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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 30 janvier 2024, n° 22/00150

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 22/00150

30 janvier 2024

[P] [S]

C/

[U] [Z]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

1re chambre civile

ARRÊT DU 30 JANVIER 2024

N° RG 22/00150 - N° Portalis DBVF-V-B7G-F36M

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 26 novembre 2021,

rendu par le tribunal judiciaire de Dijon - RG : 11-21-000331

APPELANT :

Monsieur [P] [C] [R] [S]

[Adresse 4]

[Localité 2]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/0007380 du 04/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon)

Représenté par Me Anaëlle LE BLEVEC, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 101

INTIMÉ :

Monsieur [U] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assisté de Me Maïté ROCHE, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représenté par Me David FOUCHARD, membre de la SELARL CABINET D'AVOCATS PORTALIS ASSOCIES - CAPA, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 45

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 novembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 30 Janvier 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Par arrêt de la cour d'assises du Jura du 27 janvier 2016, M. [P] [S] a été reconnu coupable des faits dont il était accusé, et il a notamment été condamné à la peine de 16 ans de réclusion criminelle.

Maître [Z], qui était avocat au barreau de Lyon, a assisté M. [S] dans cette procédure devant la cour d'assises du Jura. Il est actuellement avocat honoraire à la retraite.

Sans contester sa culpabilité mais estimant n'avoir pas été défendu par Maître [Z] comme il le souhaitait, M. [S] a formé, le 28 septembre 2018, une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy, aux fins d'intenter une action en responsabilité civile professionnelle contre Maître [Z] devant le tribunal de grande instance de Reims.

Selon décision du 23 avril 2019, il lui a été accordé l'aide juridictionnelle, la part de l'Etat ayant été fixée à 100 %.

Par décision complétive du 14 mai 2019, la Selarl Vincens-Bouguereau, huissier de justice, a été désignée pour délivrer l'assignation.

Par acte du 24 mars 2021, M. [S] a fait assigner Maître [Z] devant le tribunal judiciaire de Dijon aux fins de mise en cause de sa responsabilité professionnelle et de le voir condamner à lui payer :

- 10 000 euros au titre d'une indemnisation globale pour les préjudices subis,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [S] a été entendu par visio conférence. Il n'était pas assisté d'un avocat.

Maître [Z], par l'intermédiaire de son conseil, a soulevé la prescription de l'action.

Par jugement du 26 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Dijon a :

- déclaré prescrite l'action exercée par M. [S] à l'encontre de Maître [Z],

- condamné M. [S] aux entiers dépens.

Le 30 décembre 2021, M. [S] a formé une demande d'aide juridictionnelle aux fins d'interjeter appel dudit jugement.

Par décision du 4 janvier 2022, Maître Le Blevec a été désignée par M. le Bâtonnier de l'ordre des avocats de Dijon aux fins de l'assister.

M. [S] a relevé appel de ce jugement suivant déclaration du 3 février 2022, enregistrée le 4 février suivant.

Au terme de conclusions notifiées le 16 octobre 2023, il demande à la cour, au visa des articles 1147 ancien (devenu l'article 1231-1), 1991, 2225, 2231, 2241 du code civil, 412 du code de procédure civile, 132-24 et suivants du code pénal, de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, de l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, de :

-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dijon du 26 novembre 2021,

en conséquence et statuant à nouveau ;

-condamner Maître [U] [Z] à l'indemniser des préjudices subis en lien direct et certain avec les fautes commises, et à lui payer les sommes suivantes :

- 7 000 euros au titre de la perte de chance ;

- 3 000 euros au titre du préjudice moral ;

-condamner Maître [U] [Z] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures d'instance et d'appel,

-condamner Maître [U] [Z] aux entiers dépens au titre des procédures d'instance et d'appel.

Au terme de conclusions d'intimé notifiées le 11 septembre 2023, M. [U] [Z] demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Dijon en date du 26 novembre 2021 en ce qu'il a déclaré l'action de M. [S] prescrite et en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ses demandes,

A titre liminaire,

- juger que la décision définitive de la cour d'assises du Jura en date du 27 janvier 2016 a mis fin à sa mission,

- juger que la décision d'admission à I'aide juridictionnelle octroyée par le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy à M. [S] le 23 avril 2019 et complétée le 14 mai 2019 est caduque,

- juger que M. [S] l'a assigné devant le tribunal judiciaire de Dijon le 24 mars 2021, soit plus de cinq ans après l'arrêt définitif de Ia cour d'assises du Jura en date du 27 janvier 2016,

par conséquent,

- juger l'action de M. [S] à son encontre prescrite et que ses demandes sont dès lors irrecevables;

