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Décisions

CA Agen, ch. soc., 6 février 2024, n° 22/00979

AGEN

Arrêt

Autre

CA Agen n° 22/00979

6 février 2024

ARRÊT DU

06 FEVRIER 2024

ALR/LI

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N° RG 22/00979 - N° Portalis DBVO-V-B7G-DB3C

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[Z] [C]

C/

Association INSTITUT [3]

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Grosse délivrée

le :

à

Me SAINT GENIEST

Me CAYROU

ARRÊT n° 25/2024

COUR D'APPEL D'AGEN

Chambre Sociale

Prononcé par mise à disposition au greffe de la cour d'appel d'Agen conformément au second alinéa des articles 450 et 453 du code de procédure civile le six février mille neuf cent vingt quatre par Pascale FOUQUET, conseiller faisant fonction de président assistée de Laurence IMBERT, greffier

La COUR d'APPEL D'AGEN, CHAMBRE SOCIALE, dans l'affaire

ENTRE :

[Z] [C]

née le 08 Août 1973 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Pascal SAINT GENIEST, avocat au barreau de TOULOUSE

APPELANT d'un jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CAHORS en date du 25 Octobre 2022 dans une affaire enregistrée au rôle sous le n° R.G. 21/00099

d'une part,

ET :

Association INSTITUT [3]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Christophe CAYROU, avocat au barreau de LOT

Représentée par Me Hélène LECAT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉ

d'autre part,

A rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause a été débattue et plaidée en audience publique le 05 décembre 2023 sans opposition des parties devant Pascale Fouquet, conseiller, et Anne-Laure Rigault, conseiller, qui a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience assistés de Danièle Causse, greffier. Les magistrats en ont, dans leur délibéré rendu compte à la cour composée, outre eux-mêmes, de Valérie Schmidt, conseiller, en application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile et il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés, les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.

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RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

L'institut [3] (ICM) est une association de loi 1901, qui gère 15 établissements de soins dans le lot, et accueille, soigne et accompagne des personnes souffrant de troubles psychiatriques ou psychologiques, et des personnes en situation de handicap mental ou psychique.

L'institut [3] est soumis à la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966.

Mme [Z] [C] a été engagée initialement par l'Association Gényer-Mas de Latour par contrat à durée indéterminée à compter du 14 mars 2011 en qualité d'éducatrice scolaire au sein de l'Institut Médico-Éducatif (IME) [4] .

Dans le cadre de l'article L 122-14-4 du code du travail, son contrat de travail a été transféré à l'Institut [3].

Mme [C] a bénéficié de 3 avenants à durée déterminée pour des missions ponctuelles de coordination pédagogique, limitées dans le temps et ce jusqu'au 31 décembre 2019 pour lesquelles elle a perçu une majoration de salaire via le versement d'une indemnité mensuelle de responsabilité.

A compter du 1er janvier 2020, elle a été nommée chef de service éducatif, cadre pour un dernier salaire de base d'un montant de 2.810,08 €.

A la suite d'un arrêt maladie et dans le cadre d'une visite de reprise, Mme [C] a été déclarée inapte le 19 octobre 2020 par le médecin du travail du Lot, " l'état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ".

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 2 novembre 2020, Mme [C] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 13 novembre 2020, entretien auquel elle ne s'est pas présentée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 18 novembre 2020, l'institut [3] a notifié à Mme [C] son licenciement pour inaptitude dans les termes suivants :

" Madame,

Vous ne vous êtes pas présentée à l'entretien préalable en date du 13 novembre 2020, auquel nous vous avions convoqué le 02 novembre 2020.

Cette absence n'ayant pas d'incidence sur le déroulement de la procédure engagée, nous vous notifions par la présente votre licenciement suite à l'impossibilité de vous reclasser après l'inaptitude médicalement constatée par le médecin du travail.

En effet, dans le cadre d'une visite médicale en date du 19 octobre, le médecin du travail a conclu à votre inaptitude à votre poste en précisant que " (votre) état de santé (faisait) obstacle à tout reclassement dans un emploi au sens des articles L 1226-1 et L 1226-12 du Code du Travail. "

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour inaptitude constatée par le médecin du travail et impossibilité de procéder à votre reclassement.

Dans la mesure où vous vous trouvez dans l'incapacité d'exécuter votre préavis, la date d'envoi de cette lettre fixera la date du rupture de votre contrat de travail.

