Décisions
CA Poitiers, 1re ch., 6 février 2024, n° 22/00808
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRÊT N°62
N° RG 22/00808
N° Portalis DBV5-V-B7G-GQFS
E.A.R.L. DE L'AUBE
C/
E.U.R.L. HYPEAU PATRICK
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 janvier 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT
APPELANTE :
E.A.R.L. DE L'AUBE
N° SIRET : 433 060 449
[Adresse 4]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
E.U.R.L. HYPEAU PATRICK
N° SIRET : 481 964 625
[Adresse 5]
ayant pour avocat postulant Me Eric DABIN de la SELARL ERIC DABIN, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par lettre d'engagement du 17 décembre 2008, l'earl de l'Aube, la scea Le Mars, la Ferme Jouin Eric et la scea La Ferme de [Localité 3] exploitées par [R] [S] ont confié à L'eurl Patrick Hypeau l'exécution de travaux agricoles. Il a été convenu pour la première année la réalisation de la totalité des moissons, le suivi technique des cultures, la gestion des commandes de produits nécessaires aux cultures et, pour les années suivantes, la réalisation de la totalité des travaux et des commandes d' intrants. Il a été stipulé un paiement en totalité à la récolte la première année et, pour les années suivantes, par l'émission de trois à quatre factures par an selon des modalités définies en début d'année.
Par contrat de prestation de services de travaux agricoles pour la campagne 2013/2014 en date du 30 septembre 2013, l'earl de l'Aube a confié à l'eurl Patrick Hypeau la réalisation de travaux agricoles. Le paiement a été convenu comptant à réception de la facture, sans escompte.
L'earl de l'Aube a refusé le paiement de factures de l'eurl Patrick Hypeau au motif que les travaux n'avaient pas été réalisés conformément au contrat ou aux bonnes pratiques agricoles.
Elle a fait dresser le 6 novembre 2015 le constat de l'état des parcelles.
La société Groupama son assureur a missionné un expert. Les rapports de la société Polyexpert sont en date des 31 décembre 2015 et 15 novembre 2019.
Par acte du 10 février 2016, l'eurl Patrick Hypeau a fait délivrer à l'earl de l'Aube une sommation de payer la somme totale de 316.160,70 € correspondant au solde débiteur du compte de la société à hauteur de 245.148,22 € et à trois factures en date du 7 décembre 2015 (deux factures de location de matériels, une facture d'agios). Cette sommation de payer est demeurée infructueuse.
Par acte du 7 avril 2016, l'eurl Patrick Hypeau a fait assigner l'earl de l'Aube devant le tribunal de grande instance de Niort. Elle a demandé paiement de la somme précitée.
Par ordonnance du 23 mars 2017, le juge de la mise en état a sur la demande de l'earl de l'Aube ordonné une expertise confiée à [G] [P]. Le pré-rapport de l'expert est en date du 14 octobre 2019.
Par ordonnance du 10 décembre 2019, le juge du contrôle des expertises a fixé une consignation complémentaire à la charge de l'earl de l'Aube. Celle-ci n'a pas procédé à la consignation ordonnée.
Par ordonnance du 23 juin 2020, le juge du contrôle des expertises a constaté la caducité de la mesure d'expertise.
L'eurl Patrick Hypeau a dans ses dernières écritures demandé de condamner l'earl de l'Aube à lui payer les sommes de :
- 316.160.70 € avec intérêts de retard au taux de trois fois celui de l'intérêt légal ;
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.
L'earl de l'Aube a conclu au rejet de ces demandes. Elle a reconventionnellement demandé paiement des sommes de :
- 531.336 € à titre de dommages et intérêts ;
- 267.341 € hors taxes soit 320.809,20 € toutes taxes comprises au titre de la location des bâtiments, de la fourniture d'eau, de la mise à disposition de salariés, de la vente de matériels, des semences de blé et de tournesol.
Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Niort a statué en ces termes :
'REJETTE la demande de révocation de ordonnance de clôture du 3 juin 2021;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 282,04 euros principal au titre des factures impayées 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015 ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 268,60 euros titre des intérêts de retard sur la somme de 388euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ;
DIT que la somme de 157 388 euros portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 décembre 2015 et que la somme de 151 894,04 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016 ;
RAPPELLE que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ;
DÉBOUTE l'EURL Hypeau Patrick de sa demande de dommages et intérêts;
DÉBOUTE l'EARL de l'Aube de ses demandes de dommages et intérêts ;
REJETTE le surplus des demandes ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube aux entiers dépens ;
ORDONNE 1''exécution provisoire'.
Par jugement du 30 août 2022, il a sur la requête de l'eurl Patrick Hypeau statué en ces termes :
'ORDONNE le rabat de l'ordonnance de clôture et CLÔTURE à nouveau l'instruction au 30 mai 2022 ;
REJETTE le moyen tiré de ce que la cour d'appel de Poitiers serait seule compétente pour statuer sur la requête ;
ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle du jugement du 24 janvier 2022 (RG n° 20101038) et dit que :
les mots :
« CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 282, 04 euros en principal au titre des factures impayées du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015 ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à I'EURL Hypeau Patrick la somme de 268, 60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157 388 euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ;
seront remplacés par les mots :
« CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 309 282,04 euros en principal au titre des factures impayées du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015 ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 4 268,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de. 157 388 euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ; » ;
DIT que les dépens resteront à la charge du trésor public'.
Il a considéré que :
- les prétentions de la demanderesse avaient un fondement contractuel ;
- la lettre d'engagement n'avait pas stipulé une obligation de résultat et que le contrat de prestation de services avait stipulé une obligation de moyens ;
- la défenderesse, qui n'en avait produit aucune, n'établissait pas que les lettres de chantier établies unilatéralement pas la demanderesse qui les a versées aux débats, avaient été produites pour les besoins de la cause ou falsifiées ;
- l'expert judiciaire n'avait relevé aucune mauvaise pratique agricole, ni une facturation excessive ;
- le triplement du taux des intérêts de retard n'avait été convenu que pour la campagne 2013/2014.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts de l'eurl Patrick Hypeau en l'absence de préjudice subi distinct du retard de paiement réparé par les intérêts de retard.
Il a rejeté les demandes reconventionnelles de l'earl de l'Aube aux motifs que :
- celle-ci était contractuellement tenue de mettre à disposition du personnel ;
- les matériels dont il était demandé paiement avaient été régulièrement acquis par la demanderesse en paiement du prix de prestations ;
- n'étaient pas justifiés les éléments de calcul des autres demandes ;
- la preuve de manquements de l'eurl Patrick Hypeau à l'origine des préjudices allégués n'était pas rapportée.
Par déclaration reçue au greffe le 28 mars 2022 enrôlée sous le numéro 22/808, l'earl de l'Aube a interjeté appel du jugement du 24 janvier 2022.
Par déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2022 enrôlée sous le numéro 22/2804, l'earl de l'Aube a interjeté appel du jugement du 30 août 2022.
Par ordonnance du 22 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces procédures.
Par arrêt du 16 mars 2023, le premier président de cette cour a sur la demande de l'earl de l'Aube ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, l'earl de l'Aube a demandé de :
'' DÉCLARER l'EARL DE L'AUBE recevable et bien fondée en son appel,
'DECLARER l'EURL HYPEAU PATRICK mal fondée en ses appels incidents et l'en débouter,
' SURSEOIR A STATUER dans l'attente des suites données à la procédure pénale actuellement pendante,
- JUGER que l'EURL HYPEAU PATRICK ne formule aucune demande d'infirmation ou de réformation au dispositif de ses conclusions d'intimée,
- JUGER les appels incidents de l'EURL HYPEAU PATRICK irrecevables,
- JUGER que la Cour d'appel de POITIERS n'est saisie d'aucun appel incident de l'EURL HYPEAU PATRICK,
' INFIRMER le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de NIORT en ce qu'il a
' rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 Juin 2021,
' condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 282,04 € en principal au titre des factures impayées du 9 Décembre 2013 au 7 Décembre 2015,
' condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 286,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 388 euros, du 25 Février 2013 au 3 Décembre 2015,
' dit que la somme de 157.388 € portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 Décembre 2015 et que la somme de 151.894,04 € portera intérêts au taux légal à compter du 10 Février 2016,
' rappelé que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,
' débouté l'EARL DE L'AUBE de ses demandes de dommages et intérêts,
' rejeté le surplus des demandes,
' condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
' condamné l'EARL DE L'AUBE aux entiers dépens,
' ordonné l'exécution provisoire.
' INFIRMER le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le Tribunal judiciaire de NIORT tel que rectifié par son jugement du 30 août 2022 et infirmer ce jugement rectificatif en ce qu'il a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 Juin 2021,
- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 309.282,04 € en principal au titre des factures impayées du 9 Décembre 2013 au 7 Décembre 2015,
- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.286,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157.388 euros, du 25 Février 2013 au 3 Décembre 2015,
- dit que la somme de 157.388 € portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 Décembre 2015 et que la somme de 151.894,04 € portera intérêts au taux légal à compter du 10 Février 2016,
- rappelé que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,
- débouté l'EARL DE L'AUBE de ses demandes de dommages et intérêts,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné l'EARL DE L'AUBE aux entiers dépens.
