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Décisions

CA Montpellier, 1re ch. soc., 17 janvier 2024, n° 21/00451

MONTPELLIER

Arrêt

Autre

CA Montpellier n° 21/00451

17 janvier 2024

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER

1re chambre sociale

ARRET DU 17 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 21/00451 - N° Portalis DBVK-V-B7F-O25P

ARRET N°

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 05 JANVIER 2021

CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MONTPELLIER

N° RG F 16/00764

APPELANTE :

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Philippe GARCIA de la SELARL CAPSTAN - PYTHEAS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIME :

Monsieur [R] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Charles SALIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitiué par Me BENEY Eve, au barreau de MONTPELLIER,

Ordonnance de clôture du 02 Novembre 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 NOVEMBRE 2023,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, chargé du rapport et devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre

Mme Anne MONNINI-MICHEL, Conseillère

Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Véronique ATTA-BIANCHIN

ARRET :

- Contradictoire;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Véronique ATTA-BIANCHIN, Greffière.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 10 février 2001, M. [R] [V] a été engagé par la SA Auchan France -Auchan Montpellier gérant le site sis à [Localité 3] ' à temps partiel en qualité de « ELS » (employé libre-service) de la convention collective nationale du commerce à prédominance alimentaire.

Par avenant non daté à effet au 1er septembre 2004, le salarié a été promu conseiller de vente dans le secteur Bazar à temps complet et est passé du niveau 1B au niveau 2B.

En juillet 2007, il a été promu gestionnaire de rayon niveau 3B.

En décembre 2010, il a été promu au niveau 3C.

Par avenant du 31 août 2015, il a été convenu qu'il occuperait à compter du 1er septembre 2015 le poste de conseiller commercial en « VE » (vente) jusqu'au 30 novembre 2015 à titre probatoire.

A l'issue de cette période, il a conservé ce poste, la classification étant maintenue à 3C.

En novembre 2016, il percevait une rémunération mensuelle de base de 1 709,32 brut.

Depuis son embauche, le salarié est titulaire de mandats syndicaux.

La relation salariée est actuellement toujours en cours.

Par requête du 13 mai 2016, le salarié a demandé au conseil de prud'hommes de Montpellier de condamner l'employeur à lui payer la somme de 40 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, outre une indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Par la suite, il a fait valoir que les agissements de l'employeur étaient constitutifs de discrimination en lien avec ses activités syndicales, a sollicité la même somme en réparation de son préjudice et a demandé qu'il soit ordonné à l'employeur de lui attribuer la classification 3D.

L'affaire a été renvoyée devant la formation de départage.

Par jugement du 5 janvier 2021, le juge départiteur ayant délibéré seul après avis pris des conseillers prud'hommaux, a :

- dit que M. [R] [V] avait été victime de discrimination syndicale de la part de son employeur la SA Auchan,

- condamné la SA Auchan à payer à M. [R] [V] les sommes de :

* 30 000 euros net de Csg Crds de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la discrimination syndicale,

* 1 000 euros net de Csg Crds au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties de toute autre demande,

- condamné la SA Auchan aux dépens.

Par déclaration enregistrée au RPVA le 21 janvier 2021, la SAS Auchan Hypermarché a régulièrement interjeté appel de l'intégralité de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 25 octobre 2023, la SAS Auchan demande à la Cour :

A titre principal et préliminaire, d'annuler le jugement de départage;

A titre subsidiaire, de juger qu'elle présente des éléments objectifs excluant l'existence d'une discrimination syndicale au sens de l'article 1134-1 du code du travail, que M. [V] n'apporte pas la preuve de remplir les conditions requises pour pouvoir accéder en application de l'accord d'entreprise de la classification de 2012 à l'échelon « D » correspondant à son niveau, qu'il ne justifie d'aucun préjudice lié à sa discrimination ;

En tout état de cause, de juger que le préjudice ne peut en tout état de cause pas dépasser 1 747,44 euros brut ;

En conséquence, de :

- réformer le jugement et débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [V] à 2 850 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 5 juillet 2021, M.[R] [V] demande à la Cour de :

- confirmer le jugement ;

- condamner la Société Auchan à lui verser la somme de 30 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ainsi que la somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code procédure civile ;

- la condamner aux dépens.

Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé, conformément à l'article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 novembre 2023.

MOTIFS

Sur l'annulation du jugement.

L'article 542 du code de procédure civile dispose que « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel ».