L'ensemble de ces documents obligatoires (certificat de travail, solde de tout compte, attestation Pôle emploi) vous sera adressé par courrier. (') ".

Par contrat de travail en date du 30 novembre 2020, Mme [C] a été engagée par l"Association Agir, Soigner, Eduquer en qualité de chargée de mission à plein temps.

Le 30 juillet 2021, Mme [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Cahors aux fins de dire nul son licenciement en raison du harcèlement subi, et subsidiairement le dire sans cause réelle et sérieuse et de voir condamner l'employeur à diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

Par jugement du 25 octobre 2022, le conseil de prud'hommes de Cahors (section encadrement) en sa formation paritaire a :

o dit et juge fondé le licenciement pour inaptitude de Mme [C],

o débouté Mme [C] de ses demandes en rappels de salaire et congés payes afférents,

o débouté Mme [C] de sa demande d'indemnités au titre de harcèlement moral,

o débouté Mme [C] de sa demande d'indemnités au titre de manquement à l'obligation de loyauté,

o débouté Mme [C] de sa demande d'indemnités au titre de manquement à l'obligation de sécurité,

o débouté Mme [C] de sa demande d'indemnité au titre de la nullité du licenciement pour des faits de harcèlement moral,

o débouté Mme [C] de sa demande d'indemnité au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, préavis et congés payés afférents,

o débouté Mme [C] de sa demande d'indemnité au titre de l*article 700 du Code de procédure civile,

o débouté Mme [C] de sa demande de bulletins et documents de fin de contrat rectifiés,

o débouté Mme [C] de sa demande d'exécution provisoire ;

o débouté Mme [C] de sa demande de condamnation aux dépens et frais d'exécution de l'instance.

o laissé à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles inhérents à leurs prétentions, ainsi que les dépens de l'instance qui leur incombent.

Par déclaration adressée au greffe le 9 décembre 2022, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement, intimant l'Association Institut [3]. Tous les chefs du jugement ont été expressément visés dans la déclaration d'appel.

Une ordonnance de clôture a été prononcée 5 octobre 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

I. Moyens et prétentions de Mme [C] appelante.

Par conclusions uniques enregistrées au greffe le 9 février 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [C] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris rendu par le conseil de prud'hommes de Cahors le 25 octobre 2022 en ce qu'il a dit et jugé fondé son licenciement pour inaptitude et l'a :

- déboutée de ses demandes en rappels de salaire et congés payés afférents ;

- déboutée de sa demande d'indemnités au titre de harcèlement moral

- déboutée de sa demande d'indemnité au titre de manquement à l'obligation de loyauté

- déboutée de sa demande d'indemnité au titre de manquement à l'obligation de sécurité

- déboutée de sa demande d'indemnité au titre de la nullité du licenciement pour des faits de harcèlement moral

déboutée de sa demande d'indemnités au titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse, préavis et congés payés afférents

- déboutée de sa demande d'indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

- déboutée de sa demande de bulletins et documents de fin de contrat rectifiés

- déboutée de sa demande d'exécution provisoire ;

- déboutée de sa demande de condamnation aux dépens et frais d'exécution de l'instance.

Et jugeant à nouveau,

- condamner l'association Institut [3] à lui payer les sommes suivantes :

Rappels de salaire :17.715,07 € brut

Détaillés comme suit :

Octobre 2017 à décembre 2019 14.289,38 € brut

Congés payés afférents 1.428,94 € brut

Août à novembre 2020 1.815,23 € brut

Congés payés afférents 181,52 € brut

Dommages et intérêts pour harcèlement moral 15.000 €

Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté 15.000 €

Dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité 10.000 €

Indemnité pour nullité du licenciement pour harcèlement moral 45.000 € brut

A titre subsidiaire,

Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 29.807 € brut

Indemnité de préavis 19.871,33 € brut

Congés payés afférents 1.987,13 € brut

Rappel sur indemnité de licenciement 5.390,96 €

- condamner l'association Institut [3] à lui payer la somme de 3.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner l'association Institut [3] à lui remettre les bulletins de paie et les documents sociaux rectifiés, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de quinze jours suivant la date de notification du jugement

- dire que les sommes au paiement desquelles sera condamnée l'association Institut [3] seront assorties des intérêts au taux légal :

A compter de la saisine du conseil de prud'hommes, s'agissant des salaires et indemnités de rupture,

A compter de l'arrêt, pour les dommages et intérêts.