- ordonné l'exécution provisoire
Y faisant droit, statuant à nouveau :
' DEBOUTER l'EURL HYPEAU PATRICK de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de ses appels incidents,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK à verser à l'EARL DE L'AUBE la somme de 531.336 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de droit,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK à verser à l'EARL DE L'AUBE la somme de 320 809,20€ TTC au titre de prestations et fournitures, avec intérêts de droit,
A titre subsidiaire, si le jugement tel que rectifié n'était pas infirmé en ce qu'il a condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 309.282,04 € en principal au titre des factures impayées du 9 Décembre 2013 au 7 Décembre 2015 ; condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.286,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157.388 euros, du 25 Février 2013 au 3 Décembre 2015 ; dit que la somme de 157.388 € portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 Décembre 2015 et que la somme de 151.894,04 € portera intérêts au taux légal à compter du 10 Février 2016,
' CONFIRMER dans leurs montants ces condamnations,
' CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'EURL HYPEAU PATRICK de sa demande de dommages et intérêts et surplus de ses demandes.
En tout état de cause :
' DEBOUTER l'EURL HYPEAU PATRICK de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de ses appels incidents,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK à verser à l'EARL DE L'AUBE la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK au dépens'.
Elle a rappelé que les pièces 1 à 13, que l'intimée demandait tardivement et de manière déloyale d'écarter des débats pour défaut de communication, avaient été communiquées en première instance, avaient été visées au bordereau de communication de pièces annexé à ses premières conclusions d'appelante, du 28 juin 2022.
Elle a soutenu que :
- l'expert avait assorti ses conclusions de nombreuses réserves, étant intervenu bien après les récoltes litigieuses ;
- les bons de chantier n'étaient pas réguliers et qu'une plainte avec constitution de partie civile en cours d'instruction avait été déposée ;
- les attestations de Vsn Négoce, fournisseur des produits phytosanitaires qu'elle utilisait, établissaient que l'intimée avait utilisé d'autres produits, certains particulièrement nocifs ;
- la note de synthèse établie par [C] [D], expert phytosanitaire à la différence de l'expert judiciaire, avait caractérisé les manquements de l'intimée dans l'utilisation de ces produits ;
- les factures litigieuses avaient établies alors que l'intimée convoitait les terres qu'elle exploitait, pour lesquelles elle avait fait une offre à l'occasion de la procédure de redressement judiciaire.
Elle a ajouté que :
- la cour n'avait pas été saisie de l'appel incident de l'eurl Patrick Hypeau, aucune demande d'infirmation du jugement n'ayant été formée s'agissant du rejet de la demande d'indemnisation d'un préjudice accessoire ;
- le conseiller de la mise en état avait renvoyé à la cour l'examen de ce chef d'irrecevabilité de l'appel incident ;
- la somme de 294.751,60 € avait été réglée à l'intimée entre janvier 2010 et juin 2015 ;
- l'intimée ne justifiait pas du préjudice allégué.
Elle a maintenu ses demandes en paiement des sommes de :
- 531.336 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de sa perte d'exploitation chiffrée par l'expert judiciaire ;
- 320.809,20 € au titre de prestations et fournitures diverses (location bâtiments, fourniture eau, vente matériels).
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023, l'eurl Hypeau Patrick a demandé de :
'Vu l'article 1134 du Code civil ;
Vu l'article 1153 du Code civil ;
Vu les dispositions de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 ;
Vu l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Vu l'article 906 du Code de procédure civile ;
Vu les pièces versées aux débats ;
In limite litis,
JUGER que les pièces numérotées 01 à 13 de l'EARL DE L'AUBE n'ont pas été communiquées en temps utile.
ECARTER des débats les pièces numérotées 01 à 13 de l'EARL DE L'AUBE.
Sur le fond,
VOIR CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
JUGER mal fondé l'appel de l'EARL DE L'AUBE.
LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de l'EURL HYPEAU PATRICK.
REJETER la demande de sursis à statuer formulée par l'EARL DE L'AUBE.
CONDAMNER L'EARL DE L'AUBE à verser à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 316 160,70 €, augmentée des intérêts fixés à trois fois le taux de l'intérêt légal.
LA CONDAMNER à lui verser la somme de 10 000,00 € au titre du préjudice matériel de l'EURL HYPEAU.
CONDAMNER L'EARL DE L'AUBE au versement entre les mains de l'EURL HYPEAU Patrick de la somme de 10 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre de la procédure d'appel.
CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
Elle a demandé d'écarter les pièces 1 à 13 de l'appelante, selon elle non communiquées devant la cour.
Elle a maintenu la demande en paiement des factures litigieuses, rappelant :
- qu'elle avait accepté d'intervenir au profit d'une entreprise en redressement judiciaire ;
- que l'expert judiciaire avait conclu à une conformité des factures aux prestations réalisées.
Elle a conclu au rejet de la demande de sursis à statuer, d'une part la plainte déposée ne le justifiant pas, d'autre part l'expert judiciaire n'ayant pas émis de doute sur ces documents.
Elle a maintenu sa demande de dommages et intérêts complémentaires.
L'ordonnance de clôture est du 13 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - SUR LA COMMUNICATION DE PIECES
L'article 15 du code de procédure civile dispose que : 'Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'.
L'article 16 alinéas 1 et 2 de ce même code rappelle que :
'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement'.
L'article 906 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que : 'Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie'.
Les pièces n° 1 à 3 produites par l'appelante sont mentionnées au bordereau des pièces communiquées annexé aux conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2022 par l'appelante.
L'intimé ne justifie d'aucune demande de communication de ces pièces qui serait restée sans suite. Il n'a pas saisi le conseiller de la mise en état d'un incident relatif à la communication de ces pièces.
Il n'y a pour ces motifs pas lieu d'écarter ces documents des débats.
B - SUR UN SURSIS A STATUER
L'article 4 du code de procédure civile dispose que :
'L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil'..
L'earl de l'Aube a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Niort à l'encontre de l'eurl Patrick Hypeau. La plainte initiale n'a pas été produite. Dans un courrier en date du 31 août 2022 adressé au juge d'instruction, le conseil de la plaignante a indiqué que : 'Monsieur [S], es qualité, vous a saisi par lettre du 16 juillet 2020 d'une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de la Société HYPEAU pour des faits de faux et usage de faux d'une part, et d'escroquerie ou de tentative d'escroquerie au jugement d'autre part'.
Par courriel en date du 30 octobre 2023, le juge d'instruction saisi a indiqué au conseil de la plaignante qu'il avait été saisi d'un réquisitoire introductif le 30 août 2023 et que l'audition de [R] [S] n'interviendrait pas avant la fin de l'année.
Il n'a été produit aux débats aucun document justifiant de l'état d'avancement de la procédure pénale, ni de sa recevabilité.
Cette procédure n'impose pas, par application des dispositions précitées, de surseoir à statuer jusqu'à achèvement de la procédure pénale.
La cour dispose par ailleurs des éléments nécessaires pour statuer.
La demande de sursis à statuer sera pour ces motifs rejetée.
C - SUR LA RELATION CONTRACTUELLE
La lettre d'engagement en date du 17 décembre 2008 conclu entre l'eurl Patrick Hypeau et [R] [S] représentant les earl de l'Aube, la scea le Lars, la scea La ferme de Crissé et Jouin Eric ferme stipule notamment que:
'Disposition 1 : Définition des travaux pour l'année 1(année de transition)
Les exploitations [S] confient à Patrick HYPEAU EURL :
- la réalisation de totalité des moissons soit environ 395 hectares,
- le suivi technique des cultures avec la gestion des commandes de produits nécessaire aux cultures. Un mandat sera d'ailleurs établi dans ce sens auprès de notre négociant [H].
A l'occasion, l'EARL DE L'AUBE et exploitations associées pourront être amenées à demander à Patrick HYPEAU EURL d'intervenir sur la Pulvérisation et sur les semis de printemps.
Disposition 2: Définition des travaux pour les années suivantes
Les exploitations [S] confient à Patrick HYPEAU EURL :
La réalisation de la totalité des travaux et des commandes d'intrants.
[...]
Disposition 5 : TARIFS A PROPOSER PAR Patrick HYPEAU EURL ET VAILDER (VALIDER) ENSUITE PAR L'EARL DE L'AUBE (révisé chaque année) Voir annexe
Disposition 6 : modalités de paiement
Les modalités de paiement seront les suivantes :
Année 1 :Tout à la récolte.
Année 2 et les suivantes: 3 à 4 factures par an définies en début d'année.
En cas de difficultés de règlement de L'EARL DE L'AUBE, Patrick HYPEAU EURL pourra effectuer un prélèvement sur les récoltes à concurrences des sommes dues'.
L'annexe mentionnée à la disposition 5 du contrat n'a pas été produite.
Cette convention n'a pas été dénoncée par l'une ou l'autre des parties.
Un contrat de prestation de services de travaux agricoles pour la campagne 2013/2014 a été conclu le 30 septembre 2013 entre l'earl Patrick Hypeau et l'earl de l'Aube. Il a notamment été stipulé que :
'Article 1 - Objet du contrat
Le Client charge l'Entreprise d'effectuer les travaux dont la nature, le volume, les lieux, les périodes d'exécutions et les conditions financières d'exécution sont décrits en annexe.
Article 2 - Durée du contrat
Le présent contrat est conclu pour une durée expirant à l'issue de la réalisation de la dernière en date des prestations de travaux mentionnées en annexe. Il n'est pas renouvelable par tacite reconduction.
