien impropre à son utilisation ou sa destination.

Par voie de conséquence, il existe une contestation sérieuse sur la possibilité de mettre en oeuvre une assurance de garantie décennale, et dès lors, sur le principe et l'étendue du préjudice invoqué.

Par conséquent, il n'y a pas lieu à référé quant à cette demande reconventionnelle.

4. Sur les frais et dépens :

La société PH Piscines obtenant gain de cause en son appel parce qu'elle n'est pas en mesure de produire l'attestation de garantie décennale comme elle l'avait déjà indiqué, chaque partie conservera la charge de ses dépens engagés pour l'instance d'appel.

La société PH Piscines obtenant gain de cause en son appel, la demande de M. [N] et de Mme [W] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile, dans la limite des appels principal et incident,

INFIRME l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse du 25 octobre 2022, en ce qu'elle a enjoint à la société PH Piscines de produire, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de trente jours suivant la signification de l'ordonnance, une attestation décennale à jour au jour de l'ouverture du chantier ;

Statuant à nouveau du chef infirmé et ajoutant à la décision entreprise :

REJETTE la demande tendant à enjoindre à la société PH Piscines de produire, sous astreinte, une attestation décennale à jour au jour de l'ouverture du chantier ;

REJETTE la fin de non-recevoir opposée à la demande reconventionnelle de M. [N] et de Mme [W] ;

DIT n'y avoir lieu à référé quant à cette demande reconventionnelle ;

DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens engagés pour l'instance d'appel ;

REJETTE la demande de M. [N] et de Mme [W] formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le greffier, La présidente,