- condamner l'association Institut [3] aux entiers dépens de première instance et d'appel et aux éventuels frais d'exécution.

A l'appui de ses prétentions, Mme [C] fait valoir que :

L'article 40 de la convention collective nationale a été violé.

- Elle s'est vue cantonner dans une situation provisoire pendant plus de deux années (septembre 2017 à décembre 2019), soit bien au-delà de la période de six mois prévue par la convention collective (avenants n°2 du 01/09/2017 et n°3 du 01/09/2019) .

- Elle n'a, au cours de cette période, bénéficié ni du statut cadre, ni de la rémunération afférente à son poste, ni des avantages, notamment liés à la réalisation d'astreintes.

- Pourtant, au regard de l'article 40 de la convention collective applicable, elle aurait dû bénéficier d'un classement dans la catégorie adéquate après six mois d'exercice, soit à la fin du mois de février 2018, et en tous les cas à compter du début de l'année 2019, après le départ de M. [V], puis de M. [L] (départs des chefs de service).

- c'est à l'Institut [3] qui entend s'exonérer de la règle obligatoire prévue par l'article 40 susvisé, de démontrer que ses conditions d'application ne seraient pas remplies, et justifier de ce que la délégation temporaire a duré plus de deux ans, voire trois années,

- elle n'a bénéficié que tardivement de la reconnaissance de son statut de cadre, ce qui l'a fragilisée et l'a lésée pour l'avenir dans ses droits à retraite. Et l'indemnité compensatrice de responsabilité octroyée mensuellement n'a pas permis de combler la différence entre le salaire qu'elle percevait et la rémunération à laquelle elle pouvait s'attendre,

- les demandes sollicitées sont distinctes de la rémunération de l'astreinte qui n'est pas sollicitée puisque les astreintes n'ont pas été exécutées,

- c'est sur la base d'une rémunération en qualité de chef de service que doit être effectué le calcul du rappel des salaires. La moyenne des rémunérations des mois de février à juillet 2020 s'élève donc à 3.311,89 euros.

- La prescription triennale de l'article L.3245-1 du code du travail pour les créances salariales s'applique. Le contrat de travail a été rompu le 19 octobre 2020, le rappel de salaire s'applique pour la période du 2 mars 2017 et le 31 décembre 2019 en application de l'article 40.

L'employeur a manqué à ses obligations légales

1. Les faits de harcèlement moral subis

- La sous-classification et précarisation de la situation de Mme [C]

elle a été déclassée, plongée et maintenue dans une situation provisoire et précaire, en violation de l'article 40, situation assortie d'une pénalisation salariale manifeste, pendant plus de trois années , ce qui l'a déstabilisée, ses fonctions d'encadrement ayant été fragilisées.

Son entourage professionnel ne pouvait identifier la fonction, faute de reconnaissance officielle de son statut de chef de service.

- Sa déstabilisation et celle de l'ensemble de l'équipe de direction

le turn-over des équipes encadrement, la mise à l'écart de certains membres de la direction, bien que non directement concernée, les querelles de groupes de salariés, créant un climat anxiogène au sein de l'institut [3], l'ont déstabilisée,

les réponses tardives de la direction à ses demandes d'apaisement des tensions, les convocations individuelles par la direction des membres de la direction, l'ont déstabilisée,

la convocation à un éventuel licenciement en août 2020, qualifiée " comme d'une violence extrême " par le médecin du travail a été un traumatisme et l'a plongée dans une dépression (prescription d'anxiolytiques). Cette intégration dans une triple procédure de licenciement engagée à la légère a constitué un véritable traumatisme, dont l'existence a été reconnue par la médecine du travail.

Malgré l'absence de faute de Mme [C], l'employeur n'a pas communiqué sur l'absence de suite à la procédure disciplinaire lancée et qui avait publiquement dégradé l'image et la légitimité de la salariée à son poste. Elle n'a bénéficié d'aucune réhabilitation,

son état de santé ne pouvait donc pas s'améliorer et elle a ainsi été maintenue en arrêt de travail jusqu'au 18 octobre 2020.

l'attitude de la direction caractérise la déloyauté et l'instrumentalisation,

elle a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 20 août 2020 et la direction n'a pas communiqué en interne sur les suites l'absence de procédure disciplinaire, rendant ainsi difficile son retour dans l'entreprise.