Article 3 - Obligations de l'entreprise
[...]
L'Entreprise est tenue à une obligation de moyens et non à une obligation de résultat, les travaux d'application de produits phytopharmaceutiques et d'épandage de fertilisants étant en particulier réalisés conformément aux prescriptions fournies obligatoirement par le Client ou par ses conseils habilités.
[...]
Article 5 - Exécution des travaux
Les périodes d'intervention de l'Entreprise portées en annexe du présent contrat, y figurent à titre indicatif.
[...]
La date effective de début des travaux sera ensuite arrêtée après concertation entre le Client et l'Entreprise.
[...]
Article 6 - Prix
Le prix des travaux ou de chaque tranche de travaux objet du présent contrat est fixé en annexe.
[...]
Article 7 - Date de règlement
Les factures sont stipulées payables comptant sans escompte à réception de la facture'.
Comme précédemment, les annexes mentionnées au contrat n'ont pas été produites aux débats.
Les prestations réalisées par l'intimée, décrites aux fiches de travaux établies entre le 27 mars 2013 et le 25 juin 2015, n'ont pas fait l'objet de contestation jusqu'en 2015.
Un courrier en date du 9 décembre 2015 de l'appelante a été produit par l'intimée. [R] [S] a dans de courrier ayant pour objet :
'REPONSE AR AUX FACTURES RECUES le 09/12/2015 par l'EARL DE L'AUBE :
Facture n°39 du 30/09/2015 de 7 728.04 € TTC
Facture n'37 du 02/10/2015 de 52 272 € TTC
Factures n° 22, 24 et 25 du 07/12/2015 de 6 878.66 € TTC, 54 000 € TTC et 10 133.72 € TTC'
indiqué que :
'Concernant la facture n°37 de 52 272.00 € TTC : règlement suspendu suite contestation du travail non conforme et malfaçons faisant l'objet d'une déclaration de litige auprès de notre assureur GROUPAMA faite le 07/11/2015, référence 2015881167.
Concernant la facture n°39 de 7 728.04 €TTC : règlement refusé car relative aux travaux de la facture n° 37 ci-dessus faisant acte de double facturation et location de matériel abusive, le dit matériel cité en référence sur cette facture appartenant à ce jour à l'EARL de l'aube. Voir facture du 24/04/2011 ref 4-2011 de 102 975.60 émise par l'EARL de L'AUBE à I'EARL [Localité 2], payée en partie pour la somme de 58 597.13 € TTC le 12/05/2011.
Concernant la facture 22 de 6 878.66 € TTC: règlement refusé relatif au libellé même de la facture.
Concernant la facture 24 de 54 000 € TTC : règlement refusé, facture irrecevable pour location de matériel appartenant à l'EARL DE L'AUBE.
Concernant la facture 25 de 10 133.72 € TTC : règlement refusé, facture irrecevable pour location de matériel appartenant à lEARL de L'AUBE'.
L'appelante a produit aux débats un courrier recommandé non daté adressé à sa cocontractante, distribué le 27 novembre 2015. [R] [S] précité indique notamment dans ce courrier que :
'1 - Dernière demande de la liste des travaux détaillés
Je prends acte de tes refus répétés de fournir cette liste détaillé des travaux. Cependant, par la présente, je réitère, une dernière fois la demande de la liste des travaux. détaillés de toutes les interventions pour 2014 et 2015 pour chacune des parcelles de EARL de l'Aube et des exploitations affiliées et sous contrat avec l'EARL de l'Aube: SCEA le Mars, SCEA ferme de [Localité 3] et la ferme de Jouin Eric à [Localité 1].
[...]
2- Relevé partiel et non exhaustif de malfaçons
Il est nécessaire d'obtenir de ta part une explication pour avoir refusé d'exécuter les assolements demandés par mail chaque année pour chacune des fermes.
[...]
En attendant l'avis neutre d'experts : aucune des factures que tu as envoyées et qui sont non réglées à ce jour ne sont recevables en l'état'.
Les fiches de chantier ont été produites aux débats. Ces documents, établis unilatéralement par l'intimée, n'ont pas été contresignés par l'appelante. Il n'est toutefois pas établi que ces fiches ont été établies frauduleusement.
[G] [P], expert judiciaire, a établi un pré-rapport d'expertise en date du 14 octobre 2019. Il a conclu en ces termes en page 44 de son rapport :
'VI / CONCLUSION PROVISOIRE
Après avoir pris connaissance des dossiers des parties, entendu les parties, nous avons répondu aux différents éléments fixés dans notre mission.
' Nous avons analysé sur pièces la situation et conclus que les travaux et traitements effectivement mis en œuvre par l'EURL HYPEAU, dans le cadre des conventions existant entre les parties au cours des années 2013 à 2015 auraient été réalisés de manière conforme aux bonnes pratiques agricoles, à la réglementation en vigueur et aux préconisations des fournisseurs ; sous réserve des opérations de mise en culture, de fertilisation et d'irrigation pour lesquelles nous ne disposons pas d'éléments tangibles,
' Nous n'avons pas relevé d'incohérence dans l'analyse des factures de l'EURL HYPEAU, en relation avec les prestations de terrain, sous réserve des éléments communiqués,
' Nous avons conclu que les travaux et traitements semblent conformes aux factures adressées à l'EARL DE L'AUBE,
' Nous n'avons pas calculé de préjudice pour l'EARL DE L'AUBE en l'état de nos investigations, compte tenu des précédentes conclusions,
' Nous avons établi un compte provisoire entre les parties, bon nombre de demandes de la part de l'EARL DE L'AUBE manquant d'explication.
Sous toutes réserves, et dans l'attente des dires des parties'.
La société Polyexpert a été missionnée par la société Groupama, assureur de l'earl de l'Aube. Son rapport est en date du 15 novembre 2019. Il a considéré que le suivi cultural par l'eurl Hypeau avait été déficient, et que:
'le désherbant anti-graminée ALISTER est très efficace sur blé tendre mais toxique pour les blés durs et les orges. Cette dernière intervention faite par l'EARL HYPEAU sur les parcelles a détruit le potentiel de cette récolte'.
Elle a imputé à l'intimée la perte de rendement et par voie de conséquence de marge sur la période courant de l'année 2012 à 2015.
[C] [D], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux, a été missionné par l'appelante. Son rapport est en date du 31 janvier 2023. Il a notamment indiqué en page 6 de son rapport que :
'Nous retiendrons les points suivants :
- L'EURL HYPEAU n'était pas habilitée à choisir les produits de traitements ni à acheter ces produits pour le compte de l'EARL DE L'AUBE
- L'EURL HYPEAU prétend avoir appliqué sur 740 ha des produits jamais commandés par l'EARL DE L'AUBE
- L'EURL HYPEAU n'apporte pas la preuve de ces achats de produits'.
En page 7, il a précisé que :
'Le produit ALISTER n'est pas homologué sur l'orge ni sur le blé dur, et il ne l'était pas en 2015 (cf pièce n°8 de M. [S] : «Extrait index phytosanitaire 2015 (ALISTER) »). Il présente même une toxicité vis-à-vis de ces cultures, sur lesquelles il aurait donc été appliqué par l'EURL HYPEAU.
Cette grave incohérence concerne 56 ha de traitements sur la campagne 2015".
Il a conclu en ces termes en page 8 de son rapport :
'Les éléments qui nous ont été communiqués pour l'étude de ce dossier nous permettent de mettre en évidence un certain nombre de manquements de la part de l'EURL HYPEAU lors de ses interventions sur les parcelles de l'EARL DE L'AUBE entre 2013 et 2015.
Le manque de rigueur de la part de l'EURL HYPEAU dans la tenue de sa traçabilité est incontestable, et les éléments fournis par cette dernière ne permettent pas de connaître avec exactitude les caractéristiques des travaux effectués entre 2013 et 2015 sur les parcelles de l'EARL DE L'AUBE.
Sur la base des éléments en notre possession, des erreurs et incohérences importantes ont été démontrées concernant le traitement phytosanitaire de 800 ha environ de céréales entre 2013 et 2015.
Au vu des doutes concernant la fiabilité de la traçabilité communiquée à posteriori par l'EURL HYPEAU, il nous apparaît pertinent de nous questionner sur l'importance des manquements de cette dernière au-delà des erreurs et incohérences déjà relevées.
L'EARL DE L'AUBE a fait état de pertes financières importantes entre 2012 et 2015, époque à laquelle l'EURL HYPEAU intervenait sur les parcelles de l'EARL DE L'AUBE, suite à des récoltes catastrophiques. Ces éléments sont étayés dans les pièces n°14 et 16 de M. [S] : « PV Huissier de justice L. ANDOUARD » constatant le mauvais état des cultures en 2015 et « 2eme Rapport Polyexpert » qui propose un calcul des pertes financières entre 2012 et 2015.
Ces pertes financières nous semblent pouvoir être mises en corrélation avec les éléments de l'analyse qui précède. et justifient selon nous la procédure engagée par M. [S] à l'encontre de l'EURL HYPEAU'.
L'obligation de l'eurl Patrick Hypeau a été qualifiée de moyens au contrat de prestation de service.
