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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 18 janvier 2024, n° 22/04672

AMIENS

Arrêt

Autre

CA Amiens n° 22/04672

18 janvier 2024

ARRET



S.A. MAAF ASSURANCES

C/

[B]

[B]

DB/SGS/DPC

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU DIX HUIT JANVIER

DEUX MILLE VINGT QUATRE

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 22/04672 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ISVH

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D'AMIENS DU TRENTE ET UN AOUT DEUX MILLE VINGT DEUX

PARTIES EN CAUSE :

S.A. MAAF ASSURANCES agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean françois CAHITTE de la SCP COTTIGNIES-CAHITTE-DESMET, avocat au barreau d'AMIENS

APPELANTE

ET

Madame [J] [B]

née le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 10] (80)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Monsieur [O] [B]

né le [Date naissance 2] 1991 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentés par Me Matthieu VAZ, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Anastasia ETMAN, de l'AARPI ASKOLDS, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L'affaire est venue à l'audience publique du 23 novembre 2023 devant la cour composée de Mme Christina DIAS DA SILVA, Présidente de chambre, présidente, M. Douglas BERTHE, Président de chambre, et Mme Clémence JACQUELINE, Conseillère, qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l'audience, la cour était assistée de Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

Sur le rapport de M. Douglas BERTHE et à l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et le président a avisé les parties de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 18 janvier 2024, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 18 janvier 2024, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la Présidente étant empéchée, la minute a été signée par M. Douglas BERTHE Président de chambre et Mme Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffière.

*

* *

DECISION :

Exposant avoir été victime le 2 juillet 2020, alors qu'il déjeunait au restaurant « [11] », [Adresse 12] à [Localité 6] (Somme), du vol de sa remorque de marque Lordmunste immatriculée [Immatriculation 8] conçue pour exercer une activité de friterie, M. [O] [B] a, ce même jour, déposé une plainte pénale contre auteur non dénommé au commissariat de police d'[Localité 6] et procédé à une déclaration de sinistre auprès de la SA Maaf assurances, assureur du véhicule.

Par lettre en date du 15 juillet 2020, M. [O] [B] et sa conjointe Mme [J] [H] épouse [B] ont précisé à la SA Maaf assurances que leur remorque avait été acquise au prix de 7 000 euros et non de 10 000 euros comme déclaré à la souscription du contrat, expliquant avoir opéré une confusion avec le prix d'achat de leur caravane.

La SA Maaf assurances a opposé à Mme [J] [H] épouse [B] un refus de garantie pour fausse déclaration intentionnelle au motif que le prix d'achat réel de la remorque litigieuse ne correspondait pas à sa déclaration initiale.

Par exploit d'huissier en date du 23 juin 2021, M. [O] [B] et Mme [J] [H] épouse [B] ont fait assigner la SA Maaf assurances en paiement de l'indemnité d'assurance et en indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement du 31 août 2022, le tribunal judiciaire d'Amiens a :

- Condamné la SA Maaf assurances à payer à M. [O] [B] et à Mme [J] [H] épouse [B] la somme globale de 9 055,34 euros au titre de l'indemnité d'assurance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2021 jusqu'à complet paiement,

- Ordonné que les intérêts échus dus au moins pour une année entière produisent eux-mêmes intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2021,

- Débouté M. [O] [B] et Mme [J] [H] épouse [B] de leurs demandes de dommages et intérêts formées au titre de la résistance abusive et du préjudice de jouissance,

- Condamné la SA Maaf assurances à payer à M. [O] [B] et à Mme [J] [H] épouse [B] la somme globale de 1 800 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné la SA Maaf assurances aux dépens,

- Rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Par déclaration du 12 octobre 2022, la SA Maaf assurances a interjeté appel de cette décision.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 21 mars 2023 par lesquelles la SA Maaf assurances demande à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [B] et Mme [J] [H] épouse [B] de leurs demandes de dommages et intérêts formées au titre de la résistance abusive et du préjudice de jouissance,