L'article 455 alinéa 1er du même code prévoit que « Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé ».

L'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'Hommes stipule que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (') ».

En l'espèce, l'employeur fait valoir que :

- la décision du conseil de prud'hommes est entachée d'impartialité en ce que d'une part, le délibéré fut houleux à la suite d'un conflit officiel entre le juge départiteur présidant la formation et le conseiller du collège employeur et d'autre part, l'indemnité allouée au salarié représente davantage que l'indemnité qu'il aurait pu percevoir s'il avait perdu son travail en application de l'article L. 1235-3 du code du travail,

- la décision a prononcé l'exécution provisoire totale en se référant de manière succincte à « la nature de l'affaire » et à « l'ancienneté des faits » ; ce qui constitue une apparence de motivation sanctionnable, et non une motivation en fait et en droit,

- en faisant peser la responsabilité des délais de procédure sur une seule partie (l'employeur contre lequel l'exécution provisoire totale a été décidée) alors qu'il n'est pas démontré qu'elle serait à l'origine de délais anormaux de procédure, le conseil de prud'hommes a prononcé une décision viciée dans sa motivation.

Aucun élément concret du dossier ne permet d'étayer l'incident survenu en cours de délibéré entre le juge départiteur et le conseiller du collège employeur. En tout état de cause, il est constant que le juge départiteur a délibéré seul après avoir pris l'avis des conseillers prud'hommaux en application des articles L.1454-4 et R.1454-31 du code du travail.

Le seul montant de l'indemnité allouée au salarié au titre de son préjudice consécutif à la discrimination liée à ses activités syndicales ne saurait établir l'impartialité du juge ; tout au plus, il ne peut s'agir que d'une mauvaise évaluation dudit préjudice au regard des pièces du dossier.

L'article 515 précité, dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2020, applicable au présent litige, la saisine du conseil de prud'hommes intervenue le 18 mai 2016, dispose que « Hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi.

Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation ».

En l'espèce, la motivation relative à l'exécution provisoire est la suivante :

« Compte tenu de la charge de travail très importante de la Chambre sociale de la Cour d'Appel de Montpellier donc des délais d'audiencement, au vu de la nature de l'affaire et de l'ancienneté des faits, sera ordonnée l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile ».

Si la considération du délai important devant la présente chambre sociale n'apparaît pas pertinente pour décider de l'exécution provisoire totale de la décision prononcée par la juridiction prud'homale, en revanche la référence à la nature de l'affaire et à l'ancienneté des faits constitue une motivation au sens de l'article 455 précité.

La motivation de l'exécution provisoire n'est pas viciée du seul fait que celle-ci a été prononcée pour la totalité des dispositions du jugement, le juge étant autorisé à la prononcer pour tout ou partie de la condamnation, sans qu'il puisse en être déduit que la partie condamnée serait à l'origine du long délai de procédure ; ce, d'autant qu'en l'espèce, une partie de la procédure s'est déroulée alors que l'état sanitaire d'urgence avait été mis en oeuvre du fait de l'épidémie du covid-19. Tout au plus, s'agit-il d'une mauvaise appréciation du dossier qui ne traduit pas, en dehors de tout autre élément, la partialité du juge de première instance.

Dès lors, les moyens présentés au soutien de la demande de nullité du jugement doivent être écartés.

Sur la discrimination.

En application de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison notamment de ses activités syndicales.

Les articles L. 1132-4 et L. 1134-1 prévoient respectivement que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance de ces dispositions est nul et que lorsque survient un litige, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, le salarié expose qu'à compter de décembre 2010, date à laquelle il a été promu du niveau 3B au niveau 3C, il n'a plus bénéficié du moindre avancement, sa nomination au 1er septembre 2015 au poste de conseiller commercial vente au rayon petit électroménager n'ayant pas modifié sa rémunération, et que l'employeur lui reproche sans cesse son manque de disponibilité ; ce alors qu'il est titulaire depuis 2001 de mandats syndicaux. Il en déduit qu'il est victime de discrimination en lien avec ses activités syndicales.

