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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-9, 1 février 2024, n° 23/02427

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 23/02427

1 février 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-9

ARRÊT AU FOND

DU 01 FÉVRIER 2024

N° 2024/ 58

Rôle N° RG 23/02427 N° Portalis DBVB-V-B7H-BKZME

[B] [L]

C/

[N] [T] [I]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle GARNIER-SANTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juge de l'exécution d'AIX EN PROVENCE en date du 26 Janvier 2023 enregistré au répertoire général sous le n° 22/05246.

APPELANTE

Madame [B] [L]

née le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 4] (13)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

représentée et assistée par Me Isabelle GARNIER-SANTI de la SELARL GARNIER-SANTI, avocat au barreau D'AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [N] [T] [I]

né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 4] (13), demeurant [Adresse 3]

Signification de la DA, conclusions et avis de fixation le 29/03/23 à étude

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 13 Décembre 2023 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Evelyne THOMASSIN, Président, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Evelyne THOMASSIN, Président

Madame Pascale POCHIC, Conseiller

Monsieur Ambroise CATTEAU, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Josiane BOMEA.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024.

ARRÊT

Défaut,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Février 2024,

Signé par Madame Evelyne THOMASSIN, Président et Madame Josiane BOMEA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame [L] a fait diligenter à l'encontre de monsieur [T] [I], son ex-époux, par acte du 5 octobre 2022, un saisie attribution entre les mains de la Carpa d'[Localité 4] pour avoir paiement d'une somme de 56 852.57 euros en vertu de différentes décisions de justice à savoir ordonnance de non conciliation, jugements et arrêt en matière civile et pénale.

Cette mesure a été contestée devant le juge de l'exécution d'Aix en Provence, lequel par décision du 26 janvier 2023 a :

- déclaré la contestation recevable,

- débouté monsieur [T] [I] de ses demandes de nullité et de mainlevée de la mesure,

- dit prescrites les créances alimentaires antérieures au 5 octobre 2017,

- cantonné par périodes, les différentes sommes au titre des pensions, il est ici renvoyé au dispositif de la décision, pour un total de 38 045.80 euros outre les frais d'huissier de justice et les acomptes et versements à déduire,

- dit n'y avoir lieu à dommages et intérêts ou frais irrépétibles,

- condamné monsieur [T] [I] aux dépens.

Il retenait qu'une opposition à jugement correctionnel prononcé par défaut le 4 février 2021, avait eu pour effet de priver la décision de sa force exécutoire de sorte que les sommes qu'il avait arbitrées n'étaient plus exigibles soit 5 000 euros et 1 500 euros et retenait une prescription quinquennale des pensions alimentaires antérieures au 5 octobre 2017. Il rectifiait également le calcul des pensions alimentaires dues aux enfants communs, en écartant aussi, à défaut de signification justifiée de la décision du 1er juillet 2014, les montants réclamés sur ce titre.

La décision ainsi prononcée a été notifiée par voie postale par le greffe et madame [L] en a accusé réception par signature de l'accusé de réception le 30 janvier 2023. Elle a fait appel par déclaration au greffe de la cour le 10 février 2023.

Ses moyens et prétentions étant exposés dans des conclusions signifiées à monsieur [T] [I] le 29 mars 2023, au détail desquelles il est renvoyé, elle demande à la cour de

Vu les articles R 121-8 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu les articles L 211-11 et suivants du code des procédures civile d'exécution,

- Confirmer le jugement en ce que monsieur [T] [I] a été débouté de sa demande de nullité de la mesure de saisie-attribution pratiquée à son encontre le 5 octobre 2022 ainsi que de sa demande de mainlevée de la mesure de saisie,

- Infirmer le jugement en ce que les créances sollicitées au titre des pensions dues au titre de la contribution paternelle par monsieur [T] [I] antérieures au 5 octobre 2017 ont été jugées prescrites,

- Juger que les pensions antérieures au 5 Octobre 2017 ne sont pas prescrites,

- Infirmer le jugement rendu en ce que la saisie-attribution a été cantonnée à la somme de 38 045,80 euros outre les frais d'huissiers et les acomptes et versements directs à déduire,

A titre principal,

- Cantonner la saisie-attribution à la somme de 49 445,50 €,

A titre subsidiaire,

- Cantonner la saisie-attribution à la somme de 40 445,50 euros,

- Infirmer le Jugement rendu le 26 janvier 2023 en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts,

- Condamner monsieur [T] [I] au versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts,

- Infirmer le Jugement rendu le 26 janvier 2023 en ce qu'elle a été déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner monsieur [T] [I] au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de procédure engagée en première instance et d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en appel,

- Condamner monsieur [T] [I] aux entiers dépens.