S'agissant de la lettre d'engagement, la même qualification doit être retenue. D'une part, cette lettre ne stipule pas une obligation de résultat pesant sur l'intimée. D'autre part, les travaux agricoles sont soumis aux aléas climatiques et le résultat d'une exploitation agricole l'étant aux variations des prix.
L'appelante ne justifie par ailleurs pas d'une amélioration de ses rendements et résultats dès lors qu'elle n'a plus eu recours aux services de l'eurl Patrick Hypeau.
La note de synthèse de l'expert judiciaire, qui a procédé contradictoirement, dont les conclusions provisoires ne sont pas invalidées par celles d'experts ayant procédé non contradictoirement, ne permet pas de retenir que l'intimée a manqué à ses obligations contractuelles.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
D - SUR LA CRÉANCE DE L'EURL PATRICK HYPEAU
1 - sur la créance en principal
L'intimée a produit aux débats :
- les conventions précitées ;
- le relevé du compte client 'earl de l'Aube' extrait du grand livre, établi par la société Proconseil, comptable ;
- la copie des factures afférentes (pièces n° 9 à 19) ;
- les fiches de travaux établies unilatéralement.
L'expert a en page 42 du pré-rapport indiqué que :
'L'EURL HYPEAU a émis pour 281 423,05 € HT soit 328 856,41 € TTC de factures comprenant son travail et une partie de location de matériels, outre une facture de 5 732,22 € HT 6 878,66 TTC d'agios.
Nous avons analysé ces factures, supra (4.2° /) et nous n'avons rien relevé d'anormal'.
Il résulte des développements précédents et notamment du pré-rapport d'expertise, que la tarification retenue par l'intimée pour établir les factures dont elle demande paiement est cohérente avec la pratique agricole et les travaux effectués.
Les factures produites et retenues par l'expert judiciaire sont pour la première en date du 9 décembre 2013 et la dernière en date du 7 décembre 2015. Leur total hors taxes est de 281.423,05 € et toutes taxes comprises de 328.856,44 €.
Le premier juge a retenu ce montant toutes taxes comprises de 328.856,44 €.
Il a déduit des sommes dues les paiements justifiés par l'appelante, d'un montant de 19.574,40 €. Il n'est pas justifié d'autres paiements, dont la charge de la preuve pèse sur la débitrice. La créance toutes taxes comprises de l'intimée est en conséquence de 309.282,04 €.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a condamné l'earl de l'Aube au paiement en principal de la somme toutes taxes comprises de 309.282,04 €.
2 - sur les intérêts de retard
a - sur le contrat de prestation de service
Il a été stipulé au contrat de prestation de service, à l'article 7, que : 'Les sommes non réglées à l'échéance porteront intérêts, le taux de l'intérêt étant fixé à trois fois le taux de l'intérêt légal'.
Les factures afférentes à ce contrat sont d'un montant total toutes taxes comprises de 176.962,40 €, soit :
- facture n° 23 en date du 9 décembre 2013 d'un montant de 30.901,60 € ;
- facture n° 24 en date du 9 décembre 2013 d'un montant de 55.972,80 € ;
- facture n° 22 en date du 6 décembre 2014 d'un montant de 31.768 € ;
- facture n° 23 en date du 6 décembre 2014 d'un montant de 58.320 €.
L'intimée a émis une facture en date du 7 décembre 2015 (n° 22) dont l'objet était le suivant : 'Agios (factures échues et non réglées à ce jour)', d'un montant toutes taxes comprises de 6.878,66 €.
Cette facture ne précise pas les modalités de calcul des intérêts de retard, notamment le capital sur lequel ils sont calculés et leur taux.
Le premier juge a recalculé les intérêts de retard dus sur le montant de 157.388 €, montant restant dû après imputation des paiements du montant de 19.574,40 € précité. Il l'a exactement arrêté au 3 décembre 2015 à
4.268,60 €.
Les intérêts de retard seront calculés à compter du 4 décembre 2015 au taux de l'article 7 du contrat.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
b - sur la lettre d'engagement
En l'absence de stipulation d'un taux contractuel des intérêts de retard dans la lettre d'engagement et de mention sur les factures émises par l'eurl Patrick Hypeau d'un taux supérieur au taux légal, les intérêts de retard seront calculés au taux légal sur les sommes dues à ce titre,
Pour les mêmes motifs que précédemment, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que ces intérêts de retard étaient dus sur la somme de 151.894,04 € à compter du 10 février 2016, date de la sommation de payer.
3 - sur la demande de dommages et intérêts
L'article 1153 ancien alinéa 4 du code civil (1231-6 nouveau) applicable au litige dispose que : 'le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance'.
L'eurl Patrick Hypeau ne justifie pas d'un préjudice subi indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts moratoires.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il rejeté la demande présentée sur le fondement de l'article 1153 précité.
E - SUR LA CRÉANCE DE L'EARL DE L'AUBE
1 - sur les prestations et fournitures
La conclusion du pré-rapport d'expertise a été précédemment rappelée.
L'expert a en pages 42 et 43 de son pré-rapport indiqué que :
'o Nous analysons ci-dessous la facture produite par l'EARL DE L'AUBE en date du 8 avril 2018 :
' Location de bâtiments et infrastructures, pour une valeur de 48 000 € HT pour 5 ans, soit 9 600 € HT par an.
Nous n'avons aucun élément de calcul de ce prix de location qui pourrait être soit soumis au statut du fermage et donc aux arrêtés préfectoraux en vigueur, soit libre selon l'interprétation qui peut être faite de cette mise à disposition ; en outre il n'existait à notre connaissance aucune convention à ce sujet. Nous n'avons aucun moyen d'appréciation, ne connaissant pas la nature ni la surface des installations mise à disposition.
' Fourniture d'eau d'irrigation pour 36 784 € HT, sur une base de 4 ans à raison de 41 800 m3 par an à un prix de 0,22 € par m3. Nous ne comprenons pas cette ligne, l'eau d'irrigation pour l'EARL DE L'AUBE et structures associées ne pouvant être facturée à l'EURL HYPEAU. S'il s'agit d'une fourniture à l'EURL HYPEAU pour son propre compte, nous manquons d'éléments d'appréciation : nous ne connaissons pas les surfaces qui ont pu être irriguées par Mr HYPEAU sur son exploitation agricole. Sur les documents "marge brute" (pièce 48 Me DABIN), il n'apparait aucune surface en maïs irrigué ou autre culture irriguée pour la période concernée. En outre il ne nous a été communiqué aucune convention.
' Mise à disposition de HYPEAU Jean Louis : il s'agirait de mise à disposition de main d'oeuvre ; or celle-ci était intégrée au contrat de prestation de départ : cette ligne ne peut s'appliquer, à notre avis.
' Petits matériels pour 5 977 € HT ; nous n'avons aucun moyen factuel de vérifier si ces matériels ont changé de propriétaire.
' Blé et tournesol qualité semence, pour 11 700 € HT : nous ne pouvons donner d'avis ; nous ne savons pas s'il y a eu prélèvement et de quel ordre ; aucun élément tangible d'appréciation ne nous ayant été communiqué.
' Matériels pris non payés : il s'agirait du solde des matériels cédés en 2011: voir notre appréciation supra au 5.1° /. Cette ligne ne peut s'appliquer'.
L'appelante n'a produit aux débats aucun élément permettant de réfuter ces conclusions de l'expert et de considérer fondées ses prétentions formulées de ce chef.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande en paiement de l'earl de l'Aube.
2 - sur la demande de dommages et intérêts
La charge de la preuve des manquements contractuels de l'eurl Patrick Hypeau incombe à l'appelante.
Il résulte des développements précédents, notamment des termes du pré-rapport d'expertise dont la conclusion a été rappelée, que les manquements contractuels de l'eurl Patrick Hypeau allégués par l'earl de l'Aube ne sont pas avérés.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
F - SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.
G - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande de l'eurl Patrick Hypeau de déclarer irrecevables les pièces n° 1 à 3 produites par l'earl de l'Aube ;
REJETTE la demande de sursis à statuer présentée par l'earl de l'Aube ;
CONFIRME le jugement du 24 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Niort rectifié par jugement du 30 août 2022 ;
CONDAMNE l'earl de l'Aube aux dépens d'appel ;
CONDAMNE l'earl de l'Aube à payer en cause d'appel à l'eurl Patrick Hypeau la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 22/00808
N° Portalis DBV5-V-B7G-GQFS
E.A.R.L. DE L'AUBE
C/
E.U.R.L. HYPEAU PATRICK
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 06 FÉVRIER 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 janvier 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de NIORT
APPELANTE :
E.A.R.L. DE L'AUBE
N° SIRET : 433 060 449
[Adresse 4]
ayant pour avocat postulant et plaidant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
E.U.R.L. HYPEAU PATRICK
N° SIRET : 481 964 625
[Adresse 5]
ayant pour avocat postulant Me Eric DABIN de la SELARL ERIC DABIN, avocat au barreau de DEUX-SEVRES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 11 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par lettre d'engagement du 17 décembre 2008, l'earl de l'Aube, la scea Le Mars, la Ferme Jouin Eric et la scea La Ferme de [Localité 3] exploitées par [R] [S] ont confié à L'eurl Patrick Hypeau l'exécution de travaux agricoles. Il a été convenu pour la première année la réalisation de la totalité des moissons, le suivi technique des cultures, la gestion des commandes de produits nécessaires aux cultures et, pour les années suivantes, la réalisation de la totalité des travaux et des commandes d' intrants. Il a été stipulé un paiement en totalité à la récolte la première année et, pour les années suivantes, par l'émission de trois à quatre factures par an selon des modalités définies en début d'année.