Plus précisément, il évoque les faits suivants :

- le caractère subjectif de sa notation dans le cadre de la gestion du développement individuel des employés ou GDI dans la mesure où :

* le nombre de points attribués ' qui conditionne la rémunération variable individualisée, l'échelon et la rémunération supplémentaire ' a stagné entre 2013 et 2015 (37 points) et a par la suite, postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes le 18 mai 2016, légèrement augmenté, alors qu'il bénéficiait de très bonnes appréciations et aurait dû obtenir 42 points,

* il n'a été informé que deux jours avant de la tenue de son entretien GDI pour l'année 2015 ; ce qui ne lui a pas permis de se préparer contrairement aux stipulations de l'accord du 13 avril 2012,

* son évaluatrice a évoqué ses heures de délégation, lui reprochant ses absences à ce titre,

- l'absence d'évolution de carrière dans la mesure où :

* l'employeur l'a informé le 11 février 2011 de ce que sa GDI de l'année précédente serait reconduite, les responsable et chef de secteur n'ayant été recrutés qu'en 2010, et que cela aurait pour conséquence de le faire passer du niveau B au niveau C au 1er novembre 2010,

* l'employeur a toutefois souhaité le rétrograder du niveau 3 au niveau 2 ; ce qu'il a refusé le 22 février 2011, et ce qui a conduit l'employeur à lui écrire le 24 février 2011 qu'il serait finalement maintenu au niveau 3,

* depuis l'entretien d'évaluation de 2012, malgré ses demandes chaque année pour être élevé au niveau D, il se trouve maintenu au niveau C, sans aucune explication de la part de l'employeur, alors que le seuil de 42 points n'est pas une condition de passage au niveau D, les seules conditions requises étant d'être à l'échelon C depuis au moins deux années, de développer un haut niveau de qualité de tenue de fonction sur une longue période et d'avoir des résultats commerciaux, économiques et de service performants, selon l'accord précité,

- sa responsable n'a eu de cesse de lui reprocher un prétendu manque de disponibilité du fait de l'exercice de ses mandats et a entravé ses fonctions syndicales en ne transmettant pas des bons de délégation, en le convoquant à des entretiens informels pour lui reprocher ses absences pendant ses heures de délégation.

Le salarié verse aux débats les éléments suivants :

- l'accord du 13 avril 2012, le contrat social 2007 Auchan France, l'accord d'entreprise relatif à la gestion du développement individuel des employés (GDI),

- une lettre du 11 février 2011 de sa chef de secteur Mme [K] et du responsable des ressources humaines M. [N], remise en main propre, aux termes de laquelle ceux-ci lui indiquent pour l'essentiel qu'à la suite de la réunion du 20 décembre 2010, sa GDI de l'année précédente est reconduite du fait du changement de son responsable direct et de son chef de secteur quatre mois auparavant, que cette décision a pour conséquence d'élever son niveau de fonction de B à C au 1er novembre 2010, que ses fonctions relèvent de la classification niveau 2, « employé qualifié libre service » et non pas de la classification « gestionnaire de sous rayon », qu'il est envisagé de le positionner au niveau 2 mais que son salaire demeurera inchangé, étant précisé qu'il sera reçu en entretien sur ce sujet,

- sa lettre du 22 février 2011 par laquelle il refuse tout changement de niveau et refuse d'être rétrogradé au niveau 2, précisant qu'il a été positionné au niveau 3 lorsqu'il occupait le poste de vendeur scooter au rayon sport, qu'il a été maintenu à ce niveau après la suppression de ce poste alors même qu'il occupait un poste de niveau 2 et qu'il ne comprend pas pourquoi cette situation changerait après plusieurs années,

- la lettre du 24 février 2011 de M. [N], par laquelle celui-ci évoque un malentendu et précise : « Nous n'avions pas la volonté de vous imposer un changement de classification. Cet éventuel changement a été envisagé dans votre intérêt par rapport à votre poste actuel.

Suite à votre refus, nous vous confirmons votre maintien à votre poste actuel en classification 3C »,

- la grille des salaires au 1er mars 2015 montrant que la rémunération forfaitaire mensuelle pour un temps complet est fixée à 1 698,70 euros s'agissant du niveau 3C et à 1 747,24 euros s'agissant du niveau 3D ainsi que les définitions des niveaux et conditions d'obtention du passage au niveau D, à savoir :

* le niveau C correspond à « confirmé »,

* le niveau D correspond à « l'excellence professionnelle »,

* le passage au niveau C s'obtient par l'entretien GDI sous réserve que le salarié totalise au minimum 42 points durant deux années consécutives,

* le passage au niveau D s'obtient sur proposition managériale après entretien, sous réserve que le salarié ait été au niveau C durant au moins deux années,

- les comptes rendus d'évaluation ou GDI pour les années 2012 à 2018 incluses dont il résulte qu'il lui a été attribué 30 points en 2012, puis 37 points en 2013, 2014 et 2015, puis encore 39 points en 2016 et 40 points en 2018, étant précisé qu'effectivement, le compte rendu de 2015 mentionne en face de la phrase « A l'esprit d'équipe et s'intègre bien à celle-ci », « NON » et qu'il est précisé : « est souvent « absent » du rayon car en délégation »,

- sa lettre du 11 janvier 2016 aux termes duquel il s'étonne de la mention de sa responsable relative à ses absences pour exercer ses mandats syndicaux et la lettre en réponse du responsable des ressources humaines datée du 12 janvier 2016 aux termes de laquelle celui-ci lui indique pour l'essentiel que la dernière GDI a été immédiatement « dé-clôturée » du fait de l'écart constaté et qu'il sera reçu prochainement par sa responsable Mme [K] dans des conditions optimales,

- sa lettre du 17 juillet 2015 au responsable des ressources humaines par laquelle il indique d'une part, avoir sollicité lors de l'entretien GDI le 31 octobre 2014 son passage au niveau D et d'autre part, réitérer sa demande, faute de réponse de la part de sa hiérarchie,

- la réponse du 20 juillet 2015 par laquelle il lui est d'une part, rappelé les conditions du passage au niveau D ( « être à l'échelon C depuis au moins deux ans, avoir développé un haut niveau de qualité de tenue de fonction sur une longue période avec 2 entretiens successifs avec 42 points ou plus, avoir des résultats commerciaux, économiques et de service performants, réaliser voire dépasser les objectifs fixés ») et le fait qu'il totalise 37 points et d'autre part, indiqué qu'il est invité à accroître son professionnalisme pour améliorer son évaluation par exemple sur la « maîtrise des outils, (son) intérêt sur le chiffre d'affaires journalier et (ses) actions pour atteindre les objectifs chiffrés, la gestion des stocks », alors qu'il a « été formé à l'outil GCH »,

- la lettre du contrôleur du travail du 8 janvier 2015, aux termes de laquelle il rappelle notamment s'agissant des bons de délégation, que chaque élu doit informer son responsable hiérarchique dans un délai raisonnable s'il part en délégation et que les bons de délégation complétés doivent être remis le lundi au responsable,

- sa lettre du 12 août 2016 relatif au « dysfonctionnement sur les bons de délégation et pointage » par laquelle il alerte la direction sur l'absence de transmission de ses bons de délégation pour les semaines 29 et 30 et la réponse du 19 septembre 2016 par laquelle la responsable des ressources humaines lui confirme d'une part, ne pas avoir eu de bon de délégation signé par son manager pour le 19 juillet 2016 et avoir régularisé la situation à réception d'une copie réceptionnée par la suite et d'autre part, que le traitement des bons de la journée du 29 juillet 2016 déposés le 1er août n'était pas terminé le 5 août lorsqu'il s'est présenté,

- sa lettre du 10 octobre 2016 par laquelle il se plaint de ce que Mme [K] lui a reproché ce même jour d'avoir fait quatre heures supplémentaires la semaine 39, ce à quoi il avait répondu qu'il était en heures de délégations extérieures ; ce qui avait conduit sa responsable à lui indiquer qu'il devait prendre ses heures de délégation sur son temps de travail ; position qu'il considère constituer une entrave à son mandat,

- la lettre du 24 octobre 2016 de la responsable des ressources humaines qui lui rappelle l'accord sur le dialogue social du 28 mai 2015, lequel stipule que le temps de délégation doit être formalisé notamment par un bon de délégation, qui sera régularisé au départ en délégation, et sauf circonstances exceptionnelles, après la prise des heures de délégation et que les responsables hiérarchiques doivent être informés dans un délai raisonnable de la prise d'heures de délégation afin d'organiser le service,

- la réponse du 21 novembre 2016 à la lettre du 10 octobre 2016 par laquelle la responsable des ressources humaines lui précise que Mme [K] est en droit de s'interroger sur le dépassement de la durée de travail au cours de la semaine 39, que ses heures de délégation peuvent être utilisées en dehors de son temps de travail et lorsqu'elles dépassent son temps de travail, sont rémunérées en tant qu'heures supplémentaires sous réserve que le dépassement soit justifié par l'exercice de son mandat et enfin qu'elle l'invite à informer son manager de ses départs en délégation pour que celui-ci puisse suivre son temps de travail hebdomadaire de 35 heures et le respecter et respecter son droit à repos hebdomadaire,

- la réponse du 5 décembre 2016 du salarié par laquelle il précise prévenir son manager de ses absences lors de son départ en délégation ; il estime que les bons de délégation ne doivent pas constituer un « flicage » car il choisit librement le moment où il souhaite utiliser ses heures de délégation, lesquelles peuvent être utilisées en dehors de l'horaire habituel de travail en raison des nécessités de son mandat ; il évoque les effets néfastes de cette situation sur sa santé physique et morale,

- la lettre du 13 janvier 2020 de l'inspectrice du travail par laquelle elle estime qu'une rupture caractérisée de la neutralité de la direction de l'établissement Auchan [Localité 3] résulte d'un courriel envoyé le 23 octobre 2019 par la responsable des ressources humaines au sujet des délégations des élus Sega afin de ne pas « laisser la part belle à FO ».

Les éléments de fait présentés par le salarié ' l'absence de formations, la tentative par l'employeur de disqualifier la classification de celui-ci en 2011, la référence dans le compte rendu de GDI de 2015 aux absences du salarié du fait de ses heures de délégation et l'absence de nouveau compte rendu alors que l'employeur avait annoncé que cet écart de la part de la responsable entraînerait l'annulation de l'évaluation, l'absence de toute évolution à compter de l'année 2010, le litige sur les heures de délégation ' laissent présumer une situation de discrimination liée aux activités syndicales du salarié.

L'employeur, qui réfute toute discrimination, rétorque que la carrière du salarié a évolué régulièrement depuis son embauche alors qu'il a été élu syndical dès 2001, ce qui montre qu'aucune discrimination en lien avec ses mandats n'est établie. Il fait valoir que le salarié a été maintenu au niveau C car il ne présentait pas les qualités professionnelles requises pour être élevé au niveau D, niveau d'excellence professionnelle qu'il n'a pas atteint, que le litige relatif aux heures de délégation s'est noué car le salarié ne prévenait pas son responsable de ses absences et enfin que la mention relative à ses absences du fait de ses mandats syndicaux procède d'une maladresse commise par une nouvelle responsable, que l'employeur y a remédié immédiatement en annulant l'évaluation et que l'année suivante, l'esprit d'équipe a été souligné sans référence à ses absences.

Il verse aux débats les pièces suivantes :

- l'accord d'entreprise relatif à la GDI, déjà produit par le salarié,

- l'accord relatif au développement du dialogue social Auchan France,

- la liste des formations depuis 2010, dont il résulte que contrairement à ce que soutient le salarié, il a bénéficié régulièrement de formations, étant précisé qu'il était parfois inscrit mais a été mentionné comme absent à certaines d'entre elles,

- la classification des fonctions issue de la convention collective nationale des commerces de gros et de détail à prédominance alimentaire, applicable,

- le compte rendu du GDI de 2015 mentionnant les absences du salarié du fait de ses heures de délégation ainsi que celui de l'année suivante n'y faisant pas référence, documents déjà produits par le salarié,

- un document de 2019 relatif au GDI qui précise que pour passer à l'échelon D, le salarié doit justifier de quatre années d'ancienneté, de 42 points sur deux entretiens successifs, doit réaliser systématiquement ou dépasser les objectifs fixés, étant précisé que « c'est un grand performer, qui met le client au c'ur de ses préoccupations », qu'il « développe un haut niveau de qualité de tenue de fonction sur une longue période, a des résultats commerciaux, économiques et de services performants dans la durée, intervient au titre de la contribution à l'ensemble et participe aux activités transverses du site, contribue activement à la professionnalisation de ses collègues »,

- un document listant les élus et leur niveau dont il ressort que sur 19 élus, 4 sont de niveau B, 13 de niveau C et 2 de niveau D,

- les comptes rendus des entretiens GDI à compter du 20 décembre 2011 dont il résulte que si les qualités professionnelles du salarié étaient notées, notamment s'agissant de l'accueil de la clientèle ou de son implication dans le végétal, des insuffisances ou des améliorations étaient relevées dans le même temps, et les objectifs fixés l'année précédente n'étaient pas tous atteints ; ainsi par exemple ;

* le 20 décembre 2011, il était relevé qu'il devait travailler en collaboration avec le CR, être force de proposition pour ses sous rayons et devait remonter toutes les incohérences relatives au stock,