- débouter M. [S] de ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions formulées à son encontre;

Sur le fond,

A titre principal,

-juger qu'il n'a pas commis de faute dans le cadre des missions qui lui ont été confiées par M. [S],

par conséquent,

- débouter M. [S] de ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions formulées à son encontre;

Subsidiairement,

- juger que Ies manquements reprochés ne se trouvent pas en lien de causalité direct et certain avec Ies préjudices allégués par M. [S],

- juger que M. [S] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'une perte de chance, même minime, d'avoir été jugé différemment,

par conséquent,

- débouter M. [S] de ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions formulées à son encontre;

A titre infiniment subsidiaire,

- juger que M. [S] ne rapporte pas la preuve des préjudices qu'il invoque, ni dans Ieur principe, ni dans Ieur montant,

par conséquent,

- débouter M. [S] de ses demandes en toutes fins, moyens et prétentions formulées à son encontre;

en tout état de cause,

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner M. [S] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner M. [S] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître David Fouchard, avocat sur son affirmation de droit.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 octobre 2023.

Sur ce la cour,

A titre liminaire, la cour observe que certaines des demandes tendant à voir 'juger', ... ne constituent qu'un rappel de moyens ou d'arguments mais ne contiennent aucune prétention au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile. Elles ne saisissent donc pas la cour qui ne statuera pas sur ces 'demandes'.

1/ Sur la prescription de l'action

Les parties s'accordent sur l'application de l'article 2225 du code civil.

La discussion porte sur le point de départ de la prescription de cinq ans mais encore sur l'interruption ou la suspension de ce délai.

Selon l'article 2225 du code civil, l'action en responsabilité dirigée contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la fin de leur mission.

Il résulte de la combinaison des articles 2225 du code civil, 412 du code de procédure civile et 13 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat que le délai de prescription de l'action en responsabilité du client contre son avocat, au titre des fautes commises dans l'exécution de sa mission, court à compter de l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister son client, à moins que les relations entre le client et son avocat aient cessé avant cette date (conf. arrêt Cour de cassation Civ 1ère du 14 juin 2023 n°22-17.520).

En l'espèce, en l'absence de rupture antérieure des relations, le délai de prescription de l'action de M. [S] a commencé à courir à compter du 6 février 2016, date à laquelle l'arrêt de la cour d'assises du Jura est devenu définitif.

L'action devait donc être introduite, hors acte interruptif, avant le 6 février 2021 minuit.

Selon l'article 2241 du code civil, la demande en justice interrompt le délai de prescription.

L'interruption est toutefois non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si la demande est définitivement rejetée.

Au terme de l'article 43 du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020 relatif à l'aide juridique:« Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° De la notification de la décision d'admission provisoire ;

2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° De la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

4° Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Lorsque la demande d'aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.

Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d'aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente. »

L'article 59 du même décret prévoit que la décision d'admission à l'aide juridictionnelle est caduque si, dans l'année de sa notification, la juridiction n'a pas été saisie de l'instance en vue de laquelle l'admission a été prononcée.

Ainsi, la demande d'aide juridictionnelle formée en vue de saisir une juridiction a pour effet d'interrompre la prescription de l'action à la condition que la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant ait été adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration du délai de prescription auquel cas un nouveau délai de même durée court à compter, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

L'absence de saisine de la juridiction dans le délai de l'article 59 du décret est sanctionné par la caducité de la décision d'admission.

En l'espèce, le 28 septembre 2018, M. [S] a saisi le bureau d'aide juridictionnelle prés le tribunal de grande instance de Nancy d'une demande d'aide juridictionnelle dans le délai de prescription de cinq ans, en suite de quoi il a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle selon décision du 23 avril 2019 avec désignation de l'huissier instrumentaire le 14 mai 2019.

Il est constant que M. [S] n'a pas engagé son action dans le délai d'un an visé à l'article 59 du décret susvisé de sorte que la décision d'admission à l'aide juridictionnelle est devenue caduque.

Toutefois, Il est de jurisprudence constante que la caducité de la décision d'admission à l'aide juridictionnelle lorsque la juridiction n'a pas été saisie dans l'année de sa notification n'a d'effet qu'en ce qui concerne le bénéfice de l'aide juridictionnelle et n'a pas d'incidence sur l'interruption des délais résultant de l'aide juridictionnelle. (Conf. arrêt Civ 2° du 7 mai 2003 n°01-17.693 et plus récemment arrêt soc. du 12 juillet 2022 n°21-15.091).

Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [Z], la caducité de la décision d'admission n'a pas eu pour effet d'anéantir l'effet interruptif attaché à la demande d'aide juridictionnelle formée par M. [S] le 28 septembre 2018 et un nouveau délai de cinq ans a commencé à courir à compter de la désignation de l'huissier de justice, soit à compter du 14 mai 2019, de sorte que l'action de M. [S] introduite le 24 mars 2021 devant le tribunal judiciaire de Dijon n'est pas prescrite.

Le jugement déféré doit, en conséquence, être infirmé en ce qu'il a déclaré l'action prescrite.

La cour évoque donc l'affaire sur le fond conformément à l'article 568 du code de procédure civile.

2/ Sur le fond

M. [S] entend rechercher la responsabilité contractuelle de Maître [Z] sur le fondement des articles 1147 du code civil, 1991 al1 du code civil, 412 du code de procédure civile et de la loi du 31 décembre 1971 portant sur les obligations de l'avocat. Il lui reproche d'avoir adopté une ligne de défense ayant donné lieu à des manquements tant aux obligations de conseil, de dévouement, de diligence, de prudence, de respect des instructions du client, qu'au devoir d'information sur les voies de recours.

Selon l'article 412 du code de procédure civile, la mission d'assistance en justice emporte pouvoir et devoir de conseiller la partie et de présenter sa défense sans l'obliger.

L'avocat, investi d'un devoir de compétence, est tenu d'accomplir, dans le respect des règles de la déontologie, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son client.

Il n'est toutefois tenu que d'une obligation de moyen.

Au terme de l'article 1147 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Il appartient à M. [S], en application de l'article 1315 du code civil, dans sa version applicable, de démontrer l'existence d'une faute commise par son avocat en lien avec un ou plusieurs préjudices, ces derniers devant également être prouvés par l'appelant.

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

M. [S] formule de nombreux griefs à l'endroit de Me [Z].

Toutefois, ces griefs, si nombreux soient t-ils, ne sauraient être établis dans leur matérialité par les seules notes et commentaires émanant de l'appelant lui même en vertu du principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

Au demeurant, il n'est pas contesté que Me [Z] n'est intervenu pour la défense des intérêts de l'appelant dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'assises du Jura du 27 janvier 2016 qu'en fin d'instruction.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, il résulte des courriers adressés par l'intimé à son client que Me [Z] a fait une demande de nouvelle expertise portant sur le matériel informatique saisi auprès du magistrat instructeur tandis que M. [S] ne justifie pas qu'il aurait mandaté son avocat aux fins de solliciter des confrontations alors qu'il avait reconnu les faits reprochés dès la garde à vue.

Il est justifié qu'une demande de contre-expertise psychologique a été transmise au magistrat instructeur le 6 novembre 2014.

De même, M. [S] ne justifie pas, avant sa condamnation par la cour d'assises, avoir réclamé à son avocat l'accès au dossier d'instruction alors qu'il produit lui même l'acte de délivrance de la copie du dossier de la procédure au terme duquel il sollicite que la copie du dossier soit remise à son avocat, ce document étant signé par l'accusé le 7 décembre 2015.

Par ailleurs, les courriers adressés par Me [Z] à son client démontrent les nombreux échanges entre eux à propos de l'affaire, M. [S] ne contestant pas que l'intimé ait répondu à toutes ses lettres.

Celui-ci ne démontre pas en quoi les nombreuses pièces, qu'il a faites parvenir à son conseil, dont certaines remises par un tiers correspondaient à des relevés de facturation SFR, et dont il soutient avoir réclamé la production devant la cour d'assises, auraient pu avoir un effet sur la décision de ladite cour.

Il n'explique pas davantage en quoi la perquisition de son véhicule de société dans lequel ont été découverts puis saisis ses téléphones, son ordinateur de société et des disques durs serait nulle, le seul fait que le véhicule ne soit pas un domicile étant insuffisant à cet effet ni quelles conséquences cette nullité, à la supposer établie, aurait eu sur la procédure.

Les irrégularités alléguées, quant à la durée de la garde à vue, ne sont pas démontrées. En revanche, il ressort du courrier du Général de corps d'armée [I] [X] du 17 novembre 2014 que sa garde à vue a été levée par le procureur de la République afin qu'il puisse être évacué vers le centre hospitalier de [6] après qu'il se soit lui même infligé des blessures dans la cellule, la garde à vue ayant été reprise ensuite en milieu hospitalier le surlendemain après transfert à l'hopital de [Localité 5].

Les violences que M. [S] dénoncent dans le cadre de sa garde à vue de la part d'un gendarme ne sont corroborées par aucun élément, seul un écart verbal de ce dernier, quant à la présomption d'innocence, ayant été reconnu.