Par contrat de prestation de services de travaux agricoles pour la campagne 2013/2014 en date du 30 septembre 2013, l'earl de l'Aube a confié à l'eurl Patrick Hypeau la réalisation de travaux agricoles. Le paiement a été convenu comptant à réception de la facture, sans escompte.
L'earl de l'Aube a refusé le paiement de factures de l'eurl Patrick Hypeau au motif que les travaux n'avaient pas été réalisés conformément au contrat ou aux bonnes pratiques agricoles.
Elle a fait dresser le 6 novembre 2015 le constat de l'état des parcelles.
La société Groupama son assureur a missionné un expert. Les rapports de la société Polyexpert sont en date des 31 décembre 2015 et 15 novembre 2019.
Par acte du 10 février 2016, l'eurl Patrick Hypeau a fait délivrer à l'earl de l'Aube une sommation de payer la somme totale de 316.160,70 € correspondant au solde débiteur du compte de la société à hauteur de 245.148,22 € et à trois factures en date du 7 décembre 2015 (deux factures de location de matériels, une facture d'agios). Cette sommation de payer est demeurée infructueuse.
Par acte du 7 avril 2016, l'eurl Patrick Hypeau a fait assigner l'earl de l'Aube devant le tribunal de grande instance de Niort. Elle a demandé paiement de la somme précitée.
Par ordonnance du 23 mars 2017, le juge de la mise en état a sur la demande de l'earl de l'Aube ordonné une expertise confiée à [G] [P]. Le pré-rapport de l'expert est en date du 14 octobre 2019.
Par ordonnance du 10 décembre 2019, le juge du contrôle des expertises a fixé une consignation complémentaire à la charge de l'earl de l'Aube. Celle-ci n'a pas procédé à la consignation ordonnée.
Par ordonnance du 23 juin 2020, le juge du contrôle des expertises a constaté la caducité de la mesure d'expertise.
L'eurl Patrick Hypeau a dans ses dernières écritures demandé de condamner l'earl de l'Aube à lui payer les sommes de :
- 316.160.70 € avec intérêts de retard au taux de trois fois celui de l'intérêt légal ;
- 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel.
L'earl de l'Aube a conclu au rejet de ces demandes. Elle a reconventionnellement demandé paiement des sommes de :
- 531.336 € à titre de dommages et intérêts ;
- 267.341 € hors taxes soit 320.809,20 € toutes taxes comprises au titre de la location des bâtiments, de la fourniture d'eau, de la mise à disposition de salariés, de la vente de matériels, des semences de blé et de tournesol.
Par jugement du 24 janvier 2022, le tribunal judiciaire (anciennement tribunal de grande instance) de Niort a statué en ces termes :
'REJETTE la demande de révocation de ordonnance de clôture du 3 juin 2021;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 282,04 euros principal au titre des factures impayées 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015 ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 268,60 euros titre des intérêts de retard sur la somme de 388euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ;
DIT que la somme de 157 388 euros portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 décembre 2015 et que la somme de 151 894,04 euros portera intérêts au taux légal à compter du 10 février 2016 ;
RAPPELLE que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision ;
DÉBOUTE l'EURL Hypeau Patrick de sa demande de dommages et intérêts;
DÉBOUTE l'EARL de l'Aube de ses demandes de dommages et intérêts ;
REJETTE le surplus des demandes ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube aux entiers dépens ;
ORDONNE 1''exécution provisoire'.
Par jugement du 30 août 2022, il a sur la requête de l'eurl Patrick Hypeau statué en ces termes :
'ORDONNE le rabat de l'ordonnance de clôture et CLÔTURE à nouveau l'instruction au 30 mai 2022 ;
REJETTE le moyen tiré de ce que la cour d'appel de Poitiers serait seule compétente pour statuer sur la requête ;
ORDONNE la rectification de l'erreur matérielle du jugement du 24 janvier 2022 (RG n° 20101038) et dit que :
les mots :
« CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 282, 04 euros en principal au titre des factures impayées du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015 ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à I'EURL Hypeau Patrick la somme de 268, 60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157 388 euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ;
seront remplacés par les mots :
« CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 309 282,04 euros en principal au titre des factures impayées du 9 décembre 2013 au 7 décembre 2015 ;
CONDAMNE l'EARL de l'Aube à payer à l'EURL Hypeau Patrick la somme de 4 268,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de. 157 388 euros, du 25 février 2013 au 3 décembre 2015 ; » ;
DIT que les dépens resteront à la charge du trésor public'.
Il a considéré que :
- les prétentions de la demanderesse avaient un fondement contractuel ;
- la lettre d'engagement n'avait pas stipulé une obligation de résultat et que le contrat de prestation de services avait stipulé une obligation de moyens ;
- la défenderesse, qui n'en avait produit aucune, n'établissait pas que les lettres de chantier établies unilatéralement pas la demanderesse qui les a versées aux débats, avaient été produites pour les besoins de la cause ou falsifiées ;
- l'expert judiciaire n'avait relevé aucune mauvaise pratique agricole, ni une facturation excessive ;
- le triplement du taux des intérêts de retard n'avait été convenu que pour la campagne 2013/2014.
Il a rejeté la demande de dommages et intérêts de l'eurl Patrick Hypeau en l'absence de préjudice subi distinct du retard de paiement réparé par les intérêts de retard.
Il a rejeté les demandes reconventionnelles de l'earl de l'Aube aux motifs que :
- celle-ci était contractuellement tenue de mettre à disposition du personnel ;
- les matériels dont il était demandé paiement avaient été régulièrement acquis par la demanderesse en paiement du prix de prestations ;
- n'étaient pas justifiés les éléments de calcul des autres demandes ;
- la preuve de manquements de l'eurl Patrick Hypeau à l'origine des préjudices allégués n'était pas rapportée.
Par déclaration reçue au greffe le 28 mars 2022 enrôlée sous le numéro 22/808, l'earl de l'Aube a interjeté appel du jugement du 24 janvier 2022.
Par déclaration reçue au greffe le 10 novembre 2022 enrôlée sous le numéro 22/2804, l'earl de l'Aube a interjeté appel du jugement du 30 août 2022.
Par ordonnance du 22 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces procédures.
Par arrêt du 16 mars 2023, le premier président de cette cour a sur la demande de l'earl de l'Aube ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 9 novembre 2023, l'earl de l'Aube a demandé de :
'' DÉCLARER l'EARL DE L'AUBE recevable et bien fondée en son appel,
'DECLARER l'EURL HYPEAU PATRICK mal fondée en ses appels incidents et l'en débouter,
' SURSEOIR A STATUER dans l'attente des suites données à la procédure pénale actuellement pendante,
- JUGER que l'EURL HYPEAU PATRICK ne formule aucune demande d'infirmation ou de réformation au dispositif de ses conclusions d'intimée,
- JUGER les appels incidents de l'EURL HYPEAU PATRICK irrecevables,
- JUGER que la Cour d'appel de POITIERS n'est saisie d'aucun appel incident de l'EURL HYPEAU PATRICK,
' INFIRMER le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de NIORT en ce qu'il a
' rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 Juin 2021,
' condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 282,04 € en principal au titre des factures impayées du 9 Décembre 2013 au 7 Décembre 2015,
' condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 286,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 388 euros, du 25 Février 2013 au 3 Décembre 2015,
' dit que la somme de 157.388 € portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 Décembre 2015 et que la somme de 151.894,04 € portera intérêts au taux légal à compter du 10 Février 2016,
' rappelé que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,
' débouté l'EARL DE L'AUBE de ses demandes de dommages et intérêts,
' rejeté le surplus des demandes,
' condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
' condamné l'EARL DE L'AUBE aux entiers dépens,
' ordonné l'exécution provisoire.
' INFIRMER le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le Tribunal judiciaire de NIORT tel que rectifié par son jugement du 30 août 2022 et infirmer ce jugement rectificatif en ce qu'il a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture du 3 Juin 2021,
- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 309.282,04 € en principal au titre des factures impayées du 9 Décembre 2013 au 7 Décembre 2015,
- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.286,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157.388 euros, du 25 Février 2013 au 3 Décembre 2015,
- dit que la somme de 157.388 € portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 Décembre 2015 et que la somme de 151.894,04 € portera intérêts au taux légal à compter du 10 Février 2016,
- rappelé que le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision,
- débouté l'EARL DE L'AUBE de ses demandes de dommages et intérêts,
- rejeté le surplus des demandes,
- condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
- condamné l'EARL DE L'AUBE aux entiers dépens.