Elle expose que différentes décisions sont intervenues dans le cadre de leur procédure de divorce, confirmé en son prononcé par un arrêt de la cour du 5 janvier 2021, mais que monsieur [T] [I] n'a jamais acquitté les contributions financières qui ont été mises à sa charge. Des jugements pour abandon de famille ont été rendus le 5 avril 2018, 4 février et 6 septembre 2021. Elle soutient que les créances qu'elle invoque sont exigibles et liquides car:

- L'ordonnance rendue le 1er juillet 2014 a régulièrement été signifiée suivant assignation en divorce délivrée le 6 mai 2016 (pièce n°12).

- Le jugement de divorce rendu le 3 juillet 2018 a régulièrement été signifié suivant acte d'huissier du 30 juillet 2018 (pièce n°13).

- L'arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence a, préalablement à la signification qui lui a été faite par madame [L] le 26 septembre 2022 été notifié par l'avocat de ce dernier suivant notification à avocat le (pièce n°14).

A la suite du jugement correctionnel du 6 juillet 2017, monsieur [T] [I] a procédé à trois réglements qui représentaient les pensions de juillet 2014 à décembre 2017 pour 42 mois. Par la saisie attribution, elle a poursuivi le paiement des pensions à compter de juillet 2018 de sorte que la prescription n'est pas acquise. Elle maintient que contrairement à ce qui a été retenu, le décompte des pensions dues est exact pour 49 445.50 euros qui figure à ses conclusions dans le détail ou à titre subsidiaire pour 40 445.50 €. Compte tenu de l'attitude de monsieur [T] [I], de sa résistance à honorer ses obligations et à organiser son insolvabilité, elle sollicite des dommages et intérêts.

Monsieur [T] [I] assigné le 29 mars 2023 par remise de l'acte à l'étude du commissaire de justice, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 novembre 2023.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Aux termes de l'article L211-1 du code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

L'article R211-1 du code des procédures civiles d'exécution énonce que la saisie attribution est faite par acte d'huissier de justice signifié et qui doit comporter certaines mentions, et selon l'article R211-3 du code des procédures civiles d'exécution, à peine de caducité, la saisie est dénoncée au débiteur par acte d'huissier également dans un délai de 8 jours.

En l'espèce, ainsi qu'exposé, madame [L] a fait pratiquer une saisie attribution entre les mains de la CARPA d'[Localité 4] en se prévalant de plusieurs titres exécutoires :

- une ordonnance de non conciliation du 1er juillet 2014,

- un jugement du tribunal d'Aix en Provence du 3 juillet 2016,

- un arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence du 5 janvier 2021,

- un jugement du tribunal correctionnel d'AIx en Provence du 4 février 2021.

La dénonciation de la saisie pratiquée le 5 octobre 2022 est intervenue, dès le lendemain 6 octobre par remise à l'étude.

Madame [L] et monsieur [T] [I] s'étaient unis par le mariage en 2007 et ont eu ensemble deux enfants [G], né en [Date naissance 5] et [H], née en [Date naissance 6].

Madame [L], produit aux débats,

* l'ordonnance de non conciliation du 1er juillet 2014 qui fixe à la charge du père une contribution de 200 euros par mois et par enfant, soit 400 euros par mois, signifiée le 6 mai 2016,

* le jugement de divorce du 3 juillet 2018 qui augmente cette contribution à 300 euros par mois et par enfant, soit 600 euros par mois, signifié le 30 juillet 2018,

* l'arrêt de la cour du 5 janvier 2021, infirmatif qui l'augmente encore à 450 euros par enfant, soit 900 euros par mois, signifié le 5 janvier 2021 à avocat,

* le jugement du tribunal correctionnel au titre d'un abandon de famille qui sur le plan civil alloue une indemnisation de 5 000 euros pour préjudice matériel et 1 500 euros pour préjudice moral mais qui le 4 février 2021 était prononcé par défaut et a fait l'objet d'une opposition de la part de monsieur [T] [I] .