Les autres arguments visant à la nullité de la procédure (délai de convocation à l'expertise psychiatrique et réquisitions du procureur de la République en suite de l'avis de fin d'information) sont inopérants.

Par suite, aucun élément ne permet de douter que Me [Z] aurait failli à ses obligations quant à la défense des intérêts de son client lors de l'audience devant la cour d'assises ou qu'il aurait manqué à son mandat en adoptant une ligne de défense différente de celle indiquée par son client.

Bien au contraire, il a notamment pris soin de prendre attache avec l'infirmière de la maison d'arrêt pour obtenir des éléments confirmant que M. [S] rencontrait régulièrement un psychologue ou un psychiatre dans le cadre de sa détention et ce pour éclairer la cour et les jurés sur la personnalité de son client.

Par courrier du 11 janvier 2016, il confirmait à son client avoir demandé à Mme la présidente de la cour d'assises de faire citer M. [B] en qualité de témoin de personnalité sans que M. [S] n'ait exigé à ce moment précis qu'il fasse la même démarche pour les trois autres témoins allégués dont au moins deux d'entre eux avait attesté par écrit ce qui ne justifiait pas forcément leur comparution qui relevait, en tout état de cause, du pouvoir discrétionnaire du président de la cour d'assises.

Les allégations de faux témoignages ne sont aucunement étayées et aucun élément ne vient confirmer que Me [Z] aurait pu adopter une attitude désagréable à l'égard des jurés ou encore qu'il aurait refusé le visionnage de vidéos à décharge, précision étant donnée que cette décision d'ordonner un tel visionnage, ou d'y renoncer, ne lui incombe pas.

Selon les propres termes de M. [S], la discussion entre les parties civiles et certains témoins, avant leur déposition, a été portée à la connaissance de l'Avocat général de sorte que, comme le soutient Me [Z], la question a été abordée lors du procès.

Il n'est nullement établi que Me [Z] n'aurait pas mentionné lors des débats l'état de santé de l'appelant alors qu'en tout état de cause, cette information ne devait pas avoir d'effet sur le quantum de la peine prononcée.

M. [S] n'explicite pas en quoi la remise aux parties civiles d'un courrier au terme duquel il reconnaissait sa culpabilité aurait pu avoir un effet quelconque sur la décision de la cour d'assises alors qu'il avait reconnu les faits dès la garde à vue.

L'affirmation selon laquelle il n'aurait pas eu la parole en dernier est contredite par le contenu de l'arrêt de cour d'assises du 27 janvier 2016. Rien n'indique qu'il n'y aurait pas eu lecture des questions posées aux jurés ainsi que des réponses apportées pour motiver sa condamnation alors au demeurant qu'aucune faute de son conseil n'est suggérée de ce chef.

Enfin, si Me [Z] a pu déconseiller à son client de faire appel de cette décision, aucun élément ne permet de vérifier que ce conseil était inadapté alors au demeurant que M. [S] indiquait à son avocat, par courrier du 4 février 2016, qu'il n'avait pas fait appel ce dont il s'évince qu'il connaissait les modalités pour former ledit recours.

En conséquence, la preuve d'une faute de Me [Z] dans la défense des intérêts de son client n'est pas établie.

En tout état de cause, à supposer tout ou partie des fautes reprochées à Me [Z] démontré, le préjudice de M. [S] s'analyserait en une perte de chance d'obtenir une décision de la cour d'assises plus clémente.

Or, M. [S], qui a reconnu les faits pour lesquels il a comparu devant la cour d'assises dès la garde à vue, ne fournit au dossier aucun élément probant pouvant laisser penser à cette cour que la peine de 16 ans qui a été prononcée aurait pu être réduite au regard à la fois de la gravité des faits reprochés et de la personnalité de l'intéressé.

En conséquence, M. [S] est débouté de ses demandes.

3/ Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif.

En l'absence de mauvaise foi avérée de la part de M. [S], la demande de l'intimée doit être rejetée.

4/ Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré est confirmé sur les dépens.

M. [S], succombant, est condamné aux dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Partie tenue aux dépens, il est condamné à verser à Maître [U] [Z] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. [P] [S] aux dépens,

Statuant à nouveau,

Déclare recevable l'action engagée par M. [P] [S] à l'encontre de Maître [U] [Z] comme n'étant pas prescrite,

Evoquant le fond,

Déboute M. [P] [S] de ses demandes,

Déboute Maître [U] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. [P] [S] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Condamne M. [P] [S] à payer à Maître [U] [Z] une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président