2. L'employeur a manqué à son obligation de loyauté,

- En la laissant travailler durant plusieurs années à un poste supérieur à celui de ses fonctions initiales sans la positionner, ni la rémunérer en conséquence,

- en la maintenant illégitimement dans une situation incertaine durant plus de trois ans,

- en la sous-évaluant et en la dégradant statutairement et moralement dans ses fonctions et dans ses responsabilités, faute de la traiter comme un membre à part entière de l'équipe de direction, alors qu'elle remplissait un travail de chef de service,

- en se dispensant de procéder à une enquête loyale, en lui faisant subir des entretiens similaires à des interrogatoires, alors qu'elle n'était pas mise en cause,

- en déclenchant à son encontre une procédure disciplinaire publique, intimidante et dévalorisante, dans le seul but d'obtenir des informations à l'encontre d'un autre salarié.

3. L'employeur a manqué à son obligation de sécurité

- lorsqu'il a laissé la situation au sein de l'IME se détériorer.

- en prenant le parti d'un groupe de salariés en opposition avec l'équipe de direction, sans même tenter de créer un dialogue, ni d'expliquer les difficultés ni d'apaiser les conflits.

- En enclenchant une triple procédure disciplinaire à l'encontre des membres de l'équipe de direction qui l'avaient alerté sur les difficultés au sein de l'IME.

- L'employeur est resté inerte et n'a mis en place aucune action pour rétablir un climat propice au retour de la salariée à son poste.

4. Les demandes de rappel de salaire au titre des mois d'août à novembre 2020

- les arrêts de travail sont directement liés aux manquements de l'employeur,

- les rappels pour les mois non travaillés portent sur le montant moyen des astreintes qu'elle aurait pu réaliser pour les mois d'août à novembre 2020, s'élevant à 453,81 euros brut par mois, outre les congés payés afférents.

C. le licenciement

La nullité du licenciement : elle a fait l'objet de faits de harcèlement moral qui l'ont conduite à être déclarée inapte par la Médecine du travail. Le licenciement pour inaptitude a donc pour cause les faits de harcèlement moral. si elle a retrouvé un emploi, celui-ci lui imposait une mobilité à [Localité 6] et se trouvait moins bien rémunérée avec un salaire de base de 2192,37 € brut mensuel, sans commune mesure avec celui perçu de l'Institut [3], soit 2818,08 €.

A titre subsidiaire, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse : la véritable cause du licenciement doit être recherchée et le bien fondé du licenciement est anéanti lorsqu'il trouve sa cause directe dans un fait fautif de l'employeur.

Les autres sommes dues au titre de la rupture de la relation de travail

Le préavis doit être payé puisque le licenciement est nul procédant du comportement fautif de l'employeur, ou à tout le moins est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

L'indemnité de licenciement de 17.197,65 euros servie n'a pas pris en compte les années pendant lesquelles elle aurait dû bénéficier du statut de cadre (l'article 10 de l'annexe 6 de la convention collective applicable). Elle ouvre droit à la différence entre celle perçue de 5.390,96 euros et celle qu'elle aurait dû percevoir de 22.588,61 euros.

II. Moyens et prétentions de l'Institut [3], intimé.

Par conclusions uniques enregistrées au greffe le 14 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'Institut [3] demande à la cour de :

- confirmer en tous points le jugement rendu le 25 octobre par la section encadrement du conseil de prud'hommes de Cahors,

- Et, en conséquence,

débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

condamner Mme [C] à verser à l'Institut [3] (ICM) la somme de 1.200 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

A l'appui de ses prétentions, l'Institut [3] fait valoir que :

Sur la prétendue violation des dispositions de l'article 40 de la Convention Collective.

- dans le cadre des avenants signés et comme indiqué sur les bulletins de salaire Mme [C] a toujours bénéficié de la rémunération afférente à ses fonctions ainsi qu'à la majoration de l'indemnité mensuelle de responsabilité,

- le statut de cadre n'entraîne pas l'indemnisation des astreintes mais bien la réalisation,

- Mme [C] base une partie de ses demandes en rappels de salaire sur le fait de ne pas avoir été rémunérée pour des astreintes, alors que pour être rémunérée, une astreinte doit avoir été exécutée et que cela ne fut pas le cas ;

- Mme [C] n'apporte pas la preuve que les délégations temporaires sur lesquelles elle était placée, l'était suite à des postes devenus vacants comme le stipule la convention collective, elle ne peut prétendre à la règle des 6 mois, édictée par l'article 40 de la convention collective nationale.