Statuant à nouveau ;

- Dire et juger recevable et fondée la SA Maaf assurances à opposer une déchéance de garantie pour fausse déclaration intentionnelle,

- Dire et juger mal fondées les demandes et l'appel incident de M. [O] [B] et Mme [J] [H] [B] et les en débouter,

- Condamner M. [O] [B] et Mme [J] [H] [B] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir :

- que les intimés reconnaissent avoir déclaré comme valeur d'acquisition de la remorque qui leur aurait été volée le 2 juillet 2020 la somme de 10 000 euros et qu'il s'agit d'une fausse déclaration intentionnelle,

- que les intimés sont mal fondés à invoquer un préjudice de jouissance motivé par l'impossibilité d'exercer une activité de friterie alors même qu'ils ont indiqué avoir décidé de vendre la remorque friterie depuis juin 2020.

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 17 mars 2023 par lesquelles M. [O] [B] et Mme [J] [H] épouse [B] demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a débouté de leurs demandes de dommages et intérêts formées au titre de la résistance abusive et du préjudice de jouissance,

- le confirmer pour le surplus,

Et statuant à nouveau :

- Condamner la société Maaf assurances SA à leur payer la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- Condamner la société Maaf assurances SA à leur payer des dommages et intérêts au titre de la perte de jouissance du véhicule, à raison de 100 euros par mois, pour la période courant du 2 juillet 2020 jusqu'au jour du jugement à intervenir ;

- Condamner la société Maaf assurances SA au paiement de la somme 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la société Maaf assurances SA aux entiers dépens de l'instance.

Ils font valoir :

- que l'assureur n'apporte aucune preuve de leur mauvaise foi lors de la souscription du contrat,

- que la prime d'assurance afférente à la remorque a été calculée en considération de la valeur déclarée de 10 000 euros, que la prime d'assurance s'est donc appliquée à une valeur supérieure et ce en faveur de l'assureur,

- que l'assureur produit des conditions générales non datées et ne portant pas leur signature,

- que la stipulation présente dans le document intitulé « déclaration de sinistre » ne constitue pas une clause de déchéance accepté par eux avant la survenance du sinistre,

- que l'assureur résiste abusivement, qu'ils ont été privé de la jouissance de leur véhicule destiné à une activité de friterie.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits et moyens développés au soutien de leurs prétentions respectives.

La clôture a été prononcée le 27 septembre 2023 et l'affaire a été renvoyée pour être plaidée à l'audience du 23 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en paiement de l'indemnité d'assurance :

Il résulte des articles L. 112-2, L121-3, L113-8, L. 172-2 et R112-3 du code des assurances et des articles 1119 et 2274 du code civil que lorsqu'un contrat d'assurance a été consenti pour une somme supérieure à la valeur de la chose assurée, s'il y a eu dol ou fraude de l'une des parties, l'autre partie peut en demander la nullité et réclamer, en outre, des dommages et intérêts mais que s'il n'y a eu ni dol ni fraude, le contrat est valable jusqu'à concurrence de la valeur réelle des objets assurés, que la bonne foi est toujours présumée et que c'est à celui qui l'allègue de la prouver.

Les clauses des polices édictant des nullités, des déchéances ou des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents.

Avant la conclusion du contrat, l'assureur est tenu de remettre à l'assuré les pièces annexes ou une notice d'information sur le contrat qui décrit précisément les garanties assorties des déchéances et exclusions et le souscripteur doit attester par écrit de la date de remise de ces documents et de leur bonne réception. Les conditions générales invoquées par une partie n'ont effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées.

En cas de discordance entre des conditions générales et des conditions particulières, les secondes l'emportent sur les premières.

En l'espèce, il n'est pas contesté que Mme [J] [H] épouse [B], inscrite en qualité de commerçante au registre du commerce et des sociétés, a acquis de Mme [N] [V] la remorque litigieuse le 29 février 2020 au prix de 7 000 euros.