- ordonné l'exécution provisoire
Y faisant droit, statuant à nouveau :
' DEBOUTER l'EURL HYPEAU PATRICK de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de ses appels incidents,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK à verser à l'EARL DE L'AUBE la somme de 531.336 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de droit,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK à verser à l'EARL DE L'AUBE la somme de 320 809,20€ TTC au titre de prestations et fournitures, avec intérêts de droit,
A titre subsidiaire, si le jugement tel que rectifié n'était pas infirmé en ce qu'il a condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 309.282,04 € en principal au titre des factures impayées du 9 Décembre 2013 au 7 Décembre 2015 ; condamné l'EARL DE L'AUBE à payer à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 4.286,60 euros au titre des intérêts de retard sur la somme de 157.388 euros, du 25 Février 2013 au 3 Décembre 2015 ; dit que la somme de 157.388 € portera intérêts à un taux égal à trois fois le taux légal à compter du 4 Décembre 2015 et que la somme de 151.894,04 € portera intérêts au taux légal à compter du 10 Février 2016,
' CONFIRMER dans leurs montants ces condamnations,
' CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'EURL HYPEAU PATRICK de sa demande de dommages et intérêts et surplus de ses demandes.
En tout état de cause :
' DEBOUTER l'EURL HYPEAU PATRICK de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de ses appels incidents,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK à verser à l'EARL DE L'AUBE la somme de 8.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
' CONDAMNER l'EURL HYPEAU PATRICK au dépens'.
Elle a rappelé que les pièces 1 à 13, que l'intimée demandait tardivement et de manière déloyale d'écarter des débats pour défaut de communication, avaient été communiquées en première instance, avaient été visées au bordereau de communication de pièces annexé à ses premières conclusions d'appelante, du 28 juin 2022.
Elle a soutenu que :
- l'expert avait assorti ses conclusions de nombreuses réserves, étant intervenu bien après les récoltes litigieuses ;
- les bons de chantier n'étaient pas réguliers et qu'une plainte avec constitution de partie civile en cours d'instruction avait été déposée ;
- les attestations de Vsn Négoce, fournisseur des produits phytosanitaires qu'elle utilisait, établissaient que l'intimée avait utilisé d'autres produits, certains particulièrement nocifs ;
- la note de synthèse établie par [C] [D], expert phytosanitaire à la différence de l'expert judiciaire, avait caractérisé les manquements de l'intimée dans l'utilisation de ces produits ;
- les factures litigieuses avaient établies alors que l'intimée convoitait les terres qu'elle exploitait, pour lesquelles elle avait fait une offre à l'occasion de la procédure de redressement judiciaire.
Elle a ajouté que :
- la cour n'avait pas été saisie de l'appel incident de l'eurl Patrick Hypeau, aucune demande d'infirmation du jugement n'ayant été formée s'agissant du rejet de la demande d'indemnisation d'un préjudice accessoire ;
- le conseiller de la mise en état avait renvoyé à la cour l'examen de ce chef d'irrecevabilité de l'appel incident ;
- la somme de 294.751,60 € avait été réglée à l'intimée entre janvier 2010 et juin 2015 ;
- l'intimée ne justifiait pas du préjudice allégué.
Elle a maintenu ses demandes en paiement des sommes de :
- 531.336 € à titre de dommages et intérêts, en réparation de sa perte d'exploitation chiffrée par l'expert judiciaire ;
- 320.809,20 € au titre de prestations et fournitures diverses (location bâtiments, fourniture eau, vente matériels).
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2023, l'eurl Hypeau Patrick a demandé de :
'Vu l'article 1134 du Code civil ;
Vu l'article 1153 du Code civil ;
Vu les dispositions de la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 ;
Vu l'article 4 du Code de procédure pénale ;
Vu l'article 906 du Code de procédure civile ;
Vu les pièces versées aux débats ;
In limite litis,
JUGER que les pièces numérotées 01 à 13 de l'EARL DE L'AUBE n'ont pas été communiquées en temps utile.
ECARTER des débats les pièces numérotées 01 à 13 de l'EARL DE L'AUBE.
Sur le fond,
VOIR CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris.
JUGER mal fondé l'appel de l'EARL DE L'AUBE.
LA DEBOUTER de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de l'EURL HYPEAU PATRICK.
REJETER la demande de sursis à statuer formulée par l'EARL DE L'AUBE.
CONDAMNER L'EARL DE L'AUBE à verser à l'EURL HYPEAU PATRICK la somme de 316 160,70 €, augmentée des intérêts fixés à trois fois le taux de l'intérêt légal.
LA CONDAMNER à lui verser la somme de 10 000,00 € au titre du préjudice matériel de l'EURL HYPEAU.
CONDAMNER L'EARL DE L'AUBE au versement entre les mains de l'EURL HYPEAU Patrick de la somme de 10 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, au titre de la procédure d'appel.
CONDAMNER la même aux entiers dépens de première instance et d'appel'.
Elle a demandé d'écarter les pièces 1 à 13 de l'appelante, selon elle non communiquées devant la cour.
Elle a maintenu la demande en paiement des factures litigieuses, rappelant :
- qu'elle avait accepté d'intervenir au profit d'une entreprise en redressement judiciaire ;
- que l'expert judiciaire avait conclu à une conformité des factures aux prestations réalisées.
Elle a conclu au rejet de la demande de sursis à statuer, d'une part la plainte déposée ne le justifiant pas, d'autre part l'expert judiciaire n'ayant pas émis de doute sur ces documents.
Elle a maintenu sa demande de dommages et intérêts complémentaires.
L'ordonnance de clôture est du 13 novembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A - SUR LA COMMUNICATION DE PIECES
L'article 15 du code de procédure civile dispose que : 'Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense'.
L'article 16 alinéas 1 et 2 de ce même code rappelle que :
'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement'.
L'article 906 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que : 'Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie'.
Les pièces n° 1 à 3 produites par l'appelante sont mentionnées au bordereau des pièces communiquées annexé aux conclusions notifiées par voie électronique le 28 juin 2022 par l'appelante.
L'intimé ne justifie d'aucune demande de communication de ces pièces qui serait restée sans suite. Il n'a pas saisi le conseiller de la mise en état d'un incident relatif à la communication de ces pièces.
Il n'y a pour ces motifs pas lieu d'écarter ces documents des débats.
B - SUR UN SURSIS A STATUER
L'article 4 du code de procédure civile dispose que :
'L'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction prévue par l'article 2 peut être exercée devant une juridiction civile, séparément de l'action publique.
Toutefois, il est sursis au jugement de cette action tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement.
La mise en mouvement de l'action publique n'impose pas la suspension du jugement des autres actions exercées devant la juridiction civile, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil'..
L'earl de l'Aube a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du doyen des juges d'instruction du tribunal judiciaire de Niort à l'encontre de l'eurl Patrick Hypeau. La plainte initiale n'a pas été produite. Dans un courrier en date du 31 août 2022 adressé au juge d'instruction, le conseil de la plaignante a indiqué que : 'Monsieur [S], es qualité, vous a saisi par lettre du 16 juillet 2020 d'une plainte avec constitution de partie civile à l'encontre de la Société HYPEAU pour des faits de faux et usage de faux d'une part, et d'escroquerie ou de tentative d'escroquerie au jugement d'autre part'.
Par courriel en date du 30 octobre 2023, le juge d'instruction saisi a indiqué au conseil de la plaignante qu'il avait été saisi d'un réquisitoire introductif le 30 août 2023 et que l'audition de [R] [S] n'interviendrait pas avant la fin de l'année.
Il n'a été produit aux débats aucun document justifiant de l'état d'avancement de la procédure pénale, ni de sa recevabilité.
Cette procédure n'impose pas, par application des dispositions précitées, de surseoir à statuer jusqu'à achèvement de la procédure pénale.
La cour dispose par ailleurs des éléments nécessaires pour statuer.
La demande de sursis à statuer sera pour ces motifs rejetée.
C - SUR LA RELATION CONTRACTUELLE
La lettre d'engagement en date du 17 décembre 2008 conclu entre l'eurl Patrick Hypeau et [R] [S] représentant les earl de l'Aube, la scea le Lars, la scea La ferme de Crissé et Jouin Eric ferme stipule notamment que:
'Disposition 1 : Définition des travaux pour l'année 1(année de transition)
Les exploitations [S] confient à Patrick HYPEAU EURL :
- la réalisation de totalité des moissons soit environ 395 hectares,
- le suivi technique des cultures avec la gestion des commandes de produits nécessaire aux cultures. Un mandat sera d'ailleurs établi dans ce sens auprès de notre négociant [H].
A l'occasion, l'EARL DE L'AUBE et exploitations associées pourront être amenées à demander à Patrick HYPEAU EURL d'intervenir sur la Pulvérisation et sur les semis de printemps.
Disposition 2: Définition des travaux pour les années suivantes
Les exploitations [S] confient à Patrick HYPEAU EURL :
La réalisation de la totalité des travaux et des commandes d'intrants.
[...]
Disposition 5 : TARIFS A PROPOSER PAR Patrick HYPEAU EURL ET VAILDER (VALIDER) ENSUITE PAR L'EARL DE L'AUBE (révisé chaque année) Voir annexe
Disposition 6 : modalités de paiement
Les modalités de paiement seront les suivantes :
Année 1 :Tout à la récolte.
Année 2 et les suivantes: 3 à 4 factures par an définies en début d'année.
En cas de difficultés de règlement de L'EARL DE L'AUBE, Patrick HYPEAU EURL pourra effectuer un prélèvement sur les récoltes à concurrences des sommes dues'.
L'annexe mentionnée à la disposition 5 du contrat n'a pas été produite.
Cette convention n'a pas été dénoncée par l'une ou l'autre des parties.
Un contrat de prestation de services de travaux agricoles pour la campagne 2013/2014 a été conclu le 30 septembre 2013 entre l'earl Patrick Hypeau et l'earl de l'Aube. Il a notamment été stipulé que :
'Article 1 - Objet du contrat
Le Client charge l'Entreprise d'effectuer les travaux dont la nature, le volume, les lieux, les périodes d'exécutions et les conditions financières d'exécution sont décrits en annexe.
Article 2 - Durée du contrat
Le présent contrat est conclu pour une durée expirant à l'issue de la réalisation de la dernière en date des prestations de travaux mentionnées en annexe. Il n'est pas renouvelable par tacite reconduction.
Article 3 - Obligations de l'entreprise
[...]
L'Entreprise est tenue à une obligation de moyens et non à une obligation de résultat, les travaux d'application de produits phytopharmaceutiques et d'épandage de fertilisants étant en particulier réalisés conformément aux prescriptions fournies obligatoirement par le Client ou par ses conseils habilités.
[...]
Article 5 - Exécution des travaux
Les périodes d'intervention de l'Entreprise portées en annexe du présent contrat, y figurent à titre indicatif.
[...]
La date effective de début des travaux sera ensuite arrêtée après concertation entre le Client et l'Entreprise.
[...]
Article 6 - Prix
Le prix des travaux ou de chaque tranche de travaux objet du présent contrat est fixé en annexe.
[...]
Article 7 - Date de règlement
Les factures sont stipulées payables comptant sans escompte à réception de la facture'.
Comme précédemment, les annexes mentionnées au contrat n'ont pas été produites aux débats.
Les prestations réalisées par l'intimée, décrites aux fiches de travaux établies entre le 27 mars 2013 et le 25 juin 2015, n'ont pas fait l'objet de contestation jusqu'en 2015.
Un courrier en date du 9 décembre 2015 de l'appelante a été produit par l'intimée. [R] [S] a dans de courrier ayant pour objet :
'REPONSE AR AUX FACTURES RECUES le 09/12/2015 par l'EARL DE L'AUBE :
Facture n°39 du 30/09/2015 de 7 728.04 € TTC
Facture n'37 du 02/10/2015 de 52 272 € TTC
Factures n° 22, 24 et 25 du 07/12/2015 de 6 878.66 € TTC, 54 000 € TTC et 10 133.72 € TTC'
indiqué que :
'Concernant la facture n°37 de 52 272.00 € TTC : règlement suspendu suite contestation du travail non conforme et malfaçons faisant l'objet d'une déclaration de litige auprès de notre assureur GROUPAMA faite le 07/11/2015, référence 2015881167.
Concernant la facture n°39 de 7 728.04 €TTC : règlement refusé car relative aux travaux de la facture n° 37 ci-dessus faisant acte de double facturation et location de matériel abusive, le dit matériel cité en référence sur cette facture appartenant à ce jour à l'EARL de l'aube. Voir facture du 24/04/2011 ref 4-2011 de 102 975.60 émise par l'EARL de L'AUBE à I'EARL [Localité 2], payée en partie pour la somme de 58 597.13 € TTC le 12/05/2011.
Concernant la facture 22 de 6 878.66 € TTC: règlement refusé relatif au libellé même de la facture.
Concernant la facture 24 de 54 000 € TTC : règlement refusé, facture irrecevable pour location de matériel appartenant à l'EARL DE L'AUBE.
Concernant la facture 25 de 10 133.72 € TTC : règlement refusé, facture irrecevable pour location de matériel appartenant à lEARL de L'AUBE'.
L'appelante a produit aux débats un courrier recommandé non daté adressé à sa cocontractante, distribué le 27 novembre 2015. [R] [S] précité indique notamment dans ce courrier que :
'1 - Dernière demande de la liste des travaux détaillés
Je prends acte de tes refus répétés de fournir cette liste détaillé des travaux. Cependant, par la présente, je réitère, une dernière fois la demande de la liste des travaux. détaillés de toutes les interventions pour 2014 et 2015 pour chacune des parcelles de EARL de l'Aube et des exploitations affiliées et sous contrat avec l'EARL de l'Aube: SCEA le Mars, SCEA ferme de [Localité 3] et la ferme de Jouin Eric à [Localité 1].
[...]
2- Relevé partiel et non exhaustif de malfaçons
Il est nécessaire d'obtenir de ta part une explication pour avoir refusé d'exécuter les assolements demandés par mail chaque année pour chacune des fermes.
[...]
En attendant l'avis neutre d'experts : aucune des factures que tu as envoyées et qui sont non réglées à ce jour ne sont recevables en l'état'.
Les fiches de chantier ont été produites aux débats. Ces documents, établis unilatéralement par l'intimée, n'ont pas été contresignés par l'appelante. Il n'est toutefois pas établi que ces fiches ont été établies frauduleusement.
[G] [P], expert judiciaire, a établi un pré-rapport d'expertise en date du 14 octobre 2019. Il a conclu en ces termes en page 44 de son rapport :
'VI / CONCLUSION PROVISOIRE
Après avoir pris connaissance des dossiers des parties, entendu les parties, nous avons répondu aux différents éléments fixés dans notre mission.
' Nous avons analysé sur pièces la situation et conclus que les travaux et traitements effectivement mis en œuvre par l'EURL HYPEAU, dans le cadre des conventions existant entre les parties au cours des années 2013 à 2015 auraient été réalisés de manière conforme aux bonnes pratiques agricoles, à la réglementation en vigueur et aux préconisations des fournisseurs ; sous réserve des opérations de mise en culture, de fertilisation et d'irrigation pour lesquelles nous ne disposons pas d'éléments tangibles,
' Nous n'avons pas relevé d'incohérence dans l'analyse des factures de l'EURL HYPEAU, en relation avec les prestations de terrain, sous réserve des éléments communiqués,
' Nous avons conclu que les travaux et traitements semblent conformes aux factures adressées à l'EARL DE L'AUBE,
' Nous n'avons pas calculé de préjudice pour l'EARL DE L'AUBE en l'état de nos investigations, compte tenu des précédentes conclusions,
' Nous avons établi un compte provisoire entre les parties, bon nombre de demandes de la part de l'EARL DE L'AUBE manquant d'explication.
Sous toutes réserves, et dans l'attente des dires des parties'.
La société Polyexpert a été missionnée par la société Groupama, assureur de l'earl de l'Aube. Son rapport est en date du 15 novembre 2019. Il a considéré que le suivi cultural par l'eurl Hypeau avait été déficient, et que:
'le désherbant anti-graminée ALISTER est très efficace sur blé tendre mais toxique pour les blés durs et les orges. Cette dernière intervention faite par l'EARL HYPEAU sur les parcelles a détruit le potentiel de cette récolte'.
Elle a imputé à l'intimée la perte de rendement et par voie de conséquence de marge sur la période courant de l'année 2012 à 2015.
[C] [D], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux, a été missionné par l'appelante. Son rapport est en date du 31 janvier 2023. Il a notamment indiqué en page 6 de son rapport que :
'Nous retiendrons les points suivants :
- L'EURL HYPEAU n'était pas habilitée à choisir les produits de traitements ni à acheter ces produits pour le compte de l'EARL DE L'AUBE
- L'EURL HYPEAU prétend avoir appliqué sur 740 ha des produits jamais commandés par l'EARL DE L'AUBE
- L'EURL HYPEAU n'apporte pas la preuve de ces achats de produits'.
En page 7, il a précisé que :
'Le produit ALISTER n'est pas homologué sur l'orge ni sur le blé dur, et il ne l'était pas en 2015 (cf pièce n°8 de M. [S] : «Extrait index phytosanitaire 2015 (ALISTER) »). Il présente même une toxicité vis-à-vis de ces cultures, sur lesquelles il aurait donc été appliqué par l'EURL HYPEAU.
Cette grave incohérence concerne 56 ha de traitements sur la campagne 2015".
Il a conclu en ces termes en page 8 de son rapport :
'Les éléments qui nous ont été communiqués pour l'étude de ce dossier nous permettent de mettre en évidence un certain nombre de manquements de la part de l'EURL HYPEAU lors de ses interventions sur les parcelles de l'EARL DE L'AUBE entre 2013 et 2015.
Le manque de rigueur de la part de l'EURL HYPEAU dans la tenue de sa traçabilité est incontestable, et les éléments fournis par cette dernière ne permettent pas de connaître avec exactitude les caractéristiques des travaux effectués entre 2013 et 2015 sur les parcelles de l'EARL DE L'AUBE.
Sur la base des éléments en notre possession, des erreurs et incohérences importantes ont été démontrées concernant le traitement phytosanitaire de 800 ha environ de céréales entre 2013 et 2015.
Au vu des doutes concernant la fiabilité de la traçabilité communiquée à posteriori par l'EURL HYPEAU, il nous apparaît pertinent de nous questionner sur l'importance des manquements de cette dernière au-delà des erreurs et incohérences déjà relevées.
L'EARL DE L'AUBE a fait état de pertes financières importantes entre 2012 et 2015, époque à laquelle l'EURL HYPEAU intervenait sur les parcelles de l'EARL DE L'AUBE, suite à des récoltes catastrophiques. Ces éléments sont étayés dans les pièces n°14 et 16 de M. [S] : « PV Huissier de justice L. ANDOUARD » constatant le mauvais état des cultures en 2015 et « 2eme Rapport Polyexpert » qui propose un calcul des pertes financières entre 2012 et 2015.
Ces pertes financières nous semblent pouvoir être mises en corrélation avec les éléments de l'analyse qui précède. et justifient selon nous la procédure engagée par M. [S] à l'encontre de l'EURL HYPEAU'.
L'obligation de l'eurl Patrick Hypeau a été qualifiée de moyens au contrat de prestation de service.
S'agissant de la lettre d'engagement, la même qualification doit être retenue. D'une part, cette lettre ne stipule pas une obligation de résultat pesant sur l'intimée. D'autre part, les travaux agricoles sont soumis aux aléas climatiques et le résultat d'une exploitation agricole l'étant aux variations des prix.
L'appelante ne justifie par ailleurs pas d'une amélioration de ses rendements et résultats dès lors qu'elle n'a plus eu recours aux services de l'eurl Patrick Hypeau.
La note de synthèse de l'expert judiciaire, qui a procédé contradictoirement, dont les conclusions provisoires ne sont pas invalidées par celles d'experts ayant procédé non contradictoirement, ne permet pas de retenir que l'intimée a manqué à ses obligations contractuelles.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
D - SUR LA CRÉANCE DE L'EURL PATRICK HYPEAU
1 - sur la créance en principal
L'intimée a produit aux débats :
- les conventions précitées ;
- le relevé du compte client 'earl de l'Aube' extrait du grand livre, établi par la société Proconseil, comptable ;
- la copie des factures afférentes (pièces n° 9 à 19) ;
- les fiches de travaux établies unilatéralement.
L'expert a en page 42 du pré-rapport indiqué que :
'L'EURL HYPEAU a émis pour 281 423,05 € HT soit 328 856,41 € TTC de factures comprenant son travail et une partie de location de matériels, outre une facture de 5 732,22 € HT 6 878,66 TTC d'agios.
Nous avons analysé ces factures, supra (4.2° /) et nous n'avons rien relevé d'anormal'.
Il résulte des développements précédents et notamment du pré-rapport d'expertise, que la tarification retenue par l'intimée pour établir les factures dont elle demande paiement est cohérente avec la pratique agricole et les travaux effectués.
Les factures produites et retenues par l'expert judiciaire sont pour la première en date du 9 décembre 2013 et la dernière en date du 7 décembre 2015. Leur total hors taxes est de 281.423,05 € et toutes taxes comprises de 328.856,44 €.
Le premier juge a retenu ce montant toutes taxes comprises de 328.856,44 €.
Il a déduit des sommes dues les paiements justifiés par l'appelante, d'un montant de 19.574,40 €. Il n'est pas justifié d'autres paiements, dont la charge de la preuve pèse sur la débitrice. La créance toutes taxes comprises de l'intimée est en conséquence de 309.282,04 €.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a condamné l'earl de l'Aube au paiement en principal de la somme toutes taxes comprises de 309.282,04 €.
2 - sur les intérêts de retard
a - sur le contrat de prestation de service
Il a été stipulé au contrat de prestation de service, à l'article 7, que : 'Les sommes non réglées à l'échéance porteront intérêts, le taux de l'intérêt étant fixé à trois fois le taux de l'intérêt légal'.
Les factures afférentes à ce contrat sont d'un montant total toutes taxes comprises de 176.962,40 €, soit :
- facture n° 23 en date du 9 décembre 2013 d'un montant de 30.901,60 € ;
- facture n° 24 en date du 9 décembre 2013 d'un montant de 55.972,80 € ;
- facture n° 22 en date du 6 décembre 2014 d'un montant de 31.768 € ;
- facture n° 23 en date du 6 décembre 2014 d'un montant de 58.320 €.
L'intimée a émis une facture en date du 7 décembre 2015 (n° 22) dont l'objet était le suivant : 'Agios (factures échues et non réglées à ce jour)', d'un montant toutes taxes comprises de 6.878,66 €.
Cette facture ne précise pas les modalités de calcul des intérêts de retard, notamment le capital sur lequel ils sont calculés et leur taux.
Le premier juge a recalculé les intérêts de retard dus sur le montant de 157.388 €, montant restant dû après imputation des paiements du montant de 19.574,40 € précité. Il l'a exactement arrêté au 3 décembre 2015 à
4.268,60 €.
Les intérêts de retard seront calculés à compter du 4 décembre 2015 au taux de l'article 7 du contrat.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé de ce chef.
b - sur la lettre d'engagement
En l'absence de stipulation d'un taux contractuel des intérêts de retard dans la lettre d'engagement et de mention sur les factures émises par l'eurl Patrick Hypeau d'un taux supérieur au taux légal, les intérêts de retard seront calculés au taux légal sur les sommes dues à ce titre,
Pour les mêmes motifs que précédemment, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que ces intérêts de retard étaient dus sur la somme de 151.894,04 € à compter du 10 février 2016, date de la sommation de payer.
3 - sur la demande de dommages et intérêts
L'article 1153 ancien alinéa 4 du code civil (1231-6 nouveau) applicable au litige dispose que : 'le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance'.
L'eurl Patrick Hypeau ne justifie pas d'un préjudice subi indépendant du retard de paiement que viennent réparer les intérêts moratoires.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il rejeté la demande présentée sur le fondement de l'article 1153 précité.
E - SUR LA CRÉANCE DE L'EARL DE L'AUBE
1 - sur les prestations et fournitures
La conclusion du pré-rapport d'expertise a été précédemment rappelée.
L'expert a en pages 42 et 43 de son pré-rapport indiqué que :
'o Nous analysons ci-dessous la facture produite par l'EARL DE L'AUBE en date du 8 avril 2018 :
' Location de bâtiments et infrastructures, pour une valeur de 48 000 € HT pour 5 ans, soit 9 600 € HT par an.
Nous n'avons aucun élément de calcul de ce prix de location qui pourrait être soit soumis au statut du fermage et donc aux arrêtés préfectoraux en vigueur, soit libre selon l'interprétation qui peut être faite de cette mise à disposition ; en outre il n'existait à notre connaissance aucune convention à ce sujet. Nous n'avons aucun moyen d'appréciation, ne connaissant pas la nature ni la surface des installations mise à disposition.
' Fourniture d'eau d'irrigation pour 36 784 € HT, sur une base de 4 ans à raison de 41 800 m3 par an à un prix de 0,22 € par m3. Nous ne comprenons pas cette ligne, l'eau d'irrigation pour l'EARL DE L'AUBE et structures associées ne pouvant être facturée à l'EURL HYPEAU. S'il s'agit d'une fourniture à l'EURL HYPEAU pour son propre compte, nous manquons d'éléments d'appréciation : nous ne connaissons pas les surfaces qui ont pu être irriguées par Mr HYPEAU sur son exploitation agricole. Sur les documents "marge brute" (pièce 48 Me DABIN), il n'apparait aucune surface en maïs irrigué ou autre culture irriguée pour la période concernée. En outre il ne nous a été communiqué aucune convention.
' Mise à disposition de HYPEAU Jean Louis : il s'agirait de mise à disposition de main d'oeuvre ; or celle-ci était intégrée au contrat de prestation de départ : cette ligne ne peut s'appliquer, à notre avis.
' Petits matériels pour 5 977 € HT ; nous n'avons aucun moyen factuel de vérifier si ces matériels ont changé de propriétaire.
' Blé et tournesol qualité semence, pour 11 700 € HT : nous ne pouvons donner d'avis ; nous ne savons pas s'il y a eu prélèvement et de quel ordre ; aucun élément tangible d'appréciation ne nous ayant été communiqué.
' Matériels pris non payés : il s'agirait du solde des matériels cédés en 2011: voir notre appréciation supra au 5.1° /. Cette ligne ne peut s'appliquer'.
L'appelante n'a produit aux débats aucun élément permettant de réfuter ces conclusions de l'expert et de considérer fondées ses prétentions formulées de ce chef.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande en paiement de l'earl de l'Aube.
2 - sur la demande de dommages et intérêts
La charge de la preuve des manquements contractuels de l'eurl Patrick Hypeau incombe à l'appelante.
Il résulte des développements précédents, notamment des termes du pré-rapport d'expertise dont la conclusion a été rappelée, que les manquements contractuels de l'eurl Patrick Hypeau allégués par l'earl de l'Aube ne sont pas avérés.
Le jugement sera pour ces motifs confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
F - SUR LES DÉPENS
La charge des dépens d'appel incombe à l'appelante.
G - SUR LES DEMANDES PRÉSENTÉES SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE
Le premier juge a équitablement apprécié l'indemnité due sur ce fondement par l'appelante.
Il serait par ailleurs inéquitable et préjudiciable aux droits de l'intimée de laisser à sa charge les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens d'appel. Il sera pour ce motif fait droit à la demande formée de ce chef pour le montant ci-après précisé.
PAR CES MOTIFS,
statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
REJETTE la demande de l'eurl Patrick Hypeau de déclarer irrecevables les pièces n° 1 à 3 produites par l'earl de l'Aube ;
REJETTE la demande de sursis à statuer présentée par l'earl de l'Aube ;
CONFIRME le jugement du 24 janvier 2022 du tribunal judiciaire de Niort rectifié par jugement du 30 août 2022 ;
CONDAMNE l'earl de l'Aube aux dépens d'appel ;
CONDAMNE l'earl de l'Aube à payer en cause d'appel à l'eurl Patrick Hypeau la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,