Sur l'absence de manquements de l'employeur à ses obligations légales

- le harcèlement moral n'est pas constitué puisque Mme [C] " n'a pas subi d'actes répétés de nature à caractériser des faits de harcèlement ",

la salariée n'établit ni le harcèlement, ni le moindre manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ou de loyauté alors qu'il résulte du dossier médical par elle communiqué, qu'elle a toujours bénéficié de soutien, d'une équipe tonique avec beaucoup de dialogue, d'une charge de travail correcte,

- les trois nouvelles pièces communiquées en appel ne démontrent pas les faits de harcèlement, l'une émanant de sa mère, qui n'a été témoin d'aucun fait, l'autre émanant de M. [R] (ancien salarié, débouté de l'intégralité de ses demandes indemnitaires formulées contre l'employeur dans le cadre d'une procédure prud'homale).

- le manquement de l'employeur à son obligation de loyauté n'est pas rapporté et ce n'est qu'après avoir été licenciée pour inaptitude par le médecin du travail et s'être vue refuser une demande de négociation amiable en juin 2021 sous peine de mise en contentieux que Mme [C] a fait part à l'Institut [3] de son manquement à l'obligation de loyauté,

- l'employeur respecte son obligation de moyens renforcée en mettant en place toutes les mesures nécessaires afin d'assurer la sécurité des travailleurs.

- la demanderesse ne produit aucune pièce au soutien de ses allégations,

- l'employeur a mené une enquête lorsque certains salariés ont demandé la protection de leur employeur par courrier commun du 9 juillet 2020, l'employeur ayant dès le 16 juillet, invité les salariés à des entretiens à compter du 20 juillet.

- Il résulte de l'enquête que l'employeur a pris toute la mesure d'écoute des salariés et a rempli ses obligations de protection de leur santé.

Sur le débouté des demandes indemnitaires :

- aucun manquement ne peut être reproché à l'employeur, les arrêts de travail ne sont d'aucune manière la " cause directe " justifiant de condamner l'ICM au titre des rappels de salaire des mois d'aout à novembre 2020, Mme [C] ne pourra qu'être déboutée de sa demande de condamnation à hauteur de 1.815,23 €, outre 181,52 € de congés payés afférents.

- Le licenciement intervenu pour inaptitude avec impossibilité de reclassement est légitime et la salariée sera déboutée de toutes ses demandes, étant souligné qu'en l'absence de contestation dans le délai de 15 jours, l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail et mentionnant les voies et délais de recours et n'ayant fait l'objet d'aucune contestation dans le délai de 15 jours devient définitif.

MOTIFS

La cour rappelle que les demandes de " constater ", " dire et juger ", ne constituent pas des prétentions mais des moyens et ne saisissent la cour d'aucune demande.

Sur la demande de rappel des salaires pour la période du mois d'octobre 2017 au mois de novembre 2020.

Selon l'article 40 de la convention collective des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1966, " Sauf en cas de remplacement d'un salarié en position de congé de courte durée, ou de congé payé annuel, tout salarié permanent appelé à occuper pour une période excédant 1 mois un emploi de catégorie supérieure à celle dans laquelle il est confirmé percevra, à dater de son entrée en fonctions, une indemnité égale à la différence entre son salaire réel et le salaire de la nouvelle fonction à l'échelon correspondant à celui qu'il aurait eu en cas d'avancement conformément à l'article 38.

Toutefois, l'indemnité ne pourra être inférieure à 10 points par mois et sera due pendant toute la durée du remplacement. En cas de mesure d'avancement définitif, l'intéressé sera reclassé conformément à l'article 38 sans tenir compte de l'indemnité de remplacement prévue ci-dessus.

La délégation temporaire dans une catégorie supérieure ne pourra dépasser 6 mois

après que le poste est devenu vacant. A l'expiration de ce délai, le salarié sera :

- soit replacé dans son emploi antérieur, en supprimant l'indemnité de remplacement ;

- soit classé dans la nouvelle catégorie, sauf pour les emplois nécessitant obligatoirement des titres ou conditions de qualification professionnelle.

Aucune indemnité ne sera due au salarié dont le contrat de travail prévoit le remplacement habituel d'un salarié de catégorie professionnelle supérieure (par exemple, les jours de repos).