Le certificat de circulation administrative du véhicule a ensuite été établi le 20 avril 2020 au nom de son époux, M. [O] [B].

Les conditions particulières produites par la Maaf ne se réfèrent à aucunes conditions générales ni à aucune version applicable de ces dernières.

Elles n'attestent pas non plus d'une remise de conditions générales à Mme [B] ni de leur bonne réception.

Ainsi, la SA Maaf ne peut se prévaloir d'une clause de déchéance pour fausse déclaration intentionnelle portée aux conditions générales de son contrat alors qu'il n'est pas démontré que ces conditions générales aient été portées à la connaissance de Mme [B] ni qu'elles aient été acceptées par cette dernière.

Dès lors, seules les conditions particulières et les textes susvisés doivent régir les relations entre les parties.

La seule inexactitude de la déclaration initiale de Mme [B] concernant le prix d'achat de la remorque, qui n'est pas contestée, ne caractérise pas par elle-même la mauvaise foi de l'assurée.

Par ailleurs, la déclaration de sinistre, postérieure à la souscription du contrat et dépourvue d'indication de valeur, ne peut être assimilée à une fausse déclaration intentionnelle lors de la souscription.

Dans ces conditions, la SA Maaf échoue à apporter la preuve d'une fausse déclaration intentionnelle, d'un dol ou d'une fraude de la part de Mme [B] à l'occasion de la souscription du contrat, de sorte que sa garantie est due à son assurée.

Outre la remorque, son contenu professionnel de la remorque a été garanti dans la limite de 7 623 euros avec une franchise de 121 euros.

Les intimés justifient par la production de factures du contenu professionnel de la remorque aux valeurs suivantes :

- un réfrigérateur : 279,98 euros,

- un grill : 190,99 euros,

- des ustensiles et consommables de cuisine : 116,53 euros + 702,58 euros + 102,40 +783,86 euros.

Il en résulte un préjudice de contenu professionnel justifié de 2176,34 euros duquel il convient de soustraire la franchise de 121 euros convenue, soit un préjudice net de 2055,34 euros.

La valeur indemnisable de la remorque étant de 7 000 euros, le préjudice total des intimés s'élève à la somme de 9055,34 euros que la SA Maaf sera condamnée à leur payer selon le modalités fixées par la juridiction du premier degré et confirmées par la présente décision.

Sur le préjudice résultant de la privation de la jouissance de la remorque :

Comme le relève à juste titre la juridiction du premier degré, M. [O] [B], dans son attestation en date du 9 juillet 2020, a expressément indiqué que « début juin, nous avons mis la remorque en vente. J'ai eu des appels du coin du Nord-Pas-de-Calais, de ce fait j'ai décidé d'emmener la remorque sur le terrain privé de mes parents le 2 juillet. Je suis parti seul pour m'y rendre et y déposer la friterie ».

Dès lors, il est établi que les époux [B] n'entendaient plus exercer leur activité de friterie au moyen de la remorque, cette dernière ayant vocation à être entreposée dans l'attente de sa revente.

Ils ne subissent donc aucun préjudice de jouissance, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la résistance abusive de la Maaf :

L'exercice d'un droit ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi, ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, un tel comportement de la part de l'appelante n'est pas caractérisé de sorte que la demande des époux [B] doit être rejetée, le jugement étant confirmé en ce sens.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

La SA Maaf Assurances qui succombe sera condamnée aux dépens de l'appel.

L'équité commande de la condamner à payer à M. [O] [B] et à Mme [J] [H] épouse [B] la somme de 1 500 euros au titre des dispositions prévues par l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme en toutes ses dispositions la décision querellée,

Y ajoutant,

Condamne la SA Maaf Assurances à payer à Mme [J] [H] épouse [B] et à M. [O] [B] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA Maaf Assurances aux dépens de l'appel.

LA GREFFIERE P/ LA PRESIDENTE EMPECHEE