* le 14 décembre 2012, il était mentionné qu'il devait être beaucoup plus percutant sur la dynamique commerciale, analyser les ruptures de stock avec le «GA » et être plus réactif au quotidien sur les ruptures dans les sous rayons,

*le 10 décembre 2013, il était relevé que s'il était impliqué dans le secteur du végétal et de l'animalerie, il devait apporter plus de dynamique commerciale,

*le 9 décembre 2014, la tenue du rayon casquettes n'était pas conforme, les relevés de rupture devaient être traités en collaboration avec le « GA » et le « MC », il devait s'investir dans la pertinence des analyses et s'intéresser à ses résultats et chercher à améliorer ses performances,

* le 14 novembre 2016, il était mentionné que les relevés intermédiaires de rupture de stocks n'étaient pas traités ce qui ne permettait pas d'anticiper les ruptures, qu'il n'y avait pas de suivi sur le cahier d'événements, qu'il manquait d'autonomie et ne consultait pas Pilot CA tout seul alors qu'il devrait le faire chaque jour pour être plus autonome et réactif,

* le 13 novembre 2017, il était évoqué le fait qu'il ne tenait pas de planning promotionnel, qu'il ne tenait toujours pas de cahiers événements même s'il remontait les informations, qu'il ne faisait pas d'inventaire d'initiative mais qu'il s'intéressait aux résultats de son marché,

- les bulletins de salaire de l'intimé dont il résulte que sa rémunération mensuelle brut a augmenté continuellement depuis 2007.

Ainsi, l'employeur établit par des éléments objectifs que si le salarié présente des qualités professionnelles indéniables, il n'a pas encore atteint le niveau d'excellence requis pour passer du niveau C au niveau D et que son évolution salariale n'a pas été bloquée.

Il démontre ensuite avoir fait bénéficier le salarié de formations régulières depuis son embauche.

L'employeur, qui doit contrôler le temps de travail et le temps de repos des salariés, était en droit de vérifier que le salarié effectuait ses heures de délégation en priorité sur ses heures de travail effectif, étant précisé qu'il appartient au salarié qui exerce ses heures de délégations hors du temps de travail effectif, de justifier de la nécessité de les exercer en sus de son temps de travail.

Il ressort de l'analyse des échanges épistolaires entre employeur et salarié sur les bons de délégation que ceux-ci ont été à au moins deux reprises remis par celui-ci a posteriori alors qu'ils auraient dû être remis avant l'exercice des heures de délégation, sauf cas particulier non allégué par le salarié.

Enfin, il ne résulte pas du dossier que l'employeur ou son représentant n'aurait pas, sciemment, transmis les bons de délégation à temps.

En revanche, si la déclassification du salarié de l'échelon 3 à l'échelon 2 n'a finalement pas été réalisée du fait du refus catégorique opposé par ce dernier, l'employeur a tout de même envisagé cette déclassification alors que le maintien à l'échelon 3B avait été décidé pendant plusieurs années.

Surtout, en 2015, l'évaluation du salarié, pourtant discriminante, réalisée par sa supérieure hiérarchique qui a fait état de son manque d'esprit d'équipe du fait de ses absences liées à ses heures de délégation syndicale n'a concrètement pas été rectifiée malgré la lettre de l'employeur reconnaissant un écart maladroit et annonçant l'annulation de ladite évaluation. Le nombre de points attribués est demeuré fixé à 37 alors que l'appréciation sur le manque d'esprit d'équipe aurait dû être retirée. Ce n'est que postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes le 18 mai 2016, que l'évaluation suivante lui a attribué 39 points.

Il s'ensuit que l'employeur ne prouve pas que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il y aura lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le salarié avait été victime d'une discrimination liée à ses activités syndicales.

Toutefois, la réparation du préjudice résultant de la discrimination doit, au regard des éléments d'analyse développés ci-dessus, être ramenée à la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires.

L'employeur sera tenu aux dépens de première instance et d'appel.

Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;

REJETTE la demande de nullité du jugement de départage du 5 janvier 2021 ;

CONFIRME ledit jugement en ce qu'il a dit que M. [R] [V] avait été victime de discrimination liée à ses activités syndicales par la SAS Auchan Hypermarché et en ce qu'il a statué sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME ledit jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à payer à M. [R] [V] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice consécutif à la discrimination ;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché à payer à M. [R] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel;

CONDAMNE la SAS Auchan Hypermarché aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

La greffière Le président