Il est constant que :

- Mme [Z] [C] a été engagée le 14 mars 2011 en qualité d'éducatrice scolaire,

- par avenant en dates des 21 septembre 2016 et 1 septembre 2017, Mme [C] a exercé les fonctions de coordination pédagogique à visée expérimentale du 2 septembre 2016 au 2 septembre 2017 et du 3 septembre 2017 au 31 août 2019 affectée aux dispositifs + et - de 14 ans,

- en juillet 2018, M. [V], chef de service SEES (section d'éducation et d'enseignement spécialisé pour les enfants de 6 à 14 ans) a quitté l'IME [3],

- en fin d'année 2019, M. [L], chef de service SAIPS, SIPFP2 (section d'initiation et de première formation professionnelle à partir de 14 ans) et ESAT (établissement ou service d'aide par le travail) a pris un congé sabatique.

- par avenant en date du 1 septembre 2019, Mme [C] a exercé une mission de coordination pédagogique et d'inclusion scolaire sur l'IME et le SESSAD du 1 septembre 2019 au 31 décembre 2019,

- à compter du 1 janvier 2020, Mme [C] a exercé les fonctions de chef de service éducatif.

Il se déduit de ces éléments que pour les périodes du 21 septembre 2016 au 31 décembre 2019, Mme [C], qui a exercé la fonction de " coordination pédagogique à visée expérimentale ", n'a pas remplacé [V], ni M. [L], tous deux chefs de service. La mission qui lui était confiée ne correspondait pas aux fonctions exercées par les chefs de service et leur départ n'a pas davantage coïncidé avec la prise de fonction de Mme [C] sur les périodes considérées.

Mme [C], qui ne prétend pas avoir remplacé un autre salarié, ne rapporte donc pas la preuve qu'elle aurait droit à l'indemnité résultant de l'article 40 de la convention collective nationale susvisée, laquelle est subordonnée au remplacement comme mentionné en son alinéa 2.

Il est, en outre, relevé que Mme [C] a été remplie de ses droits au titre des missions effectuées puisqu'elle a été bénéficiaire d'une indemnité mensuelle majorée respectivement de 36 et 50 points au prorata de la durée hebdomadaire de travail.

La cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de Mme [C] de rappel des salaires.

Sur la demande de dommages et intérêts et nullité du licenciement pour harcèlement moral.

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, fussent sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail que le licenciement d'un salarié victime de harcèlement moral est nul si ce licenciement trouve directement son origine dans ces faits de harcèlement ou leur dénonciation.

Il résulte de l'article L. 1154-1 du code du travail que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge de suivre un raisonnement en trois étapes :

1°) d'examiner la matérialité de tous les éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits,

2°) d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail,

3°) dans l'affirmative, d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [C] invoque les faits suivants :

o la sous classification et la précarisation de sa situation, par la violation des obligations conventionnelles (non respect de l'article 40 de la convention collective nationale précédemment visé), ce qui l'a fragilisée socialement et pécuniairement ,

o sa déstabilisation et celle de l'ensemble de l'équipe de direction, en raison de groupes de salariés qui se sont opposés les uns aux autres, l'absence de soutien de la direction à l'équipe dirigeante (constituée de Mme [C], M. [I], M. [O]), la tardiveté de réponse à la demande réitérée de réunion, l'absence d'axe d'amélioration proposé après la réunion, le déclenchement de la procédure disciplinaire à son encontre (août 2020), procédure qui a été " d'une extrême violence ", puis l'abandon de toute procédure disciplinaire. Avoir introduit une procédure disciplinaire en l'absence de motif constitue une légèreté blâmable, une initiative déloyale qui généré un véritable traumatisme, constaté par la médecine du travail,

o sa vraie fausse sanction, après réception de la lettre de l'employeur du 20 août 2020 ne la sanctionnant pas, mais contenant de nombreux sous-entendus, elle a été placée en arrêt de travail, et n'a plus été en mesure de reprendre son poste. L'IME n'a pas diligenté d'enquête loyale. Elle n'a jamais été visée par les faits justifiant une procédure de licenciement et l'intégration dans ce groupe visé par la sanction disciplinaire a contribué à la dénigrer, dévaloriser, déstabiliser. L'employeur n'a ensuite pas informé les autres salariés de l'absence de sanction disciplinaire à son encontre, ne la réhabilitant pas.