Sur les pensions ainsi exigibles, a été versée, ce qui n'est pas remis en cause, une somme de 4 000 € par chèque du 16 août 2017, de 2 000 € par chèque du 24 août 2017 et du 6 mars 2018 de 10 700 € soit un total de 16 700 euros effectivement déduits sur l'acte de saisie attribution du 5 octobre 2022 établi par l'huissier de justice.

Madame [L] observe dans ses écritures que ces versements, correspondant à 42 mois, ont régularisé les pensions du mois de juillet 2014 au mois de décembre 2017, de sorte que la prescription qui a été retenue par le premier juge pour les réclamations antérieures au 5 octobre 2017 ne peut être admise et qu'il convient effectivement de réformer la décision de ce chef. Il y a en effet, par ces paiements, reconnaissance du droit de la créancière et effet interruptif de prescription.

Elle ne critique pas le fait que le jugement du tribunal correctionnel du 4 février 2021 n'ait pas été retenu par le juge de l'exécution pour fonder sa créance en raison de l'opposition dont il a fait l'objet qui le prive de son caractère exécutoire.

Concernant par contre la date à laquelle l'augmentation de la pension alimentaire doit être prise en compte, à la suite de l'arrêt infirmatif du 5 janvier 2021 qui en augmente le montant à 450€ par enfant, donc 900 € par mois, il sera retenu qu'en application des articles 542 et 561 du code de procédure civile, l'effet dévolutif de l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit statué en fait et en droit, de sorte que sans précision donnée, l'arrêt de la cour se substitue en cas d'infirmation, à la décision de première instance. (Cass 8 février 2005 n° 02-12406) et que si l'on met en oeuvre les pouvoirs du juge de l'exécution d'interpréter les titres exécutoires qui lui sont soumis lorsqu'ils sont ambigus ou discutés, cela 's'apprécie non pas isolément, ni même uniquement par rapport aux seules autres chefs de ce dispositif, mais en ayant également égard aux autres parties du jugement, y compris les motifs propres à éclairer le dispositif' (Cass 5 décembre 2019 n°18-23-358).

Or, en l'espèce les juges d'appel relevaient la particulière opacité de monsieur [T] [I] quant à sa situation financière, ce malgré sommation d'avoir à communiquer ses revenus pour les années 2015 à 2017, et l'existence pourtant de revenus confortables alors qu'il occupait une place de directeur général de société en Allemagne.

Il résulte donc du principe de l'effet dévolutif et de l'interprétation à donner à l'arrêt du 5 janvier 2021, que la pension alimentaire fixée doit être substituée à celle prononcée en première instance, de sorte que la réclamation de madame [L] est justifiée et que le cantonnement de la saisie attribution sera limité à la somme de 49 445.50 euros, comme elle le sollicite dans ses écritures au titre des pensions alimentaires jusqu'en septembre 2022 outre de 72,29 €, 426,60 € et frais à prévoir, mentionnés à l'acte de 278.18 € soit globalement la somme de 50 222,57 euros.

Le dossier révèle une véritable et farouche résistance de monsieur [T] [I] à s'acquitter des pensions alimentaires pour ses enfants, ce comportement fautif justifie l'allocation de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de madame [L] les frais irrépétibles engagés dans l'instance d'appel, une somme de 2 500 euros lui sera allouée de ce chef, le rejet de ce chef en première instance étant confirmé.

La partie perdante supporte les dépens, ils seront à la charge de monsieur [T] [I] qui succombe en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant par décision de défaut, mise à disposition au greffe,

CONFIRME la décision du juge de l'exécution d'Aix en Provence du 26 janvier 2023 sauf en ce qui concerne le montant du cantonnement et la demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

CANTONNE la saisie attribution pratiquée le 5 octobre 2022 entre les mains de la Carpa, au titre des pensions alimentaires pour les enfants communs, jusqu'en septembre 2022 à la somme de 49 445.50 euros en principal, outre 777,07 euros de frais donc un montant total, frais inclus de 50 222,57 €,

CONDAMNE monsieur [T] [I] à payer à madame [L] une somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

CONDAMNE monsieur [T] [I] à payer à madame [L] 2500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel,

CONDAMNE monsieur [T] [I] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE