Livv
Décisions

CA Nancy, jex, 18 janvier 2024, n° 23/00816

NANCY

Arrêt

Autre

CA Nancy n° 23/00816

18 janvier 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

Chambre de l'Exécution - JEX

ARRÊT N° /24 DU 18 JANVIER 2024

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 23/00816 - N° Portalis DBVR-V-B7H-FFAX

Décision déférée à la cour :

Jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'EPINAL, R.G.n° 2021A303, en date du 04 avril 2023,

APPELANT :

Monsieur [R] [P]

né le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 4], domicilié [Adresse 3]

Représenté par Me Farida AYADI de la SCP EST AVOCATS, avocat au barreau D'EPINAL

substituée par Me TEKE-BENG, avocat au barreau d'EPINAL

INTIMEE :

La CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE ALSACE VOSGES

Société coopérative de banque immatriculé au RCS de STRASBOURG sous le n° 437 642 531 dont le siège social est [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représenté par Me Francis KIHL de la SELARL LORRAINE DEFENSE & CONSEIL, avocat au barreau d'EPINAL substitué par Me Sébastien BONNET, avocat au barreau d'EPINAL

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 905 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 07 Décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,

Madame Nathalie ABEL, conseillère,

Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET ;

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 18 janvier 2024, date indiquée à l'issue des débats, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre, et par Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET , greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

-------------------------------------------------------------------------------------------------------------

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié dressé le 25 juin 2007, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges (ci-après la CRCAM) a consenti à la SCI LE CREUX DES SAULES un prêt d'un montant de 495 000 euros remboursable sur une durée de 240 mois au taux fixe de 4,20% l'an pendant 180 mois, puis révisable en fonction de l'index de référence EURIBOR, en garantie duquel M. [R] [P], Mme [W] [P] ainsi que M. [G] [O] se sont portés cautions solidaires dans la limite de 643 500 euros couvrant le principal, les intérêts et le cas échéant les intérêts de retard.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 3 mars 2015, la CRCAM a informé M. [R] [P] de la déchéance du terme du prêt consenti à la SCI LE CREUX DES SAULES, et l'a mis en demeure de payer les sommes exigibles à hauteur de 408 986,38 euros.

Par courrier en date du 12 novembre 2015, la CRCAM a adressé à la SCI LE CREUX DES SAULES un nouveau tableau d'amortissement du capital restant dû à hauteur de 276 724,52 euros, après imputation du prix de vente d'un de ses biens immobiliers pour un montant total de 103 000 euros, affecté pour un montant de 34 159,05 euros au remboursement des échéances en retard et pour un montant de 68 840,94 euros au remboursement partiel par anticipation.

Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception en date du 7 février 2017, la CRCAM a informé M. [R] [P] de la déchéance du terme du prêt consenti à la SCI LE CREUX DES SAULES, à défaut de régularisation des impayés dans les délais impartis au courrier adressé le 10 août 2016, et l'a mis en demeure de payer les sommes exigibles à hauteur de 296 747,09 euros.

Par jugement du 8 novembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Epinal a validé les saisies-attribution pratiquées les 15 et 29 mars 2017 respectivement sur la CPAM des Vosges concernant les créances détenues par Mme [W] [P] et sur les comptes ouverts au nom de M. [R] [P] dans les livres de la BPALC, et les a cantonnées à hauteur de 175 611,91 euros (correspondant au montant du capital restant dû mentionné au courrier d'information annuelle des cautions au 31 décembre 2017), en accordant à M. [R] [P] et Mme [W] [P] un report de paiement de 24 mois sur les sommes dues en sus de la provision transférée au créancier, au regard de la proposition de vente de biens immobiliers.

Le 31 mai 2021, la CRCAM a fait délivrer aux époux [P] un commandement au fins de saisie vente pour avoir paiement de la somme de 94 068,66 euros.

Par jugement du 9 septembre 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal a ordonné la mainlevée des saisies-attribution pratiquées les 22 juin 2021 et 1er juillet 2021 par la CRCAM sur la CPAM des Vosges concernant les créances détenues par Mme [W] [P] et sur les comptes détenus par M. [R] [P] dans les livres de la BPALC, en l'absence de décompte détaillé et compréhensible annexé aux procès-verbaux de saisies.

-o0o-

Par requête reçue au greffe le 2 juillet 2021 la CRCAM a saisi le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal aux fins de conciliation et à défaut de saisie des rémunérations de M. [R] [P] à hauteur de 94 533,51 euros selon décompte arrêté au 19 avril 2021, en exécution de l'acte de prêt et de cautionnement notarié dressé le 25 juin 2007, se détaillant comme suit :

- principal : 93 446,99 euros ( soit 71 687,71 euros au titre du capital et des intérêts, outre 19 332,18 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de 7% et 2 427,10 euros au titre des frais de procédure),

- frais : 153,21 euros (requête FICOBA en date du 12 mai 2021),

- actes de procédure : 774,91 euros,

- droit de recouvrement (article A444-31 du code de commerce) : 86,90 euros,

- coût de la requête en saisie des rémunérations : 71,50 euros.

M. [R] [P] a conclu à titre principal à la nullité de la procédure, et subsidiairement, à la déchéance du droit aux intérêts de la CRCAM.

Par jugement en date du 4 avril 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal, statuant en matière de saisie des rémunérations, a :

- autorisé la saisie des rémunérations de M. [R] [P] au profit de la CRCAM en recouvrement de la somme de 73 110,49 euros en vertu de l'acte notarié établi le 25 juin 2007 par-devant Me [D] [L], notaire à [Localité 5],

- rejeté la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [R] [P] au paiement des dépens.

Le juge a déduit du principal retenu à hauteur de 93 446,99 euros d'une part, un versement opéré par M. [R] [P] d'un montant de 1 542,18 euros, et d'autre part, les indemnités contractuelles retenues initialement à hauteur de 19 332,18 euros et réduites à néant.

Il a évalué le coût des actes de procédure intervenus à l'encontre de M. [R] [P] à la somme totale de 450,96 euros (itératif commandement de payer du 31 mai 2021 -379,46€- et requête en saisie des rémunérations -71,50€-) et a retenu la charge d'un droit de recouvrement à hauteur de 86,90 euros.

-o0o-

Le 18 avril 2023, M. [R] [P] a formé appel du jugement tendant à son infirmation en tous ses chefs critiqués.

Dans ses dernières conclusions transmises le 26 septembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [R] [P], appelant, demande à la cour sur le fondement des articles L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution et L. 313-22 du code monétaire et financier :

- de déclarer son appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- d'infirmer le jugement du 4 avril 2023 prononcé par le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire d'Épinal en ce qu'il :

* a autorisé la saisie de ses rémunérations au profit de la CRCAM en recouvrement de la somme de 73 110,49 euros en vertu de l'acte notarié établi le 25 juin 2007 par-devant Me [D] [L], notaire à [Localité 5],

* a rejeté la demande formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamné au paiement des dépens,

Statuant à nouveau,

- de juger que la créance cause de la saisie de ses rémunérations n'est pas liquide, ni exigible,

- d'ordonner l'imputation des sommes perçues par la CRCAM dans les rapports avec les cautions en priorité sur le principal de la dette,

Par conséquent,

- de débouter la CRCAM de sa demande de saisie de ses rémunérations entre les mains des tiers,

- d'ordonner le remboursement des sommes saisies suite à la saisie des rémunérations,

A titre subsidiaire,

- de juger que la CRCAM a manqué à son obligation d'information annuelle de la caution,

Par conséquent,

- de déchoir la CRCAM de son droit aux intérêts depuis le 8 novembre 2018,

En tout état de cause,

- de débouter la CRCAM de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- de condamner la CRCAM à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens à hauteur de première instance,

- de condamner la CRCAM à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens à hauteur d'appel.

Au soutien de ses demandes, M. [R] [P] fait valoir en substance :

- que dans le cadre de la contestation des saisies attribution dénoncées les 23 juin 2021 et 5 juillet 2021, la CRCAM a passé l'aveu de ce que les débiteurs étaient redevables d'une somme de 34 891,27 euros ;

- que la CRCAM ne détient pas de créance liquide et exigible à l'encontre de M. [R] [P] ; que le jugement du 8 novembre 2018 ayant cantonné le quantum de la saisie à la somme de 175 611,91 euros, au regard des versements effectués, est définitif ; que les versements devaient s'imputer prioritairement sur le capital en dehors de toute sanction portant sur le défaut d'information de la caution ; qu'après imputation des versements sur le capital, la créance de la CRCAM est éteinte ;

- que les pièces communiquées par la CRCAM ne permettent pas de savoir si le cautionnement est à durée indéterminée, déterminant l'obligation pour la banque d'informer les cautions de leur faculté de révocation à tout moment, sous peine de déchéance des intérêts depuis la précédente information ; que l'obligation d'information annuelle de M. [R] [P] n'est pas remplie, et que l'information erronée ne peut valoir information au sens de l'article L. 313-22 alinéa 3 du code monétaire et financier ;

- qu'il s'est régulièrement acquitté de sa créance dans le cadre de multiples procédures initiées par la CRCAM et que la banque ne justifie pas des coûts demeurant à sa charge ; que la réduction à néant du montant des indemnités conventionnelles est justifiée.

Dans ses dernières conclusions transmises le 20 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la CRCAM, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour sur le fondement des articles L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution et 1353 du code civil :

A titre principal,

- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a autorisé la saisie des salaires,

- d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a réduit les pénalités à zéro,

- de fixer sa créance qui est certaine, liquide et exigible à un montant de 16 056,23 euros, outre les intérêts selon le décompte arrêté au 7 juin 2023,

A titre subsidiaire, si par improbable, la cour devait estimer que l'information des cautions a été irrégulière,

- de dire que les sommes restant dues à compter du dernier paiement effectué porteront intérêt au taux légal,

En tout état de cause,

- de condamner M. [R] [P] à lui payer la somme de 2 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter M. [R] [P] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. [R] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de ses demandes, la CRCAM fait valoir en substance :

- que la créance a été reconnue liquide et exigible selon le jugement du 8 novembre 2018 ayant autorité de chose jugée ; qu'une éventuelle erreur de décompte n'est pas de nature à emporter la nullité d'une saisie ; que les mensualités contractuelles n'ont pas toutes été payées à leur échéance et qu'elle s'est à juste titre prévalue de la clause d'exigibilité immédiate prévue au contrat et a prononcé la déchéance du terme ;

- qu'elle produit un décompte du 7 juin 2023 déduisant tous les versements qu'elle a reçus ; que M. [R] [P] ne justifie pas d'autres paiements non comptabilisés qui auraient pu solder même partiellement sa dette ; que les intérêts de retard ont été suspendus sur la période du 8 novembre 2018 au 9 novembre 2020 conformément au jugement du 8 novembre 2018 ;

- qu'elle a parfaitement respecté son obligation d'information annuelle de la caution et que les règles d'imputation des paiements ont été parfaitement respectées ;

- que l'indemnité contractuelle n'a rien d'excessif ; que le taux conventionnel de 4,20% était dans la moyenne des prêts immobiliers de 2007 et que le prêt a été remboursé pendant plusieurs années dans le respect des engagements contractuels ; qu'elle correspond à l'indemnisation du préjudice subi par le prêteur du fait de la rupture anticipée du contrat de prêt qui avait été conclu pour une durée de 20 ans à l'origine et en outre à l'indemnisation du préjudice du prêteur lié au coût de la gestion du recouvrement contentieux de sa créance ; que réduire notablement une clause pénale revient à exonérer totalement le débiteur de toutes les conséquences et de tous les coûts de sa défaillance, lesquels resteraient alors à la seule charge du créancier, en toute iniquité ;

- que le premier juge a exactement constaté que les seuls frais d'exécution engagés contre M. [R] [P] s'élèvent à la somme de 450,94 euros.

-o0o-

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le caractère liquide et exigible de la créance

Il ressort du dispositif du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Epinal du 9 septembre 2022, que l'acte notarié de prêt et de cautionnement dressé le 25 juin 2007 constitue un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.

En effet, l'acte notarié de même que ses annexes revêtus de la formule exécutoire mentionnent les éléments permettant d'évaluer le montant des sommes garanties par M. [R] [P], conformément à l'article L. 111-6 du code des procédures civiles d'exécution.

En outre, M. [R] [P] ne fait état d'aucun élément remettant en cause l'exigibilité de la créance, portant notamment sur l'irrégularité de la déchéance du terme du contrat de prêt prononcée à l'égard de l'emprunteur ou sur son inopposabilité à la caution.

Au surplus, M. [R] [P] ne peut utilement se prévaloir, au soutien de l'absence de liquidité et d'exigibilité de la créance de la CRCAM, des montants erronés de la dette figurant aux différents décomptes du créancier qui lui ont été adressés.

Dans ces conditions, il en résulte que, conformément à l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution, la CRCAM est recevable à poursuivre le recouvrement de sa créance à l'encontre de M. [R] [P], pris en sa qualité de caution, selon la procédure de saisie des rémunérations.

Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.

Sur la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus pour défaut d'information annuelle de la caution

Il ressort des dispositions de l'article L. 341-6 du code de la consommation dans sa version applicable du 5 février 2004 au 1er juillet 2016, reprises à l'article L. 333-2 dudit code dans sa version applicable du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2022, et des dispositions de l'article 2302 du code civil applicables à compter du 1er janvier 2022, que le créancier professionnel est tenu de rappeler à la caution personne physique, au plus tard le 31 mars de chaque année et si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information.

En outre, les articles L. 332-2 et L. 343-6 du code de la consommation dans leur version applicable du 5 février 2004 au 1er janvier 2022, repris à l'article 2302 du code civil applicable à compter de cette date, énoncent que ' le créancier professionnel est tenu, avant le 31 mars de chaque année et à ses frais, de faire connaître à toute caution personne physique le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, sous peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information et jusqu'à celle de la communication de la nouvelle information. Dans les rapports entre le créancier et la caution, les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.'

Or, la seule production de la copie de lettres d' information ne suffit pas à justifier leur envoi, tel que prévu aux conditions générales annexées à l'acte notarié énonçant que ' la preuve de bonne exécution de cet envoi se fait par tout moyen (production d'un listing informatique ou autre) '.

En l'espèce, M. [R] [P] soutient que l'obligation d'information annuelle de la CRCAM n'est pas remplie, de sorte qu'après déchéance du droit aux intérêts de la CRCAM depuis le 8 novembre 2018, il n'est redevable d'aucune somme en vertu de son engagement de caution.

Au préalable, il convient de constater que l'acte de cautionnement qui ne comporte aucune mention limitant sa durée doit être considéré comme consenti à durée indéterminée, ce qui emporte l'obligation pour le prêteur d'informer annuellement M. [R] [P] de la faculté de résiliation de son engagement.

Or, il y a lieu de constater que la CRCAM produit la copie des courriers d'information adressés à M. [R] [P] les 23 janvier 2017 (situation au 31 décembre 2016), 8 février 2018 (situation au 31 décembre 2017), 1er février 2019 (situation au 31 décembre 2018), 28 février 2020 (situation au 31 décembre 2019) et 26 mars 2021 (situation au 31 décembre 2020), portant à la fois sur la faculté de résiliation de son engagement et sur le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente qu'elle estime dû par la caution au titre de l'obligation garantie.

Cependant, la CRCAM ne justifie pas de l'envoi des lettres d'information annuelle alors que M. [R] [P] conteste l'exécution de cette obligation d'information par le prêteur, plus précisément depuis le courrier du 8 février 2018 tendant à informer M. [R] [P] du montant du capital en retard au 31 décembre 2017 évalué à hauteur de 175 611,91 euros, tel que retenu au jugement du 8 novembre 2018 ayant ordonné le cantonnement à cette même somme de la saisie-attribution pratiquée par la CRCAM sur les comptes de M. [R] [P] le 29 mars 2017.

Dans ces conditions, la CRCAM doit être déchue de la garantie des intérêts et pénalités échus depuis le 8 novembre 2018, tel que soutenu par M. [R] [P].

Sur le montant du principal garanti

Selon les termes du jugement du 8 novembre 2018 devenu définitif, M. [R] [P] s'est prévalu de l'absence de caractère certain de la créance détenue par la CRCAM à son encontre en vertu de l'acte notarié litigieux en contestant la somme visée au procès-verbal de saisie-attribution.

Il en résulte que par application des dispositions combinées des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 121-14 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a tranché une contestation au fond portant sur le montant de la créance détenue par la CRCAM à la date de la saisie-attribution pratiquée le 29 mars 2017.

Aussi, le montant de la créance retenu au dispositif du jugement définitif du 8 novembre 2018 ayant cantonné la saisie contestée à hauteur de 175 611,91 euros, correspondant au montant du capital restant dû au 31 décembre 2017 mentionné au courrier d'information annuelle de la caution du 8 février 2018, a autorité de la chose jugée au principal.

Dans ces conditions, le montant du principal garanti par M. [R] [P] au 31 décembre 2017 est évalué à 175 611,91 euros conformément au jugement du 8 novembre 2018.

Sur les intérêts et pénalités garantis

L'obligation d' information de la caution incombant au créancier professionnel se poursuit jusqu'à l'extinction de la dette garantie.

En l'espèce, la CRCAM ne justifie de l'envoi d'aucun courrier d'information annuelle à M. [R] [P] depuis le jugement du 8 novembre 2018 à ce jour, tel que retenu par la caution.

Aussi, le prêteur ne peut solliciter la garantie de M. [R] [P] au titre des intérêts échus sur la somme garantie en principal à hauteur de 175 611,91 euros.

En outre, la CRCAM a sollicité la garantie du paiement d'une indemnité de recouvrement de 7% des sommes exigibles, telle que prévue aux conditions générales du prêt au cas où le prêteur serait contraint d'exercer des poursuites pour parvenir au recouvrement de sa créance.

Or, il s'agit d'une pénalité liée au défaut de paiement des sommes exigibles.

Aussi, le prêteur ne peut solliciter la garantie de M. [R] [P] au titre de cette indemnité de recouvrement en l'absence d'information annuelle de la caution sur le montant des sommes exigibles.

Sur l'existence d'une créance garantie et sur la saisie des rémunérations de la caution

Il ressort des développements précédents que M. [R] [P] est redevable d'une somme au principal de 175 611,91 euros au 31 décembre 2017, telle que retenue au jugement du 8 novembre 2018, et que la CRCAM ne peut prétendre à la garantie de M. [R] [P] au titre des intérêts et pénalités échus depuis le jugement du 8 novembre 2018.

Or, le décompte de créance établi le 7 juin 2023 par la CRCAM mentionne la déduction de versements d'un montant de 228 613,25 euros postérieurement au 31 décembre 2017.

Dans ces conditions, la CRCAM ne justifie pas détenir à ce jour une créance à l'encontre de M. [R] [P] en vertu de son engagement de caution consenti le 25 juin 2007.

Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, il y a lieu de rejeter la requête de la CRCAM en saisie des rémunérations de M. [R] [P].

Sur les demandes accessoires

Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles.

La CRCAM qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

M. [R] [P] a dû engager des frais non compris dans les dépens afin de faire valoir ses droits, de sorte qu'il convient de lui allouer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de cour.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,

PRONONCE la déchéance de la garantie de M. [R] [P] des intérêts et pénalités échus depuis le 8 novembre 2018 au titre du prêt consenti à la SCI LE CREUX DES SAULES le 25 juin 2007,

CONSTATE que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges ne justifie pas de l'existence d'une créance détenue à l'encontre de M. [R] [P] en vertu de l'engagement de caution consenti le 25 juin 2007,

REJETTE la demande de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges tendant à voir ordonner la saisie des rémunérations de M. [R] [P],

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges aux dépens,

CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles,

Y ajoutant,

DEBOUTE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges à payer à M. [R] [P] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alsace Vosges aux dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX-DUWIQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,

Minute en onze pages.