A l'appui de ses affirmations, Mme [C] produit les deux avenants à son contrat de travail, la demande d'entretien et de convocation, son dossier médical, le courrier du 20 août 2020, les arrêts de travail, l'avis d'inaptitude, l'attestation de sa mère et l'attestation de M. [R].

La cour retient que les faits présentés par la salariée et pris dans leur ensemble ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

En effet, il suffira de rappeler, respectivement de rajouter que :

- Les missions complémentaires données à Mme [C], accompagnées de majorations salariales ne constituent pas davantage un harcèlement, mais la reconnaissance de compétences ayant donné lieu ensuite à une promotion (chef du service éducatif).

- la situation délicate traversée par l'ICM, qui s'est traduite par une demande de protection de certains salariés contre le directeur en exercice, qui a été licencié pour faute grave, n'a pas concerné pas Mme [C].

- Dans le respect de ses obligations de sécurité et de prévention des risques, l'employeur a mené une enquête interne, préalable au licenciement, enquête au cours de laquelle elle a été convoquée et entendue puisqu'en l'année 2020, elle faisait partie de l'équipe de direction. La procédure de licenciement mise en place dans le cadre de la protection des salariés puis classée sans suite ne peut pas être considérée comme abusive, les arguments de la salariée ayant au contraire été entendus et reconnus. Ces circonstances ne sont pas constitutives de harcèlement,

- L'arrêt de travail de Mme [C] n'est pas un arrêt pour maladie professionnelle ni accident du travail,

- l'attestation de la mère de Mme [C] ne peut être révélatrice d'un quelconque harcèlement subi par sa fille puisqu'elle n'a été témoin d'aucune circonstance, si ce n'est du ressenti de sa fille,

- l'attestation isolée de M. [R], licencié pour faute grave, ne permet pas de caractériser un harcèlement subi par Mme [C].

En conséquence, la cour confirme lle jugement déféré en ce qu'il a débouté Mme [C] de ses demandes de dommages et intérêts et de nullité du licenciement en lien avec un harcèlement moralconfirmer la décision du conseil des prud'hommes qui a retenu l'absence de harcèlement subi par Mme [C],.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de loyauté.

Pour prétendre à des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, Mme [C] présente les mêmes faits que ceux qu'elle soumettait à la cour au titre de son harcèlement moral.

La cour n'a retenu aucun fait, de sorte qu'est confirmé le jugement ayant débouté Mme [C] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte des faits avérés que l'IMC a pris les mesures nécessaires, à savoir diligenter une enquête, lorsque qu'un groupe de 9 salariés a sollicité la protection de la direction face à l'attitude d'un salarié chef de service, qui a été à l'issue de l'enquête, licencié pour faute.

Dès lors, et par de justes motifs que la cour adopte, c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'absence de manquement de l'ICM à son obligation de sécurité.

Sur les demandes en lien avec un licenciement sans cause réelle et sérieuse à titre subsidiaire.

En application de l'article L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants: éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il lui appartient de justifier qu'il a satisfait à ses obligations.

A cet égard, lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, qui l'a provoquée, le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse (en ce sens Soc., 3 mai 2018, pourvoi n° 17-10.306, Bull. 2018, V, n° 72).

En l'espèce, il a été constaté que l'employeur n'a manqué ni à l'exécution loyale du contrat de travail, ni à son obligation de sécurité.

Partant, et par voie de confirmation, la demande subsidiaire de licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [C] sera rejetée en l'absence de démonstration d'un fait fautif de l'employeur à l'origine de son inaptitude.

Sera également confirmé le jugement qui a rejeté les demandes en lien avec le licenciement sans cause réelle et sérieuse, à savoir la demande de paiement du préavis et de l'indemnité de licenciement.

Sur la demande de rappel de l'indemnité de licenciement.

Compte tenu du rejet de la demande de rappel des salaires, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [C] au titre du rappel de licenciement, demande fondée sur un revenu incluant le rappel des salaires.

Sur les demandes annexes

En considération de la solution apportée au litige, la demande de remise des documents sociaux conforme à l'arrêt est sans objet. La cour confirme le jugement déféré.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Par application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de condamner Mme [C] aux dépens d'appel et à verser à l'Institut [3] la somme de 1200 €.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Cahors du 25 octobre 2022 en toutes ses dispositions

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [C] aux dépens d'appel et à verser à l'Institut [3] la somme de 1200 €.

CONDAMNE Mme [C] aux dépens de la procédure d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Pascale FOUQUET, conseiller, et par Laurence IMBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,